RAPPORT SUR LAPPLICATION DE LA LOI N° 94-654 DU 29 JUILLET
1994 M. Alain CLAEYS, Député et M. Claude HURIET, Sénateur Table des matières Introduction * Première partie : Observations générales *
Deuxième partie : Don et utilisation des éléments
Troisième partie : Lassistance médicale à la procréation et le diagnostic prénatal *
Conclusion * Examen du rapport par lOffice * Larticle 21 de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à lutilisation des éléments et produits du corps humain, à lassistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, avait donné compétence à lOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques pour procéder à une évaluation de son application avant que cette loi ne fasse lobjet dun nouvel examen par le Parlement dans un délai de cinq ans après son entrée en vigueur. Pour la première fois, lOffice se trouvait saisi par le législateur lui-même dune mission dévaluation. Loriginalité de cette saisine par rapport aux conditions habituelles dexercice de sa mission na pas été sans conséquences sur les modalités selon lesquelles a été conduite notre étude. 1) Le champ de lévaluation Létude devait être centrée sur la loi n° 94-654. Cependant, la démarche globale adoptée par le législateur lui-même en 1994 et les évidentes complémentarités unissant le texte dont nous étions saisis et la loi n° 94-653 relative au respect du corps humain conduisaient à sécarter dune appréciation trop " sectorielle ". LOffice nous en ayant laissé la latitude, nous avons même jugé utile de consacrer, au-delà du bloc législatif de 1994, quelques auditions aux problèmes que pose aux chercheurs lapplication de la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales. Evaluer lapplication de la loi consistait dabord à apprécier ses conditions de mise en uvre, à relever les obstacles rencontrés et à vérifier ladéquation des règles aux objectifs visés. Mais cela nous conduisait aussi à replacer les normes juridiques dans lévolution des connaissances et des techniques afin de mesurer leur capacité dadaptation à cette dernière et les risques éventuels dobsolescence, puisque cette préoccupation fondait en grande partie la démarche adoptée par le législateur de 1994. Lampleur des bouleversements scientifiques qui se sont produits depuis cinq ans montre que cette précaution était sage et incitera sans doute à pérenniser le principe dune révision périodique dont le rythme reste à déterminer. La loi devait être également replacée dans son environnement international. On peut souligner, sans faire preuve dun esprit cocardier, que la construction législative engagée en 1988 et poursuivie en 1994 allait bien au delà des dispositions prises par dautres pays et quelle a pu inspirer la rédaction de la Convention européenne sur les droits de lhomme et la biomédecine signée à Oviedo en 1996 et de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de lhomme adoptée par lAssemblée générale des Nations-Unies en décembre 1998. Ces avancées très positives ne doivent pas conduire à ignorer la disparité des réponses qui peuvent être données dun Etat à lautre à des questions aussi essentielles que le clonage humain, la brevetabilité du génome, la recherche sur lembryon ou lutilisation des tests génétiques. La recherche na pas de frontières et le législateur ne peut se satisfaire dun " splendide isolement " sil veut conférer une réelle efficacité aux règles édictées à léchelon national. 2) La méthode Lobjectif de notre étude nétait pas de préjuger les choix futurs du législateur mais déclairer la réflexion des commissions parlementaires qui prépareront lexamen en séance plénière du projet de loi présenté par le Gouvernement. Cest dire quon trouvera dans ce rapport plus dinterrogations que de réponses. Dans certains cas, des solutions ont pu être suggérées. Dans dautres notamment pour ce qui concerne la recherche sur lembryon in vitro- nous nous en sommes tenus à une présentation des positions en présence et des différentes voies qui peuvent être empruntées. Aller plus loin eût été outrepasser notre rôle. Nous nous sommes appuyés, pour mener à bien ce travail, sur deux sources dinformation :
Nous tenons enfin à exprimer nos remerciements aux trois experts qui nous ont apporté le concours de leur compétence éclairée tout au long de ce travail : M. Claude GRISCELLI, directeur général de lINSERM, le docteur Laurence ESTERLE, responsable du service des programmes de lINSERM, et M. Jean-Pierre DUPRAT, professeur de droit public à lUniversité Montesquieu-Bordeaux IV. Première partie : On exposera ici, outre un bilan de lapplication réglementaire de la loi, un certain nombre de remarques synthétisant des constatations développées dans les deux autres parties du rapport.
La parution tardive des textes réglementaires conditionnant lapplication des lois constitue un mal récurrent sur lequel les parlementaires interpellent régulièrement le pouvoir exécutif et dont les spécialistes de la science administrative font volontiers un sujet détude. Il est vrai que le législateur contribue lui-même à lentretenir en imposant trop systématiquement lexigence dun décret en Conseil dEtat pour des dispositions qui se satisferaient dune place moins élevée dans la hiérarchie des normes administratives. Mais il convient de remarquer que ces effets dilatoires sont particulièrement préjudiciables lorsquils sappliquent à un texte dont la longévité a été volontairement réduite afin que son efficacité puisse être appréciée au terme de cinq années dapplication et avant une remise sur le métier. Sur certains points, comme on le verra, tout véritable travail dévaluation savère impossible, soit que la loi vienne tout juste dêtre effectivement mise en uvre, soit quelle nait encore trouvé aucun commencement dexécution. Cet inconvénient mérite dêtre souligné compte tenu de la tendance de plus en plus fréquente, et dans son principe parfaitement justifiée, visant à soumettre les textes législatifs à des révisions périodiques lorsquils sappliquent à des matières scientifiques et techniques sujettes à des bouleversements rapides. Les tableaux ci-après dressent létat de la mise en application réglementaire pour chacun des chapitres de la loi 94-654 du 29 juillet 1994. DON ET UTILISATION DES ÉLÉMENTS ET PRODUITS A - Textes publiés (par ordre chronologique)
B - Textes en attente
Cf., en outre, les décrets d'application des articles
L 676-2, L 676-3 et L 676-6 ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION (AMP) A - Textes publiés (par ordre chronologique)
B - Texte en attente
DIAGNOSTIC PRÉNATAL (DPN) Textes publiés (par ordre chronologique)
(Textes en attente : néant) MÉDECINE PRÉDICTIVE ET IDENTIFICATION GÉNÉTIQUE Texte publié
(Textes en attente : néant) Voir cependant le décret d'application de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 qui doit préciser les conditions de prescription et de réalisation des tests. COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL D'ÉTHIQUE Texte publié
(Textes en attente : néant) Plusieurs constats simposent à la lecture de ces tableaux. Sagissant de la partie " greffes " de la loi, plusieurs décrets essentiels pour sa mise en uvre (autorisation des établissements, registre des refus, règles de sécurité sanitaire) ont subi un retard variant entre 32 et 39 mois. Linstallation du registre des refus na été effective quau début de lété 1998. Restent par ailleurs en souffrance les dispositions relatives au remboursement des frais engagés par les donneurs et la réglementation applicable aux activités de greffe de tissus et cellules, dune part, de conservation, transformation, distribution, cession, importation et exportation de tissus et cellules, dautre part. Il convient en outre de souligner le blocage qui affecte la mise en uvre des dispositions relatives aux thérapies géniques et cellulaires, primitivement renvoyées au pouvoir réglementaire par la loi de 1994 puis insérées dans la loi du 28 mai 1996 portant diverses mesures dordre sanitaire, social et statutaire. Plus de 32 mois après la promulgation de ce texte, les procédures dautorisation des établissements ou organismes, dautorisation des produits de thérapie génique et cellulaire et les protocoles dessai des thérapies géniques sont toujours suspendus à la parution des décrets dapplication. Dans le domaine de lassistance médicale à la procréation et du diagnostic prénatal, les retards ont été beaucoup moins sensibles pour ce qui touche à lorganisation et au fonctionnement des structures dAMP, les difficultés venant ici davantage, comme on lanalysera plus loin, des conditions dans lesquelles ont été délivrés les autorisations et les agréments. Sur deux points essentiels, cependant, la loi na pu être mise en uvre que très tardivement :
En ce qui concerne, enfin, les dispositions relatives à la médecine prédictive, à lidentification génétique et à la recherche génétique, le décret du 6 février 1997 a bien fixé les conditions dagrément des personnes habilitées à pratiquer les tests, mais la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions dordre social a ensuite renvoyé les conditions de prescription et de réalisation des tests à un texte réglementaire qui nest pas encore paru et toute évaluation de la loi est donc sur ce point impossible. La Direction générale de la santé souligne que les retards, parfois considérables, qui ont affecté la parution des textes dapplication ne tiennent pas à des problèmes dordre éthique mais à des difficultés techniques, notamment pour la partie de la loi relative aux dons dorganes. Ces textes abordaient des champs nouveaux nécessitant le recours à une expertise médico-scientifique afin d'en garantir l'adéquation à la science et l'applicabilité. C'était notamment le cas pour les banques de tissus, activité mal connue impliquant une reconnaissance du terrain avec le concours de l'EFG et une inspection des services déconcentrés précédée d'une formation des personnels. L'expertise n'a pu être mise en uvre qu'après l'installation du Conseil médical et scientifique de l'EFG. Pour certains textes, l'élaboration des règles de bonne pratique devait précéder la parution du décret d'application. Pour d'autres (constat de la mort, registre des refus, banques de tissus, thérapie cellulaire, médecine prédictive), une coordination devait s'établir entre plusieurs centres d'expertise. Certaines dispositions de la loi sont d'une particulière complexité :
Certaines dispositions posent des problèmes d'interprétation : ainsi en va-t-il des règles touchant le consentement applicable aux prélèvements post mortem. L'abondance des textes d'application à élaborer (32 au total) contraste avec les moyens limités en personnel de la DGS (2 fonctionnaires du cadre A, effectif récemment porté à 3). Il a donc fallu établir un ordre de priorités tenant compte de la mise en place des structures de conservation (soumises à l'agrément de la CNMBRDP), sachant par ailleurs que les textes existant dans le cadre de la législation antérieure permettaient dans certains cas de parer au risque de vide juridique. On ajoutera à ces diverses explications les effets " en cascade " qua produits la perspective, jugée proche à partir dune certaine date, de nouvelles dispositions législatives. Ainsi a-t-on retardé la mise au point des décrets relatifs à la vigilance dune part, au régime des cellules dautre part, jusquà ladoption de la loi du 1er juillet 1998 sur la sécurité sanitaire.
Si la méthode globale adoptée par le législateur en 1994 na pas conduit à instaurer une hiérarchie entre les lois n° 653 et 654, puisquun certain nombre de règles fondamentales se trouvent énoncées dans lune et lautre, la seconde nen a pas moins eu pour fonction essentielle de traduire " techniquement " dans le Code de la santé publique les principes que la première avait inscrits dans le Code civil. La pratique a révélé un certain nombre de décalages résultant du contenu même de la loi ou de ses modalités dapplication. Tout en consacrant ce principe fondamental, la loi n° 654 y a apporté, pour des raisons pratiques, une atténuation en soumettant à la règle du consentement présumé la plupart des prélèvements dorganes sur personnes décédées. Cette présomption na véritablement de sens que si le public en est correctement informé. Or, les actions en ce domaine restent encore trop limitées. Le champ dapplication de ce consentement présumé na pas été clairement précisé par la loi, dont les difficultés dinterprétation ont compliqué lélaboration des textes dapplication. Il sera sans doute nécessaire de distinguer plus nettement le régime des autopsies, celui des prélèvements à visée thérapeutique et celui des prélèvements à visée scientifique. Le principe du consentement na pas été formellement appliqué aux résidus opératoires ni, fait plus préoccupant encore, aux prélèvements sur embryons et ftus morts qui se trouvent ainsi placés à cet égard dans une sorte de " no mans land juridique ". Dans certains cas, le décret a dû pallier les omissions de la loi pour organiser une information complète du patient, préalable indispensable à un consentement éclairé : tel a été le cas pour la pratique du diagnostic prénatal. Comme le relève le rapport du Conseil dEtat pour 1998, la jurisprudence a seule traité, de façon parfois discutable, certaines situations ignorées par le législateur : expérimentations sur un patient décédé, identification génétique post mortem. Le point problématique dapplication de ce principe concerne, évidemment, le sort réservé à lembryon in vitro. Tout en entourant celui-ci dun certain nombre de protections, la loi na pas été jusquà lui conférer un véritable statut et il existe aujourdhui une tension non résolue entre le respect dû à ce " projet de personne " (selon la formule du professeur Axel KAHN) et les attentes de la recherche, elles-mêmes avivées par les nouvelles perspectives thérapeutiques que laisse entrevoir lutilisation des cellules embryonnaires. Cest lune des questions essentielles que devra aborder le législateur à loccasion de la révision des dispositions concernant lassistance médicale à la procréation, question dautant plus difficile que pèsera sur le débat lexistence dun nombre élevé dembryons congelés et privés aujourdhui de tout projet parental. Lattention portée à lembryon in vitro a laissé, dautre part, en arrière-plan le problème non moins préoccupant de la situation juridique du ftus, ignoré par la loi de 1994. Le Comité consultatif national déthique (avis du 25 juin 1998) souhaite que soient examinées les conséquences de cette lacune législative tant en matière dautopsie et de recherche quau regard de la situation sociale, médicale et économique de la mère. On ajoutera quen létat actuel du droit, la réanimation natale constitue pour le médecin une obligation stricte qui ne peut être levée en cas de risque de malformation grave ou de nécessité thérapeutique, contrairement aux dispositions applicables à linterruption médicale de grossesse. Prohibant leugénisme positif qui vise à sélectionner des êtres conformes à des normes, la loi autorise leugénisme négatif destiné à éviter " les manifestations indésirables du vivant " . Le recours au diagnostic préimplantatoire entre bien dans cette préoccupation. Une contradiction est cependant créée par la loi elle-même entre les cas où il peut être pratiqué (risque de maladie génétique reconnue comme incurable au moment du diagnostic) et lobjectif thérapeutique qui lui est fixé (prévenir et traiter). La prévention ne conduit-elle pas nécessairement à lélimination des embryons jugés " anormaux " ? Dans le domaine de lassistance médicale à la procréation, de nombreux praticiens soulignent linsuffisance des mesures appliquées et la nécessité dune réglementation plus stricte concernant notamment les substances et préparations utilisées. On pourrait souhaiter, selon le professeur JOUANNET, une meilleure insertion de lAMP dans lorganisation générale des soins utilisant des cellules dorigine humaine, quelles soient données ou non, et de la sécurité sanitaire . En matière de greffes, la pénurie actuelle de greffons conduit à des prélèvements dorganes ne présentant pas toutes les garanties sur le plan fonctionnel et sanitaire. Le décret du 9 octobre 1997 pris pour lapplication de larticle L 665-15 du Code de la santé publique a dailleurs permis au médecin utilisateur de déroger à linterdiction de la greffe en cas durgence vitale pour le malade. Les règles habituelles de sécurité sanitaire peuvent alors être mises en échec dans le cadre dune sorte de bilan coûts-avantages de la transplantation particulièrement délicat à effectuer. Cette notion de " bénéfice-risque " ne mériterait-elle pas dêtre inscrite clairement dans la loi ? En tout état de cause, linformation du receveur sur les risques devrait être renforcée et les responsabilités des choix médicaux clairement définies.
La définition des techniques dassistance médicale à la procréation établie par larticle L 152-1 du Code de la santé publique était volontairement très large afin denglober les méthodes qui se mettraient en place ultérieurement. Elle a ainsi permis à la pratique de lICSI (fécondation par injection intracytoplasmique dun spermatozoïde), encore expérimentale en 1994, de se développer si rapidement quelle représente aujourdhui 40 % des fécondations in vitro réalisées annuellement. Cette souplesse favorise assurément lessor des progrès thérapeutiques. Elle pose toutefois quelques problèmes touchant labsence dexpérimentation préalable à la mise en uvre de techniques innovantes. Bien que linquiétante perspective du clonage humain à visée reproductive ne fût pas encore discernable en 1994, la loi lavait, par avance, implicitement condamné en proscrivant toute pratique eugéniste tendant à transformer les gènes dans le but de modifier la descendance de la personne. Par delà linterdiction explicite et solennelle quil pourrait néanmoins juger souhaitable de formuler, le législateur devra sans doute sinterroger sur les règles auxquelles il conviendra de soumettre le clonage cellulaire à but thérapeutique. Dans le domaine des greffes, certaines évolutions, certes moins fondamentales, nont pu, en revanche, être prises en compte par la législation et nécessiteraient quelques adaptations : ainsi en va-t-il de la greffe du cur en domino et du prélèvement des cellules souches hématopoïétiques dans le sang périphérique. De même, la mise en évidence récente du rôle limité que joue lhistocompatibilité dans la réussite de la greffe avec donneur vivant pourrait fournir un argument scientifique à lélargissement du cercle des donneurs. Mais il ne sagit là que de retouches ne remettant pas en cause léconomie générale des règles applicables à la transplantation. Il conviendra, en outre, dexaminer lopportunité dun encadrement juridique des xénogreffes, qui sont encore dans une phase expérimentale et ont été assujetties à des exigences de sécurité sanitaire par la loi du 1er juillet 1998.
La mise en uvre des activités dAMP repose sur un système dagrément des praticiens et dautorisation des établissements dans lequel les médecins inspecteurs des DDASS et la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP) jouent un rôle fondamental dinstruction des dossiers, préalablement à la décision prise par le ministre chargé de la Santé. Le système actuel, qui ne donne pas à la CNMBRDP les moyens dexercer efficacement sa mission, constitue, selon MM. François STASSE et Frédéric SALAT-BAROUX, " le modèle de ce quil ne faut pas faire " . La Commission dresse elle-même, dans le premier rapport quelle a publié en 1997, un tableau éloquent des difficultés rencontrées dans lexamen des 926 dossiers de demandes dautorisation quelle a dû examiner au cours de la seule année 1996. Ses avis sappuient, en principe, sur les rapports établis par les médecins inspecteurs qui doivent par ailleurs lassister pour le suivi et lévaluation du fonctionnement des établissements et laboratoires autorisés. Or, ce soutien logistique est, à lheure actuelle, notoirement insuffisant, tant quantitativement que qualitativement, les DDASS reconnaissant elles-mêmes linsuffisante formation et la disponibilité limitée de leurs personnels pour accomplir ce type de tâche. Il est, dautre part, frappant quon puisse lire dans ce même rapport : " Après le travail considérable danalyse de dossiers effectué, la commission souhaite que les sanctions pénales prévues par la loi soient appliquées quand il est constaté que des activités se poursuivent sans autorisation ." Lexercice des poursuites relève du ministère public qui doit compter, pour être informé, sur les contrôles des médecins inspecteurs et lon retrouve ici les faiblesses du dispositif que nous venons dévoquer. Les sanctions édictées par le législateur nécessitent, pour être crédibles, un renforcement des moyens dinspection et de contrôle permettant la constatation des infractions. Deuxième partie :
Au moment ou s'élaborent les lois dites de bioéthique, le législateur se trouve placé devant une situation paradoxale, caractérisée par l'émergence de deux phénomènes contradictoires. D'un côté, l'efficacité thérapeutique des greffes n'a cessé de s'affirmer grâce aux progrès des techniques et des traitements immunosuppresseurs. La transplantation a connu, de ce fait, un essor spectaculaire, passant de 685 greffes d'organes en 1980 à 3 512 en 1990. De l'autre, la poursuite de cette progression s'est trouvée freinée dans les années qui suivent par la raréfaction des greffons disponibles : de 1990 à 1994, les prélèvements régressent de 30 % pour les cornées et de 20 % pour les organes. Les origines de cette situation ont été identifiées mais il convient d'y revenir rapidement pour éclairer la démarche du législateur. Les causes structurelles (insuffisances de la législation en vigueur) ont été aggravées par des facteurs conjoncturels. Le caractère parcellaire de cette législation résultait de la coexistence de deux textes : la loi Lafay de 1949, qui encadrait le don de cornées, avait posé l'exigence d'une démarche volontaire du donneur alors que la loi Caillavet de 1976 avait institué, pour le don d'organes, la règle du consentement présumé. Jouant sur ce dualisme à l'occasion de pluriprélèvements, certains praticiens avaient ainsi cru pouvoir se dispenser d'un consentement explicite, comme ce fut le cas en 1991 dans l'affaire d'Amiens. Juridiquement condamnables, ces pratiques avaient débouché sur des procès générateurs dans l'opinion d'un malaise que les hésitations des pouvoirs publics n'ont pas contribué à dissiper. Quant aux lacunes, elles tenaient à l'imprécision de la loi Caillavet dont le champ d'application, limité aux organes dans l'intention primitive de ses auteurs, avait pu être considéré comme s'étendant aux tissus et cellules puisque le texte ne visait que les " prélèvements " sans autre précision. Cette applicabilité incertaine laissait en fait le champ libre à des pratiques non encadrées telles que le prélèvement de tissus sur cadavres dans les dépôts mortuaires. De plus, la loi n'avait pas fixé le mode d'expression des refus, omission ultérieurement réparée par voie réglementaire. Enfin, les établissements assurant la transformation, la conservation et la distribution de tissus d'origine humaine n'étaient assujettis à aucune autorisation ni même à aucune obligation de déclaration et s'étaient, de ce fait, multipliés, souvent dans une grande confusion, parfois pour leur plus grand profit. Les ambiguïtés d'une législation dont la portée était grevée de quelques imprécisions ont pu favoriser le développement dans l'opinion d'un sentiment de scepticisme sur les finalités réelles du don d'organes, voire d'une suspicion touchant les pratiques illicites qui pourraient entourer une activité médicale dont l'intérêt thérapeutique n'était pourtant pas contestable. Ce climat psychologique défavorable fut encore aggravé par le drame du sang contaminé, qui accrédita la prévalence des considérations économiques sur les impératifs de santé publique. La loi n° 654, qui s'appuie sur les principes généraux inscrits dans le Code civil par la loi n° 653 et régit désormais l'ensemble des activités ayant recours à des éléments ou des produits du corps humain, a donc eu pour objet, par la mise en place d'un encadrement juridique approprié, de restaurer entre les praticiens de la transplantation et le corps social la relation de confiance sans laquelle les actions de promotion seraient impuissantes à mettre en jeu les mécanismes de solidarité. Selon la formule lapidaire de M. Christian BYK, " il fallait empêcher que les transplanteurs d'aujourd'hui soient associés aux voleurs de cadavres d'hier " . A l'appui de cet objectif général, quatre objectifs particuliers devraient être atteints grâce à la nouvelle législation de la transplantation :
La tension croissante entre la demande et l'offre de greffons alimente précisément ce risque de mercantilisme. La loi n° 653 a inscrit dans l'article 16-1 du Code civil le principe de non-patrimonialité du corps humain, de ses éléments et de ses produits. Comme l'avait souligné, dans son rapport, le professeur MATTEI, la défense de ce principe " constitue l'un des aspects modernes de la mission civilisatrice de la France. Elle tente, par suite, de faire triompher cette idée contre le mercantilisme de la société industrielle. Il n'est pas dans la tradition française de considérer les parties du corps comme une marchandise. " Il revenait à la loi n° 654 de donner, dans le Code de la santé publique, une traduction concrète à ce principe. On rappellera ci-après l'essentiel de ces dispositions :
Il n'y a pas eu ici rupture avec la législation antérieure mais volonté de mettre en place des règles plus contraignantes permettant de respecter la volonté des donneurs et d'en faciliter l'expression. Le problème ne se posait évidemment pas dans les mêmes termes pour les prélèvements in vivo et les dons post mortem qui sont, il faut le rappeler, à l'origine de 95 % des transplantations. 1) S'agissant du donneur vivant, l'exigence d'un consentement écrit devant le juge a été imposée quelle que soit la nature (régénérable ou non régénérable) de l'organe, et l'obligation d'une information préalable a été inscrite dans la loi. 2) S'agissant des prélèvements post mortem, le législateur n'a pas voulu, par pragmatisme, remettre en cause la présomption du consentement mais il en a limité les aspects les plus controversés en restreignant, d'une part, le champ d'application de la présomption et en élargissant, d'autre part, les modalités d'opposition. La présomption a été écartée dans deux situations :
Les modalités d'expression du refus ont été facilitées : sans dire explicitement, comme la loi antérieure, que le refus peut être exprimé par tout moyen, le texte de 1994 a institué, pour en faciliter la connaissance, un registre automatisé sur lequel le refus peut être exprimé. Comme le soulignaient les travaux préparatoires, l'efficacité de ce registre dépend, dans une large mesure, non seulement de ses moyens techniques d'accès et de fonctionnement, mais surtout de l'information de la population qu'il incombe au Gouvernement d'organiser. Par ailleurs, un rôle éminent demeure dévolu à la famille, dont le médecin doit s'efforcer de recueillir le témoignage lorsqu'il n'a pas eu directement connaissance de la volonté du défunt.
La loi de 1994 s'appuie pour ce faire, en les complétant, sur des dispositions édictées par des textes antérieurs. L'établissement français des greffes, créé par la loi du 18 janvier 1994 pour mettre fin aux dysfonctionnements constatés notamment par un rapport de l'IGAS de 1992, succède, avec des moyens renforcés, à l'association France-Transplant. Il doit soumettre à homologation ministérielle les règles de répartition et d'attribution des greffons. Il est chargé de la gestion d'une liste nationale des patients en attente de greffe et de l'attribution des greffons disponibles aux personnes inscrites sur cette liste. A ce titre, il doit organiser une répartition rationnelle et arbitrer, non seulement entre les malades en attente de greffe, mais aussi entre les équipes médicales en concurrence pour développer l'activité de transplantation dans leurs services hospitaliers. Le régime d'autorisation des établissements a été organisé en fonction de deux objectifs :
Le drame de la contamination des produits sanguins par le virus du Sida et, plus récemment, le développement de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez des enfants ayant subi un traitement à base d'hormones de croissance d'origine humaine illustrent l'importance des règles de sécurité sanitaire qui doivent s'imposer dans l'usage de produits d'origine humaine. En ce domaine, le législateur de 1994 a posé des règles (tests de dépistage, vigilance) dont les modalités d'application devaient être précisées par décret. S'agissant des prélèvements de tissus ou cellules post mortem, il n'a pas cru devoir les interdire en dépit des risques de contamination difficiles à prévenir mais a confié, là encore, au pouvoir réglementaire le soin de fixer les situations médicales où ils pourraient être autorisés. Complémentairement, la loi du 28 mai 1996 a renforcé les dispositions introduites en 1994 dans le Code de la santé publique en permettant, par arrêté, au ministre chargé de la Santé de restreindre, suspendre ou interdire la transformation, l'exportation, la cession ou l'utilisation d'un élément ou produit du corps humain.
Tableau 1 : Evolution des prélèvements
Tableau 2 : Evolution de l'opposition au prélèvement chez les sujets en état de mort encéphalique recensés, chez lesquels aucun obstacle médical ou logistique n'a été observé
Tableau 3 : Evolution des différents modes d'opposition (en %)
Observations :
Tableau 4 : Nombre de patients inscrits en attente de greffes d'organes au 31 décembre de chaque année
Tableau 5 : Evolution du nombre de nouveaux patients inscrits chaque année en attente d'une greffe
Tableau 6 : Durée d'attente moyenne (en mois) en fonction du groupe sanguin des patients de moins de 16 ans inscrits à partir du 1er janvier 1992
Observations : L'évolution est globalement positive mais recouvre des situations inégales. La nette diminution des attentes de cur et de foie contraste, en effet, avec le grave déficit du programme de transplantation rénale reflété par des durées d'attente deux à trois fois supérieures à celles qui sont constatées pour les autres types de greffes. Il faut toutefois noter qu'il existe, pour les greffes de rein, des moyens de suppléance tels que la dialyse. La plus ou moins grande rareté du groupe sanguin auquel appartient le receveur influe évidemment sur la durée dattente. Tableau 7 : Evolution du nombre de greffes pratiquées selon le type d'organe
Tableau 8 : Taux de survie après transplantation en % (période de greffe : 1992-1996)
Observations : Stable pour les greffes hépatiques et rénales, le nombre des transplantations est en régression pour les greffes cardiaques, cardio-pulmonaires et pulmonaires (tableau 7). L'activité de transplantation pulmonaire représente 1,2 greffe par million d'habitants, chiffre nettement inférieur à l'activité des pays du nord de l'Europe (1,7/million pour la zone Eurotransplant, 2,6 pour les pays scandinaves, 2,7 pour la Grande-Bretagne). Selon l'EFG, " la modification des indications, la diminution du nombre des greffons de bonne qualité et l'apparition de problèmes logistiques au niveau de plusieurs équipes de greffe sont les explications habituellement avancées pour expliquer la persistance du faible nombre de ces types de greffes. " Il serait intéressant de connaître la part respective de ces différents facteurs. Il faut, dautre part, souligner la situation spécifique de la greffe de reins où le taux de survie du greffon, dune part, et du receveur, dautre part, doivent être nettement dissociés en raison des ressources offertes par la dialyse. Tableau 9 : Pourcentage de greffons provenant de donneurs vivants apparentés (DVA)
Observations : Le pourcentage de greffons prélevés sur donneurs vivants apparentés, en légère progression pour les greffes hépatiques, reste stable pour les greffes rénales (autour de 4 %), ce qui représente 1 transplantation par million d'habitants. A titre de comparaison, ce rapport est de 6,1 pour la Suisse, 9,1 pour la Scandinavie et 13,3 pour les Etats-Unis. On s'en tiendra ici aux données relatives aux greffes allogéniques tout en soulignant qu'elles ne représentent que le quart de l'activité de transplantation dans ce domaine : en 1996, sur un total de 3 042 malades, 2 379 ont bénéficié d'injections de cellules souches autologues et 663 ont reçu 685 allogreffes réalisées dans 35 centres. Tableau 1 : Evolution du nombre d'allogreffes de CSH
Tableau 2 : Registre des patients en attente d'allogreffe non apparentée de CSH
Observations : Plus de 20 % des allogreffes ont pu, en 1997, être réalisées en utilisant des donneurs non apparentés (tableau 1). Ceci confirme l'efficacité des fichiers de donneurs volontaires (4 millions dans le monde, 85 000 en France). 71 des 134 greffes réalisées en 1996 proviennent de donneurs des fichiers internationaux. S'agissant de la liste d'attente, comme l'a souligné le professeur Jean-Pierre JOUET, cette notion est plus floue en matière de CSH qu'en matière de greffe d'organes " solides ". En effet, en théorie du moins, tout patient présentant une maladie maligne sensible à la chimiothérapie est susceptible, in fine, de bénéficier un jour d'une greffe de CSH. Il faudrait donc, en respectant la loi, inscrire un grand nombre de patients souffrant de maladies hématologiques et de tumeurs solides. En tout état de cause, la liste d'attente ne se justifie que pour les patients qui n'ont pas un donneur familial HLA identique et pour lesquels il faut donc s'assurer de l'égalité des chances. Quant à l'origine des cellules injectées, elle se répartit comme suit en 1997 :
L'importance croissante jouée par les prélèvements de cellules provenant du sang périphérique se confirme. Ce type de prélèvement nécessite l'administration préalable au donneur de facteurs de croissance, technique qui revêt encore un caractère expérimental.
Evolution des activités de prélèvement, d'importation et de greffe entre 1991 et 1996
Observations : L'allogreffe de cornée, après une chute en 1992 et en 1993, suivie d'une certaine stabilité, est en augmentation depuis 1996. Le nombre de cornées prélevées est également en nette progression par rapport aux années 1992 et 1993. L'ensemble de ces activités est essentiellement concentré dans les établissements publics (94 % pour les prélèvements, 83 % pour les greffes). L'importation a fortement augmenté en 1997 ; elle est essentiellement le fait d'établissements privés (pour 92 %) qui n'ont sans doute accès ni au site de prélèvement ni au site de conservation. L'activité de prélèvement et les importations ne permettent pas de faire face aux besoins actuels, et ce d'autant que l'exigence de critères de qualité fait écarter de la greffe un pourcentage non négligeable de prélèvements (26 % en 1995, 22 % en 1996, 32 % en 1997). L'estimation du nombre de patients en attente rapporté par les praticiens est de 8 303 en 1997. L'objectif de l'EFG est de ne plus avoir aucun patient en attente plus de quelques semaines d'ici l'an 2000. Volume d'activité de conservation de tissus humains (nombre ou surface de greffons) en 1996 et 1997
* calcul au 31/12/1997 Observations : Les têtes fémorales dominent nettement, du point de vue quantitatif, l'activité de prélèvement, de conservation et de greffe tissulaire. Les centres des établissements de santé sont plus souvent engagés dans la conservation d'un seul type de tissu, comparativement aux établissements de transfusion sanguine qui conservent souvent plusieurs types de tissus et prennent en charge une part importante de la conservation des artères, de la peau et des valves cardiaques. Les établissements de santé publics sont surtout engagés dans la conservation des cornées et des tissus osseux. Les centres de conservation privés sont engagés dans la conservation d'un seul type de tissus avec un volume d'activité important (têtes fémorales et veines).
Rompant, pour les motifs précédemment évoqués, avec le libéralisme relatif du droit antérieur, le législateur de 1994 a conféré au don entre vifs un caractère subsidiaire par rapport à la transplantation avec donneur cadavérique. Ce principe de subsidiarité n'est pas expressément inscrit dans les textes à la différence de la Convention européenne sur les droits de l'homme et la bioéthique qui n'admet, en son article 19, le prélèvement sur donneur vivant que si " l'on ne dispose pas d'organe approprié d'une personne décédée ni de méthode thérapeutique alternative d'efficacité comparable ". Mais il faut noter que cette convention n'impose pas un apparentement entre donneur et receveur ni un intérêt thérapeutique direct. Dans la loi française, en revanche, la subsidiarité se déduit des limites très strictes assignées à la transplantation avec donneur vivant.
Ainsi la loi s'est-elle efforcée, par un encadrement très strict, de concilier des intérêts contradictoires (prélèvement mutilant pour le donneur, intérêt thérapeutique pour le receveur).
Déjà peu usitée sous l'empire de la loi Caillavet, pourtant plus libérale, la greffe d'organes avec donneur vivant occupe aujourd'hui une place marginale dans l'activité générale de transplantation. La situation française contraste avec celle qui peut être observée dans plusieurs pays européens. Comme le font apparaître les statistiques présentées dans le tableau général de la transplantation, la greffe avec donneur vivant représente moins de 4 % de la transplantation rénale et moins de 2 % de la transplantation hépatique. Une grande disparité se manifeste d'un centre à l'autre : parmi les 39 unités de transplantation rénale répertoriées dans le rapport annuel de l'Etablissement français des greffes, 12 n'ont réalisé aucune transplantation rénale avec donneur vivant au cours des cinq dernières années et, parmi les 27 autres équipes, le pourcentage de ce type de greffe varie de 1 à 20 %. Les données statistiques relatives aux liens de parenté révèlent que le groupe des donneurs vivants est constitué pour 53 % des parents, pour 43 % des frères et surs et pour 2 % des conjoints. Les parents représentent 90 % des donneurs pour les receveurs de moins de 20 ans et 15 % pour ceux de 20 à 40 ans. La fratrie constitue 10 % des donneurs pour les moins de 20 ans, 80 % pour ceux de 20 à 40 ans et 90 % pour ceux de plus de 40 ans, tranche d'âge pour laquelle 9 % des donneurs sont des conjoints. Plusieurs données peuvent être soulignées :
Nombre de prélèvements rénaux par million d'habitants
Au fil des auditions, il est apparu que diverses retouches pourraient être apportées au régime juridique des transplantations avec donneur vivant :
Préalablement, et afin d'éclairer le débat, il n'est pas inutile de donner quelques indications sur l'état des pratiques et les progrès techniques dont elles ont pu bénéficier au cours de ces dernières années.
Les résultats des greffes avec donneur vivant réalisées en France de 1985 à 1990 sont globalement meilleurs que ceux des greffes réalisées avec rein de cadavre, que l'on considère :
Fait important, des études récentes menées aux Etats-Unis font apparaître que des transplantations avec donneurs vivants génétiquement non apparentés fournissent des résultats supérieurs de plus de 20 % à ceux obtenus avec rein de cadavre, résultats qui démontrent que la qualité du greffon joue, dans la réussite de la greffe, un rôle prééminent par rapport à la compatibilité HLA. Le devenir à court et à long terme du donneur se caractérise par :
Le premier succès a été publié en Australie en juillet 1989 et la pratique française n'a débuté qu'en 1992. Sur 90 centres européens de greffe hépatique, on ne dénombre que 11 centres ayant pratiqué au moins une transmission hépatique avec donneur vivant de décembre 1988 à février 1996. A la différence des transplantations rénales, la technique de greffe de foie à partir d'un donneur vivant concerne, pour l'heure, quasi exclusivement les enfants pour des raisons de plus grande facilité du don parental, d'une part (plus de 90 % des donneurs sont des pères ou mères), de difficulté à prélever chez un vivant la grande masse de parenchyme hépatique nécessaire à un adulte, d'autre part. Le prélèvement s'opère le plus souvent par lobectomie gauche (80 % des cas), subsidiairement par hépatectomie gauche (15 % des cas). Pour le donneur, la mortalité est de 0,2 %, la morbidité de 12 %. On ne dispose pas, pour l'instant, d'informations sur d'éventuelles complications à long terme mais il semble que le risque d'insuffisance hépatique à distance soit réduit en raison de la capacité rapide de régénération du foie. Pour le receveur, la comparaison des résultats avec ceux de la transplantation à partir de greffons cadavériques chez des receveurs comparables montre un taux de survie globale à un an un peu plus favorable. Ce type de prélèvement garantit par ailleurs des greffons de meilleure qualité et assurés d'une meilleure survie.
Inaugurée aux Etats-Unis en 1990, la transplantation pulmonaire avec donneur vivant n'a pas encore été tentée en France. Il s'agit d'une greffe lobaire bilatérale, nécessitant des prélèvements sur deux donneurs pour un même receveur. Les résultats publiés par une équipe de Los Angeles concernent, pour la période 1993-1996, 38 transplantations intéressant 27 jeunes adultes (âge moyen : 25 ans) et 10 enfants (âge moyen : 13 ans) atteints, pour la plupart, de mucoviscidose et dont l'espérance de survie estimée est inférieure à quelques mois. 73 % des donneurs ont des liens familiaux. Les résultats constatés sont équivalents à ceux de la transplantation pulmonaire dans son ensemble (survie actuarielle estimée, d'après le registre international, à 70 % à 1 an, 57 % à 3 ans, 45 % à 5 ans). " Les progrès espérés en transplantation pulmonaire, en rapport avec les nouveaux protocoles immunosuppresseurs et avec l'avantage apporté, en transplantation avec donneur vivant, par un meilleur appariement HLA entre donneur et receveur, devraient modifier le rapport risque sur bénéfice actuel et plaider ainsi en faveur du prélèvement chez les donneurs vivants. Cette option d'avenir pourrait être proposée comme une alternative intéressante à la transplantation pulmonaire cadavérique, en dehors des climats d'urgence, et de façon programmée. " " Le principe de la transplantation cardiaque en domino consiste à récupérer le cur sain d'un patient bénéficiant, pour une indication pulmonaire, d'une greffe cardio-pulmonaire avec donneur cadavérique, puis à greffer ce cur sur un autre patient en attente de transplantation cardiaque. " Son principal champ d'application est la mucoviscidose. Le pronostic fonctionnel respiratoire et le pronostic vital des patients étant engagés très tôt, une greffe à un âge très jeune est nécessaire alors que leur cur est encore parfaitement sain. La réussite de la transplantation pulmonaire exige par ailleurs des greffons d'excellente qualité et c'est la transplantation cardio-pulmonaire qui offre le plus de sécurité, pour des raisons infectieuses et de cicatrisation. La technique du domino s'est développée en Europe depuis 1988 et la pratique en est encore réduite (92 transplantations en Grande-Bretagne de 1988 à 1994, 9 en France de 1992 à 1996). Elle est en infraction, dans leur lettre sinon dans leur esprit, avec les règles juridiques relatives à l'apparentement des donneurs et des receveurs, mais elle pose surtout problème, comme on le verra plus loin, pour lapplication du principe du consentement . Elle présente l'avantage de fournir un organe d'excellente qualité, contrairement aux greffons d'origine cadavérique qui ont subi les dommages de la décérébration, et de permettre des investigations complémentaires avant le prélèvement (bilan sérologique, typage HLA).
Les greffes allogéniques de cellules souches hématopoïétiques, destinées au traitement de maladies hématologiques, étaient, jusqu'à une date récente, pratiquées à partir de prélèvements de moelle osseuse opérés, sous anesthésie générale, sur un donneur apparenté ou non apparenté (ce dernier cas représentant 21 % des allogreffes en 1996). L'évolution des techniques a permis, postérieurement à l'adoption de la loi de 1994, de mettre en uvre deux nouveaux types de prélèvement.
Ce bref panorama permet de formuler un certain nombre de constatations :
Le régime juridique instauré par la loi de 1994 se fonde principalement sur la proximité biologique : la limitation de la qualité de donneurs aux membres de la cellule familiale stricto sensu est justifiée en théorie par la plus grande compatibilité tissulaire existant entre ces individus génétiquement apparentés et par les plus grandes chances de succès de la greffe qui en découlent. Cependant, ce critère de l'apparentement biologique n'est pas appliqué dans toute sa rigueur puisque se trouvent exclus du don les frères et surs consanguins et utérins et que s'y trouvent en revanche inclus les enfants issus d'une adoption plénière. Il est par ailleurs tempéré, de façon limitée, par un critère affectif qui étend le don aux époux sous condition d'urgence. Plusieurs arguments sont aujourd'hui invoqués pour élargir quelque peu le cercle des donneurs : En premier lieu, les travaux récemment menés aux Etats-Unis en matière de transplantation -et dont on a fait état précédemment- ont établi que l'histocompatibilité navait pas limportance quon lui a longtemps attribuée dans la réussite de la greffe, ce qui rend médicalement possible un don d'organe par n'importe quel membre de la fratrie, ainsi que par des membres plus éloignés, voire par des sujets non apparentés. La limitation aux frères et surs du receveur en cas de prélèvement de moelle apparaît excessivement restrictive sachant qu'un cousin germain peut parfois être le seul donneur HLA identique pour un patient donné . La limitation des donneurs non apparentés aux époux et en cas d'urgence seulement a également été critiquée.
Pour les donneurs apparentés, un consensus semble se dessiner en faveur dun élargissement, dans le cadre familial, de la catégorie des donneurs au-delà de la parenté du premier degré, même si des divergences se manifestent sur la portée de cet élargissement : grands-parents, oncles et tantes (en particulier en cas d'incompatibilité transfusionnelle empêchant les parents de donner un rein à leurs enfants). Les frères et surs consanguins et utérins pourraient être également assimilés aux frères et surs majeurs du receveur. S'agissant des greffes de moelle où l'histocompatibilité demeure une exigence incontournable, l'Académie de médecine relève que des recherches de compatibilité HLA ont été parfois autorisées hors de France chez des cousins germains et ont ainsi parfois permis de pratiquer des greffes de moelle dans des conditions immunologiquement très satisfaisantes. " L'élargissement des recherches de donneurs potentiels apparentés, en particulier sous couvert de typage HLA, devrait donc être prévu dans l'article L 671-3. " Se poserait toutefois ici un problème de compatibilité, juridique cette fois, avec la Convention d'Oviedo qui a repris, sur ce point, les dispositions restrictives de la loi de 1994. Pour les donneurs non apparentés, la condition d'urgence imposée aux couples mariés devrait, en tout état de cause, être levée selon l'opinion dominante. Faut-il aller au-delà et, sans procéder à une énumération limitative difficilement envisageable en l'espèce, prendre en considération la notion de personnes " émotionnellement liées " ? Il conviendrait alors de vérifier, comme le souligne le CCNE, l'authenticité et la sincérité du désir de don, l'absence de commercialisation, ainsi que l'absence de pressions abusives sur le donneur . Le modèle britannique est invoqué à ce propos : l'ULTRA (Unrelated Living Transplant Regulation Authority), constitué de onze membres, médecins et non-médecins, examine tous les cas de transplantation rénale avec donneur vivant non apparenté ; il a accordé 28 fois son autorisation sur 450 demandes déposées de 1991 à 1994. En France, un système comparable pourrait être mis en place par l'instauration d'une procédure contradictoire où des médecins représentant le donneur entendraient l'équipe médicale de transplantation, la famille et le couple (Pr. CHARPENTIER). Le CCNE envisage la création d'un comité ad hoc dont la composition pourrait s'inspirer des comités d'experts chargés d'évaluer la situation des mineurs proposés comme donneurs dans le cadre des greffes de moelle osseuse. L'essentiel de son intervention serait de protéger le donneur contre toutes formes de pressions. A ce titre, il pourrait être chargé d'entendre tous les donneurs proposés, qu'ils soient apparentés ou non.
La qualité de l'information préalable délivrée au donneur est l'une des conditions essentielles d'un consentement libre et éclairé. L'article L 671-3 du Code de la santé publique impose bien cette information du donneur sur les risques qu'il encourt et sur les conséquences éventuelles du prélèvement, mais non sur les résultats escomptés de la greffe. Cette lacune a été comblée par la voie réglementaire (article R 671-3-1 résultant du décret n° 96-375 du 29 avril 1996) mais il serait sans doute souhaitable que cette exigence figure dans la loi elle-même. L'information pourrait au demeurant être plus complète et porter également, pour les greffes de moelle entre donneurs non apparentés, sur les résultats effectifs du don. Par ailleurs, il serait judicieux, par analogie avec les dispositions de la loi du 20 décembre 1988 relative aux recherches biomédicales, codifiées à l'article L 209-9 du Code de la Santé publique, de rassembler l'ensemble des informations destinées au donneur dans un document écrit qui faciliterait d'autre part le contrôle du respect, par les informateurs, des prescriptions législatives et réglementaires. Quant à l'expression du consentement, la forme solennelle que lui a donnée la loi par l'intervention du président du Tribunal de grande instance, confère au don une dimension symbolique dont l'opportunité est soulignée par les praticiens. Cependant, comme l'observe Mme le professeur THOUVENIN, cette mesure est affectée d'une carence qui réside dans l'absence de pouvoir de contrôle du magistrat quant à ce que représente ce prélèvement pour le donneur du point de vue de son intérêt. Ce magistrat n'a en effet le pouvoir que de s'assurer du respect des règles. Il est écrit de plus, dans le décret d'application, qu'il recueille le consentement, selon un vocabulaire de type médical, et non qu'il le reçoit. La formalisation des modalités d'information dans un document écrit permettrait sans doute au juge de vérifier que la procédure imposée par les textes a été respectée dans sa lettre. Mais l'appréciation du fond, c'est-à-dire des données proprement médicales, est hors de sa compétence technique et l'on peut se demander s'il ne devrait pas être assisté, sur ce point, d'un expert indépendant. Enfin, et par analogie là encore avec la loi du 20 décembre 1988 (article L 209-9 du Code de la santé publique), pourquoi ne pas préciser que le donneur, en révoquant son consentement comme il en a, à tout moment, la latitude, ne peut voir, de ce fait, sa responsabilité engagée ? Dans cette hypothèse, l'article L 671-5 impose le consentement de chacun des titulaires de l'autorité parentale ou du représentant légal du mineur exprimé devant le président du Tribunal de grande instance. En cas d'urgence, le consentement est recueilli par tout moyen par le procureur de la République. Ce type de prélèvement répondant le plus souvent à un besoin urgent, le recours au procureur ne risque-t-il pas de devenir la règle et d'interdire, compte tenu de la brièveté des délais, une intervention crédible du comité d'experts chargé de délivrer l'autorisation ? Ceci conduit le CCNE à préconiser l'établissement d'une liste limitative des urgences par commun accord entre les services greffeurs. Un certain nombre de problèmes se pose à propos du fonctionnement du comité d'experts qui a pour mission d'autoriser le prélèvement. Le comité doit s'assurer que le mineur a été informé du prélèvement envisagé en vue d'exprimer sa volonté, s'il y est apte (article L 671-5). Le décret du 29 avril 1996 pris pour l'application de ces dispositions a précisé qu'il devait procéder à l'audition du mineur s'il est capable de discernement. Faute d'un critère objectif et incontestable, la mise en uvre de cette disposition relève d'une appréciation au cas par cas laissée à la discrétion des experts. Le comité apprécie la justification médicale de l'opération, les risques qu'elle peut entraîner ainsi que ses conséquences prévisibles sur le plan physique et psychologique (article L 671-6). Cette intervention sur le terrain médical, qui crée un risque de contradiction avec la position des prescripteurs, est critiquée par les praticiens qui souhaitent limiter sur ce point la compétence du comité. Au demeurant, dans la pratique, " le comité ne se substitue pas au service d'hématologie et au service préleveur pour évaluer le bien-fondé de l'indication de la greffe et du prélèvement. Il s'assure que la consultation d'anesthésie pour le donneur a bien eu lieu et qu'elle n'a pas fait apparaître de facteur de risque particulier. Il explique aux parents son rôle et reprend avec eux l'anamnèse et l'histoire récente : annonce du diagnostic, annonce de la nécessité d'une greffe, modalités de décision concernant l'enfant donneur, réactions de l'enfant donneur et des enfants de la fratrie non donneurs. " Le comité n'a pas à motiver un refus éventuel d'autorisation du prélèvement. Il s'agit là d'une décision grave qui ne peut se fonder que sur des arguments solidement justifiés. C'est pourquoi une opinion dominante se prononce en faveur de la motivation. Certains, cependant, opinent en sens contraire, eu égard aux pressions familiales qui peuvent s'exercer, compte tenu de l'enjeu, le plus souvent vital, pour le frère ou la sur malade. L'obligation de motivation conduirait à rendre public le refus du mineur alors que celui-ci doit pouvoir l'exprimer sans se sentir immédiatement soumis à la réprobation de ses parents et de sa famille. Le double contrôle (magistrats et comité d'experts) entraîne des lourdeurs administratives génératrices de retards qui peuvent être préjudiciables au transplanté mais l'Académie de médecine, qui en fait l'observation, ne souhaite pas que soit remise en cause la garantie judiciaire " absolument nécessaire ". Deux pratiques médicales développées depuis l'adoption de la loi de 1994 (cf. supra) doivent être aujourd'hui prises en considération par le législateur au regard du respect du principe de consentement. Les curs greffés " en domino " sont, pour l'heure, assimilés aux résidus opératoires ou, pour reprendre les termes de l'article L 672-1, aux " tissus, cellules et produits humains prélevés lors d'interventions chirurgicales et utilisés ultérieurement " qui ne sont soumis à aucun autre consentement que celui exprimé par le patient avant l'intervention elle-même. La circulaire ministérielle qui règle, pour l'instant, ce problème a fondé l'assimilation sur le fait que la greffe en domino ne faisait pas courir de risque supplémentaire au donneur de cur et ne justifiait donc pas une mesure supplémentaire de protection à son égard. Quelles que soient les modifications qui pourraient être par ailleurs apportées aux règles touchant les résidus opératoires, il sera nécessaire d'inscrire dans la loi la notion d' " organe subsistant " et de la soumettre aux principes généraux du consentement, compte tenu, notamment, des importantes implications psychologiques que comporte pour le donneur ce type de transplantation. Les cellules souches hématopoïétiques peuvent désormais être prélevées directement, comme on l'a indiqué, dans le sang périphérique et le cordon ombilical. La loi n'ayant pu prévoir ce développement scientifique, ces nouveaux types de prélèvement peuvent donc être mis actuellement en uvre sans aucun consentement. Il convient donc d'unifier le régime des cellules souches en les soumettant, soit à celui des cellules, soit à celui des organes. Compte tenu des urgences liées à la pratique des greffes de CSH allogéniques, la préférence de l'Etablissement français des greffes va à cette dernière solution, un cadre juridique spécifique devant cependant être dessiné au sein des organes pour ces catégories de prélèvements. On notera, par ailleurs, l'inadéquation de l'article L 672-5 qui, dans sa forme actuelle, interdit tout prélèvement de cellules sur les mineurs, excluant par là-même le don, par ces derniers, de cellules souches issues du sang périphérique. Comme l'a observé le professeur VERNANT , le recueil des CSH d'origine sanguine soulève un autre problème lié à l'administration préalable au donneur d'un facteur de croissance (GCSF). Si l'utilisation de ces facteurs est légalement possible chez les patients dans le but de pratiquer une autogreffe de moelle, elle ne l'est pas de la même façon chez un donneur sain qui n'a pas de bénéfice direct à cette administration et qui devrait donc bénéficier sur ce point dune information particulière.
L'article L 665-11 qui pose le principe général du consentement préalable du donneur et de sa révocabilité à tout moment inclut, dans son champ d'application, les tissus, cellules et produits, sauf dérogation particulière. Cela étant, la loi, à la différence de ce qu'elle a prévu pour le don d'organes, n'impose aucune information du donneur sur les risques encourus, ni sur les conséquences éventuelles du prélèvement. Elle n'est pas plus exigeante sur l'expression du consentement, n'imposant ni l'intervention d'un juge, ni même un document écrit. Cette absence de précaution semble s'être expliquée par le fait qu'il s'agit ici d'une simple " récupération " de tissus et non d'un don, à proprement parler. On a pu cependant faire observer à cet égard que ces prélèvements ne sont pas nécessairement anodins. " Théoriquement, la loi n'interdit pas un prélèvement de cornée ou d'os du vivant de l'intéressé. On ne saurait prétendre qu'un " don " de cette nature ait des conséquences équivalentes à celles d'un prélèvement de quelques cellules. " La fixation d'un cadre plus précis incomberait donc au pouvoir réglementaire mais le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L 672-3 n'est pas, à ce jour, paru. La loi française se trouve donc, sur ce point, en retrait par rapport à la Convention européenne de bioéthique dont l'article 19 prévoit un consentement écrit devant une instance officielle. De son côté, le Groupe européen d'éthique auprès de la Commission européenne, dans l'avis qu'il a adopté le 21 juillet 1998, estime que le consentement du donneur vivant doit se fonder sur des informations aussi précises et compréhensibles que possible pour le profane portant sur :
En fait, d'après le professeur HOUSSIN, le prélèvement de tissus sur un volontaire sain, bien que prévu par la loi, ne semble pas aujourd'hui traduit en pratique car il ne correspond pas à une nécessité médicale. " L'ensemble des tissus prélevés chez le donneur vivant le sont en tant que résidus opératoires (peau y compris). " Se trouve dès lors posé avec une acuité particulière le problème du régime de consentement applicable à ces résidus. L'originalité de ces résidus tient à trois éléments :
Si on laisse de côté les veines saphènes internes dont l'utilisation tend à être abandonnée, les résidus opératoires les plus utilisés sont les valves des curs explantés lors d'une greffe cardiaque et, surtout, les têtes fémorales recueillies à l'occasion des arthroplasties par prothèse totale de la hanche. L'article L 672-1 du Code de la santé publique soumet ces prélèvements -auxquels avait été joint le placenta à l'initiative de l'Assemblée nationale- aux principes de non-publicité, d'anonymat, de gratuité et de sécurité sanitaire mais non à celui du consentement. En pratique, beaucoup de chirurgiens, considérant que l'exploitation du résidu opératoire ne constitue en rien le prolongement normal de l'acte thérapeutique, font signer aux donneurs un consentement écrit mais ce texte semble insuffisant dans la mesure où il ne dégage pas suffisamment la responsabilité des donneurs et où l'absence de prétention à toute forme de rémunération n'est pas clairement signifiée. L'obligation du consentement peut, d'autre part, être indirectement déduite des règles de bonne pratique fixées par un arrêté du 1er avril 1997 qui imposent au médecin préleveur d'informer le patient, avant l'intervention, du recueil envisagé et de la nécessité de pratiquer des examens sanguins permettant d'éliminer le risque de transmission de certaines maladies au receveur. En acceptant de s'y soumettre, le patient autorise par voie de conséquence l'utilisation de ces résidus. Usages inégalement observés, procédures indirectes et semi-explicites : on peut considérer que la situation actuelle qui induit, dans certains hôpitaux, des comportements attentistes aboutissant à un blocage de l'activité de prélèvement n'est pas satisfaisante et mériterait d'être clarifiée par l'inscription dans la loi du principe de consentement libre et éclairé, quels que soient l'origine du prélèvement et sa destination. On rejoint ici les constatations faites par le Groupe européen d'éthique qui relève l'absence fréquente de réglementation et souligne que l'information du donneur est d'autant plus nécessaire que les tests effectués pour vérifier la sécurité sanitaire des tissus ne peuvent être faits qu'avec le consentement de la personne concernée (avis du 21 juillet 1998).
Cette question, déjà posée sous l'empire de la loi Caillavet, n'a pas été davantage tranchée par le législateur de 1994 qui ne l'a même pas évoquée dans les travaux préparatoires. La finalité de ces prélèvements, en dehors des visées diagnostiques qui ne posent pas de problème, peut être thérapeutique ou scientifique. Sur le plan thérapeutique, la transplantation de cellules souches hépatiques embryonnaires a été réalisée pour traiter les déficits immunitaires héréditaires. Plus récemment, se sont développées des recherches sur l'intérêt des transplantations de cellules nerveuses embryonnaires pour le traitement de certaines maladies neurovégétatives : maladie de Parkinson, chorée de Huntington. Dans le silence de la loi, certains juristes ont cru pouvoir considérer que le régime des résidus opératoires s'appliquait de plano aux prélèvements et à l'utilisation des tissus, cellules ou produits d'embryons ou de ftus humains morts des suites d'une intervention médicale et, notamment, d'une interruption volontaire de grossesse. Rien, dans les travaux préparatoires, ne permet de l'affirmer et ceux-ci autorisent même une argumentation inverse : en effet, si la notion de déchet opératoire a pu être jugée insuffisante pour inclure le placenta (celui-ci ayant été rajouté au cours de la navette), il est difficilement admissible qu'elle s'applique, sans disposition expresse, aux prélèvements sur ftus et embryons morts . Quoi qu'il en soit, face à la carence de la loi, les professionnels se réfèrent, pour guider leur pratique, aux avis du Comité consultatif national d'éthique. S'exprimant pour la première fois sur cette question le 22 mai 1984, le CCNE a estimé souhaitable que soit reconnue à la mère une faculté de refus de prélèvement sur l'enfant après avortement, même en cas d'interruption volontaire de grossesse pour détresse. " Certains estiment qu'en décidant de la mort de l'embryon, la mère se prive de tout droit à son égard. Cette position paraît excessive. La faculté de refus doit être préservée car il s'agit de tissus humains. " Faculté de refus mais non expression obligatoire d'un consentement qui n'est exigé que pour un prélèvement sur cadavre. Or il n'est ni évident ni opportun, selon le CCNE, de considérer l'embryon mort comme le cadavre d'un enfant. Ces prélèvements devraient n'être opérés que sur des embryons et ftus dont la non-viabilité est certaine (c'est-à-dire avant la 22ème semaine gestationnelle) et dont la mort a été préalablement constatée par arrêt de la circulation sanguine. Ces orientations ont été confirmées dans l'avis du 13 décembre 1990 concernant l'autorisation de pratiquer des greffes intracérébrales de tissus mésencéphaliques d'embryons humains chez cinq malades parkinsoniens dans un but d'expérimentation thérapeutique. Il était précisé à cette occasion que le prélèvement de cellules d'embryons devrait suivre l'avis du 22 mai 1984 et, en particulier, les directives déontologiques et médicales. Plus récemment encore (août 1998), a été autorisée par le CCNE une expérience, menée par des biologistes et des médecins du CEA, du CNRS et de l'INSERM, consistant, après expérimentation animale, à greffer des neurones ftaux dans le cerveau de six malades atteints de chorée de Huntington. La multiplication vraisemblable de ces types de greffes à partir de prélèvements embryonnaires et ftaux nécessitera sans doute une intervention du législateur, les lacunes des textes ne pouvant être comblées par les seuls avis d'une instance consultative, si éminente qu'elle soit.
La démarche du législateur s'est fondée, comme on l'a déjà indiqué, sur une double préoccupation : faire face à la pénurie d'organes -notamment dans le domaine de la transplantation hépatique où l'efficacité thérapeutique des greffes est avérée- et rétablir, entre médecins et donneurs potentiels, un lien de confiance qui passe par le respect des intentions du défunt, le corps ne pouvant être considéré comme un matériau dans lequel on puise à volonté. La loi de 1994 n'a pas remis en cause la présomption de consentement, reflet d'une démarche utilitariste qui sous-tendait déjà le droit antérieur. On notera d'ailleurs que cette présomption ne constitue pas une spécificité française. D'autres législations la consacrent et elle est également présente dans les textes européens et internationaux qui traitent des prélèvements et transplantations d'organes (notamment résolutions du 11 mai 1978 du Conseil de l'Europe et du 13 mai 1991 de lAssemblée de l'Organisation mondiale de la santé). Cependant, le principe du consentement présumé trouve, dans la nouvelle législation, un champ d'application plus limité que dans la loi Caillavet où il couvrait les prélèvements d'organes effectués sur le cadavre de toute personne, quelle que fût sa condition de son vivant, excepté le cas d'un prélèvement sur mineur ou incapable en vue d'une greffe, pour lequel était requis le consentement du représentant légal. Quant au témoignage de la famille, son recueil, non prévu par la loi, n'avait été organisé que par une simple circulaire du 3 avril 1978. La loi de 1994 exclut la présomption de consentement :
Fruit de compromis élaborés au cours des navettes et jusqu'au stade de la commission mixte paritaire, l'économie de la loi se ressent de cette gestation difficile et recèle même une apparente contradiction puisque les prélèvements à visée scientifique, soumis selon les deux premiers alinéas de l'article L 671-7 au régime du consentement présumé, se voient appliquer, pour certains d'entre eux, celui du consentement exprès par le premier alinéa de l'article L 671-9. Cette construction juridique hésitante n'a pas été sans créer quelques difficultés d'interprétation qui ont compliqué la mise au point des textes d'application.
Du côté des responsables et praticiens de la transplantation, on estime que les nouvelles dispositions ont été bien accueillies, tant par les personnels médicaux que par l'opinion. Le professeur HOUSSIN considère que la loi a, sans aucun doute, contribué à rétablir la confiance du public et à lui donner une perception positive du don et de la greffe d'organes. Les personnels, sensibles dans un premier temps aux contraintes de l'encadrement de leurs activités, commencent maintenant à en ressentir le bénéfice. Ces appréciations se retrouvent chez le professeur CHARPENTIER comme chez les praticiens entendus le 17 septembre 1998 à la Maternité régionale de Nancy. Pour autant, ces réactions positives ne trouvent pas encore de traduction chiffrée dans les statistiques de la transplantation d'organes. Certes, comme le souligne M. HOUSSIN, on note, pour les cornées, une remontée des prélèvements au niveau antérieur à la crise et une stabilisation de la chute des dons dorganes en 1995-1996 . Mais les oppositions au prélèvement, qui étaient passées de 15 % en 1991 à 34 % en 1994 et à 35 % en 1995, se maintiennent à ce pourcentage en 1996. Cela étant, l'opinion semble très majoritairement favorable au don d'organes à visées thérapeutiques. Selon une enquête menée en 1998 par le Centre régional juridique de l'Ouest auprès de 226 personnes, 87 % d'entre elles fournissaient sur ce point une réponse positive, mais 65 % estimaient être insuffisamment informées sur les besoins en greffons et l'utilisation qui en est faite et 77 % déclaraient ignorer la législation en vigueur. Le manque de transparence du milieu médical est souvent critiqué et le soupçon de trafic d'organes reste présent dans beaucoup d'esprits. L'article L 665-12 interdit la publicité mais autorise l'information en faveur du don (distinction qui n'est pas toujours d'un maniement aisé) et en confie la responsabilité au ministre chargé de la Santé. L'EFG, qui doit en assurer la mise en uvre, a conçu une campagne d'éducation sanitaire sur le prélèvement et la greffe, articulée en fonction de trois types de public selon le calendrier suivant :
La mise en place du registre automatisé a conduit à reporter cette dernière étape en 1999, ce qui présente l'inconvénient, non négligeable en terme de communication, d'organiser l'information sur l'expression du refus avant la promotion du don. Il serait en tout état de cause souhaitable que cette information du grand public associe le ministère de la Santé et celui de l'Education nationale qui pourrait faire prendre conscience aux Français, dès leur plus jeune âge, de l'importance et de la nécessité du don d'organes. Il est également indispensable qu'une synergie s'instaure ou se rétablisse avec les associations d'intérêt public, telles que France-Adot, qui accomplissent depuis de nombreuses années un important travail sur le terrain et disposent des réseaux indispensables à la réussite de toute action de promotion. Dans cette perspective, il pourrait s'avérer utile de leur confier le droit, non reconnu actuellement par la loi, de participer officiellement aux campagnes d'information.
Le décret d'application de l'article L 671-7, alinéa 2, instituant le registre national automatisé a été publié le 30 mai 1997, soit près de trois ans après la promulgation de la loi. Ce retard est dû, pour une large part, aux difficultés d'interprétation des articles L 671-7 et L 671-9 relatifs aux modes d'expression du consentement et, singulièrement, au contenu de la notion de prélèvement à des fins scientifiques qui semble soumis à deux régimes distincts selon que l'on se réfère à l'un ou l'autre de ces articles. Le premier projet soumis au Conseil d'Etat avait limité l'expression du refus par inscription sur le registre aux prélèvements opérés à des fins thérapeutiques, excluant ainsi de ce mode d'expression les prélèvements opérés dans le but de rechercher les causes de la mort ainsi que les autres prélèvements à des fins scientifiques. Tout en reconnaissant que les dispositions des articles L 671-7 et L 671-9 sont d'une interprétation difficile en raison des contradictions et des ambiguïtés qu'elles comportent, le Conseil d'Etat, s'appuyant sur les travaux préparatoires, a estimé que l'article L 671-9 devait être interprété comme impliquant que le refus de prélèvement ayant pour but la recherche des causes du décès peut être exprimé par une inscription sur le registre automatisé. Il a en outre considéré que, dès lors que les prélèvements à des fins scientifiques ne peuvent, selon le même article, être opérés sans le consentement du défunt, l'application cohérente de la loi conduisait à prévoir que l'absence de consentement à de tels prélèvements pouvait se manifester aussi de manière certaine, du vivant de l'intéressé, par l'inscription d'un refus sur le registre. Conformément à ces observations, l'article 2 du décret dispose que toute personne majeure ou mineure, âgée de 13 ans au moins, peut s'inscrire sur le registre afin d'exprimer son refus d'un prélèvement sur son corps après son décès, soit à des fins thérapeutiques, soit pour rechercher les causes du décès, soit à des fins scientifiques, soit dans plusieurs de ces cas. Il n'en demeure pas moins qu'une contradiction apparente subsiste entre la lettre de la loi, qui impose un consentement exprès pour les prélèvements à visée scientifique, et le décret, qui ouvre l'accès, dans ce cas, à un mode d'expression de refus qui ne devrait jouer que pour les prélèvements soumis à la présomption de consentement. A n'en pas douter, une remise en cohérence du règlement et de la loi passera nécessairement par une clarification de cette dernière. On verra plus loin qu'elle est par ailleurs souhaitée pour des motifs de fond. La mise en service du registre, installé à Marseille, s'est faite le 7 juillet 1998, par la distribution, dans les 22 000 officines pharmaceutiques, de 2 millions et demi de brochures fournissant tout à la fois des informations sur le don d'organes et de tissus, un formulaire d'inscription et une carte de donneur. L'EFG s'efforce ainsi de corriger la tonalité négative que revêtirait une campagne axée exclusivement sur l'expression d'un refus. Au total, 11 millions de brochures seront diffusées dans l'année tant auprès des officines que des hôpitaux et des associations, ainsi que chez les médecins généralistes. Le coût de l'opération est de 7,5 millions de francs, somme qui comprend l'investissement informatique (2 MF), la saisie des données -on en prévoit 250 000- (1 MF), la réalisation des documents (3 MF) et leur routage (1,5 MF). Les inscriptions ont été saisies à partir du 21 juillet et le registre est consultable par les praticiens depuis le 15 septembre. Trois mois après son ouverture, 15 000 refus avaient été enregistrés. Il est évidemment impossible de porter dès à présent une appréciation sur le fonctionnement de ce dispositif et les incidences qu'il pourra avoir sur l'évolution des dons. Les enseignements qui peuvent être tirés des systèmes en vigueur dans d'autres pays européens doivent être interprétés avec prudence en raison, d'une part des données socioculturelles propres à chacun d'entre eux, d'autre part du fait que la plupart des registres mis en place permettent l'expression alternative d'une adhésion ou d'un refus : c'est le cas de la Hollande, de la Grande-Bretagne et de la Belgique. Dans ce dernier pays, cependant, on constate que seuls les partisans du refus, qui ne représentent que 1 à 2 % de la population, se sont manifestés, la Belgique présentant par ailleurs aujourd'hui, par application du consentement présumé, un excédent d'organes qu'elle met à la disposition des patients étrangers. Le Portugal qui a mis en place, en 1995, un registre qui, comme en France, ne recueille que les refus, a comptabilisé 36 000 inscriptions (soit 0,3 % de la population) alors que le taux de prélèvement y est de 20 par million d'habitants. Avant même qu'une évaluation du système puisse être effectuée, des opinions s'expriment, soit pour en contester radicalement l'opportunité (c'est le cas de France-Adot qui le juge inutile, pénalisant, incomplet, voire inconstitutionnel), soit pour y apporter des aménagements : l'un d'entre eux pourrait consister, à l'instar des pratiques étrangères évoquées ci-dessus, à élargir le registre national afin de permettre à toute personne qui le désire d'exprimer son opinion, que celle-ci soit en faveur ou en défaveur des dons d'organes. Peut être invoqué ici le succès des fichiers de donneurs volontaires de moelle osseuse qui rassemblent 4 millions de personnes dans le monde dont 85 000 en France. Cette réforme aurait en outre l'avantage de satisfaire, à texte inchangé, l'exigence énoncée par l'article L 671-9 alinéa 1 qui impose, on l'a vu, pour tout prélèvement scientifique, que le donneur ait, de son vivant, exprimé directement son accord. Celui-ci n'en a pas actuellement la possibilité et la création d'un registre élargi permettrait de résoudre ce problème .
L'inscription au registre ne constituant qu'un mode d'expression parmi d'autres , il demeure fréquemment nécessaire de solliciter le témoignage de la famille qui s'apparente en fait, dans bon nombre de cas, à un véritable pouvoir de décision. Plusieurs remarques et suggestions ont été faites à propos de l'accomplissement de cette démarche :
Les conditions laborieuses dans lesquelles fut mise au point la rédaction définitive des articles L 671-7 et L 671-9 du Code de la santé publique expliquent, si elles ne les justifient pas totalement, les obscurités qui en rendent malaisée l'interprétation littérale. Alors que l'article L 671-7 semble soumettre les prélèvements à des fins scientifiques dans leur ensemble à la règle du consentement présumé, l'article L 671-9 distingue deux catégories auxquelles il applique un régime différencié :
Bien qu'elle soit quelque peu cryptée par cette formulation byzantine, l'intention du Parlement, telle qu'elle ressort des travaux préparatoires, n'en était pas moins claire : il s'est agi de rétablir entre les médecins et la famille la confiance affaiblie par des erreurs et des dérives constatées au cours des dernières années. Il convenait donc que les familles soient informées avant tout prélèvement destiné à rechercher les causes du décès et qu'elles puissent traduire, pour les autres types de prélèvement, la volonté du défunt si celle-ci ne s'est pas exprimée de son vivant. Ces dispositions suscitent, chez les anatomopathologistes et les neuropathologistes, un certain nombre de critiques que le professeur GOT a exprimées dans un rapport remis en mars 1997 au secrétaire d'Etat à la Santé et qu'il a reprises à l'occasion de son audition du 30 septembre 1998. Les critiques formulées peuvent être analysées en deux points :
Sur le premier point, le professeur GOT note tout d'abord que la loi se refuse à employer le terme d'autopsie pour ne parler que de prélèvements. Du fait de cette lacune, un médecin pourrait actuellement pratiquer une autopsie sans effectuer de prélèvement chez une personne ayant déclaré avant sa mort son opposition à toute atteinte à son cadavre. " Il est donc possible de respecter la lettre de la loi sans respecter l'intégrité du cadavre. " D'autre part, la division des prélèvements scientifiques en deux catégories n'a pas de sens pour les professionnels. Il est presque toujours possible d'affirmer que les recherches paraissant purement scientifiques au premier abord vont contribuer à préciser les causes de l'affection qui a finalement entraîné la mort. " Une pathologie mortelle est un enchaînement d'événements mettant en jeu des séquences causales qui s'intriquent étroitement et permettent de soutenir, sans la moindre mauvaise foi, que l'on recherche la cause du décès tout en faisant de la recherche. " La famille ne devrait fournir qu'un témoignage sur la volonté présumée du défunt, mais les travaux préparatoires lui confèrent un véritable pouvoir de décision appuyé sur la conviction qu'elle ne souhaitera pas s'opposer aux prélèvements dans l'immense majorité des cas. Or, tous les sondages menés dans les différents pays européens démentent ce pronostic, sauf en néonatalogie où le désir des parents de connaître les causes du décès reste prédominant. Sur le second point, le rapport GOT s'appuie sur une enquête auprès de la totalité des services d'anatomie pathologique pratiquant des autopsies médico-scientifiques. S'agissant de l'application des nouvelles dispositions, cette enquête fait apparaître une très grande diversité des situations. Sur 121 centres qui ont précisé leurs pratiques en 1996 :
Le rapport note en outre que, " confrontés aux difficultés d'application de la loi et à ses ambiguïtés, certains pathologistes ont sollicité l'avis de leur tutelle, en particulier en écrivant à la Direction générale de la santé pour avoir des instructions précises sur les modalités de mise en uvre du texte et sur l'interprétation des dispositions paraissant contradictoires. Ils n'ont obtenu aucune réponse. " M. GOT met en évidence une régression globale des autopsies -le total comptabilisé en 1996 (3 914) étant inférieur au nombre d'autopsies pratiquées en 1980 dans les services de l'Assistance publique/Hôpitaux de Paris (5 791). Sans l'imputer exclusivement à la loi de 1994, il observe que les hôpitaux qui l'appliquent strictement indiquent une réduction moyenne de 61 % et conclut : " Les médecins limitent progressivement leur recours aux autopsies, préférant ne pas les demander plutôt que d'avoir à les faire dans les conditions prévues par la loi. Le résultat est une diminution inquiétante des recours à cette forme de contrôle de qualité relevant de la sécurité sanitaire. " La pratique des autopsies est indiscutablement en chute libre mais, comme le remarque le professeur LEMAIRE qui porte, en tant que chef d'un service de réanimation, un regard un peu différent sur la réforme de 1994, il s'agit d'un phénomène mondial dont les causes sont diverses .
Pour ce qui concerne la neuropathologie, réanimateurs, anatomopathologistes et cliniciens s'accordent, en tout état de cause, sur un point : l'autopsie traditionnelle conserve une réelle utilité pour le diagnostic de certaines affections neurodégénératives (maladie d'Alzheimer, maladie de Parkinson), inflammatoires (sclérose en plaques) ou transmissibles (maladie de Creutzfeldt-Jakob). Le recueil des prélèvements post mortem a un rôle de veille sanitaire, comme on le voit aujourd'hui pour la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Il permet de contrôler la qualité du diagnostic et, enfin, d'effectuer des recherches (notamment sur les causes de la maladie d'Alzheimer ou le mécanisme de la sclérose en plaques). Il sera donc nécessaire, sans remettre en cause les principes de transparence et de liberté du consentement qui ont guidé le législateur en 1994, d'introduire plus de cohérence et de clarté dans le dispositif juridique en séparant clairement l'autopsie, dont les finalités sont très spécifiques, des prélèvements à fin thérapeutique. Lors de son audition, le professeur GOT a proposé de permettre à tout individu majeur d'exprimer sa volonté sur le fichier national, d'une part pour des prélèvements à visée thérapeutique, d'autre part pour des prélèvements à visée médico-scientifique, dans des conditions assurant la stricte confidentialité de l'information. Les ressources de l'informatique permettent, selon lui, la mise en place et la gestion d'un tel fichier. Le débat est ouvert. Il appartiendra au Parlement de trancher.
L'article L 672-6, alinéa 1, renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les situations médicales et les conditions dans lesquelles le prélèvement de tissus et cellules et la collecte de produits du corps humain sur une personne décédée sont autorisés. Ce texte n'est pas encore paru mais l'on peut s'interroger sur la portée limitée que semble lui assigner la Direction générale de la santé. Il s'agirait, selon cette interprétation, d'établir la liste des tissus pouvant être prélevés à cur arrêté. Aux termes du décret du 24 mai 1994 et d'un arrêté du même jour maintenus temporairement en vigueur sur ce point par le décret du 9 octobre 1997 relatif à la sécurité sanitaire, cette liste comprend la cornée, l'os cortical et la peau. Certaines demandes, émanant notamment du Conseil de l'ordre, visent à y adjoindre les os, les tubes vasculaires, les valves cardiaques, les tendons et les nerfs. Si le texte prévu par l'article L 672-6 n'a pour objet que de mettre cette liste à jour, on pourrait considérer que l'urgence de sa parution était un peu moins pressante et admettre, avec la Direction générale de la santé, que l'exigence en cette matière d'un décret en Conseil d'Etat est sans doute excessive. Cependant, la finalité réglementaire doit être sensiblement plus large si l'on se réfère aux travaux préparatoires et, en particulier, aux considérations exprimées par le rapporteur MATTEI qui furent à l'origine de la rédaction de cet article. M. MATTEI avait mis en évidence les risques de contamination auxquels exposait la greffe de tissus faute d'un contrôle, par définition impossible, trois mois après la période de séroconversion. Il rappelait à ce propos les cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob à la suite de l'utilisation d'hormone de croissance prélevée sur des cadavres . Tout à fait acceptable en matière de transplantation d'organes, lorsque le pronostic vital est réservé, ce risque ne peut être pris pour une greffe de tissus qui ne le met pas en jeu. " De façon générale ", ajoutait le rapporteur, " il est vivement souhaitable de favoriser la recherche et l'utilisation de matériaux de synthèse plutôt que de généraliser, par facilité, l'utilisation de tissus humains. " On notera d'ailleurs que ce secteur des biomatériaux est en pleine expansion. Un rapport dune intercommission de l'INSERM l'estimait en avril 1996 à 3 milliards de francs, soit 0,5 % des dépenses de santé. On pose désormais " en routine " 80 000 hanches artificielles et environ 30 000 prothèses de genou chaque année. Dès lors, il semble bien conforme à l'attente du législateur que des précisions soient apportées par le texte d'application sur les types de prélèvement autorisés -qu'ils soient opérés à cur battant ou à cur arrêté- eu égard aux risques potentiels et aux ressources alternatives offertes par les matériaux de substitution. Sur deux points, en revanche, les décrets sont venus aligner les tissus sur les organes alors que la loi ne le prévoyait pas expressément. Il s'agit :
L'importance de ces règles ne justifierait-elle pas qu'elles soient réintroduites dans le corps même de la loi ?
Certaines des règles fixées par la loi dans l'intérêt des donneurs et des receveurs sont approuvées sans réserve par les praticiens mais peuvent parfois créer des difficultés lorsqu'elles sont appliquées de façon excessivement stricte.
L'article L 671-10 a établi une séparation entre les médecins qui établissent le constat de la mort et ceux qui effectuent les prélèvements et les transplantations, les uns et les autres devant faire partie d'unités fonctionnelles ou de services distincts. Les praticiens ne contestent pas l'opportunité de ce principe qui garantit l'indépendance du diagnostic et la protection du donneur. Ils réaffirment par ailleurs leur opposition à toute séparation entre prélèvement et greffe car l'acte de prélèvement est le premier temps de la transplantation et la qualité de cette dernière est tributaire des efforts faits pour améliorer les techniques chirurgicales de prélèvement. Mais ils observent que l'application de la règle de séparation va souvent au-delà de l'intention du législateur et conduit à des cloisonnements -partiellement atténués par les coordonnateurs- qui s'opposent à la constitution d'équipes regroupant tous les personnels expérimentés d'un même hôpital qui unissent leurs efforts pour développer le prélèvement d'organes . Le principe de l'anonymat entre donneur et receveur est posé par l'article L 665-14 qui permet toutefois d'y déroger en cas de nécessité thérapeutique. Il semble être interprété dans certaines régions de façon très extensive ; les préleveurs et transplanteurs qui souhaitent obtenir certaines informations urgentes sur les greffons et les donneurs (pour parer, par exemple, à des risques infectieux) sont, de ce fait, contraints d'emprunter des procédures longues et complexes transitant par l'EFG qui ne facilitent pas l'établissement de la traçabilité. La préservation de l'anonymat ne doit pas conduire à un déficit de l'information dès lors que des procédures internes permettent de séparer les données utiles au plan médical. Aussi est-il proposé d'appliquer le principe du " secret médical partagé " .
La mise en application de la loi est très variable selon que l'on considère les activités relatives aux organes ou celles qui concernent les tissus et cellules pour lesquelles de nombreux décrets font encore défaut. Les activités de prélèvement ne sont pas soumises à planification sanitaire et peuvent être exercées dans tout établissement de santé public ou privé, même à but lucratif. Sur ce point, la parution tardive du décret n° 97-306 du 1er avril 1997 n'a pas créé de solution de continuité, l'article 19 de la loi ayant permis, à titre transitoire, aux établissements précédemment agréés de poursuivre leur activité jusqu'à la décision de l'autorité administrative sur leur demande d'autorisation. Une première série de 222 demandes dautorisation a été enregistrée au 31 mars 1998 alors que 195 autres au total étaient antérieurement autorisés. 161 centres ont demandé une autorisation pour les prélèvements dorganes et de tissus, 54 pour le seul prélèvement de tissus. Ces autorisations concernent les 29 centres hospitalo-universitaires, les 2 centres hospitaliers régionaux et 117 des 572 centres hospitaliers. Elles visent plus de 13 établissements de santé privés participant au service hospitalier, 11 établissements militaires et 16 établissements de santé privés. Quant aux établissements habilités à effectuer des transplantations, ils sont soumis au droit commun des autorisations hospitalières avec deux limites imposées par la loi (être autorisé à pratiquer des prélèvements et assurer des activités d'enseignement médical et de recherche). L'arrêté du 31 juillet 1992 en avait fixé le nombre à 40 pour la greffe de rein, 26 pour la greffe de foie et 28 pour la moelle osseuse. Ils ont disposé d'un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi pour déposer, en fonction de ces nouvelles conditions, une demande d'autorisation.
Sur ce point, de nombreuses dispositions réglementaires restent encore en suspens. S'agissant des prélèvements de tissus à des fins thérapeutiques, les conditions d'autorisation ont été fixées par le décret précité du 1er avril 1997. Encore convient-il d'observer que ce texte ne traite pas, comme il le fait par ailleurs pour les organes, des prélèvements sur personnes vivantes, alors que les articles L 672-7 et L 672-9 du Code de la santé publique, dont il découle, ne limitent nullement le régime d'autorisation dont ils fixent les principes aux seuls prélèvements effectués sur personnes décédées. Par ailleurs, le régime des cellules n'y est pas abordé . La loi reste inappliquée faute de textes réglementaires dans plusieurs domaines :
La Direction générale de la santé invoque plusieurs considérations pour expliquer ces retards :
Force est donc de constater qu'aucune évaluation ne peut être faite de la législation dans un domaine ayant d'importantes implications médicales, économiques et sanitaires.
L'élaboration des règles de répartition et d'attribution des greffons incombe à l'Etablissement français des greffes, qui les soumet pour homologation au ministre chargé de la Santé (article L 673-8). Des dispositions transitoires avaient été, dans un premier temps, établies par un arrêté du 6 novembre 1995. Une commission nationale de consultation publique a été chargée par le secrétaire d'Etat à la Santé de mener une réflexion approfondie sur les règles de répartition et d'attribution des organes prélevés sur personnes décédées, sur les principes à respecter et les objectifs à atteindre dans le domaine des greffes et de présenter des propositions et recommandations en vue d'améliorer les règles existantes. Le rapport remis en juillet 1996 a proposé une clarification des critères (par l'élaboration de critères spécifiques pour les différents types d'organes, par l'harmonisation nationale des règles de priorité et des exceptions), l'obligation de déclarer les critères médicaux utilisés pour l'inscription sur la liste nationale et une meilleure répartition géographique des organes. L'arrêté du 6 novembre 1996, entré en vigueur le 1er février 1997, prend en compte un certain nombre de ces propositions. Il existe désormais des règles communes pour le cur, le poumon, le foie, l'intestin, le rein et le pancréas, avec quatre échelons de répartition : local, inter-régional, national et international. Chaque greffon est successivement proposé aux quatre échelons et dans le même ordre. Par dérogation, une proposition prioritaire du greffon peut être faite successivement au bénéfice de ceux dont la vie est menacée à très court terme, à ceux pour lesquels la probabilité d'obtenir un greffon est très faible, et enfin aux enfants. Ces priorités et leur échelon de mise en uvre sont précisés par les règles spécifiques à chaque type de greffon.
L'inscription des étrangers non résidents sur la liste nationale est admise, comme auparavant, par l'article L 673-8 du Code de la santé publique. L'arrêté du 24 novembre 1994 a introduit certaines limitations à ce type de demande : le ministre de la Santé du pays de l'intéressé doit attester que la greffe ne peut y être effectuée et le directeur de l'établissement de santé, ayant tout avis favorable, doit vérifier que la prise en charge financière de l'intéressé est assurée. Il n'est pas certain que ces dispositions soient conformes au règlement de l'Union européenne relatif à l'application du régime de sécurité sociale aux travailleurs et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Dans son rapport déjà cité, la Commission de consultation sur les règles de répartition et d'attribution des organes estime que les non-résidents, par application du principe de non-discrimination, ne sauraient être exclus du bénéfice de la greffe sur le territoire français. Afin d'éviter que des équipes accroissent anormalement leur activité par l'inscription de non-résidents, elle suggère que l'EFG soit doté d'un pouvoir d'appréciation et de régulation. Dans les faits, la commission note que, depuis le rapport de l'IGAS de 1992, " la situation est désormais revenue à de plus modestes proportions et ne présente plus de difficulté aiguë pour [ses] différents interlocuteurs qui se réfèrent au serment d'Hippocrate pour réfuter tout choix lié à la nationalité d'un malade avant de l'inscrire sur la liste d'attente ".
Les dispositions réglementant l'importation et l'exportation d'organes, de tissus et de cellules n'entrent pas dans le champ de notre évaluation puisqu'elles résultent, pour l'essentiel, de la loi du 31 décembre 1992 modifiée et de la loi du 1er juillet 1998 relative au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme. On rappellera par ailleurs que la loi du 28 mai 1996 portant DMOSS avait permis, par arrêté, au ministre chargé de la Santé de restreindre, suspendre ou interdire la transformation, l'exportation, la cession ou l'utilisation d'un élément ou produit du corps humain (article L 165-15.1 du Code de la santé publique) . Pour autant, quelle que soit l'efficacité intrinsèque de ce dispositif, la question d'une harmonisation des différentes législations européennes, voire d'une véritable réglementation européenne, en matière de greffes de tissus ne peut aujourd'hui être éludée. Dans l'avis qu'il a publié le 21 juillet 1998, le Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies auprès de la Commission européenne souligne que les prélèvements et la conservation de tissus ne sont réglementés que dans trois pays : la France, la Belgique et l'Espagne, et estime qu' " il n'est pas possible d'affirmer que la sécurité sanitaire des tissus est correctement assurée dans l'Union européenne ". Le GEE souligne le caractère éthique de l'impératif de sécurité sanitaire. A ce titre, il recommande d'élaborer des normes communautaires de qualité et de sécurité sanitaire des tissus humains. Il suggère, en outre, la création d'une structure européenne de sécurité sanitaire, en liaison avec l'Agence européenne du médicament. Cette proposition est complétée par celle d'un contrôle strict sur les activités des banques de tissus qui devraient être soumises à agrément dans tous les pays de l'Union européenne. Les démarches françaises vont dans le même sens. Un mémorandum préparé en mai 1998 à destination de Bruxelles propose un certain nombre de règles communes avec des spécifications sur la sécurité, la traçabilité, les règles éthiques, les autorisations et les inspections par les Etats membres, les bases de données et les systèmes de vigilance. Ce texte propose aussi de distinguer les techniques " classiques " des techniques innovantes pour lesquelles une autorisation devrait être délivrée au niveau européen. Il suggère enfin la création d'une cellule d'expertise européenne qui aurait vocation à définir des normes, à donner des autorisations de procédés et de produits et à analyser les systèmes de vigilance. Dans les années à venir, les progrès de la science permettront d'apporter des solutions neuves au problème que pose actuellement la pénurie d'organes. Certaines des techniques qui sont aujourd'hui en cours d'élaboration ne devraient pas mettre en question l'adéquation des règles juridiques à l'évolution des pratiques biomédicales et chirurgicales. Ainsi en va-t-il du développement, encore expérimental, du génie tissulaire qui permettra de reconstituer, à partir de cultures cellulaires, des vaisseaux sanguins, des ligaments, des tissus osseux, voire des organes menacés de destruction . En revanche, deux voies qui sont aujourd'hui en cours d'exploration méritent sans doute que le législateur leur porte une attention particulière en raison des problèmes qu'elles sont susceptibles de poser, tant sur le plan éthique que sur celui de la sécurité sanitaire :
Les xénogreffes constituent l'une des solutions possibles à la pénurie relative d'organes. Mais, comme le note le docteur JUVEZ dans un rapport remis au secrétaire d'Etat à la Santé en septembre 1998, elles sont aussi susceptibles de " permettre le développement de nouvelles indications de thérapeutiques substitutives concernant de larges parties de la population (maladies récidivantes, cancers, stade terminal de maladies chroniques, personnes âgées, etc.) ". Depuis la première xénogreffe de reins pratiquée sans succès à Lyon en 1905, de multiples tentatives encouragées notamment par le développement des immunosuppresseurs ont été tentées au cours de la seconde moitié de ce siècle mais aucune xénotransplantation d'organe n'a à ce jour survécu plus de quelques mois. Outre les receveurs de valves cardiaques, tissus xénogéniques non viables, on ne dénombre dans le monde que 179 personnes encore vivantes, ayant bénéficié d'une greffe de cellules ou de tissus xénogéniques viables . Le problème essentiel réside dans les phénomènes de rejet suraigu que provoque l'implantation d'un greffon provenant d'une espèce différente. Compte tenu de ce risque, la recherche s'est orientée vers la modification des caractéristiques du greffon dans l'animal donneur. La production de porcs transgéniques exprimant à la surface de certaines cellules des protéines humaines est en cours de développement. Ils pourraient fournir à l'homme des organes mieux tolérés que les greffons xénogéniques non modifiés. L'expérimentation animale pratiquée sur des primates à partir de greffes de cur de porc génétiquement modifiés n'a permis jusqu'ici qu'une survie limitée à quelques mois.
Au-delà des risques classiques de transmission d'une maladie infectieuse, comparables à ceux d'une allogreffe, les scientifiques s'interrogent aujourd'hui sur l'éventuel franchissement de la barrière des espèces par un agent d'origine animale jusqu'alors inconnu, lequel pourrait ensuite se répandre par contagion dans l'espèce humaine tout entière. L'immunosuppression faciliterait la dissémination virale et l'adaptation des virus à leur nouvel hôte. L'introduction de gènes humains chez les porcs pourrait, de surcroît, entraîner une préadaptation des virus aux infections humaines. La parade consistant à élever les animaux en milieu stérile élimine, certes, les risques d'infection par contaminants habituels mais non par des provirus et des rétrovirus intégrés au génome de l'animal et transmis à sa descendance. Pour reprendre la formule du docteur JUVEZ, il s'agit d'un " risque faible quant à sa probabilité mais potentiellement élevé quant à sa gravité ". En octobre 1997, une équipe londonienne publiait l'identification d'une souche de rétrovirus de type C associés à des cellules rénales de porc et capables d'infecter in vitro des cellules humaines. Ces chercheurs ont, de plus, trouvé deux rétrovirus endogènes, latents chez le porc, dont les provirus sont susceptibles de se réactiver chez l'homme. Cette publication a entraîné, au Royaume-Uni, l'introduction d'un moratoire d'au moins trois ans et la mise en place de la " Xenotransplantation Interim Regulatory Authority ", chargée de distribuer les autorisations d'études. Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration est temporairement revenue sur sa décision d'autoriser des essais cliniques et une demande de moratoire sur toutes les formes de xénotransplantation a été exprimée par un groupe de praticiens auxquels s'est associé Fritz BACH, chercheur à la Harvard Medical School. En Suède et en Allemagne, les chercheurs se sont imposés un moratoire volontaire. Enfin, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté, le 30 septembre 1997, une recommandation visant la mise en place, dans chacun des Etats membres, d'un mécanisme pour l'enregistrement et la réglementation :
Le marché des xénogreffes est porteur, même s'il ne concerne qu'un nombre relativement faible de malades dans le monde. Les évaluations vont de 1,4 à 6 milliards de dollars d'ici à 2010 et la plupart des laboratoires s'appuient sur de puissantes firmes (Nextran et Alexian aux Etats-Unis ; Imutran au Royaume-Uni, racheté par Novartis qui s'apprête à investir plus d'un milliard de dollars dans ce domaine). " En cas de succès de la technique, l'actuel système centralisé de collecte, d'allocation et de distribution des organes humains qui existe dans la plupart des pays développés serait remplacé par un système commercial, basé sur les forces du marché, qu'il conviendrait évidemment d'encadrer par la loi. " En France où, malgré ses antécédents historiques, la recherche sur les xénogreffes est restée relativement modeste, sans engagements financiers spécifiques, un comité pour les xénotransplantations a été créé à l'EFG et une intercommission de l'INSERM chargée de réfléchir sur les risques a préconisé un certain nombre d'axes de recherches, notamment sur le risque infectieux. Surtout, des dispositions ont été introduites récemment dans la loi du 1er juillet 1998 sur la sécurité sanitaire. Aux termes du nouvel article L 209-18.3 du Code de la santé publique :
Ainsi la France est-elle pour l'heure le seul des pays où se poursuivent des recherches à avoir posé, sous l'angle de la sécurité sanitaire, les bases d'une réglementation. Il conviendra d'examiner, au moment de la révision de la loi de 1994, si d'autres dispositions d'ordre juridique ou éthique s'avèrent nécessaires. Cependant, comme en bien d'autres matières touchant à la bioéthique, l'efficacité des normes internes restera limitée si une coopération internationale concernant les protocoles d'essai clinique et de surveillance épidémiologique ne s'instaure pas très rapidement.
Début novembre 1998, l'hebdomadaire " Science " de Washington annonçait que les docteurs James THOMSON et Jeffrey JONES, de l'Université du Wisconsin, avaient réussi à cultiver cinq lignées de cellules souches humaines à partir d'embryons " frais " ou congelés fournis par le département de procréation médicalement assistée de l'université. Grâce à un traitement approprié, les chercheurs ont amené les cellules ES (embryonic stem), indifférenciées au départ, à se transformer en cellules cartilagineuses, osseuses, musculaires, nerveuses et intestinales. Parallèlement, John GEARHART, de l'Université Johns Hopkins à Baltimore, est parvenu au même résultat en développant une méthode légèrement différente qui fait appel à des ftus avortés de 5 à 9 semaines. La recherche sur l'embryon étant interdite aux Etats-Unis à tout chercheur percevant des fonds fédéraux, ces études ont pu être menées à bien dans un environnement universitaire grâce à la firme californienne Geron Menlo Park, qui vient de déposer un brevet mondial pour ces deux techniques. Les possibilités thérapeutiques ainsi ouvertes -et les enjeux économiques qui y sont associés- sont considérables. Ronald Mc KAY, chef du laboratoire au National Institute of Neurological Disorders and Stroke (institut américain spécialisé dans la recherche sur les troubles neurologiques), estime qu'à long terme, la culture des cellules ES devrait avoir des répercussions décisives sur la biologie des greffes. A l'en croire, la transplantation n'en serait qu'au stade " chasseur-cueilleur ". La phase de " sédentarisation agricole " consistera à créer des banques de cellules bien caractérisées, soumises à des contrôles de qualité très stricts. D'après les premières données de l'expérimentation animale, les cellules ES pourraient être manipulées de façon à être acceptées par le système immunitaire et à générer des tissus tolérés par tous les receveurs. Alors que ces recherches étaient encore cantonnées au domaine de l'expérimentation animale, le Comité consultatif national d'éthique a rendu le 11 mars 1997 un avis (n° 53) " sur la constitution de collections de cellules embryonnaires humaines et leur utilisation à des fins thérapeutiques et scientifiques ". Rappelant que la loi interdit " l'établissement de lignées de cellules ES à partir de blastocystes humains obtenus par fécondation in vitro et cultivés ex vivo ", il ajoute que " compte tenu des importantes perspectives dans les recherches thérapeutiques, des dispositions nouvelles prises dans le cadre de la révision de la loi devraient permettre de modifier cette interdiction ". On n'analysera pas ici plus en détail les conditions dont le CCNE assortit cette éventuelle libéralisation, cette question étant par ailleurs abordée dans la partie du rapport consacrée à l'assistance médicale à la procréation. Bornons-nous à constater qu'il s'agit là d'un des points centraux sur lesquels le législateur devra exercer sa réflexion. Troisième partie : Avant danalyser, à la lumière des données statistiques et des auditions auxquelles il a été procédé, les conditions dans lesquelles lassistance médicale à la procréation sest développée et a évolué dans le cadre que lui avait fixé le législateur, il convient de rappeler, ici encore, les objectifs assignés aux règles qui ont été édictées en 1994.
Larticle L 152-1 du Code de la santé publique vise " toutes pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert dembryons et linsémination artificielle, ainsi que toute technique deffet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ". Cette définition très large permet denglober non seulement les pratiques existantes lors de lélaboration de la loi, mais encore les techniques nouvelles qui seraient amenées à se développer ultérieurement. Elle laisse donc une large part dinitiative aux praticiens, ce qui na pas été sans poser quelques problèmes, comme on le verra plus loin, en ce qui concerne labsence de recherche préalable à lapplication clinique dans le domaine des micro-injections.
Larticle L 152-2 a posé à cet égard un certain nombre de conditions à la mise en uvre de lassistance médicale à la procréation :
Ces conditions excluent la satisfaction de demandes de pure convenance personnelle, celles des personnes seules notamment ou bien encore de couples homosexuels. Elles écartent également toute possibilité de procréation post mortem. Les choix ainsi faits par le législateur " reposent sur la conviction quil faut donner à lenfant à naître le plus de chances dépanouissement possibles en le plaçant nécessairement dans le cadre dun couple traditionnel et consentant " .
Selon larticle L 152-6 du Code de la santé publique, lAMP avec tiers donneur ne peut être pratiquée que comme ultime indication lorsque la procréation médicalement assistée à lintérieur du couple ne peut aboutir. La volonté du Sénat, qui est à lorigine de cette disposition, était den limiter le plus possible lemploi compte tenu des problèmes psychologiques que ce type de don risque de créer, tant chez lenfant ainsi conçu que chez les couples qui en seraient les bénéficiaires. Sans remettre en cause une pratique éprouvée, la loi a par ailleurs fixé les modalités selon lesquelles un don de gamètes en vue dune AMP peut être réalisé et elle a subordonné lutilisation de ces gamètes à un certain nombre de conditions qui sinspirent, pour lessentiel, des règles éthiques et déontologiques mises en place par les CECOS (centres détude et de conservation des ufs et du sperme humain) depuis de nombreuses années (gratuité, consentement, anonymat, sécurité sanitaire) et formalisées dans la charte quils ont adoptée.
La nécessité de cet encadrement avait été soulignée dès 1984 par le Comité consultatif national déthique mais il navait été quimparfaitement assuré par les textes réglementaires édictés avant 1994. Organisé sur la base dune distinction entre activités cliniques et biologiques, cet encadrement se traduit par :
Un rôle essentiel a été dévolu, dans ce dispositif, à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP) qui est chargée, dune part de donner un avis sur les demandes dautorisation, dautre part de participer au suivi et à lévaluation du fonctionnement des établissements et laboratoires autorisés. Cette instance doit remettre chaque année au ministre chargé de la Santé un rapport portant sur lévolution de la médecine et de la biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal . Sa composition a été élargie en 1994 afin dy faire siéger, outre des praticiens désignés sur proposition de leurs organisations représentatives, des personnalités choisies en raison de leur compétence dans les domaines de la procréation, de lobstétrique, du diagnostic prénatal, du conseil génétique et du droit de la filiation, et des représentants des administrations et des ordres professionnels ainsi quun représentant des associations familiales.
Le législateur na pas voulu se prononcer sur la nature de lembryon, " personne humaine potentielle " selon le Comité consultatif national déthique, mais sest efforcé de tenir la balance égale entre lexigence spiritualiste tendant à le considérer comme un être humain et la vision pragmatique ouvrant la voie à la recherche, sous certaines conditions strictement limitées. On a ainsi cru pouvoir discerner, dans le dessin en creux de la loi, un " quasi-statut de lembryon " dont les éléments tiendraient aux finalités assignées à sa conception in vitro qui ne peuvent être que celles définies à larticle L 152-2 du Code de la santé publique, à lexclusion de toutes fins de recherche ou dexpérimentation. Mais on a, par ailleurs, relevé que la loi était porteuse dambiguïtés, voire de contradictions, tenant au fait que :
On touche là, bien évidemment, à lune des questions fondamentales qui se reposeront à loccasion de la révision. Sans prétendre y apporter une réponse catégorique, on versera au dossier, dans un des développements de cette partie du rapport, les opinions et suggestions qui ont pu être recueillies au cours de notre travail dévaluation. Les chiffres présentés et analysés ci-après sont extraits des données comptabilisées par lassociation FIVNAT. Celles qui concernent lannée 1997 sont encore partielles et ne reposent, pour certaines dentre elles, que sur des estimations. Tableau 1 : Evolution générale (base de données FIVNAT)
* Estimations Observations : Sur une base de recensement qui na que très faiblement varié au cours des quatre dernières années (90 centres en 1993, 92 en 1997), on relève les évolutions suivantes :
Tableau 2 : Description de la population
Observations : Le tableau n° 2 fait apparaître :
Tableau 3 : Evolution du taux de succès (en %)
Tableau 4 : Répartition des transferts et des taux de grossesses cliniques selon lannée et le nombre dembryons transférés (en %)
Observations : Alors que le taux global de succès na cessé daugmenter (tableau n° 3), on note une diminution de plus en plus sensible des transferts de 4 embryons et plus qui sont passés de 22,4 % en 1992 à 8,9 % en 1997. Les centres privilégient toujours les transferts de 3 embryons qui obtiennent le taux de grossesses le plus élevé (31,6 %), mais on note par ailleurs une sensible progression des transferts de 2 embryons qui représentent désormais 33 % du total et dont le taux de grossesses est passé en cinq ans de 20,1 à 26,9 %. Comme le note FIVNAT, cette évolution est le reflet probable de la stratégie des centres qui réservent les transferts nombreux aux patientes de moins bon pronostic et pratiquent de plus en plus le transfert de 2 embryons par choix, en sélectionnant ceux qui ont les meilleures chances dimplantation. Sagissant de lévolution des grossesses multiples, les indications les plus récentes figurent dans le bilan FIVNAT de 1996 qui met en évidence une diminution nette, surtout des grossesses triples, même avant réduction embryonnaire, de 8,0 % en 1989 à 4,7 % en 1994, le pourcentage de réductions passant, dans la même période, de 3,4 % à 2,6 %. Au total, le taux de grossesses triples a atteint son niveau le plus bas depuis 1986. Le taux de grossesses gémellaires a lui-même diminué depuis 1992 de 25,6 % à 23,4 %. Ceci a eu comme conséquences de diminuer les taux de prématurité globale (de 32,1 % en 1989 à 26,9 % en 1994) et dhypotrophie globale (de 41,5 % en 1988 à 24,2 % en 1994).
Tableau 5 : Bilan des ICSI
* Estimations Observations : Comme on la déjà noté, la progression de lICSI a été spectaculaire et elle représente, en 1997, 37,7 % des fécondations in vitro. Parallèlement, la FIV classique a légèrement augmenté en 1997 mais demeure à un niveau inférieur à celui quelle avait atteint en 1994. Il convient, par ailleurs, de remarquer que les femmes sont dun an plus jeunes quen FIV conventionnelle et que les indications sont dominées par les stérilités masculines (82,4 % contre 35,4 % pour la FIV classique). Tableau 6 : Aspects biologiques
Tableau 7 : Evolution des taux de succès (en %)
Observations : Les résultats de lICSI sont en constante amélioration, tant en ce qui concerne le taux de fécondation (de 31 à 53 %) que le taux de transfert par ponction (de 71 à 92 %) et le taux de grossesses, par ponction (de 13,4 à 24,8 %) ou par transfert (de 18,8 à 27,1 %). Il est remarquable de noter que ces taux sont même devenus supérieurs à ceux de la FIV classique alors que les spermatozoïdes sont de moins bonne qualité. De plus, le nombre moyen dembryons transférés est très voisin de celui de la FIV classique et 13,8 % seulement des transferts ont été réalisés avec plus de 3 embryons. En 1995, le taux de naissances par ponction était proche de 18 % contre 14,2 % pour la FIV classique. Outre lélévation du taux de transfert par ponction, ces meilleurs résultats sexpliquent par le moindre nombre darrêts prématurés de grossesse après ICSI. Le bilan FIVNAT 1997 note quil ny a pas de différence notable entre FIV et ICSI en ce qui concerne les pathologies de la grossesse. En revanche, les taux de prématurité et dhypotrophie sont plus bas quen FIV classique sur la série des grossesses issues des ponctions réalisées de 1993 à 1995. Enfin, le taux de malformations (2,5 % à la naissance, 3,2 % en incluant les interruptions médicales de grossesse) est voisin de celui observé habituellement en FIV. Cependant, ces résultats restent encore à confirmer sur de plus grandes séries .
Selon larticle L 152-1 du Code de la santé publique, lassistance médicale à la procréation " sentend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert dembryons et linsémination artificielle, ainsi que de toute technique deffet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ". On a déjà souligné le caractère volontairement très large de cette définition qui a permis dinclure dans le champ dapplication de la loi les techniques développées depuis sa promulgation et, notamment, la fécondation in vitro par micro-injection (ICSI). Pour beaucoup de praticiens cependant, le contenu purement technique de lAMP ainsi définie ne rend pas pleinement compte dune réalité où laspect relationnel tient une large place . Quoi quil en soit, la liste des activités correspondant à la définition de larticle L 152-1 a été fixée comme suit par le décret du 6 mai 1995 (article R 152-9-1 du Code de la santé publique) : 1) activités cliniques :
2) activités biologiques :
Cette énumération appelle deux observations : Alors que linsémination artificielle est expressément visée dans larticle L 152-1, elle ne figure pas dans la liste réglementaire et ne se trouve donc pas soumise aux conditions spécifiques édictées par la loi de 1994. Pour 64 % des praticiens interrogés par le CRJO, cette situation nest pas satisfaisante : " même sil sagit dun acte simple, certains soulignent quil peut nuire à la santé de la patiente sil nest pas réalisé dans des conditions sanitaires convenables et même se montrer préjudiciable à léquilibre psychologique et affectif de lenfant qui naîtra " . La stimulation ovarienne, qui peut être utilisée dans le cadre de la fécondation in vitro mais peut aussi constituer une méthode dAMP dans le cadre de la procréation naturelle, nest pas non plus visée par le décret. On lui consacrera un développement particulier avant dexaminer successivement les problèmes posés par le développement des micro-injections et la mise en uvre des techniques post-fécondation (transfert et cryoconservation des embryons).
La stimulation ovarienne a pour objet dagir sur lovaire en vue dobtenir, au cours dun seul cycle dovulation, la maturation de plusieurs ovocytes. Elle suppose lemploi de médicaments inducteurs dovulation (citrate de clomiphène, agonistes LHRH, HMG), lovulation étant elle-même artificiellement déclenchée par lhormone " gonadotrophine chorionique " (HCG) . Elle peut être employée soit pour favoriser la procréation naturelle, soit dans le cadre dune fécondation in vitro. Dans cette seconde hypothèse, elle permet en effet :
Pour les femmes, le " forçage " médical de lovulation aggrave les risques daffections iatrogènes : kystes ovariens avec parfois un syndrome grave dhypovolémie. Des risques dendométriose, de ménopause précoce, voire de cancer de lovaire chez la femme jeune ont pu également être suggérés. La stimulation ovarienne favorise les grossesses multiples, qui sont elles-mêmes un des facteurs importants de grande prématurité. Dans son rapport pour 1996, la CNMBRDP souligne que, " dans les vingt dernières années en France, laugmentation des grossesses gémellaires a été de 25 % et celle des grossesses triples de 400 %. Le parallélisme du taux de grossesses multiples et de ventes de gonadostimulines est en outre parfaitement établi. Plus de 75 % des grossesses triples sont dues à ces traitements. " De son côté, le rapport de lINSERM " Grande prématurité, dépistage et prévention du risque " (1997) indique quun des facteurs importants de grande prématurité est constitué par les grossesses gémellaires et triples, qui entraînent un risque dix et cinquante fois plus élevé que les grossesses uniques. Parmi les grands prématurés qui naissent annuellement en France (environ 9 000), 1 450 environ proviennent de grossesses gémellaires et 240 de grossesses triples ou plus. La stimulation de lovulation est responsable respectivement de 460 (32 %) et de 180 (75 %) de ces prématurés. Au total, cest donc un peu plus de 15 % des grands prématurés qui proviennent de grossesses multiples, dont presque 40 % (640) par lintermédiaire des stimulations de lovulation . Si la mise en uvre de ces thérapeutiques de la stérilité va en saméliorant dans les centres de FIV agréés, grâce à lencadrement des pratiques et à la compétence des médecins , il nen va pas de même pour les prescriptions dinducteurs dovulation hors FIV qui sont précisément en augmentation croissante et commencent à poser un véritable problème de santé publique. Bien que lon ne dispose pas de données précises, on peut, par déduction du nombre dinducteurs vendus, évaluer à 200 000 le nombre de cycles stimulés en France, hors FIV, ce qui correspond à 50 000 patientes. Ce chiffre doit être doublé si lon prend en compte les prescriptions de citrate de clomiphène (dont 30 000 sont le fait de généralistes) . Le rapport dactivité 1996 de la CNMBRDP fournit les raisons de cette situation :
Dès avril 1994, lOrdre national des médecins recommandait un encadrement strict de ces pratiques. " Il ne faudrait pas ", soulignait-il, " que dans quelques années, on puisse être en présence dun scandale semblable à celui de lutilisation inconsidérée du distilbène et des conséquences désastreuses qui en ont résulté. " La CNMBRDP, dans son rapport déjà cité, estime quune régulation simpose pour éviter que des thérapeutiques onéreuses et inutiles provoquent des pathologies graves, voire définitives, et entraînent des réductions embryonnaires. Elle préconise un effort accru dinformation des praticiens et des patientes et un contrôle de lusage des inducteurs prescrits par un système déclaratif annuel adressé par les médecins à la CNMBRDP. Elle souhaite dautre part étendre le contrôle de qualité quelle exerce dans le domaine de lAMP à la prévention des grossesses multiples iatrogènes, provoquées par les inductions de lovulation hors protocoles dAMP. Le 13 février 1996, lAcadémie nationale de médecine a également mis laccent sur les risques très sérieux liés aux hyperstimulations ovariennes : syndromes divers dont les formes les plus graves peuvent nécessiter une hospitalisation, parfois en soins intensifs pour éviter une issue fatale ; embolies artérielles ou cérébrales, grossesses multiples. Elle recommande notamment une formation approfondie des médecins qui emploient des méthodes de stimulation ovarienne et des recherches à long terme sur lavenir des femmes qui en ont été lobjet en raison des incertitudes sur les risques suggérés de cancer de lovaire ou du sein. Quant au CCNE, il suggère, par une modification de larticle L 152-1, dinclure explicitement la stimulation ovarienne dans le cadre de lassistance médicale à la procréation, ce qui aurait, entre autres, pour effets dimposer lobligation dun consentement écrit de la part du couple et de subordonner ces actes à des règles de sécurité sanitaire (avis du 25 juin 1998). Quon y procède par la voie législative ou réglementaire, la soumission de ces actes médicaux pratiqués hors FIV à un encadrement plus rigoureux simpose de toute évidence, même si la mise en uvre dun contrôle savère difficile compte tenu du nombre de praticiens impliqués (8 000 gynécologues exerçant actuellement en France).
Mieux quun long descriptif, quelques jalons chronologiques permettent de mesurer lévolution spectaculaire qua connue en quelques années la fécondation in vitro :
En refusant denfermer les techniques de la procréation assistée dans une énumération limitative, le législateur de 1994 ouvrait la voie aux évolutions potentielles qui se dessinaient en ce domaine mais il ne pouvait prévoir quelles seraient aussi rapides ni discerner les conditions dans lesquelles allaient se développer ces innovations, hors de tout protocole de recherche et dexpérimentation préalable. Cest sur ce point surtout que lémergence de lICSI est intéressante à analyser car elle fournit des enseignements valables pour lassistance médicale à la procréation dans son ensemble, lICSI constituant, selon lexpression de Jacques TESTART, " le comble de lAMP ".
Les circonstances " historiques " dans lesquelles sest développée cette nouvelle technique, loin dêtre purement anecdotiques, méritent dêtre retracées car elles sont révélatrices des conditions dans lesquelles progressent les pratiques dans le domaine de lAMP. La fécondation in vitro traditionnelle si lon peut appliquer ce qualificatif à une pratique médicale vieille de vingt ans à peine- consiste dans la mise en contact, dans un milieu de culture approprié, des gamètes de lhomme et de la femme préalablement recueillis et préparés, pendant quarante-huit heures environ. Ce qui se produit dans léprouvette dépend en partie du hasard. Aussi utilise-t-on plusieurs ovocytes pour augmenter le rendement de la méthode. La fécondation est suivie dun transfert de lembryon in utero, au stade de quatre à huit cellules. Cette méthode, aujourdhui techniquement éprouvée, a été assortie de quelques variantes (ZIFT et transfert intratubaire dembryons) qui sen différencient essentiellement par le lieu où seffectue le transfert (trompe et non pas utérus) et nont jamais connu en France un développement significatif. Très opérante pour pallier les stérilités féminines, la FIV est en revanche inadaptée aux cas de stérilité masculine sévère (oligozoospermies et asthénospermies) dont la fréquence pourrait saccroître selon des études récentes . Pour parer à ce type dinfertilité, a été mise en uvre, dans un premier temps, la technique dénommée SUZI (subzonal insemination) consistant à injecter directement quelques spermatozoïdes sous la zone pellucide, au contact de la membrane de lovocyte. On peut ainsi effectuer une fécondation in vitro avec du sperme peu fécondant et éviter, en cas de succès, le recours à un tiers donneur. Mais le risque majeur que comporte cette méthode de fécondation assistée est celui de la polyspermie, cest-à-dire la fécondation de lovule par plusieurs spermatozoïdes qui conduit à la conception dun embryon non viable. Cest à loccasion dune SUZI pratiquée au Centre de médecine de la reproduction de lUniversité libre de Bruxelles qua été réalisée, accidentellement, la première ICSI : en tentant dinjecter des spermatozoïdes entre les deux membranes de lovule, le praticien a fait pénétrer un unique spermatozoïde dans le cytoplasme. Cette manipulation involontaire a conduit à une fécondation, puis à la naissance dun enfant en 1992. Compte tenu des taux de succès quelle a rapidement affichés, cette technique sest répandue dans le monde entier comme une traînée de poudre. En France, après sa première réussite en 1994, lICSI a connu, comme on la déjà indiqué, une croissance quasi exponentielle en trois ans et tout donne à penser quelle est en passe de représenter prochainement plus de 50 % des fécondations in vitro. Les pionniers de lAMP ne sen sont pas tenus là dans leur recherche des méthodes visant à combattre la stérilité masculine. En 1995, Jan TESARIK et Jacques TESTART annonçaient la naissance de deux enfants issus dune technique de fécondation sans spermatozoïde baptisée ROSI (round spermatic injection) qui consiste à injecter dans lovule, non plus un spermatozoïde, mais une spermatide prélevée directement dans le testicule . Plus récemment (décembre 1997), Nikolaou SOFITIS, praticien de la FIV à lUniversité de Yonago (Japon), faisait état de deux grossesses obtenues par SESI (secondary spermatocyte injection) où la fécondation se réaliserait à partir de spermatocytes de stade 2, prélevés dans la phase la plus précoce de la gamétogenèse. Pour sen tenir à lICSI, dont on peut considérer quelle est dores et déjà entrée dans une phase de routine, le débat reste ouvert sur ses conséquences touchant le développement des enfants conçus selon cette méthode. Ces incertitudes conduisent à sinterroger sur les conditions dans lesquelles se développe aujourdhui la fécondation in vitro, la pratique du fait accompli ne pouvant être érigée en règle générale de conduite dans un domaine qui concerne très directement la protection de la personne.
La philosophie sous-jacente de tous les traitements dinfertilité par reproduction assistée " est fondée sur lhypothèse de la qualité procréative dun spermatozoïde (capacité à contribuer à la naissance dune descendance normale) : elle nest pas simplement corrélée aux caractéristiques du spermatozoïde fécondant sélectionné au cours de la fécondation naturelle. Il est donc supposé que le fait de court-circuiter une ou plusieurs étapes de processus de sélection naturelle ne met pas en danger la qualité du conceptus. " Lélimination des étapes de sélection aboutit à une réduction du rapport numérique entre gamètes mâles et femelles dont le tableau ci-dessous, établi par Jacques TESTART , illustre le caractère spectaculaire :
En permettant à des hommes dont les spermatozoïdes sont trop rares ou trop mal formés daccéder néanmoins à la paternité, quels risques fait-on courir à leur descendance ? Il a été constaté, chez les sujets présentant une oligoasthénotératospermie, un taux danomalies chromosomiques dix fois supérieur au reste de la population (6,5 % contre 0,6 %). Ces anomalies concernent le plus souvent les chromosomes sexuels. Le risque augmente avec le degré de latteinte spermatique, passant de 2,2 % pour un spermogramme normal à 5,1 % en cas doligospermie, 14,6 % en cas dazoospermie et 20,3 % en cas dazoospermie secrétoire. Lanomalie de la spermatogenèse existant chez ces pères infertiles semble être en rapport avec des délétions (amputations) des bras longs du chromosome Y ; on ne peut donc exclure un risque de transmission de cette infertilité à lenfant. Mais, par delà ce premier risque non négligeable, rien ne permet daffirmer avec certitude que ne puissent être transmises dautres anomalies génétiques, encore non identifiables en létat actuel des moyens de détection, et qui affecteraient des fonctions physiologiques générales. Pour lheure, les études publiées sur le développement des enfants nés après ICSI, ne peuvent, faute de recul suffisant, être considérées comme concluantes dautant quelles divergent parfois dans leurs appréciations. Ainsi en va-t-il de deux études, lune australienne, lautre belge, publiées le 23 mai 1998, dans le même numéro de " Lancet ". En France, une étude multicentrique réalisée par les BLEFCO (biologistes des laboratoires détude de la fécondation et de la conservation de luf) portant sur 2 919 grossesses obtenues par ICSI confirme les résultats du groupe de Bruxelles : lICSI ne semble pas créer danomalies mais est évidemment susceptible de transmettre une anomalie parentale, en inventant par exemple " la stérilité héréditaire " . Par ailleurs, une étude de FIVNAT relative à lévolution des grossesses ICSI sur la période 1994-1996 a été menée dans seize départements et a mis en évidence laugmentation des risques danomalies gonosomiques, autosomiques et cardiologiques chez les enfants conçus par ICSI . La conclusion est quon ne peut conclure et ce dautant moins, comme le souligne le professeur Charles THIBAULT , que " labsence danomalies chez lenfant ou ladulte nés par ICSI nest pas un argument valable. Lanomalie portée par le spermatozoïde reste généralement cachée tant que la fécondation na pas lieu avec un ovocyte porteur dune mutation ou dune délétion du même ou des mêmes gènes. En clair, si lanomalie nest pas exprimée chez lenfant, rien nindique quelle ne se révélera pas dans les générations suivantes, quand cet enfant ou un de ses descendants sera le partenaire dune femme elle aussi porteuse des mêmes anomalies géniques ." Dès 1994, le Comité consultatif national déthique, dans son avis n° 42 sur lévolution des pratiques dAMP, avait recommandé la plus grande vigilance à propos de lICSI dont il relevait les dangers potentiels. Des efforts devaient être faits pour trouver un modèle animal et respecter les règles applicables à la recherche médicale. Les couples devaient être informés du caractère expérimental de la méthode. Les protocoles expérimentaux devaient être de nature à permettre une évaluation rigoureuse de celle-ci. LICSI ne devait pas être associée à dautres techniques susceptibles de faciliter la pénétration dans lovocyte déléments étrangers. Il est rien moins que sûr que ces recommandations aient guidé les pratiques suivies depuis quatre ans. Un fait significatif est mis en évidence par lenquête menée par trois chercheurs français auprès des 48 CCPPRB et à laquelle 36 comités ont répondu : bien que lICSI soit développée dans plus de vingt centres de PMA, trois dentre eux seulement ont jugé nécessaire den référer à un CCPPRB sans que la loi leur en fasse obligation. Les comités, qui déplorent cette situation, estiment quils devraient superviser lensemble des procédures et que ces dernières devraient avoir été précisées avant que les centres ne décident de mettre en uvre la technique. LAMP montre ici sa singularité : une technique innovante et non évaluée est souvent considérée par ses utilisateurs comme une simple amélioration de celles déjà existantes et validées . Ainsi se trouve posé, à propos de lICSI, le problème général des conditions dans lesquelles sont mises en uvre les techniques dAMP. Deux conceptions de la recherche sont ici en présence : Pour les uns, il faut prendre en compte les bouleversements apportés par lAMP au processus habituel de lévolution des traitements médicaux (recherche fondamentale, expérimentation animale, application clinique). Dans lAMP intervient en premier lieu lidentification des obstacles à lefficacité thérapeutique, ce qui fait référence à la notion de rendement, voire de performance. Lorsquune expérimentation animale est ensuite mise en uvre, elle vise exclusivement à une mise au point technique et à une démonstration de faisabilité mais na pas les moyens dapporter une démonstration dinnocuité : elle repose, pour une part, sur un empirisme éclairé et débouche rapidement sur une application clinique comportant des risques potentiels, doù labsolue nécessité dune évaluation clinique exhaustive sur une certaine durée. La principale retombée de cette application clinique est quelle ouvre de nouvelles questions qui vont alimenter la recherche fondamentale. Ainsi lapplication clinique précède la recherche, comme le démontre lICSI. Bernard SELE, président des BLEFCO, à qui nous empruntons cette analyse, en conclut : " Il faudrait se garder dinvoquer une soi-disant défaillance du pré-requis scientifique qui pourrait conduire à une attitude dabstention dans la prise en charge de linfertilité, masculine en particulier, alors que les réactions réellement à luvre sont dinspiration idéologique. " Autre justification apportée à cette démarche pragmatique par Jacques TESTART : " On ne peut pas négliger que les souffrances de nos contemporains peuvent parfois légitimer laction avant que la science ne soit capable dy apporter sa garantie. " A lopposé se situe la position défendue par Bernard JEGOU, directeur du groupe détude de la reproduction chez le mâle à lINSERM , pour qui lICSI a constitué " un coup détat biologique " inscrit dans un contexte de banalisation incessante du risque, au regard de laquelle le travail du biologiste fondamental sapparente à un combat darrière-garde face à des digues déjà rompues. Plusieurs lacunes doivent être mises selon lui en évidence dans la pratique de lAMP :
Les arguments invoqués par les praticiens (durée limitée de la fertilité féminine, marge dincertitude et coût de lexpérimentation animale, réussites antérieures et charge de la preuve incombant aux scientifiques en ce qui concerne le danger éventuel de leurs méthodes) ne sauraient faire oublier que " la technique doit être au service de la science ", que dans le domaine du médicament, ce sont des tragédies comme celle de la thalidomide qui ont imposé les modèles animaux et que lindustrie de la procréation assistée (cliniques, fabricants dhormones) ne réinvestit aucun profit dans la recherche, à la différence de lindustrie pharmaceutique. Bernard JEGOU observe en outre que le suivi des enfants ainsi conçus est éminemment subjectif puisque le monde de lAMP est juge et partie et opère sur le mode déclaratoire, sans lintervention de techniciens-inspecteurs spécialisés dans les essais cliniques. Même si elles doivent beaucoup à la conscience des praticiens de lAMP, les évaluations actuelles sur les résultats de lICSI souffrent de diverses limites, dont un taux de perdus de vue important. Ces constatations le conduisent à proposer la création dans ce domaine dune instance de régulation à limage de lAgence du médicament afin de rompre le caractère trop autogéré de lAMP, illustré notamment par la composition de la CNMBRDP . Il conviendrait aussi de développer la formation à la recherche, animale et humaine, des praticiens de lAMP et de pratiquer une politique volontariste dappel doffres en faveur de la recherche biologique fondamentale et appliquée en reproduction. Enfin, et cette suggestion rejoint les préoccupations exprimées par de nombreux praticiens, il conviendrait de mettre en place un suivi des enfants offrant toutes les garanties méthodologiques. Dans lavis quelle avait adopté le 13 février 1996, lAcadémie de médecine estimait quune différenciation devait être faite entre les techniques dAMP selon quelles sont éprouvées, en cours dévaluation ou encore à létat de recherche, afin de garantir la sécurité du patient et déviter un passage trop rapide de lexpérimentation à la pratique. Une information complète du couple sur les risques particuliers encourus et lintervention dun conseil génétique préconceptionnel lui paraissaient devoir simposer avant toute mise en uvre de lICSI. Plus de 73 % des praticiens interrogés par le Centre régional juridique de lOuest en 1997 adhèrent à ces recommandations, mais rien ne permet daffirmer quelles ont été suivies deffet. Quant au guide de bonnes pratiques, prévu par larticle R 184-1-11 du Code de la santé publique, qui doit préciser entre autres les indications particulières de la mise en uvre de lICSI, il na pas été à ce jour publié bien que son élaboration ait occupé un groupe de travail pluridisciplinaire de la CNMBRDP tout au long des années 1996 et 1997. Il appartiendra au législateur de tirer les leçons de cet état de fait et de sinterroger sur les conditions dans lesquelles il convient de réguler les techniques dAMP afin quelles respectent le principe général qui conditionne lobjectif visé aux moyens utilisés (efficacité, innocuité et qualité des procédures dune part, conséquences éthiques dautre part).
Sécartant des dispositions adoptées par dautres pays européens , le législateur de 1994 na pas jugé opportun de limiter en nombre le transfert des embryons après la fécondation in vitro, laissant ainsi aux praticiens le soin de choisir, au cas par cas, la solution la plus adaptée compte tenu de la qualité des embryons, des connaissances acquises en matière de transfert, des risques de grossesses multiples, de la demande des couples et de lâge de la femme. On sait en effet que les chances dimplantation, qui ne sont que de 10 % pour un seul embryon transféré, passent à 15 % pour deux embryons et à 25 % pour quatre embryons et plus. Les risques afférents résident dans laugmentation des grossesses multiples avec les conséquences qui en résultent (prématurité, élévation du taux de mortalité et de morbidité périnatale). Face à ces risques, les praticiens peuvent être amenés à pratiquer des réductions embryonnaires sur la légalité desquelles le débat juridique reste ouvert : dans son avis n° 44, le Comité consultatif national déthique avait souligné que certaines de ces réductions embryonnaires se situaient " hors le champ de la loi " si lon admettait quil sagissait dune forme dinterruption de grossesse. Si, au contraire, ajoutait-il, on considère que la grossesse nest pas interrompue parce quelle continue pour des embryons préservés, " la réponse nest actuellement contenue ni dans la loi, ni dans la jurisprudence ". Ce constat, formulé en 1991, demeure dactualité. " La réduction embryonnaire a été oubliée par la loi du 29 juillet 1994. " Cela étant, il convient de souligner que la pratique sest orientée au fil des ans vers une réduction du nombre moyen dembryons transférés. Selon les chiffres publiés par FIVNAT, les transferts de plus de quatre embryons sont passés de 16,8 à 8,2 % du total entre 1993 et 1997. Les transferts de deux embryons sont passés de 22,6 à 33,9 %, les transferts dun et trois embryons demeurant stables dans une proportion respective de 16 et 40 %. Parallèlement, on constate, dans le cadre de la FIV, une diminution significative du taux des grossesses multiples (- 3,3 % pour les grossesses triples de 1989 à 1994, - 2,2 % pour les grossesses gémellaires de 1992 à 1996) et, corrélativement, du taux des réductions embryonnaires. Les taux de réussite obtenus avec le transfert de deux embryons seront sans doute améliorés par la pratique de la coculture, qui permet de prolonger le développement in vitro des embryons pendant cinq jours jusquau stade de blastocyste, mais dont lévaluation sanitaire reste encore à faire. Dans ces conditions, lautorégulation liée au progrès des techniques conduit à penser quil nest pas nécessaire sur ce point dintroduire dans la loi des dispositions contraignantes. Cependant, comme le souligne Jacques TESTART, " tant que le potentiel évolutif de chaque embryon restera inconnu, il sera nécessaire, pour maintenir les taux de succès, de transférer des embryons en excès. Lidentification des embryons viables est donc un nouvel enjeu dont la mise en application recoupe lidentification des embryons " normaux ", même si les philosophies qui régissent lune et lautre sont différentes : en labsence de marqueurs morphologiques ou biochimiques de la viabilité, celle-ci ne peut être partiellement appréciée que sur des critères génétiques et sinscrit donc dans le cadre du diagnostic génétique préimplantatoire même si la loi de 1994 na pas encore accepté cet élargissement du DPI. " Comment ne pas souligner ici létroite imbrication des différentes problématiques dans laquelle sinscrit la procréation médicalement assistée ?
La loi de 1994 a autorisé la conservation des embryons. Comme la observé M. MATTEI, ce choix prenait en compte une situation de fait (lexistence, au moment de lélaboration du texte, dun grand nombre dembryons congelés et abandonnés, évalué à plus de 2 000). Dautre part, le législateur y voyait une solution très provisoire dans la perspective, annoncée comme proche, dune possible congélation des ovocytes . Sur ce point, les attentes ont été quelque peu déçues, la science nayant pas encore fourni une réponse satisfaisante à cette question . De ce fait, le problème des embryons surnuméraires reste entier en 1999. Deux types de situation doivent être ici distingués : Sagissant des embryons encore inscrits dans un projet parental, la question qui se pose est celle des effets de la cryoconservation en ce qui concerne, dune part les chances dimplantation, dautre part les effets sur lenfant à naître. Sur le premier point, il est généralement admis que 30 % des embryons ne résistent pas à la congélation et que le taux dimplantation est dans cette hypothèse sensiblement inférieur à celui de lembryon frais (5 à 10 % contre 15 %). Sur le second point, une étude suédoise récemment publiée (" Lancet " du 10 avril 1998) semble établir que les enfants nés après FIV et cryopréservation se développent normalement jusquà 18 mois et ne présentent aucune altération physique ou psychomotrice mais lon ne dispose pas, actuellement, sur ce point dun véritable suivi épidémiologique. Cela étant, il ne serait pas inutile, dune part que les parents, maîtres de la décision selon la loi, bénéficient à ce sujet dune information aussi complète que possible, dautre part que les établissements assurant cette conservation fassent lobjet dun agrément spécifique tenant compte des données sanitaires, éthiques et relationnelles propres à ce type dactivité . Sagissant des embryons " orphelins ", plusieurs interrogations restent en suspens :
La CNMBRDP, dans son rapport, souligne les difficultés tenant à la différence de régime établie entre les embryons fécondés avant et après lentrée en vigueur de la loi, ainsi que les problèmes de sécurité sanitaire découlant de labsence dexamen médical obligatoire pour linsémination intraconjugale. Le professeur FRYDMAN a mis en évidence une discordance entre lautorisation très strictement encadrée des établissements pratiquant le don de gamètes (article L 673-5 du Code de la Santé publique) et le libéralisme qui prévaut en matière de don dembryons, celui-ci pouvant être pratiqué dans tous les centres de PMA détenant un stock dembryons congelés (article L 152-5) . Ne conviendrait-il pas, dans ces conditions, de procéder à une harmonisation législative ? Par delà ces problèmes techniques, le professeur MATTEI a mis en avant ce quil considère comme une difficulté de fond . Elle tient au mélange des genres opéré par la loi (dun côté, la notion de don qui ne peut sappliquer quà un objet, de lautre, la procédure daccueil qui se calque sur ladoption). Comment assimiler à ladoption une mise au monde qui a toute lapparence dune création naturelle et rend quasi impossible la révélation de la vérité à lenfant ? Ces dispositions seront-elles caduques avant même davoir été appliquées ? Cest là une des questions importantes qui se poseront au moment de la révision.
On rappellera ici brièvement les progrès accomplis depuis deux ans dans le domaine du clonage animal, que ce soit à partir de cellules adultes ou dorigine ftale, progrès qui ont suscité lintérêt des chercheurs mais aussi linquiétude de la communauté internationale. Le premier événement majeur a été constitué par la naissance le 23 février 1997 à lInstitut Roslin dEdimbourg du clone dune brebis adulte obtenu après 277 tentatives par transfert dun noyau prélevé sur une glande mammaire. Cette réussite faisait suite aux premiers succès obtenus au début des années 1980, notamment par des chercheurs de lINRA, dans le clonage dovins et de bovins à partir de la section dembryons au premier stade de leur développement, puis par transfert dun noyau prélevé sur une cellule ftale. Copie conforme de sa mère génétique, Dolly constitue le premier clone dun mammifère adulte. Soulignant limportance de cette technique pour la duplication danimaux transgéniques " humanisés ", les chercheurs écossais annonçaient ensuite, en juillet 1997, la création de Polly, première brebis clonée porteuse, au sein de son génome, dun gène humain et susceptible de produire dans son lait une protéine thérapeutique. Deux veaux transgéniques clonés à partir dune cellule ftale ont ensuite été produits en janvier 1998 dans un laboratoire du Massachusetts. En mars 1998, Marguerite, première génisse obtenue en France à partir du clonage dune cellule musculaire prélevée sur un ftus de 60 jours, était présentée par lINRA au Salon de lagriculture. Tout récemment (décembre 1998), un groupe de chercheurs japonais reprenant la technique mise au point par lInstitut Roslin a réussi le clonage de huit veaux à partir de cellules provenant, soit du tissu ovarien, soit de loviducte dun seul animal adulte. Les cellules ainsi clonées avaient été cultivées in vitro jusquau stade blastocyste et dix embryons avaient pu être implantés dans lutérus de cinq vaches porteuses. Comme le remarque le professeur Axel KAHN, " si la mortalité observée dans cette expérience était maîtrisée et même si elle devait rester à 50 %- lextrême facilité du clonage animal et son taux de succès en feraient une grande méthode alternative à la procréation pour la sélection et la production dembryons bovins " . Le Groupe des conseillers pour léthique de la biotechnologie auprès de la Commission européenne souligne dautre part, dans son avis du 28 mai 1997, que le clonage animal est porteur dutilisations potentielles extrêmement positives dans le domaine de la médecine et de la recherche médicale : amélioration des connaissances génétiques et physiologiques, réalisation de modèles de maladies humaines, production à un moindre coût de protéines (telles les protéines de lait utilisables à des fins thérapeutiques), constitution de banques dorganes ou de tissus servant à des xénogreffes. Envisagées sous cet angle, les recherches et expérimentations en cours ne soulèvent bien évidemment aucune objection sous réserve que soient respectées un certain nombre de conditions éthiques touchant lexpérimentation animale . Plus inquiétante en revanche est la perspective que le perfectionnement sur le modèle animal des techniques de clonage reproductif ne conduise à lexpérimentation sur lhomme. Un certain nombre dinstances internationales ont pris récemment position avec force contre cette éventualité. Mais ces proclamations ont, le plus souvent, un caractère symbolique et masquent les divergences dapproche qui se manifestent dun bord à lautre de lAtlantique. Après la naissance de Dolly, un certain nombre dinstances européennes et internationales ont condamné par anticipation le clonage humain à visée reproductive. Au plan européen tout dabord, après la résolution adoptée le 12 mars 1997 par le Parlement européen et lavis émis le 28 mai 1997 par le groupe des conseillers pour léthique de la biotechnologie auprès de la Commission européenne, un protocole additionnel à la Convention pour la protection des droits de lhomme et de la dignité de lêtre humain à légard des applications de la biologie et de la médecine, portant interdiction du clonage dêtres humains, a été adopté en novembre 1997 par le Comité des ministres du Conseil de lEurope et signé le 12 janvier 1998 par 17 des 40 pays membres. Son article 1er interdit " toute intervention ayant pour but de créer un être humain génétiquement identique à un autre être humain, vivant ou mort ". Il est intéressant de souligner la distinction quétablit à cette occasion le rapport explicatif entre " le clonage de cellules en tant que technique, lutilisation des cellules embryonnaires dans les techniques de clonage et le clonage dêtres humains au moyen, par exemple, des techniques de division embryonnaire ou de transfert de noyau ". Ce dernier le clonage reproductif- est seul visé par le Protocole additionnel. Sagissant du clonage à visée thérapeutique faisant appel à des cellules embryonnaires, il devra être examiné dans le Protocole sur la protection de lembryon. On voit ainsi que la séparation entre clonage reproductif condamné et clonage thérapeutique autorisé mérite dêtre nuancée puisque ce dernier met en cause les finalités qui peuvent être assignées à lutilisation des embryons. La prohibition a une portée absolue, larticle 2 du Protocole précisant quaucune dérogation nest autorisée au titre de larticle 26 de la Convention. Il sagit, pour lheure, du seul instrument juridique international contraignant interdisant le clonage dêtres humains . Au plan international, lOrganisation mondiale de la santé a publié le 11 mars 1997 une déclaration condamnant le clonage au nom des principes fondamentaux régissant la procréation médicalement assistée, notamment le respect de la dignité de la personne humaine et la protection de la sécurité du matériel génétique humain. Dautre part, la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de lhomme de lUNESCO, en date du 11 novembre 1997, énonce dans son article 11 que " des pratiques qui sont contraires à la dignité humaine, telles que le clonage à des fins de reproduction dêtres humains, ne doivent pas être permises ". Cette déclaration a été adoptée par la 53ème assemblée générale des Nations-Unies, le 9 décembre 1998. Par delà lunanimité qui se manifeste dans ces proclamations (auxquelles on peut ajouter les positions prises par les membres du G8, à Denver, en juin 1997), il convient de mettre en évidence les positions moins catégoriques qui se sont exprimées sur ce problème aux Etats-Unis comme en Grande-Bretagne. Les positions anglo-saxonnes Si le président CLINTON, réagissant aux déclarations extravagantes du physicien Richard SEED, a décidé, en mars 1997, dinterdire que des fonds fédéraux puissent être consacrés à des expériences sur le clonage humain, cette mesure, on le sait, ninterdit pas la poursuite de la recherche sur fonds privés, puissamment soutenue outre-Atlantique. Il est dailleurs significatif que le Sénat américain ait rejeté en février 1998 un projet de loi dorigine républicaine interdisant définitivement tout clonage humain. Seule la Californie a prohibé le clonage humain ainsi que la manipulation et le commerce dembryons. En Grande-Bretagne, où la Human Genetics Advisory Commission et la Human Fertilization and Embryology Authority avaient lancé lan dernier une consultation sur le sujet, le rapport remis au Premier ministre en décembre 1998 propose de maintenir linterdiction du clonage à visée reproductive et dautoriser le clonage de tissus humains à des fins thérapeutiques , ce qui implique la création, pour cet usage spécifique, dembryons qui nauraient pas une vocation procréative. On voit se reposer ici la question de linstrumentalisation de lembryon qui divise, depuis de nombreuses années, la communauté scientifique européenne.
Les lois bioéthiques ninterdisent pas explicitement le clonage pour la raison que cette technique ne semblait pas, à lépoque, applicable à lhomme. Cela étant, prévoir cette interdiction nest pas indispensable sur un plan strictement juridique. Comme le note le Conseil dEtat dans son rapport public de 1998, " il ne fait guère de doute que larticle 16-4 du Code civil contient déjà, dans sa rédaction actuelle, une interdiction de jure du clonage reproductif car celui-ci porte évidemment atteinte à lintégrité de lespèce humaine et constitue une transformation des gènes dans le but de modifier la descendance de la personne, toutes choses formellement prohibées ". Dans lavis quil a rendu à la demande du Président de la République (n° 54 du 22 avril 1997), le Comité consultatif national déthique fait une analyse similaire. Il estime en outre que les dispositions du Code de la santé publique relatives à lassistance médicale à la procréation sont incompatibles avec des techniques de clonage qui, dailleurs, ne sauraient constituer une méthode " procréative " ; il en est de même des règles encadrant les études sur lembryon et prohibant toute recherche et expérimentation. Toutefois, à des fins pédagogiques, et compte tenu de labsence, dans la loi, dune disposition expresse sur ce point, le CCNE sest montré favorable à une clarification des textes, certains de ses membres sinterrogeant néanmoins sur lopportunité dajouter à la loi une nouvelle interdiction chaque fois quapparaîtrait une grave dérive de cet ordre. Le débat est donc ouvert. Quelle que soit la solution que retiendra le législateur, il devra garder présente à lesprit la portée limitée de la norme juridique interne face à un environnement international instable où les pressions économiques, sociales et culturelles ne se heurtent, pour lheure, quà des barrières morales dépourvues de force contraignante. Au surplus, la distinction commode et un peu rapide qui tend à sétablir entre le clonage reproductif -prohibé- et le clonage thérapeutique -admis- fait bon marché des problèmes éthiques que peut soulever ce dernier sil conduit à une instrumentalisation de lembryon, utilisé comme banque de cellules, hors de tout projet parental. La Grande-Bretagne, fidèle à son orientation pragmatique, pourrait souvrir, on la vu, à cette possibilité. Sera-t-il possible, ici encore, dans le respect des principes posés par la Convention dOviedo, de parvenir à une attitude commune des différents pays européens ?
Lobjet de lassistance médicale à la procréation est, selon larticle L 152-2 alinéa 1 du Code de la santé publique, de répondre à la demande parentale dun couple. Le législateur a subordonné sa mise en uvre à des conditions dordre médical, dune part, dordre social, dautre part. LAMP a pour objet de remédier à linfertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué. Elle peut aussi avoir pour objet déviter la transmission dune maladie dune particulière gravité. Quelques problèmes dinterprétation et dapplication ont pu être soulevés à propos de linfertilité et, tout dabord, en ce qui concerne son caractère pathologique. Linfertilité normale due à la ménopause ne peut rentrer dans ce champ. Pourtant, lévolution actuelle qui tend à substituer à la condition dintérêt thérapeutique celle de " bien-être " du patient ne pourrait-elle aboutir à faire accepter une assistance médicale dans ces hypothèses ? Afin déviter que des solutions différentes ne soient adoptées dans des cas identiques, la profession médicale devrait ici sorganiser pour réfléchir sur linterprétation de " linfertilité médicalement diagnostiquée " et élaborer des règles de bonne conduite . Dautre part, létablissement dun diagnostic médical mettant en évidence le caractère pathologique de linfertilité suppose que celle-ci soit établie au moment de la demande dAMP et laisse donc de côté lhypothèse dun traitement médical susceptible de compromettre la fertilité à plus ou moins long terme (traitements anticancéreux, par exemple). Pour faire face à ce type déventualité, les patients ont recours de plus en plus fréquemment à lautoconservation de sperme dont les demandes se sont accrues de plus de 11 % entre 1996 et 1997 selon les statistiques des CECOS. Le professeur JOUANNET a souligné la nécessité dune réglementation de cette pratique, actuellement ignorée par la loi . Pour la femme soumise à une thérapie stérilisante, cette ressource nexiste pas en létat actuel des techniques qui ne permettent pas de congeler les ovocytes. Elle naurait donc dautre solution que de recourir à la FIV mais la loi ne ly autorise pas dans cette hypothèse. Le ferait-elle quil conviendrait encore de régler le sort de lembryon conservé dans le cas où le risque de stérilité ne se réalise pas .
La notion de " maladie dune particulière gravité " soulève, outre son interprétation par les praticiens, le problème connexe de la sélection des embryons transférables qui sera examiné par ailleurs à propos de la mise en uvre du diagnostic préimplantatoire régi par larticle L 162-17 du Code de la santé publique. Mais elle peut aussi être envisagée sous un angle particulier que navait pas prévu le législateur de 1994 : celui de la mise en uvre de lAMP dans le cas dun couple séro-différent . Une enquête du docteur HAMAMAH a fait apparaître que 3 à 13 % des praticiens acceptaient de prendre en AMP des couples dont lun des partenaires est contaminé par le VIH. Certains médecins ont regretté à ce propos labsence de directives législatives et réglementaires précises, dautres, en revanche, estimant que ces choix relevaient de la responsabilité individuelle du praticien. Lavis (n° 56) émis le 10 février 1998 par le Comité consultatif national déthique, conjointement avec le Conseil national du SIDA, se limite au seul cas des couples où lhomme est séropositif (et où il nexiste donc pas de risques directs pour lenfant à naître). Evoquant les quatre possibilités aujourdhui proposées aux couples en désir denfant (adoption, insémination artificielle avec donneur, rapports non protégés avec monitorage médical de lovulation, insémination intra-utérine de spermatozoïdes traités), le CCNE préconise, en premier lieu, lassistance médicale avec tiers donneur mais juge acceptable, en second lieu, linsémination intraconjugale de spermatozoïdes traités et contrôlés de lhomme séropositif (insémination effectuée dans les formes dune recherche biomédicale sur lhomme en application de la loi du 20 décembre 1988 et après avis de la Commission nationale de médecine de la reproduction et du diagnostic prénatal). Sans introduire des discriminations liées à létat de santé des demandeurs, la loi devra-t-elle apporter des précisions sur ce point ? On peut penser, à tout le moins, quune concertation des praticiens conduisant à une harmonisation de leurs comportements devrait être organisée.
Cette condition est le fruit dune transaction entre les deux assemblées, le Sénat souhaitant à lorigine limposer à lensemble des couples mariés ou non. En la restreignant aux concubins, on a voulu éviter quune personne mariée et stérile ne soit contrainte dattendre deux ans pour tenter davoir un enfant. Les critiques qui sont aujourdhui adressées à cette disposition portent, dune part sur ses modalités de mise en uvre, dautre part sur sa pertinence même : Sur le premier point, on a fait observer que les couples ne sont soumis à aucune exigence de preuve, mais doivent être simplement en mesure de lapporter. Il est difficile dimaginer les médecins appréciant les différentes preuves fournies par les concubins . Lenquête menée auprès des établissements dAMP par le CRJO révèle dailleurs une grande diversité de pratiques (déclaration écrite, attestation de concubinage, simple déclaration orale). La loi ne précise pas, dautre part, si le concubinage doit avoir été continu au cours de cette période. Cest donc au praticien quil appartient dapprécier les conditions de vie et la stabilité de lunion dans le cadre de lentretien préalable. Ni sa formation ni sa pratique ne le rendent apte à assumer une telle fonction. Sagissant de lopportunité de cette condition, le professeur FRYDMAN a souligné quelle était inadaptée, en pratique, au cas de plus en plus fréquent des candidates à lAMP âgées de 38 ans et plus qui voient saffaiblir ainsi les chances dune fécondation réussie . Sans supprimer ce délai, peut-être conviendrait-il den réduire la durée à un an.
Alors que certaines législations étrangères (notamment la Hollande) fixent un âge déterminé, le législateur de 1994 a laissé cette notion à lappréciation du médecin, lapplication dun critère physique (la survenance de la ménopause) apparaissant plus aisée dans le cas de la femme que dans celui de lhomme. Alors que lâge des candidates à lAMP tend à sélever la proportion des patientes de 40 ans et plus est passée de 12,1 % en 1993 à 13,7 % en 1996-, certains centres semblent imposer une limite dâge entre 38 et 42 ans. Par ailleurs, la Sécurité sociale envisagerait de fixer à 42 ans lâge limite au-delà duquel la femme bénéficiant dune AMP ne sera pas remboursée, compte tenu du coût plus élevé, pour une chance de succès plus faible, du traitement dhyperstimulation ovarienne applicable à la femme âgée. Cette solution " couperet " est contestée par les praticiens eu égard à la capacité biologique de procréation de certaines femmes au-delà de 42 ans. Comme le note Mme LE MINTIER, " le caractère de cette condition (dordre physique ou dordre social) mériterait dêtre précisée, du moins dans les débats parlementaires, à loccasion de la révision de la loi du 29 juillet 1994, afin de dicter au médecin linterprétation à retenir de cette exigence légale " .
Mettant fin aux hésitations de la jurisprudence dans des affaires touchant la restitution à une veuve du sperme congelé de son mari, le législateur de 1994, par la rédaction quil a donnée à larticle L 152-2 du Code de la santé publique, a englobé dans une prohibition générale linsémination artificielle de la femme après le décès de son conjoint et le transfert post mortem dembryons conçus in vitro du vivant du mari ou du concubin. La Cour de cassation en a fait une application rétroactive dans un arrêt du 9 janvier 1996 confirmant un arrêt du 18 avril 1994 de la Cour dappel de Toulouse. On notera toutefois quelle a partiellement annulé la décision de cette juridiction en ce quelle avait ordonné la destruction des embryons congelés. Cette possibilité nest en effet pas admise dans une telle hypothèse par la loi de 1994, qui noffre comme seule issue aux embryons conservés que dêtre accueillis par un autre couple (article L 152-4 alinéa 2). Même si la loi de 1994 ne semble pas avoir connu dautres applications que le cas despèce précité, le Parlement sera sans doute amené à réexaminer cette question et cest la raison pour laquelle on laborde à nouveau dans le cadre de ce rapport qui na pas vocation à y apporter une réponse. Un premier point mérite dêtre souligné. Une nette divergence semble sétablir sur ce sujet entre le corps médical et les couples : lenquête effectuée par la Revue du Praticien en mai 1998 fait apparaître que si les praticiens restent à 74 % favorables à la règle exprimée dans le rapport du Conseil dEtat " De léthique au droit " (" Deux parents, pas un de plus, pas un de moins. ") , les couples sont, pour 69 % dentre eux, favorables au transfert des embryons après le décès du mari. Réaffirmant une position déjà exprimée en 1993, le Comité consultatif national déthique a, dans son avis du 25 juin 1998, établi une distinction entre insémination artificielle et transfert dembryon post mortem. " Une femme ", écrit le CCNE, " devrait avoir le droit de réclamer les embryons congelés si elle désire poursuivre le projet parental ". Il conviendrait cependant dimposer un délai de réflexion de trois mois à un an pour éviter les pressions conduisant à une décision trop précipitée. Une opinion similaire a été émise par lAcadémie de médecine, qui conteste la confusion opérée entre insémination et transfert dembryons et considère comme anormal, aussi bien à légard de la mère que des embryons, de ne pas permettre lachèvement du projet parental. Le professeur FRYDMAN estime pour sa part quaprès un délai de six mois permettant laccomplissement du travail de deuil, une commission pourrait statuer au cas par cas sur lopportunité du transfert . Mme DELAISI de PARSEVAL, tout en soulignant le caractère inconcevable de la " ressource " offerte à la mère veuve (don de lembryon à un autre couple), observe quil est paradoxal dinterdire le transfert post mortem et dadmettre par ailleurs linsémination intraconjugale dans le cas dun homme séropositif dont lespérance de vie est incertaine en létat actuel de la thérapeutique . A linverse, le docteur HANUS, président de lAssociation " Vivre son deuil ", conteste la position du CCNE et met en garde contre une solution qui ne prend pas en compte le deuil de la femme et lavenir de son éventuel enfant. " Il y a toutes les raisons éthiques que la femme survivante soit protégée contre elle-même, au moins pendant le temps de son deuil, et il y a lieu aussi de faire valoir les droits de lembryon-futur enfant de ne pas devenir à la fois un enfant sans père et un enfant de deuil. " Si le législateur jugeait préférable daccorder à la veuve ce droit au transfert dembryon, la sagesse commanderait limposition dun délai dun an et la mise en place des mêmes garanties psychologiques et sociales que dans le cas dune adoption comportant, en particulier, un entretien avec le psychiatre permettant de mieux analyser les motivations de la future mère. De son côté, le professeur MATTEI juge inopportune une modification de la loi compte tenu des problèmes posés par les délais et conditions de mise en uvre, le cas éventuel du remariage de la mère et limpossibilité détablir une solution symétrique pour le père survivant. M. MICHAUD met en évidence la difficulté juridique tenant à la règle des 300 jours au-delà desquels la présomption de paternité du père décédé instituée par le Code civil ne sapplique plus. En tout état de cause, si le législateur opte pour le maintien de la règle en vigueur, il devra régler le sort de lembryon qui naura pu bénéficier dune procédure daccueil et sinterroger sur la pertinence de cette dernière qui suscite, avant même quelle nait reçu un commencement dapplication, de nombreuses réactions négatives. La loi de 1994 a conféré aux médecins le pouvoir de contrôler, dune part lexistence et le maintien dune communauté de vie au sein du couple demandeur, dautre part lopportunité dune procréation au regard de lintérêt de lenfant à naître, qui constituent les conditions légales de mise en uvre de lAMP. Ce pouvoir est partagé entre les membres de léquipe pluridisciplinaire du centre et le praticien agréé responsable des actes cliniques et biologiques dAMP (articles L 152-9 et L 152-10 du Code de la santé publique). Sagissant de la réalité de la communauté de vie, on a pu juger concevable dexiger de lautorité médicale lappréciation juridique de chaque élément de preuve apporté par les demandeurs. En labsence de moyens objectivement probants dispensant dune telle appréciation, le contrôle exercé ne peut être que superficiel . Pour ce qui concerne, dautre part, lopportunité de lAMP au regard de lenfant à naître, lappréciation des aspects psychologiques, familiaux et éducatifs nest expressément prévue, par larticle L 152-5, que dans le cas daccueil dun embryon par un autre couple. En cas de procréation endogène, le médecin peut-il, en considération de ces motifs, imposer un délai de réflexion supplémentaire , voire opposer un refus au couple demandeur ? Les commentateurs sont partagés sur ce point, les uns estimant quune telle décision constituerait un abus de pouvoir, les autres ladmettant sur la base dune clause de conscience implicite résultant de lorganisation générale de la profession médicale et de la déontologie. Ces divergences dinterprétation démontrent la nécessité dune clarification sur la portée des dispositions législatives et, peut-être, lopportunité dun recours devant le juge judiciaire en cas de contestation de linterprétation des conditions fixées par la loi. On notera, pour conclure sur ce point, la réticence manifestée par une proportion non négligeable du corps médical à légard du rôle qui lui a été ainsi confié. Plus de la moitié des centres interrogés par le CRJO estime que cette mission de surveillance relève dun contrôle administratif et quil appartient au médecin de soigner, non de vérifier lexistence du " permis de procréer ". Le professeur CZYBA affirme de son côté que la procédure préalable à la mise en uvre de lAMP est peu respectée par les médecins, soit parce quils la jugent trop lourde et hors de leur compétence, soit parce quils ne la connaissent pas, cette ignorance étant également manifeste dans certaines DDASS . On conviendra quil y a là matière, sinon à modification de la loi, du moins à amélioration de ses conditions dapplication.
La mise en uvre de lAMP exogénique avec " apport par un tiers de spermatozoïdes ou dovocytes " (article L 673-1 du Code de la santé publique) est soumise à un encadrement très strict qui sinspire directement des règles dont sétaient dotés les CECOS avant lintervention de la loi. Face à la pénurie qui affecte le don de gamètes, ceux-ci souhaitent quune promotion plus vigoureuse saccompagne dun assouplissement du régime ainsi établi, auquel il est reproché de ne pas tenir suffisamment compte des différences qui séparent le don de sperme et le don dovocytes.
La fédération des CECOS fait état, dans ses plus récents bilans, dune chute générale des dons de gamètes. Cela étant, les incidences de cette situation doivent être nuancées selon quil sagit de don de sperme ou de don dovocytes. Pour ce qui concerne les donneurs de sperme, leur nombre, évalué à 707 en 1981, est passé à 569 en 1994 et à 389 en 1996 mais les demandes ont parallèlement baissé, évoluant, pour un premier don, de 2 337 en 1994 à 1 615 en 1997, soit une réduction de 30,9 % . Sans doute faut-il voir là lun des effets du recours croissant à lICSI, nouvelle réponse à linfertilité masculine. Le don dovocytes connaît, en revanche, une situation beaucoup plus difficile. Les chiffres publiés par le Groupe détude pour le don dovocytes (GEDO) mettent en évidence une progression régulière de la demande (191 en 1994, 503 en 1997, soit + 163 %) alors que le nombre de donneurs au cours de cette même période a été de 822, chiffre largement insuffisant au regard des 1 360 demandes nouvelles comptabilisées. Il est par ailleurs intéressant de noter que, daprès lenquête du GEDO, 93 % des donneurs font partie du cercle dintimes des couples en attente dun don, les autres étant, pour la plupart, des femmes déjà mères engagées dans un cycle de fécondation in vitro qui acceptent de donner des ovocytes surnuméraires. Les dons dovocytes spontanés restent donc exceptionnels . Linformation en faveur du don incombe au ministre chargé de la Santé en vertu de larticle L 665-12 du Code de la santé publique qui interdit par ailleurs toute publicité. Une première action lancée à lautomne 1998 a consisté dans lédition de plaquettes dinformation (" Vous aimez la vie Aidez à la donner. ") et lorganisation, les 23 et 24 octobre, de journées portes ouvertes dans les 22 CECOS de France. Sexprimant au nom de ces derniers, le professeur JOUANNET a souligné les difficultés dinterprétation que soulève la distinction entre promotion et publicité, le caractère tardif et limité de la campagne ainsi engagée et lopportunité dune délégation de ces actions à des organismes représentatifs pratiquant le don sous le contrôle du ministère de la Santé . Quelle que soit lefficacité -aujourdhui difficilement mesurable- de ce type dopération, elle ne dispensera pas le législateur dune réflexion sur lincidence des contraintes dont il a entouré un mode dassistance à la procréation auquel il avait souhaité, il est vrai, conférer un caractère subsidiaire.
Cette exigence posée par larticle L 673-2 a pour but de garantir la qualité de la motivation qui est à lorigine du don et déviter que celui-ci ne soit compris comme une manière dengager une paternité ou une maternité par procuration . Si les praticiens interrogés par le CRJO souscrivent globalement à cet objectif, ils portent une appréciation plus réservée sur la condition relative à la vie de couple qui introduit un système dexclusion contestable à légard des personnes veuves, célibataires ou divorcées ayant déjà procréé. Au surplus, les moyens de vérification dont disposent les praticiens pour contrôler leffectivité de cette condition sont loin de constituer des moyens de preuve irréfragables . Quant aux CECOS qui furent les premiers à instaurer la règle, ils estiment aujourdhui que la notion de couple donneur se heurte à lévolution de la société. La fréquence de plus en plus élevée de familles monoparentales diminue considérablement le nombre de donneurs potentiels. Aussi est-il proposé, comme la indiqué le professeur JOUANNET, de recourir à la notion de parentalité, plus large, plus adaptée à lesprit de la loi et qui serait, de fait, déjà appliquée par les CECOS . Si le principe général de non-patrimonialité du corps humain exclut, ici comme ailleurs, toute rémunération du donneur, larticle L 665-13 a cependant prévu un remboursement des frais engagés à loccasion du don. Le décret qui devait en fixer les modalités nest pas encore paru. Plus de 80 % des praticiens interrogés par le CRJO regrettent que le don ne soit plus remboursé par la Sécurité sociale et souhaiteraient notamment la mise en place dun dispositif financier destiné à la prise en charge du coût élevé des dons dovocytes, eu égard à la nécessité dencadrement médicalisé des donneuses. Il est fâcheux que le couple receveur ayant motivé une donneuse prenne lui-même ces frais en charge, comme cela semble être fréquemment le cas à lheure actuelle .
Le principe général de lanonymat du don inscrit dans le Code civil (article 16-8) et dans le Code de la santé publique (article L 165-14) sapplique au don de gamètes, assorti ici dune disposition spécifique qui a pour objet dinterdire au couple receveur de désigner nominativement la personne dont il souhaite recevoir les gamètes (article L 673-7). Cette règle de lanonymat, ou mise en uvre par le secret, ne peut être levée que pour permettre à un médecin daccéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité thérapeutique (article L 673-6). Cette exigence a été justifiée " tantôt dans une vision utilitariste par le risque de pénurie des donneurs, tantôt dans une vision humaniste par la complexité des relations qui sinstaureraient au sein du groupe enfant, couple, donneur " . Le débat sur le bien-fondé de ces dispositions est loin dêtre clos et resurgira probablement lors de la révision de la loi. Les partisans de la levée de lanonymat issus principalement des rangs des psychologues et des psychiatres- estiment non éthique de priver un enfant de ses racines et de la dimension existentielle de sa venue au monde. Mme DELAISI de PARSEVAL souligne à ce propos que le débat français est faussé par une confusion entre la levée éventuelle de lanonymat et létablissement dun lien de filiation . Il est vrai que " les données de lascendance sont susceptibles dêtre de trois ordres et de couvrir le mode de conception, les données médicales ou génétiques utiles à lenfant et, enfin, les données identifiantes et nominales, seules attentatoires au secret des origines " . Largument tiré de la Convention internationale des droits de lenfant de 1990 ratifiée par la France nest pas absolument irréfutable puisquelle naccorde à celui-ci le droit de connaître ses parents et dêtre élevé par eux que " dans la mesure du possible ". On doit cependant relever que dans son rapport publié en 1998, la Commission denquête sur les droits de lenfant créée à linitiative du président FABIUS a considéré que le recueil dinformations relatives à la filiation " pourrait être mis en place pour laccouchement sous X et labandon secret et serait ensuite, lorsque le législateur le jugera opportun, étendu aux naissances par PMA ". Sagissant de laspect " utilitariste " de lanonymat, la crainte exprimée était que sa levée nentraîne un tarissement du nombre des donneurs comme cela sest produit en Suède depuis quune loi du 20 décembre 1984 y a fait prévaloir le droit de lenfant à connaître ses origines. Mme DELAISI de PARSEVAL note que " la suppression de lanonymat obligatoire est, aujourdhui, bien acceptée par les couples et a entraîné dans ce pays, après un temps de raréfaction, un regain de dons provenant dune nouvelle population composée essentiellement de pères de famille plus âgés " . En admettant même que lanonymat favorise le don de spermatozoïdes, de nombreux observateurs et praticiens soulignent quil aboutit à un résultat opposé en ce qui concerne le don dovocytes, ce qui mettrait en question, sur ce point, lapplication dun régime indifférencié. Le professeur Bernard SÈLE note que la loi a confondu sperme et ovocytes dans le don de gamètes alors quil sagit de démarches soumises à des contraintes très différentes : le recueil de sperme est un acte indolore tandis que le don dovocytes nécessite un traitement médical préliminaire et une intervention chirurgicale, donc une motivation particulière dont la manifestation est entravée par la règle de lanonymat. Les raisons qui ont conduit à une telle obligation pour ce type de don devraient être réexaminées, faute de quoi la loi risque de ne jamais trouver sur ce point une réelle application . Le docteur GOLFE, en revanche, a pour sa part constaté un très net désir danonymat de la part des donneuses. Toute remise en cause de ce principe risque de déclencher selon lui un réflexe de fuite, sauf dans le cas de parenté ou damitié très proche, mais ce type de don peut être psychologiquement ambigu, porteur de fantasmes dinceste ou dadultère et, à ce titre, préjudiciable à lenfant à naître . Les dispositions de larticle L 673-7 interdisant le don dirigé sont-elles, au demeurant, strictement appliquées ? Le professeur CZYBA a émis des doutes très nets à ce sujet . Mme RAMOGIDA souligne que dans de nombreux centres, les couples candidats sont incités à présenter une donneuse à défaut de laquelle le délai dattente est beaucoup plus long . Lobjectif dégalité entre les couples receveurs, visé par le législateur, est ainsi remis en question. Dans dautres cas, on sollicite les patientes engagées dans un programme de fécondation in vitro pour quelles fassent don dun de leurs ovocytes mais les taux de réussite des transferts ne les incite pas à faire preuve daltruisme. Face à cette situation qui encourage le " tourisme procréatif " et contribue au développement dune médecine de riches et dune médecine de pauvres (Mme RAMOGIDA), certains plaident pour un assouplissement mesuré et encadré des dispositions en vigueur. Ainsi le professeur FRYDMAN, favorable au maintien du principe danonymat, estime-t-il que pour la minorité de couples (15 % environ) qui ny sont pas favorables, on pourrait envisager, dans un ou deux centres, une pratique dérogeant à ce principe dans le cadre dun protocole de recherche et dévaluation. Jacques TESTART, plutôt partisan du don personnalisé, considère que les difficultés pour obtenir des ovocytes plutôt que des spermatozoïdes ne peuvent motiver des régimes différents pour le don de chacun des gamètes. " Obliger à lanonymat seulement dans le cas du don de sperme reviendrait à cautionner le pilotage de léthique par le techniquement faisable. " Quant au Comité consultatif national déthique, il se demande si la loi ne protège pas davantage le couple donneur que lenfant à naître et estime, tout en observant quaucun élément nouveau ne semble justifier la levée de lanonymat, quun débat de société devrait pouvoir être engagé sur ce point .
Selon larticle L 152-6 du Code de la santé publique, lAMP avec tiers donneur ne peut être pratiquée que comme " ultime indication " lorsque la procréation assistée à lintérieur du couple ne peut aboutir. Cette restriction établissait clairement, dans lesprit du législateur, le caractère subsidiaire de la procréation assistée avec donneur. Si certains estiment que la loi, tout en fournissant des consignes, laisse une marge dappréciation au médecin qui doit pouvoir opter pour telle ou telle pratique au vu de la situation concrète rencontrée, beaucoup de praticiens considèrent en revanche que cette disposition emporte obligation de tenter lAMP intraconjugale alors même quelle naurait aucune chance daboutir. Le professeur JOUANNET souligne à ce propos que le praticien peut se trouver ainsi incité à lacharnement thérapeutique et à lutilisation de techniques dont linnocuité nest pas démontrée. A lextrême, le recours au clonage pourrait trouver là une justification. De la même façon, dans le cas dun couple séro-différent, on pourrait être amené à privilégier le traitement du sperme de lhomme séropositif (y compris sans pouvoir garantir une diminution du risque de transmission virale) plutôt que de recourir à lIAD qui peut être choisie par certains couples . Aussi la fédération des CECOS souhaite-t-elle la suppression de larticle L 152-6 au motif que le recours à un tiers donneur doit être un choix librement consenti, fait en collaboration avec léquipe pluridisciplinaire et tenant compte des raisons pour lesquelles lAMP est indiquée. Il doit sappuyer sur une information claire, complète et objective qui permette au couple dapprécier les avantages, les inconvénients, les risques et les conséquences de chaque activité de procréation .
Cette limitation édictée par larticle L 673-4 vise à réduire les risques de consanguinité. Elle est aujourdhui critiquée par les CECOS au motif quelle ne tient pas compte :
Aussi proposent-ils dénoncer cette limitation en termes de familles ou de fratries. Jean-Loup CLEMENT, psychologue au CECOS de Lyon, fait cependant observer quil nest pas sans inconvénient de favoriser ainsi létablissement dun lien biologique entre les enfants dune même famille à partir dun donneur précis alors que la paternité doit sétablir, par hypothèse, en dehors même de ce type de lien. Le décret du 12 novembre 1996 a fixé les règles de sécurité sanitaire applicables au recueil et à lutilisation des gamètes humains provenant de dons en vue de la réalisation dune AMP. Le praticien agréé est tenu de pratiquer des analyses visant à sassurer que les donneurs ont des tests négatifs en matière de VIH, dhépatite B et C, de syphilis et de cytomégalovirus. Doivent également être écartés les donneurs à risque potentiel de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Pour prévenir le risque de séroconversion, ces tests doivent être renouvelés au terme dun délai de six mois, ce qui conduit à congeler lembryon fécondé à laide de lovocyte qui a fait lobjet dun don durant cette période de six mois. Ces précautions indispensables ne suscitent pas de réserves de la part des praticiens, même si elles conduisent à allonger la durée dattente des couples et à réduire le taux de succès en raison des effets produits par la congélation. Le professeur FRYDMAN, prenant en considération le fait que la congélation réduit les chances de grossesse sans apporter une amélioration significative de la sécurité sanitaire, estime cependant quil faudrait en informer le couple et lui laisser le choix entre cette méthode et un simple contrôle sur les ovocytes au moment de la fécondation . On a pu dautre part sinterroger sur la légalité même de ce décret, la loi nautorisant pas la conception in vitro dembryons avant que toutes les règles de sécurité sanitaire naient été respectées et nenvisageant pas la destruction dembryons conçus après sa promulgation. Or le décret crée une situation nouvelle pouvant conduire précisément à une telle destruction pour raison sanitaire, et contrevient ainsi au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie auquel seule la loi peut formellement déroger .
Comment favoriser la recherche indispensable au progrès médical tout en sauvegardant le principe du " respect de lêtre humain dès le commencement de sa vie " ? Cette question, qui fut au centre des débats relatifs à la protection de lembryon, lors de lélaboration de la loi de 1994, se retrouvera posée à loccasion de sa révision car elle na reçu, il y a cinq ans, quune réponse imparfaite dont bon nombre des personnalités que nous avons auditionnées ont critiqué linsuffisante clarté. Soulignant lambiguïté du compromis auquel sest arrêté le Parlement, MM. François STASSE et Frédéric SALAT-BAROUX ont pu y voir une " malfaçon législative ". Selon eux, la question aujourdhui posée est de savoir sil est préférable de se cantonner dans cette situation floue ou dadopter une position plus nettement tranchée. Cest là un vrai problème de fond dès lors que lon est sur la voie, dans les pays où lexpérimentation est autorisée, de découvertes fondamentales touchant la multiplication cellulaire qui trouveront des applications décisives, notamment en cancérologie . Le législateur français peut-il ignorer cet environnement international et sen tenir à un protectionnisme juridique, qui se révèle parfois illusoire ? La vocation de ce rapport nest pas, sur ce point comme sur dautres, de prendre position mais déclairer la réflexion en mettant en évidence les aspects de la loi qui posent problème et en rendant compte des critiques et suggestions qui nous ont été présentées par nos divers interlocuteurs.
Alors que le Conseil dEtat, par deux arrêts du 21 décembre 1990, avait traité lembryon humain comme une personne ayant droit à la vie au sens de larticle 2 de la Convention européenne des droits de lhomme, les amendements allant dans le même sens ont été écartés lors des débats de 1994, afin déviter quune reconnaissance juridique aussi explicite ne conduise à une remise en cause de la loi du 17 janvier 1975 relative à linterruption volontaire de grossesse. Faute dune définition sur laquelle un accord semblerait difficile , lembryon in vitro se trouve donc dépourvu dune personnalité juridique sur la portée de laquelle on peut, il est vrai, sinterroger. " Plaider pour une personnalité juridique accrochée à un sujet de droit sans droit peut savérer dangereux car cela reviendrait à créer une catégorie de sous-personnes, de sous-sujets de droit. Ce serait le retour à une situation disparue depuis labolition de lesclavage. " Ne reconnaissant pas à lembryon la qualité de sujet de droit, le législateur a néanmoins voulu assurer sa protection en énonçant, dans larticle 16 du Code civil, que " la loi [ ] garantit le respect de lêtre humain dès le commencement de sa vie ", affirmation qui reprend, sous une forme plus protectrice (" sa vie " et non " la vie "), le principe énoncé dans la loi de 1975. Mais la portée de cette règle a été sensiblement relativisée par la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994. Répondant au grief fait aux dispositions de la loi qui autorisent la destruction des embryons conçus avant sa promulgation, le Conseil a posé que le législateur avait " estimé que le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie nétait pas applicable aux embryons fécondés in vitro " et jugé que le choix ainsi fait relevait du pouvoir dappréciation du législateur. Ainsi que le souligne un commentateur, le constat est que le législateur de 1994, en sabstenant de préciser de façon explicite comment lembryon humain doit être traité, na guère contribué à clarifier son statut. Il nexclut nullement lembryon, fût-il in vitro, du champ dapplication du principe du respect de lêtre humain dès le commencement de sa vie. Cependant, le Conseil constitutionnel lui reconnaît le pouvoir dappliquer cette exclusion à lembryon in vitro . Dès lors, le statut de lembryon se déduit indirectement des limites posées par la loi à son utilisation : " législation vide de symbole " pour un commentateur critique qui souligne que " la loi est limitée à un encadrement gestionnaire et utilitaire qui procède par renvoi massif au corps médical " , ou " quasi-statut " selon lexpression déjà citée de M. SALAT-BAROUX.
Les principaux éléments de ce statut sont rappelés par le Conseil dEtat dans son rapport public de 1998 :
Deux dispositions viennent tempérer cette dernière interdiction :
La portée de cette disposition et ses modalités dapplication, précisées par le décret du 27 mai 1997, ont suscité nombre dinterrogations et de critiques dont il convient de rendre compte.
Une première distinction a pu être établie par les commentateurs quant à la portée de cet article :
Ces études, menées après laccord du couple, doivent avoir une finalité médicale et ne peuvent porter atteinte à lembryon. Elles ne peuvent être entreprises quaprès avis conforme de la CNMBRDP. La position adoptée par le législateur se fonde donc sur une distinction entre lexpérimentation, interdite parce quelle peut porter atteinte à lintégrité de lembryon, et létude, notion dont le contenu nest pas facile à cerner :
Le décret a précisé que portent atteinte à lintégrité de lembryon les études qui ont pour objet ou qui risquent davoir pour effet de modifier son patrimoine génétique ou daltérer ses capacités de développement. Cette précision est dans la logique de la loi qui, contrairement à lavis du CCNE du 15 décembre 1986, ne distingue pas entre embryons destinés à être transplantés et ceux pour lesquels la transplantation ne peut être envisagée. Notons à ce propos que dans lavis quil a rendu public le 23 novembre 1998 sur les aspects éthiques de la recherche impliquant lutilisation dembryons humains, le Groupe européen déthique des sciences et des nouvelles technologies auprès de la Commission européenne estime artificielle la distinction qui serait opérée entre les recherches impliquant la destruction de lembryon et celles qui préserveraient lembryon afin de conduire à la naissance dun bébé. " En effet, en létat actuel des connaissances et des techniques, limplantation, dans lutérus, dun embryon ayant fait lobjet préalablement dune recherche et qui est donc susceptible dêtre endommagé, constituerait un risque éthiquement inacceptable ". A suivre cette analyse, la notion détude ne portant pas atteinte à lembryon exclut donc tout acte invasif et ne correspond évidemment pas à lattente des praticiens. Quant à la finalité médicale des études, la définition quen donne le décret est double :
Finalité thérapeutique pour les uns, visées cognitives pour les autres, là encore, les interprétations divergent sur le contenu de la loi et soulignent la nécessité dune remise sur le métier pour mettre fin à ce que Mme NEIRINCK qualifie de " clair-obscur législatif ". On citera pour conclure sur ce point le commentaire livré par le professeur Axel KAHN : le législateur a voulu rendre la recherche possible sans en banaliser lobjet. Ce compromis est générateur de redoutables incertitudes. La pire des situations, pour un biologiste, est que naisse de son action un enfant handicapé. Or la loi actuelle, en interdisant toute recherche sur lembryon qui nuirait à son développement, conduit précisément à cette situation puisque la seule façon de respecter cette obligation est de laisser le développement se poursuivre quelles que soient les anomalies dont ce projet dêtre humain est porteur . Dernière contradiction de la loi, celle-ci protège lintégrité de lembryon dans le cadre de la recherche mais autorise par ailleurs la destruction, dans un délai de cinq ans, des embryons surnuméraires créés avant sa promulgation. On verra plus loin que certains en tirent argument pour que soit admise lexpérimentation sur ces embryons conservés et voués à la destruction. On se bornera à constater que le législateur se trouvera confronté, lors de la révision, à une situation inchangée sur le plan des principes et aggravée sur le plan pratique puisquil devra statuer sur le sort des milliers dembryons conçus depuis la promulgation de la loi et abandonnés, la procédure daccueil par un autre couple, seule possibilité alternative à leur disparition, nayant pas été jusquici mise en uvre et ne pouvant, en tout état de cause, résoudre le devenir que dun très petit nombre dentre eux. La publication tardive, en mai 1997, du décret dapplication de larticle L 152-8 limite, sur ce point, la portée du travail dévaluation. La CNMBRDP, dont lavis conforme est requis préalablement à lautorisation des études, a considéré que le texte sappliquait aux recherches non invasives et aux embryons morts, à ceux dont le développement sest arrêté ou que lon peut qualifier de " non viables " . Six projets détudes lui avaient été soumis à la fin de lannée 1998. Un seul dentre eux posait problème dans la mesure où il s'agissait dune demande, en vue de la mise au point des techniques de diagnostic préimplantatoire, sur un embryon triploïde mais toujours en développement.
Après en avoir envisagé linterdiction, le législateur de 1994 navait autorisé le diagnostic préimplantatoire quà titre exceptionnel et en soumettant sa mise en uvre à des conditions très strictes fixées par larticle L 162-17 du Code de la santé publique :
Les commentateurs, et notamment M. Jean MICHAUD , nont pas manqué de souligner la contradiction existant entre les cas où le DPI peut être pratiqué et lobjectif curatif qui lui est assigné. Nest-on pas amené, dans ces conditions, à considérer que la prévention ne peut aboutir quà lélimination des embryons considérés comme anormaux ? Quant à sa mise en uvre, lAcadémie nationale de médecine, dès 1995, a souligné les " ambiguïtés concernant les interprétations de la loi " : les équipes françaises désireuses de sengager dans la voie du DPI revendiquaient en effet la possibilité deffectuer des études préalables sur des embryons en vue daugmenter la fiabilité de ce diagnostic et de vérifier son innocuité au regard du développement ultérieur de ces embryons. Mais ce rapport ne précisait pas si ces études préalables à la mise en uvre (plus routinière) du diagnostic préimplantatoire porteraient ou non atteinte aux embryons qui en seraient lobjet. La doctrine élaborée provisoirement par le CNMBRDPP a consisté, on la vu plus haut, à limiter les études invasives à des embryons non viables, donc insusceptibles dun transfert. Compte tenu de la parution très tardive du décret dapplication (24 mars 1998), la mise en place des centres de DPI nen est encore quau stade de lagrément. En raison du faible nombre de DPI prévus (entre 150 et 400 par an), on sorienterait vers un très petit nombre de structures associant des centres dAMP et des laboratoires de génétique moléculaire. Se pose à cet égard le problème de la formation et de lévaluation des praticiens, les experts en matière de prélèvement embryonnaire étant, actuellement, très peu nombreux dans notre pays. En létat actuel des textes, le DPI peut être mis en uvre, selon le professeur Marie-Louise BRIARD, dans deux types de situation :
Lintérêt du DPI est, dans les deux cas, de permettre le dépistage précoce de lanomalie et déviter une interruption de grossesse. Le professeur FRYDMAN a évoqué le diagnostic préconceptionnel, déjà pratiqué dans divers pays sur le globule polaire, cellule émise par lovocyte eu cours de la méiose. Cette pratique permettrait de contourner linterdiction légale du DPI sur les embryons dune femme exposée, en raison de son âge, au risque de trisomie 21. Il devrait donc être reconnu et encadré par la loi . Se plaçant dans une vision plus prospective et plus alarmante-, Jacques TESTART a souligné le risque deugénisme, selon lui difficilement évitable, auquel expose le DPI. Employé aujourdhui pour prévenir la transmission dune anomalie génétique ou chromosomique, il pourrait être ultérieurement utilisé afin de détecter chez lembryon, aussi précisément que chez ladulte, les prédispositions génétiques à la survenance dune maladie ou au développement dune infirmité. Dans cette perspective, il sera tentant de créer, pour un couple donné, un nombre élevé dembryons permettant de pratiquer la sélection aboutissant au " meilleur " embryon. Celui-ci pourrait alors être cloné en plusieurs exemplaires pour parer aux risques de transplantation infructueuse. Pour Jacques TESTART, le législateur français arrive probablement trop tard pour enrayer une évolution qui bouleverse la notion même dhumanité et se trouve à un stade déjà plus avancé dans dautres pays (Grande-Bretagne, Espagne). Des barrières peuvent néanmoins être posées en nautorisant le DPI que sur une seule mutation génétique et sur les anomalies chromosomiques ayant de très graves conséquences. La recherche du sexe en tant que tel devrait être proscrite en tout état de cause.
Il ne nous appartient pas, dans le cadre de ce rapport dévaluation, de trancher une question qui divise philosophes, chercheurs et praticiens. La diversité des opinions qui sexpriment en France à ce sujet se retrouve dans les solutions adoptées ou envisagées hors de nos frontières et complique lélaboration dune position commune, tant à léchelon européen que dans un cadre international plus large (UNESCO, ONU). On présentera les arguments qui alimentent un débat complexe sans sacrifier la clarté à lexhaustivité afin de préparer la réflexion du Parlement qui devra nécessairement prendre position sur cette question controversée lors de la prochaine révision. Une summa divisio peut être établie entre une approche stricte fondée sur le " respect de la vie dès son origine " et une approche qui sappuie sur une " personnification différée " de lembryon liée aux différentes étapes du développement biologique. Cette conception a été développée par le professeur MATTEI lors de son audition. Selon lui, " on ne peut légiférer sans des références strictes et précises que lembryon ne peut fournir puisquil nest quun moment dune vie. La vie elle-même peut, en revanche, être définie : elle commence à la fécondation et cest très précisément la définition sur laquelle se fondait déjà la loi de 1975 relative à lIVG ". M. MATTEI réfute largument " opportuniste " tiré de lexistence dembryons surnuméraires voués en tout état de cause à la destruction. Il rappelle que la conservation de ces embryons a été acceptée en 1994 pour tenir compte dune situation de fait et dans la perspective, jugée proche à lépoque, de la congélation des ovocytes qui ne soulève pas les mêmes problèmes éthiques. Mais cette cryoconservation constitue un premier pas vers la réification de lembryon et cette dérive serait accentuée de façon inacceptable par ladmission de la recherche dans cette hypothèse. Il rejoint à cet égard lopinion réservée émise sur lavis n° 53 du CCNE : " Lattitude la plus respectueuse de lhumanité, mystérieusement mais réellement présente dans lembryon, serait darrêter la congélation malheureusement entreprise. De même quil convient de savoir arrêter un acharnement médical disproportionné sur une personne en fin de vie, de même il convient de laisser mourir des embryons de leur mort naturelle si le couple qui en avait demandé la congélation ne souhaite plus les garder. " Mieux vaut, pour la dignité de lembryon assimilé à la personne humaine, la mort " naturelle " résultant de larrêt de la conservation que linstrumentalisation. Dans la logique de cette conception, il nest pas plus acceptable dadmettre la recherche sur les embryons " anormaux " et privés de viabilité que sur un malade incurable et voué à une mort prochaine. La distinction fondée sur le degré de développement de lembryon a été, on le sait, utilisée par les Britanniques pour autoriser lexpérimentation pendant les quatorze premiers jours de lembryogenèse. Elle sappuie sur le fait que jusquà ce stade, le " préembryon " peut se diviser et donner naissance à deux individus ; il nest donc pas un être, par essence et par définition unique. Si le professeur Axel KAHN juge cette séparation artificielle et préfère parler dune " dignité croissante " de lembryon au fil de la multiplication cellulaire, plusieurs de nos interlocuteurs, sans adhérer à la solution britannique, ont néanmoins insisté sur lutilité de certaines distinctions clarificatrices. Jacques TESTART juge nécessaire de déterminer ce qui nest pas encore un embryon et entre donc sans restriction dans le champ de la recherche, à savoir les gamètes et le zygote, stade dinteraction gamétique précédant la fusion des noyaux qui constitue le " moment zéro " du développement embryonnaire . René FRYDMAN sépare deux réalités distinctes :
Dans la phase préimplantatoire précédant la gastrulation, où il ne constitue, selon Jacques SAMARUT, quune " grappe de cellules " , lembryon présente un intérêt primordial pour le chercheur. En effet, le modèle animal nest pas ici transposable dans la mesure où le passage de la phase où lembryon vit sur les réserves de lovocyte à celle où il se développe sur ses ressources propres ne se fait pas au même moment chez la souris et chez lhomme. Ce franchissement pourrait constituer le critère de partage entre recherche autorisée et recherche interdite. Les cellules indifférenciées donc totipotentes- isolables dans ce premier état sont porteuses davancées thérapeutiques que lon retrouvera décrites dans lavis n° 53 du CCNE, analysé plus loin. On voit donc ici la thèse de la personnification différée venir à lappui de lintérêt de la recherche. Une fois posée cette distinction entre le blastocyste " désacralisé " et lembryon " stricto sensu " qui devrait seul bénéficier de toutes les protections garanties à la personne humaine, peuvent être envisagées, selon les tenants de cette thèse, trois types de situation qui légitiment elles-mêmes des interventions médicales variables dans leur nature et leur finalité. Le cas des embryons non viables : Les embryons qui sont jugés intransférables en raison des anomalies manifestes dont ils sont affectés sont, dans la pratique actuelle, immédiatement détruits. Ils représentent, selon le professeur JOUANNET, 20 % des embryons conçus in vitro. Létude, sapparentant ici à une autopsie à des fins scientifiques, doit pouvoir être pratiquée sans restrictions (points de vue concordants des professeurs JOUANNET, TESTART, FRYDMAN et SÈLE). Cest dailleurs, comme on la déjà indiqué, la ligne déjà suivie par le CNMBRDP qui a autorisé quatre demandes de ce type destinées au perfectionnement de la technique du DPI. LAcadémie de médecine souhaite cependant que soient définis létat de mort et celui de non-viabilité de lembryon, légitimant son utilisation à des fins de recherche ou larrêt de sa conservation (avis du 23 juin 1998). Le cas de lembryon abandonné : Les partisans de la libéralisation des règles en vigueur sont unanimes pour proscrire la création dembryons à des fins spécifiques de recherche . En revanche, soulignent-ils, il ny a aucune raison de soustraire lembryon à la recherche dès lors que le projet parental est abandonné, que les géniteurs ont donné leur accord et que lalternative se réduit, soit à la destruction pure et simple de lembryon, soit à une expérimentation préalable à cette destruction. René FRYDMAN estime quelle devrait être autorisée, sous réserve que la loi précise que les études à caractère invasif ne peuvent sappliquer quà des embryons non transférés. Des couples consultés en 1986 sur le sort à donner à leur embryon abandonné se partageaient, en proportions égales, entre trois solutions : don à un autre couple, recherche et destruction . Quant à Jacques TESTART, il met laccent sur les finalités de cette recherche qui devraient être soumises à une expertise éthique systématique, cette exigence lui apparaissant beaucoup plus fondamentale que la définition du matériel biologique susceptible dêtre étudié. Cette expertise pourrait être confiée au CCNE ou à une instance équivalente mais non à la CNMBRDP qui, en létat actuel de sa composition et de ses moyens, na pas vocation à remplir une telle mission. Le cas de lembryon inscrit dans un projet parental : On se trouve ici dans lhypothèse des recherches à bénéfice individuel direct dont le DPI constitue dores et déjà lune des applications. Lintégrité de lembryon devant être respectée pour ne pas compromettre ses chances dimplantation, elles devraient porter principalement sur son environnement (la mise au point des milieux de culture). Le professeur FRYDMAN souligne cependant lintérêt détudes invasives permettant de progresser dans la voie de la fécondation dovocytes soumis à congélation. Dans ce cas, létude pourrait être subordonnée :
Dans lavis n° 53 quil a émis le 11 mars 1997 " sur la constitution de collections de cellules embryonnaires humaines et leur utilisation à des fins thérapeutiques et scientifiques " et auquel il se réfère dans celui du 25 juin 1998 relatif à la révision des lois de bioéthique, le CCNE apporte une caution assez nette aux partisans de la recherche sur les embryons surnuméraires. Cet infléchissement de la position du CCNE est motivé par les perspectives thérapeutiques que laissent entrevoir la constitution et lutilisation de cellules souches embryonnaires (" Embryonic stem cells ") qui, cultivées ex vivo, peuvent conserver leur totipotence ou se différencier en cellules précurseurs des différents tissus somatiques, en fonction des artifices expérimentaux utilisés. La création prochaine de ces lignées de cellules va ouvrir des champs dapplication immenses, " un accroissement des connaissances sur les mécanismes de la différenciation cellulaire ou de la tumorisation " et " la création de larges quantités de cellules différenciées qui pourraient être utilisées comme greffes pour traiter différentes maladies, par exemple des maladies du sang, du système immunitaire, du système nerveux ou du muscle ". Le CCNE évoque incidemment à ce propos les problèmes éthiques que soulèverait le transfert des noyaux de ces cellules dans des ovocytes énucléés, ouvrant une possibilité de clonage déjà réalisé chez les mammifères domestiques. " De telles cellules souches humaines, équivalentes à des cellules ES de souris, nexistent pas encore aujourdhui mais plusieurs laboratoires dans le monde, hors de France, travaillent à leur établissement . De ce fait, le CCNE considère de sa mission de faire dores et déjà des recommandations sur les conditions de leur établissement et de leur utilisation éventuels. " Ces recommandations tiennent en six points :
Certains commentateurs nont pas manqué de souligner lévolution que marquait cet avis dans la position du CCNE sur lembryon comme " sujet-objet " de recherche. Dans lavis du 15 décembre 1986, le comité prenait en considération une situation de fait plutôt regrettable lexistence dembryons surnuméraires- et admettait les recherches comme une nécessité acceptable si elles permettaient précisément de mettre au point des techniques évitant davoir à congeler ces embryons. Raisonnant aujourdhui face à une législation préétablie, il constate dans son rapport préliminaire que " toute recherche sur la constitution de ces lignées cellulaires est impossible dans le cadre de larticle L 152-8 du Code de la santé publique puisquil faut obtenir des cellules dun blastocyste éventuellement maintenu en culture ex vivo au-delà de la période dimplantation ". Cette constatation nest pas reprise dans le corps même de lavis mais influe sur sa portée. " En somme ", a pu écrire un commentateur, " en passant sous silence la question des cultures dembryons, en ne mettant en évidence que les données concernant les ressources cellulaires, en demandant de légaliser la disponibilité de lembryon pour des recherches étrangères au domaine de la fertilité et de la procréation, lavis n° 53 produit quil le veuille ou non- un effet de représentation de lembryon comme simple agrégat cellulaire. " En outre, la voie suggérée ne contribue pas à limiter le nombre des embryons congelés car, si la loi devait consacrer la position du comité, il serait encore plus utile de concevoir in vitro des embryons en surnombre pour quaprès épuisement du projet parental, il en restât quelques-uns disponibles pour la recherche .
Sans entrer dans une analyse détaillée pour laquelle on renverra à lavis adopté, le 23 novembre 1998, par le Groupe européen déthique des sciences et des nouvelles technologies, on peut considérer que les différentes législations sordonnent autour de deux grandes conceptions de lembryon et, par conséquent, de la protection juridique dont il doit bénéficier :
Se rattachent à la première conception les pays de common law (Angleterre, Etats-Unis, Australie, Canada) qui " suivent une démarche pragmatique dans laquelle lembryon in vitro est traité pour lessentiel comme une entité dont le sort dépend de la volonté des donneurs de gamètes dont lembryon est issu. En outre, lembryon est vu comme un organisme potentiellement utile pour la recherche médicale. Bien quaucun statut ne soit attribué à lembryon, son sort ressemble donc plus à celui dune chose, à traiter, certes, avec des égards spéciaux, quà celui dune personne ". Ainsi le Royaume-Uni (United Kingdoms Fertilization and Embryology Act, 1990) autorise-t-il la recherche et la création dembryons à cet effet sous quatre conditions : elle doit être limitée au 14ème jour de développement, autorisée par la HFEA (Autorité de la fécondation et de lembryologie humaine), poursuivre des visées thérapeutiques et diagnostiques et ne pas aboutir au transfert des embryons étudiés . Aux Etats-Unis, la création dembryons pour la recherche est autorisée " à condition que la valeur de la recherche projetée soit indiscutable et quelle ne puisse être menée à bien autrement ", mais une loi de 1994 a interdit le financement de cette recherche sur fonds fédéraux. Les travaux qui ont abouti en 1998 à la culture de cellules souches pluripotentes à partir, soit dembryons surnuméraires, soit de cellules germinales prélevées après interruption de grossesse sur un ftus, avaient été menés à bien grâce au soutien dune firme privée. La communauté scientifique demandait ces derniers mois la modification de cette loi qui, selon Arthur CAPLAN, directeur du Centre de bioéthique de lUniversité de Pennsylvanie, " ne fait quinterdire dans le public ce quelle autorise dans le privé " . La réponse est venue, le 19 janvier 1999, du professeur Harold VARMUS, directeur des Instituts nationaux de santé (NIH), qui a annoncé laffectation prochaine de crédits fédéraux à la recherche sur les cellules embryonnaires pluripotentes. Devant la Commission consultative déthique mise en place par le président CLINTON, le professeur VARMUS a fait valoir que ces cellules pluripotentes qui ont la capacité de se différencier, sous linfluence de facteurs biologiques et chimiques, en cellules appartenant aux trois types de tissus (endoderme, ectoderme, mésoderme) ne peuvent, à la différence des cellules totipotentes, développer un embryon conduisant à la naissance dun être humain. La loi fédérale ne sopposerait donc pas au financement public de ce type de recherche. On notera par ailleurs quen Belgique, bien que ce pays nappartienne pas à la sphère de la common law, un avant projet de loi envisage la création dembryons utilisables par la recherche avec laccord des donneurs lorsque lobjectif de cette recherche ne peut pas être atteint, " ni effectivement, ni scientifiquement ", par lutilisation dembryons surnuméraires. La seconde conception, très restrictive, voire prohibitive, à légard de la recherche inspire les législations norvégienne et allemande. La loi allemande du 13 décembre 1990 protège lembryon dès sa conception. Elle interdit la constitution de banques dembryons et rend obligatoire le transfert à lutérus maternel de tous les embryons obtenus qui ne peuvent être plus de trois dans un même cycle. Sont également interdits explicitement la sélection du sexe, la fécondation post mortem, le clonage et la création de chimères et dhybrides. Dans ce contexte, alors que les groupes parlementaires CDU, CSU et FDP (120 signataires) avaient invité, au début de 1998, le gouvernement fédéral à signer la Convention européenne de bioéthique, dans la mesure où serait ainsi garantie une contribution active à lamélioration des dispositions controversées, 160 députés ont adopté une motion intergroupes hostile à la ratification compte tenu, notamment, de limprécision des dispositions concernant la protection des embryons. La Convention du Conseil de lEurope sur les droits de lhomme et la biomédecine, adoptée en novembre 1996 et signée, pour lheure, par 22 Etats sur 40, na pas abordé la question du statut de lembryon. En labsence dun consensus concernant les recherches, elle a renvoyé aux Etats le soin de les réglementer. Son article 18 dispose simplement : " Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de lembryon ; la constitution dembryons humains aux fins de recherche est interdite. " La non-interdiction de la recherche a conduit lAllemagne et la Pologne à sabstenir. Ce texte doit en principe être complété par un protocole additionnel relatif à la protection de lembryon. Plusieurs réunions exploratoires ont déjà été tenues mais on peut sinterroger sur les délais et les conditions dans lesquels une position commune pourrait être arrêtée. Lavis du Groupe européen déthique pour les sciences et les technologies humaines (23 novembre 1998) Cet avis a été sollicité par la Commission européenne à la suite de lamendement déposé par le Parlement européen (dans le cadre de ladoption du 5ème programme-cadre de recherche) qui tend à interdire tout financement communautaire de la recherche sur les embryons qui implique la destruction de ceux-ci. Il tient en deux points :
Les membres du GEE estiment, par ailleurs, urgent que les projets candidats à un financement communautaire fassent lobjet, au préalable, dune appréciation systématique de nature non seulement scientifique mais éthique de la part dexperts indépendants.
La déclaration sur le génome humain et les droits de lhomme adoptée le 9 décembre 1998 par lAssemblée générale des Nations-Unies ne comporte aucune disposition touchant léthique de la recherche sur lembryon humain. " Nous savons tous que si nous avions voulu que la déclaration traite explicitement de ce sujet, nous ne serions parvenus à aucun accord et la déclaration naurait jamais vu le jour. La recherche sur lembryon humain suscite des oppositions majeures parce quil sagit très clairement dun sujet fondamental, ontologique. On observe dailleurs quaucun consensus nest possible au sein même de lUnion européenne. " Cette conjoncture internationale nincite guère à loptimisme sur les chances, ici comme ailleurs, dune harmonisation mondiale des points de vue. Le compromis élaboré en 1994 est aujourdhui lobjet de nombreuses critiques. Sans revêtir dans le débat la robe de la défense, on observera que le Parlement, conscient de ces imperfections, sétait précisément fixé un nouveau rendez-vous pour réexaminer le problème après quelques années de mise à lépreuve. Lapplication de la loi ayant été retardée pour des raisons qui ne sont pas purement fortuites, la pratique ne peut venir au secours de la réflexion qui doit néanmoins tenir compte des avancées scientifiques intervenues en ce domaine. Si, comme le soutient une opinion dominante, cette partie du texte doit être remaniée, deux options paraissent envisageables. La première consiste à refuser toute transaction avec le principe du respect de la vie dès son origine. Dans cette optique, la recherche, à condition quelle se conforme à lensemble des règles protectrices de la personne, peut sappliquer aux gamètes. Aucune étude invasive et sans bénéfice direct pour lenfant à naître ne saurait, en revanche, être menée sur un ovocyte fécondé. On ne tranchera pas ici le point de savoir si lexpérimentation ainsi circonscrite pourrait sétendre au zygote avant la fusion des noyaux. Il paraît clair, en tout état de cause, quelle exclurait les embryons morts ou non viables ainsi que les embryons abandonnés. La destruction de ces derniers devrait donc être explicitement prévue après accord des couples concernés. Pour parer au renouvellement dune telle situation, il serait nécessaire, à linstar de la législation allemande, de limiter strictement le nombre des embryons conçus in vitro quelles que soient, d'un cas à lautre, les chances dimplantation des embryons transférés. Cette solution est, en raison même de sa rigueur, dune application assez aisée. Elle soulève, cependant, une question importante quelle laisse sans réponse : sera-t-il possible daccepter, dans un avenir proche, le bénéfice des recherches menées hors de nos frontières selon des modalités que notre propre législation aura prohibées ? La seconde conduit à rechercher une traduction juridique de la " personnalité différée " qui permette de concilier, dans sa finalité, lintérêt de la personne à naître et celui de la personne déjà née. La notion de bénéfice indirect admise par le Comité consultatif national déthique en 1986 ouvrait la voie en ce domaine et son avis de juin 1998 qui se réfère à lutilité thérapeutique des cellules embryonnaires élargit encore la perspective. Dans cette hypothèse, une distinction, à laquelle le législateur de 1994 sétait refusé, doit être faite entre deux catégories dembryons :
Il serait par ailleurs nécessaire de permettre le jeu de la clause de conscience pour les médecins qui refuseraient de mener des recherches allant au delà de lintérêt direct de lenfant à naître. Cette alternative esquissée à grands traits nous paraît résumer les choix qui soffrent aujourdhui au législateur. Cela dit, le progrès scientifique pourrait bien la frapper de caducité dans les années à venir. Sagissant, tout dabord, de lassistance médicale à la procréation, une situation nouvelle sera créée par la mise au point, annoncée maintenant comme prochaine, des techniques de congélation des ovocytes ou des fragments ovariens qui résoudra, de facto, le délicat problème des embryons surnuméraires. Dautre part, les récentes découvertes américaines ont abouti à létablissement de lignées continues de cellules pluripotentes. Celles-ci, à la différence des cellules totipotentes, sont insusceptibles dévoluer vers la constitution dun être humain ; elles peuvent être obtenues à partir de prélèvements qui ne sont pas nécessairement dorigine embryonnaire. Ces découvertes peuvent conduire à une modification du cadre éthique dans lequel sinscrira le développement de la thérapie cellulaire. Face à ces perspectives, le réexamen périodique des normes législatives constitue une précaution que le Parlement sera sans doute amené à renouveler lors de la prochaine révision. Mais il ne devra pas, parallèlement, faire léconomie dune réflexion sur lindispensable harmonisation juridique à laquelle les pays développés et, principalement, les membres de lUnion européenne, devraient sefforcer de parvenir en ces domaines. Loccasion lui en sera fournie notamment par la ratification de la Convention européenne de biomédecine signée à Oviedo en 1996. Les dispositions consacrées par la loi de 1994 au diagnostic prénatal (DPN) tiennent pour l'essentiel en deux articles qui ont pour objet den préciser la finalité et den organiser la pratique. On rappellera brièvement la problématique dans laquelle sinscrit cet acte médical. Le DPN permet, à loccasion du suivi des grossesses exposées à des risques particulièrement élevés danomalie ftale ou de maladie génétique, de confirmer ou décarter la présence de ces anomalies ou maladies au moyen de techniques invasives telles que lamniocentèse (prélèvement de liquide amniotique), la choriocentèse (prélèvement de trophoblaste, préfiguration du placenta) ou lanalyse du sang ftal. Les progrès des thérapies étant plus lents que ceux des techniques de DPN, celui-ci se trouve placé, selon lexpression de Frédéric SALAT-BAROUX , au cur dun " triangle tragique " en termes éthique et social : le DPN permet de détecter malformations et maladies ; légalité de chacun devant la médecine requiert le remboursement de ces examens ; faute de possibilité de traitement, le DPN ne peut conduire quà une interruption de grossesse pour motif thérapeutique. Le caractère invasif du DPN et les risques auxquels il expose la mère et lenfant à naître justifient que sa mise en uvre soit subordonnée à un certain nombre de conditions, que le Groupe des conseillers pour léthique de la biotechnologie de la Commission européenne a énumérées dans son avis du 20 février 1996 :
Ces conditions se trouvaient déjà posées dans la rédaction que la loi de 1994 a donnée à larticle L 162-16 du Code de la santé publique, quest venu préciser le décret du 6 mai 1995. Si larticle L 162-16 nimpose pas explicitement linformation de la femme enceinte sur les risques inhérents aux prélèvements et son consentement préalable, celui-ci pouvait cependant se déduire du principe dinviolabilité du corps humain inscrit par la loi n° 653 dans larticle 16-3 du Code civil. Le décret a comblé cette lacune en organisant la consultation médicale de conseil génétique qui doit fournir cette information à la patiente et lui permettre dévaluer, pour lenfant à naître, le risque dêtre atteint dune maladie dune particulière gravité compte tenu des antécédents familiaux ou des constatations médicales effectuées au cours de la grossesse. Sagissant de la consultation de conseil génétique, on ne doit pas sous-estimer les efforts qui restent à faire pour trouver des spécialistes en nombre suffisant. Le professeur MUNNICH a souligné lhétérogénéité des niveaux de compétence dans le domaine de la génétique qui crée des inégalités entre les centres et une injustice devant la maladie génétique. Le poids des spécialités traditionnelles entrave la mise en place de ces centres. De son côté, le professeur GOOSSENS observe que les dispositions régissant le DPN restent marquées par une " vision historique de la génétique ", très liée à la pédiatrie, qui ne prend pas suffisamment en compte les bouleversements apportés par la génétique moléculaire et les techniques modernes dinvestigation ftale (notamment dimagerie) depuis le début des années 80. Le débat sest retrouvé au stade de lélaboration des décrets dapplication, les obstétriciens et les échographistes insistant, face aux généticiens pédiatriques, sur la nécessité qui na pas été admise- de resituer le DPN dans le contexte de la médecine ftale et de prendre en considération son caractère pluridisciplinaire. Si la consultation préalable de conseil génétique est assurément utile, elle devrait, pour le professeur GOOSSENS, être associée à celle du spécialiste de la pathologie en cause. De plus en plus de maladies ont une origine génétique reconnue : généticiens et spécialistes doivent donc travailler ensemble dans des consultations jointes . - Echographie et DPN : le rôle que sont amenés à jouer, pour la mise en uvre du DPN, les examens échographiques habituellement pratiqués dans le cadre de la surveillance médicale de la grossesse ne va pas sans poser quelques problèmes au regard de lapplication du principe de consentement éclairé. Le professeur Marie-Louise BRIARD a en effet indiqué que léchographie pratiquée à douze semaines daménorrhée permet, par la mesure de lépaisseur du pli nucal du ftus, de détecter un risque de trisomie 21 dont la confirmation sera recherchée par létablissement dun caryotype. 7 à 8 % danomalies chromosomiques sont ainsi diagnostiquées chez les sujets présentant une malformation à léchographie. Or, comme la fait remarquer le professeur SCHWEITZER , les patientes perçoivent ces échographies comme une vérification de la bonne croissance ftale et non comme un dépistage systématique de malformations pour lequel leur consentement na pas été sollicité. Compte tenu du développement de ces pratiques, dont lopportunité médicale nest pas ici en cause, ne conviendrait-il pas de fixer précisément les modalités de linformation qui doit être dispensée avant leur mise en uvre ?
Aux termes de la loi, les autorisations sont accordées pour cinq ans, après avis de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal et du Comité national de lorganisation sanitaire et sociale. Les établissements déjà titulaires dune autorisation devaient présenter une nouvelle demande dans les six mois suivant la publication des décrets. 403 dossiers ont été soumis, au cours de lannée 1996 à lexamen de la CNMBRDP ; ils ont donné lieu à 253 avis favorables et à 248 autorisations ministérielles se décomposant comme suit :
(cette activité étant soumise à indice de carte sanitaire) Dans son premier rapport, la CNMBRDP souligne les conséquences de la politique de budget global des hôpitaux publics sur lorganisation de ces tests de DPN, particulièrement pour ceux soumis à carte sanitaire. Un nombre important de ces actes très spécialisés ne peut être réalisé que dans un très petit nombre de laboratoires du fait de lexpertise requise ; ces mêmes actes ne sont de qualité que si le volume dactivité est suffisant. Or ces laboratoires peuvent être contraints, pour des raisons budgétaires, de refuser des prélèvements extérieurs et de ne plus assurer les examens qui recouvrent, outre les DPN, toutes les études familiales nécessaires pour étayer les conseils génétiques. Ces observations rejoignent celles du professeur MUNNICH soulignant que le système du budget global ne favorise pas les disciplines innovantes, ce qui aboutit à des disparités considérables dune région à lautre. Pour autant, il admet quon ne peut multiplier les centres de génétique car il y a un problème de masse critique (documentation, accès, équipement du laboratoire). La meilleure solution consiste donc à limiter le nombre des centres tout en organisant des consultations avancées. Se pose enfin un problème que lon retrouve dune façon générale pour la mise en place et le fonctionnement des structures dAMP : lévaluation des établissements candidats à lagrément impose une visite des sites et une expertise menée par des spécialistes, toutes choses qui, de lavis du professeur GOOSSENS, sont impossibles actuellement. La CNMBRDP reconnaît elle-même dans son rapport pour 1996 que " lévaluation intermédiaire reste à construire avec des moyens limités ", mais pourra sappuyer notamment sur les rapports dactivité des centres prévus par larticle L 184-2 du Code de la santé publique. Elle souligne dautre part quaucun contrôle de qualité na été mis en uvre pour les activités biologiques de DPN, en particulier la cytogénétique. " Ceci [lui] semble préjudiciable pour les patients et prive la commission déléments de jugement importants pour rendre les avis qui lui sont demandés. Lexpérience dautres pays européens pourrait être mise à profit pour instaurer un tel contrôle en France ." Ne serait-il pas nécessaire, comme le souhaite René FRYDMAN, détablir un bilan détaillé du diagnostic prénatal, puisque cet acte médical est régulièrement pratiqué en France depuis 25 ans, en faisant apparaître le nombre de faux positifs (conduisant à un avortement injustifié) et de faux négatifs (aboutissant à la naissance dun enfant handicapé) ? Ce devrait être, entre autres, le rôle des centres pluridisciplinaires créés par larticle L 162-16 et sur lesquels aucune appréciation ne peut être portée car, en raison de la parution tardive du décret dapplication (28 mai 1997), lexamen des dossiers dagrément était toujours en cours à la CNMBRDP au moment de la rédaction de ce rapport.
La loi de 1994 distingue :
Elle confère un rôle déterminant à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal qui, outre lavis quelle doit donner sur ces demandes dagrément et dautorisation, participe au suivi et à lévaluation du fonctionnement des établissements et laboratoires autorisés (article L 184-3).
Cet agrément, donné par le ministre chargé de la Santé après avis de la CNMBRDP, correspond à une ou plusieurs des activités définies par le décret du 6 mai 1995, pris pour lapplication de larticle L 152-9. On rappellera ici au préalable que les actes dinsémination artificielle accomplis par des gynécologues de ville nentrent pas dans cette définition des actes dAMP et se trouvent, de ce fait, soustraits à tout contrôle. Cette situation mériterait sans doute un examen attentif et la prise, si besoin est, de mesures appropriées. Lagrément est subordonné à des conditions de qualification propres à la nature de lactivité exercée qui peut être clinique (recueil de gamètes par ponction, transfert des embryons) ou biologique (recueil et traitement du sperme, traitement des ovocytes, FIV avec ou sans manipulation, conservation des gamètes, conservation des embryons). Larticle L 152-9 confère au praticien ainsi agréé la responsabilité des actes dAMP effectués dans chaque établissement ou laboratoire autorisé à les pratiquer. Ces dispositions ont soulevé un certain nombre de difficultés que la CNMBRDP a mises en évidence dans son premier rapport et que certains de nos interlocuteurs ont également soulignées. Les premières tiennent, non à la loi elle-même, mais à la séparation, introduite par son décret dapplication, entre activités biologiques et cliniques, séparation qui témoigne, selon la CNMBRDP, dune représentation dépassée de la biologie et de la clinique " en tout cas en ce qui concerne la médecine de la reproduction ". Allant dans le même sens, le docteur de MOUZON a souligné que cette séparation ne répond pas aux exigences de lAMP qui impliquent une association étroite et permanente de ces deux activités et devraient conduire à la création de centres pluridisciplinaires . Cette exigence est dailleurs prise en compte par la loi elle-même qui prévoit, dans larticle L 152-10, que la mise en uvre de lAMP doit être précédée dentretiens particuliers des demandeurs avec " les membres de léquipe médicale pluridisciplinaire du centre ". Cette pluridisciplinarité, si nécessaire soit-elle, ne doit pas conduire, observe le professeur JOUANNET, à une dilution des responsabilités dans ces milieux où sont associés biologistes, médecins, généticiens, psychologues et personnels paramédicaux . Se pose, plus précisément, la question de la répartition des pouvoirs entre cliniciens et biologistes. La biologie de la reproduction interventionnelle et thérapeutique- joue ici un rôle très différent de sa fonction habituelle danalyse. Dès lors, sinterroge le professeur SELE, ny a-t-il pas un problème de cohérence entre la loi de 1994 et celle du 11 juillet 1975 qui nenvisage lactivité des biologistes que sous son aspect diagnostique ? En cas de contrariété de point de vue entre le clinicien et le biologiste, il ny a pas actuellement darbitrage possible, le biologiste, considéré comme un exécutant, ne pouvant que sincliner devant la position du clinicien qui est, légalement, le seul prescripteur. Pour le professeur SELE, la coresponsabilité devrait entraîner la codécision et, par conséquent, lattribution aux uns et aux autres dun pouvoir propre de prescription permettant au biologiste dintervenir sur le choix de la technique de fécondation. Le problème se posera dailleurs dans les mêmes termes en matière de thérapie génique et cellulaire. Il pourrait être résolu en sinspirant des mesures édictées dans le domaine de la transfusion sanguine . La notion de " praticien agréé responsable ", introduite par larticle L 152-9, soulève des difficultés dinterprétation qui ont retenti sur la mise en application de ce texte. Dès lexamen des premiers dossiers dagrément, la CNMBRDP a, en effet, constaté que le terme de " responsabilité " avait été compris dans divers sens, certains centres, malgré une activité importante, ne désignant quun praticien alors que dautres, notamment dans le secteur privé, en proposaient jusqu'à 25. Lagrément sapparente dans ce cas à une habilitation individuelle et lon est alors conduit à sinterroger sur le contenu de la responsabilité partagée entre un trop grand nombre de titulaires. Dans linterprétation adoptée par la Direction générale de la santé, le praticien agréé est un coordonnateur assumant la responsabilité collective dune équipe dont chaque membre na pas nécessairement une compétence et une expérience justifiant un agrément. Mais la Caisse nationale dassurance maladie refuse, quant à elle, de prendre en charge des actes accomplis par des praticiens non agréés en sappuyant sur le Code de déontologie médicale qui impose un exercice personnel de la médecine et une responsabilité individuelle du praticien. Cette contrariété de textes ou, tout au moins, dinterprétations nécessiterait peut-être que figurent dans la loi elle-même des dispositions plus explicites sur les modalités et la portée de lagrément. Les praticiens des CECOS interrogés par le Centre régional juridique de lOuest souhaitent par ailleurs, dans leur très grande majorité, quun régime dagrément spécifique soit institué pour la gestion du don de gamètes et, singulièrement, du don dovocytes qui saccommode mal de la séparation appliquée de façon générale à lAMP entre biologistes et cliniciens.
Lautorisation dexercice des activités cliniques et biologiques dAMP est accordée aux établissements de santé et aux laboratoires danalyses de biologie médicale par le ministre chargé de la Santé dans les conditions du droit commun de la législation hospitalière, après avis de la CNMBRDP et du Comité national de lorganisation sanitaire et sociale institué par la loi du 31 juillet 1991. Les conditions de fonctionnement nécessaires à lobtention de lautorisation ont été précisées par le décret du 6 mai 1995. Des obligations particulières sont imposées aux organismes et établissements de santé sans but lucratif pratiquant des activités de recueil, traitement, conservation et cession de gamètes issus dun don. Ces autorisations sont accordées pour une durée de cinq ans et peuvent être retirées, à titre temporaire ou définitif, après avis de la CNMBRDP en cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles prévues dans lautorisation. Les établissements autorisés avant lentrée en vigueur de la loi ont disposé dun délai de six mois pour déposer une nouvelle demande. La CNMBRDP sappuie, pour délivrer ses avis, sur les rapports établis par les médecins inspecteurs de la santé publique rattachés aux directions départementales de laction sanitaire et sociale (DDASS). Indépendamment des 403 dossiers relatifs au diagnostic prénatal, évoqués par ailleurs, 523 demandes dautorisation ont été examinées par la CNMBRDP au cours de lannée 1996. 442 avis favorables ont été délivrés, qui ont conduit à loctroi de 435 autorisations (soit 83 % des demandes présentées). Elles se décomposent comme suit : 1) pour les activités cliniques
2) pour les activités biologiques
La mise en application de la loi sest heurtée sur ce point à un certain nombre de difficultés que la CNMBRDP a mises elle-même en évidence dans son rapport pour 1996 :
Sur ce point, les observations de la CNMBRDP concordent avec les constats très critiques recueillis au cours de nos auditions :
De ce fait, comme lindique le docteur Marie-Claude DUMONT, les arguments réglementaires (formation des praticiens, organisation et fonctionnement des centres) sont rarement utilisés pour fonder un refus dautorisation, qui sappuie le plus souvent sur des considérations liées à la planification où à labsence de personnels titulaires (dans les centres rattachés à des CHU) . La CNMBRDP souligne elle-même linsuffisance de ses moyens pour assurer le suivi et lévaluation des centres autorisés, les rapports dactivité que les centres sont tenus détablir annuellement (article L 184-2) devant être validés par des contrôles sur pièces et sur place. Son président, M. Jean MICHAUD, observe que cette faiblesse structurelle contraste avec limportance des missions qui lui sont dévolues pour la mise en uvre des nouvelles techniques dAMP, importance qui est appelée à saccroître si les orientations tracées par lavis n° 53 du CCNE en matière de recherche sur lembryon sont consacrées par le droit positif . Certains remettent en cause, malgré lélargissement de son recrutement opéré par la loi, la structure trop cloisonnée et la composition trop corporatiste de la Commission . Sexprimant au nom des CECOS, le professeur JOUANNET a appelé de ses vux la création dun organisme comparable à la HFEA britannique (Autorité de la fécondation et de lembryologie humaine). Conçue comme un office spécifique ou un sous-ensemble de lEtablissement français des greffes, cette structure devrait disposer de lautonomie et des moyens qui font défaut à la CNMBRDP :
Interface entre les pouvoirs publics, les professionnels, les usagers et la société tout entière, elle exercerait une fonction régulatrice dans le cadre des principes généraux fixés par le législateur. Sans prendre parti sur les solutions qui pourraient être retenues, il nous apparaît, compte tenu de la convergence des observations recueillies, que le Parlement ne saurait faire léconomie, sur ce point, dune étude attentive. Comment ne pas sinterroger, dautre part, sur labsence quasi totale de poursuites pour infraction aux dispositions de la loi depuis son entrée en vigueur ? Il serait exagérément optimiste den déduire que la sévérité des sanctions édictées a produit un effet totalement dissuasif, et certains de nos interlocuteurs sont dun avis tout différent. Le professeur CZYBA a évoqué des " pratiques sauvages " consistant, par exemple, pour des fabricants à faire tester des milieux de fécondation et de culture par des biologistes contre rémunération . M. MICHAUD affirme également que des activités de recherche non autorisées se sont poursuivi et juge les sanctions pénales trop lourdes pour être effectivement infligées . Dans son rapport, la CNMBRDP estime que, faute même de plaintes, " des initiatives de poursuites pourraient émaner du Procureur de la République ; aussi serait-il opportun que, dans cette perspective, des contacts soient pris entre les autorités judiciaires et de la santé au niveau des administrations centrales et sur le plan local, en vue dune application effective de la loi. Ce point est essentiel pour asseoir la crédibilité du système dautorisation et des avis de la commission. " Ce vu, qui ne semble pas avoir jusquici trouvé dapplication concrète, traduit une situation préoccupante qui devra retenir lattention du législateur au moment de la révision. Au terme de ce travail dévaluation, trois types de remarques nous paraissent pouvoir être présentés.
Une fois posée cette affirmation, force est de constater que la réalité juridique est encore très en deçà de ces exigences. La Convention européenne de biomédecine constitue, certes, un progrès non négligeable vers lharmonisation des législations nationales adoptées par les Etats membres du Conseil de lEurope mais les réserves dont certaines parties signataires assortiront leur adhésion ne résoudront pas les divergences qui subsistent en matière, notamment, de recherche sur lembryon. De la même façon, la position nuancée et, en fin de compte, très respectueuse des particularismes nationaux qua récemment adoptée le Groupe européen déthique tend à accréditer la prévalence du principe de subsidiarité dans un domaine où lintégration devrait être fortement encouragée par la création dorganismes communautaires inspirés, par exemple, de lAgence européenne du médicament. A léchelon mondial, la situation est plus préoccupante encore puisque laccord des Etats membres de lONU sur un texte purement proclamatoire la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de lhomme- na pu être obtenu quau prix dun silence sur lexpérimentation embryonnaire. Linstauration dune charte bioéthique mondiale dont le non-respect pourrait fonder un droit dingérence et le prononcé de sanctions par une juridiction internationale relève assurément, pour lheure, de lutopie. On nous pardonnera de céder un court instant à cette tentation dans la conclusion de ce rapport. Examen du rapport par lOffice LOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques sest réuni le mercredi 17 février 1999 pour examiner le rapport de MM. Alain CLAEYS, député, et Claude HURIET, sénateur. M. Alain CLAEYS a indiqué que le travail dévaluation se fondait dune part sur les auditions des praticiens, dautre part sur les divers rapports publiés par dautres organismes publics. Le but nétait pas de fournir un jugement péremptoire sur une loi qui a pu servir de modèle à divers textes internationaux mais den apprécier lapplication et de vérifier son adaptation à lévolution des connaissances scientifiques. Cette évaluation a été rendue difficile sur plusieurs points par le retard apporté à la publication des textes réglementaires. Pour certains problèmes, il a été possible de suggérer des solutions tenant compte des difficultés révélées par la pratique, notamment dans le domaine des transplantations dorganes, de tissus et de cellules. En dautres matières, le rapport na pu que sen tenir à une présentation des thèses en présence et des voies alternatives quelles peuvent offrir au législateur : ainsi la recherche sur lembryon pourra-t-elle être soumise à un régime différent selon que lon se réfère au principe du respect de la vie dès son origine ou à la théorie de la personnification différée qui permet denvisager des expérimentations à visée thérapeutique sur les cellules souches embryonnaires. M. Alain CLAEYS a ensuite mis laccent sur trois points quil juge essentiels :
M. Claude HURIET a estimé que ce travail dévaluation avait bénéficié de trois chances : lintérêt même du sujet, la qualité des collaborations dont il avait bénéficié, le partage du rapport entre un médecin et un non-médecin. La difficulté a été de se limiter au seul champ détude tracé par la loi elle-même. Dans le domaine des greffes, la loi a certainement contribué à rétablir la confiance du public même si ces effets psychologiques ne se traduisent pas encore dans les statistiques concernant le nombre des prélèvements et celui des oppositions. Dautre part, lévolution des techniques (notamment la greffe du cur en domino) nécessitera sans doute quelques adaptations législatives. Dans le domaine de lassistance médicale à la procréation, M. Claude HURIET a insisté plus particulièrement sur trois sujets :
Sagissant de la recherche sur lembryon, le débat actuel pourrait être dépassé en raison des découvertes récemment annoncées aux Etats-Unis touchant létablissement de lignées cellulaires pluripotentes obtenues à partir de prélèvements ftaux. M. Franck SÉRUSCLAT, sénateur, a regretté que le rapport ne fasse pas plus de place à la distinction entre le zygote et lembryon proprement dit. Il a dautre part souligné la portée nouvelle de la rédaction introduite par la loi de 1994 sur le respect de la vie dès son origine. Mme Michèle RIVASI, députée, a demandé si le clonage se trouvait déjà interdit par la législation actuelle et si le contrôle exercé sur les laboratoires permettait bien de vérifier la conformité des pratiques aux dispositions législatives et réglementaires. M. Claude BIRRAUX, député, a souligné la nécessité de normes précises dans le domaine du clonage comme dans celui des xénogreffes qui nen sont encore quà une phase expérimentale. M. Serge POIGNANT, député, a interrogé les rapporteurs sur les pratiques concernant la limitation du nombre dembryons transférés. M. Jean-Yves LE DEAUT, député, vice-président, a demandé sil ne conviendrait pas de formuler des propositions précises sur le sort des embryons surnuméraires, le diagnostic préimplantatoire, la recherche embryonnaire et le transfert dembryon post mortem. M. Alain CLAEYS a fait observer que la vocation du rapport était de mettre les problèmes en évidence, non darbitrer sur les solutions les plus adaptées. M. Claude HURIET a admis que la révision de la loi pouvait procéder dune initiative parlementaire mais a jugé plus souhaitable le dépôt dun projet. Il a souligné que les progrès en cours de la génétique risquaient à terme de modifier la finalité du diagnostic préimplantatoire. Le principe dune révision périodique des textes applicables en ces matières lui paraît, de ce fait, devoir être pérennisé. A lissue du débat, le rapport a été adopté à lunanimité et sa publication autorisée. Cliquez ici pour accéder aux auditions Cliquez ici pour revenir au sommaire
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