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Première séance du vendredi 23 juillet 2004

47e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS LOCALES

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales (nos 1711, 1733).

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Nous en venons aux amendements portant articles additionnels avant le titre Ier.

Avant le titre Ier

M. le président. Je suis saisi de 149 amendements identiques, nos 353 rectifié à 501 rectifié.

La parole est à M. René Dosière, pour défendre l'amendement n° 353 rectifié.

M. René Dosière. Cet amendement a pour objet de préciser que « la mise en œuvre des dispositions de la présente loi est conditionnée au vote et à la mise en œuvre de la loi organique prévue par l'article 72-2 de la Constitution ». M. le ministre délégué à l'intérieur, si j'en crois ce qu'il a déclaré hier soir, semble d'ailleurs avoir été convaincu du bien-fondé de notre demande.

Peut-être faudrait-il un sous-amendement, que M. le ministre ne manquera pas de déposer, le terme de « promulgation » étant désormais plus adapté, puisque la loi organique qui définit l'environnement financier des transferts de compétences a été définitivement votée par l'Assemblée nationale il y a deux jours. Le Sénat a pris le relais. Au moins sommes-nous allés jusqu'au bout du débat, ce qui nous a permis de nous expliquer dans de bonnes conditions.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Rien n'a été fait pour empêcher le débat !

M. René Dosière. Rien pour le favoriser non plus. Nous avons exercé notre droit d'amendement.

Ce texte a été déféré au Conseil constitutionnel qui doit se prononcer sur sa conformité à la Constitution. Or l'avis qu'il rendra - avec, à la clef, une éventuelle censure et des remarques certaines - risque fort d'influer sur la mise en œuvre du projet de loi que nous discutons aujourd'hui. C'est pourquoi il nous paraît utile d'apporter cette précision.

Je rappelle enfin qu'il aura fallu des discussions franches et amicales, comme on dit en langage diplomatique, pour que le projet de loi organique soit inscrit à l'ordre du jour avant le texte sur les transferts de compétences.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur les amendements nos 353 rectifié à 501 rectifié  ?

M. Alain Gest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Nous avons eu ce débat à de multiples occasions, monsieur Dosière. La loi organique prévue à l'article 72-2 de la Constitution n'a rien à voir avec la compensation financière des transferts de compétences.

M. René Dosière. Comment ça ?

M. Alain Gest, rapporteur. Ce n'est donc pas un préalable.

M. Jean-Pierre Balligand. Mais si !

M. Alain Gest, rapporteur. Vous avez votre conviction, nous avons la nôtre. Le Conseil constitutionnel ne va pas tarder à nous départager.

La loi organique se limitant à définir la « part déterminante » des ressources propres dans l'ensemble des ressources des collectivités territoriales, nous avons considéré que nous pouvions valablement examiner la loi sur les responsabilités locales.

Cela dit, le Gouvernement a fait la preuve qu'il savait non seulement écouter mais aussi entendre : M. le ministre a annoncé hier, pour vous rassurer, qu'il préciserait que le présent texte n'entrerait en vigueur que lorsque la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales aura été promulguée. Cette assurance ayant été donnée, nous pouvons poursuivre le débat et je vous propose de rejeter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Mesdames et messieurs les députés, vous abordez avec cet amendement un point de fond sur lequel je vais vous répondre.

Auparavant, je voudrais être sûr d'avoir compris : vous avez déposé 149 fois le même amendement ?

M. René Dosière. Oui, nous allons voir ce qu'ils deviennent.

M. le ministre délégué à l'intérieur. J'espère vous apporter une réponse convaincante, pour gagner du temps.

Je vais vous demander de retirer votre amendement, monsieur Dosière ; sinon, j'émettrai un avis défavorable. J'ai déposé au nom du Gouvernement un amendement, auquel vous avez vous-même fait allusion parce que je l'avais annoncé, qui est comparable au vôtre, à quelques termes près. À certains égards, on pourrait d'ailleurs considérer qu'il est superflu.

Le débat juridique tourne autour de la question de savoir si la loi organique doit entrer en application avant que l'on puisse discuter le projet de loi sur les transferts de compétences. Certains estiment, et je suis de ceux-là, que ce qui compte, c'est que le vote de la loi organique intervienne avant l'entrée en vigueur de la loi sur les transferts de compétences. C'est pourquoi j'émets les plus expresses réserves, mais il appartient au Conseil constitutionnel d'en décider. Par exemple, le transfert du RMI-RMA a été effectué avant l'entrée en application de la loi organique. Et ce n'est pas choquant puisque la loi organique ne traite pas de la compensation financière des transferts de compétences. Je rappelle que nous avons veillé à ce que le produit d'un impôt d'État soit transféré pour compenser à l'euro près le financement de l'opération.

Il me paraît par ailleurs indispensable que la loi organique soit promulguée au plus tard le 1er janvier 2005, date d'application de la loi sur les transferts de compétences. La raison en est simple : nous avons le souci de fonder les relations entre l'État et les collectivités locales sur la transparence et la confiance. C'est pourquoi le Gouvernement va déposer un amendement rédigé dans des termes comparables au vôtre. Mais, à mon avis, il a sa place à la fin du texte, et non pas au début. Aussi vaudrait-il mieux retirer votre amendement, monsieur Dosière, quitte à débattre un peu plus tard.

En tout état de cause, je ne veux pas qu'il y ait le moindre soupçon, de la part de qui que ce soit, sur la bonne volonté du Gouvernement. Pour prouver notre bonne foi, je répète que nous sommes disposés à accepter que la chronologie soit précisée, bien que l'objet des deux textes soit passablement différent.

Je vous invite donc, monsieur Dosière, à retirer l'amendement n° 353 rectifié.

M. le président. Avant de vous passer la parole, monsieur Dosière, un point de méthode pour que les choses soient claires et que le débat se déroule dans de bonnes conditions : en vertu de la jurisprudence « assurance maladie », et comme vous n'êtes pas cent quarante-neuf sur les bancs du groupe socialiste, je vous propose que l'un des amendements identiques soit défendu par son auteur, que la commission et le Gouvernement lui répondent, pour pouvoir aller plus vite ensuite, sans devoir écouter dix orateurs, par exemple, défendre le même amendement.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. La règle du jeu, monsieur le président, autorise chacun des auteurs, pourvu qu'il soit présent, à défendre son amendement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On pourrait alors nous accuser de faire de l'obstruction. Mais nous ne sommes pas venus à cent quarante, nous sommes quatre pour l'instant.

J'observe que, compte tenu de l'importance de notre groupe, la proportion des socialistes présents pour discuter de la « mère des réformes » est supérieure à celle des gens de l'UMP.

M. le président. Ce sont des collègues, pas des « gens » ! Ce terme a des relents d'Ancien Régime.

M. René Dosière. Mais non, monsieur le président. Les collègues de l'UMP, si vous voulez.

M. Guy Geoffroy. D'ailleurs, regardez, ils arrivent en nombre. Il suffisait de demander ! (Sourires.)

M. le président. Laissez M. Dosière terminer.

M. René Dosière. Nous serons tout au plus quatre à défendre les amendements, ce qui n'est pas trop pour en exprimer toute la substance. Dans ces conditions, personne ne saurait considérer que nous faisons de l'obstruction.

Je souhaiterais répondre à M. le rapporteur, d'autant plus qu'il s'agit, monsieur le président, en début de séance, de fixer les règles du jeu. Monsieur le rapporteur, vous avez commencé par traiter non sans une certaine condescendance nos amendements qui, de votre point de vue, n'ont pas d'objet. Or, le ministre a jugé leur objet suffisamment légitime pour déposer lui-même un amendement - il vient de nous le confirmer. Il convient donc que vous portiez attention à nos propositions. Notre souci n'est pas de faire plaisir à tel ou tel, mais de légiférer de la façon la plus sérieuse et la plus respectueuse qui soit de la Constitution.

Monsieur le ministre, je vous reprendrai sur un point : il existe évidemment un lien étroit entre la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités territoriales et la loi sur le transfert des compétences, notamment en ce qui concerne les moyens financiers. C'est le Conseil constitutionnel lui-même qui a estimé, dans sa décision relative au transfert du RMI et à la création du RMA, qu'il ne pouvait pas juger de la conformité de telle ou telle disposition de cette loi aussi longtemps que la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités territoriales n'aurait pas été adoptée et ne lui aurait pas été soumise. Le lien entre les deux lois existe donc bel et bien et c'est pour éviter tout retard causé par une éventuelle censure du Conseil constitutionnel que nous défendons ces amendements.

Monsieur le ministre, vous pensez déposer votre amendement à la fin de la discussion des articles ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Il est déjà déposé.

M. René Dosière. Le problème est que nous ignorons quand cette fin aura lieu !

M. Dominique Tian. Raison de plus pour nous dépêcher !

M. René Dosière. Nous savons tous qu'un couperet est prêt à tomber sur nos têtes et qu'à tout moment notre discussion peut être interrompue. Notre bon sens nous rappelle l'adage populaire : « Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras » ! Nos propos sont enregistrés et publiés au Journal officiel,...

M. le ministre délégué à l'intérieur. Ils ne le sont pas au bulletin de la ville de Paris, évidemment !

M. René Dosière. ...non pas au bulletin de la ville de Paris, effectivement, bien que rien n'interdise à ce dernier de reprendre des passages du Journal officiel.

Vous affirmez, monsieur le ministre, que la loi sur les transferts de compétences sera applicable au 1er janvier 2005. Or, certaines de ses dispositions sont applicables dès la publication de cette loi, en vertu d'un amendement adopté à l'Assemblée et voté conforme au Sénat. Comment, monsieur le ministre, concilierez-vous l'adoption de cet amendement, avec votre souhait de reporter la mise en application de la loi au 1er janvier 2005 ?

M. Guy Geoffroy. Je demande la parole, monsieur le président.

M. René Dosière. Pour une fois qu'un membre de la majorité souhaite s'exprimer pour défendre le projet de loi !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je souhaite répondre à la fois à M. le rapporteur et à M. le ministre. Si je me permets de le faire, c'est que nous jouons, en quelque sorte, les prolongations de nos débats sur la loi organique. Nous reprenons des échanges que je pensais avoir été concluants.

Au nom du groupe UMP, je souhaiterais en premier lieu confirmer qu'en toute logique nous préférons examiner la question soulevée par ces amendements à la fin de nos travaux, puisque c'est bien évidemment au moment où nous achèverons l'examen du projet de loi...

M. René Dosière. Quand ?

M. Jean-Pierre Balligand. Là est la question !

M. Guy Geoffroy. ...que nous serons en droit de nous interroger sur les conditions de sa mise en œuvre. Le Gouvernement a bien voulu, une fois de plus, aller au-devant des légitimes préoccupations de la représentation nationale.

Cela dit, je me permettrai, monsieur Dosière, en répondant au Gouvernement, de contredire votre interprétation de la décision du Conseil constitutionnel en date du 30 décembre 2003. Vous en connaissez le texte aussi bien que moi. Le Conseil constitutionnel a estimé que les auteurs du recours ne peuvent pas se prévaloir de la notion d'autonomie financière des collectivités territoriales pour demander l'annulation de la décision portant mise en application financière du transfert du RMI et création du RMA, puisque la loi organique n'est pas promulguée. Ce qui signifie également que le Conseil constitutionnel n'a pas estimé que la non-promulgation de la loi organique rend inconstitutionnelle la mise en œuvre, au travers de la loi de finances, du transfert du RMI et la création du RMA. Telle est la véritable interprétation - et la seule possible - de la décision du Conseil constitutionnel.

M. Christophe Caresche. Pourquoi alors le Gouvernement a-t-il l'intention de déposer un amendement allant dans le même sens que les nôtres ?

M. Guy Geoffroy. Si le Conseil constitutionnel avait voulu frapper d'inconstitutionnalité la décision prise, il l'aurait fait ! Il aurait alors estimé que le Gouvernement et le Parlement, qui l'a suivi, auraient été fautifs d'avoir proposé la mise en œuvre des dispositions concernant un transfert de compétences sans que la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales ait été promulguée.

M. Jean-Pierre Balligand. Dans ces conditions l'amendement du Gouvernement est redondant !

M. Guy Geoffroy. Le Conseil constitutionnel n'en a pas jugé ainsi. Tel est le sens, contraire au vôtre, dans lequel il convient d'interpréter sa décision.

En second lieu, vous ne pouvez pas non plus ignorer que, sur le fond des choses, le Conseil constitutionnel, relativement à la même question et dans la même décision, a confirmé les dispositions de la loi de finances concernant les transferts de ressources relatifs au transfert de compétences RMI-RMA. Il a reconnu ainsi que l'ensemble du dispositif permettait de garantir, dans le cas précis, la volonté constitutionnelle d'assurer un égal transfert des charges et des ressources.

Telles sont les deux raisons pour lesquelles, nous l'affirmons, votre interprétation de la décision du Conseil constitutionnel est plus qu'aléatoire. S'il en fallait une troisième, elle consisterait dans la confiance que nous plaçons dans la sagesse du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), au travers de la proposition qu'il vient de nous faire et qu'il nous avait déjà soumise lors du débat sur la loi relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Balligand. Une telle confiance n'est pas possible !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour une courte intervention.

M. René Dosière. Pourquoi courte, monsieur le président ?

M. Christophe Caresche. Je souhaite en effet pouvoir bénéficier de tout mon temps de parole, monsieur le président, sinon, je me verrais dans l'obligation de défendre l'amendement que j'ai déposé. Il ne s'agit pas, en effet, d'un débat anecdotique même s'il est vrai que Gouvernement l'aborde avec une certaine légèreté.

M. René Dosière. Voire une légèreté certaine.

M. Christophe Caresche. Monsieur le ministre, vous avez vous-même reconnu que le risque de censure par le Conseil constitutionnel est sérieux et que le point soulève discussion. Il est donc normal qu'il suscite des opinions divergentes, voire contradictoires. D'ailleurs, à la différence de M. Geoffroy, vous avez annoncé que, en raison même de ce débat, vous présenterez un amendement.

M. Guy Geoffroy. Telle est la sagesse du Gouvernement.

M. Christophe Caresche. La question est de savoir si votre amendement, monsieur le ministre, sécurisera véritablement le texte. Je ne le pense pas. Que se passera-t-il en effet si le Conseil constitutionnel est conduit à censurer certaines des dispositions de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales ? Une telle censure aurait évidemment des conséquences sur la mise en œuvre des transferts de compétences.

M. Guy Geoffroy. Bien sûr que non !

M. Christophe Caresche. Telle est la question posée. Elle n'est pas de pure forme. Il ne s'agit pas d'une simple formalité. C'est un problème de fond. Si le Conseil constitutionnel censure certaines des dispositions de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, c'est bien évidemment la loi relative au transfert des compétences qui se trouvera de facto mise en cause.

Il appartient donc au Gouvernement de répondre à la question suivante : que se passera-t-il si le Conseil constitutionnel décide de censurer certaines des dispositions de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales ? Chacun sait bien, sur les bancs de la majorité, que ceux qui ont posé la question sur le plan juridique sont des personnalités qui ont des compétences en la matière. Nous pensons donc que vous prenez un risque très sérieux et qu'il est contradictoire, d'un côté, de prétendre que la loi doit absolument être mise en application en raison de son importance considérable pour la vie du pays et, de l'autre, de prendre un risque de voir l'ensemble du dispositif que vous souhaitez mettre en œuvre s'effondrer pour une simple raison de calendrier.

J'ai entendu, ce matin, un de vos amis, M. Goasguen déclarer à la radio que ce texte aurait très bien pu venir en discussion après l'été, très précisément en décembre ! Nous ne sommes donc pas les seuls à considérer que ce débat intervient dans des conditions extrêmement précipitées, voire improvisées, non pour des raisons administratives, comme vous vous êtes efforcé de nous le faire croire, monsieur le ministre, tenant aux décrets d'application et au travail considérable que doit fournir l'administration, mais pour des raisons politiques.

M. le ministre délégué à l'intérieur. De tels arguments sont sans fin !

M. Christophe Caresche. C'est le calendrier politique qui vous conduit aujourd'hui à faire examiner ce texte dans des conditions d'improvisation contestables.

M. Alain Gest, rapporteur. Mais non !

M. Christophe Caresche La raison, sur tous les bancs, chacun la connaît : M. Raffarin est un Premier ministre en sursis (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui prépare tout simplement son départ. Contre l'avis d'un grand nombre de ses amis, il veut terminer son travail. Il en fait même un point d'honneur, ce qui, d'un certain point de vue, est compréhensible. Ce faisant, vous prenez un risque juridique considérable. Il n'est pas raisonnable de vous suivre sur une telle voie.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Nous en sommes à un moment important du débat. Il est légitime que nous prenions le temps de comprendre ce qui pourra se passer si le présent texte est adopté.

Je souhaiterais dire à Guy Geoffroy que placer notre confiance dans la sagesse du Gouvernement est au-dessus de nos forces.

M. Guy Geoffroy. Il ne faut jamais renoncer à faire confiance ! C'est une marque de jeunesse d'esprit !

M. Didier Migaud. À l'impossible, nul n'est tenu, mon cher collègue ! D'autant qu'un grand nombre d'entre vous estiment que le Gouvernement ne fait pas preuve de sagesse. Christophe Caresche vient de rappeler l'opinion exprimée en la matière par Claude Goasguen, laquelle reflète celle d'un grand nombre d'entre vous.

M. Guy Geoffroy. Qu'en savez-vous ?

M. Didier Migaud. C'est, de la part du Premier ministre, un coup de force, peut-être même un caprice. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il tient à tout prix à faire adopter tant qu'il est encore Premier ministre ce qu'il considère être la « mère des réformes ». C'est ce qui explique l'impréparation de nos débats et les risques juridiques que vous êtes prêts à courir. Cela n'est pas raisonnable.

Nous pourrons au demeurant nous retrouver sur ce qu'a dit le Conseil constitutionnel, à savoir que la révision constitutionnelle n'a pratiquement rien apporté de nouveau par rapport à sa jurisprudence ancienne et qu'elle est pour le moment inopérante : il faut attendre, dit-il, les dispositions de la loi organique pour savoir de quoi il retournera exactement.

M. Guy Geoffroy. Il n'en a pas déduit qu'il fallait annuler !

M. Didier Migaud. Certes, mais il en a déduit que la révision constitutionnelle était, en l'état, inopérante, et que tout dépendrait de la définition que l'on donnerait...

M. Guy Geoffroy. Ça, il ne l'a pas écrit !

M. Didier Migaud. C'est sous-entendu (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : s'il estime qu'il faut attendre que la loi organique apporte des précisions sur la révision constitutionnelle - ce qui est d'ailleurs sa fonction -, c'est bien qu'il considère comme essentielle la définition que l'on donne des ressources propres et de la « part déterminante ».

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas du tout ce qu'il a dit !

M. Didier Migaud. Dès lors, que se passera-t-il s'il annule certaines dispositions du projet de loi organique sur l'autonomie financière ? Nous aimerions bénéficier de points de vue éclairés sur cette question. À cet égard, il aurait été bienvenu que le président de l'Assemblée nationale saisisse le Conseil constitutionnel pour recueillir son avis sur ce point. Je sais que le règlement ne le prévoit pas dans cette situation, mais pourquoi ne pas innover ?

M. Guy Geoffroy. S'agissant d'une loi organique, le Conseil constitutionnel est automatiquement saisi !

M. le président. En effet !

M. Didier Migaud. Je le sais bien, mais il aurait été intéressant de connaître son sentiment sur ce point de droit avant l'examen du projet. Pour l'heure, nous sommes dans l'inconnu, malgré les compliments adressés par le Président de la République au président de la commission des lois.

M. Guy Geoffroy. Compliments mérités !

M. Didier Migaud. C'est votre opinion... Le fait est que le président Clément en a été très heureux !

Mme Anne-Marie Comparini. C'est l'essentiel ! (Sourires.)

M. le président. On le serait à moins, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Peut-être se dirige-t-on, comme l'ont déjà envisagé René Dosière et Christophe Caresche, vers un remaniement (« Allons donc ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et il est possible que M. Pascal Clément se projette déjà dans le gouvernement futur - à la place occupée par M. Copé aujourd'hui, qui sait ? Cela lui permettrait de défendre à nouveau ce texte !

M. Bertho Audifax. Le débat avance à pas de géant !

M. Didier Migaud. Que se passera-t-il si le Conseil constitutionnel annule une partie de la loi organique ? Je le répète, nous avons besoin d'une réponse.

Prenons l'exemple du RMI-RMA, dont la charge est déjà lourde pour les conseils généraux.

M. Guy Geoffroy. Moins que l'APA !

M. Didier Migaud. Cette réforme coûte cher aux collectivités locales, mais le projet dont nous commençons l'examen aura des conséquences bien plus considérables sur le financement des conseils régionaux, des conseils généraux, des communes ou des établissements publics. Nous ne pouvons donc prendre ce risque.

Hier, le ministre de l'intérieur nous ayant affirmé que ce texte avait fait l'objet d'une intense concertation, j'ai essayé dans l'après-midi de rassembler les communiqués des associations d'élus : pas une n'approuvait les termes de la définition des ressources propres que vous nous avez proposée !

M. Jean-Pierre Balligand. C'est incontestable !

M. Didier Migaud. De plus, beaucoup d'inquiétudes ont été exprimées sur le contenu même du texte. Dans ces conditions, le ministre ne peut nous dire qu'il a entendu la voix des élus : il n'en a tenu aucun compte !

Il n'est ni logique, ni correct de légiférer contre une très grande majorité d'élus. Comme je l'ai dit hier, il est pour le moins curieux que des membres de l'UMP, lorsqu'ils siègent dans d'importantes associations d'élus, signent des communiqués exprimant de très fortes réserves sur les textes qui nous sont présentés par le Gouvernement, et qu'à l'Assemblée ou au Sénat ils ne soufflent mot à ce sujet.

Monsieur le président, vous qui êtes attaché à l'honorabilité de notre institution, comment voulez-vous qu'on nous respecte si les signatures ou les points de vue des députés se révèlent être à géométrie variable ? Ici, les positions défendues par nos collègues de l'UMP traduisent la démission et la soumission du Parlement par rapport à l'exécutif ; ailleurs, ils critiquent le Gouvernement, affirment qu'ils s'y seraient pris autrement s'ils avaient été à la place de M. Copé. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il n'est d'ailleurs pas rare, mes chers collègues de l'UMP, que dans vos circonscriptions vous preniez ainsi vos distances par rapport à telle ou telle décision gouvernementale.

M. Guy Geoffroy. Ah bon ? Donnez-nous des exemples !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. La conclusion, c'est au Gouvernement de nous l'apporter, car nous n'avons pour le moment pas obtenu de réponse précise à la question précise posée par René Dosière. Celui-ci, si j'ai bien entendu, a souhaité une suspension de séance (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. le président. Ce n'est pas du tout ce que j'ai entendu, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. ...pour que le Gouvernement puisse se réunir, ou, à tout le moins, que M. Copé puisse consulter M. de Villepin et M. Raffarin. Il est tout de même étonnant que nous n'ayons pas encore vu le Premier ministre, alors qu'il considère ce projet comme « la mère des réformes ». Est-ce, de sa part, la marque d'un désintérêt vis-à-vis de ce texte ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Hier, M. de Villepin nous est apparu pendant dix minutes, pour une intervention qui tenait du « service minimum » - c'est d'actualité, paraît-il... Nous avons apprécié le lyrisme de son entrée en matière, mais il nous a semblé s'être quelque peu évadé de cet hémicycle.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Je conclus, monsieur le président. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le groupe socialiste, je le répète, souhaite obtenir une réponse précise à une question précise : que se passera-t-il si le Conseil constitutionnel annule des dispositions de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités locales ? Il nous faut le savoir avant d'aborder la discussion des articles de ce texte, car celui-ci sera lourd de conséquences sur les budgets de nos collectivités territoriales.

M. Dino Cinieri. Vous l'avez déjà dit !

M. Didier Migaud. Oui, mais la majorité semble avoir quelques difficultés à le comprendre.

Tant que nous n'aurons pas de réponse, monsieur le président, nous insisterons - et vous connaissez notre capacité à insister !

M. le président. Il n'était pas besoin de le rappeler, monsieur Migaud. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Balligand. Et qu'est-ce que ce sera lorsque Augustin Bonrepaux sera arrivé !

M. le président. Dans un souci de pluralisme, je vais donner la parole à M. Geoffroy, puis à M. Deprez, et nous nous prononcerons sur ces 149 amendements identiques.

Mme Muguette Jacquaint. Pour respecter vraiment le pluralisme, monsieur le président, vous voudrez bien me donner également la parole !

M. Guy Geoffroy. Je ne voudrais pas lasser mes collègues de l'opposition en rebondissant une nouvelle fois sur leurs propos, mais certains rappels s'imposent.

Avant la révision constitutionnelle, un transfert de compétences pouvait ne pas s'accompagner d'un transfert de ressources correspondant. La Constitution n'obligeait pas à prendre de telles dispositions. Ainsi, la création d'une compétence nouvelle comme l'APA ne s'est pas accompagnée, personne ne le nie, des transferts financiers correspondant au niveau exact de la dépense : il a fallu y faire face. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

La révision constitutionnelle a inscrit dans le marbre de nos institutions que, dorénavant, une telle chose ne serait plus possible.

M. Jean-Pierre Balligand. C'est bien pour cela que vous vous êtes empressés de faire passer le RMI-RMA avant !

M. Guy Geoffroy. D'autre part, comme le ministre l'a fait remarquer en répondant à vos questions sur le projet de loi organique, on peut désormais envisager que le transfert se fasse dans le respect de l'autonomie financière des collectivités, ce qui constituerait un pas de plus en leur faveur. Autrement dit, les dispositions de la Constitution révisée sont d'ores et déjà applicables en ce qui concerne les transferts de compétences,...

M. Christophe Caresche. Ce n'est pas parce que vous avez posé un principe qu'il s'applique automatiquement !

M. Guy Geoffroy. ...et c'est ce que le Conseil constitutionnel a confirmé le 30 décembre dernier : en transférant intégralement le RMI aux départements et en créant le RMA, le Gouvernement, a-t-il dit, a fait en sorte, par la loi de finances, que soit respectée l'obligation constitutionnelle d'un transfert de ressources correspondant à la charge transférée. Tel est l'aspect fondamental de la question, que doivent prendre en compte tous ceux qui s'interrogent sur la manière dont on appliquera, après en avoir posé le principe, l'ensemble des décisions de transfert de compétences.

La deuxième question vient après : maintenant que les ressources sont transférées aux collectivités pour qu'elles assurent leurs nouvelles compétences, peut-on vérifier que les choses se font, de surcroît, dans le respect de la volonté du constituant de ne pas altérer l'autonomie financière des collectivités telle que définie par la Constitution puis par la loi organique ?

Je n'ai aucune inquiétude quant à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais il ne faut pas tromper les Français, qui pourront lire nos propos dans le Journal officiel : dans l'hypothèse fort peu probable où le Conseil constitutionnel trouverait à redire à la loi organique, l'édifice du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales ne s'en trouverait nullement mis en péril dans son ensemble.

Il est clair que le Gouvernement et le Parlement ont commencé et continueront à assurer un transfert des ressources correspondant au transfert des charges. Cela est suffisamment nouveau et important pour être rappelé.

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez, puis nous entendrons Mme Muguette Jacquaint avant de procéder au vote.

M. Jean-Pierre Balligand. Cela fait exactement vingt-deux minutes que j'ai demandé la parole, monsieur le président !

M. le président. Vous pourrez vous exprimer sur tous les autres amendements que vous avez déposés, monsieur Balligand. Je ne fais qu'appliquer le règlement ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Dans ce cas, nous allons défendre à tour de rôle les amendements identiques !

M. le président. Messieurs, je vous ai proposé au début de la séance une méthodologie que vous avez acceptée. Nous devons nous y tenir !

Vous avez la parole, monsieur Deprez.

M. Léonce Deprez. Voilà déjà trois quarts d'heure que nous sommes rassemblés ici, sans avoir même abordé la question de fond. Je tiens à dire aux grands praticiens du débat parlementaire que nous avons en face de nous qu'ils nous ont, habitués, dans les années passées, à autre chose.

M. Jean-Pierre Balligand. Nous allons venir au fond, à l'article 1er !

M. Léonce Deprez. Nous avons l'impression d'assister à la revue de presse du matin. On évoque M. Goasguen, on passe à divers sujets ...

M. Christophe Caresche. Mais allez-y, monsieur Deprez, intervenez sur le fond !

M. Léonce Deprez. ...qui sont étrangers au débat. Nous sommes les représentants du peuple, et non les représentants d'associations.

Pourrions-nous enfin en venir au sujet qui nous occupe, et passer à l'examen des amendements ?

Je pense qu'on pourrait gagner du temps en évitant la revue de presse et la revue des associations, pour nous centrer sur le sujet. Je souhaite vivement qu'on aborde vraiment les amendements.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Comme l'ensemble de mes collègues, j'ai bien conscience de l'importance de ce texte. C'est bien pourquoi le groupe des député-e-s communistes et républicains a regretté qu'on l'examine un 23 juillet (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), ...

M. Guy Geoffroy. C'est un jour comme un autre !

Mme Muguette Jacquaint. ...dans le cadre d'une session extraordinaire. Il en a été de même d'autres textes, comme celui sur la sécurité sociale, et il serait bon qu'on y réfléchisse pour les années à venir, quel que soit d'ailleurs le gouvernement en place.

Le transfert de compétences de l'État aux collectivités territoriales pose évidemment le problème des moyens et de l'autonomie financière de ces dernières, qui doivent répondre aux besoins de nos populations.

Le rapporteur a demandé à nos collègues socialistes de retirer leurs amendements, dans la mesure où le Gouvernement aurait déposé un autre amendement répondant à leurs préoccupations. M. Geoffroy a évoqué la confiance que nous devrions avoir dans la « sagesse » du Gouvernement.

Mais quelle sagesse ? On a bien vu, dans les dernières semaines, ce qu'il fallait en penser. Nous ne pouvons que nous opposer aux choix politiques et économiques du Gouvernement.

Je citerai la réforme du statut d'EDF ; la réforme de la sécurité sociale, menée de telle façon que, encore une fois, ce sont les plus défavorisés qui vont devoir mettre la main à la poche !

A force de dénoncer le coût du travail, le Gouvernement et sa majorité encouragent les entreprises, qu'ils prétendent à l'agonie, à chercher une main-d'œuvre moins chère et à délocaliser.

Aujourd'hui, il s'agit de transférer certaines compétences aux collectivités sans savoir de quels moyens ces dernières pourront disposer, et donc quel sera leur degré d'autonomie financière.

On nous dit qu'un amendement du Gouvernement devrait répondre à nos préoccupations. Le Gouvernement serait donc bien inspiré de nous le communiquer. Cela permettrait d'avoir un débat sur le fond, comme semble le souhaiter la majorité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'intérieur. J'ai écouté très attentivement Mme Jacquaint, qui en appelait au « débat de fond », termes qui résonnent à mes oreilles comme une formule magique. Car il est maintenant dix heures vingt et, depuis pratiquement une heure, il est question de la même chose : préjuger la décision du Conseil constitutionnel.

M. Christophe Caresche. Mais non, ce n'est pas de cela qu'il s'agit !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Mais si : vous ne parlez que de cela !

Je vous ai indiqué que le Gouvernement avait préparé ce texte en faisant en sorte qu'il soit conforme à la Constitution. Qui peut imaginer d'ailleurs qu'il en soit autrement ? Nous avons déjà dit tout ce qu'il était possible de dire sur le sujet et je n'ai pas du tout envie de m'engager dans des réflexions, qui ne relèveraient que de la fiction, pour préjuger la décision d'un juge. Chacun sa fonction et sa mission.

M. Didier Migaud. Pas « un » juge : le juge constitutionnel !

M. le ministre délégué à l'intérieur. En l'espèce, oui. Mais le même problème pourrait se poser pour tout projet de loi.

Je n'ai pas prévu de m'exprimer à l'infini sur cette question. Je constate d'ailleurs avec effroi que, sur le sujet, vous avez déposé cent quarante neuf fois le même amendement...

M. Didier Migaud. C'est que de très nombreux collègues sont inquiets !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ... alors que j'ai indiqué que j'avais déposé un amendement à ce propos, qui serait examiné à la fin du texte.

Je vous invite donc à passer à la phase suivante, à savoir, comme le souhaitait Mme Jacquaint avec sa spontanéité et sa sincérité légendaires, au débat de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je précise comment nous avons décidé de procéder, après consultation de René Dosière, pour éviter les écueils des débats sur les retraites et l'assurance maladie : en cas d'amendements identiques, je donnerai la parole à leurs auteurs présents en séance ; ensuite, nous appliquerons strictement le règlement, et pourront s'exprimer un collègue pour répondre au Gouvernement et un collègue pour répondre à la commission. Un point c'est tout !

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 353 rectifié à 501 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-neuf amendements identiques, nos 1529 à 1557.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Ces amendements visent à enrichir le texte en précisant qu'avant de procéder aux transferts de compétences, il faudra mettre en œuvre une réforme de la fiscalité locale, fondée sur la révision des valeurs locatives, sur la modulation des bases de taxe d'habitation en fonction du revenu et sur la suppression des éléments de taxe professionnelle conduisant à une taxation des investissements. Les remarques concernant les modalités pratiques sont sans doute superfétatoires, mais nous restons ouverts à tout sous-amendement que M. le ministre voudrait présenter. L'essentiel est d'afficher qu'il convient de ne pas aggraver les injustices qui résultent de l'état actuel de la fiscalité locale.

En effet, les transferts de compétences prévus vont se traduire par des augmentations d'impôts locaux. On va notamment mettre à la charge des collectivités le coût de plus de 100 000 personnels - 30 000 à l'équipement et 80 000 à l'éducation nationale. Or nos collègues savent bien, pour avoir interrogé les principaux de collège ou les proviseurs de lycée de leur circonscription, que ces personnels transférés seront en nombre insuffisant. En conséquence, dès que les transferts seront intervenus, on se tournera vers les nouveaux responsables financiers que seront les présidents de conseil régional et général pour leur demander des effectifs supplémentaires afin de permettre aux collèges et aux lycées de fonctionner de manière satisfaisante. Déjà, le système fonctionne avec un personnel contractuel, qu'il s'agisse des adjoints d'éducation ou des emplois-jeunes - en voie de disparition et qui ne seront donc pas transférés. Résultat : il manquera du personnel partout !

Aussitôt les transferts opérés, les collectivités seront assaillies de demandes qui les conduiront à créer des postes nouveaux et à augmenter les impôts pour les financer.

Ce qui s'est passé pour les lycées va très exactement se reproduire dans le cadre de ces transferts.

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'était la loi Defferre !

M. René Dosière. En effet, monsieur le ministre. J'étais membre de la commission consultative d'évaluation des charges. Et nous avons dit, s'agissant des lycées, que le compte n'y était pas.

M. Alain Gest, rapporteur. Quel accès de sincérité !

M. René Dosière. Nous avons essayé de trouver un mode de compensation. Nous n'y sommes pas parvenus et le Gouvernement a commencé à rajouter 500 millions de francs une année, puis une autre année. Malgré tout, le compte n'y était toujours pas.

La compensation était bien intégrale à la date du transfert, elle était égale au montant des crédits que l'État dépensait. Seulement, de telles dispositions - que vous avez d'ailleurs reprises textuellement dans la Constitution et non dans le cadre d'une loi ordinaire, qu'on aurait pu modifier - peuvent être contournées dès lors que l'état du transfert n'est pas satisfaisant. On l'a vu s'agissant des lycées, on le verra s'agissant de la voirie. Monsieur Geoffroy, dans l'établissement dont vous étiez le proviseur, ...

M. Guy Geoffroy. Je vais en parler !

M. René Dosière. ...pouvez-vous nous garantir, même si ce ne serait qu'un exemple, que vous aviez le personnel suffisant pour faire face à toutes les tâches d'entretien ? N'y a-t-il pas des emplois-jeunes, des adjoints d'éducation ? Au moment du nouveau transfert, le président de votre conseil général, bien qu'il soit maintenant de gauche, sera sans doute sollicité pour créer des postes supplémentaires.

Cette augmentation programmée des impôts locaux rend indispensable pour les collectivités de pouvoir disposer de ressources évolutives, qui soient beaucoup plus justes. C'est pourquoi nous souhaitons qu'avant la mise en application de ce texte, on procède à une mise à jour de la fiscalité locale. Or, malgré toutes vos déclarations, nous ne voyons pas venir grand-chose. D'où l'intérêt et l'utilité de nos amendements.

M. le président. Les amendements n°s 1531, 1532 et 1549 seront successivement défendus par MM. Caresche, Balligand et Migaud. Je donnerai ensuite la parole à un orateur du groupe socialiste et à M. Geoffroy, pour répondre à la commission et au Gouvernement, après que ces derniers auront donné leurs avis.

M. Christophe Caresche. Ce n'est pas un débat digne de ce nom !

M. le président. C'est un débat encadré par le règlement !

M. Christophe Caresche. Nous ne l'acceptons pas ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. C'est une méthode que je vous ai proposée en début de séance. Vous l'avez acceptée, mais peut-être ne l'aviez-vous pas bien comprise.

M. Christophe Caresche. Elle ne nous convient pas, car vous ne nous permettez pas de répondre au Gouvernement !

M. le président. Nous avons décidé, avec M. Dosière, de nous conformer à la « jurisprudence Debré », qui a permis aux débats précédents de se dérouler de manière satisfaisante.

M. Didier Migaud. Alors nous voulons le président !

M. Jean Proriol. Ce qu'ils veulent, c'est le président, pas le règlement !

M. le président. Pour l'instant, vous avez le président de séance.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Excellent président de séance !

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

C'est une méthode que nous suivons depuis hier à la satisfaction de tous. M. Dosière m'avait confirmé qu'il était d'accord pour continuer ainsi, et je suis persuadé qu'il aura à cœur de le faire.

M. Didier Migaud. Il n'a pas dit tout à fait cela !

M. Christophe Caresche. C'est le groupe UMP qui répond au Gouvernement !

M. le président. Les parlementaires de la majorité, eux aussi, ont le droit de répondre à la commission et au Gouvernement. Depuis ce matin, nous nous efforçons de respecter le pluralisme.

M. Guy Geoffroy. Nous sommes tous des parlementaires. Il n'est pas inscrit dans le règlement que seuls ceux de l'opposition peuvent répondre au Gouvernement. C'est une ségrégation inacceptable !

M. le président. Je vous propose de poursuivre nos travaux jusqu'à notre prochain point de désaccord. (Sourires.)

Rappel au règlement

M. René Dosière. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Que de mauvaise volonté !

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour un rappel au règlement.

M. Guy Geoffroy. Il n'est nulle part écrit dans le règlement que seuls les parlementaires de l'opposition sont autorisés à répondre au rapporteur ou au ministre.

M. Édouard Landrain. C'est de la malhonnêteté !

M. Didier Migaud. Monsieur le président, nous venons d'être taxés de malhonnêteté.

M. Édouard Landrain. De la malhonnêteté intellectuelle !

M. Didier Migaud. Ce terme doit être retiré !

M. Édouard Landrain. Je le retire !

M. Didier Migaud. Je vous en donne acte !

M. René Dosière. Monsieur le président, il est important que nous soyons bien d'accord sur notre méthode de travail. Il me semblait que nous avions réussi à nous entendre, mais apparemment, cela pose quelques problèmes à mes collègues. C'est la raison pour laquelle je demande une suspension de séance, qui pourrait nous faire gagner du temps si nous réussissions à nous mettre d'accord avec vous.

M. Didier Migaud. Et peut-être avec le président Debré ?

M. le président. Votre proposition est judicieuse, monsieur Dosière.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour un rappel au règlement.

M. Guy Geoffroy. Mon rappel au règlement se fonde sur son article 58. Nous débattons, depuis plus d'une heure, de nombreux amendements présentés sur ce texte important. Contrairement aux inquiétudes et aux suspicions qui avaient pu se manifester ces derniers jours, tous les engagements ont été tenus. Notre commission des lois, qui s'est encore réunie hier soir, a pu examiner la totalité des amendements, de sorte qu'ils peuvent venir en séance assortis d'un avis de celle-ci.

Or j'observe que, en dépit de la volonté affichée par tous de mener un vrai débat - l'examen de la série d'amendements précédente en est la preuve et nous souhaitons pouvoir continuer ainsi - une règle, ne figurant pas dans notre règlement, est mise en avant pas certains, aux termes de laquelle les parlementaires de la majorité n'auraient pas le droit de répondre au Gouvernement, (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Didier Migaud. Il n'a pas été dit cela !

M. Christophe Caresche. Les parlementaires de la majorité n'ont pas seuls le droit de répondre au Gouvernement !

M. Guy Geoffroy. ...afin de ne pas les comptabiliser dans le nombre d'orateurs autorisés à répondre à la commission ou au Gouvernement.

Le groupe UMP, qui souhaite que le débat au fond que nous avons entamé se poursuive dans de bonnes conditions, comme le laissaient augurer diverses interventions apaisantes de M. Dosière, demande donc que les droits des parlementaires soient reconnus, de tous les parlementaires, ...

M. Didier Migaud. Il n'y a pas de problèmes !

M. Guy Geoffroy. ...ceux de l'opposition dont personne ici n'a nié la légitimité, comme ceux de la majorité qui n'ont pas une légitimité moindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christophe Caresche. Ce sont les droits de l'opposition qui sont bafoués !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, également pour un rappel au règlement. Mais, peut-être pouvons-nous considérer, s'il n'y a pas de droit au rappel au règlement, qu'il convient qu'il n'y en ait qu'un par groupe qui le souhaite. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Non, monsieur le président, je me sens offensé non pas en tant que membre d'un groupe mais en tant que député.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Assez d'obstruction !

M. Christophe Caresche. Vous ne déposez pas d'amendements et vous voulez répondre au Gouvernement !

M. Didier Migaud. M. Geoffroy pose une vraie question...

M. Guy Geoffroy. Je pose souvent des vraies questions !

M. Didier Migaud. ...et je veux le rassurer. Il est hors de question pour nous de vouloir brimer l'expression des députés de l'UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Il ne manquerait plus que cela !

M. Didier Migaud. D'ailleurs, nous le voudrions que nous ne le pourrions pas !

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas ce que vous avez dit !

M. Didier Migaud. Au contraire, dans beaucoup de débats, nous regrettons que l'UMP et l'UDF - et je salue la présence de Mme Comparini - ne s'expriment pas plus. Ils le font en général avec beaucoup de pertinence et d'à-propos.

Mme Anne-Marie Comparini. Alors, ne nous brimez pas non plus !

M. Didier Migaud. Il est hors de question de brimer qui que ce soit, madame Comparini. Au contraire, nous déplorons souvent que nos collègues de l'UMP ne disent rien.

Mme Nadine Morano. C'est parce que nous sommes d'accord avec le Gouvernement que nous n'intervenons pas !

M. Didier Migaud. Nous avons simplement dit qu'il serait curieux que seuls les députés de l'UMP puissent répondre à la commission et au Gouvernement, comme le suggérait le président. Nous revendiquons également ce droit.

M. Christophe Caresche. C'est nous qui avons déposé les amendements, pas vous, messieurs de l'UMP !

M. Guy Geoffroy. Nous avons le droit de nous exprimer sur vos amendements. C'est un droit commun à tous les parlementaires !

M. Didier Migaud. Bien sûr ! Nous souhaitons que l'UMP s'exprime, et plus encore qu'elle ne le fait !

M. Dino Cinieri. Vous avez déposé plus de 4 000 amendements ! Nous, nous sommes là pour travailler, pas pour faire de l'obstruction !

M. Didier Migaud. Il n'y a donc aucune ambiguïté. Nous voulons seulement pouvoir répondre au Gouvernement et à la commission après qu'ils ont donné leur avis sur nos amendements.

Nous souhaitons, monsieur le président, qu'il y ait un dialogue et je ne peux imaginer que, alors que nous avons à peine commencé l'examen de ce texte, vous vouliez, avant même l'article 1er, brimer l'expression des députés. Ce serait contraire à l'esprit républicain qui vous anime souvent.

M. le président. Je vous demanderai de bien vouloir conclure sur ce sujet, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Bien sûr, monsieur le président. Je voulais simplement rassurer M. Geoffroy. Nous souhaitons seulement pouvoir nous exprimer après que le Gouvernement a répondu sur nos amendements.

M. Guy Geoffroy. Eh bien, faites-le et laissez les débats avancer !

M. le président. Avant de passer la parole à M. Balligand qui n'a pas encore pu s'exprimer ce matin et que je sens quelque peu frustré,...

M. Jean-Pierre Balligand. Et marri !

M. le président. ...je souhaite faire une petite mise au point.

J'ai le souvenir d'avoir préparé jadis des amendements sur les nationalisations ou l'audiovisuel, mais nous n'avions pas « inventé » les amendements identiques.

M. Didier Migaud. Vous en aviez inventé d'autres !

M. René Dosière. Vous usiez d'autres techniques !

M. le président. S'agissant des amendements identiques, j'ai proposé à M. Dosière, en début de séance - pour encadrer le débat et non pas pour brimer l'expression des députés - d'adopter une méthode qui soit communément acceptée. Après une négociation « Dosière-présidence», il vous a donc été proposé que chacun des auteurs d'amendement présents puisse défendre le sien, qu'ensuite la commission et le Gouvernement donnent leur avis et qu'enfin l'auteur puisse intervenir une nouvelle fois.

Mais M. Geoffroy a eu raison de souligner que rien ne dit dans le règlement que seuls les députés de l'opposition peuvent répondre à la commission ou au Gouvernement.

M. Didier Migaud. Bien sûr !

M. le président. Mon objectif est simplement d'éviter que, par un jeu de réponses à des réponses, nous passions une heure sur la même série d'amendements.

M. Didier Migaud. Absolument, sauf si le débat en vaut la peine !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. M. Geoffroy n'a pas bien compris notre demande. Nous considérons normal que les parlementaires présents - et c'est valable pour tous les groupes - puissent défendre leurs amendements, fussent-ils identiques. Nous considérons qu'il est logique que la commission et le Gouvernement, pour faire des économies de parole, répondent ensuite globalement.

M. Guy Geoffroy. Puisque les amendements sont les mêmes !

M. Jean-Pierre Balligand. Ce que nous demandons, c'est que chacun de ceux qui ont défendu leurs amendements puisse reprendre la parole pour répondre soit à la commission soit au Gouvernement.

Bien entendu, le président peut aussi donner la parole à un collègue qui n'a pas déposé d'amendement.

Nous ne voulons rien de plus que cela, mais nous voulons cela.

M. Guy Geoffroy. Nous allons enfin pouvoir avancer !

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 1531.

M. Christophe Caresche. Sans vouloir allonger les débats (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Guy Geoffroy. Loin de vous cette idée !

M. Christophe Caresche. ...je voudrais revenir brièvement ...

M. le président. Monsieur Caresche, je croyais que nous étions d'accord sur la méthode !

M. Christophe Caresche. ...non pas sur la méthode, monsieur le président, mais sur la série d'amendements précédente.

M. Didier Migaud. Soit dit en passant, monsieur le président, sur la série précédente, vous n'avez pas appliqué la méthode que vous venez de nous décrire !

M. Christophe Caresche. Je ferai à ce propos deux remarques.

Premièrement, pour la sérénité des débats et par respect pour les parlementaires que nous sommes, il ne me semble pas de bonne méthode que le Gouvernement attende le dernier moment pour déposer un amendement.

M. Didier Migaud. Bien sûr !

M. Christophe Caresche. La commission des lois s'étant à nouveau réuni hier soir, à minuit,...

M. Alain Gest, rapporteur. Eh oui ! Quel courage !

M. Guy Geoffroy. Elle a très bien travaillé !

M. Alain Gest, rapporteur. Oui, elle a été efficace !

M. Christophe Caresche. ...il aurait été bien que le Gouvernement dépose son amendement à ce moment-là - il devait déjà être prêt - afin que nous puissions en prendre connaissance et que le débat se déroule dans la clarté. Je précise, en effet, qu'à l'heure où je parle, nous n'en connaissons absolument pas la teneur.

Deuxièmement, je voudrais répondre brièvement à M. Geoffroy qui nous a dit, en substance, qu'une fois qu'un principe est posé dans la Constitution, tout est réglé : que le Conseil constitutionnel invalide ou non la loi organique n'a, dès lors, aucune importance.

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Christophe Caresche. C'est en tout cas ce que j'ai compris !

M. Guy Geoffroy. Il faut mieux écouter. Mon raisonnement était plus complexe, plus nuancé, plus fin et, surtout, plus juridique !

M. Christophe Caresche. Votre finesse d'esprit, monsieur Geoffroy, est en effet bien connue !

Votre argument est hautement contestable : la loi organique a bien pour objet de mettre en œuvre des principes inscrits dans la Constitution. Ce n'est pas, à moins de le préciser, parce qu'ils y sont inscrits, qu'ils ont un effet immédiat. La loi organique est totalement liée à la Constitution : elle en décline les principes.

La question que j'ai posée - et qui, je me permets de le noter, n'a pas reçu de réponse - était donc d'actualité : qu'adviendra-t-il du texte que nous examinons si la loi organique, ou une partie de celle-ci, est censurée ?

La question se pose d'autant plus que vous n'êtes pas sans savoir que ce débat, loin d'être artificiel, a opposé plusieurs hautes autorités de l'État et qu'à l'interprétation du Gouvernement s'oppose celle du Conseil constitutionnel. N'ayons pas l'hypocrisie de le nier.

M. le ministre l'a, pour sa part, reconnu. Si j'ai souhaité revenir, en quelques mots, sur cette question, c'est parce que les réponses qui nous ont été données ne sont pas satisfaisantes.

J'en viens à l'amendement n° 1531. Comme nous l'avons déjà dit lors de l'examen du projet de loi relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, l'acte II de la décentralisation englobe l'autonomie financière et le transfert d'un certain nombre de compétences. Nous considérons, pour notre part, qu'il doit également s'accompagner d'une réforme de la fiscalité locale et, notamment, des principes qui la régissent, dont tout le monde s'accorde à dire qu'ils ne sont pas satisfaisants.

Si tel n'était pas le cas, les transferts de compétences prévus aggraveraient les inégalités entre collectivités locales et, également, entre contribuables.

L'objet de cet amendement est donc de demander qu'il y ait une véritable réforme de la fiscalité locale, qui rende cette dernière plus équitable afin que le transfert de compétences s'effectue dans de bonnes conditions.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour soutenir l'amendement n° 1532.

M. Jean-Pierre Balligand. Tout se passe dans un contexte d'insécurité financière.

L'acte II de la décentralisation est une loi ordinaire de transferts des compétences avec bien entendu des charges. Par rapport aux premières lois de 1982 et de 1983, on constate une grande différence. En effet, l'État se déleste de façon massive de frais de fonctionnement, de salaires et de charges, sur des structures existantes et non sur de nouvelles.

Pour réussir une telle opération, les collectivités territoriales ont besoin de sécurité financière. Or, nous nous trouvons dans un contexte très particulier. Le Président de la République a annoncé, sans prévenir les membres de sa majorité - je pense à notre pauvre rapporteur général Gilles Carrez -, la suppression de la taxe professionnelle. Quel substitut sera trouvé à cet impôt économique local ? L'inquiétude de notre collègue est patente.

On voit ressurgir des idées comme la spécialisation de l'impôt économique par rapport à l'impôt sur les ménages localisé tel que la taxe d'habitation ou le foncier bâti.

Nous avons déposé cet amendement, afin de disposer d'un certain nombre d'éléments de rénovation de la fiscalité locale. En effet, l'insécurité financière qui prévaut aujourd'hui est doublée - paradoxe des paradoxes - par la loi organique et son extraordinaire définition, dans son article 2, des ressources propres.

M. Guy Geoffroy. Très bonne définition !

M. Jean-Pierre Balligand. Cette définition des ressources propres est au cœur du dispositif sur le plan juridique.

J'attends avec beaucoup de curiosité la décision du Conseil constitutionnel sur les « recettes d'impôts nationaux localisables ». Là, on va s'amuser, ne serait-ce qu'avec l'assiette et la non-liberté des taux ! Nous nous interrogeons - et nous ne sommes pas les seuls - sur toutes ces notions. Je vous renvoie à notre première série d'amendements.

Je n'use pas d'arguties juridiques. On sait que si un seul des articles de la loi organique est censuré, tous les transferts de charges seront ipso facto remis en cause.

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. Jean-Pierre Balligand. Je vais reprendre l'exemple de l'article 2 du projet de loi organique et de la définition des ressources propres. Si le Conseil constitutionnel admet que la définition n'est pas valable, comment obtiendra-t-on cette sécurité financière pourtant si nécessaire, compte tenu des réformes annoncées et qui ne sont pas faites ? Le rapport Fouquet ne sortira qu'au mois de novembre, donc il n'y aura rien en 2005. Dans le meilleur des cas, la réforme prendra effet au 1er janvier 2006.

Nous devons essayer, collectivement, d'être un peu responsables. Vous n'êtes pas capables de respecter les grandes ambitions affichées. Votre timing est inconséquent, c'est une succession de ratés. Il fallait que la loi organique soit votée bien plus tôt. La fiscalité locale aurait pu être revue, pour qu'on puisse s'engager ensuite dans un vaste programme de transferts.

Sinon, on assiste à un démantèlement de l'État avec l'alternative suivante : soit faire baisser l'action publique locale pour ne pas augmenter les impôts, soit les augmenter pour conserver le même niveau de prestations de l'action publique locale. Vous parlez d'un pari !

M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Balligand. C'est la question de fond, qui est posée. Ensuite, on entrera dans les détails avec l'article 1er en traitant des actions économiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 1545.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Une réforme de la fiscalité locale était un préalable nécessaire au dispositif de décentralisation et de transfert de compétences.

Nous pensons d'abord qu'il faut procéder à une révision des valeurs locatives - tout le monde en est d'accord, notamment les élus locaux.

Ensuite, il faut renforcer la modulation des bases de la taxe d'habitation, en fonction des revenus des contribuables. Nous partageons également tous ce sentiment.

Enfin, la suppression de certains éléments de la taxe professionnelle, engagée par le précédent gouvernement et qui semblerait être définitivement acquise conduit bien entendu à la nécessité de taxer les investissements.

Nous aurions voulu que ces trois points soient étudiés dans le cadre du programme de travail sur la décentralisation. On nous a répondu que c'était impossible. Pourquoi ? Nous avons vu, lors de l'examen du texte précédent, que les élus souhaitaient que les moyens de conduire leur action politique soient maintenus. Cette exigence est légitime de la part d'élus, quelle que soit leur appartenance politique.

L'injustice née de la fixation des impositions locales est elle-même génératrice d'injustices. Dans ma commune de banlieue, je trouve scandaleux qu'un pavillon réhabilité de 250 mètres carrés fasse l'objet d'une taxation inférieure à celle d'un logement social construit, il y a quatre ans. Comment peut-on expliquer cette situation à nos administrés ? Nous connaissons tous ces difficultés. Pour atténuer ces disparités, nous devons avoir recours aux dispositifs de dégrèvements, qui sont du ressort des exécutifs locaux. Vous ne pouvez ignorer cette réalité !

Les collectivités pourront difficilement assumer les missions transférées, alors que les bases fiscales ne sont pas assurées, pour autant d'ailleurs que le Gouvernement veuille vraiment les réformer.

Je citerai l'exemple singulier du fonds de solidarité dans la région Île-de-France. On s'est aperçu d'un effet pervers lié à la création des EPCI.

M. Guy Geoffroy. Oui ! la baisse !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les 120 communes qui bénéficient de ce dispositif ont, pour la première fois, subi une baisse de leur dotation cette année. En effet, des critères de référence portaient toujours sur la commune elle-même et d'autres sur l'EPCI. La référence de la taxe professionnelle est celle de la communauté d'agglomération. Or certaines communes modestes ne percevant pas de taxe professionnelle importante se trouvent sanctionnées, alors qu'elles ont besoin qu'on les aide. Personne, ni le législateur, ni le comité de contrôle n'avaient perçu les injustices générées par ce dispositif. De nombreuses personnalités ont cherché les raisons de la baisse des dotations, sans résultat.

Cela prouve qu'il faut procéder par ordre. Si nous ne pouvons pas appréhender les effets de la modification de la loi sur la fiscalité locale avant les transferts de compétences, nous nous trouverons dans une situation non maîtrisée. Nos administrés ne comprendront pas cet état de fait.

Il faut donc impérativement anticiper.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour défendre l'amendement n° 1549.

M. Didier Migaud. Si je dois revenir un instant sur la première série d'amendements, c'est sans doute, monsieur le président, parce que vous n'étiez pas allé jusqu'au bout de la méthode que vous préconisiez vous-même.

Je reprends les propos de M. Caresche. Il est légitime qu'à partir du moment où le Gouvernement annonce un amendement qui nous garantit contre toute décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique, nous puissions en avoir connaissance avant de poursuivre le débat.

M. Christophe Caresche. Évidemment !

M. Didier Migaud. Notre demande paraît logique. Elle n'est pas irrespectueuse, ni inconvenante. Il est normal que nous nous interrogions sur les conditions d'application de ce texte. Je regrette donc que nous n'ayons toujours pas obtenu de réponse du Gouvernement.

J'en viens à l'amendement n° 1549. Les élus locaux s'inquiètent, quelle que soit leur sensibilité politique. Je faisais d'ailleurs référence tout à l'heure au point de vue exprimé par toutes les associations, avant comme après les élections cantonales et régionales.

Les élus sont inquiets des conditions financières des transferts de compétences. Le caractère de la fiscalité locale est profondément injuste. Nous avons d'ailleurs une part de responsabilité pour ce qui concerne la révision des valeurs locatives.

M. Léonce Deprez. Un peu !

M. Didier Migaud. Nous le reconnaissons ! Il ne sert à rien de nier la réalité. Peut-être aurions-nous dû être plus audacieux en la matière.

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas l'audace qui vous étouffe !

M. Didier Migaud. Nous continuons à en souffrir. En effet, de la fixation des valeurs locatives dépend pratiquement tout : non seulement le calcul de la taxe d'habitation, mais aussi le foncier bâti.

Si les transferts de compétences impliquent des augmentations d'impôts locaux - et nous craignions que ce ne soit inévitable - le contribuable local en fera les frais. Et nous ne pouvons l'accepter. C'est pourquoi nous voulons que le Gouvernement nous donne des précisions sur la réforme de la fiscalité locale qu'il compte proposer.

Je m'étonne à ce propos - n'y voyez rien de désagréable à l'endroit de ses membres - que la commission des finances soit totalement absente de ce débat. L'autonomie financière, objet certes du projet de loi organique, n'en imprègne pas moins ce texte au point qu'il n'est pas possible de ne pas en parler ; l'éclairage de la commission des finances serait à cet égard des plus utiles. À la décharge de nos collègues, et particulièrement de notre rapporteur général, force est de reconnaître que notre ordre du jour est si ubuesque qu'il est impossible à ceux qui se penchent sur plusieurs textes à la fois de suivre le rythme que l'on nous impose. Cela en dit long, du reste, de la méconnaissance que peut avoir le Premier ministre du travail parlementaire et du travail des élus en général ; sinon, jamais il n'aurait proposé un ordre du jour aussi fou - vous-mêmes le reconnaissez dans les couloirs - au Président de la République.

En résumé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous voudrions savoir si le Gouvernement a des projets de révision des valeurs locatives, s'il entend proposer des réformes de notre fiscalité locale au-delà de ce qu'il a fait dans le domaine de la taxe professionnelle. Du reste, la réforme de cette taxe n'était pas de notre avis la chose obligatoirement la plus urgente, d'autant que plusieurs évolutions avaient déjà été mises en œuvre ces dernières années : ainsi en est-il de la mise en place de la taxe professionnelle unique, qui a pu apporter certaines réponses aux problèmes que rencontraient les agglomérations, ou de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle et des allégements de charges qui en ont découlé pour les entreprises.

M. le président. Monsieur Migaud, il faut conclure.

M. Didier Migaud. Nous sommes au cœur du sujet, monsieur le président...

M. le président. Certes, mais vous en êtes également à la fin de votre intervention !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Bien répondu !

M. Didier Migaud. Mais le règlement est très contraignant...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Heureusement !

M. Didier Migaud. ...au point que nous en sommes réduits à déposer des amendements identiques pour nous exprimer et développer notre raisonnement.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Et l'esprit de synthèse ?

M. Didier Migaud. Il est difficile de faire preuve d'esprit de synthèse dans un sujet tel que la fiscalité locale... Peut-être vous intéressez-vous moins à ce domaine qu'à d'autres, monsieur le président de la commission des lois,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. J'en suis un spécialiste !

M. Didier Migaud. ...mais vous présidez également un conseil général et cette réforme devrait vous rendre des plus inquiets !

M. le président. Veuillez conclure.

M. Didier Migaud. Aussi aimerions-nous connaître les propositions ou les éventuels projets du Gouvernement en matière de fiscalité locale, afin d'en corriger le caractère profondément injuste. C'est à nos yeux essentiel pour la suite de nos débats.

M. le président. J'ai bien noté que M. Estrosi et M. Geoffroy souhaitaient répondre à la commission et au Gouvernement.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Alain Gest, rapporteur. Un mot au préalable à l'adresse de M. Dosière, qui m'a suspecté d'avoir fait montre d'une certaine « condescendance » - j'ai noté le terme exact - à son égard. Si tel a bien été votre sentiment, mon cher collègue, je vous prie de m'en excuser. Aurais-je été contaminé par certaines pratiques auxquelles il nous a été donné d'assister hier...

M. René Dosière. Ce serait dommage !

M. Alain Gest, rapporteur. Effectivement, ce serait dommage. Mais ce n'est heureusement pas le cas.

M. René Dosière. Nous ne cherchons pas à vous convertir à nos idées...

M. le ministre délégué à l'intérieur. Gardez votre condescendance pour vous !

M. Alain Gest, rapporteur. Vous avez insisté sur la nécessité d'une réforme de la fiscalité locale.

M. René Dosière. Pour laquelle je me bats depuis toujours !

M. Alain Gest, rapporteur. Absolument. Je lis du reste dans l'exposé sommaire de votre amendement que les injustices fiscales résultent de l'absence de révision générale des valeurs locatives depuis plus de trente ans.

M. René Dosière. En effet.

M. Alain Gest, rapporteur. Or il n'a échappé à personne que, sur ces trente années, il y en a un bon nombre pendant lesquelles vous étiez en mesure de résoudre ce problème.

M. René Dosière. On l'a fait !

M. Alain Gest, rapporteur. Modestement : la preuve, vous souhaitez que les choses évoluent...

M. René Dosière. Sarkozy est arrivé et a tout mis au panier !

M. Alain Gest, rapporteur. Si la commission n'a pas souhaité retenir ces amendements, c'est tout simplement parce que vos propositions doivent effectivement s'inscrire dans une réforme globale de la fiscalité locale. M. Migaud vient de son côté d'évoquer la nécessité d'une réflexion autour de la suppression de la taxe professionnelle ; je partage pleinement ce point de vue. Mais si cela posait à ce point problème, pourquoi avoir, durant les deux dernières années du gouvernement Jospin, opéré des transferts aussi considérables et créé autant de charges nouvelles sur le dos des entreprises, qui se sont traduites par autant de fiscalité supplémentaire ?

M. Édouard Landrain. Eh oui !

M. René Dosière. Pour ce qui touche à la taxe professionnelle, c'était un allégement !

M. Alain Gest, rapporteur. J'ai bien noté que vous vous en inquiétiez, craignant que cela ne se traduise par des charges et de la fiscalité supplémentaire.

À ce propos, j'ai entendu ce matin à la radio Mme Ségolène Royal,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Non ?

M. Alain Gest, rapporteur. Si ! Mme la présidente Ségolène Royal...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Elle parlait du Parlement, où elle ne vient jamais ?

M. Alain Gest, rapporteur. ...déclarer qu'elle était contre la hausse de la fiscalité locale. C'était à l'heure du petit déjeuner : j'ai bien failli m'étrangler !

M. Guy Geoffroy. C'était effectivement peu crédible !

M. Alain Gest, rapporteur. Tous les présidents de conseils généraux de France, toutes tendances politiques confondues, y compris le nouveau bureau de l'ADF présidé par un de vos amis socialistes, savent bien cette augmentation de la fiscalité locale est directement liée aux transferts que vous avez opérés ces dernières années ! Vos préoccupations d'aujourd'hui sont à l'évidence intéressantes ; malheureusement, vous avez pendant trop longtemps oublié de les avoir...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Janus bifrons !

M. Alain Gest, rapporteur. Reste qu'il est déjà onze heures vingt...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Nous n'avons pas beaucoup travaillé !

M. Léonce Deprez. Ni même beaucoup débattu ! À ce train...

M. Alain Gest, rapporteur. ...et que nous n'en sommes qu'au deuxième amendement sur les vingt-cinq présentés - à de multiples exemplaires - avant l'article 1er...

M. Léonce Deprez. Avant l'article 1er !

M. Guy Geoffroy. Avant même le titre premier !

M. Alain Gest, rapporteur. Peut-être pourrions-nous accélérer quelque peu le débat...

M. Édouard Landrain. Ils n'en ont pas du tout envie !

M. Antoine Carré. Ils obstruent !

M. Alain Gest, rapporteur. ...afin d'aborder le fond de ce texte important, objet depuis vingt-deux mois de longues discussions. On ne saurait prétendre qu'il ait été traité dans la précipitation - la preuve en est faite encore aujourd'hui.

M. Didier Migaud. Mais nous avons un vrai débat !

M. Alain Gest, rapporteur. Espérons que vous saurez ne pas montrer un visage obstiné en cherchant à bloquer ou à retarder inutilement la discussion...

M. Didier Migaud. Pas du tout ! Ce n'est nullement notre intention.

M. Alain Gest, rapporteur. En tout cas, ce n'est pas l'image que vous donnez à ceux qui, dans les tribunes du public, assistent à cette séance ! Je regrette que les chaînes de télévision ne soient pas en ce moment braquées sur nous pour retransmettre ce formidable débat et montrer l'intérêt essentiel qu'il présente pour l'avenir la République française,...

M. Édouard Landrain. Surtout en deuxième lecture !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Allons ! Ne reculez pas devant le 49-3 ! Vous en rêvez !

M. Alain Gest, rapporteur. ...au point de retarder la mise en œuvre d'une loi, Christian Estrosi le remarquait hier soir, censée entrer en vigueur le 1er janvier 2005. Essayons d'avancer un peu. Quoi qu'il en soit, je vous confirme que la commission des lois a repoussé ces amendements.

M. Léonce Deprez. On fait du sur place depuis deux heures, monsieur le président !

M. le président. Je ne sais pas si je fais du sur place, monsieur Deprez ; j'essaie seulement d'appliquer le règlement. Je vous rappelle que je vous ai donné la parole hier alors que vous n'aviez normalement pas le droit de vous exprimer. Essayez de ne pas tenir de propos désobligeants à l'égard de la présidence. Elle fait ce qu'elle peut !

M. Jean Proriol. C'est vrai !

M. Michel Terrot. Nous vous faisons pleinement confiance, monsieur le président !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. J'admire la présidence et sa qualité !

M. Édouard Landrain. Reste qu'à ce train, nous y serons encore au 15 août !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je vais à mon tour donner un avis défavorable à cette longue série d'amendements - une trentaine à peu près, rédigés à l'identique.

M. Caresche m'a fait un procès d'intention qui m'a beaucoup choqué.

M. Guy Geoffroy. C'était effectivement fort choquant !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je ne peux laisser dire que j'ai tardé à déposer l'amendement relatif à la date d'application de ce texte. Depuis le début de cette discussion, je vous ai expliqué, en toute transparence, les intentions du Gouvernement.

M. Guy Geoffroy. Parfaitement !

M. Christophe Caresche. Où est-il, cet amendement ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Il est en cours de dépôt.

M. Didier Migaud et M. Christophe Caresche. En cours de dépôt !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je n'accepte pas ce genre de procès. Avant de donner des leçons aux autres, on commence par se regarder soi-même ! J'ai très clairement indiqué nos intentions dès le début de cette discussion. Mais peut-être n'étiez-vous pas en séance lorsque nous avons entamé le débat sur le projet de loi organique... Quoi qu'il en soit, votre procès d'intention sur ce sujet était particulièrement malvenu.

Je vais vous dire très précisément mon sentiment sur cette série d'amendements. Je les ai attentivement lus : vous demandez en fait au Gouvernement que l'on subordonne les transferts de compétences à la mise en œuvre - excusez du peu - de la réforme de la fiscalité locale, de la révision des valeurs locatives, du renforcement de la modulation des bases de taxe d'habitation en fonction du revenu des contribuables et de la suppression des éléments de la taxe professionnelle afférents à l'investissement !

M. Édouard Landrain. Tout ce qu'ils n'ont pas fait !

M. Léonce Deprez. Et que l'on attend depuis des années !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Quelle imagination !

M. Christophe Caresche. Merci !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est à se demander comment vous n'avez pas trouvé trois minutes...

M. Guy Geoffroy. En quinze ans !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...durant les cinq années du gouvernement de M. Jospin pour lui suggérer de le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. Il fallait le dire ! C'est de la duplicité, de l'irresponsabilité !

M. le président. Un peu moins de bruit, monsieur Geoffroy !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'était bien la peine d'être restés au Gouvernement pendant cinq ans, cinq années de croissance économique qui plus est ! Encore ne vais-je pas jusqu'à vous reprocher vos réformes de structure courageuses : les retraites - c'était l'urgence -, l'assurance maladie - vous avez tout bloqué -, la réforme de l'État, la baisse des impôts,...

M. Guy Geoffroy. La sécurité !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Sans oublier la sécurité !

M. René Dosière. En cinq ans, nous n'avons pas utilisé une seule fois l'article 49-3 de la Constitution !

M. Édouard Landrain. Évidemment, vous n'avez rien fait !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je ne vous parle même pas de cela : ce serait presque déplacé et, honnêtement, ce serait oublier combien les Français vous en ont durement sanctionnés !

Mme Muguette Jacquaint. Faites attention avec ça !

M. le président. Allons, madame Jacquaint !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Vous avez tous déposé le même amendement, vous êtes ici cinq à l'avoir rédigé et pas un de vous cinq ne m'écoute !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous ne pouvez pas dire cela, monsieur le ministre ! Vous faisiez de même hier lorsque je parlais à la tribune !

M. Léonce Deprez. C'est la rançon de l'obstruction !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je vous ai écouté, monsieur Le Bouillonnec ; je vous ai même répondu, c'est dire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous m'avez répondu, mais vous ne m'avez pas écouté. C'était discourtois !

M. le ministre délégué à l'intérieur. En tout cas, je vous ai suffisamment écouté pour vous répondre !

Je me suis interrogé après avoir attentivement lu vos amendements. Qu'est-ce qui pouvait inciter des parlementaires aussi chevronnés et talentueux, au risque de se voir pris sur le fait - pourquoi n'ont-ils pas agi plus efficacement en faisant les mêmes propositions à M. Jospin -, à écrire de telles choses ? J'ai bien réfléchi, en vous écoutant tous, et je n'ai trouvé qu'une seule réponse. Si vous proposez de tels amendements, c'est parce que vous n'avez qu'une idée en tête : empêcher ce texte sur la décentralisation d'être mis en œuvre.

M. Édouard Landrain, M. Guy Geoffroy et M. Léonce Deprez. Absolument !

M. Christophe Caresche. Pas du tout !

M. Didier Migaud. Vous cherchez un prétexte pour utiliser le 49-3 !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je le regrette beaucoup. Ce projet, il est de notre devoir de l'adopter cet été. C'est un texte d'une importance majeure. Il a fait l'objet d'un débat approfondi pendant dix-huit mois. L'heure est venue de procéder à son adoption, une fois la discussion achevée, pour une raison simple : nous avons besoin de délais de préparation suffisamment raisonnables pour le mettre correctement en application. Les décrets, l'organisation sur le terrain, tout cela exige de faire preuve de responsabilité. Cela nous concerne tous ici, car nous avons collectivement le devoir de veiller à ce que les lois que nous adoptons soient appliquées dans les meilleures conditions et qu'elles soient bien comprises par l'ensemble de nos concitoyens.

M. Didier Migaud et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pourquoi nous dites-vous cela ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Déposer trente fois le même amendement dans le seul objectif de paralyser la mise en application de ce texte, cela ressemble, de près ou de loin, à une manœuvre d'obstruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.


M. Christian Estrosi
. Aucune autre grande démocratie au monde ne fournit un exemple comparable à l'image déplorable que vous donnez aujourd'hui du Parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René Dosière. Lorsque vous étiez dans l'opposition, vous ne faisiez peut-être pas d'obstruction ?

M. Christophe Caresche. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et le pacs ?

M. Christian Estrosi. « Faites ce que je dis et surtout pas ce que je fais. » Tel est votre message.

M. Alain Gest, rapporteur. En effet ! C'est extraordinaire !

M. Christian Estrosi. M. Balligand a osé dire que « contrairement à ce qui s'était passé en 1982 », le Gouvernement nous plaçait dans une situation de grande insécurité.

Voulez-vous que nous vous rappelions les faits ?

M. Alain Gest, rapporteur. Ce serait intéressant !

M. Christian Estrosi. En 1982, vous aviez tout transféré sans aucun moyen, ni humain, ni matériel, ni financier !

M. Didier Migaud. Mais non !

M. Christian Estrosi. Voulez-vous que nous procédions à l'inventaire de la loi du 1er janvier 1985 ? Vous avez transféré aux conseils généraux et aux conseils régionaux les collèges et les lycées, que l'État n'avait pas entretenus pendant plus de quarante ans ! (« En effet » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ils étaient tous dans un état de délabrement inouï ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous avons pu le constater dans chaque conseil général ou régional, les rectorats et les inspections d'académie ont néanmoins conservé leurs effectifs.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous voyez bien qu'un débat serait nécessaire !

M. Christian Estrosi. Et le contribuable a non seulement continué de payer pour les services de l'État, mais il a dû, de surcroît, payer pour les nouveaux services qui ont été créés par les conseils généraux et régionaux. C'est cela, l'esprit de la loi de 1982 ! C'est cela l'insécurité financière dans laquelle vous nous avez plongés et qui a fait exploser la fiscalité locale depuis 1982. Je pourrais d'ailleurs multiplier les exemples.

Cet exemple vous gêne.

M. Didier Migaud. Mais non !

M. Christian Estrosi. C'est la raison pour laquelle vous faites de l'obstruction ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous voulez semer le trouble dans la conscience des Français. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.) Nous, nous avons la sagesse de procéder dans l'ordre : en commençant une révision constitutionnelle garantissant qu'il n'y aura plus de transferts de compétences sans transferts de ressources, puis en votant une loi organique qui donne aux collectivités locales des ressources propres, afin qu'elles soient en mesure de faire face aux responsabilités qui leur sont confiées. Mais cela vous gêne !

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. Christian Estrosi. Vous préférez faire de l'obstruction.

Je conseille à mes collègues de transmettre à la presse quotidienne régionale une copie des amendements que vous déposez à trente exemplaires identiques pour nous empêcher d'aborder le débat de fond.

M. Guy Geoffroy. Leurs auteurs pourraient au moins être présents !

M. Christian Estrosi. Nos collègues sénateurs, y compris ceux qui siègent sous la même étiquette que vous, ont débattu avec un grand sens des responsabilités.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Christian Estrosi. Les sénateurs ont eu droit à un débat auquel ils ont participé de manière responsable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le 49-3, ce n'est pas au Sénat : c'est ici !

M. Christian Estrosi. Vous essayez de voler aux députés le débat de fond auquel ils ont droit ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est vous qui empêchez le débat !

M. le président. Monsieur le Bouillonnec !

M. Christian Estrosi. Cela, je ne l'accepte pas ! Tous nos concitoyens attendent de notre part que nous avancions et que nous clarifions les relations entre l'État et les collectivités locales pour faciliter leur vie quotidienne par des politiques de proximité à dimension humaine, mais vous vous y opposez.

Et je me battrai jusqu'au bout...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous aussi !

M. Christian Estrosi. ...pour que ce débat nous permette d'examiner les questions de fond sur la décentralisation et auxquelles vous vous opposez en faisant de l'obstruction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. L'exemple de M. Estrosi était particulièrement mal choisi. Je suis bien placée pour le savoir et je prends notre président, M. Raoult, à témoin, lui qui est élu comme moi en Seine-Saint-Denis.

Je vous rappelle, monsieur Estrosi, qu'avant 1981, les établissements scolaires étaient dans un état déplorable. L'État n'avait rien fait pour entretenir les collèges ! Or à cette époque, c'était bien vous qui étiez au gouvernement. Si ce n'était vous, c'était donc vos pères ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comme rien n'a été fait, le conseil général de Seine-Saint-Denis a dû dépenser des milliards pour remettre en état les collèges. Ce n'était pas cet exemple qu'il fallait citer, monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi. Si, c'est le meilleur.

Mme Muguette Jacquaint. Vous dites que nous ne sommes pas dans le cadre d'un débat de fond. Au contraire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Léonce Deprez. Non ! Avançons dans l'examen des articles !

Mme Muguette Jacquaint. Les compétences nouvelles données aux régions et aux départements sont-elles accompagnées de moyens ? C'est la grande question.

M. Guy Geoffroy. La Constitution le garantit, ce qui n'était pas le cas auparavant. Vous ne pouvez pas l'ignorer !

M. le président. Monsieur Geoffroy !

Mme Muguette Jacquaint. Tout le monde s'inquiète de la manière dont les collectivités locales seront en mesure de financer le logement, le renouvellement urbain, les équipements scolaires, le social ! Mon collègue Chassaigne vous l'a rappelé.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Où est-il d'ailleurs M. Chassaigne ?

Mme Muguette Jacquaint. Rappelez-vous nos discussions sur les péréquations : des inégalités existent incontestablement entre les départements et les régions. Et je ne reprendrai pas l'exemple des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis, que je cite souvent.

Les besoins sont disparates. La manière dont nous y répondrons dépend largement des finances locales dont nous disposerons. C'est une bien là une question de fond. Or nous ne sommes pas sûrs que nous pourrons aborder ces questions importantes dans la suite de la discussion, ce qui est d'ailleurs scandaleux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre délégué à l'intérieur. Comme disait Georges Marchais !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je ferai trois observations, une concernant la méthode, les deux autres ayant trait au fond.

À la reprise de la séance, grâce à notre président dont je vous invite à saluer comme il convient le tact (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) nous pouvions espérer entrer dans le vif de la discussion, et examiner l'ensemble des articles et des amendements, comme nous y aspirons tous, dans des délais convenables, respectueux de la démocratie parlementaire.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Comme cela a été le cas au Sénat !

M. Guy Geoffroy. Nous constatons que nos collègues de l'opposition ont déposé chaque amendement à cent cinquante exemplaires. Je fais remarquer au passage que sur les cent cinquante signataires, cent quarante-cinq ne sont pas venus les défendre. Ceux qui sont présents prennent tous la parole, ce qui est leur droit, mais ils ne consacrent qu'un minimum de temps à l'amendement en discussion.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Propos inacceptable.

M. Guy Geoffroy. Ils nous parlent de la loi sur l'autonomie financière, déjà votée, ou de l'amendement précédent, qui a été soumis au vote et qui a été repoussé. C'est la démonstration claire qu'en dépit de notre bonne foi et des efforts permanents de notre président pour faire avancer nos débats, vous ne faites que de l'obstruction systématique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous ne voulez pas examiner au fond cette réforme très attendue, et qui est une bonne réforme pour la France et pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest, rapporteur. Bien parlé !

M. Didier Migaud. C'est M. Accoyer qui ne veut pas débattre !

M. Guy Geoffroy. Ma deuxième observation concerne ce que M. Migaud et M. Caresche appellent « la sécurité financière ».

M. Christophe Caresche. C'est vous qui y revenez !

M. Guy Geoffroy. Vous m'y contraignez ! Vous m'obligez à rétablir la vérité.

M. Didier Migaud. Et le 49-3 ?

M. Guy Geoffroy. Dans votre souci d'obstruction, vous paralysez la vérité et cela, ce n'est pas acceptable.

Selon M. Migaud et M. Caresche, la sécurité financière devrait précéder l'autonomie financière. L'une dépend de l'autre, certes, mais on peut avoir l'une et l'autre, et même l'une sans avoir encore l'autre.

La sécurité financière est d'ores et déjà acquise.

M. Gérard Léonard. Très bien.

M. Guy Geoffroy. La décision du 30 décembre du Conseil constitutionnel l'atteste. Grâce à la révision constitutionnelle, grâce à sa mise en application scrupuleuse par le Gouvernement et sa majorité, la sécurité financière est désormais assurée. Il n'y aura plus jamais dans notre pays de transferts de compétences sans transferts des ressources correspondantes.

M. Édouard Landrain. Enfin !

M. Guy Geoffroy. Le Gouvernement, soucieux d'appliquer loyalement la nouvelle organisation décentralisée de notre pays, nous a soumis une loi organique sur l'autonomie financière. Elle a fait l'objet de la loi organique. Si vous continuez à prétendre...

M. Dino Cinieri. Ils n'écoutent même pas !

M. Guy Geoffroy. ...que, sans approbation définitive de la loi organique par le Conseil constitutionnel, il n'y aura pas de sécurité financière, c'est que vous travestissez la vérité !

Ma troisième observation fait écho à l'intervention de M. Dosière, qui m'a pris à témoin sur des questions dont il pense, à juste titre, que j'ai quelques raisons de les connaître. Il a évoqué la question des établissements scolaires, alors que les articles relatifs aux transferts des personnels techniciens et ouvriers de service ont été définitivement adoptés par nos deux assemblées, puisqu'ils ont été votés conformes par le Sénat.

M. Jean-Pierre Balligand. Mais c'est une discussion générale, monsieur le président !

M. Didier Migaud. C'est M. Geoffroy qui fait de l'obstruction !

M. Jean-Pierre Balligand. M. Geoffroy nous empêche d'aborder l'article 1er !

M. le président. Monsieur Balligand.

M. Guy Geoffroy. J'étais chef d'établissement au début des années 1980. J'ai pu constater qu'à partir du moment où les lois Chevènement ont été votées, les gouvernements successifs n'ont pas augmenté d'un seul centime, alors que l'inflation était forte, les dotations des établissements. Pourquoi ? Parce qu'il convenait à l'État de transférer, aux régions et aux départements, les budgets les plus faibles possibles. C'est à cause de cette volonté politique des gouvernements socialistes de l'époque, que les régions et les départements, pour faire face à leurs responsabilités, ont été obligés d'augmenter leur fiscalité locale. C'est vous qui en portez la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Veuillez conclure.

M. Guy Geoffroy. Je conclus, monsieur le président. Je fais remarquer que nous ne pouvons pas être suspectés d'obstruction (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) nous, qui n'avons fait que constater celle que pratiquent nos collègues socialistes !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous ne voulez pas aborder le débat !

M. Guy Geoffroy. Je ferai remarquer à M. Dosière, et ma modeste expérience de vingt ans en tant que chef d'établissement m'y autorise,...

M. Didier Migaud. Le débat ! Nous voulons débattre avant que le Premier ministre n'arrive.

M. Guy Geoffroy. ...que lorsqu'un établissement a les obligations du locataire et sa collectivité de rattachement celles du propriétaire, il y a une déperdition de moyens considérables et de surcroît un affaiblissement de la capacité conjointe d'entretien des bâtiments. Si tout se passe bien dans les communes, c'est parce que les personnels chargés de l'entretien disposent eux-mêmes des informations nécessaires au maître d'ouvrage.

Ce n'est pas le cas aujourd'hui dans les collèges et dans les lycées. Certains travaux d'entretien ne sont effectués ni par les lycées et les collèges, d'un côté, ni par les collectivités, de l'autre. C'est pourquoi les établissements vieillissent prématurément.

Ce qui est demandé, et ce que le président Mauroy, dans sa grande sagesse, avait proposé, c'est une organisation cohérente, moins coûteuse et plus efficace. Tel est l'objectif du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Léonce Deprez. Passons à l'article 1er !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. En relisant ce matin, dans le train, les Lettres à Lucilius, de Sénèque,

M. Guy Geoffroy. Voilà qui est intéressant !

Mme Anne-Marie Comparini. ...j'ai noté cette phrase, sans savoir combien elle s'appliquerait à notre débat : « Réfléchis bien et tu verras que la majeure partie de l'existence se passe à mal faire, une grande part à ne rien faire et la totalité à faire tout autre chose que ce qu'il faudrait ». En suivant les débats, depuis neuf heures et demie, ce matin...

M. Léonce Deprez. Cela fait deux heures et quart !

Mme Anne-Marie Comparini. ...j'ai l'impression étrange que, à droite comme à gauche, personne ne veut parler du sujet, fût-ce en deuxième lecture (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ne nous renvoyez pas dos à dos !

Mme Anne-Marie Comparini. ...et de ses améliorations qui auraient pu sortir de la présente discussion.

M. Didier Migaud. Le président Accoyer a dit : « Fermez le ban ! »

Mme Anne-Marie Comparini. N'oubliez pas qu'un vote conforme priverait le texte des compléments indispensables attendus par les régions.

J'ai l'impression étrange que cela arrange tout le monde que la discussion piétine...

M. Jacques Kossowski. Ce n'est qu'une impression !

Mme Anne-Marie Comparini. ...et qu'on enterre la nouvelle décentralisation.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela n'arrange que le Gouvernement !

Mme Anne-Marie Comparini. Mes chers collègues, les jacobins, sur tous les bancs, ont gagné.

M. Léonce Deprez. Vous crachez dans la soupe !

Mme Anne-Marie Comparini. Depuis 1969, nous essayons d'adapter nos institutions publiques à l'évolution du monde mais, aujourd'hui, le rendez-vous avec l'histoire et l'économie du xxie siècle est à nouveau manqué.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le ministre, quand on est au gouvernement, on s'entend souvent reprocher ce que l'on n'a pas fait. Parmi les choses que nous n'avons pas faites...

M. Jacques Kossowski. Elles sont nombreuses !

M. René Dosière. ...il y en a une que vous avez oublié de nous signaler : nous n'avons jamais fait usage de l'article 49-3 de la Constitution.

M. Didier Migaud. Très bien !

M. René Dosière. Pourtant, le gouvernement de Lionel Jospin ne disposait pas toujours d'une majorité absolue.

M. Christophe Caresche. C'est vrai !

M. René Dosière. Mais il a toujours été capable de discuter avec sa majorité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Pas comme ça !

M. René Dosière. De la part de ce gouvernement, en revanche, ce sera la deuxième fois. La première fois, il s'agissait déjà d'un texte concernant les collectivités locales, puisqu'il portait sur le scrutin régional. En l'occurrence, ce sera sur ce qui devait être « la mère des réformes ».

M. Guy Geoffroy. Parlons du fond !

M. René Dosière. On nous parle d'obstruction au motif que nous avons déposé des amendements identiques en nombre, mais combien sommes-nous en séance pour les défendre ? Seulement cinq !

M. Guy Geoffroy. Et alors ?

M. René Dosière. Cela veut bien dire que les cent trente-cinq autres signataires ne les défendront pas.

M. Guy Geoffroy. J'ai toujours été présent pour défendre mes amendements !

M. René Dosière. Si nous avions voulu faire de l'obstruction, nous serions tous présents pour défendre nos amendements.

Ce que nous voudrions...

M. Guy Geoffroy. C'est de l'obstruction systématique, endémique !

M. René Dosière. ...et le président Debré l'a parfaitement compris, c'est procéder de la même façon que dans le débat sur la réforme des retraites et dans celui sur la réforme de l'assurance maladie, ce que nous n'avons pas pu faire sur le mode de scrutin régional, car le Premier ministre a eu peur de la procédure parlementaire.

D'ailleurs, s'agissant d'obstruction, quand l'autorisation d'utiliser l'article 49-3 a-t-elle été donnée au Premier ministre ?

M. Didier Migaud. Mercredi !

M. René Dosière. Avant même que nos débats ne commencent !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. René Dosière. Et à quel moment le président du groupe UMP, qui n'est tout de même pas n'importe qui,...

M. Guy Geoffroy. Ça, c'est vrai !

M. René Dosière. ...a-t-il déclaré que l'Assemblée nationale devait voter conforme, en deuxième lecture, le texte du Sénat ? Avant même que nos débats ne commencent !

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Christophe Caresche. Ce débat n'est qu'une mascarade !

M. René Dosière. En fait, vous voulez accréditer l'idée, pour l'opinion, que l'utilisation de l'article 49-3, que la rumeur annonce pour cet après-midi, serait justifiée par notre obstruction.

M. Guy Geoffroy. Vous êtes en train d'en faire !

M. René Dosière. Absolument pas. Si tel était le cas, nous serions plus nombreux.

M. Guy Geoffroy. Parlons du texte ! Passons à l'article 1er !

M. René Dosière. Mais vous ne nous convaincrez pas et vous ne tromperez personne.

M. Didier Migaud. Vous ne voulez pas d'un débat !

M. René Dosière. Enfin, monsieur le rapporteur, vous nous avez dit qu'en matière de fiscalité aussi, nous n'avions rien fait...

M. Alain Gest, rapporteur. Je n'ai pas dit cela.

M. René Dosière. ...ou très peu.

M. Alain Gest, rapporteur. Oui !

M. Guy Geoffroy. Ou très mal !

M. René Dosière. Je vais vous donner deux exemples qui montrent que, là aussi, le bilan n'est pas aussi noir que vous le prétendez.

M. Alain Gest, rapporteur. Je n'ai pas dit cela non plus.

M. René Dosière. Nous avons créé, avec la loi Chevènement, l'intercommunalité à taxe professionnelle unique.

M. Alain Gest, rapporteur. C'est vrai.

M. René Dosière. Son application relève de la compétence des élus, mais il y fallait créer le cadre législatif. Interrogez les élus, les industriels et tous ceux qui s'occupent des collectivités locales, la taxe professionnelle unique est une révolution dans le fonctionnement de notre système administratif. Ça marche, puisque cela concerne les deux tiers de la taxe professionnelle. Certes, la décision du Président de la République de supprimer la taxe professionnelle, va compliquer les choses, mais voilà une réforme que tout le monde réclamait depuis des dizaines d'années et que personne n'était parvenu à faire.

M. Alain Gest, rapporteur. En quinze ans de pouvoir, il faut bien que vous ayez quelque chose à présenter.

M. René Dosière. Comme vous ne l'avez pas dit, je le rappelle.

Nous avons aussi, et je ne suis pas sûr que tous les élus en soient pleinement conscients, réformé la taxe d'habitation qui était décriée par tous, de sorte que les douze millions de Français qui ont les revenus les plus faibles n'en paient plus ou paient une taxe plafonnée par rapport à leurs revenus. Autrement dit, nous avons fait en sorte que pour les personnes les plus modestes, pour lesquelles elle était la plus lourde, la taxe d'habitation devienne un impôt local sur le revenu dont le taux identique pour tous les bénéficiaires - 4,3 % - et l'assiette sont fixées au niveau national. Il s'agit d'un revenu de référence qui n'a plus rien à voir avec les décisions des collectivités.

Je vous accorde que pour les autres douze millions de contribuables, qui sont soumis à la taxe d'habitation selon les critères habituels et qui ne bénéficient donc pas d'un tel plafonnement, la taxe d'habitation reste lourde, mais pour les plus modestes, nous y avons remédié.

M. Michel Piron. C'est hors sujet !

M. René Dosière. Par conséquent, ne dites pas qu'en matière de fiscalité, nous n'avons rien fait. Le jour où vous aurez fait le dixième de ce que nous avons fait, vous pourrez parler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur Dosière, nous acquiesçons à l'hommage que vous avez rendu au président Debré.

M. Didier Migaud. Ils n'ont jamais autant parlé. Ils font durer les débats !

M. Michel Piron. En revanche, permettez-moi de vous dire que n'être que cinq sur bancs, c'est vraiment très peu quand il s'agit de tout contester.

M. René Dosière. Si nous étions plus nombreux, vous nous reprocheriez de faire de l'obstruction !

M. Michel Piron. Nous sommes nettement plus nombreux et nous sommes là pour attester que nous approuvons un texte dont nous aurions aimé, en effet, pouvoir débattre.

J'étais présent hier toute la journée, ce matin, j'ai dû m'absenter pour un court laps de temps...

M. René Dosière. On vous pardonne !

M. Michel Piron. ...mais je constate que nous n'avançons pas. Élu il y a deux ans, je n'ai pas pu participer à des manœuvres d'obstruction, mais à la manière dont vous utilisez le droit d'expression de l'opposition, je me demande si, pour vous, le droit n'est pas seulement le droit d'abuser du droit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Je regrette que Mme Comparini ait parlé d'un rendez-vous manqué...

M. Guy Geoffroy. Elle n'est plus là !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Elle a critiqué et elle est repartie !

M. Léonce Deprez. ...car nous étions au rendez-vous et nous aurions aimé faire œuvre utile. Hier, le président Clément a démontré sa volonté de dialogue avec l'opposition puisque, à minuit, il nous a réunis pour débattre des amendements qu'elle avait déposés.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait, et nous avons bien travaillé !

M. Léonce Deprez. Nous sommes nombreux ici à être à la fois élus de la nation et élus territoriaux.

M. Christophe Caresche. N'importe quoi !

M. Léonce Deprez. Pour beaucoup d'entre nous, nous avons connu le parcours de la décentralisation depuis plus de vingt ans. Nous savons bien qu'on progresse par étapes et que l'on ne passe pas d'une étape à une autre de la décentralisation en appuyant sur un bouton. Nous voulons poursuivre dans cette voie et que l'État assure l'évolution de la déconcentration du pouvoir sans laquelle il ne saurait y avoir de véritable décentralisation.

M. Guy Geoffroy. Il fallait le rappeler !

M. Léonce Deprez. Ce projet est une nouvelle étape et personne ne dit que c'est l'étape finale. En ce mois de juillet, il faut donc démontrer notre bonne foi aux Français, en indiquant que nous faisons un nouveau pas en avant.

La taxe professionnelle unique a constitué un progrès. Bon nombre d'entre nous l'ont appliquée. Nous ne contestons pas les progrès réalisés, alors ne contestez pas la volonté du Gouvernement de progresser à nouveau !

C'est pourquoi, monsieur le président, nous regrettons qu'en dépit de vos efforts, deux heures et demie après l'ouverture de la séance, nous n'ayons pas encore abordé l'article 1er.

M. Christophe Caresche. Arrêtez de parler !

M. Didier Migaud. Vous n'avez jamais autant parlé !

M. Guy Geoffroy. C'est du fond que nous voulons parler !

M. Léonce Deprez. Vous donnez malheureusement une image d'obstruction, puisque nous n'avons pas encore abordé l'article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements nos 1529 à 1557.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)


M. le président.
Je suis saisi de vingt-neuf amendements identiques, nos 1587 à 1615.

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l'amendement n° 1587.

M. René Dosière. Cet amendement, qui est également au cœur du sujet...

M. Guy Geoffroy. Au cœur de l'obstruction, plutôt !

M. Christophe Caresche. Vous ne savez pas ce que c'est, la véritable obstruction !

M. René Dosière. Je suis très surpris. Pendant l'examen, durant deux jours, du projet de loi relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, nos collègues de la majorité sont restés silencieux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Muets !

M. René Dosière. À partir du moment où nous savons tous que la discussion sur le présent texte va s'interrompre - même si nous ignorons toujours, monsieur le ministre, quel sera finalement le contenu exact de cette réforme fondamentale après la procédure éminemment démocratique qui aura permis de l'adopter sans vote -, nos collègues de la majorité veulent chacun prendre la parole pour faire durer les débats. Eh bien ! nous, nous voulons aller vite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Chiche !

M. René Dosière. C'est la raison pour laquelle je considère avoir défendu mon amendement.

M. le président. Puis-je considérer que vous avez également défendu ceux de MM. Caresche, Balligand, Migaud et Le Bouillonnec ?

M. René Dosière. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gest, rapporteur. Défavorable. On éprouve quelque difficulté à comprendre la proposition de M. Dosière, qui nous demande de vérifier la constitutionnalité d'une loi par une détermination par décret.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Même remarque, et avis évidemment défavorable. Les auteurs de ces amendements ne font qu'évoquer de manière indirecte un sujet, celui de la péréquation, sur lequel j'ai dû répondre une bonne cinquantaine de fois depuis que nous parlons ensemble de la décentralisation - et encore, je me demande si je ne suis pas en dessous de la réalité.

M. Édouard Landrain. Probablement !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je n'ai toutefois aucun état d'âme à le répéter à nouveau :...

M. René Dosière. Ne prolongez donc pas inutilement le débat !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...le Gouvernement s'est engagé à avancer, à partir de l'automne, sur la réforme des dotations, sur la péréquation et sur la taxe professionnelle. Une haie après l'autre, comme dit mon ami Guy Drut. Aujourd'hui, nous parlons du transfert de compétences.

M. le président. Je mets...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, M. Geoffroy a demandé la parole !

M. le président. Je vous remercie, monsieur le député, de veiller à ce que le droit d'expression de la majorité ne soit pas amoindri.

La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. René Dosière. Brièvement !

M. Guy Geoffroy. Je voudrais simplement formuler, à propos de ces amendements, deux remarques susceptibles d'éclairer les manœuvres menées par nos collègues de l'opposition.

M. Christophe Caresche. C'est vous qui parlez !

M. Guy Geoffroy. N'en aurais-je pas le droit, peut-être ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au contraire, nous y veillons !

M. Guy Geoffroy. Premièrement, selon le texte de ces amendements, l'objectif constitutionnel de péréquation serait déterminé par décret en Conseil d'État, alors que l'article 72-2 de la Constitution prévoit qu'il l'est par la loi. Une telle imprécision méritait d'être notée.

M. Michel Piron. Une telle méconnaissance, plutôt !

M. Guy Geoffroy. Je n'ai pas voulu être aussi sévère.

Deuxièmement, d'après l'exposé des motifs, ces amendements visent à donner une traduction concrète au principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités territoriales. Cela révèle une méconnaissance de ces questions, dont on a pourtant déjà beaucoup parlé. L'autonomie financière est une chose, la péréquation en est une autre. Ce n'est pas en traitant de l'une que l'on met l'autre en œuvre.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s'agit de tenir compte de la péréquation !

M. Guy Geoffroy. C'est du charabia. Il s'agit donc bien d'obstruction, et c'est inacceptable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Didier Migaud. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. Je fais ce rappel avec beaucoup de calme, de sérénité, mais aussi beaucoup de tristesse.

M. Dominique Tian. Beaucoup de cinéma, surtout !

M. Didier Migaud. Nous tenons à nous élever contre la mascarade à laquelle s'apparente ce débat. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Vous êtes spécialiste !

M. Michel Piron. Quelle confusion !

M. le président. Mascarade, le mot est fort.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, je sais que vous êtes attaché à la fonction du Parlement et à sa crédibilité. Or quelle peut être la crédibilité des interventions du ministre, de M. Geoffroy et d'autres encore (« Et la vôtre ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), dès lors qu'ils savent parfaitement que le Premier ministre va venir tout à l'heure nous annoncer le recours à l'article 49-3,...

M. Édouard Landrain. Vous êtes un oracle ?

M. Guy Geoffroy. Dans quelles entrailles l'avez-vous lu ?

M. Didier Migaud. ...ainsi que cela a d'ailleurs été décidé au cours du dernier conseil des ministres, mercredi, et alors que le président du groupe UMP Bernard Accoyer, dans une interview publiée au début de la semaine, a annoncé qu'il souhaitait un vote conforme de l'Assemblée nationale sur ce texte ? On ne peut pas dire plus explicitement : « Fermez le ban, il n'y a plus lieu de débattre » !

Pour la première fois, monsieur le président, nous voyons des députés UMP prendre plaisir à nous répondre. Jusqu'à maintenant, ils avaient pour instruction de ne surtout pas le faire, et de se taire. Ce fut le cas sur l'assurance maladie et sur d'autres textes. Mais aujourd'hui, ils sont heureux d'intervenir, parce qu'ils savent que cet après-midi, le Premier ministre sonnera l'heure de la récréation. Ils peuvent donc prendre tout leur temps !

M. Guy Geoffroy. Nous ne supportons pas votre obstruction, voilà tout ! Les Français doivent connaître vos agissements !

M. Didier Migaud. J'en appelle solennellement au président Debré : est-il digne de l'Assemblée nationale de poursuivre les débats si le Premier ministre doit venir cet après-midi demander l'application de l'article 49-3 ? Nous ne le pensons pas.

M. Édouard Landrain. C'est vous qui êtes indignes !

M. Didier Migaud. Ayez donc, monsieur le ministre, le courage d'avouer que la discussion ne se pousuivra pas au-delà de cet après-midi ! Nous, nous souhaitons l'aborder au fond. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons même demandé à René Dosière de s'exprimer en notre nom pour aller plus vite. Il l'a fait en très peu de temps. (Mêmes mouvements.) M. Geoffroy, au contraire, étend la durée de ses interventions pour pouvoir nous accuser de pratiquer l'obstruction. Quelle mascarade !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La mascarade, ce sont vos amendements !

M. Didier Migaud. Nous souhaiterions, monsieur le président, que vous puissiez y mettre fin.

M. Michel Piron. C'est du Goldoni !

M. le président. Monsieur Migaud, en tant que président de séance, je ne peux que constater la lenteur à laquelle nous avançons depuis ce matin.

M. Dino Cinieri. Cela étant, on peut aller beaucoup plus vite, si vous le voulez !

M. Didier Migaud. Nous allons plus vite que pour l'assurance maladie !

M. le président. Nous n'avons abordé que trois amendements différents en presque trois heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christophe Caresche. Ce sont des amendements importants !

M. le président. Tous le sont, monsieur Caresche. Il n'en reste pas moins qu'en comparaison avec un précédent débat comme celui sur l'assurance maladie, nous avons plutôt tendance à aller moins vite. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vos calculs sont erronés ! Nous examinons cinquante amendements à l'heure !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ce sont les mêmes !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, durant l'examen du projet de loi sur l'assurance maladie, j'ai assuré, avec le président Debré, le plus grand nombre de présidence d'heures. Je peux donc témoigner que nous allons beaucoup plus lentement.

M. Dino Cinieri. C'est vrai !

M. le président. Il ne m'appartient pas, en revanche, de connaître l'agenda du Premier ministre en cette journée du vendredi 23 juillet 2004. Je ne peux que vous proposer d'ôter tout fondement aux reproches qui vous sont adressés en avançant un peu plus vite dans la discussion.

M. Jean-Pierre Balligand. Nous sommes d'accord !

Reprise de la discussion

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1587 à 1615.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-neuf amendements identiques, nos 1616 à 1644.

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l'amendement n° 1616.

M. René Dosière. Avant d'aborder cet amendement, monsieur le président, je me permets d'observer que nous avons examiné 450 amendements depuis le début de la séance.

M. Édouard Landrain. Ce sont des séries d'amendements identiques ! Hypocrite !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons examiné un cinquième des amendements que nous avons déposés !

M. le président. Autrement dit, monsieur Dosière, nous irions trop vite ?

M. René Dosière. Non, mais nous avançons à un certain rythme, celui de la discussion parlementaire - le même que pour le projet de loi sur l'assurance maladie.

M. Jean-Pierre Balligand. Un bon rythme !

M. René Dosière. Nous allons peut-être même un peu plus rapidement. Quoi qu'il en soit, c'est la discussion parlementaire, une notion qu'ignore le Premier ministre, qui ne pense qu'à appliquer l'article 49-3.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Nous sommes en deuxième lecture !

M. René Dosière. Et alors ? En deuxième lecture, le Parlement ne pourrait pas examiner un texte ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je ne dis pas cela !

M. le président. Ce qui est vrai, monsieur Dosière, c'est qu'au moment où l'on aborde une deuxième lecture, un certain nombre d'arguments ont déjà été présentés, et n'ont donc pas nécessairement besoin de l'être à nouveau. D'ordinaire, la deuxième lecture prend tout de même moins de temps que la première...

M. René Dosière. Après tout, le Sénat - c'est-à-dire la majorité de droite - a modifié sensiblement ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il l'a même tellement modifié que Bernard Accoyer, président du groupe disposant de la majorité politique, a souhaité, avant le début de la séance, que l'Assemblée - donc ses amis - l'adopte conforme ! N'est-ce pas problématique ?

M. Guy Geoffroy. Il a parfaitement le droit de le souhaiter !

M. René Dosière. Sans doute, mais ce souhait est significatif.

Nous ne faisons que remplir notre rôle. Nous voulons que la dignité du Parlement soit respectée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quand on empêche l'Assemblée nationale de débattre, comme cela va être le cas cet après-midi, on porte atteinte à sa dignité. Or, pour la deuxième fois en deux ans, on va nous empêcher de débattre sur un texte.

M. Guy Geoffroy. C'est bien ce que vous faites en ce moment !

M. Édouard Landrain. Que n'entendrait-on pas si nous faisions la même chose dans les conseils régionaux !

M. René Dosière. Nous voulons simplement avoir la possibilité d'en débattre. J'ai défendu mon amendement, monsieur le président. Mais j'observe que plus je suis bref dans mes interventions, et plus la majorité s'égare en explications oiseuses.

M. le président. Puis-je considérer que vous avez également défendu les amendements de vos collègues ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui.

M. Guy Geoffroy. Nous assistons à un changement de tactique !

M. le président. Nous allons donc peut-être pouvoir accélérer le rythme.

M. Christophe Caresche. Nous verrons !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gest, rapporteur. J'observe que le vœu unanime de nos collègues socialistes de voir s'exprimer les députés de l'UMP a été exaucé, et par ailleurs que le débat semble s'accélérer.

En ce qui concerne les amendements, la commission a rendu un avis défavorable, pour la raison indiquée à l'instant par le ministre, à savoir que la péréquation n'est pas le corollaire des transferts de compétences. Nous en parlerons en temps voulu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je ne sais pas trop à quoi on joue ! Vous voulez maintenant aller très vite, monsieur Dosière.

M. René Dosière. Je n'ai pas dit ça !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Expliquez-moi alors pourquoi votre groupe a déposé autant de séries d'amendements identiques, car je ne comprends plus. Il y a 4 860 amendements au total.

M. René Dosière. On en a déjà examiné 450 !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Nous sommes en deuxième lecture, comme le rappelait le président Clément, dans la deuxième assemblée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. La deuxième assemblée ? Comment ça ?

M. René Dosière. C'est la première !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Chronologiquement ! C'est la deuxième assemblée saisie ! N'en rajoutez pas, monsieur Migaud !

Vous avez déposé 4 860 amendements, dont 130 séries, et vous venez m'expliquer maintenant que, pour aller vite, vous ne les défendez qu'à deux ou trois. Comment se fait-il alors que vous ayez eu envie de déposer 130 séries d'amendements identiques ?

M. Didier Migaud. Répondez-nous sur le fond !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est vous qui me demandez un débat de fond, monsieur Migaud ? On plaisante, là !

M. Didier Migaud. Répondez au fond !

M. Christophe Caresche. Vous faites de l'obstruction !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Lors de la deuxième lecture au Sénat, il y a un peu moins d'un mois, nous avons eu un débat absolument passionnant sur le fond, qui a duré trois jours et demi ou quatre jours. Nous avons examiné quelques centaines d'amendements qui, chaque fois, ont été l'occasion d'aborder au fond un certain nombre de points. Sur la soixantaine d'amendements qui ont été retenus, la moitié étaient issus de la majorité et l'autre moitié de l'opposition. C'est vous dire combien nos débats ont été constructifs même si, à l'évidence, il y avait des oppositions de fond, ce qui est tout à fait légitime. M. Sueur, M. Peyronnet ou M. Frimat, qui font partie de l'opposition, ont eu à cœur d'avoir un débat de fond.

Le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a choisi de déposer 130 séries d'amendements, dont M. Ayrault est aussi signataire, certaines d'entre elles comprenant 149 amendements identiques. Nous avons quelques interrogations sur une telle démarche et sur l'intérêt réel que vous portez au fond de ce texte. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Alors que nous avons examiné quatre séries d'amendements, je me demande vraiment ce que vous souhaitez. Nous sommes ouverts au débat, je le dis depuis le début, mais les choses prennent tout de même un tour un peu troublant.

Je le dis d'autant plus qu'il s'agit encore d'amendements qui portent sur une condition préalable pour aborder le problème des dotations. Cela fait un certain nombre de fois que je donne une réponse sur ce sujet et vous revenez dessus ! Je vous avoue que, même patient, même attentif, même silencieux, il est des moments où je m'interroge sur les véritables intentions du groupe socialiste,...

M. Didier Migaud. Sur les intentions du Gouvernement, nous ne nous interrogeons plus ! Nous avons compris !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...et je me demande si son objectif n'est pas tout simplement de bloquer l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest, rapporteur. On peut en tout cas se poser la question !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. le ministre se tait, mais il n'y en a qu'un qui sait avec certitude ce qui va se passer cet après-midi dans l'hémicycle, c'est lui.

M. Didier Migaud. Il y en a d'autres !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ceux qui ont su de ceux qui ont su... mais nous, nous ne savons pas.

M. Michel Piron. C'est le fond, ça ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est tout de même extraordinaire. Alors que nous acceptons de ne faire intervenir que l'un de nos collègues, que 450 amendements ont déjà été examinés, d'un seul coup, M. le ministre se demande ce que nous voulons faire !

Ni M. le rapporteur ni M. le ministre n'ont évoqué le contenu des amendements.

M. Alain Gest, rapporteur. Si !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Moi, je veux qu'on en parle un instant.

« Les dispositions transférant des compétences aux collectivités territoriales et à leurs groupements prévues par la présente loi ne seront mises en œuvre que lorsque des dispositifs garantissant un accroissement régulier de la péréquation, notamment par le moyen d'une réforme des dotations de l'État aux collectivités territoriales, auront été décidés. »

Tous nos amendements visent à définir, avant l'article 1er, les préalables financiers aux transferts de compétences, et nous déclinons trois éléments : la réforme de la fiscalité locale, les critères de péréquation et les dotations de l'État.

L'un des aspects complexes du processus de décentralisation, c'est en effet l'unité républicaine, à laquelle nous sommes tous attachés, et son corollaire, la solidarité territoriale. Nous savons très bien qu'à l'occasion des transferts des compétences, des capacités, des richesses sont mises en œuvre sur des territoires, ce qui peut être injuste pour d'autres. Jusqu'à présent, nous avons tous considéré que l'État devait garantir, partout, à chaque citoyen des services publics et des ressources comparables.

Ces éléments sont au cœur du débat sur les transferts pour les élus que nous sommes car, si, dans un transfert, nous n'avons pas les moyens d'assurer ce qui nous paraît être fondamentalement de notre responsabilité, le soin, la santé, l'enseignement, l'éducation, nous manquerons tous à ce qui est le fondement de nos engagements, c'est-à-dire la solidarité.

Les trois points sur lesquels la solidarité peut s'appuyer fiscalement, ce sont la fiscalité locale, la péréquation et les dotations. Poser de telles questions en préalable au débat, ce n'est pas un crime de lèse-majesté, nous demandons simplement quels instruments le Gouvernement met en œuvre pour servir la solidarité territoriale et comment le Parlement peut être en mesure de vérifier la mise en œuvre de ces processus. C'est un débat de fond. Le débat sur le financement a été très intéressant mais, malgré ça, il n'y a pas suffisamment de garanties. Dans les amendements précédents, on ne demandait pas qu'un décret en Conseil d'État précise l'application constitutionnelle, on parlait des critères de la péréquation qu'on a toujours du mal à maîtriser. On ne sait jamais très exactement quels sont les critères. Ils sont déterminés par le besoin auquel on veut répondre mais aussi par les capacités de celui qui va y répondre.

Vous n'avez pas évoqué ce point, monsieur le ministre, mais il est important de savoir comment l'État va, au niveau de ses dotations, maintenir les principes de solidarité territoriale auxquels nous sommes tous attachés ?

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Vous vous permettez d'affirmer, monsieur Le Bouillonnec, qu'un seul d'entre nous saurait ce qui va se passer cet après-midi.

M. René Dosière. Bien sûr !

M. Christian Estrosi. Ici, en tout cas, personne ne l'imagine !

M. Didier Migaud. Quel hypocrite !

M. René Dosière. C'est grotesque !

M. Christian Estrosi. Nous, nous ne voulons qu'une seule chose, c'est pouvoir enfin débattre sur le fond,...

M. Didier Migaud. Alors asseyez-vous !

M. Christian Estrosi. ...et vous faites tout pour nous en empêcher. Vous essayez de refaire ici un débat qui a déjà eu lieu. Vous essayez de refaire un débat sur une loi organique et sur une loi constitutionnelle. Nous voulons, nous, aborder enfin ce texte sur les transferts de compétences qui est attendu avec impatience par l'ensemble des collectivités de France et par tant de nos concitoyens. Vous, vous vous opposez à ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest, rapporteur. Exactement !

M. René Dosière. Pantalonnade !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je suis intervenu ce matin, sur quelques-uns des amendements qui ont été présentés par mes collègues, à trois titres.

D'abord, et j'espère l'avoir fait de mon mieux, je suppléais Michel Piron, qu'un empêchement avait conduit à me passer le flambeau de porte-parole du groupe UMP.

M. René Dosière. Redonnez-lui !

M. Guy Geoffroy. Il est revenu, et je n'ai donc plus aucune raison d'intervenir de nouveau à ce titre.

Par ailleurs, chaque fois que, par extraordinaire, mes chers collègues de l'opposition, vous abordiez le fond, vous parliez de l'autonomie financière qui faisait l'objet des débats d'avant-hier. J'espère, et cela ne dépend que de vous, que nous ne serons pas de nouveau amenés à le faire. Il est légitime que le rapporteur d'un texte dont vous travestissez la réalité se permette d'intervenir pour rétablir la vérité.

M. Alain Gest, rapporteur. Tout à fait ! C'est son rôle !

M. Guy Geoffroy. Enfin, si je suis aussi intervenu, en écho à une très intéressante incidente de M. Dosière, c'était pour parler d'un domaine que je connais un peu pour y avoir exercé trente-cinq ans : l'école.

M. René Dosière. Vous vous répétez !

M. Guy Geoffroy. Il y a une heure, lorsque, avec notre président, nous souhaitions trouver la meilleure méthode pour avancer le mieux possible, vous estimiez indispensable d'avoir chacun la parole pour présenter vos amendements puis pour répondre au Gouvernement ou à la commission. Il a suffi que, pour des raisons dont je viens de donner la justification pour ce qui me concerne, nous intervenions pour que vous changiez d'attitude.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est injuste ! On l'a fait à la demande du président, qui voulait qu'on avance.

M. Guy Geoffroy. Je me demande donc si vos demandes n'étaient pas une manifestation évidente de ce que nous dénonçons, c'est-à-dire votre volonté farouche, irréversible, d'empêcher que nous allions au fond, que nous arrivions à l'article 1er qui est le premier de tous les articles dont nous voulons débattre, parce qu'il est important que les parlementaires de notre assemblée débattent du fond sur un projet de loi aussi essentiel.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous voulez qu'on ne parle plus de rien ! Vous voulez qu'on baisse le rideau !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Nous assistons à une course entre M. Estrosi et M. Geoffroy pour savoir qui va avoir l'Oscar ou le César du plus mauvais comédien. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si, si !

M. Guy Geoffroy. Je veux des excuses, monsieur Migaud ! C'est inacceptable !

M. le président. Monsieur Migaud, je vous demande de revenir sur vos propos. À aucun moment, ce genre de terme n'a été utilisé à votre égard !

M. Didier Migaud. Monsieur le président, si le Premier ministre vient, comme cela se murmure dans les couloirs, à quinze heures, ce que nous faisons depuis un bon moment ce matin relève de la pantalonnade.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Didier Migaud. Si le Premier ministre vient à quinze heures ou dans l'après-midi, c'est que le conseil des ministres lui a donné l'autorisation d'engager sa responsabilité. Que je sache, il n'y a pas eu de réunion du conseil des ministres à l'Élysée depuis mercredi dernier. C'est ça la réalité, reconnaissons-le. Ça ne sert à rien d'être hypocrites entre nous. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dino Cinieri. Démago !

M. Didier Migaud. Honnêtement, je ne pense pas faire de la démagogie ! Vous ne souhaitez pas que le débat aille à son terme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Nous voulons qu'il commence !


M. Didier Migaud
. Vous ne souhaitez pas le débat de fond. M. Accoyer a dit, avec beaucoup de franchise, en début de semaine qu'il souhaitait un vote conforme de l'Assemblée nationale et je l'en remercie d'ailleurs. Il est d'une parfaite dignité en tant que président du groupe de l'UMP. M. Ollier ce matin et hier M. Pascal Clément - dont on sait la confiance que lui porte le Président de la République...

M. Guy Geoffroy. Une confiance méritée !

M. Didier Migaud. ...et qui est peut-être dans le secret - ont d'ailleurs fait la même déclaration. Jean-Yves le Bouillonnec a tort : plus d'une personne sait ce qui peut arriver cet après-midi.

Je n'en veux pas au ministre d'avoir parlé de deuxième chambre...

M. le président. ...saisie chronologiquement !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je l'espère bien !

M. Didier Migaud. J'ai compris ! je ne veux pas lui faire de mauvais procès...

M. le ministre délégué à l'intérieur. Ce serait indigne !

M. Didier Migaud...mais cela traduit sans doute le sentiment du Premier ministre sur l'Assemblée nationale. La révision constitutionnelle, qui a donné au Sénat une priorité pour ce qui concerne l'examen des textes relatifs aux collectivités locales, traduisait déjà une méfiance du Premier ministre à l'égard de l'Assemblée nationale.

M. Guy Geoffroy. Nous gardons la primauté !

M. Didier Migaud. Cet après-midi nous en aurons une nouvelle démonstration, avec le déclenchement de l'article 49-3.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Migaud car Mme Jacquaint souhaite ajouter quelques mots.

M. Didier Migaud. Le président de notre assemblée, que l'on sait attentif au rythme de nos travaux, avait constaté que nous examinions cinquante-cinq amendements à l'heure sur le projet relatif à l'assurance maladie. Nous avons dépassé ce chiffre, ce qui montre que, contrairement au Gouvernement et à l'UMP, nous ne faisons pas d'obstruction. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je vous le dis avec beaucoup de sérénité, monsieur le ministre, ...

M. Michel Piron. Alors il n'y a plus de tristesse ?

M. Didier Migaud. Pas toujours ! Il faut savoir prendre un peu de recul !

...la péréquation est un sujet important. Je regrette que sur les cinq minutes que vous avez consacrées à répondre à M. Dosière, vous n'ayez pris que quinze secondes pour répondre sur le fond.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Oh !

M. le président. J'annonce d'ores et déjà que, sur le vote des amendements nos 1645 à 1673, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. M. le ministre a mentionné la discussion importante qui s'est déroulée au Sénat. Heureusement qu'il y a eu cette discussion ! Ce n'est pas la peine de faire semblant, nous savons bien que nous ne pourrons pas, hélas, poursuivre ce débat à l'Assemblée.

La loi de décentralisation est très importante pour nos concitoyens parce qu'elle traite du développement économique, du tourisme, de la formation professionnelle, de la protection de l'environnement, des grands équipements, des transports, de l'action sociale et médico-sociale, du logement social et de sa construction, de l'enseignement, c'est-à-dire du quotidien.

Des transferts sont prévus, mais on ne connaît pas les moyens financiers qui les accompagnent. Cela mérite que nous en débattions et c'est pour cela que j'ai demandé un scrutin public sur la péréquation.

Le groupe des député-e-s communistes et républicains s'était opposé à la diminution de l'impôt sur le revenu, parce qu'elle ne concernait que les personnes les plus aisées. Or, compte tenu de la situation économique, cette baisse va être arrêtée.

M. Alain Gest, rapporteur. Non, suspendue !

Mme Muguette Jacquaint. Vous comprenez pourquoi il nous faut certaines garanties. Ce n'est pas rien, il s'agit de la vie de nos concitoyens dans tous les domaines.

Il aurait été intéressant d'aborder, en quelques mots, le problème de la péréquation. Vous nous dites que nous l'examinerons dans un autre texte. Mais la péréquation est très importante car elle seule permet de réduire les inégalités entre les collectivités et entre les populations.

Je rappelle, à titre d'exemple, qu'à La Courneuve, 60 % des familles ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu. C'est dire l'importance pour les collectivités locales de disposer de moyens financiers.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1616 à 1644.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'une série d'amendements identiques, n°s 1645 à 1673.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Ces amendements ont été excellemment défendus par Mme Jacquaint. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans le cadre d'une collaboration de travail - et non de classe ! - entre le groupe socialiste et le groupe des député-e-s communistes et républicains, les amendements identiques n°s 1645 à 1673 ont été défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gest, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes motifs que précédemment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Défavorable !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements n°s 1645 à 1673.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 60

                    Nombre de suffrages exprimés 60

                    Majorité absolue 31

        Pour l'adoption 12

        Contre 48

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour un rappel au règlement.

M. René Dosière. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 alinéa 3. Après les votes qui viennent d'intervenir, nous avons examiné un peu plus de quatre-vingts amendements à l'heure.

A un journaliste qui estimait que le débat sur l'assurance maladie traînait en longueur, le président Debré a répondu que l'Assemblée travaillait au rythme convenable de cinquante-sept amendements à l'heure. Vous ne pouvez donc pas dire que nous faisons de l'obstruction !

En revanche, les conditions dans lesquelles se déroule ce débat sont éminemment ridicules.

M. Charles Cova. La faute à qui ?

M. René Dosière. Elles portent une nouvelle fois atteinte à la dignité de notre assemblée.

Dans ces conditions, monsieur le président, afin que nous puissions réunir notre groupe, je vous demande une suspension de séance de dix minutes, (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) à moins que vous ne préfériez lever la séance.

M. Guy Geoffroy. Obstruction !

M. le président. Monsieur Dosière, il est douze heures quarante, je vous propose cinq minutes de suspension de séance, puis nous poursuivrons nos travaux jusqu'à treize heures. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. C'est grotesque, c'est indigne ! Notre groupe ne se réunira pas !

M. le président. Monsieur Migaud, ne vous emportez pas !

M. Guy Geoffroy. C'est un aveu !

M. le président. Monsieur Migaud, j'essaie de trouver une solution qui convienne à tout le monde.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, la raison suggère de lever la séance ! (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

À quinze heures, soit nous poursuivrons ce débat, soit le 49-3 sera appliqué. Pourquoi attendre, faire semblant de débattre ?

M. Guy Geoffroy. Nous voulons travailler !

M. Didier Migaud. Vous êtes parfaits ! Nous pourrons en témoigner tout à l'heure devant le Premier ministre. Vous avez bien fait votre travail. Vous avez essayé de défendre l'indéfendable...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et ce n'était pas facile.

M. Didier Migaud. ...puisque vous êtes à l'origine de l'obstruction, vous l'avez démontré ce matin. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Depuis le début, vous ne voulez pas de ce débat ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Migaud, revenons-en à votre rappel au règlement !

M. Didier Migaud. Il s'agit de l'organisation de la séance !

M. le président. Une suspension de séance de dix minutes a été demandée.

M. Didier Migaud. Ayez la sagesse de lever la séance !

M. le président. Nous pourrions, après une suspension de cinq minutes, reprendre nos débats pour un quart d'heure.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'intérieur. M. Dosière s'est félicité que nous puissions examiner quatre-vingts amendements à l'heure.

M. Didier Migaud. C'est une mascarade !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Mais si l'Assemblée a pu tenir ce rythme quelque peu inattendu, ...

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...c'est tout simplement parce que les socialistes, qui avaient déposé 4 800 amendements, ne sont même pas venus les défendre ! C'est un comble ! (Approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le terme de mascarade, que M. Migaud emploie depuis le début de la matinée, convient tout à fait à certains comportements que j'observe aujourd'hui de la part de son groupe. Je le regrette pour le débat de fond que j'appelle de mes vœux, dans l'intérêt de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Le Président de la République avait raison : c'est de la politique avec un petit « p » ! Et même un très petit « p » !

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour un rappel au règlement.

M. Serge Poignant. Je tiens à réagir aux propos de M. Migaud.

M. Didier Migaud. N'en rajoutez pas !

M. Serge Poignant. En cette fin de matinée, bien que personne ne sache ce qu'il en sera, nos collègues socialistes évoquent la possibilité d'un recours à l'article 49-3.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On verra ce que vous direz quand le Premier ministre sera là ! Il l'a décidé depuis trois jours !

M. Serge Poignant. Après avoir fait de l'obstruction toute la matinée - sinon depuis des semaines sur différents textes -, voilà qu'ils veulent, depuis une demi-heure, avancer très vite pour ne pas porter la responsabilité de cette procédure.

Mais, chers collègues, si le Gouvernement recourt à l'article 49-3, c'est bien vous qui en porterez la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Pour apaiser les esprits et permettre à certains groupes de se coordonner, mieux vaut lever la séance que la suspendre, fût-ce pour dix minutes.

    2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1711, relatif aux libertés et responsabilités locales :

Rapport, n° 1733, de M. Alain Gest, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot