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Première séance du lundi 26 juillet 2004

49e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

NOMINATION D'UN DÉPUTÉ
EN MISSION TEMPORAIRE

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes, d'une mission temporaire auprès de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du vendredi 23 juillet 2004.

Mes chers collègues, le président de la commission des lois vient de m'informer que la réunion de la commission consacrée à l'examen du projet de loi de modernisation de la sécurité civile n'était pas tout à fait terminée. Je vous propose de suspendre la séance quelques instants pour permettre à nos collègues de rejoindre l'hémicycle.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, est reprise à quinze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

MODERNISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Discussion d'un projet de loi
adopté par le Sénat
après déclaration d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de modernisation de la sécurité civile (nos 1680, 1712).

Avant que ne s'engage ce débat, malheureusement d'une grande actualité, je voudrais rendre hommage, au nom de la représentation nationale, à tous les combattants du feu, professionnels et volontaires, particulièrement exposés depuis trois jours.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je me réjouis de me trouver parmi vous pour vous présenter le projet de loi sur la modernisation de la sécurité civile. Je voudrais, avant de commencer, remercier la commission des lois de votre assemblée, qui, sous l'autorité du président Pascal Clément et grâce à l'excellent travail de son rapporteur, Thierry Mariani, a mis en lumière de nombreuses améliorations possibles. Le Gouvernement attache un grand prix à cette réflexion de fond.

Les graves incendies auxquels nous avons dû faire face ces derniers jours, notamment dans le département des Bouches-du-Rhône, mettent en évidence l'importance du débat que nous engageons. Je l'ai rappelé ce matin en conseil des ministres.

Le premier bilan des incendies de forêts du week-end dernier est lourd. En quarante-huit heures, dans les Bouches-du-Rhône, les trois feux les plus importants ont détruit plus de 3 000 hectares de garrigues et de pinèdes, en épargnant toutefois les habitations. Le feu du Rove, qui a détruit 500 hectares, est maîtrisé ; le feu de Velaux, qui a parcouru plus de 2 000 hectares, est fixé, et la situation globale dans la zone Sud est pour l'instant sous contrôle. En Corse, le feu de Calenzana, sur le GR 20, n'est pas encore arrêté.

Les prévisions pour la journée confirment un risque extrêmement sévère sur le continent en raison du mistral et de la tramontane, et la tendance est la même pour demain mardi. En revanche, la Corse devrait bénéficier rapidement d'épisodes pluvieux.

Je me suis rendu hier dans les Bouches-du-Rhône pour soutenir tous ceux qui sont engagés dans ce combat contre le feu. Un officier du service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône, le lieutenant Frédéric Maggiani, a été grièvement blessé. Son état de santé reste préoccupant. J'ai exprimé à son épouse toute la sympathie du Gouvernement dans cette épreuve. J'ai également salué le courage des cinquante sapeurs-pompiers et marins-pompiers qui ont été blessés, heureusement moins gravement.

Nous devons rendre hommage à tous ceux qui se mobilisent dans les Bouches-du-Rhône, sapeurs-pompiers, civils et militaires, professionnels et volontaires, agents forestiers, bénévoles des comités des feux de forêt, policiers et gendarmes, et bien entendu les maires.

J'ai pu vérifier la mise en place du dispositif national de lutte contre les feux de forêts. Son efficacité repose d'abord sur une anticipation accrue.

Dès jeudi, informé par Météo-France de l'aggravation du risque, j'ai décidé l'envoi à titre prévisionnel de colonnes de secours : quatorze colonnes sont aujourd'hui engagées sur les feux de forêt. D'importants moyens aériens sont concentrés sur ces feux, grâce à la parfaite disponibilité de notre flotte, renforcée cette année par la location de deux gros-porteurs et l'arrivée vendredi 23 juillet d'un nouveau Canadair.

Notre capacité de mobilisation repose également sur la solidarité de tout le territoire. Les 1 000 sapeurs-pompiers mobilisés pour lutter contre les incendies proviennent de vingt-quatre départements français différents et 200 sapeurs-pompiers sont venus pour assurer les missions courantes et permettre aux pompiers des Bouches-du-Rhône de se concentrer sur leur mission de lutte contre les feux.

L'hélicoptère Aircrane basé en Corse a été transféré sur Marseille pour participer aux opérations aériennes, aux côtés des moyens nationaux et des hélicoptères loués par le service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône.

J'ai tenu, à cette occasion, à renouveler l'appel du Gouvernement pour une vigilance maximale dans cette période de risques très élevés. Cela nécessite la mobilisation des services spécialisés. Je viens d'affecter à la surveillance préventive des massifs un escadron supplémentaire de gendarmerie mobile et de CRS. Cela exige également que chacun redouble de prudence et informe les autorités dès les premiers signes d'un départ de feu.

Dans ce contexte, le projet de loi qui vous est présenté concerne bien tous les Français, parce que, aujourd'hui, chacun d'entre nous est confronté à des menaces, à des risques naturels ou technologiques de plus en plus graves, de plus en plus fréquents, et parce que la société dans laquelle nous vivons est sensible, plus qu'hier, aux perturbations qui mettent en cause son fonctionnement normal.

Face à ces vulnérabilités, le contrat qui lie les citoyens à l'action des pouvoirs publics est plus exigeant. Nos compatriotes attendent de leurs dirigeants que leur sécurité soit garantie. Cela suppose de notre part une meilleure prise en compte des contraintes nouvelles auxquelles nous sommes confrontés.

Contraintes humaines dès lors que l'État ne peut plus mobiliser, en quelques heures et sur simple décision d'un ministre, les dizaines de milliers d'appelés du contingent qui constituaient une réserve de moyens humains. Il nous faut donc trouver d'autres formes d'engagements, d'autres cadres, pour mobiliser les énergies.

Contraintes matérielles, alors que nos grands réseaux ont distendu les liens traditionnels qu'ils entretenaient avec la puissance publique.

Ces évolutions exigent que nous adaptions nos outils juridiques. C'est pourquoi ce projet de loi n'entend pas être "une loi de plus".

Ce texte, mis en chantier à l'initiative de la précédente majorité, procède d'une longue préparation et répond à des questions qui ne peuvent rester plus longtemps en suspens.

II vise à fonder la sécurité civile des années à venir autour d'objectifs clairs :

Placer l'engagement au cœur d'une sécurité civile devenue l'affaire de tous les citoyens ;

Reconnaître à sa juste valeur la dangerosité du métier de sapeur-pompier et donner un nouvel élan au volontariat ;

Clarifier les règles de financement entre l'État et les collectivités locales.

Le projet que je vous présente repose sur une exigence de vérité. II tient compte des besoins et des contraintes réelles de notre pays en matière de sécurité civile. II prévoit une réforme maîtrisée de l'organisation des secours. II garantit l'engagement de l'État à prendre toute sa part à cette réforme.

Ce projet de loi repose sur un principe de responsabilité. Chacun d'entre nous est le garant d'une parcelle de la sécurité civile. Nous devons donc offrir à chaque citoyen le moyen d'exercer cette responsabilité individuelle au service des autres. Le projet de loi permet d'établir un cadre nouveau d'engagement reposant sur quatre mesures majeures.

Le renforcement du volontariat des sapeurs-pompiers, d'abord, qui constitue un engagement indispensable : la création d'un avantage de retraite, la prestation de fidélisation et de reconnaissance, permettra d'encourager ceux qui s'engagent à le faire dans la durée, en récompensant leur fidélité.

Son coût est important, de l'ordre de 60 millions d'euros, non seulement pour les collectivités, mais aussi pour l'État qui en assumera une part significative. II s'agit d'une mesure indispensable, tant les conséquences d'un effritement du volontariat seraient lourdes pour le pays. L'enjeu est de préparer l'avenir pour que le volontariat ne relève plus simplement d'un miracle social.

La création de réserves communales, ensuite, qui ouvre un cadre nouveau à toux ceux qui, sans vouloir devenir sapeurs-pompiers volontaires, ont la volonté de prêter leur concours en situation de crise.

À ceux qui ne demandent qu'à s'engager aux cotés des services de secours, nous devons fournir un cadre, avec une vraie protection juridique. Songeons à ce qui aurait pu être fait au moment de la catastrophe du Prestige, où tant de volontaires et de bénévoles n'ont pu être associés aux services d'urgence !

Le Sénat a voulu que la réserve de sécurité civile soit gérée non pas au niveau départemental, mais au niveau communal, et qu'elle soit créée sur décision du conseil municipal. Le Gouvernement s'est rallié à ce choix qui prend en compte la réalité des besoins et des risques de chaque collectivité, mais c'est un sujet sur lequel le débat reste ouvert.

Le projet de loi comprend également des dispositions très novatrices sur les associations de sécurité civile. Il reconnaît enfin l'importance de leur action aux cotés des services publics et en complémentarité avec eux, dans le quotidien comme dans la crise. C'est la première fois qu'un texte de loi concernant la sécurité civile fait une telle place aux associations.

Pour finir, le projet vise à créer une véritable culture de sécurité civile dès le plus jeune âge, rattrapant ainsi le retard de la France sur ses partenaires européens. L'obligation de sensibilisation à la sécurité civile dès l'école primaire et un apprentissage plus complet dès le collège sont le premier pas indispensable vers les engagements que je viens d'évoquer.

Pour mieux assurer la sécurité de nos concitoyens, nous devons garantir un meilleur partage des tâches de la sécurité civile.

Ce projet de loi vise à clarifier les compétences de chaque acteur autour de règles opérationnelles bien définies, dans le cadre d'un partage clair et équitable des responsabilités entre différents niveaux de collectivités :

L'État doit assumer la direction opérationnelle des secours en cas de sinistre majeur ;

Les départements doivent gérer les secours du quotidien ;

II revient aux communes de garantir la vitalité de l'engagement des citoyens et d'assurer, en cas de besoin, le soutien des populations.

Dans cette organisation au quotidien, le principal maître d'œuvre est le service départemental d'incendie et de secours. Ce projet de loi entend renforcer son statut d'établissement public.

La loi de 1996, portée par Jean-Louis Debré, a placé les SDIS au cœur de l'organisation des secours, permettant ainsi la rationalisation des moyens d'intervention et l'amélioration de leur niveau technique.

Certaines dispositions de la loi "Démocratie de proximité" de 2002, à laquelle je sais que vous êtes attachés, prévoyaient ce que l'on appelle parfois la "conseil généralisation des SDIS". Le projet de loi que je vous soumets revient sur cette mesure. Ce sujet, je le sais par avance, va nourrir notre débat. C'est pourquoi je tiens à souligner les principales raisons de ce choix.

D'abord, une raison opérationnelle : le statut d'établissement public du SDIS assure une bonne articulation entre les crises locales, qui appellent des réponses locales, et des crises d'ampleur nationale, qui requièrent une coordination par l'État de l'ensemble des moyens disponibles. Ce point est fondamental : n'allons pas nous priver d'un outil éprouvé, dont nous avons pu mesurer l'efficacité ce week-end et qui nous est envié par certains de nos voisins.

Ensuite, une raison institutionnelle : le SDIS est le lieu de rencontre nécessaire entre le département et les communes. Même si la tentation existe pour certains maires de se désintéresser de ce sujet, même si leur engagement est variable selon les situations locales, le rôle des communes demeure important à raison de la part qu'elles prennent au maintien du volontariat, du rôle du maire en tant qu'autorité de police, ou simplement de l'attente de nos concitoyens en ce domaine.

Enfin, une raison qui tient à l'attente des sapeurs-pompiers eux-mêmes : il ne me paraît pas possible de fonder notre organisation sur un choix ressenti par la majeure partie des sapeurs-pompiers comme une marque de défiance à leur égard, même s'il convient par ailleurs de rééquilibrer les pouvoirs au sein du SDIS pour assurer aux départements une autorité à la mesure de leur engagement financier.

C'est dans cet état d'esprit de clarté que le projet de loi attribue le pilotage de la gestion des SDIS au département.

Le projet de loi que je vous soumets assure de manière incontestable la prééminence du conseil général au sein du SDIS, avec au moins trois cinquièmes des membres du conseil d'administration.

Cette influence trouvera un prolongement au plan national, avec l'institution de la nouvelle Conférence nationale d'incendie et de secours. Cette instance de régulation est le gage que les décisions de l'État qui ont un impact direct sur la gestion des SDIS, et donc sur les finances des départements, auront été expertisées préalablement avec les élus.

Je renouvelle devant vous mon engagement de faire de l'avis de la conférence une décision à laquelle je me conformerai. Il s'agit entre nous d'un pacte de confiance.

Enfin, ce projet de loi est guidé par un esprit de solidarité.

D'abord, la solidarité de la collectivité nationale avec ses sapeurs-pompiers, volontaires et professionnels, pour répondre à leurs attentes en ce qui concerne la modernisation de leur statut et les conditions d'exercice de leurs missions. Nous devons reconnaître le caractère dangereux de la profession et des missions, autant pour les volontaires que pour les professionnels.

Cette reconnaissance répond à une demande ancienne et justifiée par les faits : vingt-cinq sapeurs-pompiers ont perdu la vie en 2002, dix-huit depuis 2003, sans parler de tous ceux qui ont été grièvement blessés dans l'accomplissement de leur mission.

Certains estiment qu'il s'agirait là d'une reconnaissance purement symbolique. Je leur répondrai d'abord que dans ce domaine le symbole a beaucoup d'importance. Je leur répondrai également que la loi comporte des mesures très concrètes au bénéfice des volontaires comme des professionnels.

S'agissant des volontaires, sans reprendre en détail le contenu de la prestation de fidélisation et de reconnaissance qui constitue la mesure phare les concernant, je voudrais insister sur la possibilité de nouvelles avancées. Depuis le débat au Sénat, un important travail interministériel a été réalisé sur la question de l'exonération de la CSG. La position du Gouvernement a évolué. Je suis désormais ouvert à des amendements prévoyant l'exonération de CSG et de CRDS en plus de l'exonération d'impôt sur le revenu déjà acquise,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Très bien !

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, et M. Charles de Courson. Bravo !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je suis également favorable à l'insaisissabilité de cette prestation, qui sera incessible, de même qu'au maintien de la possibilité de cumuler cette prestation avec d'autres prestations sociales, principalement le minimum vieillesse.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Très bien !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ensemble, nous devons, au cours de ce débat, perfectionner ce dispositif. Nous savons qu'il répond à une forte attente des intéressés. Nous savons également qu'il est un élément fort du maintien à long terme du volontariat et donc du caractère mixte, associant professionnels et volontaires, de nos services de secours.

S'agissant des sapeurs-pompiers professionnels, la loi introduit un dispositif fondé sur trois dispositions importantes.

En premier lieu, la création d'un projet personnalisé de fin de carrière qui privilégie la voie du reclassement pour les professionnels éprouvant des difficultés opérationnelles.

En deuxième lieu, l'abaissement de trente à vingt-cinq ans du seuil de déclenchement de la bonification des points de retraite. Il s'agit non pas d'une retraite à cinquante ans, qui n'est pas possible, mais de tenir compte de l'entrée plus tardive des professionnels dans le service actif et de permettre à ceux qui le souhaitent d'avoir accès à une seconde carrière. Cette mesure de nature réglementaire fera l'objet d'un décret.

En troisième lieu, la possibilité pour les anciens sapeurs-pompiers professionnels victimes d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'ils ont droit à une pension de retraite, de bénéficier d'une bonification sans condition de durée. Je vous soumettrai un amendement en ce sens.

Cet esprit de solidarité doit aussi se manifester sur le plan financier, l'État entendant assumer toutes ses responsabilités. Les dépenses de secours n'ont cessé d'augmenter, avec un triplement des budgets des SDIS en sept ans, essentiellement supporté par les finances des départements.

Nous connaissons tous les causes de cette évolution : la réforme des filières des professionnels, l'effet des 35 heures, l'amélioration de la couverture globale des risques et l'augmentation du nombre des interventions. Je comprends l'inquiétude des responsables de la gestion de ces services. L'État est décidé à prendre des mesures pour aider à la maîtrise de ces dépenses.

Je souhaite d'abord que soit poursuivi le remboursement aux SDIS de certaines dépenses.

Leurs interventions sur les réseaux autoroutiers seront à la charge des sociétés autoroutières. Un arrêté vient d'ailleurs d'être publié à cet effet au Journal officiel.

Les transports effectués par les sapeurs-pompiers, par carence des services ambulanciers, seront mieux pris en charge par l'assurance-maladie.

La loi pose également un principe nouveau concernant le partage des dépenses de secours.

Celles qui concernent les interventions quotidiennes et de proximité sont à la charge de l'établissement public, et donc des collectivités locales qui le financent. C'est la confirmation de la règle traditionnelle selon laquelle les secours relèvent d'une compétence des collectivités locales. Mais cela ne signifie nullement que les SDIS auront le monopole du financement des secours - j'aurai l'occasion de le rappeler au cours de la discussion.

En revanche, c'est l'État qui paye désormais dès qu'une catastrophe d'ampleur impose, à sa décision, l'engagement de moyens extérieurs au département.

Enfin, l'État apportera près de la moitié du financement de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, avec une contribution de l'ordre de 30 millions d'euros par an. II s'agit non seulement de manifester clairement notre attachement commun au volontariat, mais aussi d'alléger le fardeau financier des départements. Au moment où les finances de l'État sont confrontées aux tensions que vous connaissez, c'est un effort exceptionnel.

Ce projet de loi sera accompagné de l'échange, pour un montant très significatif, d'une dotation contre une ressource fiscale à l'évolution beaucoup plus dynamique. Cette mesure répond à la fois à une demande ancienne des élus départementaux et à l'exigence de respect de l'autonomie fiscale des collectivités. Sur cette question, je connais votre scepticisme nourri des mauvaises expériences du passé.

C'est pourquoi je veux être très clair. De quoi s'agit-il ? D'un échange : je vous reprends 900 millions d'euros d'une dotation indexée plus ou moins au niveau des prix et je vous transfère, pour un montant identique au 1er janvier 2005, une partie du produit de la taxe sur les conventions d'assurance automobile.

L'avantage se situe à deux niveaux :

Les départements bénéficieront dès 2006 du dynamisme d'une ressource dont l'évolution est plus forte de 2 % à 3 % l'an que celle de la DGF, et ce différentiel se cumulera d'année en année ;

Quand auront été achevés les transferts prévus au projet de loi relatif aux responsabilités locales, la totalité du produit de cette taxe sera transférée aux départements, avec le pouvoir d'en moduler les taux.

Je précise que le montant de 900 millions d'euros s'ajoute au montant de fiscalité transférée au titre de la compensation des transferts de compétence prévus dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales.

Le texte qui vous est soumis a fait l'objet d'une première discussion constructive et sereine devant vos collègues du Sénat. Le travail accompli a permis de l'améliorer, d'en gommer certains aspects moins utiles, d'en faire ressortir les points les plus essentiels. Il revient maintenant à l'Assemblée nationale d'y apporter son éclairage technique et politique.

Les Français expriment envers leurs services de secours une attente toujours plus forte, et, quelle que soit la très grande estime qu'ils portent à ceux qui en sont les artisans, leur niveau d'exigence est toujours plus élevé. En posant des règles claires d'organisation de nos services de secours, ce texte prend en compte les structures héritées de notre histoire tout en fixant un cadre pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Mme Chantal Robin-Rodrigo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui, en cette fin de session extraordinaire, de la modernisation de notre sécurité civile.

Après le week-end que viennent de passer plusieurs milliers de sapeurs-pompiers sur le front des incendies dans le sud de la France, la discussion de ce projet de loi est d'une cruelle actualité.

Une fois de plus, nous n'avons pu que nous incliner devant le courage et le dévouement des 240 000 sapeurs-pompiers français, qu'ils soient civils ou militaires, professionnels ou volontaires.

Quotidiennement, ces hommes et ces femmes prennent des risques pour secourir les personnes, les biens et l'environnement. Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, un sapeur-pompier a été brûlé au troisième degré, ce week-end. C'est un homme de plus qui mérite toute notre admiration et toute notre reconnaissance, comme l'ensemble de ses collègues, volontaires, professionnels ou militaires.

Mais chacun sait que le feu n'est pas le seul mal que doivent combattre nos services d'incendie et de secours. Inférieur à 1 million il y a trente ans, le nombre d'interventions de secours, dépasse aujourd'hui 3,6 millions, dont plus de la moitié concerne le secours à des victimes. Je vous rappelle que les accidents de la route et les incendies représentent chacun 10 % de ces interventions.

Le projet de loi que vous nous proposez de discuter et d'adopter aujourd'hui, monsieur le ministre, offre, à mes yeux, le mérite de procéder d'une vision d'ensemble.

Il est le fruit d'une concertation engagée au début de la législature par Nicolas Sarkozy, que vous avez poursuivie dès votre arrivée au ministère de l'intérieur et que vous venez d'achever avec brio.

C'est grâce à cette large concertation que le texte que vous nous présentez est équilibré, dans un domaine où les intervenants sont nombreux et très divers, qu'ils soient sapeurs-pompiers, bénévoles des grandes associations de sécurité civile de notre pays - comme la Croix-Rouge ou la Fédération nationale de protection civile -, militaires ou, plus simplement, citoyens de bonne volonté.

Vous le verrez, mes chers collègues, une des ambitions de ce projet de loi, que nous pouvons tous partager, quelles que soient nos idées, est de faire de la sécurité civile de notre pays l'affaire de tous ses habitants. Marque de notre gouvernement et de notre majorité, il propose de moderniser la sécurité civile en se basant sur une démarche qui allie pragmatisme et efficacité.

Ainsi, il améliore la politique de gestion des crises à la lumière de l'évolution des risques et des crises récentes que nous avons tous en mémoire : inondations de 2000, 2002 et 2003 ; catastrophe de l'usine AZF de Toulouse, en septembre 2001 ; marées noires de l'Erika ou du Prestige ; incendies de forêts, tous les ans, dont on sait qu'ils furent particulièrement meurtriers l'année dernière...

Le projet de loi conforte donc les structures de notre politique de gestion de crise et apporte à ses principaux acteurs une reconnaissance attendue.

Sans revenir en détail sur son contenu, que vous venez de présenter, monsieur le ministre, je voudrais seulement évoquer les trois principaux points forts du projet, qui sont chacun autant d'avancées pour l'avenir.

Permettez-moi, mes chers collègues, de déroger un peu aux règles de notre assemblée en ne respectant pas l'ordre des articles pour la présentation de ce projet de loi.

Je tiens en effet à commencer par les mesures qui constituent l'un des trois points forts de ce texte et doivent recueillir l'accord le plus large des représentants de la nation, puisqu'elles visent à apporter aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels la reconnaissance de leur engagement et des difficultés de leur métier.

Cette reconnaissance était attendue de longue date. Conformément aux engagements qui avaient été pris, elle figure expressément dans le projet de loi - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre -, plus précisément à l'article 52 A, qui est le fondement solennel d'une série de dispositions dont la liste pourra être complétée à l'avenir.

Tel qu'il a été adopté par le Sénat, le projet de loi comporte cinq mesures tirant les premières conséquences de cette reconnaissance.

L'article 20 ouvre au commandant des opérations de secours, en cas de « péril imminent », la possibilité de prendre des mesures nécessaires à la sécurité des personnels engagés.

L'article 53 bis généralise les comités d'hygiène et de sécurité, quelle que soit la taille du service d'incendie et de secours. Un amendement de la commission des lois a pour objet de conforter leur régime juridique.

La protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident ou de maladie professionnelle est renforcée par les articles 54 et 54 bis.

L'article 53 procède à une véritable refondation du projet de fin de carrière pour les sapeurs-pompiers professionnels. Celui-ci concerne ceux qui sont âgés de plus de cinquante ans et qui, du fait de la dangerosité et du caractère éprouvant de leur métier, ont des difficultés à « décaler », comme on dit dans le jargon, c'est-à-dire à aller au feu. Cet article tire les conséquences de la réforme des retraites de 2003 et améliore considérablement les choix ouverts aux intéressés. Après décision d'une commission médicale, ceux-ci disposeraient de trois options : le reclassement dans la fonction publique, le congé de fin de carrière cumulable avec une activité privée ou le congé pour raison opérationnelle avec constitution de droits à pension. À mon initiative, la commission vous proposera d'ajouter une quatrième option : un simple reclassement au sein du SDIS, mais sur des postes à caractère non opérationnel, dont la liste sera définie sur proposition du comité d'hygiène et de sécurité.

La cinquième mesure donnant un contenu tangible à la reconnaissance de la dangerosité est la mise en place, par l'article 56, de la prestation de fidélisation et de reconnaissance. Elle constitue un complément de retraite pour les sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli au moins vingt ans de service volontaire et succédera à l'allocation de vétérance, dont le montant est apparu trop faible pour être incitatif.

Le nouveau complément de retraite, très attendu des sapeurs-pompiers, manifestera aux volontaires la reconnaissance de la nation et nous espérons qu'il contribuera à enrayer le reflux du volontariat. Vous l'avez souligné, monsieur le ministre, l'État apportera une contribution déterminante à son financement.

La commission des lois a adopté des amendements destinés à éviter que, contrairement à l'esprit du projet de loi, le régime juridique et fiscal de la nouvelle allocation ne soit en retrait sur celui qui s'applique à l'allocation de vétérance. À ce propos, monsieur le ministre, j'ai été heureux d'apprendre en vous écoutant que cette prestation pourrait être cumulée avec d'autres déjà existantes et que, comme c'était le cas pour l'allocation de vétérance, elle serait totalement exonérée de CSG, de CRDS et d'imposition.

La commission propose d'enrichir le texte par deux mesures de reconnaissance au bénéfice des orphelins de sapeurs-pompiers morts au feu et cités à l'ordre de la nation. Comme les enfants des victimes de la guerre ou d'attentats terroristes, ils bénéficieraient d'une bonification de points pour des concours de la fonction publique et seraient exonérés de droits de succession.

De telles mesures peuvent paraître dérisoires quand on a perdu un père. Toutefois, s'il est possible d'améliorer la condition de ces enfants par un tel dispositif, il serait dommage de ne pas le faire.

Mais ce texte n'est pas seulement - comme certains pourraient le penser - un texte sur les pompiers. Il modernise profondément l'organisation des secours et conforte l'organisation territoriale des secours et les responsabilités de l'État.

Pour moderniser l'organisation des secours, il institue les plans communaux de sauvegarde et garantit une mobilisation accrue de tous les acteurs disponibles en cas de crise. À cet effet, les articles 25 et suivants ouvrent désormais aux maires la faculté de constituer une réserve de sécurité civile.

Le Sénat a supprimé les réserves départementales. Au terme de la trentaine d'auditions que j'ai conduites jusqu'à ces derniers jours, cette solution me paraît la plus sage, la plus réaliste, car elle allie pragmatisme et efficacité. De plus, à l'échelle de la commune, c'est celle de la proximité et de la clarté.

S'agissant d'instances nouvelles, il importe en effet de marquer nettement, d'une part, que les réserves ont un ressort géographique différent des services départementaux de secours et, d'autre part, que leurs missions sont différentes.

J'insiste sur le fait que, loin de venir en concurrence des services de secours, elles n'auront que des missions d'appui, notamment pour l'aide aux populations, pendant et après des sinistres majeurs. Les services de secours seront d'autant plus disponibles pour se consacrer à ce que j'appellerai leur « métier de base ». Ainsi, l'année prochaine, s'il faut - comme le week-end dernier, à Vitrolles - évacuer et héberger 2 000 personnes au milieu de la nuit, les réservistes de la sécurité civile seront disponibles pour organiser ces hébergements d'urgence ou distribuer des couvertures, tandis que les sapeurs-pompiers pourront se consacrer entièrement à leur indispensable combat contre le feu.

La mobilisation et la coordination de tous les acteurs ayant fait la preuve de leur efficacité seront favorisées, de façon très bienvenue, par les articles 31 et suivants. Ainsi, le projet reconnaît la compétence des associations qui collaborent à la sécurité civile : la Fédération nationale de protection civile, la Croix-Rouge française ou des associations plus spécialisées et parfois injustement méconnues, comme les comités communaux « feux de forêts », mais aussi, dans un secteur plus particulier, Spéléo Secours, pour ne citer qu'eux.

Le texte crée des règles d'agrément pour les associations de sécurité civile et un régime de conventions organisant la participation des associations agréées aux opérations de secours. L'une des mesures phares du projet de loi est la réforme du plan ORSEC par les articles 11 et suivants.

Pourquoi rationaliser et simplifier la planification des secours ? Parce que, nous le savons tous, celle-ci était devenue peu lisible. Les plans de secours spécifiques à certains risques se sont en effet multipliés au cours des dernières années, au point qu'on en dénombre aujourd'hui près de 2 000 !

Le projet de loi intègre donc tous ces plans d'urgence dans le plan ORSEC, qui se composera désormais d'une partie générale et d'une partie relative aux risques particuliers. Il fusionne également les différents plans de secours maritimes pour créer un « plan ORSEC maritime ». Enfin, il étoffe le contenu des plans ORSEC, en prévoyant notamment un inventaire des risques prévisibles et un recensement des moyens privés qui peuvent être réquisitionnés en cas de besoin.

Le texte définit les responsabilités de chacun au sein du dispositif de gestion des crises. Il améliore les dispositifs d'information et d'alerte. Il favorise la continuité des services publics ainsi que la satisfaction des besoins prioritaires de la population en cas de crise. De la sorte, il permettra de remédier à certaines difficultés, en termes de coordination et de réactivité, qui se sont révélées durant les dernières crises.

À mon initiative, la commission proposera plusieurs aménagements au dispositif existant en matière de catastrophes naturelles. Nous souhaitons tout d'abord renforcer les obligations de l'État, en prévoyant que celui-ci se prononce dans un délai de trois mois sur les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle présentées par les communes. Nous demandons également que les décisions de l'État soient motivées, pour apporter aux maires plus de transparence à la procédure. La commission propose par ailleurs de supprimer les franchises d'assurance qui s'imposent aux sinistrés. Le débat est ouvert à ce sujet.

Le troisième et dernier point fort de ce projet de loi vise à conforter l'organisation territoriale des secours et les responsabilités de l'État.

Je souhaite insister plus particulièrement sur les importantes mesures améliorant l'organisation et le financement des SDIS, les services d'incendie et de secours. Elles sont souvent complexes et, après avoir été remaniées par le Sénat, elles ont suscité les plus longs débats en commission.

À l'issue de ces débats, ont été adoptés certains amendements contraires, soit à la logique du projet, soit à des dispositions laissées intactes. Il nous faudra donc revenir à la cohérence du texte et je vous soumettrai quelques amendements à cet effet.

M. Charles de Courson. Parlez-vous en votre nom ou au nom de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le projet de loi comprend plusieurs séries de dispositions concernant le fonctionnement et le financement des SDIS. En premier lieu, il précise leur place dans l'organisation des collectivités territoriales. De plus, il conforte l'existence d'établissements publics à part entière, dirigés par de véritables conseils d'administration. Cette formule paraît en effet la plus adaptée à la spécificité de la sécurité civile, qui nécessite une unité de commandement et d'intervention face aux situations de crise.

C'est pour tirer toutes les conséquences de cette spécificité que je vous proposerai de supprimer la possibilité d'intégrer les SDIS dans les services des conseils généraux, sachant que la commission a adopté un avis inverse.

M. Charles de Courson. Donnez-vous votre avis ou celui de la commission ? Vous présentez les choses de manière étrange !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le rapporteur donne son avis, tout en faisant part de celui de la commission. C'est clair, mon cher collègue : la commission a adopté une position dont vous me permettrez de penser, en tant que rapporteur, qu'elle nuit à la cohérence du dispositif général.

À titre personnel, je suis donc favorable à la suppression de l'amendement adopté par la commission, mais nous verrons ce qui sera décidé en séance plénière.

M. Charles de Courson. En effet, nous en reparlerons.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout en confortant l'existence des SDIS, le projet de loi renforce très sensiblement le rôle que jouent les conseils généraux dans leur administration.

Les modalités de représentation des départements sont modifiées afin de faire coïncider la majorité du conseil d'administration du SDIS avec celle du conseil général. De même, le Sénat a prévu de donner la présidence du conseil d'administration du service départemental au président du conseil général. Ces dispositions permettront aux départements, qui sont les principaux contributeurs des SDIS, de mieux contrôler la gestion de ces établissements.

Par ailleurs, le projet de loi associe davantage les communes à la gestion des SDIS, afin de prendre en compte le rôle de proximité joué par les maires. Ainsi, malgré la disparition, programmée pour 2008, de leurs contributions directes au budget des SDIS, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale bénéficieront toujours d'un nombre minimum de sièges au sein des conseils d'administration. En outre, nous vous proposerons un amendement qui réserve une vice-présidence du conseil d'administration à un maire.

J'ajoute que, pour rétablir le dialogue entre l'État, les collectivités territoriales et l'ensemble des professionnels de la sécurité civile, le Gouvernement propose d'instituer à l'article 39 une Conférence nationale des services d'incendie et de secours, appelée à devenir l'instance nationale de pilotage et de concertation qui fait aujourd'hui défaut. C'est une mesure importante et il est pleinement justifié que les sapeurs-pompiers aient leur place au sein de cette instance. Il est en effet essentiel que les représentants des assemblées locales puissent rencontrer directement les professionnels de la sécurité civile, pour assurer la cohérence entre les positions prises au niveau national et celles prises au niveau local.

S'agissant du financement des SDIS, chacun est conscient que le dispositif issu de la loi relative à la démocratie de proximité n'est pas à la hauteur des difficultés financières auxquelles doivent faire face les services départementaux, dont les dépenses ont été multipliées par 2,5 depuis la réforme de 1996. Cette dérive s'est répercutée sur les contributions des communes et des départements, qui, au cours des six dernières années, ont progressé dans des proportions inquiétantes.

À cet égard, le projet de loi contient trois avancées principales.

En premier lieu, le partage de la responsabilité financière des interventions est clarifié par l'article 22. Les SDIS prendront en charge les dépenses directement imputables aux secours, à l'exception des opérations relevant de la solidarité nationale, qui seront financées par l'État, tandis que le soutien aux populations relèvera de la responsabilité des communes.

En deuxième lieu, les règles de fixation des contributions aux budgets des SDIS sont modifiées, de manière à donner aux départements, appelés à devenir les uniques contributeurs de ces établissements, la maîtrise de leur participation financière. Par ailleurs, le Sénat a prévu de reporter de deux ans la suppression des contributions communales. Ce report offrira aux collectivités territoriales la possibilité de réduire les importantes inégalités constatées, d'une commune à l'autre, entre les contributions actuellement versées.

Enfin, le Gouvernement a confirmé le transfert aux départements d'une partie de la taxe sur les conventions d'assurance des véhicules à moteur. Cette mesure est de nature à faire face à l'accroissement des dépenses des SDIS. La taxe sur les conventions d'assurance, qui se caractérise par une évolution particulièrement dynamique, garantira aux départements un financement bien plus favorable que la part de dotation globale de fonctionnement à laquelle elle se substituera.

J'attire votre attention sur le fait que cette fiscalisation concerne une compétence assurée par les collectivités territoriales depuis de nombreuses années. Elle s'ajoute donc aux transferts de fiscalité qui interviendront pour compenser les nouvelles compétences transférées par le projet de loi relatif aux responsabilités locales et montre la détermination du Gouvernement à assurer l'autonomie financière des collectivités territoriales.

J'ajouterai un dernier mot sur le volet local du projet, qui concerne le cas particulier des Bouches-du-Rhône.

Le Sénat a adopté un ensemble de dispositions destinées à pérenniser le régime juridique des interventions du bataillon des marins-pompiers de la ville de Marseille et à leur donner un cadre législatif. Actuellement, ce bataillon est régi par un décret-loi de 1939 qui n'a pas reçu les textes d'application initialement prévus - il faut dire que la guerre a été déclarée quelques jours après sa publication.

Ce dispositif suscitant l'inquiétude des sapeurs-pompiers, j'ai tenu à entendre sur ce sujet leurs représentants nationaux et locaux et je me suis rendu à Marseille le 12 juillet dernier, pour rencontrer des marins-pompiers et des sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône, qui combattent côte à côte les incendies qui ravagent actuellement le sud de la France.

J'ai pu m'assurer que les amendements adoptés aux articles 19 bis et suivants avaient bien pour objet de garantir la sécurité juridique d'un dispositif qui fonctionne bien, en consolidant l'existant.

Par ailleurs, j'ai constaté que les deux dispositifs de secours, celui de la ville et celui du département, accomplissaient un travail remarquable à un coût comparable, compte tenu des missions prises en charge par le bataillon, en particulier - j'insiste sur ce point - à la demande de l'État.

J'ai également eu la satisfaction de constater que les deux unités étaient en mesure de travailler en bonne intelligence, en dépit d'un partage des compétences territoriales générateur de frictions, pour des raisons qui tiennent plus souvent à la politique qu'à la sécurité civile. Il y a certainement des progrès à accomplir en matière d'interopérabilité - je pense notamment à l'attribution de fréquences radio harmonisées -, mais la diplomatie du colonel Jorda et de l'amiral Dufourd permet de surmonter les difficultés opérationnelles.

Pour ces raisons, la commission des lois ne vous propose pas, à ce sujet, d'amendements autres que ceux qui visent à apporter des rectifications de pure forme au dispositif adopté par le Sénat.

Au total, la commission des lois et son rapporteur vous demandent d'adopter un texte qui renforce l'efficacité de notre défense civile et qui témoigne à ceux qui s'y consacrent, parfois au péril de leur vie, de la reconnaissance de la nation. Elle vous proposera, au fil du texte, des amendements destinés à l'enrichir. Dans certains cas, il sera nécessaire d'assurer la cohérence interne du projet.

Pour conclure, je tiens à vous dire qu'il me semble essentiel de faire de cette réforme une étape importante de la nécessaire modernisation de notre sécurité civile. J'espère, monsieur le ministre, que la qualité de nos travaux nous permettra de mener un débat apaisé, dans la recherche de l'intérêt du plus grand nombre. Notre sécurité civile, assurée grâce au dévouement quotidien des 240 000 sapeurs-pompiers professionnels, volontaires ou militaires, mérite un tel débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le ministre de l'intérieur, je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre présence, hier après-midi, sur le front des incendies du plateau de l'Arbois et à rendre hommage aux marins-pompiers et aux sapeurs-pompiers qui ont bravé, parfois au péril de leur vie, les feux qui se sont déclenchés dans ma circonscription, que ce soit à Carry-le-Rouet, au Rove, à Vitrolles ou à Velaux.

Le projet de loi de modernisation de la sécurité civile déposé sur le bureau du Sénat le 25 février 2004 ne comportait pas, à l'origine, de mesures spécifiques concernant les personnels à statut militaire. Toutefois, au cours de l'examen en séance publique, le Sénat a adopté un certain nombre d'amendements relatifs aux personnels à statut militaire qui concourent à la protection civile de la population, principalement les marins-pompiers de Marseille, ainsi que des dispositions relatives à la collaboration entre sapeurs-pompiers civils et marins-pompiers militaires. Dès lors, la commission de la défense nationale et des forces armées, qui est compétente pour les questions relatives à ces personnels, a souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi.

Le bataillon des marins-pompiers de Marseille est né dans des conditions dramatiques. Le 28 octobre 1938, lors d'un terrible incendie qui ravage un grand magasin et qui fait une centaine de morts, les moyens locaux de lutte contre l'incendie font la preuve de leur désorganisation et doivent appeler à l'aide les marins-pompiers de Toulon, Aubagne et Lyon, pour circonscrire le sinistre. Le président du Conseil, Édouard Daladier, présent sur les lieux en raison de la tenue, à proximité, du congrès du Parti radical, décide de placer la ville sous tutelle et crée, le 29 juillet 1939, le bataillon des marins-pompiers de Marseille. Cette tragédie a d'ailleurs coûté son mandat de maire à M. Henri Tasso.

Compte tenu du développement économique et urbain de la ville, le bataillon s'est vu confier, au cours des décennies qui ont suivi, des missions dépassant le cadre strict de la commune. En 1962, on lui demande d'assurer la protection contre les incendies de l'aéroport international de Marseille-Marignane. En 1972, l'extension du port autonome le conduit à prendre en charge la sécurité des installations portuaires de Fos-sur-mer, Lavera et Port-de-Bouc.

Le bataillon des marins-pompiers de Marseille est placé sous le contrôle d'une double chaîne de commandement, à la fois militaire et civile. Formation militaire, le bataillon est une unité de la région maritime Méditerranée, mais il agit également dans le cadre des pouvoirs de police du maire en matière de sécurité civile. Par ailleurs, le ministre de l'intérieur étant susceptible de faire appel à lui, il est intégré dans le dispositif national de défense et de sécurité civile.

Il n'est pas inutile de rappeler l'importance du rôle joué par le bataillon des marins-pompiers de Marseille, qui a vu récemment son activité augmenter significativement. L'année 2003 a été ainsi marquée par une hausse de 9 % de l'activité opérationnelle, avec plus de 178 000 sorties. Cette augmentation est principalement due aux incendies, en hausse de 23 %, et aux secours aux personnes, avec plus de 60 000 personnes assistées.

Au cours de l'examen en première lecture, le Sénat, qui a souhaité tenir compte de la spécificité de l'organisation des secours dans le département des Bouches-du-Rhône, a apporté un certain nombre de modifications au projet de loi.

Il a tout d'abord adopté deux amendements prévoyant que, dans le département des Bouches-du-Rhône, le règlement opérationnel ainsi que le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques comporteraient trois volets : un volet propre au périmètre d'intervention du bataillon de marins-pompiers de Marseille, un volet propre au reste du département et un volet commun au bataillon des marins-pompiers et au service départemental d'incendie et de secours.

À l'initiative de sa commission des lois, le Sénat a prévu d'associer aux travaux de la Conférence nationale des services départementaux d'incendie et de secours, pour les questions qui les concernent, le préfet de police de Paris et le commandant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ou le maire de Marseille et le commandant du bataillon des marins-pompiers de Marseille.

Le Sénat a également adopté deux amendements prévoyant notamment qu'un décret en Conseil d'État fixe les missions et l'organisation du bataillon des marins-pompiers de Marseille, comme c'est le cas pour la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.

Enfin, il a été décidé de rendre la commune de Marseille éligible aux subventions du fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours, afin de tenir compte de l'effort consenti par la ville. Le Sénat a également souhaité clarifier le financement du bataillon des marins-pompiers de Marseille.

Par ailleurs, le projet de loi comporte un certain nombre d'avancées en matière de protection sociale des sapeurs-pompiers. L'une des plus remarquables concerne la mise en place d'un avantage de retraite pour les sapeurs-pompiers volontaires ayant servi de nombreuses années. Cette nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance assurera un revenu supérieur à l'actuelle allocation de vétérance, à laquelle elle se substituera. Elle constitue une juste contrepartie à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires au service de la collectivité et ne sera assujettie à aucun impôt ni prélèvement fiscal.

Enfin, une injustice ancienne à l'égard des marins-pompiers de Marseille a été réparée. En effet, en vertu de l'article L. 83 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris bénéficient d'un supplément de pension égal à 0,5 % de la solde de base pour chaque année d'activité passée au sein de cette unité. Or cet avantage n'était pas, jusqu'à présent, accordé aux militaires du bataillon des marins-pompiers de Marseille, lesquels perçoivent une indemnité pour risques qui n'est pas prise en compte dans la liquidation de leur pension de retraite. L'amendement déposé par le Gouvernement aligne le régime des marins-pompiers de Marseille sur celui des sapeurs-pompiers parisiens. Il répond ainsi à une demande récurrente depuis 1967, en leur permettant de bénéficier d'un supplément de retraite équivalent à 0,5 % de la solde de base par année effectuée, sous réserve de conditions d'ancienneté.

En réponse à une question au Gouvernement posée le 22 juin dernier par le président Guy Teissier, Mme la ministre de la défense a indiqué que les personnels en activité à la date de parution du décret d'application bénéficieraient de cette mesure. Le bataillon des marins-pompiers de Marseille étant exposé aux mêmes risques que la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, il aurait été anormal de voir persister un traitement différent. Le supplément de charges qui résultera de cette mesure sera assumé par le régime des pensions, comme cela est prévu à l'article 56 bis.

Lors de l'examen en commission, les débats ont également porté sur le rôle de la sécurité civile dans le cadre de la défense globale et sur le problème des réserves de la sécurité civile. La commission de la défense nationale a toutefois souhaité limiter sa saisine aux aspects du projet de loi qui relèvent directement de sa compétence. Elle a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi. Je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Bernard Derosier, pour une durée qui ne peut excéder une heure trente.

M. Bernard Derosier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rares sont les professions qui, à l'occasion d'un débat parlementaire, se voient rendre un hommage aussi unanime, auquel je m'associe bien entendu, l'actualité étant là pour nous rappeler l'importance des missions confiées aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. À cet égard, c'est une bonne chose que le caractère dangereux de leur métier soit enfin reconnu par la loi, conformément aux souhaits du groupe socialiste.

Cependant, la sécurité civile ne se résume pas aux sapeurs-pompiers et aux services départementaux d'incendie et de secours. Son organisation relève à la fois des ministres compétents, des maires et des divers acteurs de ce secteur. Quant aux missions des sapeurs-pompiers, elles ne se limitent pas à la lutte contre les incendies. Nous savons en effet combien leurs nombreuses interventions destinées à porter secours aux personnes victimes, par exemple, d'accidents de la route ou d'accidents professionnels, sont importantes.

En tout état de cause, nous ne pouvons que nous réjouir que la modernisation de la sécurité civile, attendue depuis plusieurs années, ait été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. En revanche, l'on peut s'interroger sur les conditions dans lesquelles nous examinons ce projet de loi et déplorer le traitement qui lui est réservé, puisque sa discussion est programmée à l'occasion d'une session extraordinaire déjà incroyablement chargée.

Et si nous avons à en débattre aujourd'hui, c'est qu'il vient colmater les trous laissés dans un agenda parlementaire malmené par le Gouvernement et par le Premier ministre. Je ne veux pas revenir sur les conditions calamiteuses d'organisation qu'engendre cette légèreté.

De plus, l'urgence est déclarée sur ce texte. Tous les acteurs de la sécurité civile sont en attente d'une réforme dans ce domaine, mais l'urgence était-elle à ce point pressante que l'étude de ce projet ne pouvait suivre un processus parlementaire normal ? Ne s'agit-il pas plutôt, de la part du Gouvernement, de témoigner, une fois de plus, du peu de cas qu'il fait du travail législatif et de faire fi du jeu démocratique en balayant le rôle pourtant indispensable de l'opposition, et même d'empêcher l'expression de sa propre majorité, dont il sait trop qu'elle pourrait être tentée par la dissidence ?

Nous venons de voir à quelles méthodes il n'hésite pas à recourir pour empêcher toute discussion démocratique et faire passer en catimini, en plein mois de juillet, la « mère de toutes les réformes », comme l'a appelé son promoteur. Celui-ci a déjà démontré qu'il pouvait agir de la même manière quand il s'agit de l'expression populaire, par le peu de cas qu'il a fait des résultats des élections régionales et cantonales de mars et des européennes de juin, en persistant dans de prétendues réformes dont les Français ont dit clairement qu'ils ne voulaient pas. Et je passe sur la mascarade qui a suivi le conseil des ministres de la semaine dernière : y avait-il eu, ou non, autorisation d'engager la responsabilité ? Personne ne semblait le savoir. Le ministre chargé des relations avec le Parlement disait même le contraire.

M. Dominique Tian. Ça n'a rien à voir avec la sécurité civile !

M. Bernard Derosier. Cela n'a rien à voir pour vous, mon cher collègue, mais c'est pourtant le cœur du débat que la relation entre le Gouvernement et le Parlement. Et vous êtes parlementaire.

M. Guy Geoffroy. La motion de censure, c'est demain, monsieur Derosier !

M. Dominique Tian. Aujourd'hui, nous débattons d'un texte pour les sapeurs-pompiers !

M. Bernard Derosier. Non, monsieur Tian, ce n'est pour les sapeurs-pompiers. C'est pour la sécurité civile.

Une amélioration de la sécurité civile reste bienvenue - vous voyez que je vais dans le sens de ce que vous souhaitez et vous allez voter mon exception d'irrecevabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Malheureusement, ce projet de loi n'atteint pas son but. Bien loin de la modernisation, qui aurait dû passer par une indispensable clarification des compétences, des responsabilités et des financements, c'est la confusion que ce texte organise. Je crains, une fois de plus, le rendez-vous manqué.

L'organisation de la sécurité civile est un sujet complexe, fruit de l'histoire, des volontés politiques. Elle a connu d'importants bouleversements ces dernières années, que je tiens à rappeler brièvement afin que l'on ne perde pas de vue le fil conducteur qui a marqué son évolution, et pour replacer ce débat dans son contexte.

Partie d'un cadre communal, l'organisation des secours dans un cadre départemental a réellement pris corps avec la loi du 3 mai 1996, qui a créé le corps départemental des sapeurs-pompiers. Ce texte était imparfait, j'avais déjà eu l'occasion de le dire ici même au moment de sa discussion. Bien plus que la départementalisation, dont le principe était déjà introduit par la loi relative à l'administration territoriale de la République de février 1992, ce sont les modalités qu'elle mettait en œuvre qui s'avéraient insatisfaisantes : les coûts de la transformation étaient très difficiles à déterminer, le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques, le SDACR, devait être élaboré sans concertation, et les situations particulières n'étaient aucunement prises en compte.

La loi « démocratie de proximité », du 27 février 2002, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, est venue rationaliser le processus - même si ce n'était pas son objet principal - en plaçant le conseil général au cœur du dispositif. Nous sommes alors passés d'une simple mutualisation des ressources et des besoins à l'échelle du département, à une véritable départementalisation.

Après quelques années de fonctionnement sous ce régime, la visibilité est devenue meilleure et les ajustements nécessaires ont pu être envisagés sur la base de l'expérience acquise. La loi de février 2002 n'avait de sens que si était organisée la sécurité civile sur des bases qui tiennent compte de l'évolution. Daniel Vaillant, qui vous a précédé dans ce ministère, avait conçu à cette fin un avant-projet de loi dont vous reprenez un certain nombre de dispositions. Il faut reconnaître quelques convergences des deux textes.

Votre projet contient certaines propositions intéressantes - trop rares malheureusement -, comme la Conférence nationale des services d'incendie et de secours. Celle-ci sera une instance de dialogue et de concertation qui permettra une réflexion permanente sur ce domaine en pleine mutation. Mais, dans le même temps, le présent texte laisse persister de lourdes contradictions, voire crée de nouvelles incohérences dans les responsabilités et les financements.

Il est difficile, quand on parle de sécurité civile, de limiter le débat à des questions financières. Il s'agit évidemment, avant tout, d'humanité. Il s'agit d'hommes, de femmes, qui sauvent d'autres hommes, d'autres femmes. Les victoires sur la fatalité peuvent être immenses, les malheurs peuvent l'être aussi. Les sapeurs-pompiers sont en première ligne face aux graves crises, plus ou moins médiatisées. Dans mon département, deux sapeurs-pompiers sont morts au feu depuis moins d'un an. C'est pourquoi je souligne que la reconnaissance de la dangerosité de ce métier est une avancée précieuse pour l'ensemble de la profession, même si elle se limite ici à une reconnaissance de principe.

Mais si la sécurité civile ne peut être réduite à des questions financières, il serait faux de dire que ces dernières n'ont pas d'importance. Les secours sont assurés par des femmes et des hommes qui doivent être rémunérés et qui ont besoin de matériel opérationnel. Il faut des moyens à la mesure du service public de secours que l'on veut offrir aux Françaises et aux Français. Et c'est ici que le bât blesse.

En effet, le Gouvernement se montre particulièrement généreux quand il s'agit des ressources des collectivités locales. Le caractère pour le moins étrange de sa conception de l'autonomie, en particulier financière, des collectivités n'est plus à démontrer. Qu'il s'agisse de l'allocation personnalisée d'autonomie, du revenu minimum d'insertion, des techniciens ouvriers spécialisés ou, plus globalement, du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, l'autonomie est bien illusoire lorsque les compensations accompagnant les transferts de charges sont plus qu'insuffisantes.

M. Guy Geoffroy. L'APA, c'est vous !

M. Bernard Derosier. La politique gouvernementale consiste d'abord à charger la barque des collectivités, en laissant à ces dernières le soin de financer les insuffisances et les multiples désengagements de l'État.

M. Guy Geoffroy. Ça, c'est Jospin !

M. Bernard Derosier. Monsieur Geoffroy, ce n'est pas le Premier ministre Jospin qui a transféré le RMI ! Et c'est bien le Premier ministre Raffarin qui n'a pas respecté les engagements du gouvernement précédent en matière d'APA ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani, rapporteur. Rien n'était financé dans ce dispositif !

M. Bernard Derosier. Cette politique est certes validée par les parlementaires de la majorité, mais presque malgré eux. En effet, certains sont également des élus locaux. Ils mesurent pleinement les difficultés qui se préparent pour les collectivités, et le dilemme insupportable qui se présentera bientôt à elles : soit l'augmentation de l'imposition locale - que ne compenseront pas les baisses d'impôts promises aux Français dans un premier temps, abandonnées ensuite -, soit un service public diminué, ramené à sa portion congrue.

Il en va de même pour les services d'incendie et de secours. Une fois de plus, les collectivités, en l'occurrence les départements, auront à financer, sans compensation de l'État, des mesures qu'elles n'auront pas décidées.

Ce projet de loi laisse persister d'importantes difficultés de financement. Il ne prévoit notamment aucune disposition tendant à assurer la maîtrise par les départements des évolutions financières des SDIS. Votre système conduira inévitablement à une nouvelle inflation des coûts, d'autant que le SDACR devra être élaboré en cohérence avec les dispositifs de prévision et de planification nouvellement créés.

La faculté - et j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit que d'une faculté - d'établir une convention pluriannuelle afin de régler les relations entre le SDIS et le conseil général, notamment en matière de contribution du département, ne permettra pas à ce dernier d'absorber la montée en puissance des charges inhérentes au service, qu'il est malaisé d'évaluer. Cela contraindra les départements à naviguer à vue et contribuera à mettre en danger leurs finances. J'ai proposé par voie d'amendement que cette convention soit une obligation, de façon que les départements soient réellement en responsabilité devant les charges qui, en définitive, leur incomberont.

Les collectivités territoriales pourront-elles librement délibérer sur la taxe qui leur serait transférée, et sur quelle dotation s'effectuerait la compensation ? Le ministre a annoncé que les conseils généraux pourront financer les dépenses des SDIS grâce au transfert d'une part de la taxe sur les conventions d'assurances. Mais qu'en sera-t-il pour l'assurance automobile si, comme cela est également annoncé, la départementalisation des plaques minéralogiques est abandonnée en 2006 ? Comment alors pourra-t-on déterminer la localisation d'un véhicule ? Il est impératif que cette taxe soit modulable et localisable, sous peine de transgresser les principes d'autonomie financière et de libre administration des collectivités territoriales.

L'articulation des responsabilités dans le domaine de la sécurité civile n'est pas, en soi, une chose évidente. Il n'était donc pas nécessaire d'y ajouter de la confusion.

Ce projet de loi renforce, sur certains points, la place du département dans l'organisation des SDIS : je pense à la modification des règles de désignation des représentants du conseil général au sein du conseil d'administration du SDIS, qui garantira une majorité politique semblable dans les deux institutions, mais affiche votre volonté de ne plus assurer la représentation des minorités départementales dans les conseils d'administration ; je pense aussi à la présidence de ce conseil d'administration par le président du conseil général ou à un membre désigné par lui, ou encore à l'exigence d'un avis conforme du conseil général pour arrêter le SDACR.

Sur ces points, ce texte se place dans la droite ligne du mouvement de départementalisation engagé depuis plusieurs années. En revanche, sur d'autres, il s'écarte de cette trajectoire.

Ainsi, je m'étonne que la possibilité d'intégrer les SDIS dans les services des départements ait été supprimée. En 2002, elle avait pourtant été introduite à la demande de la majorité sénatoriale, qui a donc changé d'avis entre-temps sans que l'on comprenne bien pourquoi. Il faut rappeler également que cette possibilité d'intégration a été conçue comme la contrepartie de la prise en charge financière du SDIS par le département. Or, vous n'avez pas remis en question les modalités financières prévues dans la loi de 2002 : le département finance toujours le SDIS. Il n'y a donc pas de raison de supprimer cette possibilité d'intégration.

Je prendrai comme autre exemple l'introduction de réserves de sécurité. Si le texte d'origine prévoyait deux types de réserves, départementale et communale, le Sénat n'a laissé subsister que la possibilité de mettre en œuvre des réserves municipales, ce qui va à contresens. En effet, d'un côté, on retire aux maires la responsabilité des services d'incendie et de secours et, de l'autre, on leur ouvre la possibilité de se réintroduire dans le dispositif de sécurité. J'ai l'impression que les sénateurs ont avant tout répondu à une attente des maires qui ont beaucoup de difficulté à renoncer au pouvoir dont ils disposaient dans ce domaine.

Il faut souligner que la constitution d'une réserve de sécurité n'est que facultative. Dès lors, la question de l'égalité des secours sur l'ensemble d'un territoire se pose également.

Par ailleurs, l'initiative de la constitution d'une telle réserve revient au maire. En principe, la charge en incombe à la commune. Mais cette dernière a la possibilité de passer une convention avec l'EPCI dont elle est membre et le conseil général, en vue de son financement. Cette disposition laisse présager qu'on reprochera aux départements, qui se trouvent dans l'impossibilité d'abonder davantage le budget qu'ils consacrent aux secours, de ne pas offrir aux citoyens les moyens de secours optimums. On est loin ici d'une clarification.

Le projet de loi de Daniel Vaillant présentait sur ce point davantage de cohérence. Il prévoyait une réserve de sécurité civile départementale, qui revêtait un caractère obligatoire et était prise en charge par l'État. Il évitait ainsi tous les écueils d'un tel dispositif.

La contradiction est de mise aussi lorsqu'il s'agit des sapeurs-pompiers volontaires. Qui pourrait nier ici que ces hommes et ces femmes qui s'engagent volontairement dans des missions de secours sont indispensables au fonctionnement de la sécurité civile dans notre pays ? Les élus savent à quel point le service repose sur les volontaires, qui prennent de leur temps pour le consacrer à la collectivité. Cela s'appelle de la citoyenneté, de celle dont on déplore parfois l'absence. Il est évident que leur investissement mérite une reconnaissance.

Le projet de loi introduit un avantage retraite aux sapeurs-pompiers volontaires, sous forme d'une retraite complémentaire et dénommé prestation de fidélisation. C'est une bonne chose. Mais cela a un coût. Je veux rappeler ici que la Constitution impose une compensation intégrale des charges transférées aux collectivités territoriales. Or ce n'est pas le cas ici puisque le texte prévoit des cotisations obligatoires des SDIS, c'est-à-dire du département puisqu'il s'agira d'une dépense nouvelle, et un concours seulement facultatif de l'État. Et on peut facilement prédire, au vu de sa stratégie de délestage actuelle, que la participation de l'État aura l'allure d'une peau de chagrin.

Plus largement, c'est d'un véritable statut, comprenant des modalités de congés et de formation, que les sapeurs-pompiers volontaires ont besoin.

L'incohérence préside également dans le domaine de la formation. Il n'est pas nécessaire ici de rappeler l'importance de la formation dans le domaine de la sécurité civile, qui signifie, pour la plus grande part de l'activité, secours aux personnes.

Le présent texte prévoit la création d'une école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers. Or, les sapeurs-pompiers font partie de la fonction publique territoriale. À ce titre, et sauf si l'on en fait des fonctionnaires d'État, ce qui ne paraît pas être la piste suivie, ou des militaires, ce qui ne semble pas non plus être retenu, ils doivent donc bénéficier du droit commun de la formation des fonctionnaires territoriaux. Nous savons en outre qu'une réforme de la fonction publique, et en particulier de la fonction publique territoriale, serait en cours. Dès lors, il convient d'intégrer la proposition dans cette réforme d'ensemble.

Par ailleurs, le financement de cette école doit être assuré par une surcotisation des SDIS pour 2 % de la masse salariale. C'est une nouvelle charge financière pour les SDIS, donc pour les départements, toujours sans compensation de l'État ! C'est aussi une nouvelle illustration, s'il en était besoin, de la considération pour le moins légère qu'accorde le Gouvernement aux finances locales.

Dans le domaine de la formation, je veux insister sur une absence de taille : la formation des sapeurs-pompiers non-officiers. Aucune disposition de ce texte ne concerne en effet ce volet primordial dans la vie des services d'incendie et de secours.

En matière d'incohérence, les sénateurs n'ont pas été en reste. Ainsi, que dire de la véritable aberration que constitue le régime élaboré pour la ville de Marseille ? Cette anomalie incompréhensible apportée par le Sénat a fait l'objet d'une grande quantité d'amendements, plaçant le territoire de Marseille dans une posture dérogatoire sur presque tous les sujets abordés par le projet de loi. Le texte est d'ailleurs maillé de dispositions concernant spécialement cette situation extraordinaire.

On peut se demander sans mauvais esprit si la justification de telles mesures ne se résume pas à céder au caprice d'un sénateur-maire en mal de pouvoir.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis. C'est ridicule !

M. Bernard Derosier. Pour résumer, on dénombre, dans un même département, celui des Bouches-du-Rhône, deux services départementaux d'incendie et de secours, trois schémas départementaux d'analyse et de couverture de risques - SDACR -, des responsabilités opérationnelles enchevêtrées, un conseil général qui finance le bataillon de marins-pompiers sans y exercer aucune autorité, une concurrence établie entre ce corps et le corps départemental. Je pourrais continuer ainsi à l'envi, les exemples d'inégalité de traitement sur le territoire national ne manquant pas.

Comment peut-on, dès lors, parler de simplification et de clarification ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le conseil général ne finance pas les sapeurs-pompiers !

M. Éric Diard, rapporteur pour avis. Il va le faire...

M. Bernard Derosier. Vous avouez !

Sur ce sujet, une véritable simplification aurait consisté à placer le bataillon des marins-pompiers sous le régime de droit commun.

M. Guy Geoffroy. Pourquoi Gaston Defferre n'y a-t-il pas pensé ?

M. Bernard Derosier. Gaston Defferre n'a pas pu tout faire !

M. Éric Diard, rapporteur pour avis. Son mandat de maire de Marseille a sans doute été trop court ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Thierry Mariani, rapporteur. Quarante ans, c'est vrai, c'est un peu court !

M. Bernard Derosier. En tout cas, lui a véritablement fait voter la « mère des réformes » !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et il n'a pas utilisé le 49-3 !

M. Bernard Derosier. Il aurait fallu considérer le bataillon des marins-pompiers de Marseille comme un centre d'incendie et de secours communal, certes particulier du fait de son ampleur et du statut militaire de ses effectifs, mais intégré dans le SDACR, dirigé par le SDIS et avec une activité opérationnelle coordonnée par le centre opérationnel départemental d'incendie et de secours. De cette manière, l'unicité des secours aurait été assurée.

Il est peu de dire que l'objectif affiché de modernisation n'est pas atteint. Au lieu de la simplification, de la clarification et de la rationalisation attendue, c'est de retours en arrière, de confusion et d'hypocrisie que devront se satisfaire, si ce projet de loi est adopté en l'état, les acteurs, les responsables et les usagers du service public de sécurité civile.

Parce que ce texte ne respecte pas - et les illustrations sont nombreuses - l'article 72-2, alinéa 4, de la Constitution qui prévoit que « tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice », parce que ce texte contrevient au principe d'unicité d'organisation de notre République, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cette exception d'irrecevabilité, qui permet aux représentants de la nation de protéger nos règles constitutionnelles et la hiérarchie des normes.

Irrecevable, incohérent et injuste, ce texte doit être repris et retravaillé pour avoir une chance d'améliorer réellement notre sécurité civile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. M. Derosier s'est efforcé de démontrer que le texte qui nous est présenté est inconstitutionnel. Mais j'avoue que j'ai eu du mal à suivre la totalité de son raisonnement,...

M. Charles de Courson. Nous aussi !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ...sauf à me souvenir de ce qu'il avait dit sur les marins-pompiers en commission. Il avait alors laissé entendre, en effet, qu'il souhaitait un régime uniforme dans tous les départements - c'est une conception quasi napoléonienne. Je m'étonne donc qu'il n'ait pas déposé un amendement tendant à supprimer les pompiers militaires de Paris. Il faut croire que ce qui marche à Paris ne peut pas marcher à Marseille. La deuxième ville de France, qui compte 800 000 habitants, soit près de deux fois plus que Lyon, a effectivement des problèmes tout à fait distincts. Et il est précisément souhaitable que la République sache traiter les problèmes spécifiquement, et non pas de façon uniforme du Nord au Sud et d'Ouest en Est.

Je rappellerai également à M. Derosier qu'il n'y a pas au sein du conseil d'administration du SDIS que des conseillers généraux appartenant à la majorité départementale. Il faut donc trouver aussi des élus municipaux pour constituer une majorité. Le dispositif n'est pas aussi bipartisan qu'il l'a laissé entendre. Les choses sont souvent plus compliquées. On sait ainsi que, dans les SDIS, le clivage est plus sensible entre ville et campagne qu'entre gauche et droite. C'est ce que j'ai pu constater en tout cas dans mon département. Il est vrai que les intérêts des villes et ceux du monde rural sont inversement proportionnels.

J'en viens à la réserve. Précisons d'abord qu'il s'agit non pas de créer des corps de sapeurs-pompiers parallèles mais de pouvoir disposer, en matière de sécurité civile, d'un certain nombre d'hommes et de femmes issus de la population prêts à aider les pouvoirs publics. Heureusement que le texte prévoit des réserves communales, et non pas départementales ! C'est l'application bien comprise du principe de subsidiarité. On aurait bien tort de se priver du bénéfice de la proximité.

Je terminerai par le point le plus important à mes yeux, celui du financement. Vous avez sous-entendu, monsieur Derosier, que celui-ci n'était pas au rendez-vous. Or je ne me souviens pas que, dans le projet de loi Vaillant, le financement ait été aussi abouti. Le transfert d'une part de la taxe sur les conventions d'assurance est en effet une très bonne mesure.

À cet égard, votre remarque sur l'assurance automobile du fait de l'abandon de la départementalisation des plaques en 2006 m'a surpris. Que je sache, les agents d'assurance ont des dossiers sur les véhicules qu'ils assurent ! Décidément, vous avez cherché à faire flèche de tout bois. Mais cette flèche-là n'a même pas fait quelques mètres. (Sourires.)

L'important dans cette affaire, en tout cas du point de vue des conseils généraux - et en ce domaine, nous sommes orfèvres, monsieur Derosier -, c'est la progression de la taxe sur les conventions d'assurance. Si j'ai bien compris, le Gouvernement avait tablé sur une croissance annuelle de 4 % alors que, de facto, celle-ci est de 7 %. Pour une fois, il y a donc une véritable progressivité des ressources. Certes, le SDIS est une charge très lourde pour les conseils généraux. Mais, et cela ne s'était jamais produit sous les gouvernements précédents - et en tout cas pas avec celui que vous souteniez -, les ressources progresseront parallèlement aux dépenses futures des SDIS. Le président de conseil général que je suis a étudié ce point avec attention.

Tout cela montre, mes chers collègues, que, si on lit entre les lignes, M. Derosier est probablement favorable à ce projet. Mais il préfère expliquer pendant une demi-heure qu'il est contre. C'est sa méthode. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comme il pense au fond qu'il s'agit là d'un bon texte, donnons-lui satisfaction et repoussons sa motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, je voudrais répondre à M. Derosier sur quelques points précis.

Monsieur Derosier, vous êtes convaincu qu'il nous faut avoir une conception large de la sécurité civile : c'est l'esprit dans lequel nous avons travaillé et le souci qui a été le nôtre tout au long de la préparation de ce texte.

Vous avez formulé un certain nombre de critiques. Vous me permettrez de ne pas revenir sur des questions générales qui nous éloignent de ce débat. Vous critiquez le département des Bouches-du-Rhône. Hier, sur place, j'ai pu vérifier la parfaite coordination qui existe entre le SDIS du département et le bataillon des marins-pompiers. Si c'est l'histoire qui explique pour une très large part la situation de ce département, il faut rendre hommage à la coordination qui existe aujourd'hui et à la mobilisation des différents acteurs.

M. Roland Blum. Très bien !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous soutenez avec force et conviction le projet de loi qu'avait défendu en son temps Daniel Vaillant, comme l'a relevé le président de la commission. Vous êtes dans votre rôle et vous le faites dans un esprit de fidélité qui vous honore, mais je suis d'accord avec Pascal Clément : il y a un léger paradoxe, car le projet défendu en 2002 par Daniel Vaillant n'était pas accompagné de toutes les garanties, en termes de transferts de ressources, qui figurent dans le projet de loi que je vous soumets aujourd'hui.

Enfin, vous me posez quelques questions sur le financement des mesures contenues dans ce texte. Je reviendrai sur ce point.

Ce texte a un objectif : restaurer la confiance entre l'État et les départements, et trois types de mesures nous permettront d'atteindre cet objectif.

La première de ces mesures est la mise en place d'une régulation de la dépense, dont l'histoire récente des SDIS montre combien elle a fait défaut. Ce sera le rôle de la Conférence nationale des SDIS, aux avis de laquelle, je le confirme, le Gouvernement se conformera.

La deuxième mesure consistera à définir des responsabilités claires au sein des SDIS : nous voulons donner au département des pouvoirs en rapport avec l'importance de son engagement financier. C'est tout le sens des dispositions tendant à donner une majorité incontestable au département au sein des SDIS. C'est aussi le sens du partage des rôles entre le président du SDIS, le directeur et ses adjoints, dont celui nommé par le seul président, qui aura la charge des questions administratives et financières.

La troisième mesure consiste à conclure un pacte financier avec les départements.

Ce projet de loi a été élaboré en prêtant une attention particulière à ses conséquences financières sur les budgets des collectivités locales. D'abord, il ne comporte qu'un nombre limité de mesures générant de nouvelles dépenses, et leur coût est clairement identifié et évalué. Le montant de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, défini dans le cadre d'un groupe de travail auquel des élus ont pris part, s'élèvera à 63,4 millions d'euros en 2005 et augmentera légèrement pour atteindre 64,2 millions d'euros en 2008.

Les mesures concernant la fin de carrière des sapeurs-pompiers professionnels ont été chiffrées à 4 millions d'euros par an. Le surcoût global, pour l'ensemble des SDIS, s'élèvera à 68 millions d'euros par an. Il est par conséquent inexact d'affirmer que ce projet de loi n'a donné lieu à aucune évaluation financière, et c'est à tort que vous évoquez l'idée d'un transfert de charges de l'État vers les collectivités locales. Les secours demeurent une compétence des collectivités locales. Il n'y a donc pas matière à invoquer les dispositions de l'article 72-2 de la Constitution.

Ce texte contient deux mesures financières particulièrement importantes : la participation de l'État au financement de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, à hauteur de 20 millions d'euros en 2005 et de 30 millions d'euros en 2006. C'est la première fois, je le souligne, que l'État participe au financement d'un avantage relatif aux retraites de personnels qui ne sont pas les siens. Jugez quels obstacles il a fallu surmonter pour obtenir un tel engagement !

Le transfert du produit de la taxe sur les conventions d'assurance, à hauteur de 900 millions d'euros, aura pour effet de faire bénéficier les départements du dynamisme de cette recette. En se fondant sur des hypothèses prudentes, le surcroît de recettes attendu par les départements sera de 22 millions d'euros en 2006, de 45 millions d'euros en 2007 et de 69 millions d'euros en 2008, sans anticiper les effets pour les départements de la modulation des taux.

Les chiffres des dépenses et des recettes le montrent, ce projet de loi a été élaboré en tenant compte de toutes ses incidences et pour permettre au département de maîtriser les coûts et de se voir attribuer des ressources dynamiques en rapport avec les visions prévisibles des dépenses.

Le reproche d'inconstitutionnalité adressé à ce texte me semble donc particulièrement peu fondé ou mal fondé. Aussi, je demande à l'Assemblée nationale de bien vouloir rejeter l'exception d'irrecevabilité qui lui est soumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Geoffroy. Comme l'a souligné il y a quelques instants M. le ministre, il nous a fallu attendre la fin de l'intervention de notre collègue Derosier pour entendre une référence à une prétendue inconstitutionnalité du projet de loi qui nous est présenté. Or, s'agissant d'une exception d'irrecevabilité, nous aurions dû bénéficier, durant la demi-heure d'horloge de son exposé, d'une série d'observations pertinentes nous permettant d'apprécier à quel point ce texte était inconstitutionnel.

Nous sommes amenés à constater qu'il n'en est rien. En effet, notre collègue s'est contenté d'un balancement régulier entre l'affirmation que ce projet allait dans le bon sens et un certain nombre d'observations qui venaient en atténuer la portée.

C'est ainsi que la première pétition de principe, à laquelle nous adhérons tout à fait, nous révèle que le sujet est de vaste ampleur, que l'amélioration qui est proposée est bienvenue... mais que le but n'est pas atteint. S'y ajoute une affirmation, qui mériterait un prolongement que le débat permettra certainement : c'est la confusion qui domine ce texte - ainsi notre collègue le baptise-t-il - et non la clarification... qui en est pourtant l'élément fondamental.

Il nous dit également qu'il ne faut pas tout réduire à des considérations financières, mais que celles-ci doivent être appréciées à leur juste dimension.

Il nous indique que la place du département est renforcée, que c'est appréciable, mais que certains exemples viennent contrebalancer cet effort, notamment les réserves qui sont devenues, par la volonté de nos collègues sénateurs, de nature communale, et non plus départementale.

Il nous signale également que, si la prestation de fidélisation est un mieux, il serait bon d'envisager une compensation intégrale. Comme l'indiquait M. le ministre devant la commission des lois, il ne s'agit pas ici de personnels de la fonction publique territoriale, mais de sapeurs-pompiers volontaires, qui ne sont pas des agents de la fonction publique. L'État fait déjà un geste important en acceptant de prendre à sa charge la moitié de cette prestation de fidélisation.

Je vous rappelle, monsieur Derosier, que dans un passé récent, après une décision de l'État concernant l'ensemble des fonctionnaires, les collectivités territoriales et les hôpitaux ont dû prendre à leur charge l'intégralité du poids financier, ô combien lourd et dans des conditions bien plus insupportables, de la mise en place des 35 heures, sans que l'État verse le moindre centime d'euro pour les aider à surmonter une telle charge ! (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. En effet !

M. Guy Geoffroy. Je ne m'attarderai pas sur l'évocation, qui me paraît maladroite, assez orientée et relevant du mauvais procès, des marins-pompiers de Marseille. Tout le monde aura compris qu'il s'agit de politique avec un tout petit « p » !

J'en viens au dernier argument développé dans votre motion, monsieur Derosier, qui concerne l'article 72-2, alinéa 4, de la Constitution. Je suis très heureux que nos collègues socialistes s'intéressent enfin, comme nous l'avons fait pendant de nombreuses heures avec M. le ministre délégué à l'intérieur, à cet article 72-2, qui énonce les principes qui organiseront dorénavant les relations financières entre l'État et les collectivités publiques.

M. Charles de Courson. Nous verrons !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Nous vous attendons ! Nous ferons le point dans un an !

M. Guy Geoffroy. Pour autant, s'il est un article que l'on ne peut utiliser ici, c'est bien cet article 72-2, alinéa 4. En effet, à la différence des gouvernements précédents, le gouvernement actuel préfère à une dotation un impôt transféré vers les départements et dont on connaît le dynamisme et le rendement supérieur. Cela permettra de satisfaire la vigilance constitutionnelle de notre collègue et d'apaiser certaines inquiétudes des collectivités départementales.

Pour conclure mon propos et avant d'inviter notre assemblée à voter contre cette exception d'irrecevabilité, je voudrais faire référence aux propos qu'a tenus notre collègue Jérôme Lambert en commission des lois, après l'audition du ministre. Nous connaissons la sagesse de notre collègue, qui a souligné « l'accueil favorable réservé au projet de loi par l'ensemble des professionnels concernés ». Cet accueil mérite que nous passions aujourd'hui à l'examen de ce texte. Et, pour ne pas faire mentir notre collègue Jérôme Lambert, que son collègue socialiste propose de contredire, je vous suggère de ne pas approuver cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. En ce qui me concerne, monsieur le président, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, je voterai cette exception d'irrecevabilité.

Quelques arguments appuient ma décision. Tout d'abord, même si cela ne concerne pas directement la nature anticonstitutionnelle du texte, je voudrais souligner ce qui est une évidence pour tout le monde ici, à savoir que nous assistons à un colmatage de l'agenda parlementaire. Mardi dernier, à l'issue de la réunion des présidents de groupe, on nous a indiqué que la discussion de ce projet de loi ne serait pas abordée dans le cadre de la session extraordinaire. Vendredi, il y a trois jours, nous apprenions que la discussion aurait lieu aujourd'hui. Nous ne sommes donc pas dans la meilleure situation pour engager une discussion approfondie sur ce texte et pour examiner les amendements qui ont été présentés par les uns et les autres. C'est une chose qu'il fallait souligner.

En ce qui concerne l'irrecevabilité proprement dite, je pense que ce texte mérite d'être approfondi et renvoyé, pour deux raisons - l'une d'entre elles portant sur l'unicité du corps des sapeurs-pompiers. Pour illustrer ce problème, M. Derosier a évoqué les marins-pompiers de Marseille. On ne peut pas balayer cette question d'un revers de main et dire que l'affaire est réglée, qu'il n'y a aucun problème et que cela relève de la politique locale. Je crois que ce point exige une discussion plus approfondie.

Mais le point qui me semble être le plus important de l'intervention de notre collègue est sa référence à l'article 72-2 de la Constitution. Depuis des semaines, durant le débat sur l'autonomie financière des collectivités territoriales comme lors de la discussion, vite interrompue, du projet de loi relatif aux responsabiltiés locales, on nous renvoie systématiquement à l'article 72-2 de la Constitution. Et, à chaque fois, c'est une sorte d'acte de foi, comme si cet article allait résoudre tous les problèmes !

Par exemple, aucune réponse précise n'a été apportée sur le caractère modulable des taux de la taxe sur les conventions d'assurance ni sur sa localisation. Les transferts de responsabilités vers les départements sont toujours plus importants. Ne pas les accompagner de moyens financiers fiables et évolutifs risque de porter atteinte à leur libre administration. En ce sens, cette disposition est anticonstitutionnelle. De plus en plus, les compétences des collectivités territoriales s'accroissent, mais les possibilités qu'elles ont d'intervenir sur leur politique propre, elles, s'amenuisent, dans la mesure où les compétences qui sont transférées épuisent la totalité de leur budget.

Pour ces quelques raisons, qui démontrent que ce texte est anticonstitutionnel, je voterai l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Maurice Leroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai été très surpris en prenant connaissance du programme de la séance, car si un texte peut recueillir l'unanimité et l'accord de tous les bancs de cette assemblée, c'est bien un texte qui porte sur la modernisation de la sécurité civile.

Sincèrement, j'ai été très surpris en découvrant le dépôt d'une motion d'irrecevabilité. Ce fut ma première surprise. Ce texte, je le sais, est attendu par tous, professionnels et volontaires. Bien entendu, on peut discuter, on peut même se shampouiner la tête en commission et en séance publique sur la nécessité d'obtenir des transferts financiers à due concurrence de ce qui sera transféré sur les SDIS ou les départements. Certes, ce débat existe et il est estimable.

De là - et je le dis avec le plus grand sérieux et très solennellement - à déposer une motion d'irrecevabilité sur un tel texte, de surcroît dans le contexte actuel, malheureusement marqué par ce qui se passe à Marseille et en Corse, franchement les bras m'en tombent ! Il y a au contraire urgence à légiférer, et à voter un texte qui doit permettre une véritable modernisation de la sécurité civile.

Mais après ce que nous venons d'entendre - et permettez-moi de féliciter depuis ces bancs tous les collègues qui ont eu le courage de suivre pendant une demi-heure cette intervention - le terme de « surprise » ne suffit même plus, tant c'est colossal ! D'habitude, faute de trouver dans la Constitution de quoi étayer une exception d'irrecevabilité, on fait au moins semblant d'invoquer le Préambule : je me permets, monsieur Derosier, de vous souffler ce subterfuge, très pratique pour qui veut utiliser cette motion de procédure à seule fin de s'octroyer un temps de parole supplémentaire. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en particulier vient en général à point nommé.

M. Charles de Courson. Et bientôt la Charte de l'environnement !

M. Maurice Leroy. Tout à fait ! Comme me le souffle Charles de Courson, on pourra bientôt puiser aussi ses arguments dans la Charte de l'environnement.

Mais, monsieur Derosier, vous n'avez même pas pris le soin d'invoquer ces textes à l'appui de cette motion d'irrecevabilité, en conséquence de quoi y répondre ne nécessitera pas de longs développements. Nous n'avons eu droit finalement qu'à un mauvais brouillon de ce que sera, j'imagine, l'intervention de Jean-Marc Ayrault que nous devons entendre demain. Cela traduirait-il une espèce de conflit larvé interne au parti socialiste ? Faute de soutenir demain la motion de censure, vous vouliez peut-être le faire aujourd'hui, monsieur Derosier. Disons que vous vous êtes trompé de jour, et on s'arrêtera là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste.

M. Jean Launay. Il me semble, monsieur le président, que les thèmes abordés par Bernard Derosier méritent d'autres réponses que les moqueries de notre collègue Maurice Leroy.

Je me permets de vous rappeler, monsieur le président de la commission des lois, ainsi qu'à M. Geoffroy, rapporteur du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, le débat que nous avons eu la semaine dernière. J'avais souligné alors, dans le cadre déjà d'une explication de vote sur une motion, souligné le risque pris par votre gouvernement de voir le Conseil constitutionnel censurer ce texte. Il s'agit aujourd'hui exactement de la même situation, et, obéissant à la même logique, vous continuez de sous-estimer ce risque.

On doit parler, comme l'a fait Bernard Derosier, d'un rendez-vous manqué, notamment en ce qui concerne le budget des collectivités locales. Au lieu de la clarification attendue, votre texte accroît la confusion. Si le groupe socialiste entend voter cette exception d'irrecevabilité, c'est aussi à cause du volet financier du texte que vous présentez ici cet après-midi, et que les collectivités locales devront mettre en œuvre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Personne n'y croit !

M. Jean Launay. C'est facile d'être généreux avec l'argent des autres, et c'est précisément ce que vous faites. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est bien à vous de dire ça !

M. Antoine Herth. Vous voulez parler de l'APA ?

M. Jean Launay. On est loin de l'autonomie financière des collectivités locales ! Aussi, pour les raisons que nous vous avons exposées la semaine dernière, nous voterons cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à la question de savoir quel est leur service public préféré, la réponse des Français est toujours la même, et à juste titre : les sapeurs-pompiers. Ce week-end encore, et jusqu'à aujourd'hui même, des centaines de soldats du feu combattent les incendies dans le midi de la France et en Corse. Trois d'entre eux ont été grièvement blessés à cette occasion. Qu'il me soit permis de saluer leur dévouement et leur courage. En ces moments difficiles, il est important que les élus de la nation leur marquent leur reconnaissance et s'engagent à leur côté.

Mais, après les mots, il est temps de passer aux actes. Ce devoir de reconnaissance passe par une réelle amélioration du statut, tant des sapeurs-pompiers professionnels que des volontaires. Nous le pouvons aujourd'hui, à condition d'améliorer votre texte.

La loi relative à la modernisation de la sécurité civile, présentée en février 2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin, par Daniel Vaillant, qui avait été élaborée sur la base du rapport Fleury, comportait déjà d'importantes mesures visant à moderniser la sécurité civile et à l'adapter aux défis qui se dessinent, tels que les risques technologiques ou les catastrophes naturelles. Je pense notamment à la départementalisation des services d'incendie et de secours, qui fait du conseil général la collectivité chef de file en la matière. Je pense aussi à l'instauration d'un véritable statut du volontariat.

Aujourd'hui, il faut aller plus loin. Je me contenterai d'évoquer trois points méritant à mon sens amélioration.

Le premier a trait aux sapeurs-pompiers professionnels. La seule reconnaissance législative du caractère dangereux de leur métier n'aura qu'une valeur symbolique si elle n'est pas accompagnée de mesures financières et sociales. Ces améliorations attendues ne sauraient être considérées comme l'octroi de privilèges. Je pense en particulier à l'abaissement de l'âge de départ à la retraite, à la nécessaire amélioration de l'indemnisation des familles des soldats du feu disparus en service commandé et à la reconnaissance de la qualité de pupilles de la nation à leurs orphelins.

Je salue toutefois l'amélioration des conditions de reclassement des sapeurs-pompiers professionnels reconnus inaptes.

Quant au volet consacré au volontariat, certaines dispositions adoptées par le Sénat restent problématiques, notamment celles relatives aux mesures indispensables visant à favoriser la disponibilité du volontariat. C'est que le problème n'est pas tant celui de la disponibilité que de la fidélisation. Aussi conviendrait-il d'aller plus loin en ce qui concerne la prestation de fidélisation et de reconnaissance accordée aux sapeurs-pompiers volontaires. Cette prime ne doit être assujettie à aucun impôt, ni soumise aux prélèvements prévus par la législation sociale. Il faut en outre lui reconnaître un caractère insaisissable. Elle doit bien sûr être cumulable avec tout revenu ou prestation sociale. À entendre votre déclaration liminaire, j'ai cru comprendre que vous étiez favorable à de telles améliorations, et je m'en réjouis.

Pour améliorer le texte, il conviendrait également d'y introduire des mesures de compensation pour les employeurs publics ou privés, qui faciliteraient le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires. Il conviendrait dans cette perspective de valoriser le cumul de l'exercice des missions de sapeur-pompier volontaire avec une activité professionnelle. À cette fin, nous suggérons, premièrement, un dispositif d'exonération des charges ou de réduction des cotisations sociales de l'employeur dont l'application serait directement conditionnée à l'embauche d'un sapeur-pompier volontaire, en contrepartie d'un accord de disponibilité pendant le temps de travail ; deuxièmement, une compensation sur la contribution communale au service d'incendie et de secours.

Nous pourrions également adopter une proposition venant des professionnels eux-mêmes, et à laquelle j'attache une importance toute particulière : celle des emplois à temps partagé des services de santé et de secours médical. Il est regrettable que nous n'ayons pu obtenir, dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, les assurances nécessaires quant à l'organisation d'un système de santé accessible à tous, sur l'ensemble du territoire. Il me paraîtrait pertinent que, dans les endroits les plus reculés, où l'accès aux soins d'urgence est problématique, on puisse mettre en réseau les services de santé, médecins, infirmiers libéraux, avec les services de secours. Ne pourrait-on envisager une expérimentation territoriale ? Je proposerais dans ce cas que mon département, les Hautes-Pyrénées, soit élu comme site pilote, puisqu'il est en grande partie constitué de territoires ruraux et de zones de montagne.

Sur un troisième point, votre projet de loi me paraît totalement insatisfaisant : je veux parler de l'impact financier de cette réforme, qui va aggraver les charges, déjà insupportables, qui pèsent sur les collectivités territoriales. Aujourd'hui, plusieurs autorités se partagent la compétence en matière de sécurité civile. Il en résulte un enchevêtrement, tant des responsabilités que des moyens. À mon sens, la modernisation de la sécurité civile devrait reposer sur une architecture claire et cohérente, préalable indispensable à toute évolution. Or c'est précisément ce qui manque à ce texte. L'État conserve le pouvoir opérationnel, sans en assumer totalement la responsabilité financière, puisqu'il sollicite les collectivités locales. Vous l'avez pourtant reconnu vous-même, monsieur le ministre : en sept ans, les dépenses de secours ont triplé, et leur coût a été essentiellement supporté par les finances des départements. C'est donc, monsieur le ministre, une décentralisation qui n'en est pas une dans les faits, puisque l'État conserve ses attributions en en faisant supporter le coût aux collectivités territoriales, en dépit de vos déclarations, qui n'apportent aucune réponse claire à la question du financement.

Ainsi, je m'interroge sur le transfert, à hauteur de 900 millions d'euros, d'une partie de la taxe sur les conventions d'assurance, et sur la manière dont ce transfert s'articulera à celui prévu pour financer les compétences transférées aux collectivités territoriales.

Comment en outre faire confiance à la parole du Gouvernement, alors que dans le même temps celui-ci annule ou gèle des crédits, faisant peser ainsi de lourdes menaces sur la poursuite de certains projets, tels ceux inscrits aux contrats de plan État-Région ?

M. Jean Launay. Eh oui !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Comment croire à la parole de l'État quand le projet de décentralisation n'apporte aucune garantie quant aux compensations financières accordées aux départements ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il me suffit, mes chers collègues, de vous rappeler les difficultés que rencontrent les conseils généraux depuis que leur a été transférée, au 1er janvier 2004, la gestion du RMI-RMA, simplement parce que l'État n'a pas, avant de procéder à ce transfert, correctement évalué le nombre d'allocataires, qui a crû de plus de 10 % en un an. Cette augmentation était pourtant prévisible, puisqu'elle n'est que la conséquence de la politique ultralibérale et antisociale menée par le gouvernement de M. Raffarin, qui, en réduisant l'indemnisation des chômeurs, les fait encore davantage basculer dans la précarité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Votre projet de loi est donc trop vague en ce qui concerne les modalités concrètes de la compensation financière de l'État. Quant à la péréquation, elle est totalement absente.

En conclusion, si ce texte comporte des avancées significatives, de trop nombreuses questions restent en suspens. Mon vote sera donc conditionné à l'acceptation par le Gouvernement des amendements que nous proposerons sur les questions que je viens de développer, tant en ce qui concerne les sapeurs-pompiers professionnels que les sapeurs-pompiers volontaires, mais aussi en ce qui concerne le financement de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, « le commencement de la victoire, c'est l'audace », disait Plutarque.

M. Maurice Leroy. Joli !

M. Charles de Courson. Or d'audace, il semble que le Gouvernement en ait singulièrement manqué dans ce projet de loi, et la France demeurera le seul pays européen doté d'une telle organisation de sa sécurité civile. En effet, conserver au préfet la totalité de la compétence opérationnelle, et à travers lui à l'État, dont il est le représentant dans le département, tout en transférant au département la compétence administrative et financière, est un véritable archaïsme à l'heure de la décentralisation. Le maintien de cette dyarchie dans la gestion des SDIS n'est pas un bon principe d'organisation.

Mais, après ses prédécesseurs, le Gouvernement persiste dans la voie du conservatisme, en ne modifiant en rien cette architecture, ce qui révèle le contraire d'une volonté véritablement décentralisatrice. Une décentralisation réelle supposait en effet qu'on confie l'essentiel de l'organisation de la sécurité civile aux collectivités locales, plus précisément au conseil général, solution à laquelle le groupe UDF est favorable. Il ne suffit pas de se prononcer contre l'étatisation - là-dessus nous sommes à peu près tous d'accord. Il s'agit surtout de se prononcer en faveur du transfert aux collectivités locales de la compétence opérationnelle, à l'exception des dispositifs qui répondent à des circonstances exceptionnelles, c'est-à-dire les plans ORSEC et les plans rouges.

Mais le conservatisme et une volonté décentralisatrice finalement très frileuse vous ont interdit, monsieur le ministre, de prendre les mesures nécessaires pour l'avenir de notre sécurité civile. Il s'agissait pourtant d'une réforme assez simple à mettre en place : l'État gardait la compétence du plan ORSEC et du plan rouge, et tout le reste était confié aux services départementaux d'incendie et de secours. Or non seulement la lecture du projet de loi ne fait apparaître aucune remise en cause du système existant, mais nous constatons même un retour en arrière manifeste avec l'article 41, qui supprime la possibilité d'intégrer les SDIS aux services des conseils généraux.

En effet, la loi du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité, avait institué, à l'initiative de notre collègue Michel Mercier, la possibilité de transformer un SDIS en service du conseil général, géré dans le cadre d'un budget annexe. Cette mesure s'avère nécessaire, compte tenu du rôle croissant que les SDIS seront appelés à jouer en matière financière et de ses avantages pratiques en matière de gestion des immeubles et des matériels. Celui-ci deviendrait, une fois intégré, un service doté de l'autonomie financière. La faculté pour les départements d'intégrer les SDIS dans leurs services est la conséquence logique de la suppression des contributions communales, prévue pour 2008. Cette disposition, qui avait été adoptée en commission mixte paritaire, avait recueilli notre approbation dans la mesure où la liberté de choix était laissée aux SDIS. Or le Gouvernement nous indique dans son texte qu'il veut revenir en arrière et supprimer cette possibilité.

Parce que, à l'UDF, nous sommes partisans d'une plus grande responsabilisation des collectivités locales, nous souhaitons laisser aux conseils généraux et aux conseils d'administration des SDIS la liberté de choix en la matière. Il est essentiel que le conseil général puisse intégrer entièrement un SDIS en créant un budget annexe et en prévoyant une éventuelle consultation des communes - par l'intermédiaire, par exemple, d'une commission de gestion où seraient représentées les communes, et surtout les structures intercommunales, qui sont très souvent compétentes en la matière. Le choix serait clair, et il appartiendrait au conseil général de rendre ses propres arbitrages et de privilégier tel ou tel service public.

Nous avons déposé un amendement en ce sens afin de rétablir cette possibilité et son adoption par la commission des lois, monsieur le rapporteur,...

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je l'ai rappelé !

M. Charles de Courson. ...témoigne de la forte volonté de tous les élus que nous sommes de maintenir cette possibilité de choix.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Charles de Courson. Manque d'audace et conservatisme également par votre refus d'ouvrir la possibilité d'une fiscalisation des SDIS - vieux débat qui hante les discussions sur les SDIS. Le conseil général doit avoir la faculté de lever une fiscalité optionnelle et progressive pour financer sa contribution au SDIS. Il s'agit dans un premier temps de responsabiliser nos concitoyens en portant à leur connaissance le coût du service de la sécurité civile. Dans un deuxième temps, cela permettrait également de clarifier et de renforcer la transparence des coûts et des financements. L'UDF prône, une fois de plus, la responsabilité par cette disposition. L'affectation d'une recette fiscale permettrait de donner aux conseils généraux, ou aux SDIS, une autonomie fiscale, laquelle s'avère pour les conseils généraux particulièrement nécessaire compte tenu de la charge que leur fait supporter l'organisation administrative et financière de la gestion des SDIS.

Vous avez fait, monsieur le ministre, une ouverture, puisque dans votre discours introductif, vous nous promettez, pour supporter les charges des transferts de compétence, d'affecter aux départements la TCA - ou plus exactement la TCAA, la part automobile de la taxe sur les conventions d'assurance. Mais je voudrais attirer votre attention et celle de mes collègues sur le fait que cet impôt présente l'inconvénient majeur de n'être que partiellement localisable. En effet, se pose le problème des flottes mobiles des entreprises et du siège de ces flottes. Bien sûr, et si je voulais faire un peu d'humour, cette mesure arrangera le département des Hauts-de-Seine, mais aussi Paris, l'Essonne... puisque c'est là que se trouvent les sièges sociaux de ces flottes louées dans les différentes entreprises. Il est vrai que vous envisagez en la matière de mettre en place un fonds de péréquation avec ces flottes dites « mobiles », mais nous en reparlerons, car, dans la Marne, nous avons connu une situation comparable du temps de la vignette...

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Charles de Courson. La taxe sur les conventions d'assurance n'a d'intérêt que si son taux est modulable. Le Gouvernement s'est engagé sur ce point, mais j'attire votre attention sur deux problèmes.

Le premier problème est que le taux existant est de 33 % : 15 + 18. Or augmenter encore le taux de la TCA ne sera pas une affaire simple pour les conseils généraux une fois qu'ils pourront le moduler.

Deuxième problème encore plus grave : le secteur de l'assurance demande l'assujettissement de l'assurance dommage à la taxe sur la valeur ajoutée et la Commission européenne l'y encourage. Or si ces négociations aboutissent, la TCA sera supprimée. Et si c'est une recette des conseils généraux, ou des SDIS, ou une recette mixte, il faudra donc y substituer une dotation, ce qui entraînera un retour à la situation que nous connaissons.

Responsabilisation, audace et décentralisation, tels étaient les choix du groupe UDF en la matière. Choix, surtout, d'une évolution et d'une réforme que j'ai exposée dans les trois premiers points développés. Monsieur le ministre, vous avez préféré faire le choix d'un certain conservatisme, et que vous vous soyez engagé dans cette voie, alors que vous exprimez souvent le désir de réformer l'État, m'étonne de vous. Nombre de nos idées ont fait l'objet d'un vote favorable en commission des lois, grâce notamment à la grande sagesse de son président et de beaucoup de collègues de tous bords qui ont appuyé ces idées.

Venons-en maintenant au cœur du texte et des dispositions qui méritent que l'on s'y attarde quelques instants.

Je commencerai par évoquer une bonne idée de ce projet de loi qui, malheureusement, s'est trouvée quelque peu dégradée non seulement dès le texte originel, mais aussi après la première lecture par le Sénat. II s'agit de la création de la Conférence nationale des SDIS, dont le but est d'associer les acteurs de la sécurité civile à l'élaboration des textes. Nous souscrivons à cette idée en rappelant simplement qu'elle vient des présidents de SDIS qui l'avaient vendue à votre prédécesseur, monsieur le ministre. Mais en quoi cette idée s'est-elle quelque peu dégradée ?

Elle s'est dégradée parce que vous voulez associer dans cette conférence des parlementaires. Or pourquoi mettre des parlementaires dans cette conférence ? Ils sont là : ils légifèrent dans leur domaine. Vous voulez également y mettre les représentants des sapeurs-pompiers avec voie délibérative. Or votre idée aboutit à un mélange des genres, car autant les représentants des pompiers y ont tout à fait leur place, mais avec voie consultative comme ils l'ont dans nos conseils d'administration de SDIS, autant on ne voit pas l'intérêt d'y associer des parlementaires.

En second lieu, comment va s'articuler cette conférence avec le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, qui est, lui aussi, chargé d'examiner les textes pour les problèmes de personnel ? Certes, les représentants des sapeurs-pompiers professionnels font valoir qu'ils sont mal représentés - c'est le moins qu'on puisse dire - au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, ce qui est vrai, mais il fallait alors choisir entre les deux organisations. Or, vous maintenez les deux.

Notre position consiste donc à dire oui à la conférence, mais entre les représentants de l'État et les représentants des SDIS avec voie consultative pour les sapeurs-pompiers. Associer les représentants des sapeurs-pompiers, nous y sommes donc favorables.

Je ne reviendrai pas en détail sur l'article 41 ; j'en ai longuement parlé. Mais je maintiens que la possibilité pour un SDIS d'être intégré dans les services des conseils généraux est une mesure de simplification administrative dont nous avons perçu, depuis deux sessions, qu'elle constituait un cheval de bataille du Gouvernement, qui ne veut pas de cette disposition alors qu'elle avait déjà été votée. Monsieur le ministre, la commission des lois a maintenu la position qui avait été adoptée dans la loi de 2002, et, pour contester notre choix, vous avez évoqué trois raisons, sur lesquelles je voudrais répondre.

Raison opérationnelle, dites-vous pour commencer. Or elle ne tient pas, monsieur le ministre. Vous avancez qu'en cas de catastrophe majeure, l'État doit disposer des moyens d'agir. Nous sommes tout à fait d'accord, mais on peut parfaitement transférer la compétence opérationnelle à l'exception des plans ORSEC et des plans rouges. Quel intérêt y a-t-il à ce que la compétence opérationnelle appartienne au préfet quand il s'agit d'éteindre un petit incendie ou d'intervenir pour un accident de la route sans particulière gravité ? On n'a pas besoin des moyens interdépartementaux dans ces cas-là.

Deuxième raison : vous prétendez que le conseil d'administration des SDIS doit réunir les représentants des communes et des conseils généraux. Vaste débat ! Car le vrai problème est de savoir quelle sera la position des représentants des communes et des intercommunalités après 2008, après la suppression de leur contribution. Est-il sage de leur permettre de siéger dans une commission qui vote le budget ? On ne voit pas l'intérêt.

Troisième raison : vous avez évoqué l'attente des sapeurs-pompiers. Je m'étonne de cet argument de votre part, monsieur le ministre, vous qui avez - tout le monde le reconnaît - le sens de l'État. Il s'agit en effet d'un argument quelque peu catégoriel quand nous nous devons, ici, de légiférer pour le bien du service public et de l'intérêt général. En fait, les sapeurs pompiers seront beaucoup mieux traités par les élus locaux que par des systèmes nationaux, lesquels ne sont pas toujours adaptés à l'extrême diversité des situations.

En outre, je tiens à rappeler toute la portée de cette intégration des SDIS dans les services des conseils généraux puisqu'en tout état de cause, il s'agit dans notre esprit d'une possibilité, et non d'une obligation - ce qui a d'ailleurs conduit votre commission des lois, mes chers collègues, à adopter l'amendement que l'UDF avait déposé.

S'agissant des sapeurs-pompiers, le groupe UDF a proposé, d'une part, que l'activité de sapeur-pompier volontaire soit compatible avec toute activité professionnelle privée, salariée ou publique, ainsi qu'avec l'occupation d'un emploi de la fonction publique, et, d'autre part, que l'activité de sapeur-pompier volontaire ne soit pas soumise aux règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail. C'est important, car beaucoup de problèmes se sont posés.

Toutes ces dispositions ont pour but de faciliter le volontariat aussi bien de la part des volontaires eux-mêmes que des employeurs.

Parmi les mesures destinées à faciliter l'emploi de sapeurs-pompiers volontaires, l'UDF se félicite que la commission des lois ait eu la sagesse d'adopter un amendement proposé par notre groupe visant à autoriser les SDIS à conclure avec les employeurs publics ou privés une convention par laquelle ces derniers s'engagent à mettre à disposition leurs employés sapeurs-pompiers volontaires en contrepartie d'une indemnité forfaitaire de 10 % de réduction des cotisations sociales. Cette mesure est destinée à remplacer les fameuses réductions, dont vous vous souvenez tous, des primes d'assurance contre l'incendie prévues en faveur des employeurs de sapeurs-pompiers volontaires introduites en 1996 et jamais appliquées parce qu'inapplicables. Par conséquent, aucune incitation financière n'est aujourd'hui proposée aux employeurs de sapeurs-pompiers volontaires, alors même que leurs employés consacrent une partie de leur temps professionnel à la sécurité civile.

Il convient donc de trouver un système adapté permettant de compenser, aussi bien symboliquement que financièrement, les carences temporelles des volontaires qui partent en intervention.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

M. Charles de Courson. Le système que nous proposons, aussi imparfait soit-il, a recueilli l'approbation de nos collègues et, je l'espère, s'inscrira durablement dans la loi.

Enfin, l'UDF œuvrant depuis des années afin que soient instituées des prestations de fidélisation et de reconnaissance - idée que nous avons avancée en direction de présidents de SDIS -, je ne peux que féliciter le Gouvernement d'avoir retenu ce dispositif. Nous avons souhaité de plus étendre à cette prestation l'insaisissabilité et 1'exonération de prélèvements sociaux dont bénéficie actuellement l'allocation de vétérance. Notre commission des lois a voté cette disposition et j'ai cru comprendre en écoutant votre intervention, monsieur le ministre, que vous ne vous y opposeriez pas, voire que vous y étiez favorable, ce dont je vous félicite également.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Charles de Courson. J'ajoute que les idées retenues sur les améliorations concernant les professionnels vont dans la bonne direction.

Voilà, en quelques remarques, les positions que notre groupe a souhaité défendre.

En conclusion, ce texte aurait pu être l'occasion de continuer l'œuvre décentralisatrice engagée il y a maintenant deux ans, monsieur le ministre. Malheureusement, le jacobinisme a encore de beaux jours devant lui et nous le regrettons.

Mme Anne-Marie Comparini. Eh oui !

M. Charles de Courson. Cependant, si l'Assemblée nationale maintient les amendements votés en commission des lois, le groupe UDF votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer l'action des pompiers engagés depuis plusieurs jours contre les incendies de forêts dans les Bouches-du-Rhône - et, plus particulièrement les soixante-seize sapeurs-pompiers auvergnats, professionnels et volontaires, dont vingt-six du Puy-de-Dôme, mon département, qui, au Rove, aux côtés des locaux et des renforts d'autres régions, ont contribué à éteindre un incendie qui a détruit 450 hectares de garrigue aux portes de Marseille.

Cette intervention est symbolique d'une dimension forte de la sécurité civile aujourd'hui : la nécessaire coordination nationale dans certaines situations et l'indispensable complémentarité entre professionnels et volontaires.

Je commencerai cette intervention par un rappel historique.

Longtemps, les hommes eurent une attitude fataliste face aux catastrophes et cataclysmes. Mais pouvait-on demander aux princes ou aux magistrats qui gouvernaient les hommes de faire quoi que ce soit face à une inondation, un tremblement de terre ou une éruption volcanique ? Ces désastres n'étaient-ils d'ailleurs pas considérés comme d'essence divine ?

Puis, le temps passa, et la pensée occidentale prit un virage déterminant. Ainsi, quand il fut admis que le savoir destiné à sauver les hommes d'une catastrophe n'était pas sacrilège, ceux-ci purent s'organiser et chercher à se préserver contre les tremblements de terre, les éruptions volcaniques, les inondations, et bien sûr les feux de forêt.

La lutte contre l'incendie fut toujours une affaire de solidarité humaine. Les exemples sont nombreux d'organisation des secours : le tocsin du clocher devait sonner l'alarme ; les communes mettaient en place des guetteurs dans leurs beffrois ; les moines ont très vite constitué un véritable service de lutte contre les incendies. Au XIVe siècle, Charles V imposa aux habitants de Paris d'avoir au moins un seau d'eau près de leur porte d'entrée, soit pour étouffer un début d'incendie, soit pour collaborer à une chaîne afin de lutter contre un sinistre dans le quartier.

Le code général des collectivités territoriales - notamment dans son article L. 2212-2 - a, par la suite, donné au maire un pouvoir très fort en ce domaine dans le cadre de ses pouvoirs de police, puis au département avec les lois de février 1992, mai 1996 et février 2002.

L'organisation de la sécurité civile, nous le voyons, a très vite été une préoccupation des gouvernants et des populations. Mais elle ne se résume plus à la seule lutte contre les incendies. Au XXe siècle est apparue la distinction entre protection civile et sécurité civile. Cela signifiait non seulement que la tâche des pompiers ne se limitait plus uniquement à la lutte contre l'incendie, mais aussi que la protection contre les accidents et catastrophes dépassait le cadre administratif des divers corps de sapeurs-pompiers.

Aujourd'hui, le courage et le dévouement des sapeurs-pompiers ne sont plus à démontrer, et l'examen de ce projet de loi est l'occasion de rendre un sincère hommage non seulement aux professionnels, qui exercent un métier difficile, exigeant, mais aussi aux volontaires : le maire d'une petite commune rurale que je suis connaît l'ampleur de leur contribution au sein des centres de première intervention intégrés au corps départemental, il connaît leur disponibilité et sait combien leur formation et l'accroissement de leurs compétences sont importants.

La sécurité civile ne doit pas moins être considérée comme un véritable service public, qu'il convient de développer sans relâche, dès lors que la population se trouve confrontée de plus en plus souvent à de nouveaux risques, qui nous dictent l'exigence de maintenir une forte professionnalisation.

Dans cette optique, nous approuvons les aspects positifs du projet de loi, sans oublier ses insuffisances.

Ainsi, nous nous réjouissons que le texte prévoie l'apprentissage, à l'école, des gestes élémentaires de premier secours et des principes fondateurs de la sécurité civile. Mais nous aurions souhaité qu'il soit plus novateur en la matière. En effet, pourquoi ne pas continuer cette formation tout au long de la vie ? S'ils ne sont pas répétés, certains gestes s'oublient vite. Aussi avons-nous déposé un amendement proposant que les comités d'hygiène et de sécurité dispensent, dans les entreprises et tout au long de la vie professionnelle, une formation continue aux gestes qui sauvent.

Pourquoi ne pas proposer également que les élus locaux soient plus sensibilisés et mieux formés en ce qui concerne les risques encourus sur leur territoire, par exemple ceux qu'engendre une urbanisation croissante dans des zones inondables ?

Puisque nous avons tous la volonté de responsabiliser les jeunes et de les inciter à s'engager, je pense, messieurs les ministres, que vous accepterez notre proposition de créer un certificat d'aptitude professionnelle de sapeur-pompier de deuxième classe. Nous aurons l'occasion d'en rediscuter lors de la discussion des articles, mais j'estime d'ores et déjà que multiplier les possibilités pour les jeunes de se former au métier de sapeur-pompier est la meilleure solution pour susciter des vocations et augmenter les effectifs.

Tout le monde s'accorde en effet pour dire que, depuis plusieurs années, le volontariat traverse une crise. Le nombre de volontaires baisse régulièrement, malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation. Le problème est surtout celui de la durée de l'engagement et de la fidélité au service. Actuellement, la durée moyenne d'engagement est d'environ huit ans. Nous aurions préféré que soit instaurée une prime au réengagement plus incitative qu'une simple mesure s'apparentant à un avantage vieillesse, même si la création d'une authentique allocation de retraite est un acquis non négligeable. Cette prime serait beaucoup plus attractive − surtout pour les jeunes qui se sont engagés à seize ans − qu'un avantage dont les sapeurs-pompiers volontaires ne pourront bénéficier qu'au moment de leur retraite.

Enfin, il faudrait permettre aux salariés de concilier les contraintes professionnelles et la disponibilité permanente qu'exige le volontariat. Pour cela, il conviendrait de donner aux employeurs les moyens de dégager du temps pour ces salariés volontaires, sans pour autant les pénaliser d'un point de vue professionnel. Pensez-vous vraiment, messieurs les ministres, que les réponses apportées dans le projet de loi soient à la hauteur du problème posé ?

Par ailleurs, le Gouvernement a enfin entendu les sapeurs-pompiers qui voulaient que soit reconnu le caractère dangereux de leur profession. Cette revendication est pleinement justifiée par les faits, et trop nombreux sont les pompiers qui ont perdu la vie ou ont été gravement blessés, ces dernières années, dans l'exercice de leurs fonctions. La nation leur devait cette reconnaissance, comme elle la doit à tous les sapeurs-pompiers en activité.

Mais, même si elle était indispensable − et inéluctable −, cette mesure ne va pas assez loin dans la reconnaissance de la pénibilité du métier de sapeur-pompier, et l'un de nos amendements propose d'instituer une bonification des deux cinquièmes du temps de service accompli en qualité de sapeur-pompier professionnel pour la liquidation de la pension de retraite.

Mais ces observations ne rendent pas compte de toutes les insuffisances du projet de loi. Ainsi, nous estimons que le problème du financement de la sécurité civile n'est pas réglé.

La disposition prévoyant le transfert, au 1er janvier 2005, en contrepartie de la DGF, d'une partie du produit de la taxe sur les conventions d'assurance automobile est insuffisante et inadaptée. Les collectivités territoriales garderont-elles la maîtrise de ce financement et auront-elles le pouvoir de moduler le taux de cette taxe sur les conventions d'assurance ? Si elles se trouvent dans l'incapacité de maîtriser ce taux, voire la localisation de son assiette, elles perdront encore un peu plus de leur autonomie financière, ce qui ne rassure pas les élus que nous sommes.

Pour répondre au principe d'autonomie financière des collectivités locales, il est indispensable que la taxe transférée aux départements soit modulable et révisable. C'est d'autant plus nécessaire que la charge correspondante a un caractère dynamique, évolutif, et qu'elle est en progression constante. Monsieur Geoffroy, psalmodier « article 72-2 de la Constitution » ne suffit pas.

M. Guy Geoffroy. Pourtant, c'est important !

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. M. Chassaigne choisit ses mots, aujourd'hui !

M. André Chassaigne. Je suis bien plus doux que la semaine dernière. (Sourires.)

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je le reconnais !

M. Éric Diard, rapporteur pour avis. C'est la verveine !

M. André Chassaigne. Non, c'est le week-end !

Lors de votre audition devant la commission des lois, monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez tenté de nous tranquilliser en arguant du fait que, lorsque « les transferts prévus par le projet de loi relatif aux responsabilités locales auront été mis en œuvre, la totalité du produit de cette taxe sera transférée aux départements, qui seront alors dotés du pouvoir d'en moduler les taux ». Hélas, nous ne nous faisons guère d'illusions sur le montant des compensations financières qui accompagneront les transferts de compétences organisés par le projet de loi relatif aux responsabilités locales. Il est vrai que le débat a été sensiblement écourté, mais il aurait sûrement démontré que l'État entendait déléguer des compétences aux collectivités territoriales sans verser de contreparties financières satisfaisantes, en particulier au regard du caractère évolutif des dépenses.

Avec le projet de loi de modernisation de la sécurité civile, l'État se décharge un peu plus de ses responsabilités, et donc de ses charges financières : cela risque fort de provoquer des dérives dans la structure des dépenses des collectivités.

Par ailleurs, avec la brusque montée en charge des départements dans le financement des services départementaux d'incendie et de secours, les arbitrages budgétaires risquent d'être fort délicats à l'avenir, par exemple lorsqu'il faudra choisir entre la voirie, l'aide sociale et la construction d'un centre de secours. Comme les élus hésitent rarement à donner aux SDIS des moyens financiers leur permettant de fonctionner au mieux des intérêts de nos concitoyens, ce sont certainement les autres domaines de compétence des conseils généraux qui pâtiront d'un accroissement des charges en matière de sécurité civile.

Enfin, la question du statut des personnels n'est pas posée au fond.

D'une part, il convient de réaffirmer avec force que les sapeurs-pompiers professionnels sont des personnels à part entière de la fonction publique territoriale. Bien évidemment, les sapeurs-pompiers volontaires constituent un atout indéniable pour les services d'incendie et de secours, puisqu'ils assurent la majorité des secours dans les zones rurales.

D'autre part, les effectifs peuvent être également complétés par la réserve de sécurité civile. À ce sujet, je souhaiterais formuler deux remarques. Tout d'abord, nous nous félicitons − même si tous les groupes ne partagent pas notre avis − que le Sénat ait supprimé la réserve départementale et que la réserve soit composée sur la base du volontariat, ce qui n'était pas le cas auparavant et qui était très mal vécu par les sapeurs-pompiers. Mais nous craignons que la réserve ne devienne une force supplétive amenée à pallier systématiquement l'insuffisance des effectifs de sapeurs-pompiers, notamment professionnels.

En effet, il semble pertinent d'instituer une réserve civile pour des catastrophes majeures. Mais la loi permet l'intervention de la réserve pour « renforcer les services d'incendie et de secours en cas d'événements excédant leurs moyens habituels ou dans des situations particulières ».

Monsieur le ministre de l'intérieur, quelle est votre opinion sur l'avis du Conseil d'État, daté du 3 mars 1993, par lequel les sapeurs-pompiers volontaires sont qualifiés « d'agents publics contractuels à temps partiel », ce qui les assimile de fait à des agents de droit public à temps non complet relevant de la fonction publique territoriale ? Il faudrait éclaircir cela, pour bien faire la différence entre, d'une part, les professionnels et, d'autre part, les volontaires.

En palliant le manque d'effectifs de fonctionnaires et le manque de disponibilité des volontaires, cette réserve ne risque-t-elle pas d'entraver le recrutement de titulaires sur des emplois permanents ? Cette question est d'autant plus légitime que vous mettez en œuvre une politique de suppression de postes et de non-remplacement des fonctionnaires. C'est, en effet, une orientation prioritaire du Gouvernement, qui veut toujours moins de fonctionnaires.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Caricature !

M. Guy Geoffroy. On ne l'avait pas encore entendue, celle-là !

M. André Chassaigne. Il ne faudrait pas que l'on profite de cette loi pour réduire le nombre des fonctionnaires et que l'on s'appuie trop sur le volontariat et sur la réserve civile.

Enfin, nous étions inquiets de voir que l'article 41 du projet supprime la possibilité de faire du SDIS un service du conseil général. En la matière, l'exemple récent d'EDF-GDF est de bien mauvais augure. Le choix du statut d'établissement public laisse en effet la porte ouverte à une éventuelle privatisation. C'est pourquoi nous voyons d'un bon œil la possibilité de les intégrer dans la fonction publique territoriale. Si les SDIS deviennent un service du conseil général, cela évitera des glissements futurs vers la privatisation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La commission des lois a adopté un amendement de suppression de l'article 41 : nous espérons qu'il sera adopté par l'Assemblée, mais doutons que le Gouvernement y soit aussi favorable. En tout état de cause, nous attendons l'examen de cet article pour formuler d'autres remarques à ce sujet.

Nous sommes soucieux de ne pas créer une sécurité civile à deux vitesses. Ses missions doivent être assurées par des professionnels, bénéficiant du statut de fonctionnaire et d'une formation appropriée, et méritant de voir reconnue la dangerosité de leur métier. Ils sont assistés de sapeurs-pompiers volontaires, mais nous aimerions que la situation soit équilibrée et que le développement nécessaire du volontariat ne soit pas un prétexte à réduire les postes permanents. Pour cela, il faut que les collectivités territoriales aient les moyens de maintenir, voire de créer, davantage de postes, ce qui n'est nullement assuré dans ce projet de loi.

Messieurs les ministres, nous attendrons donc la discussion des articles pour déterminer notre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en cette période estivale, alors que les incendies ont commencé à ravager la Corse et le Midi, nous sommes appelés à délibérer sur un fort important projet de loi relatif à la modernisation de la sécurité civile.

Le Gouvernement et tous les groupes parlementaires − au premier rang desquels figure celui de l'UMP − ont ainsi l'occasion de témoigner aux sapeurs-pompiers la reconnaissance de la nation pour l'immense travail qu'ils accomplissent, tant au quotidien et au plus près de chez nous qu'à l'occasion des très malheureux incendies qui se déclenchent en été dans certaines parties de notre territoire. Pour remplir leur mission difficile, ils font toujours preuve d'une abnégation exemplaire.

Si elle ne le faisait pas au moment d'aborder l'examen de ce texte, la représentation nationale faillirait à sa mission.

Ce texte est avant tout le résultat, et vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, d'une approche globale et cohérente, dictée par des évolutions incontestables : la nécessité d'améliorer l'efficacité de nos dispositifs de protection et de sécurité civiles, et de les adapter à la nouvelle organisation de notre pays, tout particulièrement à la décentralisation sans cesse plus poussée de la République. Cette cohérence qui s'inscrit en filigrane fait de ce projet de loi un document ambitieux qui obéit à trois mots d'ordre : mobilisation, clarification, valorisation.

Mobilisation tout d'abord. Le texte lui-même rappelle, tout comme son exposé des motifs, bien que la protection et la sécurité civiles sont l'affaire de tous, à tout moment, en tout lieu, et du plus jeune âge jusqu'à celui où l'on décide d'exercer parfois à titre professionnel des missions qui y concourent.

À cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter de la proposition d'inscrire dans le parcours scolaire de nos enfants la nécessaire adaptation à l'ensemble des connaissances de base qu'il faut avoir, et qu'il faut faire évoluer, quant à la maîtrise des outils et des gestes élémentaires dans le domaine de la sécurité civile. Cette réforme est d'autant plus opportune qu'en parallèle, dans le cadre de la préparation de la future loi d'orientation sur l'école, la Commission nationale du débat sur l'avenir de l'école a tenu à réfléchir au socle des connaissances que tous les enfants devraient avoir à l'issue de leur scolarité obligatoire, et en particulier à un ensemble complet, organisé, ordonné de principes nécessaires à l'exercice de la citoyenneté. Est-il acte plus citoyen, tant pour soi que pour autrui, que celui de concourir à la maîtrise des gestes élémentaires de sécurité civile ?

Mobilisation, aussi, de l'ensemble des acteurs institutionnels placés sous l'égide de l'État qui reste maître de la cohérence globale du dispositif. Mais ils sont appelés, les uns et les autres, à mieux exercer encore leurs responsabilités de proximité et de subsidiarité. Nous ne pouvons donc que saluer, compte tenu de l'importance qu'elle revêt, la création de réserves au niveau communal - conformément au vœu du Sénat, que notre commission des lois a suivi - qui interviendront en complément des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Elles constitueront ainsi un élément qui permettra de réagir mieux, plus vite et plus efficacement, aux difficultés exceptionnelles qui pourront surgir.

Après la mobilisation, la clarification à laquelle le projet procède pour mieux identifier les compétences et permettre ainsi une optimisation de l'efficacité de chacune des strates de l'organisation politique et administrative de notre pays, du haut jusqu'en bas.

À ce titre, nous nous réjouissons de la création de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours et nous saluons la volonté d'assurer au niveau national un pilotage et un échange sur les pratiques pour rassembler, comme il convient, tous les éléments qui concourent à l'analyse et au diagnostic. Ainsi, conformément à sa mission, l'État continuera à assurer la meilleure maîtrise des moyens de la sécurité civile dans la plus grande solidarité entre les départements et les territoires. La sécurité doit être la même pour tous en tout point de la République.

Par ailleurs, cette coordination donnera à chacun des partenaires institutionnels une place mieux identifiée dans l'ensemble du dispositif. L'État doit rester le pilote du système, sans revenir à une étatisation qui ne serait plus de mise, mais sans renoncer non plus à toute participation à l'action quotidienne de la sécurité civile. Les départements se verront reconnaître les moyens d'exercer leurs responsabilités. Quant aux communes, dont on ne dira jamais assez combien elles ont un rôle important à jouer, tant sur le plan opérationnel que sur celui de la prévention, elles auront, le cas échéant, la charge des plans communaux de sauvegarde qui seront un élément très important de l'action des maires, des conseils municipaux et des équipes qui auront pu se constituer à cet échelon - je veux parler des réserves communales de sécurité civile. Celles-ci imprimeront un dynamisme supplémentaire à la gestion locale de la problématique de la sécurité civile.

Mobilisation, clarification, mais surtout valorisation. J'ai rappelé tout à l'heure en commission les propos de notre collègue Jérôme Lambert. L'avancée sans doute la plus importante aux yeux de nos sapeurs-pompiers est constituée par toutes les dispositions qui contribuent à la valorisation de leur métier, à commencer par l'affirmation, enfin ! du caractère dangereux de leur mission. Ce n'est pas qu'une affirmation de principe puisque le projet de loi apportera des améliorations substantielles pour les sapeurs-pompiers professionnels avec la diversification des voies qu'ils pourront désormais suivre en fin de carrière, au cas où ils éprouveraient des difficultés à assumer leur métier initial. Notre rapporteur en a prévu une nouvelle qui, je l'espère, sera acceptée par le Gouvernement. Les sapeurs-pompiers volontaires, que nous rencontrons si souvent à l'occasion de nos déplacements dans les centres d'intervention et qui, en milieu rural surtout, sont l'âme des services d'intervention de proximité, attendent depuis longtemps la reconnaissance qui est due à leur dévouement, à leur disponibilité, à leur abnégation et, quelquefois, à leur sacrifice. Que les 200 000 sapeurs-pompiers volontaires qui secondent les 40 000 professionnels se voient accorder une prime de fidélisation, qui leur fournira un supplément de retraite qu'ils auront bien mérité, c'est la reconnaissance concrète, au terme de leur vie professionnelle, du travail qu'ils ont accompli au service de la collectivité.

De toutes ces dispositions, il ressort, monsieur le ministre, que votre projet de loi est ambitieux, équilibré, réaliste et opérationnel. Notre commission des lois l'a approuvé, tout en lui apportant des améliorations qui, pour la plupart, vont dans le sens que vous souhaitez. En votant l'ensemble des dispositions, le groupe UMP se place à vos côtés pour faire avancer la modernisation de notre système de sécurité civile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous abordons l'examen d'un texte attendu par les sapeurs-pompiers, je voudrais, comme tous ceux qui se sont succédé à cette tribune, leur exprimer la profonde reconnaissance du pays pour la mission que professionnels et volontaires accomplissent quotidiennement.

Ces jours d'été, avec leur cortège d'incendies de forêt, soulignent l'importance de la mission de sauvegarde des biens et des personnes que chaque sapeur-pompier remplit avec abnégation et courage.

Hier, monsieur le ministre, vous avez dénoncé des mains criminelles dont nous savons trop bien les dégâts qu'elles ont causés dans le passé. Sans doute sont-elles à l'origine de certains des récents départs de feu. Mais il nous faut d'abord ensemble dénoncer l'inconscience, l'inconséquence, l'imprudence de quelques-uns avant de condamner, à l'issue d'enquêtes que nous souhaitons rapides et efficaces, les actes criminels et répréhensibles.

Pour en venir au texte, votre projet de loi, monsieur le ministre, ne répond que partiellement aux attentes des acteurs de la sécurité civile et il manque singulièrement d'ambition.

Vous nous le présentez comme un projet refondateur après la dernière loi relative à l'organisation de la sécurité civile du 22 juillet 1987. Force est de constater que ce texte se contente surtout de réorganiser l'existant, par exemple en simplifiant la planification des secours, en mentionnant les acteurs de la sécurité civile, en citant les associations, mais il ne prépare pas la politique ambitieuse de réponse aux risques nouveaux qui nous menacent, et laisse de nombreuses questions sans réponse.

Quelle articulation le Gouvernement propose-t-il entre sécurité civile et défense civile au-delà de la seule mention à l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ? Où en est-on de la définition de nouvelles doctrines face aux menaces terroristes après le 11 septembre, et surtout après l'attentat plus récent de la gare de Madrid, puisque nous sommes en Europe et dans l'Europe ? S'agissant des SDIS, quelles réflexions le Gouvernement a-t-il lancées pour améliorer la définition de leurs missions ? Sont-ils simplement investis de compétences techniques et, si oui, faut-il alors limiter ces dernières alors que se développent les transports sanitaires par carence, pourtant fort coûteux pour les SDIS et démobilisateurs pour les volontaires ? Doivent-ils au contraire jouer, et si oui, avec quels moyens, un rôle dans l'assistance aux populations en remplacement d'autres services publics qui se retirent, notamment en milieu rural ?

S'agissant de mesures techniques, l'article 20 sur le commandement des opérations de secours, le COS, témoigne bien de votre difficulté à arbitrer entre les services placés sous votre autorité - pompiers, policiers et gendarmes ? Est-il bien cohérent de prévoir dans le règlement opérationnel du SDIS la possibilité de désigner un commandant qui ne soit pas sapeur-pompier ? Enfin, dans les Bouches-du-Rhône, comment expliquerez-vous aux populations les difficultés que ne manquera pas d'entraîner la reconnaissance au même niveau de deux entités investies des mêmes compétences ?

M. Roland Blum. Vous parlez de choses que vous ne connaissez pas !

M. Jean Launay. En deuxième lieu, votre projet ne renforce aucunement la capacité de l'État à gérer les crises de grande envergure et laisse pendantes de nombreuses autres interrogations.

Le projet de loi Vaillant tendait à créer, auprès des préfets de zone et de départements, une réserve de sécurité civile et, auprès des préfets de zone, un détachement d'intervention, véritable force d'appui en cas de catastrophe et, par ailleurs, excellent support pour former des jeunes et les préparer à un emploi dans les métiers de la sécurité civile.

Compte tenu de la fin de la conscription, vous admettez, certes, notre grande fragilité pour gérer dans la durée des crises de grande ampleur. Mais vous choisissez au contraire de négliger la zone de défense qui, bien que correspondant à un niveau d'organisation pertinent des services placés sous votre autorité, demeure la grande absente de votre projet de loi. Que pourra faire un préfet de zone lors d'une catastrophe ? Et comment pourra-t-on compter sur son influence auprès des élus pour mobiliser auprès des SDIS et des réserves communales les moyens que l'État ne lui donne pas ?

Vous proposiez, à l'origine, non plus une réserve de sécurité civile pilotée par l'État, mais deux réserves, l'une départementale et l'autre communale puis, très vite, la première lecture au Sénat n'a plus conservé qu'une seule réserve communale. L'ambition d'origine s'est dégonflée et le transfert de responsabilités et de charges vers le maire est patent. Pensez-vous vraiment, monsieur le ministre, pouvoir gérer une catastrophe de grande ampleur en faisant appel à une nuée de réserves communales ?

Dans le même esprit, votre prédécesseur avait annoncé le 16 septembre 2003, devant le congrès de l'Association des départements de France, une loi de programmation sur cinq ans visant à permettre à la sécurité civile de se doter « principalement dans les domaines de l'alerte et de la protection des populations, des moyens aériens de lutte contre les feux de forêt et de préparation face aux crises ». Où en est-on de cette ambition pour la sécurité civile ? À l'horizon, nous ne voyons se profiler aucune loi de programmation, aucune mesure relative à l'alerte des populations - elles continueront d'entendre fonctionner les vieilles sirènes de la défense passive -, ni aucune préparation à la crise, qu'elle soit de nature nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique.

En troisième lieu, le projet, me semble-t-il, est hybride pour les SDIS, puisque, à la fois, il maintient la compétence partagée de l'État et des collectivités locales et opère le lancement de leur « conseil-généralisation », si j'ose dire.

Alors que le projet de loi sur les responsabilités locales vise à clarifier l'exercice des compétences confiées aux collectivités locales, en évitant les interventions conjointes et les financements croisés, le Gouvernement maintient, dans ce texte, une compétence partagée sur les SDIS, le maire et le préfet ayant la main sur l'opérationnel, le président du CASDIS ayant en charge la gestion administrative et financière. Quelle est la raison du maintien d'un tel particularisme alors que le SDIS intervient dans la majorité des situations de façon autonome dans la conduite des opérations ? Pourquoi ne pas réserver la compétence du préfet au cas de déclenchement d'un plan, le président du CASDIS restant compétent pour la sécurité du quotidien, ce qui ne pose aucun problème particulier ?

En dépit de vos dénégations au Sénat, le Gouvernement organise de fait une réelle « conseil-généralisation » des SDIS : le président du conseil général devient le président du CASDIS ou désigne celui qu'il veut investir de la fonction, les conseillers généraux sont majoritaires au sein du conseil d'administration et dès 2008 le département contribuera seul aux dépenses du SDIS.

Par ailleurs, et malgré l'annonce d'un engagement relatif à la taxe sur les conventions d'assurance, dont la réalisation attendra cependant la loi de finances - on sait qu'en ce domaine il y a parfois loin de la coupe aux lèvres -, l'État ne respecte toujours pas ses engagements pour contribuer au financement des SDIS. S'agissant du fonds d'aide à l'investissement des SDIS, les crédits pour 2004 ne seraient toujours pas notifiés ! Quant à la mise en œuvre de l'article 124 de la loi relative à la démocratie de proximité, la plupart des SDIS n'ont reçu aucun crédit des hôpitaux pour les transports par carence des ambulanciers privés.

Enfin, si je soutiens, comme je le fais d'ailleurs pour votre projet de fin de carrière des sapeurs-pompiers professionnels, la création d'un avantage retraite en faveur des sapeurs-pompiers volontaires, mesure destinée à mieux reconnaître leur engagement au service de nos concitoyens et à favoriser l'allongement de sa durée, je regrette qu'aucune disposition concernant leurs employeurs tant publics que privés ne figure dans le texte contrairement aux préconisations du rapport Fournier sur le volontariat. Vous manquez là, à mon sens, un véritable rendez-vous avec la défense de la cause du volontariat, car des mesures visant à améliorer la disponibilité des volontaires n'auraient pas manqué de conforter et de faciliter le fonctionnement des SDIS.

Telles sont, monsieur le ministre, mes interrogations sur votre projet de loi. Sans doute allez-vous nous expliquer, lors de son examen, le décalage existant entre le fort effet d'annonce politique et la réalité d'un texte sans envergure ni souffle, comme l'ont relevé des représentants de la profession, texte qui prépare, de toute évidence, un transfert plus réel des compétences, dans quelques années, au profit des collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de modernisation de la sécurité civile est très attendu dans les rangs des sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires. Il est d'autant plus attendu que le rôle des sapeurs-pompiers, essentiel sur tout 1e territoire, est reconnu par toute la population.

À titre d'exemple, dans la région Centre, on compte 12 700 soldats du feu, dont 1 500 professionnels, qui effectuent 137 000 interventions chaque année, soit une sortie toutes les cinq minutes. Huit missions sur dix sont assurées par des volontaires.

Le dernier texte de cette envergure remonte à 1996. Le nouveau cadre législatif que nous examinons aujourd'hui est censé régir les services départementaux d'incendie et de secours pour les vingt années à venir, d'où son importance.

Pour autant, le projet de loi de modernisation de la sécurité civile élude, me semble-t-il, certaines questions, que je vous exposerai de manière succincte, afin de les mettre en exergue.

Il s'agit tout d'abord de recadrer les compétences des associations agréées de secouristes, afin d'éviter toute interférence avec l'action des équipes des services d'incendie et de secours, des SAMU et des SMUR. En effet, l'article 32 bis nouveau entraîne une extension des compétences des associations de prompt secours, laquelle est susceptible de porter atteinte aux compétences dévolues aux SDIS, aux SAMU et aux SMUR.

De la même manière, l'article 39 étend la consultation de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours aux projets de loi ou d'acte réglementaire relatif aux missions, à l'organisation, au fonctionnement ou au financement des SDIS.

Là encore, un recadrage des compétences semble incontournable. Cette extension de compétences de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours conduirait à lui soumettre la quasi-totalité des projets d'acte réglementaire et ce, quels que soient leur objet et leurs enjeux ! Au risque d'engorgement des travaux de la Conférence nationale des SDIS, viendraient s'ajouter une perte d'efficacité de l'action gouvernementale dans le cadre de la mise en œuvre de la loi et une possible perte d'autorité de l'institution. C'est pourquoi le groupe UDF propose de limiter la consultation de la Conférence aux projets de loi et de décret relatifs aux services d'incendie et de secours, en rétablissant la rédaction initiale du deuxième alinéa de l'article 39 du projet de loi du Gouvernement.

De plus, il conviendrait de définir avec plus de précision les missions des réserves communales de sécurité civile afin qu'elles soient un véritable appui logistique pour les services d'incendie et de secours.

En outre, il convient de ne pas négliger le volet de la formation. La formation scolaire doit comporter une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours, plutôt qu'un apprentissage.

Il me semble également incontournable de poser la question du recrutement des SDIS. L'article 55 propose la possibilité pour les SDIS de recruter, dans les conditions prévues pour la fonction publique territoriale, des sapeurs-pompiers volontaires sur contrat, en vue de faire face à des besoins saisonniers ou à un accroissement temporaire des risques. Mais la possibilité pour les SDIS de recruter « pour assurer le remplacement momentané de sapeurs-pompiers professionnels » n'est même pas évoquée, alors qu'il s'agissait d'un des objectifs avancés initialement par le projet de loi ! En outre, cette disposition est déjà insérée dans la loi du 3 mai 1996, relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers.

Aussi proposons-nous, grâce à ce nouveau dispositif, que le remplacement momentané de sapeurs-pompiers professionnels puisse être assuré, comme le permet l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984.

La question du recrutement des SDIS me permet d'aborder un point qui n'a encore été évoqué par aucun orateur : la prise en compte des temps de récupération à l'issue des missions assurées par les sapeurs-pompiers. Il s'agit d'une question importante : qui est responsable, en cas d'accident du travail d'un sapeur-pompier qui n'a pas disposé d'un temps suffisant de récupération entre sa mission de secours et 1a reprise de son activité professionnelle ? Je souhaite qu'à l'issue de l'examen du texte, la représentation nationale ait reçu une réponse à cette importante question.

Je tiens enfin à rappeler à mon tour combien la clarification du régime juridique et fiscal et de l'assujettissement aux prélèvements sociaux de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires s'avère indispensable.

Tels sont les points, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il nous faut absolument prendre en compte aujourd'hui pour engager une réforme durable de la sécurité civile de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Damien Meslot.

M. Damien Meslot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de modernisation de la sécurité civile dont nous débattons actualise de façon déterminante la loi du 21 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile et à la protection de la forêt contre les risques d'incendie.

Comme vous l'avez souligné avec justesse, monsieur le ministre, la sécurité civile est au cœur de la préoccupation des Français. Je me réjouis que nous puissions examiner et adopter cette loi avant la fin de notre session extraordinaire. Ainsi, les 240 000 pompiers professionnels et volontaires se sentiront totalement soutenus et reconnus par la représentation nationale dans la période de l'année où les risques sont les plus élevés et la mobilisation la plus forte, comme nous avons malheureusement pu encore le constater ces derniers jours.

Deux autres lois importantes, votées en mai 1996, avaient modernisé notre législation relative aux forces de sécurité civile, celle créant le service départemental d'incendie et de secours et celle relative au développement du volontariat. Un nouvel élan était aujourd'hui nécessaire et il convenait de montrer l'attachement et la reconnaissance de la nation aux forces de sécurité civile qui, je le rappelle, effectuent près de 3 millions d'intervention par an, soit une toutes les neuf secondes.

Le projet de loi, pour la première fois, reconnaît officiellement la dangerosité du métier de sapeur-pompier. Ce caractère est incontestable. Là encore, les chiffres parlent d'eux-mêmes : vingt-cinq sapeurs-pompiers sont décédés en service en 2002 et dix-sept en 2003 et, pour la seule année 2002, 16 000 accidents ont été recensés.

Ce texte a également le mérite de rendre attractif l'engagement dans le volontariat. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait déjà ouvert la voie à une telle revalorisation du statut des sapeurs-pompiers volontaires, par le décret du 28 novembre 2003, qui a permis d'abaisser l'âge du recrutement à seize ans et de prolonger la durée d'engagement jusqu'à cinquante-cinq ans, tout en améliorant les conditions d'attribution de l'allocation de vétérance, prévue par la loi de 1996. Le présent projet de loi complète et amplifie ce mouvement. Il met en œuvre les moyens financiers et juridiques permettant une amélioration sans précédent des conditions d'exercice des sapeurs-pompiers.

S'agissant des sapeurs-pompiers professionnels, non seulement ce gouvernement est le premier à reconnaître officiellement la dangerosité de leur métier mais, de plus, le projet ouvre des possibilités exceptionnelles pour l'aménagement de leur fin de carrière. La mise en place d'un projet personnalisé laissera le choix au pompier professionnel qui éprouve des difficultés opérationnelles entre un reclassement dans la fonction publique à partir de l'âge de cinquante ans, sous certaines conditions, un congé rémunéré en cas d'échec du reclassement ou la possibilité de cumuler 75 % du traitement antérieur avec une activité dans le secteur privé. Un tel dispositif prend en compte, pour la première fois avec intelligence et pragmatisme, la difficulté physique inhérente au métier de sapeur-pompier.

S'agissant des sapeurs-pompiers volontaires, il était urgent de revaloriser leur rôle et leur statut. En effet, les symptômes d'une crise des vocations se traduisent notamment par une diminution de la durée des engagements, même si, lors des vingt dernières années, on a observé une certaine stabilité du nombre de sapeurs-pompiers volontaires. De plus, les évolutions socioculturelles, notamment l'accroissement des obligations professionnelles et familiales et le développement de comportements individualistes, ne favorisent pas l'épanouissement du volontariat.

C'est pour lutter contre une telle tendance que le texte réunit des dispositifs performants visant à encourager le volontariat. Le premier d'entre eux permet le recrutement de sapeurs-pompiers saisonniers en raison d'un accroissement temporaire des risques. Leur rémunération sera accrue durant cette période.

Ce texte institue également un avantage retraite pour les sapeurs-pompiers volontaires, lequel sera versé sous forme de rente viagère après que l'intéressé aura cessé son activité et s'il est âgé d'au moins cinquante-cinq ans. À ce sujet, j'approuve les amendements adoptés par la commission à l'initiative du rapporteur, visant à exonérer de CSG et de CRDS cette prestation de fidélisation et de reconnaissance, à l'instar des règles régissant l'actuelle allocation de vétérance.

Je soutiens également un amendement de la commission des lois qui prévoit une exonération de 10 % des cotisations sociales au profit des communes accordant des autorisations d'absence à leurs agents exerçant une activité de sapeur-pompier volontaire.

Enfin, j'approuve sans réserve un autre amendement de la commission qui prévoit la compatibilité de l'activité de sapeur-pompier volontaire avec toute activité professionnelle privée ou publique, et qui dispose que cette activité n'est pas soumise aux règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail.

Ce texte réunit les conditions propres à susciter un réel épanouissement du volontariat dans notre pays et comporte des dispositions innovantes pour diffuser une culture de la sécurité civile chez nos concitoyens. Je le voterai donc sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Francis Saint-Léger.

M. Francis Saint-Léger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sapeurs-pompiers volontaires font preuve d'un dévouement reconnu et salué par l'ensemble de la population. Ils représentent actuellement 85 % des 240 000 sapeurs-pompiers français et sont, notamment en zone rurale, les acteurs essentiels de la sécurité civile.

Dans mon département de Lozère, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires atteint 1 % de la population soit plus de 700 hommes qui effectuent chaque année près de 4 000 interventions. Ils ont encore apporté la preuve de leur esprit de sacrifice et de leur courage lors des incendies de l'été 2003 et des inondations de décembre dernier.

La présence des pompiers volontaires permet d'assurer le maillage de l'ensemble du territoire, et donc de maintenir l'égalité des Français face aux secours.

Or ces hommes, qui sont mis à contribution de façon toujours plus importante et qui font preuve d'une polyvalence sans cesse accrue, ont parfois le sentiment de ne pas être suffisamment reconnus, et il devient de plus en plus difficile de fidéliser les sapeurs-pompiers volontaires. La durée d'engagement décroît graduellement : elle est de moins de cinq ans pour un tiers des recrues. Le volontariat est confronté à une véritable crise des vocations. En milieu rural, on constate depuis plusieurs années une diminution des effectifs. Le nombre des volontaires a baissé de moitié au cours du siècle dernier, alors que le nombre des interventions a triplé durant les trois dernières décennies.

La nation se devait donc de donner des gages de reconnaissance forts à l'ensemble des volontaires et de valoriser justement ce type d'engagement. C'est pourquoi je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, pour ce projet de loi qui répond à de nombreuses attentes restées insatisfaites depuis des années et qui prend en compte la dégradation, à bien des égards, de la situation du volontariat.

Plusieurs textes, dont la loi du 3 mai 1996, avaient tenté d'enrayer la crise du volontariat, mais sans le succès escompté. Or la pérennisation du volontariat passe par des mesures d'encouragement fortes. Le décret du 28 novembre 2003, qui modifie un texte du 10 décembre 1999, a démontré la détermination du Gouvernement en la matière : l'âge de recrutement est abaissé à seize ans, la durée d'engagement est prolongée, l'âge butoir pour le recrutement est supprimé. Grâce au texte sur la modernisation de la sécurité civile, une étape majeure est franchie dans l'adaptation du volontariat aux contraintes de notre temps.

Vous avez souhaité, monsieur le ministre, structurer la modernisation de la sécurité civile autour de quatre idées-forces : la stabilisation de l'institution des services d'incendie et de secours dans le cadre du département, la préparation aux risques par le renforcement de l'échelon local, la promotion de la sécurité civile comme étant l'affaire de tous, et enfin l'encouragement des solidarités.

Je n'entrerai pas dans le détail de ces mesures : en tant qu'élu d'un département rural de montagne, je me contenterai d'insister sur les dispositions qui intéressent les sapeurs-pompiers volontaires, et notamment sur la prime de fidélisation et de reconnaissance.

Il s'agit là de reconnaître à leur juste valeur les missions essentielles effectuées par les sapeurs-pompiers volontaires et leur dévouement pour porter secours à leurs concitoyens, et par là même de démontrer que la solidarité, le civisme et l'entraide sont toujours des valeurs fondamentales de notre société. La prime de reconnaissance et de fidélisation, dont le maire de Nîmes, Jean-Paul Fournier, a été l'initiateur dans le rapport qu'il a remis en 2003 à Nicolas Sarkozy, est une mesure de justice très attendue, qui récompense l'engagement citoyen incarné dans le volontariat.

Un amendement du rapporteur, Thierry Mariani, à l'article 56 - amendement auquel, monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que vous ne seriez pas insensible - vise à répondre de façon plus précise encore aux attentes des organisations de sapeurs-pompiers volontaires en exonérant de CSG et de CRDS la prestation de fidélisation et de reconnaissance et en la rendant insaisissable.

Ces dispositions justes et équilibrées sont de nature à rassurer nos compatriotes quant à l'avenir du volontariat dans notre pays. À l'heure où le combat terrible contre les incendies s'engage à nouveau dans le Midi de la France, elles constituent la juste reconnaissance du dévouement exceptionnel des sapeurs-pompiers volontaires et de leur engagement civique exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Caillaud.

M. Dominique Caillaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où les sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, luttent au coude à coude contre les incendies dans le sud de la France, cette loi de modernisation de la sécurité civile marque une réelle avancée - même s'il peut subsister quelques craintes quant au financement des nouvelles mesures - pour les acteurs principaux de notre sécurité civile. En ces moments difficiles, nous leur témoignons tout notre attachement et toute notre reconnaissance.

Dans son deuxième volet, le projet de loi élargit la notion de sécurité civile à l'ensemble des partenaires en posant le principe que la sécurité civile est l'affaire de tous : chaque citoyen peut y concourir par son comportement. C'est bien l'amorce d'une culture nouvelle de la préparation aux risques et de leur prévention qui se dessine dans ce texte. Et comme pour toutes les innovations, c'est bien dans le temps qu'il faut l'installer, sans relâchement, en s'aidant du tissu que constituent les nombreuses associations de bénévoles formés et en s'attachant à mener une réelle politique de formation en milieu scolaire.

En outre, ce texte confirme officiellement la place que tiennent les sapeurs-pompiers volontaires dans notre dispositif de sécurité aux côtés des professionnels. Nous avons besoin des complémentarités qu'apportent ces partenaires efficaces et formés. Si ce texte conforte leur rôle, je pense que nous devons encore faciliter leur accès à des grades d'officier. Ceux-ci sont en effet trop rares,...

M. Charles de Courson. Ils commencent à l'être moins !

M. Dominique Caillaud. ...alors qu'ils se révèlent absolument nécessaires pour que les cadres civils trouvent une motivation dans leur engagement et que les sapeurs-pompiers volontaires voient leurs efforts de formation consacrés.

Nous mettons aussi beaucoup d'espoirs dans la Conférence nationale des SDIS. C'est à mes yeux une chance pour apporter des réponses concrètes et des remèdes aux maux récurrents qui ont provoqué de sérieuses protestations dans le passé.

L'exercice conjoint des responsabilités par l'État et par le département a trop souvent conduit à des prises de décision unilatérales, notamment en ce qui concerne le statut des sapeurs-pompiers professionnels, ou à de multiples adaptations techniques imposant trop vite des achats ou des remplacements de matériels non amortis.

Ces prises de décision, qui se sont traduites par des contraintes financières insupportables pour un grand nombre de départements, doivent être remplacées par une concertation responsable, capable de programmer des évolutions compatibles avec l'acceptation d'un risque minimisé et avec l'état de nos finances locales. Prendre les élus en otage en invoquant le risque zéro pour la population n'est plus acceptable.

Les propositions d'amélioration de la cohérence de l'organisation des secours, quant à elles, doivent tenir compte des spécificités de certains secours et des compétences spécialisées, notamment en mer et en montagne.

L'apport de la taxe sur les conventions d'assurance semble être un bon financement pour l'avenir et l'engagement progressif du département constitue une bonne solution. Mais nous devons aller encore plus loin pour réduire les inégalités de participation entre communes d'un même département et entre départements.

Les départements ne sont pas égaux face aux risques : ceux qui sont exposés aux feux de forêts, aux risques en montagne, ou encore aux dangers de la mer, sont trop sollicités. Les écarts de participation de nos concitoyens devront donc être mutualisés et réduits dans un cadre de solidarité nationale.

La mise en œuvre de la prestation de fidélisation, ouvrant les droits à pension après vingt ans par l'acquisition de points grâce à une cotisation mixte « collectivité et sapeurs-pompiers » est une avancée concrète attendue, mais qui pèsera elle aussi sur nos comptes.

Enfin, j'ai proposé que l'on puisse accorder aux sapeurs-pompiers volontaires le titre de reconnaissance de la nation. Après la reconnaissance financière que constituent les prestations de fidélisation, ce serait le moyen de témoigner une reconnaissance morale officielle aux hommes qui accomplissent des tâches dangereuses au péril de leur vie, en les considérant comme d'authentiques soldats du feu - je rappelle que plus de vingt d'entre eux sont morts l'année dernière. À mes yeux, leurs missions sont assimilables à certains risques reconnus à nos anciens appelés militaires. Pour l'avoir évoquée avec des associations d'anciens combattants, je sais que cette proposition recueille très largement leur approbation, sous réserve que l'on définisse précisément les durées et les missions permettant de postuler à ce titre.

J'espère que cette proposition trouvera, sinon dans l'immédiat, du moins dans un avenir proche, une traduction positive.

Je me réjouis que la deuxième partie du texte soit une première étape vers une sécurité civile citoyenne. C'est bien en s'appuyant sur le citoyen que l'on pourra créer une culture de la prévention du risque, en particulier chez les enfants. Nous accusons, dans l'apprentissage du geste élémentaire de secours, un retard considérable sur les Européens du Nord, et ce texte doit donner un signal net.

En créant la notion de réserve communale ou intercommunale de sécurité civile, on va vers cet engagement volontaire du citoyen au service de sa communauté. Après la disparition du service national, il y a là, sans doute, une piste à explorer afin que cette réserve civile soit pour nos jeunes un lieu privilégié d'engagement au service des autres et assure un authentique rôle de formation civique.

Aujourd'hui, le risque est accidentel, naturel, environnemental, voire terroriste. Il se combat sur place, avec ceux qui connaissent et aiment leur territoire. C'est dans cette perspective que sont constituées les réserves.

Pour plus d'efficacité, une place plus grande doit être accordée aux associations nationales ou départementales qui œuvrent pour la sécurité civile, véritable vivier de cadres et de secouristes bénévoles qui peuvent, grâce à ces nouvelles dispositions, étayer la mise en place de ces réserves et assurer des formations élémentaires. Bénévoles bien formés, les secouristes sont aujourd'hui indispensables au bon déroulement des manifestations associatives locales - l'association que je préside dans mon département en assure plus de 850 chaque année. Dans ce cadre comme dans le cadre des organisations lourdes de type ORSEC, faites-leur confiance et donnez-leur des moyens juridiques, même très encadrés, notamment en matière de transport exceptionnel de blessés.

Mais la création des réserves communales ou intercommunales doit faire l'objet d'une incitation financière : sinon, je crains que le projet ne reste lettre morte.

C'est en s'appuyant sur tous les volontaires et sur les associations existantes que l'on progressera. Il sera donc nécessaire de procéder, dans un premier temps, à une évaluation de l'existant au niveau national et dans les départements où, là encore, on constate de grandes disparités. Dans un second temps, il faudra moderniser, pour plus d'efficacité, les structures associatives, pour obtenir une couverture nationale cohérente et homogène.

Dans ce domaine, on devrait s'appuyer davantage sur les corps professionnels de secouristes civils pour en faire aussi des supports permanents de formation des cadres de la protection civile. Leur expérience est inestimable et leur valeur reconnue.

C'est dans cet esprit, monsieur le ministre, que je voterai ce texte enrichi de quelques amendements, et que je contribuerai pour ma part à cette nouvelle politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de modernisation de la sécurité civile nous concerne tous et doit être au cœur des préoccupations de chacun. C'est en ma qualité de député de Haute-Savoie, et donc de la montagne, que je m'exprime sur ce texte. Mon intervention sera donc, principalement, un témoignage sur le secours en montagne.

C'est en Haute-Savoie, et singulièrement dans le massif du Mont-Blanc, qu'ont lieu plus de la moitié des opérations de secours en montagne en France. Nous vivons donc la situation au quotidien sur le terrain et nous pouvons témoigner que l'organisation actuelle fonctionne bien, et même très bien. Elle associe les différents acteurs du secours en montagne : les gendarmes du peloton de gendarmerie de haute montagne, les CRS de montagne, la sécurité civile grâce aux sapeurs-pompiers, les pisteurs secouristes ou encore les associations de secours. Tous ces acteurs interviennent aujourd'hui de concert, sur le territoire du massif du Mont-Blanc comme dans les autres massifs français, pour assurer de façon optimale les opérations de secours.

C'est donc en nous référant au fonctionnement actuel que nous exprimons notre souhait de voir perdurer, à travers les avancées proposées par ce texte, une organisation dont l'efficacité est renommée dans le monde entier.

Au cours d'entretiens avec le préfet Marcel Peres et avec les membres de la délégation interministérielle chargée de l'étude de l'organisation des secours en montagne, mais aussi dans les nombreuses interventions que j'ai faites depuis plusieurs mois, j'ai réaffirmé, au nom du principe d'égalité et de solidarité montagnarde, le principe général de gratuité des secours aux personnes.

Je suis donc heureux de constater, monsieur le ministre, que, dans le texte de modernisation de la sécurité civile, au rang des grands principes d'organisation des secours, la gratuité des secours aux personnes est réaffirmée.

Caractéristique de la République Française, à l'origine d'un système envié et reconnu à travers le monde, ce principe de gratuité, gage d'efficacité et de solidarité, constitue un atout touristique incontournable et contribue au rayonnement de la France dans le monde.

La montagne est un milieu particulier caractérisé par une dualité. Ainsi, existe, aux côtés du domaine aménagé et réglementé de la montagne comme les pistes de ski, le domaine de la haute montagne, non aménagé et non réglementé, au sein duquel il est nécessaire de renforcer des actions d'information et de prévention.

Pour que le système actuel, qui est fonctionnel, perdure, la possibilité de facturer les secours, quand ceux-ci ont lieu sur le domaine aménagé, doit être acceptée et reconnue par tous, élus et collectivités - c'est l'exemple actuel de nombreuses stations de ski. L'article 54 de la loi relative à la démocratie de proximité est venu confirmer cette possibilité en l'étendant à tous les sports et loisirs. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que le principe de la facturation et du remboursement des opérations de secours s'appliquera bien sur le domaine aménagé et réglementé, mais pas sur le domaine de la haute montagne ? Il est en effet nécessaire de préserver le havre de liberté que représente la haute montagne - citons le massif du Mont-Blanc, le massif des Écrins, ou encore les Pyrénées.

Il est important, en ces lieux d'une nature particulière et de haute technicité, que tous les acteurs concernés par le secours à personnes puissent continuer à intervenir en bonne intelligence, que la sécurité civile et le PGHM continuent à coexister et à collaborer étroitement sur les opérations de secours.

Confirmez vous, monsieur le ministre, que ce projet de loi permettra bien demain de reconnaître distinctement ces deux secteurs de la montagne ?

Considérant la mixité de ces situations et la pluralité des acteurs concernés, une unité de commandement fédérant l'ensemble des acteurs est aujourd'hui indispensable. Il apparaît important que l'autorité compétente soit désignée en fonction des circonstances locales et particulières à apprécier en toute indépendance par le représentant de l'État dans le département.

Nous pouvons nous réjouir que le texte s'attache à clarifier les règles de financement eu égard aux conséquences financières engendrées par la réorganisation des SDIS, et à délimiter la prise en charge financière des opérations de secours.

Il est toutefois utile et nécessaire de confirmer, monsieur le ministre, que l'État continuera, au nom de la solidarité nationale et comme il l'a fait jusqu'à présent, à assurer le financement des opérations mettant en œuvre ses propres moyens de secours pour les massifs montagneux que l'on peut classer comme patrimoine commun de la nation. Il est évident que le Mont-Blanc en fait partie. Il doit en aller ainsi pour les opérations de secours nécessitant l'intervention des PGHM qui, outre leur mission de secours, qui représente 50 % de leur activité, assurent également une mission de sécurité du territoire. Leurs missions et le fonctionnement doivent impérativement continuer à être pris en charge par l'État. Pouvez-vous nous assurer que ce sera le cas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier le ministre de l'intérieur de s'être déplacé sur les lieux des incendies dont on a beaucoup parlé cet après-midi, incendies qui ont ravagé près de 3 000 hectares dans la région marseillaise et dans le département des Bouches-du-Rhône.

Il convient de noter que plus de 1 800 pompiers ont été mobilisés à cette occasion ; plus de 700 d'entre eux venaient de vingt-sept autres départements - de l'Aveyron, du Tarn, de l'Ain, de la Saône, de l'Ardèche, notamment. Ces incendies, qui ont touché les Provençaux, sont sans doute d'origine criminelle. (« Hélas ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans un tel contexte, dramatique, la visite du ministre de l'intérieur a été très largement appréciée. Chacun a par ailleurs salué l'efficacité du dispositif de secours mis en place et sa très grande coordination opérationnelle.

M. Roland Blum. En effet !

M. Dominique Tian. Remarquons que chaque fois qu'un évènement de grande ampleur mobilise les sapeurs-pompiers du département et les militaires du bataillon des marins-pompiers, les opérations se déroulent dans d'excellentes conditions.

Nos rapporteurs, Thierry Mariani et Éric Diard, ont rappelé les évènements historiques à l'origine de la création de ce bataillon de marins-pompiers de Marseille.

M. Charles de Courson. Le congrès du parti radical !

M. Dominique Tian. Ou du moins l'incendie qui eut lieu à ce moment-là.

Depuis 1938, ce bataillon est devenu une unité à laquelle les Marseillais sont très attachés et à laquelle ils vouent une grande reconnaissance et beaucoup d'affection.

En 2003, il a assuré 118 000 interventions, soit 325 par jour, assistant 60 000 personnes. Ces interventions sont à la charge exclusive du contribuable marseillais et du contribuable de la communauté urbaine.

Il est intervenu par ailleurs plus de cinq cents fois en 2003 hors de sa zone de compétence : à la demande du Gouvernement dans la plupart des cas, dans les Bouches-du-Rhône, en Corse, en Lozère, dans le Var. Il était présent en Camargue, notamment à Arles, au moment des dramatiques inondations. Mais il assure également des missions à l'étranger, par exemple au Kosovo. Auparavant, il était intervenu à la demande du Gouvernement en Algérie, au Maroc, au Mexique, souvent à l'occasion de tremblements de terre. Il est à la disposition du ministre de l'intérieur, dans le cadre du Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises et peut être placé sous la direction opérationnelle du préfet des Bouches-du-Rhône lors de la mise en œuvre des secours particuliers.

Cette structure spécifique remplit parfaitement son rôle, comme l'ont reconnu l'Assemblée comme le Sénat. Il s'agit maintenant, par ce texte, de clarifier sa situation juridique - c'était le sens des amendements déposés par Jean-Claude Gaudin au Sénat. Notre collègue Roland Blum interviendra sur ce sujet lors de la discussion des articles.

Il fallait permettre par ailleurs à la ville de Marseille d'être éligible aux subventions du fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours.

Il fallait enfin réparer une injustice, rappelée tout à l'heure par Éric Diard, en alignant - c'est une vieille revendication - le régime des marins-pompiers de Marseille sur celui des sapeurs-pompiers parisiens. Cela leur assurerait un supplément de retraite de 0,5 % dans leur solde de base, par année effectuée, sous réserve d'ancienneté.

C'est une des raisons pour lesquelles ce texte, extrêmement positif, est très attendu par les militaires du bataillon de marins-pompiers, par les élus et la population marseillaise. Je le voterai avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte. « Faire de la sécurité civile l'affaire de tous » : c'est ainsi que l'on peut le mieux résumer, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons.

Il s'appuie sur la nécessité de développer dans notre pays l'information et la formation de nos concitoyens, de faire de chacun d'entre eux une personne capable de réagir correctement en cas d'accident et de pratiquer les premiers gestes dans l'attente de l'arrivée des secours publics. Nombre de témoins ne savent pas réagir face à un accident. C'est pourquoi je souhaiterai particulièrement insister sur la place du secourisme.

« Faire de la sécurité l'affaire de tous », c'est d'abord sensibiliser les citoyens à la prévention des risques et aux gestes qui sauvent. Dès la formation scolaire, il est possible d'apprendre ces gestes élémentaires.

Vous connaissez mon attachement au principe d'une formation accrue aux premiers secours. Ainsi, il a été inscrit l'année dernière dans la loi de renforcement de la sécurité routière la nécessité d'y sensibiliser les candidats au permis de conduire. C'est l'occasion pour moi de rappeler au Gouvernement qu'il s'agit maintenant de traduire cette disposition dans les faits.

Les « cinq gestes qui sauvent » sont simples : alerter, baliser, ranimer, comprimer et sauvegarder les blessés en détresse de la route ou d'accidents domestiques. Ce constat date de 1967, et on estime entre 1 000 et 1 500 le nombre de morts que l'on pourrait chaque année éviter. Ce programme d'enseignement mérite d'être pleinement mis en œuvre.

La conférence de la famille, qui a rendu ses conclusions le 29 juin dernier, pose le même constat et fait les mêmes recommandations. Remarquant qu'en France à peine 7 % de la population est formée aux premiers secours contre 22 % en Suède, par exemple, elle a proposé que la journée d'appel de préparation à la défense intègre une initiation pratique à la gestuelle des premiers secours.

Ce projet de loi est une étape dans ce sens. Son article 4 précise que, dans le cadre de sa formation scolaire, tout élève est sensibilisé à la prévention des risques, aux missions des services de secours et à l'apprentissage des gestes élémentaires des premiers secours. Le Sénat a retenu la même suggestion pour la journée d'appel de préparation à la défense.

Ainsi peut-on former le vœu que la formation à la protection civile deviendra plus complète car mieux unifiée lors des différentes occasions où elle peut être effectuée : au lycée d'abord, avec une initiation, puis avec une formation plus approfondie lors du passage du permis de conduire et, enfin, un rappel lors de la journée d'appel de préparation à la défense. La cohérence doit être favorisée si l'on veut être plus efficace.

« Faire de la sécurité civile l'affaire de tous », c'est aussi promouvoir le bénévolat. Il est certain que, si les jeunes sont mieux formés à la protection civile, les bénévoles seront plus nombreux. Et l'on sait que le bénévolat est un ferment de cohésion nationale dont la France a besoin.

Les associations de premier secours doivent aussi recevoir le soutien des collectivités. Je tiens à rendre hommage à leur travail, d'autant plus qu'elles sont très souvent animées par des bénévoles. Le dispositif d'agrément et de conventionnement que le projet de loi met en place pour ces associations est particulièrement attendu. Mais dans un souci de clarté, certains préféreraient que l'on revienne à l'appellation de « protection civile », plus lisible pour nos concitoyens et en vigueur au niveau européen et international, par exemple au sein de l'Organisation internationale de protection civile.

La réserve de sécurité civile répond à l'attente des citoyens, qui est de trouver des lieux d'engagement de proximité. Mais ces derniers sont souvent mal connus. Une meilleure publicité doit en être faite. Encore une fois, l'information se révèle indispensable.

« Faire de la sécurité civile l'affaire de tous », c'est enfin agir au niveau local. A ce propos, je me félicite que le rapporteur ait repris l'idée de la désignation d'un adjoint au maire ou d'un conseiller municipal chargé de la sécurité civile dans les communes soumises à l'obligation d'un plan communal de sauvegarde.

Si les risques sont de plus en plus nombreux, nous pouvons y faire face. Je pense aux inondations, aux feux de forêt ou à la canicule de l'été dernier. C'est pourquoi, dans chaque commune, un correspondant « sécurité civile » sur le modèle du « correspondant défense » mis en place après les attentats du 11 septembre peut être un outil efficace à la prévention grâce à une information accrue et plus efficace. Il sera en charge de la mise en place du plan de sauvegarde communal et pourra, par exemple, prévoir l'hébergement de personnes à la suite à une inondation ou s'assurer que les secours d'urgence sont prêts à agir si nécessaire. Cet élu sera mieux à même de coordonner la réserve locale et d'informer la population en matière de prévention des accidents et des conduites à tenir en cas de sinistre grave ou de catastrophe.

Pour conclure, je souhaiterais faire une proposition qui contribuerait à l'efficacité de ce projet de loi.

Aujourd'hui, nous connaissons l'utilité et le succès des journées spéciales. Pourquoi ne pas mettre en place une journée nationale de la sécurité civile, par exemple le 4 décembre, le jour de la Sainte-Barbe, la patronne des pompiers ? Une telle journée permettrait de faire connaître les nouveaux enjeux de la sécurité civile et de rendre hommage aux nombreuses personnes qui la garantissent. La sécurité civile deviendrait alors « l'affaire de tous ».

Nous voterons ce projet de loi, qui a toutes les qualités requises pour fonder une sécurité civile moderne, digne de notre pays et des sacrifices humains consentis pour la sauvegarde de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de me réjouir que ce projet de loi, annoncé depuis le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, le 27 septembre 2003, par votre prédécesseur, et dont certaines mesures découlent du rapport Fournier présenté en mars 2003, arrive enfin en discussion devant notre assemblée. Nos 240 000 soldats du feu attendaient un texte clair, rendant hommage à leur engagement et instaurant des mesures concrètes en rapport avec leur statut, leur métier, leur retraite et leur dévouement quotidien.

Je souhaite mettre l'accent sur les attentes des sapeurs-pompiers volontaires. Ils sont plus de 193 000 en France, qui interviennent quotidiennement sur le terrain et accomplissent les premiers gestes qui sauvent, parfois au péril de leur vie. Avec courage et dévouement, ils protègent les biens et les personnes. Comme l'a noté notre rapporteur, les volontaires sont souvent les premiers et parfois les seuls acteurs de la sécurité civile en zone rurale. Proches de la population, leur engagement citoyen est salué par tous. Leur disponibilité et leur détermination doivent être reconnues. Leur présence sur le terrain doit être pérennisée par des mesures incitatives.

On oublie trop souvent que, parallèlement à leur engagement, les volontaires travaillent et sont salariés. Il est donc important de mettre en place un dispositif alliant disponibilité et relations de confiance avec l'employeur. À cet égard, de très bonnes propositions ont été faites par le Sénat, que la commission des lois a reprises et étendues. Je pense, en particulier, à la validation des expériences, à la protection contre tout licenciement, aux conventions de disponibilité entre le service départemental d'incendie et de secours et l'employeur.

Tout comme les sapeurs-pompiers professionnels, les volontaires bravent le feu et les dangers, prenant des risques à chaque intervention. La reconnaissance de la dangerosité de leur mission est une revendication ancienne qui va - enfin ! - être satisfaite. Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser les avantages que les volontaires en retireront concrètement ?

Assurer la continuité de l'engagement passe également par l'octroi d'avantages légitimes en matière de retraite. Depuis 1981, les sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli au moins vingt ans de services effectifs bénéficiaient d'une allocation annuelle de vétérance, généralisée en 1996. Le calcul de cette allocation, les modalités de son versement, son montant étaient à revoir. Aujourd'hui, le texte propose un complément de retraite aux volontaires, sous forme de rente viagère : la prestation de fidélisation. Incessible et non imposable, cette prestation a également été rendue, par un amendement de la commission des lois, insaisissable et exonérée de prélèvements sociaux. Les droits seront ouverts à compter du 1er janvier 2005 aux sapeurs-pompiers ayant accompli au moins vingt ans de services. Qu'en sera-t-il pour les volontaires ayant accompli au moins vingt ans de services avant le 1er janvier 2005 et toujours en activité ? Le projet de loi, complété par le rapport, prévoit un dispositif transitoire, mais je souhaiterais obtenir des réponses concrètes quant au montant des prestations, à la participation financière des volontaires et à l'adhésion obligatoire des pompiers.

Pour terminer, je me réjouis qu'une disposition du décret du 2 décembre 2003 abaisse de dix-huit ans à seize ans l'âge minimum de recrutement des sapeurs-pompiers volontaires. C'est à cet âge, en effet, que l'engagement citoyen doit être encouragé et pérennisé. J'ai, dans ma circonscription, plusieurs écoles de formation, qui accueillent de jeunes sapeurs-pompiers et les imprègnent, dès leur entrée, du sens du devoir et du volontariat. Je suis fier que notre pays compte de très nombreux volontaires. Ils doivent être encouragés et reconnus.

Monsieur le ministre, je vous remercie pour ces mesures, attendues des sapeurs-pompiers. Je voterai votre texte avec la conviction forte de participer à une étape importante de l'histoire des soldats du feu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, dernier orateur inscrit.

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà bien longtemps qu'ils l'attendaient, voilà bien longtemps qu'ils l'espéraient. Je me souviens que, l'an dernier, lors de la fête de la Sainte-Barbe dans mon département de la Mayenne, tous ne me parlaient que de cela. « Ils », ce sont les sapeurs-pompiers volontaires. Et l'objet de leurs tourments, c'est ce projet de loi sur la modernisation de la sécurité civile, dont nous entamons aujourd'hui la discussion et dont ils ont craint, pendant un temps, qu'il ne fût qu'une Arlésienne.

La sécurité civile est l'affaire de tous. C'est l'une des richesses les plus précieuses de notre société, fondée sur le dévouement et la générosité. Qu'il me soit donc tout d'abord permis de saluer le courage, la détermination et la volonté de l'ensemble de nos sapeurs-pompiers, bénévoles et professionnels, qui sont le symbole et l'expression d'une solidarité personnalisée à visage humain, mais également d'une réelle proximité.

Élu d'une circonscription rurale, je suis particulièrement attaché, comme les maires et les habitants des territoires ruraux, au volontariat des sapeurs-pompiers. C'est pourquoi je me réjouis que ce texte prenne enfin en compte leur statut et intègre une grande partie de leurs préoccupations.

Les sapeurs-pompiers volontaires sont de grands serviteurs, non pas de l'État, mais de notre pays, reconnus et appréciés. Ils s'organisent pour répondre présents à tout instant, à toute heure, souvent au détriment de leur vie de famille et de leurs loisirs, quand ce n'est pas au péril de leur vie. L'actualité nous en apporte, malheureusement, régulièrement la démonstration, et encore le week-end dernier. À contresens de l'évolution de notre société, qui devient trop individualiste, ces hommes et ces femmes ont le souci du dévouement et du devoir accompli. C'est là leur force, une force indispensable à nos territoires ruraux pour fixer leurs populations. En effet, seul le volontariat est en mesure d'assurer les secours de proximité dans des conditions financières supportables par nos petites communes.

Nos sapeurs-pompiers sont également souvent des moteurs de la vie associative. Ils sont l'un des liens sociaux indispensables au développement de nos communes et de nos villages. C'est pourquoi il est particulièrement important de maintenir, d'entretenir et de soutenir cette richesse, en l'accompagnant par des dispositifs adaptés assurant notamment la reconnaissance de l'État.

Ce n'est pas un secret : bien des centres de secours en zone rurale sont incapables, dans certaines circonstances, d'armer totalement deux véhicules pour une intervention ou d'effectuer deux interventions simultanées. Ils doivent, par l'intermédiaire de leur CODIS, faire appel à des renforts auprès d'autres casernes. La difficulté d'attirer de nouveaux sapeurs-pompiers volontaires a des causes multiples. Il serait naïf de croire que les qualités morales et de dévouement des sapeurs-pompiers volontaires, unanimement reconnues, peuvent les favoriser dans la recherche d'un emploi. Au contraire, les employeurs craignent parfois que les obligations auxquelles sont astreints ces derniers ne pénalisent l'activité de l'entreprise. Les sapeurs-pompiers volontaires exercent souvent leur activité professionnelle en dehors de leur commune de résidence et, s'ils ont la chance d'y travailler, leur employeur hésite quelquefois à les libérer pour participer aux opérations de secours. Quant aux jeunes, ils sont souvent plus attirés par les loisirs de leur âge - mais qui pourrait le leur reprocher ? - que par une formation astreignante et, dans un premier temps, entièrement bénévole au service de la collectivité. En outre, les actions de formation des sapeurs-pompiers volontaires, quel que soit leur âge, interviennent le plus souvent en dehors du temps de travail et pèsent sur leur vie familiale.

À la difficulté de recrutement des sapeurs-pompiers volontaires s'ajoute celle de leur fidélisation. Mais celle-ci devrait être améliorée par les mesures proposées. Ainsi, la mise en place d'un nouvel avantage de retraite doit permettre de compenser les handicaps nombreux liés à l'exercice de cette mission. Cette mesure était particulièrement attendue et je me réjouis qu'elle figure dans ce texte, car les sapeurs-pompiers volontaires avaient, jusqu'à présent, le sentiment que les efforts qu'ils consentaient durant de longues années n'étaient pas reconnus à leur juste valeur. Il est indispensable également de concevoir des dispositifs en faveur des employeurs privés et publics, permettant d'améliorer la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires.

Dans tous ces domaines, l'État, les départements et les communes, voire les communautés de communes, doivent unir leurs efforts afin, non seulement de maintenir et de développer l'indispensable maillage des corps locaux de sapeurs-pompiers, mais également et surtout de rendre le volontariat plus attractif. S'il existe une crise des vocations, j'ai pu constater, en passant une journée dans un centre de secours de ma circonscription, qu'il y a encore dans notre pays, et c'est heureux, des jeunes gens et des jeunes filles courageux et dévoués qui souhaitent s'engager. Nous devons non seulement mieux les informer, mais aussi les accueillir, les former et les fidéliser, car ils représentent la pérennité du corps des sapeurs-pompiers volontaires, qui est l'expression de valeurs humaines et morales fortes.

Votre texte, que nous attendions tous depuis si longtemps, monsieur le ministre, traduit notre volonté politique. L'histoire retiendra que c'est le gouvernement auquel vous appartenez qui aura apporté une réponse concrète aux revendications des sapeurs-pompiers, notamment à celle, historique, de la reconnaissance du caractère dangereux de ce métier et de ces missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, votre présence en nombre cet après-midi est significative de la mobilisation de votre assemblée sur la question essentielle de la sécurité civile, de laquelle attendent beaucoup, et depuis longtemps, les sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires, mais aussi nos compatriotes.

Les différentes interventions, issues de tous les bancs, ont ceci de particulier qu'elles témoignent de votre expérience d'élus locaux et de l'intérêt que vous portez à une question aussi fondamentale pour l'organisation de notre société. Alors que les feux de forêts reprennent une actualité dramatique, Dominique de Villepin, qui s'est rendu hier aux côtés des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels qui se battent, n'a pas manqué de rappeler que notre débat doit faire la part de l'urgence, mais aussi des problèmes de fond qui sont au cœur de la sécurité civile dans notre pays.

Aux interventions nombreuses et diverses, je vais m'efforcer de répondre de manière aussi complète que possible, sachant que la discussion sur les amendements - M. le rapporteur, qui en présente lui-même plusieurs, en sera le témoin et le garant - permettra d'affiner encore les différents points que vous avez évoqués les uns et les autres.

Le premier sujet très important à avoir été abordé est celui de la formation aux premiers secours. Plusieurs d'entre vous, notamment MM. Delnatte, Perruchot et Caillaud, ont souligné l'importance d'une telle formation en milieu scolaire. Je crois également que c'est absolument essentiel. L'objet du projet de loi est bien de généraliser cette démarche, non seulement pour enseigner quelques gestes d'urgence, mais également pour signifier à tous les jeunes Français, de façon concrète, que la sécurité civile est, au quotidien, l'affaire de tous. Au moment où nous nous demandons comment mieux faire passer le message de l'engagement civique, la formation des jeunes Français dans ce domaine apparaît comme un moyen de mobiliser leur sens des responsabilités et du respect, auquel nous sommes, les uns et les autres, profondément attachés.

La question de savoir si l'on doit se limiter à une sensibilisation ou aller vers une vraie formation relève davantage de la compétence du ministre de l'éducation nationale que de celle du ministre de l'intérieur. Pour la même raison, je ne pourrai m'engager à l'égard de M. Chassaigne sur la création d'un certificat d'aptitude professionnel de sapeur-pompier. En tout cas, cela peut faire l'objet d'une réflexion. D'ailleurs, la validation des acquis de l'expérience est déjà très développée dans le domaine de la sécurité civile.

L'autre grand sujet de préoccupation, qui a fait l'objet de plusieurs interventions, est la création des réserves communales. L'objet de ces dernières n'est pas, comme certains ont pu s'en inquiéter, de faire « concurrence » aux sapeurs-pompiers volontaires, mais plutôt de fournir un cadre juridique à l'utilisation des nombreuses bonnes volontés, que l'on ne sait pas toujours bien utiliser dans les moments difficiles. Le projet initial du Gouvernement prévoyait une création de ces réserves au niveau départemental. Mais Dominique de Villepin et moi-même nous sommes rangés à la proposition du Sénat de l'envisager au niveau communal.

Contrairement à ce qui a été soutenu en particulier par M. Launay, cette évolution ne traduit pas un manque d'ambition, mais exprime deux préoccupations : faire que la création des réserves réponde à un vrai besoin local, et veiller à ce que ces créations ne soient pas à l'origine de dépenses inconsidérées. Je ne voudrais pas anticiper sur le sujet des finances, que je vais évoquer tout à l'heure, mais chacun voit bien à quoi je fais allusion.

M. de Courson a fait un certain nombre d'observations. J'ai cherché les points positifs qu'il trouvait à ce projet de loi. J'en ai finalement trouvé quelques-uns en l'entendant.

M. Charles de Courson. Dans la deuxième partie de mon propos.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Certes, mais la première était rude.

Vous faites à ce projet de loi, monsieur de Courson, le reproche d'être archaïque et jacobin.

M. Charles de Courson. Et conservateur !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Et conservateur. Que de sévérité ! Il est vrai que, venant de votre part, nous y sommes habitués. Avec le temps qui passe, cela commence à se banaliser, mais c'est toujours un petit choc pour ceux qui, comme moi, partagent le goût du dialogue et de l'écoute.

Vous nous avez expliqué que vous proposiez de maintenir le statut d'établissement public des SDIS.

M. Charles de Courson. Non !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est un point intéressant. Sur un sujet tel que celui de l'organisation des secours, je ne crois pas que l'on puisse pousser à ce point l'esprit de système. C'est peut-être ce qui nous différencie légèrement.

M. Charles de Courson. Je n'ai pas proposé ce que vous dites !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Le choix du Gouvernement dans ce domaine est fondé sur deux convictions.

La première, c'est que les SDIS constituent un point de rencontre indispensable entre les communes et les départements. Ce débat est ancien. Il me semble que nous avons trouvé un équilibre qui a de nombreux mérites, même si rien n'est jamais parfait. Certes, les départements paient plus que les communes, mais les communes sont indispensables dans l'organisation des secours. Leur place demeurera significative, car elles seront toujours le reflet des pouvoirs de police du maire et de l'attente de la population en matière d'interventions de proximité.

La seconde conviction est d'ordre opérationnel : l'organisation actuelle fournit une bonne articulation entre la gestion locale des secours quotidiens et une capacité vérifiée, et enviée à l'étranger, à mobiliser des moyens à l'échelle nationale pour faire face à des catastrophes de grande ampleur.

Pour toutes ces raisons, je crois qu'il serait dangereux de remettre en cause une organisation qui est appréciée de nos concitoyens. Je me range d'ailleurs volontiers sur ce sujet à l'avis exprimé avec toute la précision et le talent qu'on lui connaît par Guy Geoffroy, qui a reconnu que ce texte était inspiré sur ce point par une démarche de réalisme et d'équilibre.

Je veux insister sur ces deux mots, parce que sur un sujet comme celui-là, qui, il faut bien le dire, a suscité de nombreux débats, de nombreux colloques, de nombreuses réunions un peu partout en France depuis des années, il fallait bien que le Gouvernement assume ses responsabilités et tranche. À force de « colloquer », on ne décidait plus rien. Les élus locaux exprimaient des interrogations et des inquiétudes sur l'avenir, notamment dans le domaine financier, mais aussi sur l'organisation institutionnelle. Des communes s'inquiétaient d'être exclues d'un dispositif auquel elles sont profondément associées pour les raisons que je rappelais à l'instant, et d'un autre côté, il était nécessaire que les départements, qui sont en première ligne en ce qui concerne le financement, conservent un poids prépondérant. Voilà pourquoi je trouve que ce dispositif a le mérite de l'équilibre et du réalisme, pour reprendre vos termes, monsieur Geoffroy, et je vous remercie d'avoir eu la courtoisie de le souligner.

Monsieur Perruchot, vous avez évoqué l'articulation des missions des associations de secouristes et des SDIS. C'est vrai que c'est là un sujet que vous connaissez bien : dans la ville de Blois dont vous êtes le maire, vous êtes amené à travailler particulièrement sur cette question. Vous avez relevé que ce projet de loi reconnaît la place et le rôle des associations de secouristes. Je vous en remercie, parce que c'est la première fois qu'une telle démarche est engagée. Et ce n'est pas l'un des moindres atouts de cette loi que de marquer enfin, dans ce domaine, une reconnaissance qui avait trop longtemps tardé.

M. Caillaud a souligné dans son intervention le rôle de la Conférence nationale des SDIS. Je partage évidemment son avis sur l'importance de cette innovation. Nous le savons bien, la principale difficulté éprouvée ces dernières années en matière de sécurité civile, c'est l'augmentation des dépenses des SDIS, supportée pour l'essentiel par les départements. Le remède suggéré par beaucoup était d'associer le prescripteur et le payeur dans l'élaboration des normes. C'est l'objet de cette instance. C'est vrai que nous avons eu au Sénat de grandes discussions sur cette Conférence nationale, d'aucuns nous disant, peut-être forts de leur expérience en ce domaine : à quoi bon créer une nouvelle instance alors que d'autres existent déjà ? C'est un débat qui nous a beaucoup occupés dans la Haute assemblée, et je gage que ce sera également le cas ici, lors de la discussion des différents amendements. Mais je crois qu'il était vraiment nécessaire de mener une réflexion au niveau national sur cette question, et ce d'autant plus que les élus seront majoritaires au sein de cette Conférence, et que ses avis auront pour le Gouvernement une valeur d'avis conforme. Autant dire qu'il y aura dans ce domaine quelques innovations. J'ai envie de paraphraser une célèbre réplique tirée d'un film intitulé La vérité si je mens ! 2 en disant : donnons sa chance au produit ! (Sourires.) La Conférence nationale des SDIS, il faut vraiment qu'elle vive ! Et ce sera peut-être alors l'occasion de mesurer, avec le temps qui passe, si elle apporte ou non une valeur ajoutée majeure. Pour ma part, j'ai tendance à considérer a priori que ce sera le cas. Parce que nous avons là un lieu où se rencontreront des partenaires complémentaires - professionnels, élus, payeurs, prescripteurs -, qui seront ainsi amenés à se poser toutes les bonnes questions et à mettre à profit l'expérience du terrain.

Tout cela va dans le sens de ce que nous pouvons souhaiter. Dans les politiques publiques, il nous faut désormais introduire de l'évaluation à tous les étages. Et gageons que dans ce domaine, nous pourrons voir les choses s'améliorer de manière très significative.

M. Saddier est intervenu dans un domaine dont il est l'un des meilleures spécialistes français, à savoir les secours en montagne. Le sujet mérite qu'on s'y arrête car le milieu de la haute montagne impose de toute évidence une organisation particulière des secours.

Sur ce sujet, la position du Gouvernement, monsieur Saddier, tient en trois propositions.

D'abord, le principe de gratuité des secours aux personnes demeure la base de notre fonctionnement. Il s'applique en montagne comme ailleurs, il justifie le maintien par l'État des moyens et des formations spécialisés qui interviennent en haute montagne - je pense aux hélicoptères de la sécurité civile, aux unités de CRS et aux pelotons de haute montagne de la gendarmerie nationale.

Deuxièmement, les élus de la montagne ont de longue date revendiqué, comme vous l'avez rappelé, une adaptation de ces règles pour permettre que les communes puissent obtenir le remboursement des frais de secours qu'elles peuvent être amenées à exposer. C'est l'objet de l'article 54 de la loi relative à la démocratie de proximité. J'ai eu l'occasion de le dire au Sénat et je le confirme ici : le Gouvernement n'a pas l'intention de remettre en cause l'existence de ce dispositif.

Troisièmement, vous soulevez la question de la non-application de cet article 54, en dehors du domaine aménagé et réglementé, en haute montagne. Nous savons d'expérience les uns et les autres, depuis la loi « montagne » de 1985, qu'il est difficile de préciser par voie réglementaire les limites des exceptions à la gratuité des secours. C'est la raison pour laquelle, tout en restant ouvert au débat, je crois que la solution de la sagesse consiste, tout en maintenant l'article 54, à engager les communes qui délibèrent pour le mettre en œuvre à n'en faire usage que sur le domaine skiable.

Voilà des éléments qui sont de nature à répondre aux interrogations fort légitimes que vous avez exprimées.

M. Martial Saddier. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l'intérieur. La reconnaissance de la dangerosité du métier et des missions des sapeurs-pompiers a été évoquée par beaucoup d'entre vous, en particulier par M. Meslot, par M. Favennec et par M. Tian, qui a bien voulu rappeler que nous avions réalisé une avancée considérable avec la reconnaissance au bataillon des marins-pompiers de Marseille des mêmes droits pour la retraite qu'aux pompiers de Paris. Je veux d'ailleurs témoigner qu'au Sénat Jean-Claude Gaudin a été particulièrement attentif et engagé sur cette question. Il n'a pas eu trop de mal, il faut le dire, à nous convaincre car nous avons tous un devoir de reconnaissance. Cette loi étant une loi de reconnaissance et de considération, et il était normal que cette disposition y trouve sa place.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Il était grand temps de mettre en œuvre la reconnaissance de la dangerosité du métier. Cette disposition est évidemment d'une très grande importance. Elle répond à une attente historique des intéressés, elle consacre ce que nous ressentons tous comme une évidence chaque fois que nous voyons les sapeurs-pompiers intervenir avec le courage que chacun leur reconnaît, et plus encore quand, hélas trop souvent, nous accompagnons l'un des leurs, tombé dans l'exercice de sa mission, comme j'ai eu l'occasion de le faire il y a quelques jours près d'Angers.

Mais cette reconnaissance, comme l'a rappelé Dominique de Villepin tout à l'heure, ne peut pas et ne doit pas se limiter à l'ordre du symbole, même si chacun sait que, pour les grandes valeurs de la République, le rôle du symbole est essentiel. Pour les volontaires comme pour les professionnels, il fallait que cette reconnaissance s'accompagne de mesures très concrètes.

S'agissant des sapeurs-pompiers volontaires, la mesure principale contenue dans le projet de loi est l'institution d'une prestation de reconnaissance et de fidélité. Vous avez été très nombreux à souligner l'importance de cette création, et je vous en remercie. Je pense à M. Saint-Léger, à M. Decool, à M. Derosier, à Mme Robin-Rodrigo. Je veux tous les remercier d'avoir souligné l'importance de cette mesure, qui répond à une très forte attente. Si j'osais me laisser emporter par mon lyrisme, je dirais que cette seule mesure, sans compter toutes celles qui tournent autour de la notion de dangerosité, pourrait suggérer qu'une telle loi soit votée à l'unanimité.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Mais ne demandons pas l'impossible.

Le débat qui s'engage permettra sans doute d'améliorer encore cette mesure, notamment sur la question essentielle de l'exonération de cet avantage de la CSG et de la CRDS. Ainsi que Dominique de Villepin vous l'a dit dans son discours introductif, les décisions gouvernementales arrêtées depuis l'examen de ce texte au Sénat nous permettront de réserver une suite favorable aux nombreux amendements qui auront été déposés sur cette question. C'est une deuxième raison d'espérer que ce texte soit voté à l'unanimité.

De même, le projet de loi entend apporter des réponses précises aux préoccupations des sapeurs-pompiers professionnels pour leur fin de carrière. Voilà encore un sujet qui était en suspens depuis des années, que tout le monde évoquait dans les colloques, et que personne n'avait trouvé le moyen d'évoquer dans l'hémicycle pour imaginer une solution digne de ce nom. Ainsi que l'a relevé à juste titre M. Favennec, le dispositif de projet de fin de carrière apporte une réponse réellement innovante à leurs besoins : il met en œuvre une réelle variété de choix pour les sapeurs-pompiers professionnels qui, sans relever de l'inaptitude, éprouvent, comment ne pas le comprendre, des difficultés à exercer leurs missions et leur permet d'opter entre un reclassement dans la fonction publique, le cumul de 75 % de leur traitement avec une activité dans le secteur privé et, en cas d'échec de reclassement, un congé rémunéré leur permettant de se constituer des droits à la retraite.

En revanche, le Gouvernement, je veux le dire ici, ne peut pas partager les propositions formulées par Mme Robin-Rodrigo et M. Chassaigne, qui ont pour objet d'abaisser à cinquante ans l'âge de la retraite des sapeurs-pompiers professionnels, soit à travers le doublement des bonifications dont ils bénéficient, soit en instituant explicitement un tel droit.

Je voudrais m'arrêter un instant sur ce sujet, parce que ce débat met en question deux enjeux majeurs.

D'abord, celui de l'âge de la retraite : sur ce point, le choix fait par le Gouvernement est de ne pas céder à la revendication de la retraite à cinquante ans, qui constitue une demande excessive, je le dis ici comme je le pense. Il est vrai que vous êtes en cohérence, monsieur Chassaigne, avec votre opposition forte à notre réforme sur les retraites. Mais comprenez que le même souci de cohérence m'amène à vous dire que le principe d'équité doit être pris en compte. Au demeurant, cette demande ne fait pas l'unanimité au sein de la profession des sapeurs-pompiers. L'objectif est de traiter d'abord les difficultés réelles qu'éprouvent en fin de carrière certains professionnels. C'est pour cela qu'ont été décidées les mesures que j'ai décrites à l'instant.

La réponse à leurs problèmes passe par un traitement personnalisé. Voyez-vous, je crois de plus en plus que ce que nos compatriotes attendent, toutes catégories confondues, c'est que nous soyons capables, plutôt que de proposer des solutions globales et dépersonnalisées, d'inventer des solutions adaptées à la situation personnelle de chacun. Cette idée du libre choix, à laquelle nous tenons profondément pour notre société, correspond bien aux attentes de beaucoup de nos compatriotes dans de nombreux domaines. Et Dominique de Villepin et moi-même avons eu l'occasion d'en prendre la mesure au cours de nos rencontres avec les représentants des sapeurs-pompiers professionnels. Cette réponse personnalisée, donc, doit leur permettre de poursuivre dans un cadre adapté la carrière qu'ils souhaitent, et de se constituer, sans pénalisation financière, une retraite dans les mêmes conditions que s'ils avaient pu continuer à exercer leur métier.

Le deuxième enjeu majeur est celui du financement des services de secours. Un groupe de travail paritaire, associant les organisations syndicales de sapeurs-pompiers professionnels et les différentes administrations compétentes, a réfléchi ces derniers mois sur la question des bonifications. L'une de ses conclusions est que le doublement des bonifications se traduirait pour la CNRACL, donc pour les SDIS, par un coût de l'ordre de 100 millions d'euros. Sachant ce qu'est par ailleurs le débat sur les finances des SDIS, le Gouvernement n'a pas voulu prendre l'initiative d'une telle augmentation de dépenses, dont chacun sait qu'elle serait en définitive supporté par les départements. Il y a donc une vraie cohérence à en appeler ici à l'esprit de responsabilité de chacun.

Mme Robin-Rodrigo et M. Chassaigne, comme d'ailleurs M. de Courson et M. Derosier, ont évoqué la question des relations financières entre les SDIS, les départements et l'État.

En ce qui concerne, d'abord, le transfert de la taxe sur les conventions d'assurance, je veux confirmer devant vous que les départements obtiendront, à compter du 1er janvier 2005, une fraction du produit de cette taxe, pour un montant de 900 millions d'euros. De la sorte, ils bénéficieront du dynamisme de la taxe, qui est supérieur à celui des dotations versées par l'État. Cela nous ramène à des débats que nous avons eus la semaine dernière. Et c'est une occasion pour moi de rappeler que, dans le processus qui tend à instaurer une nouvelle organisation des relations financières entre l'État et les collectivités locales, c'est une réelle avancée que de proposer un transfert d'impôt national avec un taux d'évolution qui ne soit pas administré mais qui ait le dynamisme de tout impôt.

J'ajoute qu'à partir de 2007, les départements disposeront du pouvoir de fixer les taux de cette taxe. Je précise à l'intention de M. de Courson, toujours très inquiet, que je n'ai pas connaissance d'une menace sur l'avenir de cette taxe dans le cadre européen.

M. Charles de Courson. Mais si !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Il m'appartient naturellement de poursuivre, au nom du Gouvernement, les discussions avec Bruxelles. Mais vous devez savoir que nous avons adressé sur ce point un dossier de dérogation. Les discussions vont donc aller dans le sens que je viens de vous indiquer.

Ce projet de loi sera donc accompagné par la réalisation de deux objectifs : l'un financier tendant à doter les départements de ressources d'un dynamisme en rapport avec l'évolution prévisible des dépenses ; l'autre juridique, visant à mieux assurer leur autonomie financière, en diminuant dans leurs ressources totales la part des dotations de l'État, au bénéfice d'une ressource fiscale.

Honnêtement, voilà un projet de loi bien construit.

M. André Chassaigne. Les plus pauvres paieront !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Enfin, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi, après avoir répondu de manière aussi exhaustive que possible à vos différentes interventions, de vous dire combien je me réjouis de voir l'accueil globalement favorable que vous semblez faire à ce texte, qui vise à refonder la sécurité civile dans notre pays.

Je sais que vos contributions permettront au cours de la discussion des articles, d'améliorer ce texte. Je vous confirme naturellement, au nom de Dominique de Villepin, comme en mon nom personnel, l'intention du Gouvernement de mener de façon très ouverte le débat qui va s'engager. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. J'indique qu'à la demande de la commission, l'article 3 et l'annexe au projet de loi seront réservés jusqu'à la fin de la discussion des articles.

La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 1680, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de modernisation de la sécurité civile :

Rapport, n° 1712, de M. Thierry Mariani au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ;

Avis, n° 1720, de M. Éric Diard au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot