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Première séance du mercredi 11 février 2004

158e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

PROJET DE LOI PERBEN

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le garde des sceaux, toutes les organisations d'avocats et de magistrats dénoncent votre projet de loi, qui est une revanche sur la loi relative à la présomption d'innocence, votée à l'unanimité dans cet hémicycle en 2000. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous instaurez des procédures d'exception, en principe réservées à la grande criminalité. Mais si elles sont utilisées à tort, irrégulièrement, pour des délits ordinaires commis en bande organisée, notion du reste très floue, elles ne seront pas frappées de nullité. Or ces procédures renforcent considérablement les pouvoirs de la police et du parquet et restreignent fortement les libertés individuelles et les droits de la défense. Elles autorisent des gardes à vue de quatre jours et quatre nuits, les perquisitions de nuit et l'installation de micros et de caméras au domicile des suspects.

Etendues à la délinquance ordinaire, ces mesures seraient disproportionnées et contraires à la Convention européenne des droits de l'homme, à laquelle notre constitution reconnaît une autorité supérieure aux lois nationales.

La procédure du plaider-coupable est contraire à la Constitution. En fait, elle autorise le parquet à prononcer lui-même une peine d'emprisonnement, peine qui sera simplement homologuée par un juge du siège, sans passer par l'audience publique et contradictoire qui permet l'exercice réel des droits de la défense.

Confier le pouvoir de juger aux procureurs est contraire au principe fondamental de séparation entre les autorités chargées de la poursuite et les autorités de jugement, rappelé par le Conseil constitutionnel dès le 5 février 1995.

C'est aussi une mesure contraire à la séparation des pouvoirs. En effet, à la différence des magistrats du siège, qui sont indépendants, les procureurs sont placés sous l'autorité hiérarchique, désormais renforcée, du ministre de la justice. Cela revient donc à conférer la fonction de juger à des représentants du pouvoir exécutif.

Si votre texte est adopté, nous saisirons immédiatement le Conseil constitutionnel pour qu'il le censure. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le garde des sceaux, écoutez la voix des avocats, des magistrats, de tous ceux qui veulent à la fois la sécurité et la liberté (Mêmes mouvements) et retirez ce projet inconstitutionnel dans lequel la France des droits de l'homme ne peut aucunement se reconnaître ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je comprends que vous soyez hostile à un projet de loi déposé par notre gouvernement et approuvé par la majorité de l'Assemblée. Mais pourquoi utilisez-vous, comme d'autres, des arguments faux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous dites qu'il n'y a pas de définition précise du concept de « criminalité organisée ». C'est faux ! La criminalité organisée, comme je l'ai dit hier, correspond à une liste précise de crimes et de délits, accomplis en bande organisée, ce qui relève d'une définition stricte qui figure dans le code pénal depuis longtemps.

Vous dites que ces procédures pourront s'appliquer à la délinquance ordinaire. C'est faux ! Vous qui êtes un juriste attentif, vous avez dû noter que chaque recours à un moyen exceptionnel d'enquête est placé sous le contrôle du juge du siège. Pourquoi voudriez-vous que ce magistrat commette systématiquement des irrégularités par rapport à la loi ? Il n'y a aucune raison à cela.

Vous dites aussi que le garde des sceaux pourra intervenir dans la procédure de jugement. C'est faux ! Et vous le savez très bien.

M. Lucien Degauchy. De toute façon, il a tout faux !

M. le garde des sceaux. Vous dites encore que le plaider-coupable n'est qu'une négociation sans audience et que c'est le procureur qui fixe la peine. C'est faux !

Vous dites enfin qu'il n'y a pas de débat contradictoire. Là encore, c'est faux ! L'avocat est obligatoirement présent pendant la discussion et devant le juge. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. Et le procès ?

M. le garde des sceaux. Encore une fois, je comprends que vous soyez hostile à certaines orientations du Gouvernement. Pour ce qui me concerne, et sous l'autorité du Premier ministre, je vise deux objectifs :

D'une part, donner à la justice française les moyens de lutter efficacement contre cette criminalité organisée de plus en plus dangereuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous démontrez que ce n'est pas ce que vous voulez. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

D'autre part, faire en sorte que les Françaises et les Français puissent avoir accès à la justice dans des conditions décentes. Nous devons mettre un terme à cette caricature de justice que sont les procédures correctionnelles telles qu'elles se déroulent aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle le plaider-coupable constitue une humanisation et une amélioration de l'accès à la justice. Vous le savez bien d'ailleurs.

Pour finir, je poserai une question, monsieur Schwartzenberg. Lors des trois lectures du texte devant votre assemblée, je dois dire que je vous ai peu vu sur ces bancs. (Huées sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. C'est minable !

M. Albert Facon. Délateur !

M. le garde des sceaux. Pourquoi lorsque le texte issu de la commission mixte paritaire est venu en débat, mesdames, messieurs du groupe socialiste, n'étiez-vous que trois en séance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

REVENU MINIMUM D'ACTIVITE

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Rodolphe Thomas. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

La loi portant décentralisation du revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité a été publiée au Journal officiel le 19 décembre 2003. Lors du débat parlementaire, le groupe UDF avait demandé le report de son entrée en vigueur au 1er juillet 2004, estimant que les départements ne pouvaient être prêts avant. Mais vous n'avez pas suivi nos recommandations.

Aujourd'hui, les décrets nécessaires à sa mise en œuvre ne sont toujours pas parus et ses dispositions ne peuvent être appliquées par les départements. Certains, profitant de ce flottement, vont même jusqu'à exprimer de fortes réticences devant l'application de la loi en cette période pré-électorale.

N'oublions pas que le succès du RMA dépend fortement de l'engagement des conseillers généraux en matière d'insertion. Nous sommes tous sollicités dans nos circonscriptions par les entreprises, les associations et surtout les RMIstes en attente d'une insertion sociale et professionnelle.

Comme l'absence de décrets d'application est éminemment préjudiciable à toutes celles et tous ceux qui souhaitent bénéficier de ce nouveau dispositif pour trouver un véritable emploi, pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, où en est leur élaboration ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Monsieur le député, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. le ministre des affaires sociales, retenu au Sénat.

Les objectifs du dispositif du RMA, vous les connaissez, ils sont clairs : il s'agit de répondre à notre préoccupation première, l'emploi, en offrant une bonne transition entre revenus d'assistance et insertion professionnelle alors que le processus d'insertion, selon un constat unanime, était auparavant en panne.

Depuis le 1er janvier, ce sont effectivement les départements qui ont la pleine responsabilité de la gestion du RMI et de la politique locale d'insertion. Le Gouvernement a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer une transition efficace. Les organismes payeurs comme les services départementaux ont ainsi assuré dans la continuité l'accueil des bénéficiaires et l'instruction des dossiers. A ce jour, je suis en mesure de vous dire qu'il n'y a eu aucune rupture de droits.

Les décrets d'application sont à l'étude au Conseil d'Etat. Ils sont prêts.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Ils vont être publiés dans très peu de temps. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

D'ores et déjà, un certain nombre de départements se sont mobilisés pour réunir autour d'eux les acteurs économiques et sociaux afin que la mise en place du RMA se déroule dans les meilleures conditions possibles.

Cette mobilisation renvoie à un enjeu essentiel : faire en sorte que tous ceux qui sont actuellement exclus du monde du travail puissent retrouver rapidement le chemin de l'emploi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Albert Facon. Ils attendent les décrets !

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées, avec le soutien de la majorité, quand vous avez prétendu sauver les retraites, c'était pour les compromettre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quand vous avez prétendu sauvegarder les services publics, c'était pour les soumettre au marché et préparer leur privatisation.

Quand vous prétendez renforcer le droit du travail, c'est pour instaurer la précarité avec le contrat de mission et réduire les protections que le code du travail apporte aux salariés.

Quand vous prétendez favoriser la discussion entre salariés et employeurs, c'est pour supprimer les 35 heures tout en conservant la flexibilité et la modération salariale.

Quand vous prétendez relancer l'économie pour l'emploi, c'est pour ignorer la multiplication des plans sociaux, les délocalisations, la vente à des mains étrangères des fleurons de notre économie.

Quand vous prétendez baisser les impôts, c'est pour alléger ceux des plus riches.

Aujourd'hui, les déficits de l'Etat et de la sécurité sociale sont devenus abyssaux. Ils vous servent d'alibi pour ponctionner à nouveau les salariés par une hausse de la CSG et pour lancer des vagues successives de déremboursements de médicaments.

Vous laissez progresser la gangrène pour mieux justifier l'amputation. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais ce que vous vous interdisez de faire en tant que médecin, ne le faites pas en tant que ministre !

Comprenez que nous ne soyons pas enclins à vous témoigner une aveugle confiance en nous faisant hara-kiri pour vous habiliter à réformer la sécurité sociale par ordonnances.

Vous disposez d'une majorité écrasante, mais l'opposition vous fait peur car le débat lui-même vous fait peur. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Déjà 14 % de nos concitoyens renoncent à se soigner pour des raisons financières. Le pourcentage monte à 30 % pour les chômeurs. Voilà la réalité !

Vous la niez, alors faites un référendum sur votre projet de casse de la sécurité sociale car cette dernière fait partie du pacte social.

M. Thierry Mariani. La question !

M. Jacques Desallangre. Osez le débat de fond sur le droit aux soins pour tous, sur le nécessaire élargissement de l'assiette de financement au moment où, sous votre responsabilité, l'économie détruit plus d'emplois qu'elle n'en crée.

M. Céleste Lett. Blabla !

M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre, allez-vous sacrifier la « sécu » en catimini ou oserez-vous le faire en plein jour, aux yeux du peuple, qui pourra alors vous juger ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est M. le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, si nous avions la même politique, et si, d'une manière générale, nous avions la même conception des choses, cela se saurait. Je vous épargnerai donc la litanie de nos points de désaccords pour m'en tenir à la sécurité sociale.

Nos prédécesseurs, en 1945, ont fondé la sécurité sociale dans un bel élan d'unanimité. Aujourd'hui, au Gouvernement, nous pensons que le sujet mérite que nous l'abordions ensemble dans un esprit de consensus.

C'est pour cette raison qu'une première phase de diagnostic partagé a été engagée et cela d'une manière tout à fait objective. Certains d'entre vous, y compris sur vos bancs, y ont participé assidûment. Désormais, le consensus est établi.

Nous allons engager pendant trois mois une phase de concertation et de négociation. Je recevrai personnellement chacune des cinquante-sept délégations impliquées dans notre système de santé. Comme je l'ai annoncé, nous disposerons au mois d'avril d'un premier texte d'orientation sur lequel porteront les négociations.

Enfin, le Gouvernement prendra ses responsabilités. Nous aurons à débattre des problèmes de structures, éventuellement de la loi organique et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 qui sera l'application de notre réforme.

Nous ne pouvons envisager une telle réforme sans que chacun y contribue et donne son sentiment. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Et sans ordonnances ?


RÉUNION DES MINISTRES DES FINANCES DU G7

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour le groupe UMP.

M. Louis Giscard d'Estaing. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, le week-end dernier s'est tenue aux Etats-Unis une réunion des ministres des finances du G7, au cours de laquelle vous avez, avec vos homologues, évoqué la situation et les perspectives de l'économie mondiale. Vous avez estimé que l'économie mondiale allait mieux, mais vous avez constaté aussi que la reprise qui s'amorçait était inégale selon les pays,...

M. Henri Emmanuelli. Bravo !

M. Louis Giscard d'Estaing. ...et risquait d'être mise en péril par des mouvements de change brutaux.

Le communiqué final de cette réunion indique notamment qu'une volatilité excessive et des mouvements désordonnés des taux de change ne sont pas souhaitables pour la croissance.

On sait l'évolution récente des écarts de parité entre le dollar et l'euro. Or, le précédent communiqué du G7, qui avait appelé à plus de souplesse sur les devises, avait été interprété comme un feu vert à la poursuite de la baisse du dollar, alors que ce n'était pas l'idée directrice que la France, par votre voix, avait voulu impulser.

Quel bilan, monsieur le ministre, tirez-vous de cette réunion et, surtout, qu'en attendez-vous pour l'évolution des changes, notamment entre le dollar et l'euro, et pour la croissance économique mondiale ?

En particulier, quelle perspective y a-t-il que l'économie française, compte tenu de ce qu'il est convenu d'appeler sa spécificité, bénéficie des retombées de la forte croissance économique constatée dans d'autres pays, notamment, aux Etats-Unis ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Giscard d'Estaing, la réunion de Floride s'est bien passée - mieux qu'on aurait pu le craindre. (« Tant mieux ! » et rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

C'est là, avant tout, le résultat de l'attitude des Européens qui, comme vous le savez, étaient parvenus à définir avec la Banque centrale européenne, trois semaines avant cette réunion, les éléments qu'il leur paraissait nécessaire de rappeler à propos de la volatilité des monnaies et des risques qui pouvaient en découler.

M. Henri Emmanuelli. Bravo !

M. François Hollande. Il dit la vérité. C'est le seul.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les éléments du communiqué européen ont été repris par le G7, ce qui est positif.

Un autre élément important est la manière dont M. John Snow a présenté la politique budgétaire américaine, précisant - et nous demandant, d'ailleurs, de faire savoir chacun de notre côté - que cette politique serait responsable.

M. François Hollande. Pas comme la nôtre !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette stratégie, qui consiste à stabiliser les dépenses et à réduire le déficit américain - qui, comme vous le savez, est élevé - de 0,5 % à 0,6 % chaque année, correspond exactement à celle que nous mettons en œuvre en Europe.

J'en conclus que la reprise est effectivement là (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), et que nous allons en bénéficier. Nous en avons, d'ailleurs, déjà bénéficié, et les résultats du quatrième trimestre, qui seront communiqués incessamment, vous surprendront agréablement. Les chiffres du commerce extérieur sont également favorables. Nous nous inscrivons donc, pour 2004 et 2005, dans une stratégie économique qui nous semble de nature à accélérer le redressement de notre économie, y compris en matière d'emploi.

En ce qui concerne les changes, le marché a désormais compris que nous souhaitons que la totalité des zones économiques participent aux efforts de rééquilibrage commercial à travers les fluctuations normales des taux de change. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

HOSPITALISATION À DOMICILE

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, pour le groupe UMP.

M. Yves Bur. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées.

Monsieur le ministre, l'hospitalisation à domicile permet, d'une part, de renforcer les relations entre les professionnels de l'hôpital et les médecins de ville, mais, surtout, répond à la demande croissante des patients. En effet, cette forme de suivi médical, destinée à écourter les durées de séjour en établissement de santé, voire à éviter une hospitalisation, selon le traitement nécessaire, me semble mériter d'être soutenue. Or, peu répandue, méconnue et, surtout, inégalement implantée sur le territoire national, elle joue, aujourd'hui encore, un rôle trop marginal dans l'offre de soins.

Le développement de l'hospitalisation à domicile ne sera possible que grâce à la mise en œuvre d'une planification moins contraignante de cette offre, complétée par une tarification nouvelle et plus incitative, qui prenne en compte à la fois la lourdeur de prise en charge et le niveau de dépendance des patients.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire connaître les moyens que vous entendez mobiliser pour développer l'hospitalisation à domicile ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur Bur, l'hospitalisation à domicile est un outil très efficace pour améliorer la prise en charge des malades. Elle peut, en effet, éviter l'hospitalisation conventionnelle ou en réduire la durée, et elle allie humanisme et technicité. Elle permet de répondre au désir de chacun de rester chez soi, dans toute la mesure du possible, et d'y être bien soigné.

Malheureusement, l'hospitalisation à domicile est, vous l'avez dit, trop peu répandue, inégalement organisée et souvent méconnue. Le Gouvernement a donc décidé de lancer un plan ambitieux de développement de l'hospitalisation à domicile. D'ici à la fin de 2005, le nombre de places sera presque doublé, passant de quatre mille sept cents à huit mille places, grâce à trois mesures déjà partiellement en place.

Il s'agit, d'abord, de l'assouplissement de la planification, que permet l'ordonnance de simplification sanitaire du 4 septembre 2003. Ainsi, je le rappelle, il n'est plus nécessaire de fermer un lit pour en ouvrir un à domicile, et il n'y a plus de limitation de la carte sanitaire.

Le deuxième outil consistera à accompagner ces créations sur le plan financier, avec 66 millions d'euros pour mille deux cents places dans le public et 50 millions d'euros pour mille six cents places dans le privé d'ici à la fin de 2005.

La troisième mesure, qui permettra de pérenniser ces programmes, est la tarification à l'activité, spécifique à l'hospitalisation à domicile, et donc incitative, qui permettra de tenir compte de la lourdeur de la prise en charge et du niveau de dépendance des patients qui seront ainsi maintenus chez eux.

Enfin, j'ai signé la semaine dernière une circulaire qui donne aux agences régionales d'hospitalisation un guide pour organiser les schémas d'hospitalisation à domicile. Celle-ci doit se développer. Nous l'attendons tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

EXTENSION DE L'ESPACE MARITIME FRANÇAIS

M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon, pour le groupe UMP.

M. Gérard Grignon. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La superficie de l'espace maritime de l'Hexagone, dans les limites de sa zone économique exclusive, est de l'ordre de 400 000 kilomètres carrés. Avec l'outre-mer, cet espace maritime passe à environ 10 millions de kilomètres carrés, ce qui en fait le deuxième du monde, et confère à notre pays et à ses territoires des droits souverains en matière économique, notamment pour l'exploitation des ressources du sous-sol marin.

Or, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer permet aux pays côtiers d'étendre leur juridiction jusqu'aux limites du plateau continental. La France pourrait ainsi, avec l'outre-mer français, étendre cette juridiction sur un million de kilomètres carrés supplémentaires, soit sur plus du double du seul espace maritime actuel de l'Hexagone.

Il est inutile d'insister sur l'intérêt économique et stratégique incontestable que présenterait pour la France une demande d'extension de sa juridiction sur son plateau continental au-delà de la limite des 200 milles marins. A cette fin, il faut réaliser les travaux et études nécessaires à la constitution du dossier devant être soumis à l'examen de la commission compétente de l'ONU.

Dans ce cadre, il est urgent et indispensable de préserver les intérêts de la France, en particulier à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Canada, qui vient de ratifier la convention de Montego Bay pour revendiquer l'extension de sa juridiction au-delà des 200 milles, jusqu'aux limites de son plateau continental, a déjà constitué l'essentiel de son dossier.

Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement est-il fermement décidé à monter et à déposer dans les plus brefs délais le dossier relatif l'extension de sa juridiction sur sa zone économique entourant Saint-Pierre-et-Miquelon, jusqu'aux limites de son plateau continental ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Je vous remercie, monsieur le député, d'avoir rappelé des chiffres éloquents qui soulignent toute l'importance économique et stratégique de l'outre-mer, qui fournit à la France 98 % de sa zone maritime.

Il n'est pas inutile de rappeler, à cette occasion, que Saint-Pierre-et-Miquelon et l'ensemble de nos collectivités d'outre-mer sont pour la France une très grande chance, et non pas une charge comme on l'entend, malheureusement, trop souvent dire.

Comme vous l'avez indiqué, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer nous permet de revendiquer des droits sur le plateau continental, au-delà de la limite des 200 milles, sur une zone qui peut aller jusqu'à 350 milles.

Nous avons bien l'intention de déposer un dossier auprès de la commission des Nations unies compétente à cet effet. Ce dossier doit être déposé, au plus tard, en mai 2009, mais nous y travaillons d'ores et déjà, et le Premier ministre a mis en place un groupe de travail interministériel chargé de préparer les travaux techniques nécessaires à son élaboration. Pour ce qui concerne les espaces maritimes au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, un certain nombre de relevés ont déjà été programmés, qui seront sans doute effectués par le Marion Dufresne.

Mais, vous le savez, monsieur le député, nous avons à régler un problème géographique et juridique spécifique à Saint-Pierre-et-Miquelon. Un tribunal arbitral a, en effet, en 1992, délimité la zone économique française au large de Saint-Pierre-et-Miquelon en l'enclavant dans la zone économique canadienne, de sorte que le plateau continental, qui n'est pas visé par cette sentence arbitrale, est lui aussi enclavé dans la zone canadienne. La question reste donc ouverte, et nous serons amenés, le moment venu, à ouvrir des discussions avec le Canada pour délimiter notre plateau continental.

Je puis vous assurer que nous défendrons avec une détermination sans faille les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon, car, en défendant l'archipel français, nous défendons les intérêts de la France en Amérique du Nord. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PAUVRETÉ

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe socialiste.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La pauvreté recommence à se développer dans notre pays. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Laissez parler l'opposition ! Laissez-nous nous exprimer ! La démocratie, c'est aussi écouter les autres ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est au point que l'abbé Pierre, un demi-siècle après son appel du 1er février 1954, a estimé nécessaire de lancer un nouveau cri d'alarme. Vous n'aurez pas l'indécence de mettre en cause, une fois de plus, le bilan du gouvernement précédent, (« Si ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) car, en 2000 et en 2001, le nombre de bénéficiaires du RMI avait reculé.

Cet hiver, la fréquentation des « Restos du Cœur » connaît une hausse de plus de 10 %, et leurs responsables, partout en France, sont très inquiets.

Cette situation est le fruit de la politique menée depuis deux ans, qui fait payer aux personnes les plus fragiles de notre société la dégradation de la situation économique et les difficultés budgétaires de l'Etat : restriction de l'ASS pour les chômeurs en fin de droits, modification du régime des intermittents du spectacle, transfert improvisé du RMI vers les départements, diminution des allocations versées aux mères isolées,... la liste est longue !


Dans une conjoncture d'accroissement rapide du chômage, toutes ces mesures ont des effets désastreux, que nous constatons chaque jour sur le terrain.

Hier pourtant, monsieur le Premier ministre, vous avez rapidement annoncé, peut-être à des fins électorales, près de deux milliards d'euros de dépenses supplémentaires, non budgétées, pour certaines catégories socioprofessionnelles... Que devient, dès lors, la solidarité nationale ?

Ma question est donc la suivante (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) :...

M. François Goulard. Quand même !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. ...allez-vous poursuivre dans cette voie, ou bien allez-vous prendre conscience de la dureté de votre politique et cesser d'en faire payer le prix aux plus pauvres et aux plus précarisées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion.

Mme Dominique Versini, secrétaire d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Madame la députée, la précarité a en effet augmenté durant ces dernières années, alors que vous aviez les commandes de l'Etat (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), que la croissance était là et que vous n'aviez pas pris les mesures permettant de lutter efficacement contre l'exclusion. (Mêmes mouvements.)

Parmi toutes les questions que vous avez omises, je citerai : les demandeurs d'asile, que votre absence de réforme du droit d'asile a placés dans l'impasse (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ; les femmes victimes de violences conjugales ; le surendettement de toutes ces familles au bord de l'abandon ; la crise du logement ; les sans-abri, pour lesquels vous n'avez jamais mis en place une véritable politique leur permettant de sortir de l'urgence sociale. (Mêmes mouvements.)

Aujourd'hui, le Gouvernement s'engage avec détermination à y apporter des réponses concrètes : la procédure de rétablissement personnel, votée à l'initiative de Jean-Louis Borloo, va permettre à des centaines de milliers de familles de repartir à zéro ; le renforcement du dispositif d'urgence sociale, qui a fait l'objet d'un réajustement budgétaire de 15 % en 2003, alors que vous aviez laissé les associations de lutte contre l'exclusion exsangues, et désespérées face à l'arrivée des demandeurs d'asile pour lesquels vous n'aviez rien fait (Mêmes mouvements) ;...

M. Julien Dray. C'est incroyable ce qu'elle dit !

Mme la secrétaire d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion. ... la réforme du droit d'asile, que vous n'aviez pas osé mener ; l'engagement de M. le ministre du logement de financer 80 000 logements sociaux et de proposer la loi « Habitat pour tous » pour répondre à une crise du logement sans précédent, tandis M. le Premier ministre va présider un débat national sur le logement avec l'ensemble des acteurs du secteur, qui l'attendaient depuis des années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Comme le Gouvernement est conscient que la lutte contre l'exclusion est une question très importante, je suis en train d'évaluer la loi de lutte contre l'exclusion que vous aviez votée. C'est une bonne loi, mais vous ne l'avez pas appliquée, une fois de plus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. C'est pas vrai !

M. le président. Monsieur Dray, laissez répondre Mme la secrétaire d'Etat !

M. Julien Dray. Mais elle est nulle !

Mme la secrétaire d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Nous organiserons en juin une conférence nationale de lutte contre les exclusions, à laquelle participera l'ensemble des associations et des partenaires sociaux. Et, enfin, nous ferons ce que vous n'avez pas osé faire : nous tiendrons un comité interministériel de lutte contre l'exclusion, conformément à ce que prévoit la loi de lutte contre les exclusions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous n'avez pas osé le faire, nous le ferons ! Comme quoi il ne suffit pas de voter des lois, faut-il encore les appliquer ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs et du groupe Union pour la démocratie française. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Non, pas les pupitres ! Nous ne sommes pas à l'école ici ! Un peu de tenue quand même ! Monsieur Vaillant, vous qui êtes un homme d'ordre, donnez l'exemple !

PAJE ET API

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Marc Roubaud. J'aborde un sujet plus consensuel... Ma question s'adresse à M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Elle porte sur la PAJE, la prestation d'accueil du jeune enfant, cette avancée en matière de politique familiale qui a été mise en place le 1er janvier dernier.

La PAJE permet d'injecter un milliard d'euros supplémentaires dans le dispositif de soutien aux familles, autant de dépenses en moins pour celles-ci, et de leur simplifier les démarches administratives puisqu'elle regroupe six anciennes prestations. Elle accroît aussi l'offre de garde, avec plus de places en crèche. Elle assure, enfin, la reconnaissance des assistantes maternelles. (« C'est pas vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Par contre, cette prestation n'étant pas compatible avec l'allocation de parent isolé, les parents concernés, souvent de jeunes mères en difficulté, sont laissés de côté.

En conséquence, comptez-vous, monsieur le ministre, prendre des mesures pour que ces parents puissent bénéficier de la prestation d'accueil du jeune enfant ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le député, il n'y aura aucune famille perdante dans notre dispositif. Contrairement aux mauvaises polémiques lancées sur ce sujet (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), les bénéficiaires des allocations parentales pour parents isolés pourront bien entendu cumuler l'API avec la prime de 800 euros à la naissance et avec les trois premiers versements de la PAJE.

De plus, les bénéficiaires de l'API qui emploient une assistante maternelle, percevront, grâce à la PAJE, 150 euros par mois de plus que précédemment, pendant trois ans. (Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En outre, pour les familles qui ont un revenu équivalent au SMIC, le coût d'une assistante maternelle représentait 30 % de leur salaire. Dorénavant, ce coût est ramené à 10 % -12 %.

M. Philippe Vuilque. C'est faux !

M. le ministre délégué à la famille. C'est une avancée de plus pour les familles les plus démunies.

Vous voyez que sur ce sujet, comme sur beaucoup d'autres, il y a ceux qui vocifèrent, mais qui pendant cinq ans n'ont rien fait, absolument rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et il y a ceux qui agissent ! Les Français sauront faire la différence ! (Mêmes mouvements.)

COUVERTURE DES ZONES RURALES
PAR LA TÉLÉPHONIE MOBILE

M. le président. La parole est à M. Alain Cousin, pour le groupe de l'UMP.

M. Alain Cousin. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le ministre, mes chers collègues, en juillet 2001, le gouvernement précédent avait prévu, lors d'un CIADT dont vous vous souvenez tous, de couvrir les zones dites « blanches » sur l'ensemble du territoire, en matière de téléphonie mobile. Or, le dispositif n'était pas très bien encadré juridiquement - c'est le moins qu'on puisse dire - et, surtout, n'avait, hélas !, rien produit de concret. Aussi le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a-t-il souhaité, comme sur beaucoup d'autres sujets, rompre avec cette politique d'affichage (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) par des actions concrètes. C'est la mission qui vous incombe, monsieur le ministre, ainsi qu'à votre collègue Nicole Fontaine, elle aussi très active en ce domaine.

C'est dans cet esprit que vous avez inauguré, la semaine dernière, le premier pylône en itinérance locale, dans le cadre du plan gouvernemental sur la téléphonie mobile. Celui-ci vise à réduire la fracture qui handicape nos concitoyens et grève les perspectives de développement économique de nos territoires les moins couverts.

En effet, l'itinérance locale présente un double atout : la garantie d'une accessibilité pour tous au service de la téléphonie mobile, et l'optimisation de l'utilisation des financements publics.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler les conclusions du comité de pilotage sur la téléphonie mobile,...

M. Michel Lefait. Allô ? Allô ?

M. Alain Cousin. ...que vous avez présidé jeudi dernier ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser comment ce projet d'itinérance locale a été accueilli par les différents acteurs de ces « zones blanches » et si, d'ores et déjà, d'autres implantations de ces pylônes d'itinérance sont programmées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô ? Allô ?

M. le président. Je ne sais pas pourquoi vous dites « Allô ? » (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, (« Allô ? Allô ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) ...

M. le président. Si vous pouviez au moins écouter la conversation ! (Sourires.)

M. André Schneider. Ils ne sont pas branchés ! (Sourires.)

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler qu'aujourd'hui, l'accès à la téléphonie mobile est une exigence de la part de nos concitoyens. Or, plus de 700 000 personnes et près de 3 000 communes ne sont toujours pas couvertes. Notre objectif est d'y parvenir d'ici 2007.

Dans ce but, plusieurs mesures ont été prises : le CIADT de décembre 2002 a prévu 44 millions d'euros de soutien pour les collectivités locales ; le 15 juillet, une convention a permis aux trois opérateurs de se mettre d'accord sur un plan d'action ; le 28 juillet, nous avons obtenu de la Commission européenne la capacité de mobiliser des fonds européens ; le 3 septembre, sous l'impulsion du Premier ministre, les investissements des collectivités locales sont devenus éligibles à la récupération de la TVA ; le 10 octobre, nous avons rendu possible l'utilisation des sites TDF ; depuis, grâce au soutien de Mme Nicole Fontaine et de M. Patrick Devedjian, nous sécurisons l'intervention juridique des collectivités locales et nous donnons la possibilité aux trois opérateurs d'utiliser l'itinérance locale.

Décider, c'est bien ; vérifier, c'est mieux. Quel est le bilan du comité national qui s'est tenu en Haute-Marne ?

Aujourd'hui, soixante et onze conseillers généraux ont décidé d'assumer la maîtrise d'ouvrage ; quarante-huit conseils généraux ont délibéré ; les travaux sont lancés sur les 1 250 sites de recherche et quarante d'entre eux sont sur le point d'être aménagés.

M. Alain Néri. C'est virtuel !

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Les opérateurs ont indiqué qu'à la fin du premier semestre 2005, la totalité de cette phase sera réalisée. Comme vous le soulignez monsieur le député, l'itinérance locale est aujourd'hui une réalité. Ce sera un « réseau contact ». Je suis allé à Osne-le-Val, en Haute-Marne, vérifier l'application et la faisabilité de cette opération car, je le répète, il ne suffit pas d'annoncer des projets. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

AUDIOVISUEL PUBLIC

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste.

M. Michel Françaix. Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.

Je compte, monsieur le ministre, sur votre fair play pour ne pas répondre, comme certains de vos collègues, que c'est toujours de la faute de vos prédécesseurs, puisqu'il s'agit d'une question d'actualité (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et que d'ailleurs, deux ans après l'alternance, ça ne marche plus.

M. Renaud Donnedieu de Vabres. Si, ça marche !

M. Michel Françaix. Monsieur le ministre, y a-t-il une fatalité de l'enlisement pour tous les dossiers que vous approchez ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) : impasse sur le dossier des intermittents du spectacle, aggravée par des vilenies contre les jeunes femmes enceintes, que certains voudraient priver de tout statut (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ; situation folle à France 2, où la course à l'échalote derrière TF1, au mépris des règles du service public, nous a fait vivre un suspense insoutenable : après « Alain Juppé se retire-t-il de la vie politique ? », « Olivier Mazerolle se retire-t-il de la vie médiatique ? »... Moralité, si l'on peut dire, ne démissionne pas toujours celui qu'on croit ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Et, surtout, il y a cette grève à Radio France, à laquelle s'est jointe RFI, avec ses 610 journalistes et 4 000 permanents, triste record de la grève la plus longue de notre histoire.

M. René Couanau. C'est nul !

M. Michel Françaix. Et pourtant, la qualité du service public de la radio est plébiscitée : France Inter avec ses 5,4 millions d'auditeurs, et France Info, première radio thématique, que vous abandonnez ! Oui, que vous abandonnez, dans cette stratégie du pourrissement, que vous affectionnez tant. Dommage d'ailleurs que M. Sarkozy ne soit pas leur ministre de tutelle, car lui dirait que la performance vaut récompense !

Mais je sais que tout n'est peut-être pas votre faute, car vous appartenez à un gouvernement où le patrimoine que représentent les radios publiques est balayé d'un revers de main, ...

M. Jean Auclair. Très bien !

M. Michel Françaix. ...où la panne du service public est voulue.

M. Jean Auclair. Encore mieux !

M. Michel Françaix. Serez-vous le ministre qui, avec d'autres, prolongera son idylle avec TF 1 au point de rendre incontournables la privatisation de France 2 et l'abandon du patrimoine que constituent les radios publiques ? Est-ce, après Malraux, après Lang, votre façon de défendre l'exception culturelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Mesdames et messieurs les députés, la fresque que vient de dérouler M. Françaix est hardie, mais elle n'est guère crédible. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Votre assemblée est dominée par la représentation de l'Ecole d'Athènes, qui doit nous inviter à appliquer les principes de la raison et du sain raisonnement. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Or, l'amalgame est contraire aux principes de la raison. Que vient de faire M. Françaix, sinon de mettre dans le même sac une série de phénomènes isolés, et de tenter d'accréditer l'idée que ceux-ci ont un rapport les uns avec les autres ?


D'un côté, vous le savez, s'agissant de France 2, il y a un problème de responsabilité éditoriale. D'un autre côté, s'agissant de Radio France, il y a un conflit social,...

M. Michel Françaix. Vous en êtes responsable !

M. le ministre de la culture et de la communication. ...portant sur des revendications salariales.

S'agissant de France 2, comme vous le savez, tant le président de France Télévisions que le directeur de l'information, ont pris leurs responsabilités.

Mme Martine David. Et vous ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Il n'appartenait pas au ministre de la culture et de la communication de faire ingérence dans ce processus.

M. Christian Bataille. Tartuffe !

M. le ministre de la culture et de la communication. Si je l'avais fait, vous auriez dit, mesdames et messieurs les députés, que le temps du ministère de l'information était revenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

S'agissant de Radio France, j'ai déjà exposé ici, devant votre assemblée, la position du Gouvernement.

Premièrement, attachement au service public de la radio et de la télévision. Nous l'avons démontré.

Deuxièmement, démenti catégorique de la fable, que vous essayez d'accréditer, d'un démantèlement du service public et d'une privatisation de France Télévisions et de Radio France. C'est faux, je le dis solennellement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Troisièmement, soutien à la responsabilité des patrons de l'audiovisuel public. Nous ne pratiquons pas à leur égard comme vous avez trop souvent pratiqué,...

M. François Hollande. Oh, ça va !

Mme Martine David. C'est aujourd'hui, la grève ! Pas hier !

M. le ministre de la culture et de la communication. ...en essayant de déstabiliser leurs responsabilités par des manœuvres subalternes.

Quatrièmement, soutien apporté au président de Radio France pour qu'une solution puisse se dégager, qui soit à la fois honorable et convenable.

M. François Hollande. Avec quels moyens ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce matin, je m'en suis encore entretenu avec le président de Radio France,...

M. Christian Bataille. Et alors ?

M. le ministre de la culture et de la communication. ...M. Cavada, à qui je fais confiance. Et j'ai bon espoir que la responsabilité de la direction et des syndicats...

M. François Hollande. Et la vôtre ?

M. le ministre de la culture et de la communication. ...aboutira à une conclusion heureuse de ce conflit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

PÊCHE A L'ANGUILLE

M. le président. La parole est à M. Christian Jeanjean, pour le groupe UMP.

M. Christian Jeanjean. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Monsieur le ministre, nous venons de prendre connaissance des propositions de réglementation de la Commission européenne au sujet d'un plan d'action communautaire pour la gestion des stocks d'anguilles dans les étangs français.

Devant la diminution du stock de civelles, les petites anguilles à la naissance, la Commission a souhaité, dans l'immédiat, une limitation drastique de la pêche à l'anguille, et plus tard, sa suppression pure et simple.

Cette réglementation est inadaptée.

D'abord parce qu'on doit agir, non pas sur l'anguille adulte, mais sur sa larve, qui est la civelle, et tout faire pour que la civelle puisse grossir et devenir adulte. (Murmures et rires sur les bancs du groupe socialiste.) Merci de m'écouter, chers collègues.

Or, actuellement, seulement 5 % des civelles pêchées sont réservées à cette fin, et 95 % des captures sont vouées à la consommation humaine. C'est donc le braconnage de la civelle qu'il faut supprimer.

Ensuite, parce que la pollution a envahi les étangs, et que cela ne facilite pas la vente et le grossissement des anguilles. Il faut donc, par des travaux importants, réhabiliter les étangs. Sur les étangs palavasiens, ceux du Languedoc-Roussillon et de l'ensemble de la France, plusieurs milliers de familles vivent de cette pêche. L'Etat et les régions ont fait un gros travail de réhabilitation de ces lieux.

Enfin, l'interdiction de la pêche à l'anguille imposerait au consommateur de consommer des anguilles d'élevage (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste),...

M. le président. Mais qu'est-ce que vous avez contre les anguilles, mes chers collègues ?

M. Christian Jeanjean. ...ce qui, il faut bien l'avouer, serait une aberration.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour que l'Europe comprenne que la solution qu'elle tente de nous imposer serait pire que le mal ? Et quels moyens pourriez-vous mettre à notre disposition pour réhabiliter ce milieu naturel qui est celui des étangs de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, laissez M. de Robien vous parler des anguilles !

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Surtout qu'il n'y a pas anguille sous roche !

Monsieur le député, permettez-moi de répondre à la place de M. Gaymard, qui est actuellement retenu au Conseil supérieur de la forêt. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mais pourquoi les anguilles vous énervent-elles à ce point ?

M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le 1er octobre dernier, la Commission européenne a rendu une communication sur le développement des anguilles à ses trois stades : le stade de la civelle, le stade de l'anguille jaune et le stade de l'anguille dorée. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Au stade de la civelle, il n'a pas de problème : il s'agit de permettre aux anguilles de remonter à ce stade-là. Et apparemment la communication ne pose pas de problème.

Au stade de l'anguille jaune, c'est-à-dire l'anguille adulte, il y a un problème de stocks. Il pourrait être résolu en s'efforçant de limiter le nombre de prises et la période de pêche.

Au stade de la descente, de l'anguille dorée, il s'agit de s'appuyer sur une étude néerlandaise qui semblerait démontrer qu'il y a un taux de mortalité de 97 %. (« Quelle horreur ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Evidemment, ce rapport est reçu de façon très contrastée selon qu'on se trouve du côté de l'Atlantique, où on a le droit de pêcher des civelles, ou du côté de la Méditerranée, où on ne la pêche pas. Sur la côte méditerranéenne, on estime que le rapport néerlandais est insuffisant. En tout cas, il est contesté.

En tout état de cause, il est primordial de mettre en place un plan de gestion. La Commission propose de laisser aux autorités de gestion le soin de choisir les modalités pratiques le mieux adaptées aux situations locales. Je peux vous assurer que mon excellent collègue M. Gaymard, qui est chargé de la pêche, saura répondre à vos préoccupations et préserver les intérêts de toutes les professions concernées,...

M. René Couanau. Très bien !

M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ...les pêcheurs, les mareyeurs et les pisciculteurs, que l'on se trouve sur la façade méditerranéenne ou sur la façade atlantique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ADMINISTRATION ELECTRONIQUE

M. le président. La parole est à M. Etienne Blanc, pour le groupe UMP.

M. Etienne Blanc. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.

Monsieur le ministre, lundi dernier à Lyon, M. le Premier ministre a dévoilé, au siège de la Caisse d'allocations familiales, le projet ADELE, dont le but est de développer l'administration électronique dans les années 2004-2007.

Ce projet, piloté par le secrétariat d'Etat à la réforme de l'Etat, marque un effort interministériel sans précédent puisqu'il comprend 140 mesures pour développer 300 nouveaux services, qui vont permettre une meilleure circulation de l'information, une meilleure gestion, par la mutualisation de projets identiques entre administrations, et une meilleure efficacité, par la suppression de tâches de saisie devenues inutiles.

Sous l'angle financier, ce projet, pour un coût de 1,8 milliard d'euros hors budget de formation, va générer des gains de productivité qui se situent entre 5 et 7 milliards d'euros par an à partir de 2007.

Si tout le monde comprend bien, aujourd'hui, l'intérêt du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, on peut toutefois s'interroger sur l'accessibilité réelle à ces nouveaux services, puisque, à ce jour, seuls 10 millions de foyers sont équipés d'un ordinateur et que les deux tiers d'entre eux ne sont pas connectés à Internet. Les pratiques anciennes veulent aussi, par ailleurs, que de très nombreuses personnes souhaitent encore avoir des contacts avec des agents administratifs.

Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, n'avez-vous pas l'impression que ce projet creuse un peu plus la fracture numérique, et qu'il met en place une administration pour privilégiés ? Si vous partagez ce point de vue, comment envisagez-vous de remédier à cette difficulté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le député, le Premier ministre, en présentant, à Lyon, comme vous l'avez rappelé, le plan stratégique pour l'administration électronique dans les trois prochaines années, a d'abord fait un diagnostic encourageant, et qui doit, je pense, être salué par toute la représentation nationale : en quelques années, l'administration française a très largement rattrapé son retard et s'est mise au niveau des pays de développement comparable.

Quelques chiffres parmi d'autres : aujourd'hui, 90 % des formulaires administratifs sont accessibles sur le Net ; ce sont, tous les mois, plus de deux millions de Français qui accèdent aux services administratifs par le grand portail qu'est service-public.fr ; 600 000 contribuables ont téléchargé leur déclaration d'impôt l'année dernière ; la moitié des personnes qui renouvellent leur carte grise peuvent télécharger leur demande de certificat de non-gage.

C'est pourquoi le Premier ministre a souhaité que ces progrès soient mis au service de tous les Français. L'administration électronique, ce n'est pas réservé aux internautes confirmés. Absolument pas ! C'est un levier pour moderniser l'accueil dans tous les lieux de service public : aujourd'hui, dans un hall de préfecture, de mairie, ou de caisse d'allocations familiales, vous êtes orienté et votre dossier est pris en charge grâce au numérique. Il faut donc aller plus loin en réussissant ce qu'on appelle la convergence entre le guichet d'accueil, le téléphone et le numérique.

C'est notamment l'enjeu du service expérimenté dans la région Rhône-Alpes, le 3939, qui permettra à tous les usagers, en moins de trois minutes, d'avoir une réponse à leur demande de renseignements administratifs.

C'est l'objectif assigné par le Premier ministre de faire en sorte que d'ici à 2007, toutes les procédures administratives puissent être téléchargées de n'importe quel lieu accueillant du public, avec des bornes numériques faciles d'accès.

Ce sont, enfin, toutes les actions engagées par l'Agence pour le développement de l'administration électronique afin que les sites soient accessibles y compris à ceux qui ne sont pas familiers d'Internet. De ce point de vue, il y a beaucoup à faire pour la clarté du langage,...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ...pour la clarté de l'organisation des sites. Il faut faire en sorte que tous ces progrès réalisés dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication bénéficient à tous les Français et non pas seulement à quelques-uns.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous avez bien raison !

M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je ne crois pas qu'il y ait là matière à ironiser, car nous avons là un exemple qui montre que le service public, loin d'être immobile, est en marche, se modernise, et cela au profit de tous les Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

2

ÉLOGE FUNÈBRE DE MARCEL CABIDDU

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.)

M. le président. Mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, madame, c'est le 13 janvier dernier que nous apprenions avec stupeur que notre collègue Marcel Cabiddu nous avait quittés. Il y avait plusieurs mois que nous n'avions plus croisé sa silhouette dans les couloirs de notre assemblée, le mal qui le rongeait, le mal qui le minait, le mal qui le faisait tant souffrir l'ayant contraint à se mettre en retrait des mandats qu'il exerçait. Mais chacune et chacun d'entre nous nourrissait au fond du cœur, pendant cette longue et pesante absence, le secret espoir de le voir triompher de la maladie et revenir siéger parmi nous. Hélas, le sort et lui-même en décidèrent autrement. Et l'émotion fut vive sur tous les bancs de cet hémicycle lorsque tomba, le 13 janvier dernier, la terrible nouvelle.

Avec Marcel Cabiddu disparaît un élu de la nation, forgé à l'image de cette terre du Nord qui l'avait vu naître près de cinquante-deux ans plus tôt et qu'il n'avait jamais quittée. Un homme simple, un homme discret, un homme vrai. Toujours attentif aux difficultés des uns et aux malheurs des autres. Un député fier de son engagement politique, fidèle à ses convictions, défenseur infatigable de sa région, qu'il savait plus martyrisée que d'autres par la fermeture des houillères et la désindustrialisation. Ce qui justifiait, à ses yeux, qu'elle fasse l'objet d'une attention particulière.

Rien ne prédestinait le jeune militant winglois, qui s'engage dans les Jeunesses socialistes en 1969 et qui restera fidèle à cet engagement toute sa vie, à l'exercice d'un mandat parlementaire. Rien, si ce n'est probablement son sens de l'intérêt général et sa passion de servir les autres, de servir sa région, de servir son pays. Deux traits de caractère, deux qualités essentielles qui le conduisirent à s'intéresser très jeune à la vie de la cité et à s'y impliquer très tôt.

Il avait à peine 25 ans, en 1977, lorsqu'il fit son entrée au conseil municipal de Wingles. Très vite remarqué par ses pairs, il se vit confier les responsabilités d'adjoint, avant d'être élu maire de la commune aux élections municipales suivantes.

De là naquit, entre Marcel Cabiddu et sa ville, une histoire d'affection, une histoire d'amour qui ne cessera plus. Et les Winglois ne s'y trompèrent pas puisqu'ils lui témoignèrent, sans discontinuer depuis 1983, leur confiance, leur attachement et leur affection.

Maire de Wingles, Marcel Cabiddu se dépensa sans compter et sans relâche pour redonner espoir à ses habitants, qui subissaient de plein fouet les contrecoups des mutations industrielles de la région et voyaient se tourner définitivement une page de leur histoire. Il en fallait, du tempérament et de la volonté, pour tenter de redynamiser un tissu économique gravement affaibli et dangereusement menacé, avec les conséquences sociales que ces mutations économiques entraînaient. Marcel Cabiddu ne manquait ni de courage ni de volonté.

Mais il comprit bien vite que son action municipale ne prendrait tout son sens et ne donnerait toute sa dimension que si elle s'inscrivait dans un cadre plus large. Précurseur, il œuvra à la création du syndicat intercommunal de la zone industrielle régionale Artois-Flandres, dont il prit la présidence avec détermination et avec un réel succès. Il fut souvent cité en exemple pour le travail accompli.

Parallèlement, il compléta son action, à l'échelon départemental, en se faisant élire conseiller général du canton de Lens nord-ouest, avant de devenir, en 1994, vice-président de l'assemblée départementale, chargé de 1'action économique, des grands projets structurants et du développement urbain, une tâche à la mesure des ambitions que nourrissait ce jeune élu pour le département du Pas-de-Calais, dont il était issu.

Dans chacun de ses mandats, dans chacune des responsabilités qui furent les siennes, se sont exprimés cette même passion du Nord, du Pas-de-Calais, de la France, ce permanent refus du renoncement, cet enthousiasme pour aider ceux qui croient que le destin peut être orienté.

II aurait naturellement pu s'en tenir à ses mandats locaux, qui lui procuraient déjà de grandes satisfactions, au premier rang desquelles figurait le lien indéfectible qu'il avait su tisser, au fil du temps, avec ses électrices et ses électeurs.

Mais, en 1997, il décida de porter son combat sur la scène nationale, pour mieux défendre sa région, pour mieux faire entendre sa voix. Candidat aux élections législatives de juin 1997, il fut élu député de la onzième circonscription du Pas-de-Calais, puis, cinq ans plus tard, brillamment réélu, preuve, s'il en était besoin, de son enracinement local et des qualités d'écoute et de dialogue qui étaient les siennes.

Ce sont ces mêmes qualités qui ont fait de lui, à l'Assemblée nationale, au sein des commissions où il a successivement siégé, à la commission de la production et des échanges, puis à la commission de la défense nationale et des forces armées, un élu respecté et estimé. Respecté pour les idées qu'il défendait, respecté pour les combats qu'il menait. Estimé pour sa rigueur, estimé pour ses qualités d'écoute et de cœur.

Comme il en avait pris l'engagement devant ses électeurs, il défendra haut et fort les couleurs des territoires qu'il représentait, à tel point qu'il se verra confier par le gouvernement de Lionel Jospin une mission sur le développement économique du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Ultime récompense pour ce passionné du développement économique local qui ne se résignait pas au déclin des industries traditionnelles du nord de notre pays.

Mes chers collègues, au-delà de nos appartenances partisanes, chacune et chacun d'entre nous retiendra l'image d'un homme fidèle à ses convictions, fidèle à ses amis, fidèle à ses électeurs.

Mesdames, messieurs, mes chers collègues, nous pensons avec affection à ses proches, à sa famille, à son épouse Pascale, à qui j'adresse les condoléances les plus émues de l'ensemble de notre assemblée.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.

M. Jean-François Copé, secrétaire d'État aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, Marcel Cabiddu naît à Wingles, le 10 février 1952, au cœur du pays des corons. C'est sur cette terre rude s'il en est, mais également accueillante et généreuse, que son père, d'origine sarde, avait décidé de s'installer, dans les années trente, pour fuir la pauvreté de son île natale.

Marcel Cabiddu est le cadet d'une grande fratrie, bruyante comme la lointaine Italie et chaleureuse comme la terre du Nord. Il grandit sous le regard protecteur et bienveillant de ses frères et de ses sœurs. Mais, à l'âge où les gosses livrent encore d'insouciantes batailles dans les cours de récréation, il apprend la dure loi de la vie. Son père disparaît prématurément. Ce drame le marque au fer rouge.

« Ce qui ne me tue pas me rend plus fort », disait Nietzsche. Marcel Cabiddu gardera toute sa vie en exemple le parcours remarquable de ce père courageux, travailleur acharné qui, à force de volonté, avait réussi à gravir un à un tous les échelons au sein des Houillères du Nord : un modèle d'intégration et de promotion sociale.

De longues - et sans doute trop coûteuses - études, Marcel Cabiddu n'en fera pas. Il leur préférera l'école de la vie et la force d'un engagement précoce. Son baccalauréat tout juste en poche, il décide d'entrer immédiatement, comme l'on dit, « dans la vie active ». Il intègre les services de la mairie de Lens puis passe avec succès le concours de rédacteur territorial. Le maire de Lens, André Delelis, remarque très vite et apprécie ce jeune homme talentueux et enthousiaste. Entre les deux hommes naît une réelle complicité faite de confiance et de respect réciproques.

C'est le début d'une carrière politique. Il a tout juste vingt-cinq ans, vous le rappeliez, monsieur le président, lorsqu'il entre, en 1977, au conseil municipal de Wingles. Son jeune âge n'empêche pas ses pairs de lui faire confiance puisqu'ils lui confient la fonction de premier adjoint au maire. Puis, en 1981, lorsque André Delelis devient ministre du commerce et de l'artisanat, il demande tout naturellement à Marcel Cabiddu de le remplacer au conseil général.

« Ce n'est parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas que les choses sont difficiles », avait l'habitude de dire Marcel Cabiddu, faisant ainsi sienne la célèbre maxime de Sénèque. Et, de fait, il ose. Il ose pour cette région qu'il aime tant et qui le lui rend bien.

Il sera ainsi maire de Wingles pendant vingt ans, de 1983 à 2003, et présidera avec succès le syndicat intercommunal de la zone industrielle régionale Artois-Flandres, le syndicat intercommunal pour l'aménagement des espaces verts, puis le parc de nature et de loisirs de Wingles-Douvrin-Billy-Berclau.

La fermeture inéluctable des sites miniers et l'inévitable cortège des drames humains qui l'accompagnent poussent Marcel Cabiddu à se lancer dans la bataille de la reconversion économique des sites ; cette bataille, c'est celle de l'emploi. La zone industrielle régionale Artois-Flandre sera un modèle du genre puisque soixante-quinze entreprises nouvelles s'y implanteront progressivement.

Fort de ces expériences locales et régionales réussies, c'est tout naturellement que Marcel Cabiddu décide ensuite de s'engager plus avant dans la formation politique à laquelle il a adhéré. Il devient ainsi secrétaire fédéral puis membre du comité directeur du Parti socialiste entre 1990 et 1993.

Suppléant du député Noël Josèphe en 1988, il est élu député du Pas-de-Calais en 1997 et réélu en 2002. A l'Assemblée nationale, il siège sur les bancs du groupe socialiste.

Mais l'âpreté des combats qu'il mena toute sa vie durant - au premier rang desquels celui contre la maladie, le plus injuste et le plus terrible de tous - a, hélas ! eu raison de son enthousiasme. Depuis quinze ans, peu le savaient, la maladie sournoise et insidieuse le rongeait. Dans cette bataille inégale, sans doute considérait-il, comme le disait André Malraux, qu'« il n'y a pas cinquante manières de combattre, il n'y en a qu'une, c'est d'être vainqueur ».

Il y a quelques semaines, il a choisi de partir. Marcel Cabiddu aurait eu cinquante-deux ans hier. Sa disparition tragique nous peine profondément. A son épouse, à sa famille, à ses amis, à ses collègues, je présente, au nom du Gouvernement, mes condoléances les plus attristées.

M. le président. Je vous demande de bien vouloir vous recueillir quelques instants à la mémoire de Marcel Cabiddu.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

ADAPTATION DE LA JUSTICE AUX ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ

Explications de vote et vote par scrutin public d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. (n° 1377)

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je sais gré au groupe socialiste d'avoir souhaité que ce texte fasse l'objet aujourd'hui d'un vote solennel de votre assemblée.

C'est l'occasion, devant les Français, de remettre un certain nombre de choses au point, alors qu'on assiste à une opération, assez étonnante, de désinformation d'une ampleur rarement atteinte, conduite d'ailleurs dans la précipitation pré-électorale, alors qu'il y a près d'un an que j'ai saisi le Parlement de ce projet.

En voulant donner des leçons de morale, que reproche-t-on à ce texte ?

D'abord, de définir sans précision la notion de criminalité organisée, ce qui permettrait de traiter le moindre voleur de pommes comme un criminel ; c'est faux !

Ensuite, de fouler aux pieds les droits de la défense et les droits de l'homme, en livrant les personnes mises en cause à l'arbitraire policier ; c'est encore faux !

Enfin, de brader l'idée même de justice en créant la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité ; c'est faux aussi.

Je ferai quelques observations sur ces trois points, qui me paraissent majeurs.

Voyons tout d'abord, la notion de criminalité organisée et les conséquences en termes de moyens d'enquête nouveaux.

Le travail de définition précise de la criminalité organisée est le cœur du projet. Dire le contraire, c'est mentir.

Ce n'est pas une notion vague, comme je l'ai encore entendu tout à l'heure, mais une liste limitative d'infractions les plus graves portant atteinte, soit aux personnes, soit aux biens. C'est écrit à l'article premier du projet.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission mixte paritaire. Absolument !

M. le garde des sceaux. Il y a d'abord les infractions de criminalité organisée portant atteinte aux personnes.

Le texte vise quinze catégories d'infractions et le blanchiment des fonds qu'elles procurent, c'est-à-dire la criminalité financière. On m'a pourtant dit qu'en la matière, mon texte n'était pas assez ferme. Je rappelle cependant que le projet de loi intègre ce sujet.

Hier déjà, devant votre assemblée, j'ai énuméré ces quinze infractions. Je cite quelques-unes d'entre elles : le crime de meurtre en bande organisée, la torture et les actes de barbarie, le trafic de stupéfiants, les enlèvements et séquestrations, la traite des êtres humains. Il ne s'agit pas de « bricoles » !

M. François Goulard. Absolument !

M. le garde des sceaux. Ce sont des infractions contre lesquelles nous devons nous donner les moyens de lutter.

Il y a ensuite les infractions de criminalité organisée portant atteinte aux biens, pour lesquelles, il est important de le rappeler, la seule mesure de procédure prévue par le texte est de donner compétence aux juridictions inter-régionales spécialisées pour les appréhender dans leur complexité.

En revanche, les différents éléments de procédures exceptionnelles, comme la garde à vue jusqu'à quatre-vingt-seize heures, la possibilité de perquisitionner la nuit, le recours à l'infiltration et à la sonorisation, ne seront applicables qu'aux poursuites de la première catégorie d'infractions, c'est-à-dire celles qui portent sur les personnes.

M. François Goulard. Très bien !

M. le garde des sceaux. Je vous demande de garder cela en mémoire, parce que c'est le cœur du projet.

M. François Goulard. On entend tellement de mensonges !

M. le garde des sceaux. Et je ne comprends pas les articles que j'ai encore lus aujourd'hui dans un certain nombre de journaux qui affirment, par exemple, que le recours à la sonorisation devient la règle. Non ! Elle s'applique uniquement aux quinze infractions dont je viens de parler. C'est écrit clairement aux articles 706-81, 706-88, 706-89 et 706-96. Je peux vous les relire, mais je pense que vous l'avez déjà fait. Cependant, en lisant certains commentaires, je me demande si leurs auteurs ont réellement lu le texte du projet.

M. Gérard Léonard. En effet !

M. le garde des sceaux. Le deuxième point, très important, porte sur la garantie judiciaire.

Dans ce texte, j'augmente les pouvoirs d'autorisation et de contrôle conférés aux magistrats du siège - je dis bien « du siège ».

Toutes les mesures d'enquêtes que j'ai évoquées à l'instant devront être autorisées par un magistrat du siège, juge d'instruction ou juge des libertés et de la détention. C'est une réalité du texte qui, me semble-t-il, est passée inaperçue aux yeux de certains commentateurs.

A ce titre, j'attends avec impatience que le groupe socialiste me démontre l'inutilité du juge des libertés et de la détention, créé par la loi du 15 juin 2000 !

M. Jérôme Lambert. C'est une excellente loi !

M. le garde des sceaux. J'en viens au plaider-coupable.

Savez-vous qu'en moyenne, aujourd'hui, une convocation en justice pour une affaire simple nécessite six à huit mois d'attente pour passer devant un tribunal ?

M. Patrice Martin-Lalande. Hélas !

M. le garde des sceaux. J'ajoute que les Français reprochent à la justice pénale son caractère trop sélectif. En 2001, 32 % des affaires ont été classées sans suite, 31,8 % en 2002 et 29 % en 2003. Nous sommes enfin passés en dessous de la barre des 30 %.

II est vrai que, face aux 5 millions de procédures transmises annuellement aux parquets, les tribunaux ont actuellement une capacité de décision de l'ordre de 400 000 par an. La comparaison de ces deux chiffres me paraît constituer le cœur du débat.

Pour une affaire simple dont les faits sont reconnus par leur auteur, comme un vol de voiture ou une dégradation de bâtiment, préférez-vous un système où l'auteur reçoit une convocation pour être jugé dans un délai de huit mois, comme c'est malheureusement trop souvent le cas, ou un système qui permette de tirer immédiatement les conséquences de l'acte, dans le respect des droits des victimes et de ceux de la défense ?

Pour conclure, je tiens à vous dire ma détermination à répondre aux besoins évidents de modernisation, d'efficacité et donc d'humanisation de notre justice.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. le garde des sceaux. L'accumulation des conservatismes, le refus du changement sont les pires risques qui menacent notre institution judiciaire.

Le projet de loi sur lequel vous allez vous prononcer répond à cette double nécessité d'efficacité et d'humanisation. Je vous remercie de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'un très long travail parlementaire qui a duré plusieurs mois, mobilisé la commission des lois pendant de longues heures, nous a conduits à procéder à des dizaines d'auditions et amenés à débattre de centaines d'amendements pour effectuer un travail en profondeur.

Je voudrais souligner les trois apports fondamentaux de ce texte.

Premier apport, la France va enfin se doter d'un outil efficace en matière de criminalité organisée. Je suis très surpris par les déclarations qui ont été faites à propos de cette dernière ligne droite. Est-ce une affaire franco-française que de vouloir nous doter d'outils pour lutter contre la criminalité organisée ? Absolument pas !

C'est le 15 novembre 2000, mes chers collègues, et sous une autre majorité, qu'une convention a été acceptée par l'ONU, demandant aux Etats membres d'adapter leur législation pour mieux lutter contre la criminalité transnationale.

C'est ensuite le 19 septembre 2001 que le Conseil de l'Europe a adopté une série de recommandations très précises demandant à l'ensemble des démocraties européennes d'adapter leur justice pour mieux lutter contre la criminalité organisée. La quinzième recommandation visait à développer la confiscation et le gel des avoirs, produits de la délinquance organisée, la dix-neuvième de prévoir des dispositifs permettant l'infiltration dans les réseaux de délinquance organisée, et des procédures pour pouvoir écouter et intercepter les communications téléphoniques.

La mondialisation est au cœur du problème, mes chers collègues. En matière de criminalité, elle facilite le travail des réseaux de criminalité organisée qui passent les frontières...

M. Gérard Léonard. Bien sûr !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. ...et elle engage donc les démocraties à adapter leurs lois.

Le texte que nous allons voter définit précisément, comme vient de le rappeler le garde des sceaux, le champ de la criminalité organisée. Et l'article 1er prévoit une énumération restrictive de quinze infractions. On nous dit que la notion de « bande organisée » n'est pas précise. Elle a pourtant été votée lors de la réforme du code pénal, en 1992, par une majorité de gauche, au pouvoir à l'époque, et qui la conteste aujourd'hui...En outre, je rappelle que, depuis douze ans, l'ensemble des juridictions françaises appliquent la notion de « bande organisée » qui est prévue par l'article 132-71 du code pénal. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons aussi tenu à introduire, dans la liste de ces quinze infractions, le blanchiment d'argent - nous y avions d'ailleurs insisté en première lecture. Cette loi nous donne les moyens de lutter contre l'argent sale, fruit de trafics divers, auquel on tente de faire passer les frontières.

Enfin, dernier apport très important, le texte offre, pour des affaires relevant de la criminalité organisée, de nouveaux moyens de procédure, non aux policiers, mais aux magistrats du siège.

Je lis dans la presse des scénarios de justice-fiction. On arrêterait, par exemple, un voleur de mobylette en flagrant délit et l'on utiliserait une nouvelle procédure à son encontre ! Mes chers collègues, croit-on vraiment qu'il se trouvera un juge des libertés dans notre pays pour décider d'infiltrer un groupe de jeunes afin de savoir comment ladite mobylette a été volée ? Cela relève de l'absurdité la plus complète, si ce n'est de la mauvaise foi ! ((Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En ce qui concerne la sonorisation, les auditions nous ont démontré que, depuis des années en France, et quelles que soient les majorités, certains services de police la pratiquent déjà , en l'absence de toute réglementation.

M. François Goulard. Eh oui !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. On nous a expliqué que, lorsque la voiture d'un trafiquant de drogue, qui a été sonorisée, passe le pont de Kehl, à Srasbourg, et arrive en France, nous rentrions dans un vide juridique. Soit la sonorisation se poursuit sans aucune protection, soit elle est interrompue, auquel cas la recherche de preuves est entravée.

Il nous paraît plus sain de combler le vide juridique actuel en encadrant le recours à cette méthode : elle ne pourra désormais être utilisée que sur décision du juge d'instruction et, si elle a lieu la nuit, avec l'autorisation du juge des libertés.

En ce qui concerne la garde à vue, j'ai rarement entendu proférer autant de mensonges que ces derniers jours. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) La règle de base reste la présence de l'avocat dès la première heure. Et le texte que nous allons voter augmente le nombre d'infractions qui entrent dans ce cadre. En effet, jusqu'à présent, de nombreuses infractions relevaient de l'actuel article 63, alinéa 4, du code de procédure pénale. En matière d'extorsion de fonds ou de proxénétisme, par exemple, la présence de l'avocat n'était autorisée qu'à la trente-sixième heure de garde à vue. Il pourra intervenir désormais dès la première heure.

En revanche, pour quatre types d'infractions particulièrement graves, celles qui portent atteinte aux personnes, comme le proxénétisme aggravé et l'extorsion de fonds avec mutilation ou blessure, nous avons repoussé la présence de l'avocat de la trente-sixième heure à la quarante-huitième, dans le souci d'unifier les régimes de garde à vue. En effet, le texte que nous allons voter prévoit un régime désormais très simple : l'avocat ne peut intervenir que toutes les vingt-quatre heures : la première, la vingt-quatrième, la trente-sixième etc...

J'ai vu, à la télévision, un bâtonnier affirmer qu'avec cette loi, trois jeunes volant une mobylette pourraient rester en garde à vue pendant quatre jours sans l'intervention d'un avocat. J'ai rarement entendu pareil mensonge !

M. Gérard Léonard. De tels propos sont scandaleux !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Premièrement, pensez-vous qu'un magistrat autorisera la prolongation de la garde à vue pendant quatre jours pour une telle affaire ? Ce serait contraire à la loi. Or les magistrats sont là pour l'appliquer.

Deuxièmement, mes chers collègues, les seuls cas où l'avocat n'intervient qu'au bout de soixante-douze heures, ce sont les affaires de terrorisme et de trafic de stupéfiants et il ne s'agit pas d'une disposition nouvelle. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous ne changeons rien à cela. Le reste n'est que mensonge.

Enfin, ce texte ouvre la possibilité de créer en France des tribunaux spécialisés pour lutter contre la criminalité organisée.

L'espace d'un instant, retournons une quinzaine d'années en arrière. Nous sommes en 1986 et Jacques Chirac est Premier ministre. La France doit faire face à nouveau à une vague d'attentats terroristes. Que s'est-il passé ? Il s'est trouvé une majorité et un gouvernement qui ont eu le courage de mettre en place à Paris un tribunal spécialisé pour les affaires de terrorisme, avec un parquet et des magistrats spécialisés.

Revenons en 2004 et examinons la situation. Grâce aux lois que nous avons eu le courage de voter, notre justice est l'une des plus efficaces du monde en ce domaine. Les affaires de terrorisme ne sont pas traitées dans un tribunal local qui n'est pas spécialisé en la matière, mais sont systématiquement envoyées vers des magistrats spécialisés qui, grâce à une expérience acquise au fil des années, ont une connaissance poussée des réseaux.

En ce qui concerne la criminalité organisée, en revanche, le risque est le suivant : un racketteur ayant extorqué de l'argent dans cadre d'une pizzeria, par exemple, peut actuellement être traduit en comparution immédiate devant un tribunal local où les magistrats n'ont ni le temps ni les moyens pour remonter toute la filière : les personnes pour lesquelles l'argent a été prélevé, celles qui profitent du réseau et ses dirigeants.

Comme nos prédécesseurs courageux de 1986, nous allons, en votant cette loi, créer en France des juridictions spécialisées qui auront compétence à démanteler les réseaux de criminalité organisée. C'est un très grand progrès.

J'entends dire qu'il est scandaleux que la nullité de la procédure ne soit pas prononcée quand elle est appliqué à une infraction qui s'avère après coup ne pas relever des quinze catégories d'infractions prévues par le texte.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est exact !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je suis effondré devant un tel argument ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Élisabeth Guigou. Et nous, alors !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je vous donne un exemple. Imaginez que l'on poursuive une personne pour meurtre en « bande organisée » et qu'à la fin de l'enquête, il s'avère que c'était un meurtre « simple ». Et vous voudriez qu'il n'y ait pas de poursuites parce qu'il n'a pas été commis en bande organisée ? C'est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est inadmissible d'organiser l'impunité en créant de mauvaises lois ! (Mêmes mouvements. - Mme Elisabeth Guigou fait claquer son pupitre.)


Le fait de qualifier le crime de meurtre commis en bande organisée aura simplement permis au juge des libertés d'ouvrir le recours à certaines voies de procédure.

Un autre objectif du projet de loi est l'augmentation des moyens de lutte contre la délinquance. Mes chers collègues, un procureur de la République qui ne peut inscrire que cinquante affaires en audience par semaine ne saurait porter ce nombre à cent sans faire subir à son tribunal un retard d'une semaine. C'est d'ailleurs pourquoi nous lui demandons de choisir les cinquante affaires les plus graves.

Il était donc du simple bon sens de diversifier les solutions pour lutter contre le taux inadmissible de classements sans suite, un état de fait qui, comme l'a très bien noté le garde des sceaux, scandalise tous nos concitoyens.

M. Robert Lamy. Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La procédure de comparution sous reconnaissance de culpabilité est quant à elle extrêmement bien encadrée. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) A cet égard, je voudrais souligner trois points.

Le premier, c'est le respect des droits de la défense, puisqu'un avocat devra être désigné systématiquement, sans qu'il soit possible d'y renoncer. Le second est la place faite aux victimes : elles seront immédiatement associées. Le troisième est le caractère public du dispositif, puisque toutes les décisions des magistrats seront lues pendant l'audience. Il n'y aura pas de place pour le secret.

Mes chers collègues, nous pouvons par ailleurs êtres fiers des avancées que porte ce projet (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), ...

Mme Élisabeth Guigou. Belles avancées !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur... par exemple s'agissant de la lutte contre les infractions à caractère raciste, de la transcription en droit français du mandat d'arrêt européen, ou de la meilleure coopération entre les équipes d'enquête et les justices européennes.

Il en est de même de l'amélioration de l'application des peines : nous posons le principe d'un délai de trente jours entre la décision de justice et son application. Cette grande évolution, qui était extrêmement attendue, permettra à la justice de mieux fonctionner.

M. Jean-Marc Roubaud. Eh oui !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Mes chers collègues, nous avons fourni un travail considérable pour trouver le texte le plus adapté et le plus équilibré possible. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Robert Lamy. C'est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est la raison pour laquelle nous vous appellons à l'adopter avec détermination et sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Gérard Léonard, pour le groupe UMP.

M. Gérard Léonard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, le texte ambitieux et courageux soumis à notre vote solennel, et que certains détracteurs, mal informés, semble-t-il, découvrent seulement aujourd'hui, est le fruit, il importe de le rappeler, d'un long et minutieux travail qui a débuté il y a plus d'un an.

Ce travail a été accompli dans la transparence, en consacrant tout le temps nécessaire à la discussion. Vous avez tenu, monsieur le garde des sceaux, à ce que les prérogatives du Parlement soient scrupuleusement respectées.

M. François Goulard. Très bien !

M. Gérard Léonard. Nous avons très largement usé de notre pouvoir d'amendement, et vous avez témoigné d'un esprit de dialogue et d'ouverture exemplaire. Soyez-en félicité et remercié. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mon propos se limitera à montrer à quel point ce texte répond, dans deux domaines, à un besoin urgent de notre société.

Premièrement, il met enfin notre pays à niveau en matière de lutte contre la criminalité organisée. Un grand mérite de ce projet est en effet de dessiner très précisément, pour la première fois, les contours de cette forme de criminalité et d'en faire désormais, dans notre droit pénal, une catégorie juridique à part entière. Ce point est très important, puisqu'il va déterminer l'application d'un certain nombre de règles de procédure nouvelles. Et je comprends d'ailleurs que le groupe socialiste ne s'y attarde guère, car un tel constat compromet sérieusement la campagne de désinformation qu'il orchestre sur ce sujet depuis quelques semaines. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Soyons clairs : la nécessité de renforcer les législations nationales en matière de criminalité organisée est un impératif maintes fois rappelé au niveau international, comme à la convention de Palerme de décembre 2000 - j'ai encore en mémoire les déclarations volontaristes faites à cette occasion par Mme Lebranchu. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous nous l'avez rappelé à juste titre, monsieur le garde des sceaux : vos contacts avec les ministres de la justice des pays du G8 ont révélé le retard que nous avions pris en la matière. Nous avons donc posé une définition de la criminalité organisée en fonction de deux listes d'infraction.

La première réunit des crimes contre les personnes d'une gravité exceptionnelle. Il ne faut cesser de les rappeler, ...

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Tout à fait !

M. Gérard Léonard. ...tant la campagne de désinformation menée sur ce point est choquante : il s'agit des crimes de meurtre, de tortures et actes de barbarie lorsqu'ils sont commis en bande organisée, des crimes et délits de trafic de stupéfiants, d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée, de traite des êtres humains, de proxénétisme aggravé, des crimes de vol et de destruction de biens en bande organisée et des actes de terrorisme. Excusez du peu, mes chers collègues !

Il convient également d'insister sur le fait que les pouvoirs d'enquête renforcés - infiltration, garde à vue de quatre-vingt-seize heures, sonorisation des lieux privés, interception des communications téléphoniques dès la phase d'enquête ou perquisition de nuit - n'ont vocation à s'appliquer que pour la poursuite de ces infractions et pour elles seules.

M. François Goulard. Très bien !

M. Gérard Léonard. Dès lors, les arguties sur le voleur d'oranges ou de bonbons placé en garde à vue pour quatre jours apparaissent bien ridicules !

Une deuxième liste énumère les infractions dont la loi aggrave la répression lorsqu'elles sont commises en bande organisée. Il s'agit de crimes et de délits qui portent atteinte aux biens.

Ceux qui feignent aujourd'hui de s'interroger sur la définition de la bande organisée devraient être rassurés lorsqu'ils sauront que le texte renvoie purement et simplement à celle qui figure dans notre code pénal adopté en 1994 à la suite, rappelons-le, des travaux conduits par Robert Badinter : il s'agit donc d'un groupement ou une entente en vue de la préparation d'infractions, qui relève clairement du champ des professionnels du crime, et est donc très loin des gamins voleurs de vélo sur lesquels quelques avocats versent des larmes de crocodile.

Pour les infractions de cette catégorie, il ne pourra être fait usage que des règles de compétence que vous définissez, monsieur le garde des sceaux, afin de permettre la constitution de pôles interrégionaux de magistrats spécialisés.

M. François Hollande et Mme Élisabeth Guigou. Vous n'avez pas lu le texte !

M. Gérard Léonard. Tout cela y figure de façon évidente.

Cette spécialisation, nous l'attendons depuis longtemps, et de nombreux rapports parlementaires l'avaient souhaitée, mais vous seul avez eu le courage de la réaliser.

Le deuxième objectif de ce texte est de donner plus d'efficacité à notre système pénal. A ce sujet, est-il besoin d'insister sur la manière dont notre justice est aujourd'hui rendue ? Le nombre d'affaires est en croissance permanente, avec plus de 5 millions de dossiers par an, mais la capacité de notre système judiciaire était en 2002 inférieure à 390 000 jugements rendus. On mesure le décalage ! Les problèmes qu'il entraîne entretiennent chez nos concitoyens le sentiment, justifié, que la justice n'est pas rendue comme il convient.

Face à cette situation, deux réponses sont apportées. D'abord, un renforcement des moyens matériels et humains est engagé au travers de la loi d'orientation et de programmation. Ensuite, la diversification des procédures permet enfin de traiter, avec la garantie des principes fondamentaux de notre droit, des affaires qui jusqu'à présent ne l'étaient pas, ou sinon avec un retard inconsidéré.

Je voudrais simplement, avant de conclure, mes chers collègues, mentionner une disposition qui m'est chère : l'allongement de la prescription des infractions sexuelles commises contre les mineurs. La discussion parlementaire, sur ce point, a été très riche. Votre soutien, monsieur le garde des sceaux, et celui, estimable, voire décisif, du président et du rapporteur de la commission des lois, justifient de ma part une reconnaissance que je tiens à exprimer publiquement. Cette disposition répond en effet à une nécessité pour notre justice et à un véritable devoir d'humanité pour les victimes.

En conclusion, le groupe UMP votera bien sûr ce projet avec la plus grande détermination, certain qu'il est de bien servir son pays en le faisant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dès sa première lecture par notre assemblée, au mois de mai 2003, notre groupe, monsieur le ministre, a dénoncé avec force votre projet de loi...

M. Jean-Marc Nudant. Vraiment ?

M. Francis Delattre et M. Jean-Marc Roubaud. Vous n'étiez que trois !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...qui menace, à l'évidence, les libertés individuelles et les principes fondamentaux de notre justice.

Ce n'est pas la volonté de polémique qui fonde notre appréciation. (« Oh non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est le constat amer et inquiet des conséquences, dont l'ampleur est aujourd'hui encore insoupçonnée, que les nouvelles règles de procédure pénale que vous introduisez feront peser sur ces libertés et sur ces principes.

Ce constat est partagé à l'unanimité par les avocats et les magistrats qui, cet après-midi, près du Palais Bourbon (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), comme dans tous les tribunaux de France, ont entrepris solennellement d'exprimer leur opposition à votre projet de loi.

M. Jean-Paul Charié. C'est scandaleux ! Quel mensonge !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous jugez tous ces gens incompétents, vous avez vraiment une curieuse opinion des serviteurs de la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Charié. Désinformation !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Une telle levée de boucliers dans l'ensemble du monde judiciaire est, au sens propre, historique.

Elle témoigne, monsieur le ministre, que dans ce débat, vous ne vous êtes pas érigé en rempart protecteur de l'institution judiciaire et des valeurs intangibles de l'Etat de droit.

Votre projet de loi altère en effet gravement le fonctionnement de la justice en créant une nouvelle procédure pénale exorbitante du droit commun qui porte de très sérieuses atteintes aux libertés individuelles et aux droits de la défense : ...

M. Jean-Marc Nudant. Avez-vous songé aux victimes ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. la durée de la garde à vue est prolongée ; les mineurs seront soumis à un traitement similaire à l'adulte dont ils sont soupçonnés - j'insiste : seulement soupçonnés - d'être les complices ; les domiciles privés pourront être perquisitionnés en pleine nuit ; les téléphones pourront être mis sur écoute ; ...

M. Jean-Marc Nudant. Mitterrand !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...et enfin, des micros et des caméras pourront même être installés chez les particuliers.

Vous expliquez, monsieur le ministre, que toutes ces mesures ne visent que les plus dangereux criminels regroupés en « bandes organisées ».

M. Marc-Philippe Daubresse. Cela existe !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ils étaient la cible de votre texte, mais ce n'est plus le cas. Le projet de loi est devenu au fil des mois un monstre juridique qui mélange, pêle-mêle, réseaux mafieux et voitures mises en fourrière, incendies de forêt et discriminations raciales, droit maritime et réglementation des taxis.

L'objectif de lutte contre la criminalité organisée est légitime, et il reçoit de notre part un soutien sans équivoque.

M. Jean-Marc Roubaud. Ah ! Bravo !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il était d'ailleurs également visé par le précédent gouvernement.

M. Jean-Marc Nudant. C'est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais en l'état, tout concourt à ce que la procédure exorbitante que vous mettez en place relève demain du droit commun et s'applique à chacun.

Le groupe socialiste l'affirme solennellement : tous les citoyens sont concernés par cette loi. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La notion de « bande organisée » est une notion extrêmement floue, susceptible de donner lieu aux interprétations les plus extensives, parce qu'elle ne constituait jusqu'à présent qu'une circonstance aggravante des sanctions. Le contrôle du parquet et du juge des libertés sur l'engagement de cette procédure sera, dans les faits, beaucoup plus formel que réel. Quant aux contrôles juridictionnels, monsieur le rapporteur, et particulièrement celui de la Cour de cassation, ils seront purement et simplement impossibles puisque votre projet de loi ne prévoit pas la nullité des actes dans l'hypothèse d'une requalification des faits.

Mme Élisabeth Guigou. C'est scandaleux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En ouvrant ainsi la porte à tous les détournements de procédure, en l'absence d'encadrement strict du recours à ces règles exceptionnelles, vous prenez le risque, pour nous intolérable, de faire basculer notre pays dans un état d'exception permanent.

M. Robert Lamy. Quelle mauvaise foi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce risque gravissime est par ailleurs doublé d'un bouleversement sans précédent des règles de droit commun de la procédure pénale.

La mise en place du plaider-coupable en est l'illustration la plus manifeste.

M. Alain Madelin. Mais non, le plaider-coupable est une très bonne chose !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette procédure altère gravement le sens des poursuites pénales : la peine n'est plus la sanction d'une faute mais l'objet d'une transaction ; la présomption d'innocence n'est plus un droit inaliénable mais un moyen utile de marchandage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Pajon. Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le plaider-coupable met fin, par ailleurs, à certains principes séculaires notre droit pénal : ...

M. Robert Lamy. Vous êtes archaïque !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...le principe du procès public et contradictoire en présence des victimes - est-ce cela que vous qualifiez d'archaïsme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - ; le principe de la séparation des autorités de poursuite et de jugement.


Vous justifiez la mise en place de cette procédure par l'engorgement des tribunaux, mais, pour résorber cet engorgement, monsieur le ministre, il ne faut pas contraindre la justice à l'abattage, il faut simplement lui donner plus de moyens.

En réalité, la mise en place du plaider-coupable est motivée, comme d'autres mesures, par le souci d'accroître considérablement les pouvoirs du parquet au détriment des magistrats du siège et des juges d'instruction.

Tout en étendant l'autorité des procureurs, votre texte affirme dans son article 17 leur subordination au garde des sceaux.

Il consacre ainsi une nouvelle mise sous tutelle de la justice, en portant atteinte à la séparation des pouvoirs. C'est d'autant plus inacceptable que certaines affaires récentes sont venues rappeler l'importance de l'indépendance de l'autorité judiciaire. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je vous demande, mes chers collègues, de protéger l'institution judiciaire et de ne pas voter une loi mettant en cause le fondement de notre constitution sous le prétexte de lutter contre la criminalité organisée, ce qui est notre combat commun.

En votant contre le projet du Gouvernement, vous marquerez solennellement votre attachement aux principes des droits fondamentaux et votre confiance en ceux qui sont investis par la Constitution et qui sont les gardiens de nos libertés individuelles.

Si l'on adoptait ce texte, ce serait un recul historique de notre droit. Il est en totale contradiction avec la loi sur la présomption d'innocence, et le groupe socialiste est déterminé, pour sa part, à ne pas en être complice.

Si votre majorité devait malgré tout le voter, ce serait un jour noir pour la justice (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Du calme !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...et, donc, plus solennellement qu'à l'habitude, mais aussi plus convaincus que jamais de la nécessité de préserver les libertés individuelles et les droits fondamentaux, les parlementaires socialistes, qui disent non à votre loi, saisiront le Conseil constitutionnel. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe UDF.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, destiné à lutter contre la criminalité organisée, le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité avait recueilli notre adhésion en première et deuxième lectures. Conscients du développement de la criminalité internationale et des gros moyens dont elle dispose, il nous paraissait nécessaire de soutenir un texte qui donnait des moyens exceptionnels pour lutter contre ce fléau. A criminalité exceptionnelle, moyens exceptionnels, tel était le juste leitmotiv de M. le garde des sceaux lorsqu'il l'a présenté.

Ce texte final recueillera l'adhésion du groupe UDF et apparentés. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La liberté de vote étant un principe de fonctionnement dans notre groupe, certains voteront différemment. (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) Néanmoins, des doutes et interrogations subsistent et animent les professions judiciaires. Je ne ferai pas un catalogue des dispositions qui suscitent un tel émoi chez les professionnels, mais cette émotion du monde judiciaire mérite notre attention alors que, à l'approche des échéances électorales, l'exploitation politicienne de l'opposition prête davantage à sourire.

M. Manuel Valls. Vous parlez de Bayrou ?

M. Philippe Folliot. Pour autant, sur un texte qui touche aux libertés fondamentales, il nous paraît juste que le Conseil constitutionnel puisse s'exprimer.

Nous avons entendu les arguments des uns et des autres concernant la garde à vue, le plaider-coupable, les moyens d'investigation, et nous ne pouvons nous empêcher d'entendre ces quelques réserves.

Je ne reviendrai pas sur des principes techniques relatifs à la garde à vue, mais la prolongation de quarante-huit heures doit bien entendu être entourée de toutes les garanties nécessaires. Cette extension ne s'appliquera qu'aux cas les plus graves d'infractions commises en bande organisée selon une nomenclature précise, qui doit exclure des délits mineurs. Bien entendu, il faut se donner les moyens de combattre cette grande délinquance, mais, alors que la notion de bande organisée figurait déjà dans le code pénal au titre d'une circonstance aggravante, la procédure exceptionnelle mise en œuvre ne définit pas assez parfaitement cette notion qui reste floue. Et l'on doit dès lors s'assurer que cette procédure ne s'applique pas à toute infraction commise à plusieurs. Et puis, comment ne pas s'interroger légitimement sur l'absence de dispositions relatives à la délinquance économique et financière souvent étroitement liée à cette grande criminalité ?

L'encombrement des tribunaux et la justice dite d'abattage pour les affaires correctionnelles sont des sujets récurrents dès lors que l'on évoque les maux de la justice en France. Pour y remédier, le projet de loi nous propose d'instaurer le système du plaider- coupable.

S'il s'agit de désencombrer les tribunaux, c'est une bonne chose. Il n'est pas tolérable, il est même scandaleux que, dans un Etat de droit, les justiciables attendent des mois, des années même, un jugement.

Pour autant, un grand nombre d'entre nous pensent qu'il aurait été préférable de mener un travail plus approfondi sur cette notion de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui rompt avec la tradition juridique française et qui porte en germe les prémices d'un changement radical de procédure. Nous ne sommes pas allés jusqu'au terme de cette logique puisque, à l'image de ce qui se fait outre-atlantique, nous aurions dû réfléchir sur l'indépendance du procureur.

Il faut veiller à ne pas porter atteinte au principe de séparation des fonctions de poursuite et de jugement et surtout à ne pas mettre en place une justice à deux vitesses comme on peut le voir chez nos voisins américains. Et, alors que le texte propose des avancées positives en matière de droit des victimes, leur absence dans la procédure du plaider- coupable nous pose problème.

Enfin, dernier point que je souhaiterais aborder, la place du juge d'instruction. Indépendants, instruisant à charge et à décharge, les juges d'instruction ne doivent pas être les grands perdants de ce texte, si je puis m'exprimer ainsi.

Alors que le parquet et la police voient, pour lutter contre la grande délinquance, leurs prérogatives s'accroître - perquisitions de nuit, écoutes, allongement de l'enquête de flagrance... -, le juge d'instruction risque de se trouver écarté de l'enquête. N'est-on pas en présence d'une mort lente de sa fonction ? Ce débat précis aurait mérité d'être mieux posé à l'occasion de la discussion de ce projet de loi.

Même si l'on peut s'interroger sur leur place dans ce texte, la généralisation de peines alternatives, la création d'un fichier national des délinquants sexuels, l'aggravation des peines contre les incendiaires ou contre les délinquants des mers responsables de catastrophes écologiques comme celles de l'Erika ou du Prestige sont des avancées positives, que, monsieur le ministre, sans aucune réserve, nous ne pouvons qu'approuver.

Nous voterons donc ce texte, mais c'est avec une extrême vigilance que nous surveillerons son application, en souhaitant que les inquiétudes exprimées par le monde judiciaire soient dissipées par des résultats probants d'éradication de cette terrible gangrène sociétale qu'est la grande criminalité, et dans le respect absolu des droits de la défense et des justiciables. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dès la première lecture de ce projet de loi, nous en avions dénoncé le caractère liberticide. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Sous couvert de traiter de la criminalité organisée, il porte atteinte à des droits fondamentaux en malmenant toute une tradition judiciaire française assise sur la défense des libertés.

M. Bernard Carayon. Que se passait-il à Moscou ?

M. Michel Vaxès. Lors de la seconde lecture, nous constations que le Sénat avait tenté de gommer certaines de ces atteintes manifestes, mais sans bouleverser la philosophie du texte.

A l'issue de son passage en commission mixte paritaire, nous réitérons nos craintes et notre franche opposition, non pas à la lutte contre la criminalité organisée car, s'il s'était agi de cela, nous aurions voté le projet sans état d'âme, mais à un texte qui bouleverse notre équilibre judiciaire, qui nous oriente vers une procédure accusatoire sans les garanties qui, traditionnellement, l'accompagnent, un texte qui porte atteinte aux droits de la défense, qui malmène les libertés fondamentales.

Autant de critiques sévères portées par les professionnels eux-mêmes à un texte fourre-tout qui fait dire au président de l'Union syndicale des magistrats qu'on y traite de tout sauf de la criminalité organisée, que c'est un texte qui nourrit la dangereuse dérive vers une justice sans juge et sans avocat.

Que va, en effet, changer ce texte ?

Il crée une nouvelle juridiction spécialisée qui va venir mettre à mal une procédure pénale normalement fondée sur des principes clairs et reconnus pour remplir les conditions d'un procès équitable et respectueux des droits de l'homme.

Il a pour ambition de traiter des aspects les plus durs de la criminalité organisée, mais il ne dit mot de la criminalité organisée en matière économique, financière et fiscale.

La procédure exceptionnelle qui est instituée reposera sur une qualification juridique extrêmement délicate à réaliser par les premiers enquêteurs. Elle ne pourra être constitutive de nullité, même en cas d'erreur ou d'abus manifeste.

Il prévoit un certain nombre d'outils d'investigation attentatoires aux libertés fondamentales : extension des écoutes téléphoniques et des perquisitions de nuit, pose de micros et de caméras dans des lieux privés, infiltration des réseaux par les policiers, rémunération des « indics », garde à vue prolongée jusqu'à quatre jours avec une intervention tardive de l'avocat, doublement de la durée de l'enquête de flagrance...

Vous nous dites que ces procédures d'exception sont prévues pour combattre les grands réseaux criminels, mais vous savez qu'elles s'appliqueront aussi à la délinquance ordinaire.

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Mais non !

M. Michel Vaxès. Ce texte accentue le déséquilibre déjà existant entre les juges du siège et ceux du parquet. Ces derniers verront leurs pouvoirs augmenter, au détriment notamment des juges d'instruction. Les nouveaux outils donnés à l'accusation s'inscrivent, selon un ancien procureur de Paris, dans un contexte de dépendance des magistrats vis-à-vis du pouvoir politique.

Ce projet de loi amorce à l'évidence un basculement de notre procédure vers un système accusatoire à l'anglo-saxonne.

La nouvelle procédure du plaider-coupable à la française va priver tant la victime que le suspect passé aux aveux d'un procès équitable. Elle va permettre qu'un certain nombre d'affaires se règlent dans le secret du cabinet du procureur et, peut-être, offrir la discrétion aux délinquants en col blanc. S'agit-il d'un procès d'intention ? Oui, mais ne voyez-vous pas que le soupçon sera inévitablement lié à pareille procédure ?

M. Éric Raoult. Contrevérité !

M. Michel Vaxès. Dans le même esprit, l'extension de la composition pénale va permettre de confier aux parquets une grande partie des affaires pendantes devant les tribunaux, sans débat contradictoire, et donc sans garantie pour la défense.

Votre logique, toute tournée vers la rentabilité et la rapidité, organise une justice d'abattage. J'en veux pour preuve la prime au rendement pour les magistrats et les policiers instaurée dans le dernier budget.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Arrêtez-le !

M. Michel Vaxès. Mais, monsieur le ministre, la rapidité ne sera jamais la mesure d'une justice de qualité. Il convient certes de palier des lenteurs parfois excessives mais, pour y parvenir, vous vous y prenez de la pire des manières.

La lutte contre la grande criminalité méritait beaucoup mieux qu'un texte qui dessine les contours d'une nouvelle justice, une justice expéditive, à laquelle nous nous opposons fermement. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Nudant. Pourquoi n'avez-vous rien fait ?

M. Michel Vaxès. Vous n'aurez pas raison contre tous !

Nous voterons donc résolument contre ce projet de loi et, s'il était adopté, nous nous associerions à la saisine du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je vais mettre aux voix le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, compte tenu des amendements adoptés jeudi soir sur ce texte.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

          Nombre de votants 522

          Nombre de suffrages exprimés 513

          Majorité absolue 257

      Pour l'adoption 340

      Contre 173

L'Assemblée nationale a adopté.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

4

COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET SERVICES DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle (n°s 1055, 1413).

Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de cette discussion, la parole est à M. PATRICK BLOCHE.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à l'industrie, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, comme d'autres, je suis amené à exprimer ma perplexité sur la manière dont nous légiférons. En ce moment, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine le projet de loi relatif aux responsabilités locales sur lequel elle est saisie pour avis. Notre calendrier est si chargé qu'il en est incohérent, au risque finalement de mal légiférer et de n'être pas compris par nos concitoyens, notamment par ceux auxquels ces textes s'adressent au premier chef.

Madame la ministre, - je m'adresse à vous parce que vous représentiez le Gouvernement lors de l'examen de ce texte en deuxième lecture - vous ne serez pas étonnée que je dénonce la confusion entretenue entre la deuxième lecture du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, désormais devant le Sénat, mais qui ne s'en saisira qu'au début du mois d'avril, et l'examen par l'Assemblée nationale de ce projet de loi important, et ce après l'adoption du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

Finira-t-on par y voir plus clair ? Cette question mérite d'être posée surtout lorsque l'un de nos excellents collègues, qui de surcroît copréside le groupe d'études sur l'internet et le commerce électronique au sein de notre assemblée, prend l'initiative de déposer un amendement qui avait été refusé lors l'examen en deuxième lecture du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique et qui tend, avant même que nos collègues sénateurs aient pu réagir, à rouvrir le débat sur le régime de responsabilité des hébergeurs et de fournisseurs d'accès.

Revoir le régime de responsabilité des intermédiaires techniques de l'internet, compte tenu de l'opposition que nous avions manifestée à la rédaction du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, devrait nous réjouir. Néanmoins, je m'interroge sur l'opportunité de cette discussion : n'aurait-il pas été préférable d'attendre l'avis du Sénat en deuxième lecture ?

Et parce que l'amendement de M. Martin-Lalande, même s'il représente un mieux, ne nous satisfait pas, je tiens d'ores et déjà à réaffirmer avec force l'opposition du groupe socialiste au principe de la responsabilité des intermédiaires techniques de l'internet tel qu'il est réécrit et son opposition encore plus vive aux mesures de filtrage imposées aux fournisseurs d'accès, mesures qui ne répondent pas à l'esprit de la directive sur le commerce électronique et sur lesquelles la Commission européenne a émis de vives critiques.

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui mélange télécommunications et audiovisuel au nom d'une convergence des médias qui fait beaucoup parler et sur laquelle je souhaiterais alerter notre assemblée.

La convergence des médias, c'est une belle chose : c'est la télévision, la radio, l'internet disponibles à partir des mêmes terminaux. Pour autant, nous devons rester prudents et nous rappeler l'échec, pas si lointain, qu'ont connu deux géants des médias, AOL Time Warner aux Etats-Unis et Vivendi Universal en Europe.

En effet, sans entrer dans le détail des concentrations et des intégrations verticales et en dépit de l'optimisme des services commerciaux et des campagnes promotionnelles alléchantes, les consommateurs boudent parce qu'ils n'ont pas trouvé leur compte dans les offres couplées, trop contraignantes du fait de la politique d'achat de catalogues menée dans le secteur de l'audiovisuel et de la musique.

La multiplication des moyens de diffusion - câble, hertzien, satellite, ADSL, wi-fi -, des opérateurs - mobile, radio, télévision, câble -, des services payants - email, internet, chaînes de télévision à péage, vidéos à la demande, pay per view, téléphone, wap -, le peu d'attractivité de certains services qui ne fonctionnent pas encore très bien et la couverture très inégale en haut débit du territoire, font que les consommateurs ont du mal à se retrouver dans ce dédale commercial et à rester fidèles à un seul fournisseur pour leur usage d'internet, de la télévision, de la téléphonie et des services interactifs.

Cette convergence des médias doit être mise en œuvre avec la plus grande prudence. Telle est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons souhaité, collectivement, lors de la deuxième lecture, au mois de janvier, du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique, définir la communication publique en ligne indépendamment de la communication audiovisuelle. Les modes de régulation sont en effet différents et je ne veux pas, je le souligne avec force, que la régulation des tuyaux devienne la régulation des contenus.

Ce projet de loi comporte par ailleurs des éléments de réforme de la loi sur la liberté de communication de 1986 qui nous laissent songeurs, Michel Françaix s'est déjà exprimé sur ce sujet et Didier Mathus y reviendra sans doute en défendant sa motion de renvoi en commission. Nous nous interrogeons en effet sur ce que le ministre de la culture et de la communication a qualifié lui-même de « petite loi audiovisuelle ». En effet introduire dans un projet de loi de transposition de directives communautaires des modifications du paysage audiovisuel qui sont loin d'être anodines ne nous paraît pas une bonne méthode pour légiférer. Il s'agit même, pensons-nous, d'une dérive préjudiciable à la clarté de nos travaux.

La modification des compétences de l'autorité de régulation en vue d'accélérer le délai de délivrance des autorisations, en posant le principe d'un délai de huit mois maximum, ne saurait attirer la critique de l'opposition. L'autorité de régulation se doit en effet d'être plus rapide à l'égard des opérateurs. Toutefois, la logique qui sous-tend cette décision, sur la base d'une convergence des médias, ne nous paraît pas évidente.

De même, il aurait été souhaitable de prévoir, dans un souci de transparence, la possibilité d'un débat contradictoire et d'une décision collégiale, quitte à modifier les compétences du CSA.

Le Gouvernement propose également d'introduire, sous forme d'amendements, non seulement des dispositions visant à créer un cadre juridique pour le développement de la radio numérique, mais également des dispositions lourdes de conséquence qui, bien qu'annoncées par vous, monsieur le ministre, auraient pu faire l'objet d'un projet de loi spécifique, à savoir l'intégration de RFO au sein du groupe France Télévisions.

M. Jean-Paul Charié. Très bonne mesure !

M. Patrick Bloche. Nous aurions préféré un adossement. D'ailleurs, l'annonce d'une intégration provoque une inquiétude légitime chez les personnels. ( Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Juliana Rimane. C'est faux !

M. Mansour Kamardine. Nous les avons rencontrés : ils pensent le contraire !

M. Patrick Bloche. Surtout, cette proposition a le défaut majeur d'oublier que RFO est non seulement une télévision mais également une radio.

M. Jean-Paul Charié et M. Mansour Kamardine. Et alors ?

M. Patrick Bloche. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'a pu traiter de ces questions ; le rapporteur pour avis, M. Hamelin, s'en est lui-même plaint. Pourtant, sur ce sujet comme sur bien d'autres, nous aurions aimé engager un vrai débat.

Brièvement, monsieur le président, pour rester dans le temps qui m'a été imparti, je souhaite indiquer que nous resterons très vigilants lors de l'examen des articles, notamment quand viendront en discussion les amendements qui proposeront d'introduire ce que vous appelez joliment un assouplissement, et que nous qualifions plutôt d'affaiblissement, du dispositif anti-concentration. La possibilité d'un cumul d'autorisations constitue, à nos yeux, un avantage certain pour les opérateurs historiques.

De la même façon, nous attendons du Gouvernement qu'il éclaircisse sa position sur la préférence qu'il manifeste clairement à l'égard de l'ADSL et qui, de fait, fragilise la volonté qu'il exprime par ailleurs, en particulier dans l'exposé des motifs, de sauver un secteur du câble en grande difficulté et de développer des télévisions locales. Nous espérons que le débat parlementaire permettra de lever toutes ces incertitudes.

De même, nous regrettons, mais je laisse au spécialiste du groupe socialiste, Didier Mathus, le soin de développer ce point, la fragilisation du dispositif relatif au lancement de la TNT au détriment du service public que vous générez à travers les dispositions que vous nous proposez.

Nous avons bien d'autres graves sujets d'inquiétude, par exemple à la suite de l'initiative prise par notre collègue M. Baguet. Nous avons déjà eu l'occasion d'exprimer notre plus grande réserve sur la fréquence unique qu'il propose. La radio numérique n'étant pas encore une réalité, nous craignons qu'une telle mesure nuise au pluralisme et à la diversité du paysage radiophonique. Je pense également au must carry, pour lequel il convient de se montrer prudent, comme l'a souligné le rapporteur pour avis, car les enjeux financiers sont importants ; il faut surtout agir en fonction de l'intérêt général.

En conclusion, je souligne qu'il est regrettable que le débat sur l'audiovisuel qui s'est tenu dans cet hémicycle le 13 janvier dernier à l'initiative du groupe UDF n'ait pas permis d'anticiper sur celui d'aujourd'hui. Découpé, nous craignons que ce débat n'ait pas une grande visibilité ; du moins espérons-nous que la modification du paysage audiovisuel auquel il aboutira ne se traduira pas par un bouleversement. Interférant avec d'autres projets de loi, nous avons peur qu'il ne suscite la méfiance plutôt que la confiance à l'égard du travail parlementaire et, cela, nous ne pouvons tous que le regretter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane.

Mme Juliana Rimane. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, l'entrée de RFO dans la holding France Télévisions répond bien aux intérêts de l'outre-mer comme à ceux de notre dynamisme audiovisuel dans le champ mondial.

En vingt ans, la chaîne a réussi à construire les bases d'un service public audiovisuel correspondant aux besoins des Français d'outre-mer, mais l'optimisation de la réalisation de ses missions a souffert de trop d'enfermement.

La technologie performante de RFO a permis de délivrer sur les cinq continents l'essentiel des émissions des chaînes nationales et d'assurer ainsi l'égalité d'accès de nos populations aux productions radios et télévisuelles françaises. Cependant, malgré les coopérations avec les pays voisins, qui ont donné à nos publics ultramarins un accès à leur environnement et ont élargi les champs d'audience de la France, et malgré le rôle que RFO a joué au service de Canal France International, la valorisation de ce réseau au bénéfice de l'expression audiovisuelle internationale de la France a été insuffisante. J'espère que la réforme proposée permettra d'établir de meilleures synergies.

M. François Brottes. C'est sûr !

M. Mansour Kamardine. C'est vous qui le dites !

Mme Juliana Rimane. L'information nationale a, partout, été couplée, en temps réel, à une information locale accordant toute leur place aux sujets de proximité, tandis que des productions régionales, bien que dotées de faibles moyens budgétaires, il faut le reconnaître, ont montré aussi bien la capacité créative des stations d'outre-mer que leur faculté à produire des magazines aptes à représenter la France ultramarine sur les écrans de l'hexagone.

Néanmoins les équipes de techniciens, de journalistes, de réalisateurs, faute d'une mobilité insuffisamment organisée entre les chaînes nationales, voient en général le déroulement de leur carrière circonscrit à l'outre-mer. De même, il est difficile aux professionnels des autres chaînes de venir enrichir RFO de leur expérience. L'intégration ne prendra tout son sens que si elle s'accompagne d'une gestion des carrières qui favorise les courants d'échanges de compétences entre tous les constituants de France Télévision, dans le respect des droits acquis des personnels.

Par ailleurs, en dehors de RFO-SAT, l'accueil des écrans nationaux aux productions de l'outre-mer ou sur l'outre-mer a été trop parcimonieux. Je formule le vœu que cette réforme permette, d'une part, d'accroître les moyens de production ou de coproduction sur l'outre-mer, d'autre part, de faire apparaître nos outre-mers  plus largement et régulièrement sur les écrans des télévisions de l'hexagone. C'est la condition à la fois de la participation des nôtres à la vie nationale et de l'intérêt des publics métropolitains vis-à-vis de la France ultramarine. Nous attendons du service public que, au-delà de ses missions d'information et de distraction, il joue également un rôle éducatif et civique. Montrer des images positives des populations dans toute leur diversité, leurs richesses culturelles et leur implication dans la vie du pays, contribue à faciliter leur intégration sociale.

M. Mansour Kamardine. Bravo !

Mme Juliana Rimane. Il conviendrait que cette intégration donne lieu à des redéploiements intelligents de ressources sur le plan non seulement des synergies techniques mais aussi de l'augmentation des crédits à la production, en gagnant sur les doublons. Il ne faut plus que la rédaction nationale de RFO ait la tentation de tourner des sujets que les autres chaînes peuvent mettre à sa disposition, ni que ces autres chaînes envoient des équipes au bout du monde pour couvrir ce qui est à la portée des missions normales de RFO.

M. Mansour Kamardine. Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande. C'est plein de sagesse !

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Elle a raison !

Mme Juliana Rimane. RFO a joué un rôle de précurseur dans le suivi des affaires européennes pour la télévision publique. Il a ouvert en 1990 le premier bureau permanent auprès des institutions européennes, mais, depuis quelques années, cette mission d'information, qui répondait aux attentes de nos populations, a connu des fortunes diverses, avant d'être supprimée. Or, au moment où l'outre-mer est ancré dans une Europe qui s'élargit, il est essentiel que sa télévision s'ouvre largement sur cet espace, comme il est important de préserver nos liens avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique par ses activités internationales.

La réforme qui nous est proposée s'attache à solidariser plus étroitement l'action métropolitaine et celle de l'outre-mer. Je ne peux donc qu'y adhérer. Cependant, je demande qu'elle soit entreprise, d'abord, dans le respect de l'outre-mer, dont les moyens budgétaires propres doivent être identifiés de manière garantie ; ensuite, en renforçant l'offre de radio de service public, seul moyen de communication dans certaines régions ; enfin, en conservant son excellent principe : sortir l'audiovisuel ultramarin d'un risque de ghetto et de chapelles. Même si les modalités sur ce dernier point ne sont pas du domaine législatif, j'invite néanmoins les pouvoirs publics à y veiller très attentivement.

M. Mansour Kamardine. Très bien !

Mme Juliana Rimane. Il s'agit de mettre en communication effective et rationnelle les équipes et les programmes entre RFO et les autres chaînes nationales ; d'offrir une chance de meilleure représentation de l'outre-mer français sur les écrans de la nation et, solidairement, d'une étroite liaison entre l'audiovisuel outre-mer et l'audiovisuel international de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon, dernier orateur inscrit.

Mme Béatrice Vernaudon. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'instar de Mme Juliana Rimane qui m'a précédée à cette tribune, je me félicite des perspectives et du projet stratégique proposé par le Gouvernement pour RFO. Elle est en effet le média de référence de tous les ultramarins. RFO fait le tour du monde quotidiennement ; peu de médias peuvent prétendre en faire autant.

L'arrivée des médias dits libres, du câble ou encore des circuits mondiaux du net, a très rapidement et profondément bouleversé le paysage audiovisuel. RFO s'est trouvé confrontée à une situation inédite en passant d'un statut de média en position de monopole, notamment en matière de télévision, à un média parmi d'autres en situation de concurrence quotidienne.

Sa filialisation par intégration au sein de France Télévisions va non seulement lui donner les moyens d'une pénétration locale plus dense, mais également, en retour, enrichir un puissant groupe, France Télévisions, peu familiarisé avec l'outre-mer.

Par exemple, si cette intégration avait eu lieu il y a quelques mois, France 2 et France 3 auraient pu, dans le débat sur la laïcité, rapporter l'expérience de Mayotte où la population est à 95 % musulmane. Notre excellent confrère, Mansour Kamardine, aurait pu expliquer aux téléspectateurs ce qu'il a, dans cette assemblée, décrit comme un phénomène qui, chez lui, est peu ou pas cultuel. Cela aurait profondément fait réfléchir les inconditionnels de l'un ou l'autre camp.

M. Mansour Kamardine. Absolument !

Mme Béatrice Vernaudon. Au sein de la holding, RFO bénéficiera, outre de moyens financiers plus conséquents par un accroissement de sa dotation mise au même niveau que celle du groupe, d'une large autonomie de gestion et de production pour que l'identité ultramarine demeure l'objectif de base.

Je vais m'arrêter quelques instants sur cette autonomie.

Quand je parle d'autonomie de la chaîne, je veux dire autonomie dans la holding et autonomie dans chacune des collectivités. En effet rien n'est plus diversifié ni complexe que les collectivités d'outre-mer, leurs langues, leurs coutumes, leur gastronomie, leur climat, leurs fuseaux horaires et même leur religion : tout est différent.

Un plan de standardisation provoquerait la disparition de la culture ultramarine et, à terme, du média. Ainsi l'antenne de Polynésie nécessite deux rédactions : une en langue française, une autre équivalente en langue tahitienne.

Chaque collectivité doit garder ses spécificités et les faire davantage connaître, aussi bien à la métropole qu'aux autres collectivités ultramarines. Mayotte a peu de convergence avec Saint-Pierre-et-Miquelon, tandis que La Réunion peut être amenée à soutenir la comparaison avec la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie. Oui, les échanges dynamiseront les contributions des uns et des autres !

Pourquoi aussi ne pas innover avec une ouverture de coopération régionale audiovisuelle ? Les collectivités ultramarines françaises des trois océans sont à la frontière entre le Nord et le Sud et, à ce titre, RFO doit constituer un outil de partenariat et de solidarité.

L'expérience des Jeux du Pacifique Sud de 2003, qui ont vu la création d'un pool de retransmission, est un exemple de ce que RFO peut offrir à ses voisins. Qui aurait pu imaginer les antennes de la Polynésie, de Wallis-et-Futuna, de Nouvelle-Calédonie partenaires de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie pour couvrir les vingt-sept micro-Etats de la région ? Quel fabuleux rayonnement de la France dans des terres très éloignées et anglophones !

L'intégration de RFO à France Télévisions constituera non pas un retour vers le passé, mais un axe puissant d'échanges, de convergences et de développement. Les personnels ont bien été assurés que rien ne remettra en cause leur statut actuel. Leur professionnalisme sera nécessaire à des productions sans cesse renouvelées, originales et de grande qualité. C'est la démarche que notre collègue Bertho Audifax, député de La Réunion et administrateur de RFO, a tenu à faire auprès de notre gouvernement et des responsables de la holding afin que la mémoire, c'est-à-dire le capital de connaissances soit préservée.

Les utltramarins de métropole quant à eux, il faut le dire ici, se sentent souvent quelque peu déracinés et souffrent du manque de programmations sur leurs terres d'origine. Cet adossement permettra de diffuser sur France Télévisions des programmations locales et enrichira d'autant le média national.

Il y a aussi RFO-SAT, mais qui le sait ? Ce jeune média n'a pas encore pu se hisser au niveau des grandes télévisions privées. RFO-SAT ne doit plus être un média symbolique, pauvrement doté de temps d'antenne. RFO-SAT doit pouvoir retransmettre, et en continu, les programmations diffusées quotidiennement dans les différentes collectivités sur le modèle de TV5 Europe.

L'objectif est de créer un courant fort entre la métropole et l'outre-mer en matière audiovisuelle. Cela correspond au projet que vous nous proposez et croyez bien, madame, monsieur le ministre, que je le voterai avec confiance.

Par ailleurs, l'élue de Polynésie que je suis souhaite attirer votre attention sur le partage des compétences entre la métropole et la Polynésie.

Les télécommunications ont toujours été de la compétence de notre collectivité, sauf lorsqu'elles participent de la sécurité et la défense. Le fait que le projet de loi abandonne la dénomination « télécommunications » ne change rien au fond. Il en va de même en matière de communication audiovisuelle. Dans le cadre du respect de ces partages de compétence, je formule deux propositions.

La première concerne l'octroi du droit d'usage de la ressource radioélectrique en tant que compétence propre du Gouvernement de la Polynésie française. Compte tenu de l'avis exprimé par l'ART, je propose d'inclure les entreprises de production et de diffusion d'émissions audiovisuelles polynésiennes dans le champ de cette compétence.

La seconde, tend à répondre à un légitime souci de cohérence. Il s'agit, en effet, de regrouper dans la loi toutes les dispositions spécifiques qui intéressent la Polynésie française, entraînant des mesures d'adaptation de la loi de 1986 et du code des télécommunications. Outre la lisibilité qu'il apporterait, ce regroupement permettrait, conformément à l'esprit du statut d'autonomie de la Polynésie française, de donner à son gouvernement des moyens juridiques similaires à ceux de l'ART en tant que référent pour la gestion des fréquences radioélectriques.

Il ne me reste plus qu'à espérer, monsieur le ministre, que le Gouvernement et notre assemblée, par son vote, permettent à notre gouvernement de la Polynésie de disposer de ces adaptations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Je m'adresserai d'abord à vous, monsieur le rapporteur Trassy-Paillogues. Je partage bien évidemment votre analyse du projet de loi du Gouvernement qui se décline autour de trois mots : cohérence, concurrence et convergence. Dans leur ensemble, les propositions de la commission des affaires économiques me paraissent tout à fait pertinentes.

S'agissant, tout d'abord, du contrôle du régulateur, le projet de loi renforce l'effectivité des décisions de l'ART. D'importants pouvoirs sont d'ailleurs transférés du ministre vers l'ART. Les pouvoirs d'enquête et de sanction de cette autorité sont largement renforcés.

L'ART aura ainsi la possibilité d'effectuer des enquêtes sur place dans les locaux des opérateurs. Elle pourra imposer, sans mise en demeure préalable, des mesures conservatoires et demander au Conseil d'Etat, statuant en référé, d'enjoindre à un opérateur de se mettre en conformité avec ses décisions et d'assortir son ordonnance d'une astreinte.

Compte tenu du renforcement du rôle de l'ART, j'ai également tenu à ce qu'elle ne prenne pas ces décisions seule : d'une part, dans la plupart des cas, elle le fera après une phase de consultation publique et le recueil obligatoire des avis soit du conseil de la concurrence, soit du CSA ; d'autre part, les décisions de l'ART pourront être contestées en appel soit devant le Conseil d'Etat, soit devant la cour d'appel de Paris. Cette action doit naturellement être évaluée et je souscris, monsieur le rapporteur, à vos propositions de renforcer les moyens de contrôle de l'action de l'ART.

Pour ce qui est, ensuite, de la protection des données personnelles, je puis vous dire qu'à l'issue d'une première consultation consensuelle des industriels, à l'été 2003, j'avais estimé que les numéros de portables pouvaient être inscrits dans l'annuaire dès lors que les abonnés seraient prévenus six mois auparavant. Cependant une nouvelle consultation, organisée cet hiver, m'a révélé que les opinions avaient évolué. A l'évidence, le numéro de téléphone portable est désormais un élément important de la vie privée de chacun et il est donc nécessaire de le protéger, ne serait-ce que pour éviter des appels ou des SMS non sollicités. C'est pourquoi, il me paraît finalement préférable que l'abonné au téléphone portable donne désormais explicitement son consentement préalable à l'inscription de ce numéro dans l'annuaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Charié. Très bien ! Beau travail parlementaire !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. En ce qui concerne enfin les relations entre opérateurs et abonnés, je suis favorable à ce que ces derniers soient mieux protégés contre les modifications unilatérales des contrats par les opérateurs. Il faudra toutefois éviter qu'un l'abonné soit privé de service de télécommunications dans le cas où il aurait oublié de se manifester lors d'une modification du contrat et je sais que nous trouverons un bon compromis sur votre proposition.

Monsieur Gouriou, dans votre intervention vous avez fait une description équilibrée de l'évolution de la concurrence depuis 1996 et je souhaite apporter quelques éléments de réponse à vos questions.

Je vous rappelle d'abord que j'ai pris plusieurs décisions pour réduire la fracture numérique. La baisse des tarifs de gros de France Télécom a permis une diminution massive des prix de détail. En termes de couverture du territoire, j'ai supprimé une taxe sur les paraboles et j'ai libéralisé le wi-fi pour que toutes les communes aient un accès à l'internet rapide.

Pour ce qui est du service public, la loi du 31 décembre 2003 a modernisé le cadre du service universel dont les différentes composantes seront mises en concurrence. Evidemment, France Télécom continuera d'exercer pendant encore de nombreuses années l'essentiel de ces missions. L'entreprise France Télécom recevra une compensation, pour ces missions, à travers un fonds abondé par tous les opérateurs de télécom.

Concernant l'innovation de services, vous le savez, j'estime que c'est un contrôle a posteriori qui doit pouvoir s'exercer sur les marchés émergents. Je suis donc favorable à l'amendement adopté en commission sur ce point.

Enfin, le texte étend le rôle de la commission supérieure du service public à tous les opérateurs en charge d'une composante du service public.

Par ailleurs j'ai été intéressée par la réflexion de M. Dutoit sur la valeur d'usage des télécoms qui l'a conduit à regretter le faible nombre de Français accédant au haut débit, mais j'ai été un peu surprise. En effet, alors que la précédente législature avait vu l'apparition de 800 000 clients à haut débit en cinq ans jusqu'en mai 2002, à la fin du mois de décembre 2003, nous en étions à 3,6 millions de Français connectés au haut débit. Notre objectif, je le rappelle, est d'avoir 10 millions d'abonnés en 2007, soit un foyer sur deux.

Nous aurons donc équipé la moitié des foyers deux fois plus vite que ce qui a été fait pour la téléphonie mobile,...

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... quatre fois plus vite que pour la télévision couleur et dix fois plus vite que pour l'équipement en véhicules automobiles. Notre valeur d'usage est donc aussi une valeur temps. Le temps où la France prenait du retard est révolu. Maintenant nous le rattrapons !

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Sur le contenu du service public, je réaffirme à M. Dutoit - il n'est pas là, mais je suis sûre qu'il me lira avec intérêt - l'engagement du Gouvernement de proposer dès l'année prochaine, à nos partenaires européens, lors de la renégociation des directives, l'extension du service universel au téléphone mobile et à l'internet à haut débit. La volonté du Gouvernement est bien connue ; nous l'avons suffisamment réaffirmée : nous voulons que tout le territoire puisse bénéficier d'un accès à haut débit et nous avons pris de nombreuses mesures pour que cela soit le cas. Outre la libéralisation du satellite et du wi-fi, l'autorisation donnée aux collectivités territoriales d'être opérateurs de télécom va accélérer la couverture du territoire en haut débit.

Monsieur Kert, je tiens à vous confirmer les positions du Gouvernement que j'ai déjà évoquées.

S'agissant de l'annuaire des abonnés à la téléphonie mobile, il est important que l'opérateur ait reçu le consentement préalable de l'abonné avant son inscription, je le répète.

La question de la gratuité de la localisation des appels d'urgence a déjà été évoquée il y a quelques mois, lors du débat sur le statut de France Télécom. Je vous confirme l'accord du Gouvernement sur ce point pour améliorer l'efficacité des services de secours.

Monsieur Brottes, cela ne vous surprendra pas, je ne partage pas votre analyse selon laquelle le projet du Gouvernement instaure la loi de la jungle.

M. François Brottes. C'est pourtant vrai !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Non, c'est exactement le contraire que nous proposons !

Les pouvoirs des deux autorités de régulation sectorielles, l'ART et le CSA, sont en effet renforcés dans de nombreux domaines : pouvoir d'enquête et de sanction, règlement de différends, etc.

Monsieur Dionis du Séjour, je vous confirme que les deux textes de loi du plan RESO 2007 ont bien été une priorité de mon action ministérielle. Je vous remercie de l'avoir souligné. Il s'agit effectivement de deux textes distincts : la loi sur la confiance dans l'économie numérique sur le commerce électronique et le paquet télécoms sur la régulation des communications électroniques.

Je puis par ailleurs vous confirmer l'accord du Gouvernement, tant sur la périodicité des analyses du marché concernant les opérateurs puissants, que sur des mesures exceptionnelles en cas d'urgence.

M. Martin-Lalande a évoqué la disposition, votée récemment à l'Assemblée nationale dans le cadre de la loi relative à l'économie numérique et prise à l'initiative de son rapporteur, M. Jean Dionis du Séjour, sur la surveillance des sites, en cas de contenu illicite particulièrement odieux : pédophilie, antisémitisme et incitation à la haine raciale.

Cet amendement, qui a donné lieu à un débat de très haute tenue, a eu le grand mérite de lancer un signal fort et d'attirer l'attention sur ce que je considère comme un grand problème de société.

Internet, que nous encourageons, que nous souhaitons développer, que nous avons l'ambition de rendre accessible à tous, est et doit demeurer un espace de liberté.

M. Patrice Martin-Lalande. Et de responsabilité !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Pour autant, il ne doit pas devenir un espace de non-droit, au risque de créer des effets pervers qui se retourneraient à terme contre ce fabuleux outil d'information et de communication.

M. Patrice Martin-Lalande. Nous sommes d'accord.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Comment défendre, à travers internet, les valeurs fondamentales de notre République ? Comment assurer la protection de l'enfance et de l'adolescence ? Comment, pour ce faire, concilier les responsabilités des hébergeurs, des fournisseurs d'accès ou des familles, et le respect de la vie privée des internautes ? Quel doit être le niveau approprié de contribution de chacun à la lutte contre les sites illicites particulièrement odieux visés par la disposition que vous avez votée ? Quel peut être le dispositif le plus efficace, sachant que, dans tous les cas, le dernier mot reviendra au juge et la recherche des infractions à la police ?

Lors du vote de la loi sur l'économie numérique, je m'en étais remise, vous vous en souvenez, à la sagesse de l'Assemblée, estimant que l'argument de la non-compatibilité avec la directive européenne n'était pas à la mesure des enjeux de ce débat.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. A son issue, je me suis toutefois sentie investie de la mission de rechercher les moyens qui permettraient de faire avancer positivement cette grande question.

J'apprécie, monsieur Martin-Lalande, qu'un de vos amendements me donne l'occasion d'indiquer ici les avancées auxquelles je suis parvenue à ce jour, même si - je dois être franche - je ne pense pas qu'il ait réellement sa place dans la présente loi. A mon sens, il s'inscrirait mieux dans le texte sur l'économie numérique, lors de sa deuxième lecture au Sénat.

M. François Brottes. C'est de l'acharnement ! (Sourires.)

Mme la ministre déléguée à l'industrie. J'ai rencontré l'association des fournisseurs d'accès et des hébergeurs de sites ; j'ai rencontré les représentants des industries culturelles ; j'ai rencontré les représentants des familles et je suis parvenue à la même conclusion que le rapport du forum des droits sur l'internet, remis ce matin à mon collègue, Christian Jacob, à savoir qu'aucune solution n'est à elle seule de nature à prévenir efficacement l'exposition des jeunes publics aux contenus qui pourraient leur être préjudiciables.

Seule une combinaison des leviers juridiques, techniques et pédagogiques et d'une volonté politique affirmée pourrait apporter des réponses pertinentes à ce problème.

M. Patrice Martin-Lalande. Engageons-nous dans cette voie !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Or j'ai pu constater que cette volonté politique affirmée existait, non seulement au sein du Gouvernement et parmi les parlementaires, toutes sensibilités politiques confondues, mais aussi auprès de tous les acteurs que j'ai longuement rencontrés.

C'est donc vers un partage réaliste et équilibré des responsabilités de chacun que nous devons aller.

Aux fournisseurs d'accès, nous demandons de renforcer le site de signalement des contenus relatifs à la pornographie enfantine et à l'incitation à la haine raciale, tant dans le contenu que dans la communication, et d'approfondir les solutions proposées aux utilisateurs pour effectuer un filtrage, avant même leur acheminement vers le réseau, des contenus auxquels ont accès les micro-ordinateurs. En outre, ils ont accepté la rédaction d'une charte - ouverte à tous les prestataires techniques d'internet et non aux seuls membres de l'association des fournisseurs d'accès - qui préciserait notamment les suites données aux signalements faits par des internautes en collaboration avec les autorités judiciaires.

En ce qui concerne les familles, nous avons constaté la nécessité d'améliorer les logiciels de contrôle et de filtrage qui sont à leur disposition et d'en prévoir la promotion. Au cours du premier semestre 2002, 60 millions de consommateurs a publié un essai comparatif de douze logiciels de filtrage destinés au contrôle parental. Ces logiciels permettent aux parents d'éviter aux enfants d'accéder à des contenus pornographiques, pédophiles, violents ou racistes. La conclusion en est, d'une part, qu'aucun logiciel de filtrage n'est efficace à 100 % et, d'autre part, que ces logiciels sont essentiellement d'origine nord-américaine.

J'ai donc souhaité que cette thématique soit dès aujourd'hui intégrée aux programmes de recherche soutenus par le ministère de l'industrie. Celui-ci lancera prochainement une nouvelle édition de l'appel à projets OPPIDUM, doté d'un budget de 4 millions d'euros pour des solutions innovantes contribuant au développement de la confiance sur internet.

Enfin, chacun a bien conscience que le problème dépasse le cadre de nos frontières. Je sais que plusieurs de nos partenaires européens s'interrogent de la même façon que nous. La coopération européenne doit être certainement renforcée par l'adoption de directives qui pourraient tracer une ligne commune, de même que la coopération internationale peut être accentuée grâce à des conventions.

Il s'agit d'un problème grave. Je poursuis l'étude des pistes que je viens d'évoquer. Je serai en mesure, lors de la deuxième lecture de la loi sur l'économie numérique au sein de la Haute assemblée, d'apporter à la représentation nationale des précisions qui, je l'espère, seront en mesure d'apaiser vos légitimes préoccupations et nous aideront à nous orienter vers des solutions à la fois efficaces et euro-compatibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens, moi aussi, comme l'a fait Nicole Fontaine, à vous féliciter pour la qualité du travail préalable réalisé en commission, notamment par les rapporteurs, M. Trassy-Paillogues et M. Hamelin.

Permettez-moi de revenir, puisqu'elles concernent la partie du texte qui relève plus particulièrement du champ d'attribution du ministère de la culture et de la communication, sur les observations formulées, au cours de son intervention, par M. le rapporteur pour avis, M. Hamelin. Celui-ci a évoqué, hier, quelques points sur lesquels les rapporteurs et les commissions proposaient d'améliorer le texte du Gouvernement, suggérant en particulier une nouvelle rédaction plus claire des passages du projet de loi définissant les pouvoirs de règlement des litiges confiés au CSA.

Cette modification vous sera proposée par amendement. Elle garantira une bonne coordination entre le CSA et le conseil de la concurrence, chaque autorité ayant un champ de compétence qui lui est propre. Je crois que cette rédaction apportera également les précisions souhaitées par M. Christian Kert, en supprimant notamment la possibilité de prononcer des mesures conservatoires.

Vos rapporteurs proposent également de faire évoluer les obligations de reprise qui pesaient jusqu'à présent sur les réseaux câblés, de façon à assurer à toutes les chaînes hertziennes qui en feront la demande la possibilité d'être reprises, à leurs frais, par un distributeur de services, notamment les nouveaux entrants du paysage hertzien numérique. Cette proposition me semble tout à fait judicieuse. Dans un souci de cohérence, le Gouvernement a été amené à proposer que l'on tire toutes les conséquences de cette mesure sur l'ensemble des obligations de reprises prévues dans son projet de loi, notamment sur celles qui pesaient sur les éditeurs.

J'ai donc déposé deux amendements qui proposent un nouvel équilibre d'ensemble, plus respectueux de la liberté d'entreprendre, confortant la place du service public sur l'ensemble des plates-formes et préservant le « service antenne » que nous avons amplement évoqué hier et dont bénéficient plus d'un million de foyers français dans certains immeubles câblés.

M. Patrice Martin-Lalande et M. Christian Kert ont salué ce nouvel équilibre qui vous était proposé. Je les en remercie. L'évolution porte à une pluralité des partenaires. Il me semble néanmoins justifié que la loi le prévoie de façon plus explicite.

Cette proposition devrait, je l'espère, répondre aux inquiétudes de M. Emmanuel Hamelin et de M. Christian Kert. Elles devraient également rassurer les députés de l'opposition qui semblaient voir, dans les assouplissements que nous proposons, un moyen de laisser des groupes nationaux s'emparer des télévisions locales numériques. En imaginant cela, ils font bien peu de cas du rôle du CSA, auquel revient la tâche de sélectionner les projets, dans le souci d'encourager le pluralisme.

Je vais maintenant répondre rapidement à M. Brottes et M. Baguet qui semblent regretter, sur ce projet de loi, un manque de concertation et une certaine précipitation. J'avoue que ce reproche - ou cette critique - m'étonne.

M. Patrice Martin-Lalande. Ils sont mal informés ! (Sourires.)

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement a en effet procédé à quatre consultations publiques sur internet et organisé près d'une centaine de réunions bilatérales pendant douze mois, entre juillet 2002, date de la diffusion d'un premier document, et le 31 juillet 2003, date d'adoption en conseil des ministres de ce projet de loi.

Au cours de ces douze mois, de très nombreux documents ont été rendus publics sur le site de la direction du développement des médias, tout comme les réponses reçues de la part des différents acteurs de ce dossier. La presse a largement couvert ces consultations et commenté l'ensemble des premières propositions.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je ne le nie pas.

M. le ministre de la culture et de la communication. L'intégration dans ce projet de loi d'un ensemble de mesures favorables aux télévisions locales a également été annoncée dès le début de l'année 2003, et un rapport mettant en perspective les mesures proposées a été rendu public. Depuis juillet dernier, les échanges se sont poursuivis sur les sujets les plus sensibles. L'intégration, par voie d'amendement, de la filialisation de RFO à France Télévisions et la création d'un cadre juridique pour le développement de la radio numérique ont été annoncées publiquement et ont pu donner lieu à une très large concertation.

D'emblée, ce projet de loi était en effet le véhicule le plus indiqué - de l'avis de tous ceux qui ont participé à cette réflexion - pour nous permettre d'accéder à la conclusion de l'œuvre ainsi accomplie. Le groupe de travail sur la radio numérique a lui aussi procédé à deux consultations publiques et s'est réuni sept fois.

Je m'étonne également, monsieur Baguet, que vous regrettiez l'absence, dans ce projet de loi, de définition de l'œuvre audiovisuelle. Vous savez que j'ai engagé une concertation sur cette question importante, j'en conviens, et que j'ai d'ores et déjà indiqué que le droit actuel me paraît cerner de façon inadaptée les œuvres de création qui doivent bénéficier des dispositifs d'encouragement publics.

M. Pierre-Christophe Baguet. Oui !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il n'y a donc aucune ambiguïté dans l'esprit du Gouvernement à ce sujet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous sommes d'accord, mais il faut intervenir.

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce sujet ne relève cependant pas forcément de l'ordre législatif. On peut progresser par la voie réglementaire. Il est donc naturel qu'il ne soit pas traité à l'intérieur de ce projet de loi. Dans le cadre de la concertation que je conduis, je serais d'ailleurs intéressé de connaître la solution que vous proposez à titre personnel.

Enfin, monsieur le député, vous vous inquiétez du fait que le Gouvernement souhaite poursuivre les études engagées avant de proposer de légiférer sur la délicate question de la re-planification des fréquences. Vous avez indiqué que les études et rapports concordants abondent. Or je crois malheureusement que, à l'exception d'un rapport commandé par un opérateur de radio particulier, les études et avis d'experts ne font pas ressortir la possibilité d'une fréquence unique. Dans une étude de 1997, le CSA avait notamment examiné cette hypothèse et conclu à l'impossibilité de l'appliquer. Je reconnais cependant que ce scénario peut être intéressant - je l'ai dit hier et il n'y a donc pas lieu de polémiquer sur ce sujet -, mais nous devons veiller à prendre en compte la situation et les intérêts d'autres catégories d'opérateurs, notamment les radios associatives.

Ce sont bien les différents scénarios de planification de la bande FM qu'il nous faut étudier, et nous nous y employons de façon transparente, en espérant que le fruit de ce travail fournira enfin une base objective de délibération.

Christian Kert a évoqué hier soir la situation de Radio France. Il s'agit d'une question d'actualité, qui a d'ailleurs été évoquée cette après-midi dans l'hémicycle. Aussi n'y a-t-il pas lieu d'y revenir, même si nous connaissons tous l'importance de cette question. Quoi qu'il en soit, je tiens à rappeler de façon solennelle l'attachement du Gouvernement et, je le sais, de la majorité à la défense du service public de la radio et de la télévision.

M. Patrice Martin-Lalande et M. Mansour Kamardine. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. Concernant Radio France, nous avons fait le choix de soutenir, par principe, la responsabilité de la direction et cela me paraît sain. J'ai confiance dans la capacité tant de Jean-Marie Cavada et de son équipe, d'un côté, que des représentants des syndicats et des personnels, de l'autre, à aboutir à des solutions équilibrées, honorables, convenables et utiles à la société nationale. Il n'est pas bon que la tutelle s'immisce sans cesse dans le dialogue social au sein de l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je n'aborderai pas toutes les questions qui ont été évoquées, car nous y reviendrons lors de la discussion des articles, mais j'ai été très sensible aux interventions des députés de l'outre-mer, M. Grignon hier, Mmes Rimane et Vernaudon aujourd'hui. Ils savent de quoi ils parlent et je tiens à leur dire que le Gouvernement est très sensible au soutien déterminé et vigilant qu'ils apportent au processus d'intégration de RFO dans France Télévisions. C'est une très grande chance pour RFO. La pire menace qui la guettait était sa marginalisation dans le dispositif audiovisuel public national. Elle risquait de perdre progressivement sa capacité à produire des programmes singuliers et de ne plus assurer le respect du principe de continuité territoriale des programmes audiovisuels. Or c'est bien sur cette double mission qu'est fondée la singularité de RFO.

Le dispositif dans lequel nous nous engageons donnera un nouvel élan à cette société, l'enracinera dans l'audiovisuel public national et lui offrira la capacité de produire des programmes mieux adaptés aux attentes de nos concitoyens de l'outre-mer.

Vous avez très justement souligné, mesdames Rimane et Vernaudon, la formidable diversité de ces attentes. Il est vrai que de la Guyane à La Réunion, de la Polynésie à Saint-Pierre-et-Miquelon, celles-ci ne sont pas identiques, mais, partout, nos concitoyens veulent une télévision de qualité, qui leur parle de leur réalité quotidienne et leur garantisse que cette réalité deviendra un élément du service public de l'audiovisuel métropolitain. La relation doit bien fonctionner dans les deux sens : de la métropole vers les collectivités ultramarines, mais également de ces collectivités vers la métropole. C'est donc une décision importante que vous êtes appelés à prendre.

Enfin, monsieur Françaix, je ne sais pas si je dois m'en plaindre ou m'en lasser, mais j'aimerais que vous abandonniez enfin le refrain que vous vous obstinez à entonner sur l'asservissement du Gouvernement et de la majorité aux intérêts de telle ou telle chaîne privée de télévision. Ce n'est pas très convenable.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très juste !

M. le ministre de la culture et de la communication. C'est même indigne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ainsi que je l'ai déjà indiqué, en d'autres circonstances - et je m'étais pourtant promis de ne plus utiliser cet argument ! - je vous rappelle que, pour ma part, je n'ai jamais été employé d'une chaîne de télévision ni appointé par TF 1, alors que, vous le savez très bien, l'un de mes prédécesseurs l'a été par la société Canal Plus.

S'agissant des prétendus cadeaux faits à TF 1 - dont je tiens par ailleurs à préciser que c'est une très bonne société de télévision (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) -, je souligne qu'en décidant de diminuer la capacité publicitaire du service public de la télévision, vous avez d'emblée permis à TF 1 d'augmenter ses recettes dans ce domaine de 10 %,...

M. Patrice Martin-Lalande. Un beau cadeau !

M. le ministre de la culture et de la communication. ...et que, dans la loi d'août 2000, vous avez décidé de prolonger de cinq ans les autorisations analogiques de groupes privés tels que TF 1 en restant très ambigus, très évasifs, sur les contreparties demandées.

M. Patrice Martin-Lalande. Et qui a voté la loi de 1982 ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Cessez donc de nous chercher cette querelle médiocre. Ce que nous visons, nous, c'est l'intérêt général, celui du public et le développement du secteur, et non pas la prise en compte partisane ou intéressée de la position de tel ou tel opérateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, nous aurons l'occasion de revenir sur ces différentes questions lors de l'examen des amendements. Je ne serai donc pas plus long. Je souhaitais uniquement insister sur ces quelques points généraux qu'il me semblait utile de rappeler dans la mesure où ils détermineront la qualité de notre débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes face à une sorte d'objet législatif non identifié, un OLNI, et, pour être franc, il a une drôle de tête ! On est d'ailleurs tenté de citer Corneille, tant le destin des articles du projet de loi évoque Le Cid : « Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port ». A l'origine, simple transposition du paquet télécoms européen, ce texte s'est en effet alourdi en cours de route de tels ajouts concernant un sujet qui paraissait annexe - l'audiovisuel - qu'il n'a plus rien à voir avec le projet initial.

Par ailleurs, ses conditions d'examen n'ont pas été satisfaisantes. Ainsi, nombre de ses dispositions n'ont pas été examinées par la commission des affaires culturelles en particulier,...

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ça alors !

M. Didier Mathus. ...malgré tout le mérite de notre rapporteur et de notre président, puisque celle-ci n'a été saisie que pour avis du titre II. Or il s'agit tout de même d'une modification considérable de la loi de 1986 sur la liberté de la communication.

Enfin, je relève une contradiction entre ce projet de loi et plusieurs autres textes, en cours de lecture ou annoncés, qui touchent à des sujets voisins, tels que l'internet ou l'audiovisuel. La démarche est donc manifestement incohérente. Comme vous y avez fait allusion, monsieur le ministre, je me permets d'y revenir.

Les évolutions législatives que nous nous apprêtons à voter en matière audiovisuelle interviennent deux ou trois semaines après un débat général que nous avons eu sur le sujet et alors qu'il règne un climat très particulier dans ce secteur, puisque la décision qu'a prise le Gouvernement de confier les rênes de la chaîne internationale à TF 1 - ce n'est pas un procès, mais un simple constat, monsieur le ministre - a suscité de nombreuses interrogations et que le service public de la radio et, aujourd'hui, de la télévision, hélas ! est en crise. Un tel climat aurait dû vous conduire à proposer ces évolutions législatives dans le cadre de la construction d'un projet plus cohérent, accompagné d'une consultation digne de ce nom, notamment de la commission des affaires culturelles, qui a toujours statué sur ces questions.

Je demande donc le renvoi du projet de loi en commission, car c'est dans l'improvisation que plusieurs dispositions concernant l'audiovisuel ont été greffées sur ce texte, sans qu'il y ait eu d'études sérieuses et, surtout, en l'absence de toute réflexion d'ensemble, ce qui semble être la marque de ce gouvernement en matière de télévision,...

M. François Brottes. Pas seulement !

M. Didier Mathus. ...depuis maintenant deux ans.

Nous estimons qu'un examen plus serein en commission aurait permis d'éviter un certain nombre d'erreurs ou de fautes dans des domaines tels que les pouvoirs de régulation du CSA, la concentration, les autorisations d'émettre, le must carry,...

M. Patrick Ollier, président de la commission. Comment ?

M. Didier Mathus. ...- l'obligation de diffusion, si vous préférez -...

M. Patrick Ollier, président de la commission. Non, l'obligation de transport !

M. Didier Mathus. ...RFO et la révolution numérique.

S'agissant des pouvoirs de régulation du CSA, nous sommes favorables à leur extension, comme nous l'avons démontré à travers différentes lois, mais ce que vous proposez dans ce texte est, sur certains aspects au moins, largement en contradiction avec le projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique, qui est en cours de lecture. Nous sommes favorables à un accroissement des responsabilités du CSA, à condition que cela se fasse dans la transparence.

A cet égard, je veux souligner que le mode de désignation des membres de cette instance suscite notre inquiétude pour les années qui viennent. En effet, au 1er janvier 2007, nous aborderons une année d'élections générales : présidentielle, législatives, municipales. Or le CSA, qui sera chargé de veiller à l'équité dans le traitement médiatique de ces élections, sera exclusivement composé de membres nommés par des personnalités appartenant à l'UMP. C'est la loi, certes, je ne le conteste pas, mais il me semble que, dans une démocratie comme la nôtre, il n'est pas raisonnable de s'accommoder longtemps encore d'un tel manquement au pluralisme.

Dans la plupart des pays démocratiques, les instances de régulation reflètent la diversité des courants politiques qui traversent la société, à commencer par la FCC américaine, dont les membres revendiquent explicitement leur appartenance démocrate ou républicaine ; généralement, ils portent même un badge.

J'ai déposé deux amendements sur ce sujet, et, même si je n'ai guère d'espoir de les voir adoptés, je pense que vous auriez tort de les repousser machinalement, au seul motif qu'ils viennent de l'opposition. Il faut d'ores et déjà réfléchir au déficit de confiance démocratique qu'entraînera en 2007 l'exercice, résolument contraire au respect du pluralisme, d'une instance strictement monocolore. Il s'agit d'une vraie question à laquelle nous ferions bien de réfléchir, afin de lui trouver une solution dans les mois qui viennent.

J'en viens au problème de la concentration.

Le projet de loi du Gouvernement comporte en effet toute une série de dispositions qui visent, grosso modo, à démanteler le dispositif législatif, pourtant modeste, dont dispose notre pays en matière de règles anticoncentration. A cet égard je vais rappeler certains éléments essentiels se rapportant à ces questions.

Nulle part, même dans les pays les plus libéraux, la communication n'est considérée comme un marché économique ordinaire. Tous les pays démocratiques se sont dotés de législations anticoncentration, ou « antitrust », comme on dit aux Etats-Unis, souvent très coercitives, bien plus, en tout cas, que le maigre dispositif français.

La concentration dans ce domaine est ennemie du pluralisme, donc ennemie de la démocratie. Il convient de veiller à l'éviter avec une particulière attention, au moment où l'émergence des télévisions locales pourrait devenir possible grâce au numérique hertzien. Vouloir d'ores et déjà affermer d'éventuelles télévisions locales aux deux grands réseaux hertziens privés, comme le prévoyait votre projet de loi initial, serait une grave erreur, pour ne pas dire une faute.

On sait que, aujourd'hui, vous réfléchissez en coulisses au projet de télévision régionale en Ile-de-France. Vous vous demandez comment faire - dans l'hypothèse où le sage amendement du rapporteur de la commission des affaires culturelles tendant à ramener le nombre des multiplex de sept à six serait adopté - pour pouvoir, en bricolant les seuils qui caractérisent les télévisions régionales et nationales, modifier la donne en Ile-de-France, et accorder l'autorisation d'une télévision régionale à vos amis du groupe TF1, par exemple.

La France est désormais l'un des très rares pays à ne pas être doté de télévisions locales indépendantes. Il subsiste, dans ce pays ultra-centralisé, une sorte de méfiance à l'égard des expressions locales ou régionales. C'est vrai pour la radio, où l'on assiste à diverses tentatives pour purger la bande FM des radios indépendantes ou associatives, au bénéfice des grands réseaux nationaux. Cela semble vrai aussi pour la télévision, domaine dans lequel le Gouvernement a été tenté, si l'on se réfère à la première version du texte, d'attribuer les fréquences locales aux deux réseaux nationaux privés. Je rends hommage à la sagesse des commissions parlementaires, qui ont corrigé cette aberration par amendement.

Ce qui va se passer au sujet des seuils, en particulier en Ile-de-France, retiendra toute notre attention, car si vous avez protesté de votre bonne foi, monsieur le ministre, vos actes et ceux de ce gouvernement en matière de télévision depuis deux ans ne plaident pas en votre faveur. Nous serons donc extrêmement vigilants.

Puisque vous avez évoqué les autorisations d'émettre, je veux rappeler que les fréquences sont un bien public et qu'elles ne sont, en quelque sorte, que prêtées par l'Etat aux opérateurs, pour un temps limité et en échange de missions d'intérêt général. C'est dans cet esprit qu'avait été conçu, dans la loi d'août 2000, le bonus d'autorisation hors appel à candidature dont vous avez parlé, pour inciter les opérateurs historiques à s'inscrire dans le projet numérique. La rédaction était-elle trop imprécise ? En tout cas, devant l'enlisement du numérique, organisé par le Gouvernement pour répondre aux desiderata des chaînes existantes, qui bénéficient du statu quo, les restrictions apportées à cette reconduction automatique par l'article 97 du présent projet de loi ne répondent pas à la situation à venir.

Les opérateurs historiques ont été agréés par le CSA pour leur montée éventuelle sur les multiplex, mais chacun sait, dans cette assemblée, qu'ils conjuguent leurs efforts pour empêcher l'émergence de tout distributeur commercial, et qu'ils paralysent de facto le déploiement du numérique hertzien. Ils gagnent ainsi sur les deux tableaux, empochant la reconduction automatique de leurs autorisations, et bénéficiant le plus longtemps possible du statu quo qui leur rapporte beaucoup. Il faudrait mettre un terme à cette situation et rappeler qu'il est du devoir du Gouvernement d'épauler sérieusement le CSA dans sa lutte inégale contre des opérateurs fermement décidés à ce que rien ne bouge.

Je dirai également un mot sur le numérique hertzien et, puisque vous m'y avez invité, monsieur le ministre, sur TF1.

Vos protestations de bonne foi sont certes spectaculaires et émouvantes, mais nous nous en tenons aux faits. Force est de constater que le projet de loi qui nous est soumis constitue à nouveau une tentative complètement affranchie du bon sens, qui vient consolider l'emprise du groupe TF1 sur le paysage audiovisuel. Nous devons veiller avec attention sur le pluralisme, essentiel pour une assemblée parlementaire.

La France connaît déjà une situation singulière. Outre M6 qui, désormais propriété du groupe allemand Bertelsmann, est devenue, selon tous les indicateurs, la chaîne de télévision la plus rentable du monde, TF1 capte à elle seule plus du tiers de l'audience et plus de la moitié du marché publicitaire télévisé.

Face à cette situation, quelle devrait être l'action du Gouvernement pour assurer l'indispensable régulation publique du secteur des médias ?

D'abord, assurer le pluralisme. On n'en fait jamais assez dans ce domaine : pluralisme des messages, pluralisme des éditeurs, multiplicité des opérateurs, transparence de leurs structures.

Ensuite, maintenir et moderniser un pôle public puissant, qui constitue en lui-même un facteur d'équilibre. Nous en sommes loin aujourd'hui.

Enfin, veiller à la viabilité de groupes audiovisuels nationaux, capables de porter le développement d'une industrie de création en langue française.

Or, sur ces trois points, vous avez failli. Je vous disais ici même, monsieur le ministre, il y a quelques semaines, que le seul fil conducteur apparent de votre politique, était justement la promotion méthodique et appliquée des intérêts du groupe Bouygues. Votre projet de loi vient malheureusement confirmer avec éclat cette constatation.

M. Jean-Paul Charié. Ca ne va pas recommencer ! C'est indigne !

M. Didier Mathus. Au moment même où vous manifestez ostensiblement votre indifférence à l'égard du service public, comme on le voit pour Radio France, vous avez pris soin d'introduire dans votre projet un amendement à première vue technique sur ce que les Anglais et les Européens appellent le must carry, et que l'on devrait d'ailleurs appeler le must offer ...

Mme Arlette Franco. Parlez français !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Pourriez-vous parler français, monsieur Mathus ? Je vous rappelle que vous êtes à la tribune de l'Assemblée nationale !

M. Didier Mathus. ... c'est-à-dire l'obligation de diffuser, ou l'obligation d'offrir. Le résultat en sera très simple : il s'agira du plus somptueux cadeau fait à TF1 depuis la loi Carignon.

Après avoir rogné les ailes et les moyens de la télévision publique, après lui avoir interdit tout développement risquant de concurrencer TF1 - on se souvient de la mésaventure de la chaîne « tout info » du service public, dont vous avez empêché la mise en place -, après avoir offert sur un plateau la chaîne internationale au même groupe Bouygues, au mépris de toutes les observations raisonnées, y compris des membres de votre majorité dans cette assemblée, voilà une disposition qui devrait assurer à TPS le pouvoir de vie et de mort sur tous les réseaux câblés de France, et qui devrait de facto entraîner l'érosion rapide de son seul concurrent en matière de satellite, Canalsat.

Je ne veux pas vous accabler, monsieur le ministre, puisqu'il semble que cet arbitrage ait été rendu sous l'égide de Matignon, mais de quoi s'agit-il exactement ? Il est proposé de remplacer l'obligation systématique de reprise des chaînes hertziennes en clair par les réseaux câblés, par une obligation de reprise à la demande des chaînes hertziennes numériques en clair.

On peut s'interroger, d'abord, sur la compatibilité de cette disposition avec le droit européen. Elle me paraît en effet parfaitement contradictoire avec la jurisprudence européenne. En outre cette modification signifie surtout que TF1 et M6 pourront sortir librement du plan de service des câblo-opérateurs, et porter ainsi un coup fatal au développement du câble, ce qui entraînera des complications considérables pour les habitants des zones urbaines câblées. En effet, les syndics de propriétaires d'immeubles ayant l'obligation d'assurer le point d'accès au réseau hertzien, ils devront, en cas d'absence des chaînes TF1 et M6 chez un câblo-opérateur, installer soit une antenne-râteau, soit une parabole pour capter les programmes diffusés par satellite. Or, comme par hasard, TPS est le seul opérateur satellite qui diffuse l'ensemble des chaînes hertziennes gratuitement. On institue donc, de fait, le monopole de TPS sur la distribution numérique de TF1 et de M6.

Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, il s'agira donc bien d'un nouveau cadeau exorbitant à TF1. A ce propos, je rappelle la position du CSA, énoncée dans son avis du 28 mai 2003 : « Les éditeurs qui bénéficient d'un droit d'usage de fréquences hertziennes, ressource publique rare... » - n'oublions jamais, en effet, que la fréquence est un bien public - « ...ne devraient pas pouvoir s'opposer à leur reprise par un distributeur, notamment afin de couvrir les zones d'ombre. L'obligation de reprise devrait porter, pour l'ensemble des réseaux, sur toute chaîne hertzienne terrestre en clair normalement reçue dans la majeure partie de la zone desservie, sans que les éditeurs puissent s'y opposer. »

L'opération relative au nombre de canaux sur les multiplex poursuit, elle aussi, un objectif évident. Chacun a compris qu'en portant de cinq à sept le nombre de canaux pouvant être détenus par un opérateur historique, vous donnez une prime formidable à ces mêmes opérateurs historiques, au détriment des nouveaux entrants. En réduisant le pluralisme, donc la concurrence possible, vous consolidez ces opérateurs historiques qui sont si satisfaits du statu quo actuel. Sur ce point, j'espère que l'excellent amendement du rapporteur de la commission des affaires culturelles sera retenu.

Plusieurs questions se posent également au sujet de RFO. L'idée de la rapprocher de France Télévisions n'est pas neuve et ne paraît pas déraisonnable. Je suis même de ceux qui pensent qu'elle serait plutôt positive pour RFO. Néanmoins nous pouvons, là encore, nous interroger sur la méthode que vous avez choisie.

Il aura en effet fallu attendre début janvier pour connaître la nature de ce rapprochement, puisque vous aviez évoqué toutes les hypothèses - intégration, adossement, filialisation - et que tous ces termes pouvaient recouvrir des réalités assez confuses.

Je veux ici relayer les interrogations de certains de nos collègues députés des DOM, comme Victorin Lurel, député de la Guadeloupe, qui écrit : « La voie choisie pour cette réforme d'importance est critiquable. Elle s'opère en effet par simple voie d'amendement, sur un projet long, complexe et technique, sur lequel l'urgence a de plus été déclarée. L'annonce de cette intégration a été décidée par le seul Gouvernement, brutalement, sans préparation ni concertation avec le personnel, qui l'a quasiment appris par la presse. A titre d'exemple, les détails opérationnels de l'intégration ne seront annoncés conjointement par M. Tessier, PDG de France Télévisions, et M. Besse, PDG de RFO, qu'après la première lecture de ce texte. Ce problème de méthode semble devenir l'habitude de ce Gouvernement vis-à-vis de l'outre-mer. » Je ne jugerai pas de ce dernier point.

Cela étant, si le rapprochement de RFO et de France Télévisions, que ce soit par intégration, adossement, ou filialisation, est une disposition qui peut se défendre, qui a une cohérence, pourquoi vouloir l'introduire subrepticement, par amendement, dans un projet de loi qui portait sur autre chose ? A elles seules, ces questions de méthode justifieraient le renvoi en commission.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste pense qu'il est plus sage de renvoyer cet OLNI, objet législatif non identifié, en commission, afin de nous permettre d'accomplir un travail sérieux, de réfléchir à la transposition des directives européennes, et d'amorcer une vraie réflexion de fond sur ce que vous avez appelé, madame la ministre, la révolution numérique.

On observe, entre le projet de loi sur la confiance en l'économie numérique, celui qui nous occupe, et le texte relatif à la transposition des directives sur les droits d'auteur, annoncé, puis reporté, ou peut-être rattaché à d'autres textes, une certaine confusion dans l'approche de cette question, qui me paraît révélatrice. Aujourd'hui - et ce n'est pas propre à la France, car tel est aussi le cas de Bruxelles - la question de cette révolution numérique est approchée uniquement sous l'angle de la protection des intérêts des lobbies et des industries existantes.

C'est vrai pour toute une série de personnes qui s'abritent derrière le droit d'auteur et la rémunération légitime de la création pour proposer des dispositions visant à protéger un modèle et des formats obsolètes et non pas à répondre aux exigences qu'induit ce média nouveau dans notre vie quotidienne.

Sur ce sujet très important, qui va modifier fondamentalement non seulement les échanges mais aussi les modes de vie, les commissions de l'Assemblée auraient donc dû travailler plus longuement et plus sereinement. Au lieu de se borner à écouter les représentants traditionnels des industries et des lobbies, elles auraient pu aussi écouter ce que d'autres avaient à dire sur le thème. On estime aujourd'hui à dix millions le nombre d'utilisateurs quotidiens d'internet. Or ces gens-là ont forcément des choses à dire sur ce nouveau média qui a eu une incidence sur leur vie.

Je regrette donc que, au lieu de disposer d'un texte cohérent, fruit d'une réflexion d'ensemble, nous devions nous contenter de ce patchwork hétéroclite qui ne montre pas clairement la mission que notre société assigne à ce nouveau mode de communication. C'est une occasion manquée.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous propose de renvoyer ce texte en commission en vue d'un examen plus serein. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Comme notre rapporteur, M. Trassy-Paillogues, et les membres de notre commission, je me suis senti interpellé par vos propos, monsieur Mathus.

Aux termes de l'article 91 de notre règlement, le renvoi en commission ne peut concerner en effet que la commission saisie au fond. En l'occurrence, il s'agit de la commission des affaires économiques, à laquelle vous n'appartenez pas. Certes, vous auriez pu, comme vous y autorise le règlement, venir assister à nos travaux, mais vous ne l'avez pas souhaité. Dès lors, je suis fort surpris que quelqu'un qui n'a pas participé à nos séances de travail invite l'Assemblée à renvoyer le texte en commission au motif que ses travaux n'auraient pas été suffisants.

M. François Brottes. Il s'agit d'une demande collective !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Certes, mais il m'aurait semblé plus logique que M. Gouriou, ou vous-même, exprime ce sentiment.

M. François Brottes. Cela va venir !

M. le président. N'ayez crainte, monsieur le président, M. Gouriou et M. Brottes n'hésiteront pas à intervenir ! (Sourires.) Il est inutile de les y inciter !

M. Patrick Ollier, président de la commission. J'aurais accepté plus volontiers vos critiques, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Vous allez les entendre !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Contrairement à vous, monsieur Mathus, je tiens à rendre hommage au travail extrêmement positif accompli par notre rapporteur M. Trassy-Paillogues sur ce projet de loi qui vise essentiellement à transposer le paquet télécoms.

Je tiens également à rendre hommage au Gouvernement qui aurait pu décider de légiférer par ordonnances mais qui a choisi de nous consulter. J'étais présent en conférence des présidents lorsque Jean-Louis Debré a demandé aux présidents de commission et aux présidents de groupe s'ils préféraient que la transposition du paquet télécoms se fasse uniquement par voie d'ordonnances ou dans le cadre d'un débat au Parlement. Les différents groupes de l'Assemblée, dont le vôtre, monsieur Mathus, ont fait savoir par écrit qu'ils souhaitaient un débat au Parlement. Le Gouvernement, que je remercie, les a entendus. Je m'étonne donc que vous nous proposiez de renvoyer en commission un texte qui aurait pu ne pas faire l'objet d'un examen au sein de ladite commission.

Sur le calendrier, compte tenu du fait que l'échéance pour la transposition des directives était fixée en juillet 2003, il est bien évident que l'urgence s'impose. Dans la mesure où le Gouvernement a bien voulu nous soumettre un texte, le Parlement doit, en contrepartie, accepter l'urgence pour sa discussion.

En réalité, monsieur Mathus, vous avez utilisé cette motion de procédure pour exposer votre position sur l'ensemble du texte alors que vous auriez pu le faire au cours de l'examen des articles ou des amendements ; peut-être du reste le ferez-vous à nouveau.

M. Didier Mathus. En effet !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Par ailleurs, je n'ai pas beaucoup apprécié la partie de votre intervention relative à la désignation des membres du CSA. Ne semez donc pas le trouble dans l'esprit de ceux qui vous entendent, monsieur le député ! Si le mode de désignation vous est à ce point insupportable pourquoi n'avez-vous rien fait, en cinq ans, pour le changer !

M. Patrice Martin-Lalande. Ils n'ont rien fait !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Oui, les présidents des assemblées peuvent désigner à leur convenance les personnes qui les représenteront au CSA. C'est un droit souverain que leur confère la loi et qui s'exerce de façon tout à fait démocratique. Je comprends que vous puissiez ne pas être d'accord, mais alors il aurait fallu changer la loi lorsque vous en aviez la possibilité. Vous auriez eu tout le loisir de discuter en commission de nouvelles dispositions.

Au-delà de l'excellent travail accompli par notre rapporteur, je veux insister, pour terminer, sur la coopération qui s'est instaurée entre notre commission et celle des affaires culturelles, familiales et sociales, à laquelle vous appartenez, monsieur Mathus. Le rapporteur pour avis, M. Hamelin, et M. Trassy-Paillogues ont travaillé en toute transparence et ont procédé ensemble à toutes les auditions. En outre, les commissaires de la commission des affaires économiques pouvaient assister aux travaux de votre commission, de même que les membres de cette dernière étaient invités à venir dans la nôtre, ce qu'a fait à plusieurs reprises M. Baguet auquel j'ai même donné la parole, contrairement à ce que prévoit le règlement. (Sourires.)

M. Pierre-Christophe Baguet. Absolument ! Merci !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Au vu de tous ces arguments, je ne vois vraiment pas comment vous pouvez proposer à l'Assemblée de renvoyer ce texte en commission. En tout état de cause, je l'invite à repousser votre motion.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Très bien !

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Alain Gouriou.

M. François Brottes. Pour rétablir la vérité !

M. le président. Laissez invervenir M. Gouriou !

M. Alain Gouriou. Je vais m'efforcer, une fois encore, d'être équilibré dans mon propos puisque Mme la ministre a bien voulu me reconnaître cette qualité. (« Ah ! » sur divers bancs.)

Sur la forme, monsieur Ollier, il ne faut pas prendre ce renvoi en commission comme un crime de lèse-majesté. Que je sache, cette motion est prévue dans le processus législatif et, dans le passé, vous ne vous êtes pas privé de l'utiliser.

M. Patrice Martin-Lalande. Cela permet d'avoir la parole !

M. Alain Gouriou. En ce qui concerne le calendrier, l'urgence est donc demandée sur ce texte, ce qui explique sans doute son caractère un peu inachevé. Mais cette procédure était-elle vraiment justifiée ?

Ainsi que l'a fait observer hier M. Brottes, cette discussion générale concerne en effet trois textes dont un seul a été adopté. Et quand on sait que la deuxième lecture du texte relatif à l'économie numérique n'est même pas encore programmée au Sénat, on peut considérer que l'urgence ne s'imposait pas.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu de reprocher à M. Mathus son absence à telle ou telle réunion de la commission alors que vous-même, monsieur Ollier, n'avez pas assisté à la première séance de travail sur les amendements. C'est M. Proriol qui a présidé cette réunion, très bien, d'ailleurs !

M. Patrick Ollier, président de la commission. M. Proriol est un excellent vice-président ! (Sourires.)

M. Alain Gouriou. Je ne critique pas : je constate simplement. M. Hamelin n'était pas là non plus.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Je le représentais ! (Sourires.)

M. Alain Gouriou. Quoi qu'il en soit, le travail de ces commissions n'est pas en cause. Il a toujours été sérieux, en effet, et je me félicite avec vous, monsieur Ollier, que le Gouvernement n'ait pas procédé par ordonnances alors que cela avait été envisagé.

M. Patrice Martin-Lalande. Voilà un aveu bien difficile !

M. Alain Gouriou. Je souhaite que cela devienne une habitude pour ces textes portant sur la civilisation numérique, comme pour les autres, d'ailleurs.

Je relève cependant - et c'est ce qui me paraît motiver le renvoi en commission - que ce projet de loi fait l'objet de quarante-cinq amendements du Gouvernement. Comment un texte qui a été élaboré dans les cabinets ministériels peut-il nous être soumis dans un tel état d'inachèvement ? D'autant qu'aux quarante-cinq amendements du Gouvernement, il faut ajouter les trente-six amendements de notre excellent rapporteur M. Trassy-Paillogues dont on peut supposer qu'ils ont été rédigés en concertation avec les ministères concernés.

A légiférer de cette manière, ne risque-t-on pas un chevauchement des trois textes...

M. Patrice Martin-Lalande. Avec vous, il n'y avait pas de risque de chevauchement puisque vous ne proposiez rien !

M. Alain Gouriou. ...et donc des interférences qu'il faudra régler un jour ou l'autre ?

Il conviendra également de délimiter plus clairement les attributions des trois autorités de régulation que sont l'ART, le CSA et le Conseil de la concurrence.

Enfin, vous comprendrez, monsieur Ollier, madame la ministre, que nous concevions quelques inquiétudes quant au dispositif anti-concentration des futures radios et télévisions. La radio et la télévision participent en effet, avec les autres médias, à l'expression du pluralisme. Ce principe a été élevé par le Conseil constitutionnel au rang d'objectif constitutionnel. Or il nous semble qu'il y a quelques risques en la matière.

Ainsi, en matière de radio, les choses étaient claires jusqu'à présent : un opérateur national de radio ne pouvait être opérateur local. Le législateur avait su habilement garder pour l'expression locale, culturelle et associative, des créneaux qui ont été largement et positivement occupés. Cette disposition opérait une distinction tout à fait nette entre les différents opérateurs.

S'agissant des télévisions, les choses sont beaucoup moins claires, ce qui pourra poser des problèmes lorsque se développeront des projets de télévisions locales. Dans la mesure en effet où un opérateur national pourra être aussi un opérateur local, les particularités régionales et locales risquent d'être gommées.

Telles sont, mes chers collègues, quelques-unes des raisons qui nous incitent à soutenir la demande de renvoi en commission présentée par Didier Mathus. Bien sûr, le groupe socialiste votera cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Le groupe UDF, naturellement, ne votera pas cette motion de renvoi en commission, car on ne peut à la fois déplorer le retard avec lequel nous allons effectuer la transposition de cette directive européenne et, dans le même temps, vouloir la différer encore. Ce serait, à mon avis, adresser un mauvais signal à nos amis européens.

Toutefois, monsieur le ministre, je veux revenir sur un sujet qui a failli vous faire perdre votre flegme légendaire, que j'apprécie beaucoup : il y a bien eu une certaine précipitation dans l'élaboration de ce texte. En effet, il a été présenté en conseil des ministres au mois de juillet dernier. Le 13 janvier 2004, soit six mois plus tard, l'UDF a choisi de consacrer l'une de ses rares niches parlementaires à la communication audiovisuelle et à la presse écrite. Nous aurions pu profiter de ce débat pour aborder un certain nombre de sujets que nous découvrons aujourd'hui.

Ce texte, je le rappelle, fait l'objet de quarante-cinq amendements du Gouvernement. A ce propos, monsieur le ministre, je précise que la commission des affaires culturelles n'a pu les examiner, faute de les avoir reçus à temps. Ils n'ont été étudiés qu'en commission des affaires économiques.

M. François Brottes. C'est pourquoi il faut retourner en commission !

M. Pierre-Christophe Baguet. Je me félicite d'ailleurs d'avoir participé à la réunion de cette commission, car j'ai ainsi pu prendre connaissance de ces amendements. Sans vouloir polémiquer, reconnaissons qu'il est dommage de travailler dans de telles conditions.

Monsieur le ministre, je dois vous présenter deux remarques.

D'abord, vous avez indiqué que la définition de l'œuvre audiovisuelle n'avait pas sa place dans ce texte. Pour ma part, je considère que, à partir du moment où on parle beaucoup de tuyaux, on peut aussi parler de contenus. Comme l'a souligné Patrick Bloche, on ne peut dissocier les deux. A mon avis, la force législative est supérieure à la force réglementaire et la définition de l'œuvre audiovisuelle est un sujet suffisamment important et sensible pour que nous en débattions ici.

Ma deuxième remarque porte sur la planification de la bande FM. Ce n'est pas l'engagement du Gouvernement que je remets en cause, monsieur le ministre, parce que lorsque vous vous saisissez d'un dossier, cela donne des résultats. J'en veux pour preuve les propositions concrètes émises par le groupe de travail animé par M. Seban, concernant la radio numérique. C'est plutôt le rapport annoncé du CSA, aujourd'hui à nouveau différé pour des histoires d'appel d'offres infructueux, qui m'inquiète. Alors que nous sommes à la veille d'une importante redistribution de fréquences et le CSA n'est pas prêt. Vous n'êtes pas en cause, mais j'espère que le CSA sera prêt afin de ne pas laisser passer cette opportunité fantastique de replanifier la bande FM.

Après ces quelques précisions, je vous indique que l'UDF votera contre cette motion de renvoi en commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Je vous demande d'abord, madame la ministre, monsieur le ministre, de bien vouloir excuser mon absence quand vous avez répondu aux intervenants. Comme ceux de mes collègues qui ont peu de moyens pour travailler, je suis en effet obligé de regrouper mes rendez-vous. J'ai toutefois réussi à écouter votre réponse, madame la ministre, et je vous en remercie.

Vous ne vous étonnerez pas d'apprendre que le groupe des député-e-s communistes et républicains s'associe à cette demande de renvoi en commission. Nous la voterons, pour plusieurs raisons.

La première est l'utilisation de la procédure d'urgence. Sur ce point, je partage tout à fait les propos de mes amis socialistes. Je ne vois pas en quoi ce texte devait nous être présenté en urgence, dans la mesure où une première loi concernant les télécoms a déjà été votée et qu'un projet de loi, en cours de discussion au Sénat, devrait revenir prochainement devant nous sous la forme d'un texte de commission mixte paritaire. Or ces textes contiennent de nombreuses interférences. M. Martin-Lalande nous proposera des amendements afin d'y remédier.

M. Patrice Martin-Lalande. Ce n'est pas tout à fait cela !

M. Frédéric Dutoit. La deuxième raison tient à l'importance de tels sujets, qui sont porteurs de réelles promesses pour l'avenir, mais qui peuvent aussi être catastrophiques. Les textes de loi, dans un tel domaine, doivent être élaborés en cohérence avec une véritable politique de la communication électronique, mais aussi en tenant compte des conséquences que pourront avoir les nouvelles technologies sur les échanges entre les hommes, en France et dans le monde, en ouvrant de nouvelles possibilités de développer la culture et les échanges. Or le rapprochement de ces trois textes fait apparaître certaines incohérences.

La troisième raison est le manque de cohérence à l'intérieur même de ce projet. Il comporte en effet plus d'une centaine d'articles, ce qui, ajouté à la procédure d'urgence, nous oblige à traiter de nombreux sujets, tous très intéressants mais sans aucune cohérence. Je regrette d'ailleurs qu'il s'agisse en fait de deux textes et je trouve pertinent le souhait de M. Mathus que la deuxième partie du projet soit examinée par la commission des affaires culturelles.

A cet égard, monsieur le président de la commission des affaires économiques, votre argument ne me semble pas juste, car la commission des affaires culturelles est chargée d'examiner toutes les questions concernant l'audiovisuel et la culture. Il aurait été préférable de présenter deux textes. Cela aurait contenté tout le monde, mais surtout chacun aurait assumé ses responsabilités.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Revoyez le fonctionnement de l'Assemblée !

M. Frédéric Dutoit. Enfin, je suis favorable à ce renvoi en commission pour une raison beaucoup plus politique que les précédentes : je ne pense pas, et sur ce point je suis en divergence avec mes amis socialistes, qu'il y ait urgence à transcrire les directives européennes, même si nous devons en prendre acte (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), car je ne pense pas que la France soit obligée de transcrire de cette façon, dans l'urgence, les directives européennes.

M. Patrice Martin-Lalande . Ah bon ?

M. Frédéric Dutoit. Au contraire, elle s'honorerait en parlant d'une voix forte au sein de l'Union européenne, ce qui lui donnerait plus de poids au sein de l'Union...

M. Patrice Martin-Lalande. Vraiment ?

M. Frédéric Dutoit. ...Union à laquelle, au demeurant, je suis très favorable.

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Je tiens à rappeler à l'Assemblée que le français est la langue de la République. La Constitution en dispose ainsi, reprenant un usage ininterrompu depuis l'ordonnance de Villers-Cotterêts. En 1994, la loi Toubon a d'ailleurs rappelé les conditions de l'usage de la langue française dans tous les actes de la vie politique, culturelle, administrative et civique et pour toute activité commerciale.

C'est une préoccupation constante de votre assemblée de défendre l'usage du français dans les instances internationales et européennes. Vous nous l'avez rappelé récemment, ici même, lors de la parution du remarquable rapport de votre collègue Michel Herbillon.

La promotion de l'usage du français dans les actes de la vie culturelle et de la vie sociale de notre pays fait partie des attributions du ministère de la culture et de la communication. C'est à ce titre que, hier matin, au ministère, j'ai procédé à l'installation du conseil supérieur de la langue française, que préside désormais M. Yves Berger. Nous avons déjà entendu la commission générale de terminologie, qui a été constituée pour nous proposer les adaptations terminologiques et néologiques que nécessitent les évolutions techniques et commerciales.

Mesdames et messieurs les députés, je vous en supplie, que ces horribles expressions de must carry, must offer et must deliver soient définitivement bannies du vocabulaire du Gouvernement - cela va de soi - et des membres de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Christophe Baguet. Bravo ! Nous sommes d'accord !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication.  La langue française est une langue vivante, une langue riche, qui nous offre toutes les ressources dont nous avons besoin pour traduire et rendre compte de ces concepts. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ne nous laissons pas aller à cette facilité, qui rendrait totalement vaine notre prétention internationale d'imposer la culture française comme une culture vivante, capable de montrer aux autres son dynamisme, sa vitalité, sa force et, surtout, son adaptation au monde d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Charié. Très bien ! C'est le chemin de la lumière !

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour défendre l'amendement n° 178.

M. Patrice Martin-Lalande. Madame la ministre, le 1er janvier 2004, France Télécom a absorbé la société Cofratel, acteur de tout premier plan, spécialisée dans les activités d'installation de télécommunications.

Dans ce nouveau contexte, France Télécom regroupe désormais sous la même enseigne et la même appellation les activités d'opérateur de réseaux, auquel les installateurs-intégrateurs indépendants sont contraints d'adresser des informations en permanence pour le raccordement de leurs clients, et les activités d'installateur, en concurrence avec les installateurs-intégrateurs indépendants.

Ce cumul des activités suscite une vive inquiétude au sein de la profession. En effet la plupart de ces installateurs-intégrateurs indépendants sont des PME. Elles ne doivent pas être fragilisées par un acteur aussi puissant que France Télécom, qui pourrait, par sa position dominante sur l'activité de réseau, exercer une concurrence dans des conditions déséquilibrées face au tissu des installateurs-intégrateurs indépendants.

Dans ce contexte, il est tout à fait souhaitable, madame la ministre, que soient prises en compte les attentes de la profession dans le cadre de ce projet de loi, grâce à l'adoption de cet amendement et d'un autre qui vous sera proposé ultérieurement.

Cet amendement est destiné à inscrire dans le code des postes et télécommunications une définition de l'activité d'installateur-intégrateur de télécommunications.

Quant au second amendement, il vous proposera de donner à l'ART la possibilité de veiller au respect d'une concurrence effective entre cette activité et celle inhérente au métier des opérateurs de réseau.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis défavorable car le métier des installateurs-intégrateurs ne procède pas d'une activité de service de communications électroniques en direction de l'utilisateur final et, à ce titre, il est concerné non par les dispositions du code des postes et des communications électroniques, mais par celles du code du commerce. Je vous propose donc de rejeter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je partage l'avis du rapporteur, et je serais tentée de demander à M. Martin-Lalande de retirer cet amendement. En effet, une définition des installateurs-intégrateurs ne nous semble pas avoir d'utilité, puisque la profession n'est réglementée par aucune disposition du code.

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Je suis d'accord pour retirer l'amendement, mais je me permets, madame la ministre, de souligner l'importance de maintenir une situation équilibrée entre ces petites et moyennes entreprises et l'opérateur très puissant qu'est France Télécom, car ils vont exercer la même activité d'installation. Il ne faudrait pas que l'un écrase les autres.

M. le président. L'amendement n° 178 est retiré.

J'en viens à l'amendement n° 89 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Cet amendement propose simplement de se rapprocher de la définition figurant dans la directive Accès du 7 mars 2002 et de définir l'interconnexion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, sous réserve que, dans son texte, le mot « entreprise » soit partout remplacé par le mot « opérateur ».

M. Jean-Paul Charié. Pourquoi ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. En effet le mot « entreprise » n'a pas le même sens en droit communautaire et en droit national ; son acception est trop étroite pour englober toutes les parties à l'interconnexion. En France les opérateurs ne sont pas nécessairement des entreprises. Ainsi les collectivités locales notamment pourront être opérateurs dans l'avenir ; déjà aujourd'hui certains opérateurs des réseaux wi-fi sont des associations, voire des personnes physiques. Voilà pourquoi je propose cette modification.

M. le président. Monsieur le rapporteur, que pensez-vous de cette modification ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. D'accord !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Il ressort de l'explication de Mme la ministre que le terme « opérateur » est beaucoup plus vague que le mot « entreprise », alors que c'est le contraire d'habitude. Dans ces conditions je suis particulièrement favorable à cette modification.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89, tel qu'il a été modifié.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 90.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Il s'agit d'une définition nouvelle, qui permettra d'élargir l'offre de services proposés aux utilisateurs, et qui est conforme à la directive Vie privée et communications électroniques. Cet amendement préfigure l'amendement n° 101 à l'article 10, qui sera examiné dans la suite de la discussion, et qui porte sur le traitement des données relatives au trafic en matière de commercialisation de services à forte valeur ajoutée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui reprend en effet une définition de la directive citée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 91.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. L'amendement reprend l'article 8 de la directive Cadre, qui prévoit que l'autorité de régulation nationale doit prendre des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs qu'elle poursuit.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui, sans modifier l'équilibre du projet de loi, rappelle des principes importants pour l'action du régulateur. Il a de plus le mérite de reprendre plus précisément l'article 8 de cette directive.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. J'appelle l'amendement n° 177.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le soutenir.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement a pour objectif de permettre à l'ART d'exercer un contrôle sur les relations entre exploitants de réseaux, fournisseurs de services et installateurs-intégrateurs de télécommunications. En effet les barrières entre ces différents métiers tendent à s'estomper, ce qui engendre des risques importants en termes de concurrence entre les petites sociétés indépendantes dont j'ai parlé tout à l'heure et les opérateurs de taille nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. L'amendement n'a pas été examiné par la commission ; j'y suis défavorable à titre personnel pour les raisons déjà évoquées. En effet, cette question du métier d'installateur-intégrateur relève plus du droit de la concurrence et du code de commerce que du code des postes et des communications électroniques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 92 et 237, pouvant être soumis à une discussion commune.

Ces deux amendements sont semblables, à un mot près : la conjonction « et ».

Monsieur Martin-Lalande, vous pourriez donc retirer votre amendement n° 237, au bénéfice de celui de la commission.

M. Patrice Martin-Lalande. Je me rallie à votre proposition ! Cela permettra d'éviter une suspension de séance (Sourires.)

M. le président. Merci, monsieur Martin-Lalande !

L'amendement n° 237 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 92, désormais cosigné par M. Martin-Lalande.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. D'autant que ce « et » est indispensable ! Il s'agit en effet d'ajouter l'ordre public à la liste des objectifs généraux poursuivis par la régulation établie par l'article L.32-1 du code des postes et des communications électroniques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Nous n'avons pas d'objection en effet à ce rajout de l'ordre public à la liste des objectifs fixés par le cadre réglementaire des communications électroniques, sachant que la protection de l'ordre public est organisée par des textes de portée générale, que les opérateurs - je tiens à le rappeler - sont en tout état de cause tenus de respecter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 93.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, pour assurer une meilleure conformité de cet article avec l'article 8 de la directive Cadre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 94.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Il s'agit là encore du même objectif d'ordre public.

M. le président. Même avis favorable du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Oui.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président. Je suis d'abord saisi de l'amendement n° 95.

C'est de la précision, monsieur le rapporteur ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. En effet, monsieur le président.

M. le président. Le Gouvernement est-il favorable ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. J'en viens à l'amendement n° 187.

La parole est à M. Jean-Paul Charié, pour le défendre.

M. Jean-Paul Charié. Cet amendement propose de revenir au texte de l'article 5 de la directive Cadre, qui ne prévoit pas de doter l'autorité de régulation nationale du pouvoir d'enquêter sur place. En effet l'article 4 étend les pouvoirs d'enquête de l'ART, jusqu'à présent limités aux seules infractions pénales, à l'ensemble des infractions aux obligations imposées aux opérateurs. Or le projet de loi ne prévoit pas de procédure d'information préalable de l'autorité judiciaire, qu'imposent pourtant les principes généraux du droit français et qui est prévue par l'article L.40 du code des postes et des télécommunications en matière d'infractions pénales.

En l'absence de garanties suffisantes entourant ce qui s'apparente à un droit de perquisition, il vaut donc mieux revenir au texte de la directive.

Nous en avons longuement discuté en commission, madame la ministre : autant nous sommes attachés à l'existence de l'ART, autant nous jugeons que ses pouvoirs doivent respecter les équilibres, à la fois juridiques et économiques, de notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. La commission a refusé cet amendement.

L'article L.32-4 de l'actuel code des postes et télécommunications met déjà de tels pouvoirs entre les mains de l'ART et du ministre chargé des télécommunications. En outre ils sont reconnus aux autorités de régulation des autres pays européens, aussi bien en Allemagne, qu'au Royaume-Uni, en Irlande, en Finlande, en Suède, au Danemark ou en République tchèque. De plus l'ART nous a bien précisé qu'il s'agissait de mesures administratives, qui ne donneraient pas lieu à des créations de poste, ni à des surcoûts. En contrepartie, enfin, le contrôle exercé sur l'ART, notamment par le Parlement, est renforcé. Il s'agit donc d'un texte équilibré.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement de M. Charié. Certes la décision d'attribuer un pouvoir d'enquêter sur place à une autorité administrative indépendante telle que l'ART doit être soigneusement pesée : la pratique de la régulation ne doit en aucun cas se traduire par une banalisation des contrôles sur place dans les locaux des opérateurs, et il est tout à fait normal que le Parlement soit vigilant quant aux conditions d'exercice de tels pouvoirs. Néanmoins l'amendement de M. Charié nous semble excessif en ce qu'il remet en cause des compétences qui ont été dévolues à l'ART en 1996, et dont la mise en œuvre n'a pas suscité de problèmes particuliers.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Excessif pour excessif, madame la ministre, ce n'est pas mon amendement qui l'est le plus, malgré ce si joli sourire qui est le vôtre ! Notre souci est de parer aux excès éventuels, au regard de la loi et des droits de la défense, non certes de l'ART d'aujourd'hui, mais de l'ART telle qu'elle existera demain.

Je ne porte aucun jugement de valeur sur les membres du collège. J'exprime simplement le souci, légitime chez un législateur qui travaille pour l'avenir, de voter une loi qui ne mette pas en péril la sécurité juridique des opérateurs.

En l'occurrence, il n'est pas excessif de respecter à la lettre l'article 5 de la directive. Si l'on donne à l'autorité de régulation des pouvoirs plus étendus que ceux prévus dans cet article, il n'est pas excessif de prévoir, comme le fait l'Allemagne, monsieur le rapporteur, tout un dispositif et des procédures qui garantiront un minimum d'impartialité et de respect des procédures aux interventions de l'ART.

Il n'est pas excessif non plus, madame la ministre, de vouloir garantir la sécurité juridique des opérateurs au moment où on leur demande de prendre de plus en plus de risques économiques.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 187.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 95.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. Deux orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Je renonce à la parole... temporairement ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le passage d'un régime d'autorisation à un régime de déclaration préalable, signe une étape décisive dans la longue marche - ou peut-être vaut-il mieux parler de croisade idéologique - vers la mise en place d'un marché unifié des télécommunications, uniquement encadré par le droit général de la concurrence.

Dans cet effort patient et constant, les grandes orientations fondatrices de l'Union européenne auront été des alliées de poids. Je vous rappelle, à ce propos, l'article 2 du projet de traité établissant une constitution européenne, selon lequel « l'Union offre à ses citoyennes et à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché unique, où la concurrence est libre et non faussée. » L'emploi du verbe « offrir » ne manque pas de saveur ! D'ailleurs, si l'on en croit la Convention européenne, l'acceptation de cette « offre » et de ses prétendus bienfaits va de soi : comment pourrait-on refuser un si beau cadeau d'une concurrence libre et non faussée.

Pourtant le paysage légué par les premières années du règne de la concurrence dans le domaine des télécommunications est dénué de cohérence, sinon celle d'une situation caractérisée par une dérive résolument inégalitaire. Dépourvu de toute politique d'envergure nationale, voire européenne, en la matière, le Gouvernement choisit, dans la ligne de sa politique de déresponsabilisation de l'Etat, de laisser une plus grande initiative aux collectivités locales : à elles de combler les lacunes de l'initiative privée. Celles-ci se traduisent par l'existence de nombreuses « zones blanches », c'est-à-dire des territoires non raccordés au réseau de téléphonie mobile ou à l'internet à haut débit. Ce constat n'est pas infirmé par les chiffres que vous avanciez tout à l'heure, madame la ministre : il est normal, dans le domaine de l'internet, que les choses aillent à la vitesse « grand V ».

Le Gouvernement serait bien mieux inspiré de prendre conscience qu'il a affaire à de véritables zones de non-droit, au sens où un grand nombre de personnes, physiques ou morales, sont privées du droit à l'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la télécommunication. Laisser aux collectivités locales l'initiative en la matière n'est en définitive rien d'autre que remédier à une logique inégalitaire au moyen d'une autre logique tout aussi inégalitaire, sinon plus : à une inégalité liée au sous-investissement chronique des acteurs privés, ou en passe d'être privatisés - je pense bien sûr à France Télécom - dans les zones faiblement peuplées, se substituera l'inégalité de la capacité financière des collectivités locales à faire face à des investissements particulièrement lourds. Tous les maires présents sur les bancs de cette assemblée savent de quoi je parle.

Certains événements récents donnent un aperçu de ce qui se passera demain dans notre pays : comme on parle de fracture sociale, on parlera de fracture numérique, on en dissertera, pour finalement, comme hier, déserter peut-être.

Fin 2003, par exemple, la communauté d'agglomération de Pau a lancé un des tout premiers projets d'infrastructures en fibre optique, qui permet l'accès à l'internet à très haut débit. Ce qui a été présenté comme un projet de développement économique devrait permettre de connecter 45 000 foyers d'ici au mois d'avril. Le montant des investissements nécessaires est important, puisqu'il est estimé à 35 millions d'euros. Le pari est risqué, comme l'a précisé le vice-président de la communauté d'agglomération. L'intérêt de ce projet local est évident, mais il est source de nombreuses interrogations.

Ainsi, la commune de Tarbes, située à une quarantaine de kilomètres de Pau, pourra-t-elle prendre le risque d'investir dans un projet de ce type ? Ces deux communes, voisines mais dotées de ressources inégales, seront-elles durablement séparées par la fracture numérique ? La question est légitime et nous concerne tous.

Je citerai un autre exemple.

Le village de Montesquiou, dans le Gers, compte 290 habitants. Un point d'accès wi-fi vient d'y être installé. Cette technologie permet des connexions à internet avec un débit d'un méga-octet. A l'origine de cette initiative, on ne trouve ni collectivité locale ni opérateur privé − ce n'est d'ailleurs pas une surprise −, mais un particulier qui s'est initié aux nouvelles technologies il y a quelques années. C'est donc grâce à l'un de ses habitants que cette petite commune est connectée à l'internet haut débit. Cela signifie-t-il que les communes voisines de Mascaras et de Monclar-sur-Losse, qui n'ont pas la chance d'avoir un habitant formé aux nouvelles technologies, devront s'en passer, faute d'une politique globale soucieuse d'assurer à moyen terme, à tous nos compatriotes, l'accès à l'internet haut débit ?

Comme ces exemples le prouvent, les initiatives locales ne suffiront pas à combler l'absence d'une politique d'aménagement du territoire digne de ce nom. Bien entendu, il ne faut pas les condamner, mais elles montrent à quel point notre pays est prisonnier de mécanismes générateurs d'inégalités inadmissibles.

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 211.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le soutenir.

M. Frédéric Dutoit. En juin 2003, la DATAR a rendu publique une étude sur l'état des régions dans la société de l'information. Cette étude établit que 74 % de la population française peut accéder au haut débit, mais qu'elle est répartie sur 21 % du territoire. Seules 9 000 communes − sur un total de 36 000 − sont partiellement ou totalement couvertes par des réseaux d'accès haut débit. Cela signifie que 15 millions de personnes vivent dans des zones non desservies.

La DATAR a découpé notre territoire en trois zones : les zones de véritable concurrence sur le haut débit dans lesquelles figurent les grandes agglomérations, qui représentent 2 % du territoire et 32 % de la population ; les zones d'opportunité qui rassemblent les agglomérations de moindre importance économique et les zones périurbaines, soit 20 % du territoire et 42 % de la population ; les zones de fragilité qui englobent les territoires ruraux, lesquels sont les plus démunies face à l'enjeu du haut débit et regroupent 78 % du territoire et 26 % de la population.

L'observatoire régional des télécommunications formule un constat tout aussi alarmant : seules 37,6 % des PME sont situées dans les zones de véritable concurrence pour le haut débit, et seuls quatre départements métropolitains proposent un environnement optimum de développement des services professionnels dans le secteur du haut débit.

La DATAR recense 163 projets locaux qui visent à combler ces inégalités. Cette profusion prouve que l'initiative privée est terriblement insuffisante. Elle risque surtout de révéler de cruelles inégalités de ressources et de moyens entre collectivités locales. Elle ne se substituera pas efficacement à un désengagement de l'Etat.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de supprimer cet article.

Je tiens à préciser, madame la ministre, que je suis député de la ville de Marseille, qui, bien sûr, est couverte.

M. Jean-Paul Charié. Non, vous êtes député de la République française !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Défavorable car la suppression de cet article reconduirait le régime d'autorisation, alors que le paquet télécoms prévoit précisément la mise en place d'un système de déclaration préalable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Défavorable car la suppression de l'autorisation administrative est au cœur de la directive que nous devons transposer. Les entreprises pourront désormais, sur simple déclaration, proposer leurs services de télécommunication à nos concitoyens.

En outre, cette mesure allégera le travail administratif de l'ART et du ministère de l'industrie chargé de la délivrance des autorisations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 211.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. J'en viens à l'amendement n° 56.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le soutenir.

M. Patrice Martin-Lalande. Jusqu'à présent, les autorisations d'occupation du domaine public étaient accordées à des opérateurs titulaires d'une licence et leur durée était calquée sur celle de cette licence.

M. Deprez, auteur de l'amendement, considère que le régime déclaratif va occasionner une plus grande volatilité des opérateurs. L'évolution des techniques et les aléas économiques risquent de provoquer des abandons de réseaux. La bonne gestion du sous-sol dans la durée est une garantie pour tous les opérateurs, comme pour les autres utilisateurs du domaine public.

M. Deprez propose donc d'ajouter dans le neuvième alinéa du I de l'article 6 les mots « les garanties financières ou techniques nécessaires à la bonne exécution des travaux d'infrastructures ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Favorable.

Demander des garanties techniques et financières aux opérateurs me paraît une très bonne idée.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je suis désolée de devoir vous décevoir, mais le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. Nous n'estimons pas, en effet, qu'il soit nécessaire d'encadrer davantage le droit de passage des opérateurs. Il nous semblerait même contradictoire de permettre aux collectivités territoriales d'être opérateur pour pallier les déficiences éventuelles des opérateurs privés et, en même temps, de rendre plus difficile la construction de réseaux par les opérateurs privés.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Je m'en tiens à la position de la commission. Il est essentiel qu'il y ait une garantie de pérennité des opérateurs et que ceux-ci ne soient pas volatiles. Les garanties financières et techniques paraissent donc souhaitables, car nécessaires à la bonne exécution des travaux d'infrastructures.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Madame la ministre, je n'ai pas très bien compris votre argumentation.

M. Alain Gouriou. Moi non plus !

M. Jean-Paul Charié. Alors que nous voulons développer la concurrence, alors que nous souhaitons que, sur l'ensemble du territoire − y compris là où ce ne serait pas très rentable −, des entreprises prennent des risques, cet amendement me paraît augmenter les garanties financières et techniques, et je ne vois pas en quoi cela encadrerait l'activité des opérateurs.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Madame la ministre, nos débats présentent parfois certaines bizarreries : ainsi, vous vous êtes opposée à la suppression de l'article, et je suis tout à fait favorable à cet amendement. Ce n'est certes pas en m'appuyant sur la même argumentation que mon collègue, mais, comme je le disais tout à l'heure, parce qu'il me semble évident que, pour que les opérateurs puissent investir correctement et pour que les réseaux soient pérennes, nous devons disposer de certaines garanties.

M. Jean-Paul Charié. C'est bien la lecture que je fais de cet amendement !

M. Frédéric Dutoit. Une collectivité locale ne va pas s'engager à la légère − même si cela peut arriver − et il me semble que cette garantie est indispensable pour permettre l'accès de tous à un réseau.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je sais bien que cet amendement a été examiné en commission au titre de l'article 88 et que nous sommes peut-être allés un peu vite, mais nous n'en avons pas moins raisonné, madame la ministre. Je souscris donc à ce qu'ont dit M. le rapporteur, M. Charié et M. Martin-Lalande, et je souhaite que l'Assemblée adopte cet amendement.

M. Jean-Paul Charié. A moins qu'on ne comprenne les arguments de Mme la ministre !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Si quelque chose de fondamental nous échappe, nous pourrons toujours en discuter avant la commission mixte paritaire. En fait il s'agit simplement de demander une garantie supérieure, une sécurité de plus, et je pense que nous en avons besoin.

M. Jean-Paul Charié. Il s'agit de renforcer la sécurité !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je ne vois pas en quoi cela pourrait augmenter les charges des opérateurs. De plus, cette garantie figure dans la directive, avec laquelle nous nous mettrions en conformité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 96 et 238.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 96.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Il s'agit d'enrichir la liste, établie à l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, des règles imposées aux opérateurs, avec la notion d'ordre public.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 96 et 238.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 191 et 97, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Gouriou, pour soutenir l'amendement n° 191.

M. Alain Gouriou. A la fin de la discussion générale, Mme la ministre a fait allusion à un engagement qu'avait pris le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi relatif aux obligations du service public des télécommunications. Cet amendement tend donc à permettre aux services chargés du recueil et du traitement des appels du 112, du 15, du 17 et du 18 − c'est-à-dire les services d'urgence, le SAMU, la police et les pompiers −, agissant dans le cadre de leur mission, de bénéficier gratuitement des données permettant la localisation géographique des appels. Ces services avaient en effet demandé que cette prestation, qui leur épargnerait de grandes difficultés, fût rendue possible.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 97.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Cet amendement a le même objet que celui défendu par M. Gouriou, mais sa rédaction est mieux ajustée à la directive Service universel. Il s'agit en effet de régler le problème de la couverture des frais de géolocalisation des appels d'urgence, « dans la mesure où cette information est disponible », en les mettant à la charge des opérateurs.

Tout cela fait suite aux débats sur les obligations de service public des télécommunications et sur le statut de France Télécom. Il avait été prévu que cette disposition serait intégrée dans le texte de l'ordonnance. Depuis, nous sommes revenus à une procédure parlementaire classique qui permet donc de procéder par voie d'amendement.

M. Gouriou pourrrait accepter de retirer l'amendement n° 191 et se rallier à celui de la commission.

M. Alain Gouriou. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. L'amendement de la commission est en effet plus précis et nous sommes prêts à nous y rallier. Néanmoins les mots « dans la mesure où cette information est disponible » peuvent poser un problème, car un opérateur pourra toujours objecter qu'elle n'est pas disponible. Comment en jugera-t-on ?

Pour dissiper cette ambiguïté et éviter des refus qui seraient motivés par d'autres raisons que la non-disponibilité de l'information, il est important de préciser, comme je l'entends, qu'il ne s'agit que d'une indisponibilité technique. Il ne doit être question que d'acheminement et de localisation. La fourniture de l'information est due. La formulation que vous proposez peut permettre à un opérateur de mauvaise volonté - il n'y en a sûrement pas pour l'instant, mais il pourrait s'en trouver à l'avenir - de s'opposer à la remise de ces informations.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. La formule « dans la mesure où cette information est disponible » concerne la téléphonie mobile, où la fourniture de l'information dépend de futurs progrès technologiques. Pour le téléphone fixe, la fourniture de l'information sera obligatoire.

M. le président. Cela est-il clair, monsieur Brottes ?

M. François Brottes. Il est clair que ça ne le sera pas ! (Sourires.)

M. le président. Retirez-vous l'amendement n° 191 pour vous rallier à celui de la commission ?

M. François Brottes. Oui, nous sommes pleins de bonne volonté !

M. le président. L'amendement n° 191 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 97 ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Avis tout à fait favorable. Je comptais d'ailleurs demander le retrait de l'amendement n° 191 au profit de celui de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. J'appelle l'amendement n° 57.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le soutenir.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement de M. Deprez tend à ajouter dans la liste des règles à respecter pour l'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et pour la fourniture au public de services de communications électroniques, la transmission des données nécessaires à la constitution d'une base de données géographiques homogène au niveau national, assurant la localisation et la description des infrastructures de télécommunications qui parcourent le territoire ainsi que la couverture spatiale des réseaux associés.

Notre collègue estime en effet que, afin de minimiser les investissements en infrastructures publiques et privés et d'améliorer la connaissance du territoire, il est important de connaître les réseaux existants. Cette demande, exprimée par les collectivités, a été actée au CIADT de septembre 2003.

La transparence est nécessaire, s'agissant d'investissements coûteux mais qu'il convient de réaliser.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Le CIADT a effectivement envisagé l'étude de cette demande des collectivités, mais, pour l'instant, fournir une information trop large sur la localisation des réseaux pourrait porter atteinte aux intérêts économiques des opérateurs et comporter des risques en matière de sécurité publique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à un amendement n° 300 qui est de coordination, monsieur le rapporteur ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. En effet, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 300.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Article 7

M. le président. Monsieur Martin-Lalande, vous êtes inscrit sur cet article. Voulez-vous toujours intervenir ?

M. Patrice Martin-Lalande. J'y renonce, monsieur le président.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 98 et 239, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 98.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. Il s'agit, par coordination, de mentionner la nécessité du respect de l'ordre public.

M. le président. Puisqu'il s'agit, monsieur Martin-Lalande, avec votre amendement n° 239, de répondre au même souci de coordination, acceptez-vous de le retirer et de vous associer à celui de la commission ?

M. Patrice Martin-Lalande. Bien sûr, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 239 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 98 ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. J'appelle maintenant l'amendement n° 231.

La parole est à M. Jean-Paul Charié, pour le soutenir.

M. Jean-Paul Charié. Avec cet amendement, François-Michel Gonnot aborde le problème des brouilleurs dans les salles de spectacles. Sa proposition, qui tend à supprimer la liberté de les installer, repose sur trois arguments : d'abord, l'utilisation de brouilleurs dans les salles de spectacles empêche de recevoir les appels d'urgence ; ensuite, les services d'urgence eux-mêmes ne peuvent alors utiliser cet outil moderne de communication qu'est le téléphone mobile ; enfin, la Commission européenne demande que l'on cesse d'utiliser ces brouilleurs dans les salles de spectacles, hormis évidemment pour des motifs d'ordre public.

Madame la ministre, les gens ont la possibilité de couper la sonnerie de leur téléphone portable et de n'activer que le vibreur. Dans ces conditions, recourir à des brouilleurs me semble, comme à François-Michel Gonnot, porter atteinte à une certaine liberté des consommateurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur. L'avis de la commission est favorable.

J'indique d'abord, reprenant un argument de Jean-Paul Charié, que l'utilisation des brouilleurs n'est pas conforme au droit européen.

De plus, les technologies évoluent. Le SMS, le vibreur, les diodes et alarmes luminescentes, permettent très bien, si l'on a un tant soit peu l'esprit civique, de conserver son téléphone portable allumé, dans une salle de cinéma, par exemple, sans qu'il gêne personne.

En outre, les effets des brouilleurs ne s'arrêtent pas au droit des murs d'une salle de spectacles. Ils ont même une forte tendance à perturber le son cinq, dix ou vingt mètres plus loin. Et lorsque l'on a plusieurs établissements « en pied de marmite » qui disposent de brouilleurs, on finit par créer une zone élargie de non-réception.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. La loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, a posé le principe du libre établissement des brouilleurs de téléphone portable dans les salles de spectacles. C'est une mesure qui présente un intérêt certain pour la tranquillité des spectateurs. Chacun reconnaîtra que les téléphones mobiles n'ont pas vocation à être utilisés dans les salles de spectacle.

La mise en œuvre de cette disposition se heurte cependant à des difficultés importantes.

A ce stade, la décision de l'ART fixant les conditions d'utilisation des brouilleurs n'a pu être homologuée. La principale difficulté tient donc à ce que la compatibilité de l'autorisation des brouilleurs avec le droit communautaire n'est pas assurée.

La décision de l'ART, restée ainsi à l'état de projet, a été notifiée à la Commission européenne dans le cadre de la procédure de transparence sur les règles techniques mises en œuvre par la directive 98-34, mais cette dernière, comme de nombreux Etats membres, conteste le principe même de l'autorisation des brouilleurs dans les salles de spectacles. Ils ont même tous pour principale préoccupation de limiter la prolifération des brouilleurs.

La seconde difficulté a trait au confinement des émissions des brouilleurs. Ceux-ci ne doivent en aucun cas perturber l'utilisation des téléphones portables en dehors des salles de spectacles. Cependant le confinement semble très difficile à réaliser et, surtout, il reste coûteux.

La troisième difficulté tient au fait qu'aucune solution satisfaisante n'a été trouvée à ce jour pour les appels d'urgence.

Le Gouvernement ne peut toutefois être favorable à l'adoption de cet amendement qui n'offre pas de solution aux problèmes que rencontrent les salles de spectacles.

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard.

M. Dominique Richard. Un commissaire de la commission des affaires culturelles est peut-être plus sensible que d'autres à la possibilité de ne pas se priver de moyen juridique pour parvenir à la pacification des salles de spectacles à laquelle les professionnels sont particulièrement attachés.

Une réflexion est en cours pour aboutir à des solutions technologiques qui permettent un tri des appels, notamment en faveur des appels d'urgence. N'arrêtons pas ce travail de réflexion. Aussi vaudrait-il mieux retirer cet amendement qui va à l'encontre des intérêts du monde du spectacle.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Je partage tout à fait l'opinion de notre collègue, comme quoi l'on peut se retrouver sur des points précis.

Les technologies actuelles ne permettent peut-être pas de disposer de brouilleurs dont les émissions sont bien confinées dans les lieux dans lequels il faut, sinon interdire, du moins limiter l'utilisation des téléphones portables. Mais il est insupportable, quand on va au spectacle, d'entendre régulièrement des téléphones sonner.

Je comprends bien l'argument relatif aux appels d'urgence. Cependant l'argumentation du rapporteur peut être inversée. S'il doit y avoir des appels d'urgence, le civisme peut aussi bien passer par l'utilisation des téléphones fixes des salles de spectacles. On peut en tout cas trouver une solution de cette sorte.

Mesurons bien que nous nous attaquerions ainsi non seulement à ceux qui produisent les spectacles mais également à tous ceux qui se rendent au spectacle pour se détendre. Nous nous heurterions à une énorme levée de boucliers.

Je propose donc de suivre les recommandations de Mme la ministre dans l'attente de solutions techniques qui permettent de régler le problème.

M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane.

Mme Juliana Rimane. Je fais mienne l'opinion de mes deux collègues.

Le projet de loi conforte la possibilité d'installer des brouilleurs de téléphones portables dans les salles de spectacles. La commission semble considérer que la mise en œuvre en serait délicate. Toutefois supprimer cette possibilité reviendrait à abdiquer devant la nécessité de réduire les nuisances sonores.

Il me semble préférable que, à défaut de proposer une solution alternative, nous nous en tenions à la rédaction proposée par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je suis du même avis que mes trois collègues.

Vous préconisez, monsieur Charié, le respect de la liberté des propriétaires de portable. Toutefois leur liberté s'arrête là où commence celle des autres et en matière de respect, il convient de penser aussi à celui dû aux artistes, aux créateurs, à ses voisins, à tous les spectateurs qui ont payé leur place dans les salles de spectacles et au cinéma.

Aussi, miser sur le civisme de nos concitoyens ...

M. Patrice Martin-Lalande. Pari risqué !

M. Pierre-Christophe Baguet. ... est louable mais malheureusement peu réaliste.

Le cinéma, par exemple, a encore connu une année difficile. On ne peut pas en même temps prôner l'exception culturelle française et lui porter un coup qui lui serait très préjudiciable. Le monde culturel ne nous comprendrait pas si nous votions un tel amendement.

J'approuve donc la position de Mme la ministre et je vous demande, mon cher collègue, de retirer votre amendement dans l'attente de technologies plus performantes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Je répondrai en développant deux séries d'arguments.

La première sera pour revenir sur les propos que vous venez de tenir, mes chers collègues.

Comme vous, je vais au théâtre ou au cinéma. Je sais donc que, dans les salles où il n'y a pas de brouilleurs, il y a mille façons de demander aux spectateurs d'éteindre leur téléphone portable ou d'activer le vibreur. Aujourd'hui, il est d'ailleurs très rare d'y être gêné par un appel. On peut même dire à cet égard qu'un vrai civisme est né.

Comme vous aussi, chers collègues, je défends les artistes et le rayonnement culturel de la France. Mais la preuve est faite quotidiennement que cela n'est pas incompatible avec l'utilisation du téléphone portable. Si l'on demande aux gens de ne pas utiliser le leur, un certain civisme les poussent à l'accepter.

Ma seconde série d'arguments sera pour vous répondre, madame la ministre.

Toute votre argumentation, on pourra le vérifier à la lecture du Journal officiel, plaide en fait en faveur de cet amendement.

Vous dites d'abord qu'une loi précédente pose un principe différent, celui du libre établissement des brouilleurs dans les salles de spectacles. Or nous sommes législateurs. Nous pouvons donc changer la loi.

Vous arguez ensuite du fait qu'au niveau européen, la compatibilité de l'autorisation des brouilleurs avec le droit communautaire n'est pas assurée. Mais c'est justement parce qu'il n'y a pas de compatibilité que nous voulons supprimer les brouilleurs d'autant que, au niveau européen, selon vos propres mots, de nombreux pays contestent leur utilisation.

Enfin, vous parlez des grandes difficultés rencontrées pour confiner les émissions des brouilleurs. Cet argument est particulièrement pertinent : il faut donc supprimer les brouilleurs !

Je vous remercie, madame, d'avoir aussi bien défendu l'amendement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Paul Charié. Le brouilleur a brouillé les clivages ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié par l'amendement n° 98.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

FORMATION PROFESSIONNELLE ET DIALOGUE SOCIAL

Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

      "Paris, le 11 février 2004

      "Monsieur le président,

      "Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

      "Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

      "J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

      "Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération."

      Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1055, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle :

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (n° 1413) ;

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis n° 1412).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      jean pinchot