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Première séance du mercredi 25 février 2004

165e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

M. le président. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par M. Herman De Croo, président de la Chambre des représentants du Royaume de Belgique. (Mmes et MM. les députés et Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe des député-e-es communistes et républicains.

LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le Premier ministre, la pauvreté touche six millions de personnes en France, et, parmi elles, deux millions d'enfants, selon le seuil défini à l'échelon européen, sont victimes de ce fléau.

Etre pauvre aujourd'hui pour un enfant signifie être privé des ressources matérielles, culturelles, sanitaires et sociales suffisantes pour pouvoir vivre et grandir décemment. Ces enfants meurtris par la misère voient leur avenir obscurci par l'échec scolaire, l'exclusion et la discrimination - je vois M. le secrétaire d'Etat sourire : il n'y a vraiment pas de quoi. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ils sont ainsi, comme leurs parents, privés des droits sociaux fondamentaux.

Vos mesures de régression sociale aggravent cette situation. Elles concernent tous les domaines : la santé, les impôts, l'éducation, la protection sociale, l'emploi, les retraites, la vie associative et culturelle, le logement.

Le récent rapport du CERC, que vous n'oserez certainement pas contester, fondé sur des données statistiques allant jusqu'en 2003, est clair : seul un programme national de lutte contre la pauvreté, ambitieux par son ampleur comme par sa durée, permettra de freiner la reproduction infernale de la misère d'une génération à l'autre.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Qu'avez-vous fait ?

M. Maxime Gremetz. Il faut améliorer les conditions d'emploi, revaloriser les minima sociaux, et en particulier instaurer une allocation familiale dès le premier enfant. Les modes d'accueil collectifs et publics des tout-petits doivent aussi être favorisés de manière bien plus conséquente que vos quelques effets d'annonce le laissent supposer.

Nous sommes réellement heureux qu'un rapport officiel propose un plan d'action contre la pauvreté, car nous le préconisions depuis de nombreuses années. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin entendre ces deux millions d'enfants que leurs parents veulent voir vivre décemment et dignement ? Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour qu'il en soit ainsi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. (Huées sur les bancs du groupe socialiste. - Acclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Un million d'enfants pauvres en 1999 et en 2000, ...

M. Maxime Gremetz. Deux millions !

Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. ...deux millions selon les évaluations de l'Union européenne : ...

M. Maxime Gremetz. Ce sont elles qui comptent !

Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. ...monsieur Gremetz, nous entendons ce cri ! D'autant que, ce rapport ayant été élaboré par Jacques Delors, on ne peut mettre en doute les chiffres qu'il contient.

Il s'agit tout de même d'un sacré constat, porteur de sacrées interrogations sur l'évolution de notre société et sur l'adaptation en temps réel de nos politiques publiques.

Des enfants qui vivent avec des mamans seules - le nombre des familles monoparentales a augmenté -, des mamans aux métiers peu qualifiés et aux salaires peu élevés !

M. Albert Facon. Baratin, comme hier !

Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Des enfants qui, pour beaucoup, vivent dans des familles issues de l'immigration, marquées par le terrible échec de la politique d'intégration !

Nous sommes face à une question de société qui nécessite une attitude responsable pour sortir des millions de nos concitoyens de la spirale infernale de la précarité et de l'exclusion.

Il faut bien le reconnaître, monsieur le député, la loi de lutte contre les exclusions que vous avez fait voter en 1998, qui est une bonne loi, n'est pas effective pour des millions de personnes qu'elle devrait concerner. (M. Jean Le Garrec proteste.)

C'est pourquoi je suis en train de préparer une conférence nationale de lutte contre l'exclusion (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui se tiendra en juin. Présidée par le Premier ministre, elle réunira l'ensemble des membres du Conseil national de lutte contre l'exclusion, les associations, les représentants des collectivités territoriales et tous les partenaires sociaux, c'est-à-dire les syndicats représentant les salariés et les entreprises. Ils seront amenés à faire des propositions concrètes dans tous les domaines que vous avez évoqués et qui sont restés en panne au cours des dernières années.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Nul !

Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. En attendant, le Gouvernement a pris des mesures pour aider les mamans à concilier vie professionnelle et vie privée...

M. Jacques Desallangre. Changez de politique économique !

Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. ...grâce à la prestation d'accueil du jeune enfant - la PAJE - qui profite à plus de 200 000 familles supplémentaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. Maxime Gremetz. Ah non, arrêtez avec ça !

Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. ...et pour permettre aux mamans seules élevant un enfant de cumuler la prestation de parent isolé et la PAJE, contrairement à ce qu'affirmait hier M. Gérard Bapt.

M. Albert Facon. Mais vous ne l'aviez pas prévu dans un premier temps !

Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. En outre, le Gouvernement, avec M. Christian Jacob, lancera un plan national en faveur des crèches, car vous savez combien ces structures manquent.

Mme Ségolène Royal. C'est affligeant !

Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Il aidera les familles surendettées, car le surendettement joue un rôle majeur dans la situation de toutes ces mamans, pour qu'elles s'en sortent grâce à la procédure de rétablissement personnel mise en place par Jean-Louis Borloo, dont les décrets ont été publiés ce matin.

J'estime que la situation d'un million d'enfants mérite une attitude autrement plus responsable qu'une exploitation politicienne, même en période d'élections. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine David. Qu'elle est mauvaise !

UNITÉS HOSPITALIÈRES SÉCURISÉES

M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Léonard. Monsieur le garde des sceaux, nos prisons ont besoin de modernisation, d'humanisation et d'une politique volontariste, tant sur le plan immobilier, en termes de places et de rénovation, que sur celui des conditions de vie des détenus.

Aussi, depuis votre arrivée au Gouvernement, vous êtes-vous attaqué à ce dossier en lançant un vaste programme de construction de nouvelles prisons, ...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Avec Bédier, bravo !

M. Gérard Léonard. ...en renforçant la sécurité des établissements et en prenant des mesures en faveur des détenus comme l'installation d'unités de vie familiale ou le signalement des personnes susceptibles de bénéficier d'une suspension de peine pour raisons médicales.

Dans ce cadre, vous avez inauguré la semaine dernière à Nancy, plus précisément à Vandœuvre-lès-Nancy dans ma circonscription, une unité hospitalière sécurisée interrégionale destinée à améliorer l'accès aux soins des personnes détenues.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelle est la signification de cette nouvelle structure pour votre politique pénitentiaire et nous indiquer si cette expérience sera étendue à d'autres régions ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, l'unité hospitalière que nous avons inaugurée ensemble la semaine dernière est la première d'une série de huit unités interrégionales qui ont pour but de donner aux détenus malades dont l'état nécessite une hospitalisation supérieure à quarante-huit heures la possibilité d'accéder aux plateaux techniques des centres hospitaliers.

Le premier objectif est donc d'améliorer les soins, le second, la sécurité. En effet, ces unités hospitalières, comme vous l'avez constaté, sont équipées, en vue de leur utilisation par les détenus, de systèmes de sécurité alliés à une très bonne collaboration entre la police et l'administration pénitentiaire. Nous éviterons de cette manière les risques inhérents à l'hospitalisation de détenus parfois dangereux.

D'ici à 2007, huit unités hospitalières seront ainsi mises en place sur l'ensemble de notre territoire : au cours de l'année 2004, une unité sera inaugurée à Lille, l'année prochaine, deux autres, à Lyon et à Toulouse.

Je souhaite également que des avancées soient faites pour les détenus en matière de soins psychiatriques. Nous sommes en effet confrontés à l'arrivée en milieu carcéral de plus en plus de personnes souffrant de troubles profonds de la personnalité. En liaison avec Jean-François Mattei, nous travaillons actuellement à la mise en place d'unités psychiatriques comparables à celles que je viens d'évoquer dans le domaine médical classique afin que nous puissions faire face à l'augmentation des pathologies psychiatriques graves en milieu carcéral, qui ne sont pas susceptibles d'être traitées dans les établissements pénitentiaires. Elles doivent être prises en charge à la fois sur le plan médical et sur le plan de la sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE CULTURELLE

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste.

M. Patrick Bloche. Monsieur le Premier ministre, il aura donc fallu moins de deux ans à votre gouvernement pour dresser contre lui les enseignants, les chercheurs, les psychanalystes, les magistrats (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), les avocats, les intermittents du spectacle (Mêmes mouvements), les étudiants, les archéologues et tant d'autres forces vives de notre pays.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. Patrick Bloche. Comment s'en étonner alors que l'éducation n'est plus une priorité,...

M. Lucien Degauchy. Et sous les socialistes ?

M. le Président. Monsieur Degauchy !

M. Patrick Bloche. ...que la recherche est sacrifiée, que les libertés publiques régressent, que la culture est attaquée ?

C'est une politique très cohérente que vous avez mise en place, guidée par le libéralisme économique, et qui conduit au désengagement programmé de l'Etat, au démantèlement des protections sociales et par là même à la précarisation de notre société.

Votre ministre de la culture, qui continue à fuir ses responsabilités - nous venons tristement de le constater (« Faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) -, a parfaitement résumé la philosophie de votre gouvernement en avouant que « pour faire, il faut d'abord défaire » ! (« Incroyable ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. Il ne sait que défaire !

M. Patrick Bloche. Monsieur le Premier ministre, vous êtes bien le chef du gouvernement de la défaisance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ce que nos concitoyens - car ils en sont les victimes - constatent un peu plus chaque jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Face aux oppositions qui convergent, face aux résistances qui s'organisent, face aux demandes de négociations comme celles que viennent de formuler ici même ce matin les intermittents en présentant leurs propositions de réforme, le silence et le mépris sont devenus la règle ministérielle, quand ce n'est pas l'insulte (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), comme l'a maniée, pas plus tard qu'hier, le ministre aux prétendues libertés locales à l'égard de ceux qui « chez nous ont l'habitude de signer des pétitions alors qu'aux Etats-Unis ils ont des prix Nobel ».

Plusieurs députés du groupe socialiste. Scandaleux !

M. Patrick Bloche. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous cesser, avec votre gouvernement, d'attaquer les forces du savoir, de la recherche et de la création ? Quand allez-vous cesser d'opposer des Français à d'autres Français ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication. (Huées sur les bancs du groupe socialiste.- Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député de Paris, vous êtes un homme intelligent (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et vous n'allez pas nous refaire le coup de la « guerre à l'intelligence » ou, comme en 1981, celui de « la lumière qui succède aux ténèbres » ? On sait la cruelle fortune de cette malheureuse formule.

Mme Martine David. Faites simple !

M. le ministre de la culture et de la communication. L'intelligence ne vous appartient pas. L'intelligence appartient à tous ceux qui travaillent pour la création, la recherche, l'éducation ou la médiation culturelle.

M. Christian Paul. Et à qui le César de la bêtise et de l'ignorance ?

M. le ministre de la culture et de la communication. On ne peut pas imaginer, monsieur le député, un système manichéen, où il y aurait l'intelligence, d'un côté, et l'ignorance, de l'autre, les enfants de la lumière, d'un côté, et ceux des ténèbres, de l'autre. C'est caricatural ! Personne n'y croira.

Vous parlez de désengagement de l'Etat. Mais, en matière de culture, où voyez-vous un tel désengagement ?

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Partout !

M. le ministre de la culture et de la communication. Est-il budgétaire ? Non ! Le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, en 2003 et 2004, a maintenu et développé les moyens d'intervention du ministère de la culture.

M. Christian Bataille. C'est faux !

M. le ministre de la culture et de la communication. Quant au démantèlement du système des protections sociales, où le voyez-vous ?

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Partout !

M. Christian Paul. Tous les jours !


M. le ministre de la culture et de la communication
. Vous le savez très bien, c'est à cause de votre incurie, de votre inattention et de votre inadvertance que le système d'assurance chômage des intermittents du spectacle n'a pas été traité de façon convenable lorsque vous étiez au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française  - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Vous n'avez pas grand-chose à dire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous avez besoin de lunettes !

M. le ministre de la culture et de la communication. En tout cas, monsieur le député, nous assumons nos responsabilités et je suis persuadé que l'avenir nous donnera raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

TRAITÉS ET ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Philippe Folliot. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, beaucoup de nos concitoyens sont légitimement inquiets. Comme eux, nous sommes nombreux ici à être conscients des graves enjeux en matière de préservation de notre si précieux patrimoine naturel. Le groupe UDF et apparentés considère que c'est une priorité majeure pour l'avenir.

Je ne reviendrai pas sur le dossier des abeilles et des risques que font subir à la biodiversité des multinationales souvent plus soucieuses de leurs dividendes que de santé publique.

A notre avis, il y a plus grave encore au niveau des Etats.

Par deux fois, en peu de temps, de manière unilatérale là aussi, l'administration américaine de M. Bush, dont le pays est le plus grand pollueur de la planète, est revenue sur des engagements internationaux. Ainsi, elle a récusé, à Nairobi, les accords signés en 1987 à Montréal pour la protection de la couche d'ozone en remettant en question l'interdiction, à compter de 2005, du bromure de méthyle, puissant insecticide qui attaque la couche d'ozone cinquante fois plus rapidement que les tristement célèbres gaz CFC désormais bannis. Elle a censuré, par ailleurs, ses propres rapports scientifiques relatifs au protocole de Kyoto sur les terribles conséquences du réchauffement de la terre.

La défense de l'environnement doit être, comme celle des droits de l'homme, universelle. Comme elle a su le faire lors du conflit irakien, la France a un rôle et une responsabilité spécifiques à jouer dans ces domaines.

Madame la ministre, quels moyens unilatéraux ou multilatéraux notre pays compte-t-il employer pour faire respecter ces traités et engagements si importants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, la France ne peut que regretter les réticences, voire l'opposition, manifestées par les Etats-Unis sur nombre de questions environnementales. Vous avez très justement pointé le refus de ce pays de signer le protocole de Kyoto relatif au climat, celui de Carthagène relatif à la biosécurité et au commerce des OGM, enfin celui concernant la biodiversité. Les Etats-Unis reviennent même sur des accords déjà signés, comme le protocole de Montréal sur la couche d'ozone. Nous condamnons une telle attitude.

Néanmoins, je constate avec intérêt que les questions environnementales se sont invitées dans la campagne présidentielle américaine. Le rapport du Pentagone confirme les conclusions du groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat et plusieurs candidats à la présidence américaine ont fait part de leur intention de signer le protocole de Kyoto.

La France, pour sa part, intervient sur tous les fronts (Imitations de bourdonnements d'abeilles sur les bancs du groupe socialiste), en matière de politique intérieure, de politique européenne et de politique internationale.

Au niveau national, en étant exemplaire, avec le plan Climat, avec une stratégie nationale de biodiversité et, bien entendu, la charte de l'environnement que nous examinerons dans quelques semaines.

Au niveau européen, en étant extrêmement dynamique, par exemple avec l'appel à la signature du protocole de Kyoto que j'ai lancé avec mon collègue Jürgen Trittin lors du dernier Conseil franco-allemand de l'environnement ou avec l'établissement d'un plan européen d'allocation de quotas de gaz à effet de serre.

Au niveau international enfin. J'assistais, la semaine dernière, à la conférence sur la biodiversité de Kuala Lumpur. Nous avons obtenu des gains substantiels sur les aires protégées et sur le partage des bénéfices liés à la biodiversité. Bien entendu, à la suite du Président de la République, nous militons pour que le programme national des Nations unies pour l'environnement devienne une organisation internationale spécifique.

Vous le voyez, monsieur le député, la France agit sur tous les fronts. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

TVA À TAUX RÉDUIT DANS LA RESTAURATION

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou, pour le groupe de l'UMP.

M. Robert Lecou. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, l'annonce faite par le Premier ministre, le 10 février dernier, d'un plan tendant à compenser l'absence d'accord européen en vue de la réduction de la TVA réaffirmait une forte et vraie volonté politique.

Le 19 février dernier, l'accord donné par l'Allemagne a permis de franchir une étape supplémentaire essentielle. La mise en place de cette mesure est nécessaire.

M. François Hollande. Oh !

M. Robert Lecou. Oui, elle est nécessaire car c'est une mesure juste qui rétablira une situation qui met aujourd'hui les restaurateurs traditionnels en situation difficile face à la restauration rapide, laquelle bénéficie déjà du taux réduit.

M. Jean Glavany. C'est une décision de M. Balladur !

M. Robert Lecou. Cette mesure est socialement utile car elle permettra d'améliorer le régime salarial des employés de la restauration.

Enfin, c'est une mesure économiquement efficace, car elle favorisera la création d'emplois ainsi que la dynamique dans un secteur essentiel pour la France. En tant que député d'une région touristique, le Languedoc-Roussillon, je puis attester de ses impacts positifs et de l'attente légitime des restaurateurs.

Cela dit, l'unanimité est requise au sein du Conseil des ministres de l'Union européenne pour que cette décision devienne définitive. Monsieur le ministre, comment comptez-vous faire pour que cette mesure soit mise en œuvre le plus rapidement possible, et notamment avant le 1er janvier 2006 ? Où en êtes-vous sur ce dossier qui concerne un secteur important de l'économie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) 

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Lecou, il est clair que cette mesure est importante sur le plan économique, pour un secteur qui mérite autant d'attention que les autres secteurs économiques français.

Vous l'avez dit, le tourisme et, plus généralement, l'hôtellerie-restauration n'ont pas, dans notre pays, la dimension qu'ils pourraient avoir si nous nous en occupions sérieusement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. Vous n'y croyez pas vous-même !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Parmi les mesures permettant de développer ce secteur, il est clair que celles qui consistent à baisser le prix payé par le consommateur et à augmenter les capacités de rémunération du personnel concerné vont dans le bon sens. Je vous rappelle que la profession s'est engagée, en totale transparence, à créer 40 000 emplois dans ce secteur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ...

M. Augustin Bonrepaux. Vous y croyez, vous ?

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...après, d'une part, la réduction des charges sociales qui a été évoquée par le Premier ministre et qui interviendra à partir du 1er juillet de cette année, et, d'autre part, la réduction de la TVA à laquelle vous faites allusion.

J'insiste sur le fait que, dans une relation franco-allemande qui se renforce sous tous ses aspects, la démonstration faite par la décision du Chancelier allemand de changer de point de vue sur ce sujet est à mettre au crédit de notre coopération ...

M. François Hollande. Cela ne lui coûte rien !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...car c'est à travers ce genre de solidarité dans les décisions que nous pouvons approfondir notre collaboration, non seulement dans l'intérêt de notre pays, mais plus généralement de l'Europe.

Il va se soi que le changement de position de notre collègue allemand va nous permettre, après beaucoup d'efforts, qui seront poursuivis, d'améliorer considérablement, je crois, les chances et la vitesse à laquelle cette mesure sera transcrite dans les faits.

M. Maxime Gremetz. Qui vivra verra !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Certes, une telle mesure doit être prise à l'unanimité. Mais, avec le soutien du commissaire Bolkestein, qui a découvert l'inanité de la situation à laquelle nous sommes confrontés actuellement, nous avons toutes les chances de parvenir à une réduction de la TVA en 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas sûr !

FILIÈRE LAITIÈRE

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour le groupe de l'UMP.

M. Jacques Le Nay. Monsieur le président, ma question, à laquelle s'associent mes collègues des régions d'élevage, s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Monsieur le ministre, notre agriculture subit depuis plusieurs années des crises successives qui affectent plusieurs de ses filières. C'est dans ce contexte difficile que le secteur laitier se prépare à entrer au cœur de la réforme de la politique agricole commune.

Les accords du 26 juin 2003 ont défini les principales mesures concernant le secteur laitier et prévu un calendrier dans lequel les premières applications entreront en vigueur en juillet 2004. Or certains transformateurs ont anticipé sur ce calendrier et dénoncé, dès le 31 décembre 2003, l'accord interprofessionnel sur les prix. Par des baisses abusives du prix du lait, ils ont pris le risque de mettre à mal l'outil de production et l'économie financière des exploitations laitières de notre pays.

M. Jacques Desallangre. Voilà les effets de l'économie libérale !

M. Jacques Le Nay. Face à cette situation, les producteurs de lait ont réagi avec vigueur. Certains d'entre eux se laissent envahir par le doute et le découragement. Ce qu'ils veulent, c'est avant tout exercer dignement leur métier et en vivre.

Des négociations sont engagées au sein de l'interprofession, mais il reste aujourd'hui beaucoup de chemin à parcourir pour que de nouveaux accords soient acceptables par l'ensemble de la filière.

Nous savons que la marge de manœuvre du Gouvernement est étroite, car il faut éviter tout risque de contentieux avec Bruxelles. Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre dans l'immédiat pour faire en sorte que les négociations interprofessionnelles se concluent par des accords acceptables par tous ? Dans la perspective de l'entrée en vigueur prochaine de la nouvelle PAC, quelles dispositions comptez-vous prendre pour que nos éleveurs obtiennent une meilleure lisibilité de son application, notamment en matière de quotas, dont le principe d'augmentation semble aujourd'hui contesté par la profession ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, vous avez tout à fait raison d'insister sur l'importance de la filière laitière dans tous nos départements de France.

Aujourd'hui, nous devons relever un triple défi. Le premier a trait au prix du lait. Comme vous l'avez indiqué, la baisse du prix d'intervention sur le lait, qui a été décidée à Berlin en 1999, entrera en application à partir du premier juillet 2004.

Parallèlement, l'accord interprofessionnel sur le prix du lait, en vigueur depuis 1997, est en cours de renégociation. La situation est tendue entre les producteurs et les transformateurs. C'est pourquoi j'ai nommé un médiateur afin que nous parvenions très rapidement à une « clause de paix » pendant le premier semestre de l'année 2004 pour aboutir à un nouvel accord interprofessionnel garantissant aux producteurs un prix rémunérateur.

Le deuxième défi concerne l'avenir de la filière. J'ai réuni une table ronde il y a dix jours et j'ai annoncé une première série d'aides de 20 millions d'euros. Mais, au-delà, il faut décider très rapidement un plan d'adaptation de la filière portant sur l'emploi, les bâtiments d'élevage, les relations avec la grande distribution, les rythmes de travail et la qualité de la vie dans la filière laitière. Je souhaite donc que nous aboutissions dans les toutes prochaines semaines sur ce rapport.

Le troisième défi est européen. Il avait été décidé, à Berlin, en 1999, de supprimer les quotas laitiers d'ici à 2008. Nous avons obtenu, à Luxembourg, l'année dernière, leur prolongation jusqu'en 2015. Nous pensons que ces quotas doivent être utilisés comme un moyen de gestion de l'offre au niveau communautaire dans la mesure où il y a actuellement surproduction. C'est ce que j'ai indiqué hier au Conseil des ministres à Bruxelles. J'ai été suivi par une demi-douzaine de pays européens et la Commission a accepté de mettre en place rapidement un groupe de travail pour que nous puissions parvenir à une meilleure gestion de l'offre au niveau communautaire.

Telles sont les réponses que je souhaitais vous donner sur cette question très importante qui mobilise toute notre énergie compte tenu de la gravité de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)


REMPLACEMENT DU DIRECTEUR DE L'AFSSAPS

M. le président. La parole est à M. Claude Evin, pour le groupe socialiste.

M. Claude Evin. Monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, il y a quelques jours, vous avez mis fin aux fonctions du directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS. A priori, certains dans cet hémicycle se disent sans doute qu'il est dans les prérogatives d'un ministre de changer un haut responsable (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et que cela se produit régulièrement sans justifier une interpellation du Gouvernement. C'est exact.

Mais, dans ce cas précis, le poste de directeur de cette agence n'est pas comparable à celui de directeur d'administration centrale d'un ministère, puisqu'il a une responsabilité de police en matière de sécurité sanitaire des produits de santé. D'ailleurs, afin de garantir son indépendance, le décret qui régit sa nomination prévoit un mandat de trois ans. Or, celui du directeur que vous avez limogé devait se terminer dans un an.

Vous allez sans doute trouver des explications tout à fait rationnelles, du moins dans votre esprit. La presse fait état d'un projet de transformation de l'AFSSAPS en agence de biomédecine. Cette proposition est inscrite dans un projet de loi qui est actuellement débattu au Parlement, mais, le temps que le texte soit adopté et que les décrets d'application soient pris, la création de cette agence n'interviendra certainement pas avant au moins un an.

En fait, votre décision pose un problème de principe à ceux qui, bien au-delà du groupe socialiste et même de cet hémicycle, suivent les questions de sécurité sanitaire. Ce n'est pas par hasard, monsieur le ministre, que les crises que nous avons connues depuis vingt ans ont progressivement conduit les différentes majorités parlementaires à mettre en place des agences qui, en ce qui concerne les produits de santé comme les produits alimentaires d'ailleurs, sont autonomes par rapport au pouvoir politique.

M. Jean Le Garrec. Tout à fait !

M. Claude Evin. S'était établi sur ce point un consensus. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est ainsi que la loi de 1998 qui a créé les agences actuelles avait pour point de départ un rapport du Sénat adopté avant 1997. Et leur autonomie se justifiait par la priorité donnée à la protection de la santé de nos concitoyens sur toute autre considération, économique, industrielle, voire diplomatique.

Après le drame de la canicule, vous auriez pourtant dû, monsieur le ministre, savoir mieux que personne la nécessité de disposer de procédures claires.

M. le président. Monsieur Evin, posez votre question, s'il vous plaît.

M. Claude Evin. En limogeant sans justification, comme vous l'avez fait, le directeur de l'AFSSAPS, vous remettez en cause la nécessité de disposer d'outils ayant une autorité suffisamment forte pour garantir la sécurité sanitaire dans notre pays.

Monsieur le ministre, envisagez-vous de remettre en cause l'autonomie des agences de sécurité sanitaire chargées d'assurer la protection de la santé de nos concitoyens ? Sinon, pour quelles raisons, avez-vous limogé le directeur de l'AFSSAPS ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, vous m'interrogez sur le changement du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, ce qui va me permettre de vous apporter les précisions que vous souhaitez.

Tout d'abord, le directeur général de l'AFFSAPS est un médecin dont la compétence est unanimement reconnue. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il a dirigé cette agence pendant cinq ans environ avec sérieux et professionnalisme et je rends hommage à son action. (« Alors ? » sur les bancs du groupe socialiste.) D'ailleurs, avec mon accord et mon appui, il vient d'être porté à la présidence de l'Agence européenne du médicament. J'ajoute qu'il a refusé la présidence d'une autre structure de santé importante qui lui avait été proposée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Enfin, je précise qu'il demeure auprès de moi chargé des questions européennes et internationales pour le médicament. Il ne s'agit donc absolument pas d'une éviction. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je pense qu'il faut utiliser les mots à bon escient.

Par ailleurs, oui, il s'agit de changer le profil du directeur général pour mener un nouveau projet ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Oui, nous voulons, et certains le demandent aussi, réorganiser les agences sanitaires (« Et voilà ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste), en particulier l'Agence de biomédecine, et créer une plus grande agence de biomédecine et de produits de santé. Nous avions besoin de quelqu'un qui ait les qualités d'expérience et de gestion nécessaires. Le nouveau président de l'AFSSAPS est en même temps le nouveau président de l'Etablissement français des greffes. Chacun comprend les projets qui sont menés. C'est la nouvelle mission qui est donnée au directeur.

Mme Martine David. Répondez à la question !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Pour répondre à votre dernière question, il n'y a ni atteinte au droit ni atteinte à l'indépendance des agences, que je souhaite respecter, comme cela se doit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE

M. le président. La parole est à M. Jean Ueberschlag, pour le groupe UMP.

M. Jean Ueberschlag. Monsieur le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, vous faites partie d'un gouvernement qui, depuis le début, a démontré son attachement à la formation professionnelle. J'en veux pour preuve que, ce matin, la commission mixte paritaire qui s'est réunie sur le projet de loi de M. Fillon concernant la formation professionnelle et le dialogue social a abouti à un accord.

Mais tout le monde sait qu'il y a en France une pénurie importante de main-d'œuvre, notamment dans certaines branches techniques et artisanales. Vous avez tenté, dans le livre blanc sur l'apprentissage notamment, d'apporter une réponse au problème de la distorsion entre le manque de personnel formé et le besoin de main-d'œuvre. Pour les PME françaises qui rencontrent de sérieuses difficultés pour recruter du personnel qualifié, l'apprentissage paraît une réponse adéquate.

On a souvent présenté l'apprentissage comme une filière de formation au rabais. Heureusement, certains gouvernements, certains ministres - je veux citer Edouard Balladur, avec la loi quinquennale, Jacques Barrot, Philippe Séguin, qui a été l'un des premiers à moderniser l'apprentissage (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) - se sont attachés à faire de cette filière une filière d'excellence. Il faut donc soigner particulièrement tout ce qui touche à l'orientation et à l'information à destination des jeunes et de leurs familles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous dire où vous en êtes dans la modernisation de la filière de l'apprentissage et quelles sont les initiatives que vous pouvez prendre pour rendre les métiers manuels de l'artisanat et des services plus attractifs ? Comment ferez-vous en sorte que les moyens importants collectés au titre de la taxe d'apprentissage aillent véritablement à des actions d'apprentissage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, l'apprentissage n'est pas une formation « parking » ou au rabais. Au contraire, c'est une formation qui permet d'acquérir un métier, un diplôme, une qualification, un emploi et de réaliser de très belles carrières professionnelles dans tous les métiers. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est une des vraies réponses au chômage des jeunes, car vous savez que, dans notre pays, il existe encore 415 000 jeunes sans emploi et que, chaque année, 150 000 jeunes sortent sans diplôme du système éducatif. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre m'a demandé de préparer en liaison avec François Fillon et Luc Ferry un plan de modernisation de l'apprentissage, qui figurera dans le projet de loi sur la mobilisation pour l'emploi qui sera présenté par le Gouvernement avant l'été.

Dans ce plan, nous prévoyons de mobiliser toutes les énergies pour l'information et l'orientation des jeunes. C'est un élément essentiel. Nous voulons également personnaliser le parcours de formation car chaque jeune doit pouvoir trouver la formation qu'il souhaite. Nous voulons lutter contre le taux d'échec, très élevé, des contrats d'apprentissage, qui sont rompus dans près de 25 % des cas. Nous entendons aussi améliorer les conditions d'accueil des jeunes en formation dans les entreprises et les CFA.

Le Président de la République a dit qu'il souhaitait que chaque jeune Français ait droit à une activité, à un emploi et à une formation. Eh bien, à peine quelques semaines après les mots, les actes sont là ! Le Gouvernement met en œuvre une réforme importante qui permettra de remettre l'apprentissage au cœur de la formation des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CONSTRUCTION D'UN SECOND PORTE-AVIONS

M. le président. La parole est à Mme Marguerite Lamour, pour le groupe UMP.

Mme Marguerite Lamour. Madame le ministre de la défense, ma question porte sur la construction du second porte-avions.

Le Président de la République a annoncé le 13 février dernier la construction d'un second porte-avions. Ce bâtiment, destiné à rétablir la permanence opérationnelle du groupement aéronaval, doit permettre à notre pays de disposer d'une projection de puissance à partir de la mer, ce qui est un des objectifs essentiels de la loi de programmation militaire 2003-2008 votée par la majorité du Parlement en novembre 2002. L'annonce faite par le chef de l'Etat est une satisfaction. Elle démontre le respect de la parole donnée par le chef de nos armées et par vous-même, madame le ministre.

Députée de Brest, d'une circonscription rurale dans laquelle sont implantées la DCN et Thales, je voudrais vous exprimer l'espoir que suscite cette annonce pour les Brestois qui attendaient depuis de nombreuses années un signal fort en faveur de la défense nationale. En effet, le site de Brest est un pôle important de l'industrie navale et militaire de notre pays, et un élément essentiel à l'économie de notre région.

Le choix du mode de propulsion classique n'est pas, à mon sens, et quoi qu'en disent certains, le reniement du premier porte-avions, le Charles-de-Gaulle, à propulsion nucléaire, qui, depuis son admission au service actif, joue un rôle de premier plan. Ce choix répond à des critères de coût, mais exprime aussi une volonté affirmée de coopérer à la poursuite de la construction d'une Europe de la défense. Il permet aussi de remplir les plans de charge pour des bassins d'emploi inquiets quant à leur avenir.

Madame le ministre, pouvez-vous nous communiquer des informations quant à la place que les sites brestois de DCN et Thales occuperont dans la réalisation de cet ambitieux projet ?

M. le président. Madame la députée,...

Mme Marguerite Lamour. En effet, au-delà de toute polémique sur le mode de propulsion, l'objectif est que l'emploi soit gagnant. Telle doit être notre préoccupation majeure et, pour ma part, je sais pouvoir compter sur votre opiniâtreté pour atteindre cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Madame la députée, le choix du mode de propulsion du nouveau porte-avions marque en effet une nouvelle étape importante. C'est une bonne chose pour notre défense, qui attendait de ce porte-avions qu'il restaure la permanence à la mer de notre groupe aéronaval. C'est également une bonne nouvelle pour notre industrie navale, qui, bien entendu, sera totalement impliquée dans sa construction.

Aujourd'hui s'ouvre en effet une nouvelle phase du programme, à savoir la préparation du lancement de la production. Elle va permettre de déterminer la répartition des travaux entre les différents industriels. Le projet fera naturellement appel à l'expérience et au savoir-faire des principaux acteurs de la construction navale française. Et vous vous doutez bien qu'un bâtiment aussi complexe qu'un porte-avions fera nécessairement appel aux capacités de DCN et de Thales. J'ai d'ailleurs incité ces deux industriels à se mobiliser dans cette perspective qui va fédérer l'ensemble de nos savoir-faire dans ce domaine. Maintenant que le choix du mode de propulsion est fait, les industriels vont également pouvoir s'associer et prendre une place essentielle dans la coopération avec les Britanniques, et cela dans l'intérêt de nos industries et de nos pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

AVENIR DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste.

M. Germinal Peiro. Monsieur le Premier ministre, à la veille de l'ouverture du salon international de l'agriculture, je veux vous faire part de l'angoisse et du désarroi du monde agricole. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'inquiétude règne dans les filières de la production viticole, dans celles du lait, de la viande, du tabac et des céréales. L'inquiétude est aussi de mise dans le monde paysan, qui se sent abandonné par votre gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), lequel conduit depuis deux ans une politique qui va accélérer la disparition des exploitations et la désertification du monde rural.


Dans le seul département de la Dordogne, chaque jour disparaît une exploitation agricole. A ce rythme, dans notre pays, des communes entières se retrouveront bientôt sans aucun agriculteur.

Au plan européen, votre gouvernement a signé en catimini à l'aube du 26 juin 2003 un accord désastreux portant sur la réforme de la politique agricole commune. Les premiers effets n'ont pas tardé à se faire sentir. La réduction des prix d'intervention de la poudre de lait et du beurre à partir du 1er juillet prochain conduit d'ores et déjà les industriels laitiers à vouloir imposer immédiatement une baisse drastique des prix qui provoquera la disparition d'un tiers des exploitations laitières. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) A plus long terme, le découplage des aides ôte toute légitimité aux aides directes et prépare le démantèlement de la PAC, démantèlement négocié par le Président de la République et le Chancelier allemand.

M. François Goulard. Vous l'aviez accepté !

M. Germinal Peiro. Au plan national, votre gouvernement a supprimé les contrats territoriaux d'exploitation,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !

M. Germinal Peiro. ...qui permettaient de rémunérer les services qu'apporte l'agriculture à notre société sur les plans économique, social et environnemental et sur celui de l'aménagement du territoire.

M. François Goulard. Les paysans ne sont pas des fonctionnaires.

M. Germinal Peiro. Plus de 50 000 exploitations ont bénéficié des contrats territoriaux, alors qu'à ce jour vous n'avez signé que 233 contrats d'agriculture durable qui étaient censés les remplacer.

Dans le même temps, votre gouvernement freine la conversion à l'agriculture biologique. Vous nous annoncez un objectif de 13 % de l'enveloppe des CAD, soit 50 millions d'euros, alors que les 4 000 CTE de conversion en agriculture biologique signés entre 2000 et 2001 représentaient un engagement de 280 millions d'euros, soit près de six fois plus.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Peiro.

M. Germinal Peiro. Dans un contexte aussi difficile, monsieur le Premier ministre, ma question est double : quelles initiatives concrètes allez-vous prendre pour défendre notre modèle d'agriculture familiale présent sur l'ensemble du territoire, dont la loi portant diverses dispositions d'ordre rural ne comporte aucune trace ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Peiro, veuillez terminer.

M. Germinal Peiro. Quelles mesures allez-vous prendre pour poursuivre la revalorisation des petites retraites agricoles et faire bénéficier les conjoints et les aides familiaux de la retraite complémentaire obligatoire, comme vous le réclamiez lorsque vous étiez dans l'opposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, vous devez être amnésique puisque vous dénoncez ce que vous avez soutenu. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Qui a décidé la baisse du prix des céréales et de la viande en 1992 ? Le gouvernement que vous souteniez ! Qui a décidé la baisse d'intervention sur le prix du lait en 1999 à Berlin ? Le gouvernement que vous souteniez ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. Et en 1515 ?

Mme Martine David. Nous sommes en 2004 !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. De grâce, cessez de caricaturer !

A Luxembourg, l'année dernière, nous avons obtenu - nous en avons eu confirmation hier - le maintien du budget de la politique agricole commune jusqu'en 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons obtenu la prolongation des quotas laitiers jusqu'en 2015, alors qu'à Berlin, en 1999, vous aviez accepté leur suppression en 2008. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Robert Lamy. Ils ne connaissent pas les paysans !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Nous avons obtenu le découplage partiel des aides pour permettre la gestion des marchés et la politique d'aménagement du territoire agricole.

Sur le plan interne, vous devriez me féliciter pour les crédits que j'ai mis sur les CTE. Lorsque nous sommes arrivés, 70 millions d'euros figuraient sur la ligne de crédits CTE. Or, nous avons dépensé 200 millions d'euros en 2002 et 300 millions d'euros en 2003. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En ce qui concerne les retraites agricoles, nous avons financé les mesures que vous n'aviez pas financées. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons financé la mise en œuvre de la retraite complémentaire obligatoire. Nous mettons en œuvre cette année la mensualisation des retraites agricoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais il est vrai, monsieur le député, que l'agriculture française connaît des difficultés climatiques et économiques.

M. François Hollande. Le Gouvernement aussi !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Personne ne conteste aujourd'hui le travail que nous avons fait pour lutter contre le gel et la sécheresse l'année dernière.

Mme Martine David. Tout va bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. De même, nous avons pris les mesures appropriées en faveur des filières du porc, de la volaille et du lait, qui connaissent des crises difficiles.

Mme Martine David. Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Enfin, tant sur le plan européen que mondial, à l'OMC, nous défendons notre modèle agricole européen, fondé sur une agriculture familiale, ...

Mme Martine David. A qui le ferez-vous croire ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. ...économiquement forte et écologiquement responsable. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire dont de nombreux membres se lèvent. - Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française)

ANNÉE EUROPÉENNE DE L'ÉDUCATION PAR LE SPORT

M. le président. La parole est à M. Denis Merville, pour le groupe UMP.

M. Denis Merville. Ma question s'adresse à M. le ministre des sports.

Monsieur le ministre, l'année 2003 a été - chacun le reconnaît - une bonne année pour le sport français. L'athlétisme a été pour une part importante dans ces succès, grâce aux nombreuses médailles obtenues par nos athlètes lors des championnats du monde, qui ont été organisés de manière exemplaire. Je n'oublierai pas non plus de mentionner les résultats de nos équipes de handball et de football. Nous devons rappeler que l'Etat est présent dans ces succès par le soutien qu'il apporte, notamment à nos champions.

L'année 2004 a été déclarée par le Parlement et le Conseil européens « année européenne de l'éducation par le sport ». Vous avez d'ailleurs, à ce sujet, monsieur le ministre, récemment présenté une communication en conseil des ministres. Cette initiative vise à encourager la coopération entre les institutions éducatives et les organisations sportives. Elle sera également l'occasion de promouvoir les valeurs éducatives et sociales de l'activité sportive. Nous savons combien la fonction éducative du sport est importante. En favorisant le lien social et en contribuant à promouvoir les valeurs de la République que sont le respect de l'autre, la tolérance et la solidarité, le sport participe à l'insertion de nombreux jeunes et moins jeunes.

Un programme européen doté de crédits importants a été créé. Il devrait permettre le développement de projets associatifs dans ce domaine. A un moment où, hélas, des affaires de dopage, c'est-à-dire de tricherie, secouent le sport, il me paraît essentiel de rappeler les aspects positifs des pratiques sportives et de saluer les efforts déployés par les milliers de clubs amateurs et de bénévoles pour animer notre vie locale, occuper nos jeunes et les faire rêver.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale le rôle que l'Etat français compte jouer à l'occasion de l'année européenne du sport ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des sports.

M. Jean-François Lamour, ministre des sports. Monsieur le député, vous l'avez très bien rappelé, le sport ne saurait être réduit aux compétitions internationales et aux médailles, voire, dans son aspect le plus négatif, au dopage. Le sport donne avant tout à un jeune la possibilité d'apprendre un geste éthique tout autant que sportif. Il permet également au jeune, entouré d'une équipe pédagogique composée d'éducateurs et de dirigeants bénévoles, de construire un parcours individuel.

Tel est l'enjeu de l'année européenne de l'éducation par le sport, qui dispose de moyens importants. Plus de 11 millions d'euros seront consacrés, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, à détecter des projets et à les accompagner. En France, le ministère des sports, le ministère de la jeunesse et de l'éducation nationale et le Comité national olympique et sportif français aideront financièrement les projets qu'ils auront distingués.

L'année 2004 sera également l'occasion, pour le ministère des sports, d'accélérer la mise en œuvre de priorités, qui sont des priorités politiques, notamment l'accès citoyen des jeunes dans les clubs sportifs. Le club n'est pas un simple prestataire de services. C'est un lieu de brassage social, où l'on apprend la citoyenneté. Nous avons développé des projets qui vont en ce sens. Nous développerons également des initiatives visant à éviter les exclusions dans le domaine sportif. J'ai eu l'occasion de parler ici même des créneaux horaires des piscines ou des clubs communautaires. Nous avons déjà développé des projets portant sur les sports de combat : lutte, taekwondo, judo et boxe. Nous en développerons des similaires sur l'ensemble des disciplines sportives, en y associant de façon très étroite les formateurs afin qu'ils s'occupent de jeunes en manque de repère et les incitent à concevoir la pratique du sport dans sa double dimension d'apprentissage du geste et d'apprentissage de la citoyenneté.

Enfin, Christian Jacob et moi-même travaillerons à ce que les familles soient incitées à coopérer davantage avec les clubs sportifs. Dans le cadre du sport scolaire, qui fait un gros effort en matière de formation des jeunes arbitres, nous souhaitons que ces derniers puissent pratiquer leur discipline d'arbitrage au sein des clubs sportifs. Telles sont les priorités que nous entendons favoriser pour l'année européenne d'éducation par le sport. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

BON USAGE DES INSECTICIDES

M. le président. La parole est à M. Dominique Caillaud, pour le groupe UMP.

M. Dominique Caillaud. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Monsieur le ministre, l'actualité judiciaire et médiatique cristallise, en termes passionnés, le vieux contentieux de l'utilisation des insecticides Régent et Gaucho, incriminés dans la surmortalité des abeilles et l'inévitable disparition économique de leurs apiculteurs.

Cette utilisation, contestée depuis plusieurs années, a fait l'objet de mesures partielles concernant leur technique d'emploi et le choix des cultures autorisées. Les constats et expertises contradictoires effectués mettent en cause des substances actives - l'imidaclopride et le fipronil - contenues dans ces insecticides et inquiètent légitimement à la fois les apiculteurs et l'ensemble de nos concitoyens.

D'aucuns évoquent un risque pour les abeilles, mais peut-être également pour l'homme. Ce débat révèle des interrogations qui se posent plus largement quant à l'utilisation des pesticides et aux conditions de leur mise en œuvre, aujourd'hui et demain.

Lundi dernier, monsieur le ministre, vous avez annoncé plusieurs décisions concernant le Régent et le Gaucho. Quels sont les éléments techniques et économiques relatifs à l'agriculture qui vous ont conduit à prendre ces premières mesures qui vont dans le bon sens ? Quelles sont les orientations de votre politique en matière de pesticide ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.).

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur Caillaud, la question de l'utilisation des pesticides et des produits phytosanitaires est, c'est vrai, un sujet très important pour la santé publique et pour l'avenir de notre agriculture.

Il a été souvent question ces derniers mois du Régent. Je tiens à rappeler que, depuis dix-huit mois, nous avons pris des mesures à son sujet. Un élément nouveau est intervenu le 29 janvier dernier, date à laquelle la commission d'étude de toxicologie m'a fait part de ses incertitudes et de ses doutes concernant l'environnement et la faune sauvage. J'ai donc lancé la procédure contradictoire et décidé avant-hier de suspendre la commercialisation et l'utilisation de ce produit.

S'agissant du Gaucho, j'ai demandé à nouveau à la commission d'étude de la toxicologie de faire une évaluation de ce produit. J'ai, parallèlement, engagé la procédure contradictoire qui fondera la décision que nous prendrons dans les prochaines semaines.

Par-delà ces deux produits, il convient de lutter contre les pesticides et les produits phytosanitaires. L'année dernière, nous avons retiré 900 substances actives du marché. Nous avons réglementé les mélanges et multiplié par dix les contrôles - nous sommes passés de 300 à 3 500 contrôles.

La politique du Gouvernement en la matière concilie l'intérêt de la santé publique et la défense de notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)


RECONVERSION DU BASSIN DE VICHY

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, député non inscrit.

M. Gérard Charasse. La gravité de ma question fait que je l'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, vous parlez de reprise, mais les Français l'attendent encore. Ils espèrent que les économistes qui ont votre oreille ne se seront pas trompés et que ce ne sera pas la reprise aux Etats-Unis que l'on aura surtout financée. Ils se demandent aussi comment vous tiendrez votre promesse d'accompagner la croissance avec de tels déficits.

La reprise, vue de l'Allier et du bassin de Vichy, ce sont surtout les plans sociaux chez GIAT-Manurhin, Sediver et Polyflex : 1 200 emplois supprimés d'un trait de plume, dont parfois plusieurs dans une même famille. Ces drames humains ont poussé 5 000 personnes à manifester dans la rue samedi dernier.

En fait de reprise, c'est plutôt le découragement qui prévaut. Comment peut-il en être autrement quand les élus voient l'impôt financer l'installation d'outils de production qui doivent, à terme, créer de la richesse ailleurs ? Comment peut-il en être autrement lorsque ces élus, qui œuvrent à la création de petites unités, voient leurs efforts anéantis par des décisions de l'Etat ou des boursicoteurs ?

C'est là le prix de votre absence de logique. On peut admettre une sanction économique, mais aucune des entreprises que j'ai citées ne perd un centime : ni Manurhin, comme Mme la ministre de la défense me l'a confirmé ici même, ni Sediver, et encore moins Polyflex. Quand il n'y a pas de logique à la sanction, cela s'appelle du totalitarisme - totalitarisme économique certes, mais totalitarisme quand même ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

N'étant pas de ceux qui se découragent facilement, j'ai tenu à rencontrer avec d'autres élus Mme la ministre de la défense, puis Mme la ministre déléguée à l'industrie. Mais j'ai le sentiment, monsieur le Premier ministre, que nous nous battons seuls, alors qu'il appartiendrait au Gouvernement d'appuyer franchement notre action.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous faire jouer à l'Etat son rôle en demandant aux actionnaires de ces entreprises de rendre l'aide publique qu'ils ont reçue ou de nous en donner la contrepartie ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Allez-vous laisser prospérer les projets industriels de reprise, en particulier ceux qui concernent Manurhin ? Quand prendrez-vous les décisions relatives aux infrastructures évoquées lors du dernier CIADT, et qui sont une des clés de notre développement ? Enfin, allez-vous confirmer et renforcer, comme vous l'avez fait pour d'autres bassins, notre outil de reconversion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député Charasse, je vous ai en effet très longuement reçu, ainsi que tous les autres élus locaux du bassin d'emploi de Vichy. Vous avez pu constater à cette occasion ma détermination à me trouver aux côtés des élus locaux dans la période très difficile que cette région traverse - et ma pensée va tout particulièrement aux salariés et à leurs familles.

Aujourd'hui, je suis en mesure de faire avec vous un point très concret de la situation.

Pour ce qui est de Manurhin, la négociation entre la direction du GIAT et les représentants du personnel sur les modalités d'accompagnement et de reclassement des salariés est, comme vous devez le savoir, très avancée. Par ailleurs, l'objectif de la mission confiée à la SOFRED est de créer 500 emplois. Enfin, avec Mme Alliot-Marie, qui a suivi personnellement ce dossier, je peux désormais vous confirmer l'implantation de la société Eurodec sur le site même de Manurhin, à Cusset. L'opération se traduira par la création de 200 emplois.

S'agissant de Sediver et de Polyflex, François Fillon sera particulièrement vigilant sur l'accompagnement social, comme il l'est pour chaque projet de restructuration. En matière de revitalisation, nous exigerons de ces entreprises, comme la loi nous y autorise, des mesures concrètes qui compléteront les missions déjà confiées à la SOFRED.

Enfin, monsieur le député, je rappelle que le bassin d'emploi de Vichy bénéficie depuis le CIADT de mai 2003 de mesures exceptionnelles d'accompagnement de l'Etat et d'un budget de 3 millions d'euros financé dans le cadre du contrat de site qui sera signé sous l'égide de Jean-Paul Delevoye en avril prochain. Ce contrat, ainsi que le contrat d'agglomération récemment signé, servira de base à une véritable stratégie de reconquête d'activité.

Ainsi, à la détermination, nous associons l'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

RESPONSABILITÉS LOCALES

Suite de la discussion d'un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales (n°s 1218, 1435).

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Balligand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Balligand. Au nom du groupe socialiste et en vertu de l'article 58, alinéa 1, je souhaite faire un rappel au règlement sur l'organisation de nos débats.

Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, nous vivons des moments importants s'agissant du projet de loi relatif aux responsabilités locales. Hier, notre président de groupe, Jean-Marc Ayrault, vous a interpellé par deux fois sur le déroulement aberrant de nos séances, eu égard à la relégation de la discussion de la loi organique après celle de la loi ordinaire.

Le Gouvernement est, certes, maître de l'ordre du jour du Parlement, mais ces interpellations l'ont manifestement troublé puisque vous avez, monsieur le ministre, éprouvé quelque embarras pour y répondre. Vous avez prétendu, tout d'abord, que le contenu de la loi organique était déjà connu. Cela est faux, vous le savez pertinemment : le projet de loi organique que vous avez déposé le 23 octobre 2003 n'est qu'une mise au point sémantique. Il suffit d'en lire les quelques articles, qui tiennent sur une page en tout et pour tout, pour constater qu'il est totalement dépourvu d'éléments chiffrés et ne répond en rien aux exigences précises formulées par le Conseil constitutionnel.

Vous avez, ensuite, avancé que le vote de la loi ordinaire serait reporté après l'examen de la loi organique, ce qui est tout à fait insuffisant. Le Gouvernement l'a, d'ailleurs, textuellement reconnu dans les observations qu'il a transmises officiellement au Conseil constitutionnel, que le groupe socialiste avait saisi sur le financement du RMI prévu dans le projet de loi de finances pour 2004. Je cite les termes de la défense qu'il avait alors présentée : « L'intervention du législateur organique est indispensable à la mise en œuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles. Seule la loi organique permettra de traduire, en termes concrets et opposables, le principe défini en termes généraux par le texte constitutionnel. »

Ce véritable double langage, qui consiste à affirmer au Conseil constitutionnel que tout reste à faire, puis à prétendre dans cette enceinte que le cadrage financier de la décentralisation est acquis, n'est pas admissible. C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je demande une suspension de séance, pour donner au Gouvernement une chance, non seulement de mettre au clair son argumentation quelque peu troublante, mais surtout de différer l'examen de la loi ordinaire afin de débattre sereinement de l'équilibre financier de nos collectivités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Gest. C'est de l'obstruction systématique !

M. le président. La suspension est de droit, monsieur Balligand, mais je vais d'abord donner la parole à M. le ministre délégué aux libertés locales, qui souhaite vous répondre.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Je ne prétends pas m'opposer à cette suspension, qui est de droit. Je voudrais simplement répéter à M. Balligand, sous réserve du contrôle du compte rendu des débats, ce que je crois avoir dit : nécessairement, la loi sur les responsabilités locales ne pourra pas entrer en vigueur tant que la loi organique n'aura pas été adoptée. Cela constitue bien la garantie que vous demandez. Tant vis-à-vis du Conseil constitutionnel que de la Constitution et des observations du Gouvernement que vous avez citées, nous sommes en parfaite cohérence. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. C'est ma première observation.

Ma deuxième observation est que le vote définitif sur la loi relative aux responsabilités locales n'interviendra pas tant que le Parlement n'aura pas examiné la loi organique. Par conséquent, le Parlement sera parfaitement au fait du contenu de la loi organique quand il sera appelé à voter définitivement, en deuxième lecture, le projet de loi sur les responsabilités locales.

A cet égard, monsieur Balligand, vous ne pouvez pas affirmer que le texte de la loi organique n'est pas connu puisque, comme je vous l'ai indiqué, il a été adopté en conseil des ministres. Qu'il ne vous convienne pas, j'ai cru le comprendre ! En disant qu'il n'est pas conforme à ce qui est demandé, vous portez un jugement. Vous en avez parfaitement le droit, mais ce jugement ne remet pas en cause mon propos : le texte de la loi organique est connu, même s'il ne vous plaît pas. Le Parlement en fera ce qu'il voudra, mais le projet du Gouvernement est clair pour tout le monde.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma première surprise en examinant ce projet a été de constater qu'on avait mis plus de vingt ans à ouvrir l'ère II de la décentralisation. Et la seconde - je trouve que cela ne manque pas d'humour - c'est que ceux qui, il y a vingt ans, étaient pour sont aujourd'hui contre.

M. Augustin Bonrepaux. Croyez-moi, nous avons de bonnes raisons de ne pas soutenir ce projet !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est à croire que nous ne parlons pas de la même chose.

M. Jean-Pierre Balligand. Nul doute à ce sujet !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je présenterai la question autrement. Un maire, le président d'un groupement de collectivités, un président de département ou de région qui fait part de besoins quasi vitaux à pourvoir dans sa collectivité obtient-il, actuellement, sous quelque gouvernement que ce soit, satisfaction de l'Etat dans des délais raisonnables ? Ma triste expérience en ce domaine montre qu'il faut, au contraire, s'armer d'une patience angélique. Beaucoup d'entre nous, d'ailleurs, justifient - à juste titre - le cumul des mandats par le fait qu'il est extrêmement difficile d'obtenir quoi que ce soit dans ce pays avant de nombreuses années si l'on n'a pas la capacité d'aller soi-même voir les ministres et les directeurs d'administration, qui ont une lourde autorité sur le fonctionnement de l'Etat centralisé.

Je m'étonne, dans ces conditions, que l'on ait mis vingt ans pour essayer de clarifier des situations qui, au niveau local, étaient partagées entre l'Etat et les collectivités.

Sous le gouvernement Rocard, a été lancée l'idée, sans doute brillante puisque votée à l'unanimité, du RMI : il avait été décidé à l'époque que l'Etat donnerait l'argent du revenu minimum et que les conseils généraux s'occuperaient, en liaison avec l'Etat, de l'insertion. L'Etat et le département, ainsi que les caisses d'allocations familiales, étaient donc chargés de faire avancer cette grande idée. Si le revenu minimum a, il faut le dire, très bien marché, l'insertion, elle, beaucoup moins. Les statistiques en la matière étaient merveilleuses. Certains départements annonçaient 60 % d'insertion. Mais les personnes concernées allaient de stages parkings en stages de formation pour la lecture, la couture, l'intégration, l'insertion, bref toutes choses sympathiques mais qui n'ont jamais donné le moindre métier à quiconque.

Nous avons donc eu, pendant vingt ans, le courage de supporter toutes les contraintes liées au partage des compétences entre différentes autorités. Et, aujourd'hui, où l'on met un peu de clarté dans tout cela, j'entends s'écrier nombre d'entre nous : « C'est plus complexe qu'avant ! Restons-en là ! » Ce n'est pas possible. On va donner au département la totalité de la responsabilité en matière de RMI-RMA.

Même cas de figure pour les personnes âgées. La compétence était partagée entre la sécurité sociale, l'Etat et les départements. On va clarifier et rendre à l'institution départementale une homogénéité de décisions.

Il en va de même pour le fonds d'aide aux jeunes et le fonds de solidarité pour le logement, bref tous les dispositifs dont la gestion était jusqu'alors partagée et qui faisaient perdre un temps énorme en réunions dites de concertation avec les différents agents de l'Etat déconcentré. Demain, les élus politiques auront, sur leur territoire, la capacité de mettre en œuvre les aides aux logements, aux jeunes, aux personnes âgées, l'aide sociale à l'enfance, l'aide à l'insertion des bénéficiaires du RMI, et de conduire une politique cohérente.

Mes chers collègues, notre pays fait preuve d'un extraordinaire archaïsme. D'où vient qu'on veuille bien donner un peu de pouvoir aux élus mais que l'on répugne à leur en donner plus ? Il y a derrière cela une profonde méfiance vis-à-vis de l'élu.

J'ai, pour ma part, connu l'avant-décentralisation. Quand on était maire, comme moi, d'une commune modeste et qu'on avait besoin d'un investissement, on allait voir, avant 1981, le sous-préfet.

M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ce dernier vous accordait ou non la subvention que vous demandiez mais ne manquait pas de s'intéresser à l'opportunité de votre dépense.

M. Jean-Marc Ayrault. Vous nous racontez la vie des saints ! Qui ignore tout cela ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Le sous-préfet se substituait aux élus municipaux pour savoir si telle dépense était fondée.

Aujourd'hui, j'ai le sentiment que ceux qui ne veulent pas aller plus loin dans la clarification raisonnent de la même manière et considèrent que, si l'Etat ne reste pas propriétaire de la décision, l'élu local fera forcément de mauvais choix.

M. Alain Gest. Exactement ! Ce ne sont pas de vrais décentralisateurs !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n'est pas ça du tout !

M. Augustin Bonrepaux. Ne parlez pas à notre place, monsieur Clément !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Au bout du compte, ceux qui s'opposent à la clarification que nous proposons ne font pas confiance aux élus locaux.

M. Jean-Marc Ayrault. Mais vous voulez les étrangler fiscalement !

M. Alain Gest. C'est un spécialiste qui parle. Vous, vous avez, monsieur Ayrault, étranglé les départements !

M. Augustin Bonrepaux. Vous, ce sont les contribuables que vous voulez étrangler !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. J'aborderai le problème du financement en seconde partie de mon propos, pour répondre à M. Ayrault.

Quand, chaque année, le Premier président de la Cour des comptes vient nous présenter son rapport annuel, rapport qui fait l'objet d'un modeste communiqué dans un journal national, il ne manque pas de dénoncer les erreurs manifestes de l'Etat. Tout le monde l'écoute dans un silence feutré et trouve normal qu'une route nationale se termine dans un champ de betteraves. Mais avez-vous déjà vu un département ou une région réaliser un pont sans route ou une route qui se termine dans un champ ? Jamais.

M. le ministre délégué aux libertés locales. L'Etat l'a fait !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. L'Etat le fait, les élus locaux, jamais.

M. le ministre délégué aux libertés locales. A La Défense, on détruit aujourd'hui des échangeurs...

M. Augustin Bonrepaux. Vous discutez entre vous, maintenant ?

M. le président. Monsieur le ministre, vous savez que je vous donne la parole dès que vous le demandez. Mais évitons, je vous prie, les dialogues !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. M. le ministre, très aimablement, me fournissait un exemple montrant que l'Etat détruisait lui-même ce qu'il avait réalisé !

Je ne veux faire le procès ni de l'Etat ni de personne. Je veux simplement souligner que, aujourd'hui, nous pouvons être fiers de la décentralisation. Et je rends hommage, monsieur Ayrault, aux pères de la réforme de 1982 car les élus ont prouvé leur intelligence, leurs capacités de gestionnaires et l'opportunité de leurs choix. Et l'on veut nous faire croire aujourd'hui que, si on leur donnait plus de compétences, ils ne feraient pas bien !

M. Augustin Bonrepaux. Ne comparez pas votre réforme avec celle de 1982 !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. De deux choses l'une : ou un pouvoir central considère que les élus locaux ont l'âge de raison et la capacité de gérer la totalité d'un domaine, ou il estime que la moitié de celui-ci doit continuer à être géré par l'Etat. La cohérence et la clarté commandent de déterminer ce que fait mieux telle ou telle collectivité. L'inspiration est différente de celle qui habite généralement les tenants de la subsidiarité. Il n'est que de voir comment celle-ci a été interprétée au niveau de l'Europe. C'est cette dernière qui a décidé de laisser telle ou telle compétence aux pays membres. L'Etat fait de même dans le cadre de la décentralisation. Nous venons de le voir de façon éclatante avec l'exemple des routes. M. le rapporteur et moi-même avons fortement amendé les quatre critères imposés par la direction de l'équipement, qui avait décidé, en réalité, de faire ce qu'elle souhaitait, sous couvert de défendre le « bien des Français ».

Ce n'est pas cela la subsidiarité. C'est tout l'inverse ! La commune qui se déclare incapable de s'occuper des ordures ménagères va voir, hier son SIVOM, aujourd'hui la communauté de communes. La communauté de communes qui ne peut gérer l'aide sociale à l'enfance ou aux personnes âgées va voir le conseil général. Le département qui a besoin d'assurer la cohérence au niveau de la région des équipements ferroviaires ou des grandes voies d'intérêt régional et qui a besoin d'une aide qui ne mette pas les départements en situation de rivalité, va voir la région. Autrement dit, la demande part du bas pour monter à un niveau plus élevé. C'est cela, la subsidiarité.

M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Or on n'a toujours pas compris en France que la rétrocession par l'Etat d'un pouvoir à une collectivité est la mauvaise méthode et que la bonne c'est la remontée d'une compétence vers le haut par une collectivité territoriale quand celle-ci n'est pas capable de l'assumer.

M. Philippe Vuilque. Vous avez déjà dit tout cela hier !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je suis content que vous vous en soyez aperçu, monsieur Vuilque. Cela montre que ce que je dis rentre !

Mais je ne parle pas que pour vous. Je parle pour l'Etat français et pour l'Europe. Et j'ai besoin de le répéter parce que ce n'est pas encore bien compris.

L'Etat français est aujourd'hui en situation de blocage. C'est d'ailleurs pour cette raison - et cela me permet de faire une transition sur le problème du financement - que vous dites, à juste titre, que la décentralisation va coûter très cher. Pourquoi dites-vous cela ? Parce que vous êtes conscient que l'Etat n'ayant pas bien fait son travail, le jour où il décentralisera, les collectivités territoriales devront assumer les fautes qu'il a commises.

Prenons l'exemple des routes. Quand, après la survenue d'un ou deux accidents sur une route, un élu d'un département se rend à la direction départementale de l'équipement, qui est une institution déconcentrée de l'Etat, il s'entend répondre, sans rire, qu'à moins de dix morts, il ne sera pas fait de travaux sur telle partie de nationale. Voilà la situation actuelle. Que sera-t-elle demain ? Le président du conseil général sera en charge des routes devenues départementales et la grande différence avec l'Etat, c'est que, s'il existe un endroit accidentogène, il en sera informé dès le premier mort ou, s'il ne l'est pas, son conseiller général, lui, le sera.

M. Jean Lassalle. Eh oui !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Dans les semaines qui suivront, il sera, de par la pression - heureuse pression - des usagers, tenu de faire les travaux qui permettront de sauver d'autres vies.

Comme je cherche, dans cette affaire, à être totalement objectif, la vérité m'oblige à dire que, si la décentralisation coûte cher, c'est parce que l'Etat gère très mal ses responsabilités. A partir du moment où ce seront des élus locaux qui seront en charge de la gestion, ils ne pourront plus tolérer les carences de gestion, la dangerosité ou encore la logique « à moins de dix morts, je ne bouge pas ! »

M. Augustin Bonrepaux. Comme s'il n'y avait pas d'accidents sur les routes départementales !


M. Pascal Clément
, président de la commission des lois
. Autre exemple : on peut toujours traîner le préfet devant les tribunaux. Depuis l'affaire de Furiani, qui a été une première en matière d'évocation de responsabilités pénales, je reconnais que c'est assez rare.

Demain, que se passera-t-il ? Pour reprendre l'exemple des routes, une action sera immédiatement intentée contre le président du conseil général si, après un accident, il est resté inerte et n'a fait procéder à aucun aménagement. Il sera légitimement tenu pour responsable. Lorsque c'était l'Etat, tout était noyé dans l'irresponsabilité générale.

M. Jean Lassalle. Voilà !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il est vrai, monsieur Balligand, que cela coûtera plus cher parce qu'on le fera mieux.

M. Jean-Pierre Balligand. C'est ce que j'ai dit hier. Il fallait écouter !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Les Français ont aujourd'hui le choix. En rester à un Etat qui veut faire beaucoup, sinon tout, fût-ce mal, ou préférer un Etat qui se concentre sur ses missions régaliennes, permettant une péréquation, donc une égalité de traitement sur l'ensemble du territoire, un Etat qui laisse aux collectivités ce qu'elles peuvent faire mieux que lui parce qu'elles dépenseront plus d'argent. Nous savons tous, au fond de nous-mêmes, que nous le ferons bien, et c'est un vrai progrès.

C'est un peu la situation devant laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Souhaitons-nous mettre fin ou non aux carences de l'Etat ? Cela correspond à la volonté du Gouvernement. Son choix est courageux.

J'entendais l'argument de M. le président Ayrault hier, repris aujourd'hui par M. Balligand. Je voudrais essayer de vous faire comprendre, calmement, pourquoi nous avons choisi cette procédure. C'est d'ailleurs essentiellement pour cela que je souhaitais prendre la parole au début de nos travaux, cet après-midi.

Comment voulez-vous financer, mes chers collègues, un projet dont vous n'auriez pas défini le périmètre et les compétences ? Il faut prévoir les sommes nécessaires pour financer un projet. Et il faut donc voir ce qui est transféré au département, à la région, au groupement de communes. C'est l'objet du projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

Vous avez énoncé, c'est d'ailleurs très amusant, monsieur Balligand - permettez-moi de vous le dire avec sympathie et admiration -, une très belle contradiction. Vous avez dit : « La loi organique qui va définir la part déterminante des ressources propres des collectivités locales aurait dû être examinée en priorité. »

M. Jean-Marc Ayrault. Oui !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous avez ajouté : « Je l'ai vue. » En effet, elle n'est pas inconnue. Le projet de loi organique a été déposé sur le Bureau de l'Assemblée. Le texte ne fait qu'une page et précise ce qui est la part déterminante.

M. Jean-Pierre Balligand. Je n'ai pas dit cela !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La loi organique essaie de régler la difficile question constitutionnelle : la part de la TIPP qui ne transitera pas par le budget de l'Etat et qui sera donnée aux conseils généraux sera-t-elle, oui ou non, considérée comme une ressource propre des départements ?

Ce n'est pas simplement un jeu de l'esprit. Ce pourcentage sera fixé en fonction des besoins que nous définissons sur ce texte. Le Gouvernement a annoncé 8 milliards de transferts pour les départements, 3 milliards ou 3,5 milliards d'euros pour les régions. Mais vous savez très bien, mon cher collègue, du moins je l'espère - et je parle sous le contrôle du Gouvernement -, que ces chiffres seront appréciés à la fin de nos travaux. Et ils pourront peut-être aussi, je le souhaite, être augmentés.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. En effet !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est à ce moment-là que seront décidés le pourcentage de la TIPP affecté au département et la modulation donnée aux régions - pour celles-ci ce sera plus simple, car elles voteront un taux.

Mais comment croire que votre « combat » - entre guillemets - pour que l'on inverse les textes et que la loi organique soit examinée en premier est important ?

M. Jean-Pierre Balligand. C'est vous qui avez dit cela !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous avez même dit vous-même que cela n'avait pas d'importance puisque cela ne faisait qu'une page et qu'il s'agissait d'une définition conceptuelle de la part déterminante des ressources propres des collectivités territoriales. Vous voyez bien que la question n'est pas là !

Vous souhaiteriez que les financements soient votés en même temps que les transferts. Je vous renvoie à l'ordonnance de 1958 et à la loi organique du 1er août 2001 concernant les lois de finances. Elle précise - ce n'est pas à vous, monsieur Balligand, que je l'apprendrai - que, s'agissant de la recomposition du budget de l'Etat, tout transfert de compétences ne peut intervenir qu'en loi de finances.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'est vous qui l'avez fait voter, messieurs de la gauche !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ne dites pas non, monsieur Vaillant !

M. Alain Gest. Il dit oui avec le cœur ! (Sourires.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous ne pouvez pas, objectivement, avoir raison sur ce point.

A partir du moment où le budget de l'Etat n'est plus le même, puisque vous avez décentralisé un certain nombre de compétences, l'ordonnance de 1958 comme la loi organique du 1er août 2001 sont formelles : les transferts de compétences ne peuvent intervenir qu'en loi de finances. C'est donc à l'automne prochain, lors de l'examen de la loi de finances pour 2005, que nous serons tenus de financer le périmètre de compétences que nous décidons aujourd'hui.

Monsieur Ayrault, il n'y a pas, comme vous le voyez, de jeu d'esprit. C'est malheureusement obligatoire.

Il serait effectivement plus satisfaisant sur un plan théorique de savoir quel financement serait nécessaire. Mais savez-vous combien vous allez dépenser dans tel ou tel département pour les routes nationales ou pour le RMA ?

M. Augustin Bonrepaux. On sait ce que ça va coûter pour le RMA !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Nous aurons tous à cœur que ce revenu minimum d'activité marche, contrairement au revenu minimum d'insertion. Combien allons-nous dépenser ?

M. Augustin Bonrepaux. Vous voulez que je vous le dise ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La question peut être posée aussi au niveau des assemblées départementales. Nous n'en savons rien.

M. Augustin Bonrepaux. C'est de l'imprévoyance si vous ne savez pas où vous allez !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Monsieur Ayrault, nous allons faire le maximum pour que ça marche

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne savez pas où vous allez !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Pouvez-vous imaginer, monsieur Ayrault, un département tenu par un élu socialiste qui plafonnerait d'avance les dépenses en matière sociale ? Ce serait bizarre pour un élu socialiste. (Sourires.) Vous ne savez pas quelles sommes seront dépensées, parce que vous ferez le maximum pour ces activités.

Votre raisonnement ne tient pas. Nous devons prendre en compte la vie des hommes et des femmes de régions, de départements, de collectivités de communes, et de communes. Nous ferons pour le mieux, en réalisant des économies d'un côté pour dépenser mieux ailleurs. La plupart d'entre nous, sinon la totalité, sont des gestionnaires totalement matures.

Un certain nombre de candidats, à l'occasion de la campagne électorale pour les prochaines élections, plus spécialement les nouveaux - donc vous n'êtes pas concernés, mes chers collègues -, promettent de « faire de la politique autrement ». J'adore cette formule. (Sourires.) Cela signifie donc que tous les anciens - bleus, blancs ou rouges - sont mauvais. Je lis avec intérêt ce qu'écrit cette nouvelle génération - parfois plus âgée que les gens en place - qui va « faire de la politique autrement ».

Ils veulent une démocratie directe. Ils veulent interroger directement le peuple. C'est merveilleux, cela a été voté dans une loi d'août 2003 et nous complétons par cette loi de responsabilités - et, bientôt, comme le proposera le rapporteur, « loi de libertés et responsabilités locales ».

Autrement dit, cette démocratie directe tombe à pic pour nous, les vieux élus qui faisons de la politique comme hier (Sourires.) mais qui allons interroger directement le peuple, via le référendum, pour faire trancher des questions qui se posent à des communautés.

Pour les communautés de communes - c'est la nouveauté de la loi -, le référendum permettra d'obtenir un avis, qui ne sera pas décisionnaire.

Je trouve, monsieur le ministre, entre vous et moi, cette subtilité sémantique extraordinaire. Imaginons qu'un président de communauté de communes fasse un référendum, qui n'aura pas valeur de décision. Il pourra faire exactement le contraire de ce qu'ont voté ces administrés. C'est assez drôle ! Mais on a tenu à être subtil. C'est le côté français.

Les communes peuvent procéder à un référendum décisionnel, tandis que pour les communautés, il ne s'agit que d'un avis - que nous serons d'ailleurs, cela dit entre vous et moi, évidemment obligés de suivre.

Je retiens donc le point essentiel : il y aura démocratie directe, et c'est une bonne chose.

Sur le droit de pétition, « politique autrement » ! Nous aurons la possibilité de faire encore des pétitions pour demander que tel ou tel point soit mis à l'ordre du jour. C'est encore une « autre manière de faire de la politique ». Cela figure dans ce texte.

Mes chers collègues, je veux bien que, pour des raisons « un peu politiciennes », vous soyez inquiets. Je partage votre souci et je m'en suis expliqué. Mais prétendre que la situation actuelle est florissante, merveilleuse, que les transferts de charges pour l'APA, le SDIS, la RTT ont été parfaits, et qu'il ne faut rien changer, cela demande quand même un « culot d'acier ». (Sourires.)

On pourrait se mettre d'accord pour reconnaître que cela ne marche pas si bien depuis quelques années et qu'il serait temps - vingt ans après les premières lois de décentralisation - de passer à l'acte II.

Oui, il faut clarifier les compétences, rendre plus cohérente et plus proche des administrés l'action de chaque niveau de collectivité.

Le projet de loi est excellent. Il y a des inconnues... La belle affaire !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Et en 1982 ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Si vous êtes capables de toujours savoir ce qui va vous arriver demain, vous détenez de rares dons de prophétie.

M. Augustin Bonrepaux. On sait ce qui va nous arriver !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ne ratons pas le train de la modernité. Nous rendons service à toute la France par ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Rappel au réglement

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Après le rappel au règlement de M. Jean-Pierre Balligand, puis la réponse de M. le ministre, le président de la commission des lois nous a présenté un « balayage » - qu'on peut qualifier de général, de politique, de la manière dont il aborde ce sujet.

Si l'on veut avancer, éviter les approches simplificatrices, les clivages partisans, nous devons parvenir à un échange, et je vous remercie, monsieur Clément, d'y avoir contribué.

Mais il faut lever un malentendu et surtout éviter le procès d'intention en conservatisme qui nous est fait. Contrairement à ce qui a été dit, nous ne sommes pas les partisans de l'immobilisme en matière d'institutions et d'organisation des pouvoirs publics de notre pays. Je tiens à m'inscrire en faux contre ces propos.

Vous avez rendu hommage à Jean-Pierre Balligand, qui est le président de l'Institut de la décentralisation. Lui, comme beaucoup d'autres socialistes, ici, nous sommes des militants de la décentralisation.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cela se voit !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons fourni la preuve dans notre action, en tant qu'élus locaux - et nous sommes nombreux à l'être - que nous étions des partisans de cette délégation de responsabilités aux collectivités locales. Nous avons exercé des responsabilités de parlementaires ou de ministres - c'est le cas ici de Daniel Vaillant, qui a défendu le projet de loi de démocratie de proximité. Quand on établit le bilan de toutes les lois qui ont fait progresser l'organisation de la gestion des pouvoirs publics de notre pays depuis 1981, on constate que beaucoup de choses ont été faites : les lois Mauroy-Defferre, auxquelles vous faites référence ; les lois Joxe ; les lois Chevènement. Ce sont autant d'avancées dans l'approfondissement de la décentralisation. Et nous ne sommes pas opposés à une nouvelle étape de cette décentralisation. Bien au contraire ! Jean-Pierre Balligand l'a dit excellemment, hier, en défendant la question préalable.

Mais nous posons effectivement une question « préalable », légitime, à laquelle vous n'avez pas répondu, monsieur Clément. Il n'y a rien là d'« électoraliste ». Nous souhaitons simplement que nos citoyens soient convenablement éclairés au moment où ils auront à se prononcer pour désigner leurs conseils généraux et leurs conseils régionaux. Est-il anormal qu'ils sachent ce qu'il adviendra en ce qui concerne ce transfert massif de nouvelles responsabilités de l'Etat vers les collectivités locales, qui représente un ensemble d'environ 11 milliards d'euros ? Ce n'est pas rien !

Je vais prendre un exemple concret. Le président de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, nous disait hier que actuellement, l'administration du conseil régional de l'Ile-de-France compte 1 100 agents et que, demain, si votre projet de loi est voté, 12 000 agents supplémentaires - aujourd'hui gérés par les services de l'Etat - seront affectés au budget de la région Ile-de-France. On passera brutalement de 1 100 à 13 000, 14 000 personnes. Est-on sûr que les moyens correspondant à la charge supplémentaire seront transférés dans le même temps, et sur la durée ?

Je vais prendre un autre exemple, monsieur Clément : le transfert des routes nationales aux départements. Vous savez très bien que, sur les bancs de l'UMP, beaucoup de députés présidents d'exécutifs locaux sont inquiets.


Prenons l'exemple du transfert des routes nationales : dans mon département de Loire-Atlantique, ce sont 340 kilomètres de routes nationales qui seront transférées au conseil général.

M. Alain Gest. C'est très peu de choses !

M. Patrick Balkany. Par rapport à ce qu'ils ont transféré il y a vingt ans !

M. Jean-Marc Ayrault. Comment son état sera-t-il évalué ? Jean-Pierre Balligand l'a excellemment démontré : on sait que l'Etat va sous-évaluer ses routes nationales, mettant du coup les conseils généraux dans une situation impossible.

M. Alain Gest. Les temps de parole ne sont-ils pas limités, même pour les présidents de groupe ?

M. Jean-Marc Ayrault. Vous-même l'avez d'ailleurs avoué, monsieur le président Clément : on ne mesure pas l'évolution du RMI et du RMA, avez-vous dit, et je vous en donne acte. Du reste, à cause de la politique du Gouvernement et des modifications qu'il a apportées au financement de l'allocation chômage et de l'ASS, le nombre de Rmistes s'est mis à augmenter dès le 1er janvier 2004. Autrement dit, la charge transférée va brutalement s'accroître et les conseils généraux vont se retrouver dans une situation financière très difficile. Vous-même venez de l'avouer, monsieur le président Clément, et je vais vous en faire la démonstration.

M. Christian Paul. Ce sont des pyromanes !

M. Jean-Marc Ayrault. Avec l'appui de nombreux conseillers généraux et sénateurs de droite - car les responsabilités de chacun doivent être mises en lumière, particulièrement au moment où l'on se présente devant les électeurs -, vous avez proposé, monsieur le ministre, de permettre aux conseils généraux d'instaurer des péages sur les voies express, c'est-à-dire les routes nationales qui seront transférées aux départements.

M. le président. Monsieur Ayrault, j'aimerais que nous puissions avancer...

M. Jean-Marc Ayrault. Précisément, monsieur le président, il faut éclairer le débat avant d'avancer !

D'où vous est venue cette idée ? C'est tout simplement que vous craignez de devoir faire face à une situation tellement délicate, sachant que l'aide sociale est la compétence principale du département...

M. Alain Gest. Mais pas du tout !

M. Jean-Marc Ayrault. Aussi vous accordez-vous une marge de manœuvre en faisant payer non seulement le contribuable, mais également l'usager. Voilà le choix que vous avez fait, et voilà pourquoi les Français sont inquiets. Car ils ont déjà vu les conséquences de votre politique : l'alourdissement de la fiscalité des ménages alors que, dans le même temps, l'on nous annonce la suppression de la taxe professionnelle !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je croyais que c'était un rappel au règlement !

M. le président. Vous savez comment sont souvent utilisés les rappels au règlement, et des deux côtés...

M. Bruno Bourg-Broc. Même pour un rappel au règlement, le temps de parole est limité !

M. le président. Je vais prier le président Ayrault de conclure.

M. Jean-Marc Ayrault. Il est tout de même assez extraordinaire d'entendre le ministre de l'intérieur nous expliquer hier qu'on allait supprimer la taxe professionnelle pour la réinventer aujourd'hui ! Pourquoi ce revirement subit depuis le 1er janvier 2004 ? Tout simplement parce que nombre d'élus de la majorité se sont rendu compte que nous allions à la catastrophe financière.

Que demandons-nous ? C'est clair, c'est essentiel, et vos arguments ne sont que des constructions, monsieur Clément,...

M. le président. Monsieur Ayrault, il faut conclure.

M. Jean-Marc Ayrault.... une démonstration précieuse et brillante,...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Très brillante !

M. Jean-Marc Ayrault.... mais ils ne sauraient nous convaincre. Le Conseil constitutionnel a rappelé le sens de la réforme constitutionnelle : la loi organique, a-t-il dit, doit expliquer clairement les conditions financières de ces transferts. C'était le préalable.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Mais c'est dans la loi !

M. Augustin Bonrepaux. C'est bien cela, le problème !

M. Jean-Marc Ayrault. Je vous mets au défi, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois...

M. le président. Monsieur Ayrault, il faut vraiment conclure !

M. Jean-Marc Ayrault. Je vais conclure, monsieur le président.

Les contribuables ont compris qu'il y avait un risque. Les élus locaux sont particulièrement inquiets et ils ont raison. Mais vous nous exposez à un risque majeur en créant les conditions d'une crise financière des collectivités locales proprement inextricable.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Vous avez fait bien pire !

M. Jean-Marc Ayrault. Or c'est ce que vous êtes en train de faire en lançant cette machine infernale que vous ne contrôlez plus ! Voilà le sens de nos interpellations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Nous allons enfin pouvoir débattre !

M. Jean-Pierre Balligand. Nous n'avons toujours pas la réponse sur les ressources propres !

M. le président. Elle viendra - peut-être - dans le cours de la discussion, monsieur Balligand.

M. Augustin Bonrepaux. Nous en doutons !

M. Jean-Pierre Balligand. Vous êtes encore jeune, monsieur le président ! (Sourires.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !

Discussion générale (suite)

M. le président. Nous poursuivons la discussion générale du projet de loi.

La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, mes chers collègues, ce projet de loi était attendu par tous les décentralisateurs convaincus...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Convaincus à défaut d'être convaincants !

M. Alain Gest. Et j'ai cru comprendre à l'instant que certains tenaient à l'affirmer très concrètement, pour le cas où d'autres, dans cet hémicycle, auraient pu en douter.

Ce texte vient en effet utilement compléter et clarifier la loi Defferre de 1982, dont la principale vertu a été de démontrer que les collectivités locales, dès lors qu'on leur faisait confiance, le président de la commission des lois vient brillamment de l'expliquer, sont capables d'être au moins aussi efficaces que l'Etat, si ce n'est plus, dans les missions de proximité qui sont les leurs.

Nous devons cette profonde réforme de notre organisation territoriale au Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. Il a su tenir bon pour que la majorité respecte le double engagement qu'elle avait pris en la matière à l'occasion des élections présidentielles, puis des élections législatives. Tenir bon, car il fallait passer outre les résistances et la désinformation.

Les résistances étaient de nature différente et, il est vrai, réparties un peu sur tous les bancs. Certaines du reste sont parfaitement respectables : à l'image de nombre de nos compatriotes, plusieurs d'entre nous pensent encore que le remède à tous nos maux se trouve toujours au niveau de l'Etat. Il est vrai que sa présence quasi tentaculaire depuis tant d'années rend l'idée de son effacement invraisemblable aux yeux des plus jacobins d'entre nous.

Pour tenter de les convaincre, je leur demande seulement d'imaginer un instant quelle serait aujourd'hui la situation des lycées et des collèges de France si les régions et les départements n'en étaient pas devenus les responsables voilà maintenant vingt ans.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, et M. Marc Le Fur. Absolument !

M. Alain Gest. D'autres résistances sont plus surprenantes quand elles émanent de ceux-là mêmes qui se sont tant glorifiés d'avoir soutenu à l'époque l'œuvre de Gaston Defferre et qui aujourd'hui se dérobent en inventant tous les prétextes possibles - nous avons encore à l'instant entendu évoquer les routes à péage, alors que le péage ne pourrait concerner que les créations et permettrait d'ailleurs d'accélérer bien des réalisations. Nicolas Sarkozy  le remarquait hier : ceux qui se glorifiaient d'avoir soutenu Gaston Defferre sont en passe de faire la même erreur que celle qu'avait commise l'opposition en 1982 : voter contre un projet qui améliorera l'efficacité de notre organisation territoriale.

Il fallait passer outre les résistances, mais également éviter les écueils. Le premier consistait à ne pas imaginer une nouvelle étape de la décentralisation, en copiant purement et simplement des systèmes établis chez certains de nos voisins. C'est oublier que ces pays sont souvent organisés selon un modèle fédéral alors que la France demeure un pays unitaire. Le Premier ministre le rappelait à juste titre en ouvrant nos débats : la conception de la région n'est évidemment pas la même en Allemagne et en Espagne que chez nous.

Deuxième écueil : ne tombons pas dans le simplisme, comme le disait hier Nicolas Sarkozy, en imaginant que toute simplification doit nécessairement passer par la suppression d'un des trois niveaux de collectivités territoriales. Contrairement à ce qui est souvent affirmé ici et là, et fréquemment repris dans la presse, nos voisins ont rarement adopté un système réduisant le nombre de collectivités territoriales. Et le Premier ministre s'est parfaitement rendu compte du rôle prééminent que jouaient les départements, notamment dans le domaine social. De même, il était évident que l'aspiration de nos compatriotes à davantage de proximité ne pouvait être satisfaite par l'attribution de compétences multiples à une collectivité - la région - que le mode d'élection de ses membres éloigne par trop du terrain.

Ce projet conforte donc les trois seuls niveaux de collectivités territoriales désormais consacrés par la Constitution : la commune ou ses groupements, qui constituent bien un seul et même niveau, le département et la région.

Reste à savoir si cette organisation ne doit pas remettre en cause la loi dite Voynet. M. Ayrault, qui citait à l'instant les grandes lois des gouvernements socialistes, l'a oubliée : est-ce à dire qu'il ne la retient pas dans son palmarès des belles réalisations ? Notons simplement que l'organisation définie par la loi Voynet prévoyait un quadrillage systématique du territoire national en « pays », aboutissant inévitablement à des structures administratives supplémentaires, ce qui ne manque pas de sel de la part de gens qui réclamaient dans le même temps la suppression d'un niveau de collectivité territoriale...

Permettre à des élus locaux qui en ressentent le besoin de travailler ensemble sur des projets, on ne peut qu'y être favorable. Mais de là à envisager un découpage généralisé du territoire français en pays, c'est là une affaire qui mérite d'être réexaminée une fois votée cette loi, qui aura clarifié le paysage institutionnel.

Le projet du Gouvernement a donc su éviter plusieurs écueils. Il présente également à mes yeux deux vertus essentielles : une indéniable clarification ainsi qu'une approche financière résolument nouvelle par comparaison avec les transferts de compétences réalisés depuis vingt ans.

La clarification était indispensable. Elle repose sur un principe simple : un seul responsable par politique - le président Clément le rappelait à juste titre tout à l'heure - ou, à défaut, un chef de file nettement désigné.

Fort de mon expérience de chef d'un exécutif départemental, j'ai pu mesurer la nécessité de mettre fin à la confusion des responsabilités, comme c'était le cas pour le RMI, entre l'Etat, la CAF et le département, comme c'est encore le cas pour les services départementaux d'incendie et de secours, entre l'Etat, les communes et le département - pensez-y, monsieur le ministre, dans la future loi sur la sécurité civile : je n'ai pas le sentiment qu'une amélioration de la situation se dessine à cet égard -,...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Si !

M. Alain Gest.... comme c'est toujours le cas en matière de formation professionnelle, entre l'Etat et la région. Autant d'exemples qui montrent, reconnaissons-le honnêtement, que l'efficacité doit largement être améliorée. La cogestion des responsabilités a conduit à leur dilution. Plutôt que d'avoir à assumer des compétences nouvelles partagées avec d'autre, un responsable de collectivité préférera désormais renoncer à les exercer.

A cet égard, je ne suis pas totalement persuadé, monsieur le ministre, que le dispositif prévu en matière de logement - qui ne constitue pas un transfert, mais une simple délégation de compétences - évitera le travers que je viens de décrire.

En dépit de l'indéniable clarification qu'il apporte, ce projet ne garantira pas pour autant une totale lisibilité de notre organisation territoriale par nos concitoyens. Le système reste par nature complexe, ce qui expliquerait, à entendre certains, le peu d'intérêt que suscite dans la population cette nouvelle étape de la décentralisation. Il me paraît indispensable, monsieur le ministre, que l'armature qui naîtra de l'adoption de cette loi fasse l'objet d'une grande campagne de communication initiée par l'Etat. Dès lors qu'ils prennent conscience de l'importance du rôle joué par chaque collectivité territoriale, nos compatriotes adhèrent très largement à l'organisation décentralisée de la République. On le voit bien dans les campagnes électorales qui se déroulent actuellement. Et si nous assistons à une diminution du nombre d'opinions favorables à la décentralisation, c'est essentiellement parce que, depuis plusieurs mois, certains se sont ingéniés à faire rimer décentralisation avec augmentation de la fiscalité locale et inégalités supplémentaires.

S'agissant des prétendues inégalités, comment peut-on imaginer que les collectivités territoriales assument plus ou moins bien les compétences qui leur sont confiées selon que leurs richesses sont plus ou moins importantes ? Un seul exemple : la Picardie...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Au hasard ! (Sourires.)

M. Alain Gest. Parfaitement, monsieur le président, la Picardie ! Première région de France en euros par habitant pour la construction et l'équipement des lycées, la Picardie est-elle pour autant une des régions les plus riches de France ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Non !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Cela va venir !

M. Alain Gest. Peut-être ! Mais ce n'est, hélas ! pas le cas pour l'instant.

Pourquoi donc l'action menée hier par les collectivités territoriales pour rattraper des retards dans certains domaines ne pourrait-elle aujourd'hui profiter à d'autres ? Ce genre de débat relève donc du procès d'intention.

Quant à l'augmentation récente de la fiscalité locale, chacun sait qu'elle est due pour l'essentiel à trois mesures prises par le gouvernement précédent : la prise en compte des 35 heures, les mesures en faveur des services d'incendie et de secours - on n'a pas fini de les chiffrer - et, bien sûr, l'allocation personnalisée d'autonomie.

M. Daniel Vaillant. Vous l'avez votée !

M. Alain Gest. Monsieur Vaillant, je suis à votre disposition pour vous donner les chiffres de la Somme.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. Alain Gest. Cela m'amène à souligner l'honnêteté avec laquelle le Gouvernement aborde aujourd'hui les transferts nouveaux sur le plan financier.

M. Daniel Vaillant. Attendez la suite !


M. Alain Gest
Comme le soulignait à juste titre notre rapporteur Marc-Philippe Daubresse, jamais, les transferts de compétences n'avaient été entourés d'autant de garanties, en ce qui concerne les transferts financiers et de personnels.

Une garantie est désormais donnée par la Constitution. Le montant des transferts est clairement énoncé, et des précisions seront encore apportées par des amendements votés à l'initiative du rapporteur en commission des lois. La légitime préoccupation des élus de tous les groupes a été prise en compte. Nous avons une obligation de résultat sur ce sujet. Pour que la décentralisation soit convaincante, elle doit démontrer qu'elle peut être synonyme de sagesse fiscale.

Si, à la clarification et aux engagements financiers, on ajoute les excellentes mesures prévues pour améliorer les conditions de financement des EPCI, notamment en encourageant leur fusion, ainsi que le rétablissement par le Sénat du transfert de la médecine scolaire aux départements, on ne peut que soutenir le texte qui nous est présenté aujourd'hui.

Bien sûr, monsieur le ministre, certains domaines ont été laissés de côté. Peut-être y pensiez-vous hier lorsque vous envisagiez déjà l'acte III de la décentralisation ? Le secteur de l'environnement aurait sans doute mérité d'être plus développé. Je pense notamment aux politiques de l'eau, où la superposition d'administrations de l'Etat - DDE, DDA, DIREN - et d'établissements publics comme les agences de l'eau, mériterait d'être revue.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. Alain Gest. Une simplification peut venir de la modernisation des services de l'Etat.

Je pense également au sport. J'ai déposé, malheureusement sans être suivi - sans doute à cause de la sanction de l'article 40 -, un amendement proposant le transfert aux départements des personnels et des missions d'animation des directions départementales de la jeunesse et des sports. Je ne serai pas entendu. Mais chacun conviendra que ce serait une mesure de bon sens, plutôt que de maintenir une administration dépourvue de moyens, alors même que l'action est désormais conduite essentiellement par les conseils généraux.

Enfin, inutile d'insister sur le fait que le président du conseil général que je suis, regrette le retrait du texte relatif au transfert des assistants sociaux scolaires, tant la cohérence justifiait que ces travailleurs sociaux intègrent les équipes des conseils généraux.

De même, comme le président et le rapporteur de la commission des lois, je serai très attentif, monsieur le ministre, aux précisions que vous serez amené à nous donner concernant le statut des personnels TOS, ...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Oui !

M. Alain Gest. ...qui sera désormais confié aux départements et aux régions.

Je ne m'inquiète pas de leur nombre, mais de la façon dont nous aurons à les gérer s'il advenait que cela aboutisse à créer une fonction publique territoriale supplémentaire. Il y en a déjà trois et cela suffit largement à notre bonheur !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. Alain Gest. Mes chers collègues, ne boudons pas notre plaisir, comme le font nos collègues de l'opposition.

Le Gouvernement nous propose avec ce texte une réelle avancée dans l'organisation décentralisée de la République. Au fond d'eux-mêmes, les véritables décentralisateurs ne peuvent le nier. Affirmer le rôle des départements et des régions, conforter l'intercommunalité, veiller à des transferts financièrement acceptables, cela n'était pas si évident au début de nos débats.

L'UMP soutiendra donc ce texte sans états d'âme. Il ne nous restera plus ensuite qu'à faire partager par nos concitoyens cette passion pour la décentralisation que ses acteurs vivent au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Balkany.

M. Patrick Balkany. Monsieur le ministre, je dois dire que je suis très étonné, sans doute comme vous et comme l'a été le président de la commission des lois, qui nous l'a fait savoir avec brio, par la réaction de l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ces gens, il y a vingt ans, nous ont montré combien il était important de décentraliser et nous ont imposé, sans transfert de ressources, le transfert des collèges et des lycées. J'étais alors vice-président en charge de ce secteur au conseil général des Hauts-de-Seine.

M. Christian Paul. Ce n'est pas à vous qu'on pensait, monsieur Balkany.

M. Patrick Balkany. Je me souviens qu'à l'époque, vous vous étiez engagés à verser les fonds nécessaires à la décentralisation. Nous n'en avons jamais vu la couleur !

M. Christian Paul. Vous avez trouvé d'autres ressources !

M. Patrick Balkany. Le Gouvernement d'aujourd'hui fait, lui, un effort inscrit dans la Constitution et nous garantit, pour l'avenir, les ressources que vous n'avez jamais données lors de la première étape de la décentralisation. Je tenais à faire ce rappel.

M. Christian Paul. Vous avez trouvé des ressources de poche !

M. Patrick Balkany. Je voudrais aborder un point qui, je le sais, vous tient particulièrement à cœur, monsieur le ministre, celui de l'animation de nos communes.

M. Christian Paul. Il reste quatre minutes d'intervention, monsieur le président.

M. Patrick Balkany. Pour qu'il y ait de l'animation, il faut du commerce. L'animation doit se faire tous les jours dans nos communes, y compris le dimanche. Il faut aussi, comme l'a demandé le Président de la République, que nous trouvions des moyens pour procurer des emplois aux jeunes, aux femmes, aux familles monoparentales qui doivent subvenir à leurs besoins.

M. Christian Paul. C'est pathétique !

M. Patrick Balkany. En regardant tout à l'heure les étudiants qui étaient présents dans les tribunes de notre assemblée - ils viennent malheureusement de partir -, ...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ils sont allés travailler.

M. le président. Poursuivez, monsieur Balkany.

M. Patrick Balkany. ...je me suis dit que ces jeunes allaient avoir bien du mal à trouver de petits emplois, le week-end par exemple, si l'on ne permet pas...

M. Augustin Bonrepaux. Surtout quand on supprime les emplois-jeunes !

M. Patrick Balkany. ...aux magasins d'ouvrir le dimanche.

Or, dans une excellente interview de vous, monsieur le ministre, dans le Journal du Dimanche du 18 mai 2003, ...

M. Christian Paul. Il fayote !

M. Patrick Balkany. ...j'ai lu : « Magasins ouverts, le mouvement est lancé. » À la question de savoir dans quels délais cela pouvait se faire, vous aviez répondu que les choses pouvaient aller assez vite et qu'il suffisait de quelques lignes dans la loi ordinaire sur le transfert des compétences.

M. Christian Paul. On voit quels intérêts vous venez servir !

M. le président. Monsieur Paul !

M. Patrick Balkany. Vous disiez aussi une chose extrêmement importante, à savoir que le préfet a vocation à faire respecter les lois de la République, pas à réguler l'activité économique du département ou de sa région.

Eh bien, nous sommes dans les transferts de compétences. Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de prévoir dans votre loi - et je vous céderai volontiers mon amendement afin qu'il devienne l'amendement du Gouvernement - ...

M. Christian Paul. L'amendement de la honte !

M. Patrick Balkany. ... de transférer aux maires le pouvoir dévolu aux préfets d'autoriser l'ouverture des commerces cinq dimanches par an. Vous aviez aussi envisagé de passer à huit.

C'est bon pour tous les maires, quelle que soit leur couleur politique, de disposer de ce pouvoir. Cela va dans le bon sens, celui de la décentralisation, du transfert de compétences.

M. Daniel Paul. Et dans l'intérêt des salariés !

M. Patrick Balkany. Cela vous ennuie-t-il donc tant, mesdames et messieurs de l'opposition, que les jeunes puissent trouver un emploi le dimanche ?

Je me souviens d'un jeune étudiant en droit et à Sciences Po, dans ma circonscription. Le samedi, il vendait des glaces et le dimanche, il travaillait chez le fleuriste.

M. Daniel Paul. Le reste de la semaine, il était au chômage !

M. Patrick Balkany. Aujourd'hui, il est ministre de l'intérieur ! Alors, vous voyez, même les futurs ministres de l'intérieur ont besoin d'avoir un travail le dimanche. Aidez ces jeunes, ils en ont besoin ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. C'est honteux pour la République !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il fallait vraiment entendre ça !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, puisqu'aujourd'hui, tout le monde se réfère aux lois de décentralisation de 1982, je veux rappeler que celles-ci avaient institué un statut particulier et démocratique pour Paris, Marseille et Lyon. Je veux vous prendre au mot, monsieur le ministre, et utiliser ce temps de parole pour essayer d'optimiser la place des mairies d'arrondissement des trois plus grandes villes françaises, Paris, Marseille et Lyon, dans la future loi de décentralisation relative aux responsabilités locales.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Frédéric Dutoit. Je ne reviendrai pas sur les propos de mon ami François Liberti et son survol, en quelques minutes, d'un projet d'envergure qui consacre l'abandon de l'autorité et de l'action régulatrices de l'Etat à travers une décentralisation qui avance à reculons jusqu'à travestir l'esprit de la loi de 1982.

La version sénatoriale de votre projet de loi, monsieur le ministre, ne correspond pas aux attentes d'une société française en mal de repères. La crise du rapport des citoyens à la chose publique, illustrée par le séisme politique du 21 avril 2002, mérite une réponse politique audacieuse. La chose publique ne doit plus être entre les mains des seuls élus.

Il y a urgence à moderniser la manière de concevoir les complémentarités de la démocratie représentative et de la démocratie participative.

Ce qui est à l'ordre du jour, me semble-t-il, c'est avancer activement vers une citoyenneté qui restitue aux habitants des droits et des pouvoirs trop concentrés dans les institutions. C'est intégrer dans la vie de Paris, Marseille et Lyon les nouvelles réalités induites par les lois du 12 juillet 1999 et du 27 février 2002.

Il convient de favoriser l'engagement volontaire du citoyen et de lui reconnaître un rôle éminent dans le fonctionnement démocratique des institutions.

La décentralisation, dans le double sens d'une déconcentration et d'une démocratisation des lieux de décision, devient, jour après jour, une exigence incontournable, même s'il n'est pas inutile de rappeler ici que l'Etat doit être le garant de la cohésion et de la cohérence nationales.

A défaut, la décentralisation ne fera qu'accroître l'étranglement financier des différentes collectivités territoriales et locales et ne constituera qu'un leurre destiné à ne transférer en réalité que la responsabilité des carences de la puissance publique dans la réponse aux besoins de la population.

Nous nous prononçons en faveur d'une loi modernisée, capable de régénérer une démocratie participative à même d'améliorer la gestion dite de proximité.

Les mairies d'arrondissement doivent participer de cette visée, en étroite liaison avec l'essor de l'intercommunalité et de son action structurante dans l'aménagement et le développement durable du territoire.

Renforcer le rôle des mairies d'arrondissement vise, d'une part, à établir un point d'équilibre intelligent entre l'éloignement des pouvoirs et une meilleure appropriation citoyenne, et, d'autre part, à conférer aux mairies d'arrondissement un réel pouvoir d'analyse et de proposition afin d'être un réel partenaire auprès des mairies centrales et des établissements publics de coopération intercommunale, un réel partenaire auprès de toutes les instances mises en place par l'Etat, les collectivités territoriales et locales lorsque tout ou partie d'un arrondissement est concerné.

Les mairies d'arrondissement de ces trois villes doivent être reconnues par la loi comme des partenaires incontournables. Elles doivent prendre leur place, rien que leur place mais toute leur place, dans la gestion publique.

Dans le même mouvement, nous proposerons de faciliter explicitement la simplification de l'interpellation des conseils d'arrondissement par les citoyens.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il fallait le faire dans la loi Vaillant !

M. Frédéric Dutoit. D'une manière générale, les amendements que nous défendrons tendent à harmoniser durablement les relations entre les mairies d'arrondissement et les mairies de Paris, Marseille et Lyon, entre les mairies d'arrondissement de Marseille et Lyon et les communautés urbaines de ces deux métropoles.

En définitive, nous invitons la représentation nationale à avancer efficacement non pas vers des partages de compétences, mais bel et bien vers des compétences partagées. Je ne doute pas que les élus, maires d'arrondissement, par ailleurs députés dans cet hémicycle, seront à mes côtés pour soutenir les amendements que nous proposerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un an déjà, à l'occasion des discussions sur le projet de loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, nous avions exprimé notre attachement à la poursuite de la décentralisation. Aujourd'hui, nous franchissons la seconde étape avec ce qui est communément appelé l'acte II de la décentralisation.

Nul n'en doute, la réforme est nécessaire, et ce texte va dans la bonne direction. Les travaux du Sénat ayant apporté un certain nombre d'améliorations, je suis persuadé que 1es débats à l'Assemblée seront aussi constructifs. Amélioration des relations entre les collectivités locales, développement économique, touristique et culturel : tel est, monsieur le ministre, le projet que vous nous présentez aujourd'hui. Hélas, comme cela a été dit avant moi, et je partage ce point de vue, le volet sportif a été oublié.

Cette nouvelle organisation est néanmoins, j'en suis persuadé, gage de plus d'efficacité, d'attractivité et de compétitivité pour tous nos territoires.

C'est ainsi que les transferts de compétences proposés renforcent les structures territoriales françaises.


La région se voit confirmée dans son rôle de chef de file pour la formation et le développement économique, tandis que le rôle social du département est renforcé.

Monsieur le ministre, j'appellerai votre attention sur deux points qui me paraissent essentiels : d'une part, la place de la commune et des structures intercommunales et, d'autre part, le transfert de la fiscalité.

Fidèle à son souci de concertation, le Gouvernement a préparé ce texte avec les représentants des communes, des départements et des régions. Toutefois, l'échelon communal devrait être renforcé. En effet, cette réforme doit aller dans le sens d'une plus grande efficience de l'action locale, conformément au principe de subsidiarité, notamment en veillant à la place des communes et de leurs groupements. L'intercommunalité doit être stimulée et incitée chaque fois qu'elle peut l'être utilement.

Nous pourrions créer un véritable mouvement de reconnaissance de l'intercommunalité, encore mal connue de nos concitoyens. Cependant, de nombreux chevauchements de compétences nuisent à l'action et conduisent parfois à un certain immobilisme. Pourquoi ne pas mieux fixer le cadre des compétences de l'action intercommunale et municipale ? C'est ce à quoi tendront certains de mes amendements. Il s'agit de mieux associer les acteurs locaux pour en faire de réels partenaires. Comme l'a rappelé hier le Premier ministre, décentraliser, c'est responsabiliser le développement local, humaniser l'action politique, afin de la rendre intéressante pour le citoyen. Décentraliser, c'est également libérer les territoires, en en simplifiant la gestion.

Les nouveaux transferts de compétences doivent se traduire par une meilleure lisibilité du rôle de chaque niveau de collectivité et, surtout, par une plus grande efficacité de l'action locale. Je me réjouis donc que le Sénat ait adopté un amendement consacrant la commune comme échelon de proximité par excellence. Il est bon aussi qu'il ait ouvert aux communes l'appel à la délégation de compétences, reconnu aux communautés par le projet de loi.

Cependant, il me paraîtrait souhaitable de préciser les modalités selon lesquelles la commune peut participer à l'exercice de tout ou partie des compétences relevant du département ou de la commune. Un délai apparaît nécessaire pour l'examen de la demande par l'assemblée délibérante du département ou de la région. C'est pourquoi il semble souhaitable que la délégation de compétence au profit des communes et des EPCI soit facilitée par l'instauration d'une procédure simplifiée dans des domaines comme l'action sociale. Celle-ci aurait pour corollaire une coopération étroite entre la collectivité chef de file et les villes ou agglomérations délégataires.

En outre, le développement des territoires prend désormais appui sur la coopération entre les communes. Par exemple, les villes moyennes, dont la population est comprise entre 20 000 et 100 000 habitants, sont en grande majorité engagées dans une démarche d'intercommunalité : 93 % dans le cadre d'un EPCI à fiscalité propre et près de 50 % dans celui d'un pays. Soucieuses de la pérennisation de l'intercommunalité de projet, fondée sur la subsidiarité et la mise en réseau des moyens et des compétences, elles réaffirment parallèlement leur attachement à la préservation de la commune comme échelon de base de la démocratie locale.

La coopération entre les communes doit donc respecter l'identité et l'autonomie de chacune d'entre elles. De plus, les relations entre communes et communautés doivent avoir lieu dans la plus grande liberté possible. La voie contractuelle doit donc être privilégiée. A ce titre, il est souhaitable de modifier le code des marchés publics afin d'exclure les conventions entre communes et communautés du champ du droit de la concurrence, et pas seulement pour les mises à disposition de services.

Le projet de loi relatif aux responsabilités locales comporte plusieurs dispositions visant à simplifier et à rationaliser le fonctionnement de l'intercommunalité. Mais on peut regretter que l'intercommunalité à fiscalité propre ne soit que très peu concernée par les transferts de compétence - le logement, seulement par délégation - et que son rôle en matière de développement économique ne soit finalement pas reconnu.

Comme plusieurs de mes collègues, je m'interroge sur le transfert de la fiscalité locale. Hier, le Premier ministre a rappelé que responsabiliser les acteurs politiques en permettant une gestion au plus près du terrain coûterait moins cher aux contribuables. Néanmoins, nous devrons être particulièrement attentifs à la réforme des finances et de la fiscalité locale, laquelle doit permettre la mise en œuvre effective du principe de l'autonomie fiscale et financière, consacré par l'article 72-2 de la Constitution. Or, hormis pour les transferts de compétences entre communes et communautés, aucune disposition, pas même le code général des collectivités locales, ne précise les modalités du transfert de ressources en cas de transfert de compétences entre collectivités locales, corollaire pourtant indispensable.

Ainsi, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a opéré un transfert, à titre facultatif ou obligatoire, de la compétence « transports scolaires » du département vers les EPCI à fiscalité propre, mais elle n'a prévu aucune disposition quant au transfert de ressources, ce qui est aujourd'hui source de conflits et de difficultés financières pour certaines communautés.

A ce titre, les villes moyennes et leurs intercommunalités, qui revendiquent le renforcement de leurs relations avec un interlocuteur unique et naturel, à savoir le préfet, se réjouissent que le projet de loi réaffirme et renforce le rôle et la prépondérance de l'institution préfectorale.

Parallèlement, la simplification administrative, l'efficacité des politiques publiques et la libéralisation des initiatives devront, plus encore, être une préoccupation permanente.

Au-delà des textes et du droit positif, gardons à l'esprit que cette réforme indispensable doit être perçue comme telle, tant par les différents élus locaux que par nos concitoyens, c'est-à-dire par l'ensemble des contribuables. Pour ce faire, nous devons répondre à leurs attentes en assurant la stabilité de la fiscalité locale, en réduisant les inégalités territoriales et en améliorant le service rendu au public.

Je sais, monsieur le ministre, que vous avez gardé en mémoire ces différentes revendications à l'occasion de la préparation de ce texte. Pour autant, je crois qu'il est utile que chacun d'entre nous ait à l'esprit ces exigences fondamentales qui doivent inspirer nos travaux tout au long des prochains jours.

Pour conclure, monsieur le ministre, je rappellerai de nouveau que cette réforme tant attendue est une chance pour la France et les Français. Mais bien au-delà d'une simple vision hexagonale, cette réforme aidera nos territoires à rester et à être plus forts dans la compétition européenne.

La nouvelle organisation de la République favorisera l'initiative. Cet acte II de la décentralisation ne pouvait advenir que par la volonté d'un Etat fort, apte à se concilier la confiance des élus et des citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, la décentralisation de 1982 rendait le pouvoir aux citoyens dans les communes, les départements et les régions. Mais peut-on encore appeler « décentralisation » des transferts de charges et de déficits qui vont entraîner une escalade des impôts locaux ?

Le véritable objectif de cette décentralisation n'est-il pas de réduire les dépenses de l'Etat pour tenir la promesse de baisser l'impôt sur le revenu en transférant les charges sur les impôts locaux ? Telle est notre inquiétude majeure. Rien de ce qu'on nous dit à cet égard ne peut nous rassurer.

Vous prétendez que le Constitution garantit l'autonomie financière des collectivités locales, mais vous l'avez manipulée pour favoriser les transferts de charges sans risquer une sanction du Conseil constitutionnel.

La Constitution garantirait que les charges transférées soient compensées par les crédits inscrits dans le budget de l'année précédente. C'est la première supercherie ! Car ces crédits ne sont pas à la hauteur des charges transférées et ils ont souvent été réduits dès 2003. De plus, ils ne sont pas tous inscrits dans les budgets correspondants.

Vous avez donc modifié les règles antérieures aux termes desquelles les compensations correspondaient aux crédits nécessaires à l'exercice normal des compétences transférées. De ce fait, la Constitution ne garantit plus l'évolution des charges transférées, contrairement aux compensations qui étaient indexés sur la DGF. Le produit de TIPP transféré n'est pas évolutif, contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le ministre. C'est la deuxième supercherie !

Le respect du protocole de Kyoto et l'effort de modération de la vitesse de circulation limitent la consommation de carburant. Les taux risquent bien de ne pas évoluer si vous voulez respecter vos promesses et surtout ne pas fâcher vos amis de l'UDF.

Cette absence d'évolution est confirmée aussi bien par le rapport de Mme Boutin, rapporteure de la loi de décentralisation du RMI, qui indique que l'évolution de la consommation de carburant est inférieure à l'inflation, que par celui de M. Carrez, rapporteur général, qui prouve que, depuis 2002, la consommation de carburants diminue. Même le ministre du budget, M. Alain Lambert, reconnaît que, dans l'exécution du budget de l'Etat pour 2003, la consommation globale de carburants s'est contractée de 1 %. Il est surprenant de ne rien trouver sur le sujet dans le rapport de M. le rapporteur de la commission des lois ou dans celui de M. le rapporteur de la commission des finances, qui a pourtant annoncé ici des chiffres. Il est tout de même surprenant que tous les rapporteurs qui viennent ici nous expliquer que cette compensation est évolutive n'avancent aucun argument pour le prouver.

Comment peut-on parler de ressource propre alors que les départements ne pourront pas la faire évoluer ? Pourquoi les régions auraient-elles le pouvoir de la faire évoluer si elle est aussi évolutive que vous le prétendez ?

Enfin, n'y a-t-il pas rupture d'égalité entre les départements et les régions, qui n'auront pas les mêmes moyens de faire face aux charges transférées ?

L'exemple du transfert du RMI est édifiant. Les dépenses de 2003 ont augmenté automatiquement de 1,5 % au 1er janvier du fait de l'indexation. L'exclusion des chômeurs des ASSEDIC au 1er janvier les oriente vers le RMI qui est leur dernier recours. La suppression de l'ASS au 1er juillet amènera aussi les chômeurs de longue durée vers le RMI.

De plus, chaque contrat RMA, et cela est prouvé par Mme Boutin, entraînera une augmentation de près de 15 % et des coûts de gestion supplémentaires du fait de la contractualisation avec les entreprises et des contrôles à effectuer, comme le prévoient vos décrets. Rappelons enfin qu'aucune réponse n'a été apportée sur les agents de l'ANPE qui participaient jusqu'à présent à la gestion et à l'insertion des bénéficiaires du RMI. Ce n'est pas la correction financière prévue pour la fin de 2004 qui va changer les choses puisque ces charges apparaîtront pour l'essentiel en 2005.

Toutes ces augmentations seront bien à la charge des départements, qui ne recevront pour toute compensation que la part du produit de TIPP correspondant à la dépense de RMI en 2003. Il est donc indiscutable que ce transfert des charges correspondra dès la première année à 2 % ou 3 % d'augmentation d'impôts locaux et se reproduira malheureusement chaque année, parce que ces dépenses sont, elles, évolutives, tandis que le produit transféré ne l'est pas.

La situation, déjà alarmante, va s'aggraver avec le transfert des TOS de l'éducation nationale, de la médecine scolaire, du logement, de la voirie.

Pour le personnel de l'éducation nationale, le problème n'est pas uniquement financier. Vous engagez en réalité le démantèlement de l'éducation nationale car vous divisez la communauté éducative qui contribue à la formation. Est-ce que les agents de laboratoire des lycées et collèges ne sont pas étroitement associés à la préparation de l'enseignement ? Comment vont fonctionner les établissements sous deux directions différentes, l'une exercée par l'Etat, l'autre par le département ou la région ?

Surtout, quels sont les personnels transférés et comment sont évalués ces transferts ? Il y a dans tous les établissements, y compris dans ceux de l'Ariège, 60 % de contractuels, d'agents sous contrats CES ou CEC qui n'émargent pas au budget de l'éducation nationale et qui sont pourtant indispensables au bon fonctionnement de ces établissements.


Pour l'instant, rien ne garantit que les crédits correspondants seront transférés, et nous pouvons craindre les mêmes surprises que pour le RMI, avec des conséquences encore plus importantes, avec une hausse considérable des impôts locaux.

Le transfert de la médecine scolaire pose la question beaucoup plus grave des compétences de l'Etat. La santé publique demeure-t-elle une cause nationale ou sera-t-elle bradée par lambeaux - une partie revenant aux départements, une autre aux communes avec la loi sur les territoires ruraux, une autre, enfin, au privé, avec la réforme de l'assurance maladie ?

Le Gouvernement ne s'était-il pas engagé à la maintenir au nombre des compétences de l'Etat ? Qui, dans cet hémicycle, peut prétendre que les médecins et infirmières sont assez nombreux dans les établissements scolaires, et qu'il ne s'agit pas, là encore, d'un transfert massif de charges supplémentaires ? Que deviennent la solidarité nationale et la responsabilité de l'Etat face à tous les problèmes de santé et aux épidémies auxquels les établissements sont confrontés ?

Je ne m'attarderai pas sur les autres exemples de transferts de charges, qu'il s'agisse de logement ou de voirie, car je souhaite surtout dénoncer la manipulation de l'opinion à laquelle vous vous livrez avec la péréquation, que vous avez fait inscrire dans la Constitution et dont vous parlez beaucoup, mais qui est mort-née, parce que vous manquez de volonté politique.

Vous demandez au Comité des finances locales de résoudre la quadrature du cercle : il est chargé de vous faire des propositions à enveloppe constante et en garantissant les dotations existantes - il ne faut pas, évidemment, désobliger les Hauts-de-Seine ! Mais comment, dans ces conditions, améliorer la péréquation ?

Dès cette année, d'ailleurs, les résultats sont édifiants, et il n'y a pas de quoi pavoiser. L'évolution de toutes les dotations aux communes et groupements de communes reste inférieure à l'inflation, et ce même pour les communes pauvres. En effet, l'augmentation affichée de 2,9 % n'est, en réalité, que de 1,9 % pour la DSU et la DSR, et est inférieure à 1 % pour la dotation forfaitaire. Ces chiffres sont gonflés artificiellement : vous avez fait une erreur, à notre détriment et à votre avantage, en affichant un supplément de 25 millions d'euros à répartir, qui n'existe pas, et que vous ne manquerez pas de reprendre à la prochaine régulation. Voilà encore une manipulation !

Cette évolution est aggravée par toutes les réductions de crédits qui frappent les collectivités rurales. Le Gouvernement ne se contente pas de réduire les subventions qu'il leur verse par l'intermédiaire, notamment, du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, ou du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, mais il confisque aussi les crédits européens dont elles bénéficient pour remplacer les crédits de l'Etat. Ainsi, comme c'est le cas dans la région Midi-Pyrénées, les territoires manquent des moyens indispensables à leurs projets.

Pour conclure, je tiens à souligner le ridicule de cette réforme constitutionnelle qui, contrairement à ce que vous affirmez, ne garantit rien et ne sert à rien. En effet, dans la loi constitutionnelle, vous appliquez les termes vagues de « part déterminante » à des ressources propres qui ne sont pas définies. Ce principe se révèle inapplicable, comme vous l'avez reconnu devant le Conseil constitutionnel, faute de loi organique expliquant et traduisant en termes concrets et opposables ce qu'est cette « part déterminante ». C'est bien là que se situe le problème essentiel. Vous refusez d'examiner cette loi organique avant la loi de décentralisation, car votre projet est précisément en contradiction avec cette réforme.

Le rapporteur pour avis de la commission des finances lui-même met en évidence le grotesque de cette réforme : « La définition donnée par le projet de loi organique de la "part déterminante" des ressources propres comme celle garantissant "la libre administration des collectivités territoriales compte tenu des compétences qui lui sont confiées" n'apporte pas de réponse claire. Si le projet de loi organique était adopté en ces termes, il incomberait au Conseil constitutionnel de déterminer à partir de quel niveau les mesures financières prises par l'Etat ne permettent plus de garantir la libre administration, ce qui était la situation, fort critiquée, antérieure à la réforme constitutionnelle. »

Nous avons donc fait une réforme pour rien ! Cette manipulation burlesque est dévoilée au grand jour dès sa première application : la modification que vous avez apportée à la Constitution est si imprécise qu'il faut maintenant l'expliquer par une loi organique, et vous proposez de revenir à la rédaction précédente ! Ce n'est pas très glorieux ! Vous rendez-vous compte combien le Gouvernement se rend ridicule avec cette nouvelle mystification, qui ridiculise aussi tous ceux qui sont allés la voter à Versailles ?

Vous comprendrez que tout cela justifie notre opposition à ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conclusions de la commission Mauroy, comme celles des Assises des libertés locales, ont souligné que nos concitoyens aspirent à une nouvelle étape de la décentralisation. Nous demandons - c'est classique sur tous les bancs de cet hémicycle - plus de clarté. Comme l'a souligné avec force Nicolas Sarkozy, la décentralisation doit contribuer à simplifier et à clarifier notre paysage administratif.

Nous demandons aussi plus de proximité, et donc plus de responsabilité. Le Président de la République a tracé les contours d'une réforme audacieuse de l'Etat, basée sur une double exigence : la restauration d'un Etat fort recentré sur ses missions régaliennes et la mise en place d'une organisation décentralisée de la République, permettant de conjuguer proximité et efficacité.

Les élus locaux, les maires de France, adhèrent à cette démarche ambitieuse et exigeante. Ils ont la perception claire de leur rôle essentiel dans la République. Mais ils ont besoin d'être éclairés sur le contenu, le sens et la portée d'une réforme dont ils tiennent à être partie prenante.

A l'heure de la mondialisation et de ses défis, ses chances et ses risques de meurtrissures, les collectivités locales sont des espaces essentiels de solidarité et de cohésion sociale, où chaque jour le maire recoud le tissu social.

Sur un autre registre, les collectivités territoriales sont aussi une source essentielle d'investissements publics. Comme le montre très bien le rapport de Marc-Philippe Daubresse, 70 % de l'investissement public réalisé en France en 2002 l'a été par la formation brute de capital fixe des administrations publiques locales.

On l'aura compris : la décentralisation ne peut se faire sans les maires, qui expriment à cet égard des préoccupations d'ordre juridique et financier.

Sur le plan juridique, il nous faut affirmer le rôle des maires, de la commune et de l'intercommunalité dans la nouvelle organisation territoriale décentralisée. La commune est, et doit rester, le socle sur lequel reposent l'architecture institutionnelle et la vie démocratique de notre pays. Les maires de France souhaitent que la loi affirme les principes de subsidiarité, de non-tutelle, de contractualisation des relations entre collectivités territoriales, pour éviter tout risque de recentralisation des pouvoirs, des compétences et des moyens au niveau des régions ou des départements. Ils souhaitent que soit largement ouvert aux communes le droit de faire appel de responsabilités.

Les communes et les EPCI ne doivent pas être cantonnés dans un rôle de sous-traitants des régions et des départements. De fortes inquiétudes s'expriment à ce sujet, qui doivent être apaisées. J'en donnerai deux exemples, d'un point de vue juridique.

J'évoquerai d'abord, monsieur le rapporteur de la commission des lois, de l'article 99A. Le texte du Sénat, avec l'adoption de l'amendement présenté par Daniel Hoeffel, président de l'Association des maires de France, déclinait le rôle des communes dans sa plénitude. Or le projet issu de la commission des lois risque d'en réduire sensiblement la portée, en limitant aux seuls cas expressément prévus par la loi le principe de l'association des communes à l'élaboration des schémas départementaux et régionaux et en ne permettant plus aux communes de prendre l'initiative d'une demande de participation à tout ou partie des compétences relevant de la région ou du département.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Un nouvel amendement a été déposé.

M. Jacques Pélissard. J'espère donc que l'amendement déposé par notre rapporteur permettra l'adoption d'une rédaction plus satisfaisante.

Par ailleurs, à l'article 49, notre commission a rétabli le seuil démographique de 50 000 habitants exigé des communautés de communes pour qu'elles puissent solliciter une délégation de compétence auprès du préfet de région en matière d'aide à la pierre. Or l'Association des maires de France et l'Association des communautés de France estiment que la possibilité de déléguer ces aides à la pierre sans condition de seuil est cohérente avec l'esprit de la loi, qui entend, en effet, favoriser le développement d'une politique locale de l'habitat et, selon vos propres termes, monsieur le ministre, donner une densité accrue aux EPCI investis d'un rôle de gestion locale de proximité, particulièrement nécessaire dans ce domaine.

Le fait que cette délégation de l'Etat à des EPCI volontaires soit conditionnée par l'existence d'un programme local de l'habitat approuvé par l'Etat et que les OPHLM restent les opérateurs naturels du logement social est de nature à apporter toutes garanties juridiques, techniques et financières au dispositif.

Dans ce contexte, n'est-il pas préférable de faire le pari de la responsabilité, du volontarisme et de l'investissement des EPCI, plutôt que le constat arithmétique de leur nombre d'habitants ? Monsieur le ministre, la réintroduction du seuil aurait pour conséquence principale de priver les EPCI d'une chance de disposer des outils nécessaires à une politique globale et cohérente de logement social.

En résumé, les communautés de communes pourraient participer à un schéma de cohérence territoriale et dresser un plan local de l'habitat, mais seraient ravalées au rang d'incapables majeurs en matière de délégation des aides à la pierre. Il nous faut, chers collègues, enrichir le texte du Sénat, au lieu de l'appauvrir en mettant les communautés de communes sous tutelle !

Le second point que je tiens à souligner est qu'il nous faut accompagner financièrement la décentralisation. Le ministre de l'intérieur a dit avec une grande franchise que tout gouvernement peut éprouver la tentation de se débarrasser au détriment des collectivités locales de charges ou de responsabilités coûteuses. Le diagnostic est pertinent, et l'excellent rapport que M. Hénart a rendu au nom de la commission des finances le démontre parfaitement en comparant les transferts des ressources et des charges.

Pour éviter que ne se renouvellent les dérives qui ont pu se produire dans le passé, le Gouvernement a mis en place une garantie essentielle avec l'article 72-2 de la Constitution, tel qu'il résulte de la loi du 28 mars 2003. Jamais auparavant n'avait été posée une telle règle, qui témoigne de votre souci de transparence et de loyauté. Le texte est clair, comme l'illustre - je tiens à le souligner pour notre collègue Bonrepaux - la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2003 relatif à la loi de finances pour 2004 : « Si les recettes départementales provenant de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers venaient à diminuer, il appartiendrait à l'Etat de maintenir un niveau de ressources équivalant à celui qu'il consacrait à l'exercice de cette compétence avant son transfert. »

Les articles 88A à 89 du texte que nous allons examiner organisent d'une façon qui me semble satisfaisante les principes généraux applicables à la compensation des transferts de compétences.

Je crois donc, monsieur le ministre, et je vous en remercie, à la loyauté du dispositif proposé.

En revanche, le périmètre des compétences transférées et compensées me semble présenter une lacune, pour ce qui concerne la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL. En effet, les transferts de personnels de l'Etat aux collectivités territoriales pourront concerner 130 000 agents. Le régime de la CNRACL étant, on le sait, légèrement plus favorable que celui de l'Etat, l'intégration progressive de ces agents à la CNRACL serait une tentation légitime. A terme, il faut donc craindre un déséquilibre grave de la CNRACL, puisque ces agents, dont une partie de la carrière aura été régie par le code des pensions civiles et militaires, auront peu cotisé à cette caisse au moment de la liquidation de leur pension.

Ainsi, monsieur le ministre, alors que le dispositif global apparaît, je le répète avec plaisir, cohérent et loyal, cette question est une véritable préoccupation pour l'ensemble des collectivités locales, et notamment par les communes, qui, en leur qualité d'employeurs, auront à supporter cette augmentation de charges - indirecte, certes, mais bien réelle.

Il serait donc utile de disposer dès à présent d'une évaluation du coût de ces transferts et de connaître les mesures de compensation envisagées.


Voici quelques coups de projecteur sur des points essentiels d'un projet de loi ambitieux, concerté - je pense en particulier au titre IX, qui a donné lieu à une vraie concertation. Ce titre comporte des dispositions pertinentes en matière d'intercommunalité ; elles sont particulièrement attendues par les élus locaux.

Je suis persuadé que notre travail sur ce texte permettra d'aboutir à une loi fondatrice d'une nouvelle gouvernance, plus efficace et donc moins consommatrice de fonds publics, plus proche des citoyens, qui responsabilise les acteurs et rende ainsi possible, chers collègues, l'épanouissement des valeurs de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais évoquer les articles 49, 50 et 51 du projet de loi, relatifs au logement.

Je ne peux le faire sans d'abord rappeler leur contexte, notamment la crise extrêmement grave que traverse ce secteur.

Selon les chiffres publiés au début du mois, la France compte aujourd'hui plus de trois millions de mal-logés. Parmi ceux-ci, plus de deux millions vivent dans des logements insalubres, 600 000 sont en situation de surpeuplement critique, 400 000 ne disposent que d'un hébergement temporaire et 86 000 n'ont tout simplement aucun domicile fixe.

Ces chiffres doivent d'autant plus nous alarmer que, loin de reculer, le fléau du mal-logement devient endémique et atteint désormais non seulement nos concitoyens les plus défavorisés, mais aussi ceux qui disposent de revenus moyens.

Mme Annick Lepetit. Exact !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Face à ce défi lancé à notre pacte social, les acteurs associatifs et les travailleurs sociaux, mobilisés sur le terrain, attendent tous un investissement massif des pouvoirs publics.

Las, le Gouvernement est pourtant resté insensible à cette attente et son premier bilan en matière de logement n'incite nullement à l'optimisme.

En effet, les dispositions proposées par la majorité actuelle, loin d'amorcer une sortie de la crise, contribuent à l'aggraver.

Sur le plan législatif, les lois votées et les projets en préparation s'ajoutent les uns aux autres sans aucune autre cohérence que celle, dramatique, de la libéralisation du marché locatif privé.

Mme Annick Lepetit. En effet !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sur le plan budgétaire, la loi de finances pour 2004 a enregistré un recul historique de 6,8 % des crédits du ministère du logement. Les aides à la pierre ont ainsi diminué de 8 %, bien que la France souffre d'un déficit de 600 000 logements ; les aides à la personne ont été réduites de 3,7 %, alors que 1e coût des 1oyers s'est partout enflammé : plus 5,5 % en province et plus 11,2 % à Paris. J'en profite pour rappeler les deux scandales inadmissibles que constituent la diminution par circulaire des crédits de l'ALT, l'aide au logement temporaire, et la non-revalorisation à ce jour des barèmes des aides personnelles, contrairement à tous les engagements pris publiquement, ici même, devant la représentation nationale !

Mme Marylise Lebranchu. C'est vrai !


M. Jean-Yves Le Bouillonnec
. C'est dans ce contexte, mes chers collègues, qu'il fallait replacer notre discussion sur les articles 49, 50 et 51 du projet de loi sur les responsabilités locales.

Ce projet de loi aurait pu marquer la prise de conscience par les pouvoirs publics de la gravité de la crise et mettre en œuvre une première série de mesures pour la combattre.

Tous les acteurs associatifs et institutionnels engagés sur le terrain du logement ont ainsi espéré que l'ouverture d'une nouvelle étape de la décentralisation permette d'ouvrir la voie à l'opposabilité du droit au logement. Consacré par différentes lois depuis plus de vingt ans, le droit au logement prend plus que jamais sa signification et son importance lorsque le logement fait défaut à des millions de nos concitoyens. Il était donc de la responsabilité du Gouvernement, avec le soutien du législateur, de prévoir dans ce texte des dispositifs qui puissent, progressivement, rendre l'application de ce droit effective. Or il n'en est rien.

La mise en œuvre d'un droit au logement opposable suppose de réunir trois conditions préalables : définir des objectifs assortis d'obligation de résultat ; concentrer les compétences au profit d'une collectivité identifiée ; doter celle-ci des moyens nécessaires pour assumer sa responsabilité. Aucune de ces trois conditions n'est remplie par votre projet de loi.

En premier lieu, aucune disposition des articles 49, 50 et 51 ne fixe aux pouvoirs publics des objectifs dans la conduite de leurs politiques du logement. Dans son avis remis le 8 septembre 2003 au Premier ministre, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées a pourtant expliqué pourquoi la délégation de compétence devait « impérativement inclure une obligation ». La démarche amorcée par le précédent gouvernement avec l'article 55 de la loi SRU, qui impose, sous peine de sanctions, un quota de 20 % de logements sociaux, n'a malheureusement pas été poursuivie.

Plus grave encore, les objectifs affichés par le projet de loi ne sont pas seulement dépourvus de toute obligation de résultat, ils sont également formulés en des termes extrêmement imprécis. L'article 49 indique, sans plus de détails, que la convention de délégation conclue avec le préfet de région « précise les objectifs poursuivis et les actions à mettre en œuvre en matière de réalisation, de réhabilitation et démolition de logements locatifs sociaux et de places d'hébergement, ainsi qu'en matière de rénovation de l'habitat privé ». Ça, c'est de la belle musique ! Tout est mélangé, sans distinction et au risque de tout confondre. Quelle garantie a-t-on que la problématique propre au logement ne sera pas absorbée dans celle de l'hébergement ? Aucune !

Mme Annick Lepetit. Absolument !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quelle garantie a-t-on que le parc HLM ne sera pas sacrifié au profit de l'habitat privé ? Aucune.

Les objectifs des PLH auxquels renvoient les conventions sont présentés en des termes tout aussi vagues. Quant au PDALPD, le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, visé à l'article 50, après la première lecture du texte au Sénat, il n'est même plus prévu que l'Etat en soit coauteur, ce qui laisse les conseils généraux parfaitement libres de choisir leurs objectifs.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission a amendé tout cela !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans son avis du 13 janvier 2004, le Conseil national des villes a ainsi déploré l'absence de maîtrise des processus garantissant la réalisation des objectifs. Précisant qu'il s'agit là d'un « élément de très forte inquiétude », le CNV craint expressément que l'Etat ne soit pas en mesure de contrôler l'usage des fonds confiés aux collectivités locales.

Le projet de loi ne satisfait pas davantage la deuxième condition préalable à l'effectivité du droit au logement. Dans son avis sur ce projet de loi, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées a voulu attirer l'attention des pouvoirs publics sur l'urgence de « désigner une autorité politique responsable » de la mise en œuvre du droit au logement. Une autorité ! Une, monsieur le ministre ! Le chef de l'Etat lui-même a paru sensible à cette exigence lorsque, dans son discours du 6 janvier 2004, il a expliqué qu'il fallait « instituer un pilote au plan local qui donne l'impulsion et coordonne les moyens des différents acteurs ».

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il a raison !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pourtant, les dispositions des articles 49, 50 et 51, loin de concentrer les compétences entraînent au contraire leur dangereuse dilution entre les différentes collectivités.

Au sommet, l'Etat central se décharge des crédits du FSL, mais il conserve la mainmise sur les aides à la pierre. Le Gouvernement continuera donc d'en fixer souverainement l'enveloppe globale et il décidera de leur répartition interrégionale, sans réel contrôle du Parlement.

Certains préfets ont gagné, pour leur part, le pouvoir de répartir ces aides au sein de chaque région, alors que d'autres, depuis le passage du texte au Sénat - au Sénat, bien sûr ! -, ont perdu l'usage de leurs contingents préfectoraux.

Au niveau des collectivités locales, l'éclatement des responsabilités est encore plus complet. Les départements aideront les personnes défavorisées à se loger en leur fournissant des aides personnelles, mais ils ne disposeront pas des crédits nécessaires pour leur construire des logements. A l'inverse, les EPCI auront la charge de réaliser et de réhabiliter ces logements, mais ils devront conduire cette politique sans pouvoir y intégrer les aides à la personne. Départements et EPCI sont donc priés, chacun, de marcher sur une jambe pour aider le logement.

Pour donner plus de couleurs encore à la mosaïque, l'article 51 prévoit que les communes peuvent réclamer la compétence du logement étudiant alors même que celui-ci, en toute logique, devrait être intégré dans l'ensemble de la politique de l'habitat.

En outre, depuis l'adoption inacceptable d'un amendement de la majorité sénatoriale, les maires ont obtenu la maîtrise des contingents préfectoraux, au risque d'aggraver tous les égoïsmes locaux.

Enfin, l'imbroglio devient total lorsqu'entrent en scène les deux agences nationales, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, dont les rôles et les compétences ont déjà considérablement varié depuis la première lecture du texte au Sénat.

En réalité, la seule absente, dans ce partage des dépouilles, c'est la région. Ce qui, dans le cas très spécifique de l'Ile-de-France - et c'est là le comble - est une faute lourde, comme nous aurons l'occasion de vous le démontrer lors de la discussion de nos amendements.

Le Conseil national des villes a donc pu légitimement conclure ceci : « Il y aura davantage d'intervenants au niveau local et de délégations de compétence à géométrie variable. [...] En conséquence, le droit au logement opposable n'est pas prêt de se matérialiser ».

Il aurait fallu en effet concentrer toutes les compétences au profit des EPCI afin de faire naître cette « collectivité pilote » que tous les acteurs du logement appellent de leurs vœux. En Ile-de-France, qui, comme je l'ai rappelé, constitue un territoire spécifique, la compétence du conseil régional doit, en tout état de cause, être totale et générale : la possibilité doit lui être ouverte d'une délégation au profit des EPCI.

M. Jean-Pierre Balligand. Ce n'est pas bête du tout !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La troisième et dernière condition préalable à l'effectivité du droit au logement n'est pas plus remplie que les deux précédentes. En effet, aucune disposition des articles 49, 50 et 51 ne garantit que les collectivités locales disposeront des moyens financiers nécessaires pour assumer leurs nouvelles missions.

C'est bien entendu un débat récurrent tout au long de l'examen de votre texte, mais cette lacune aura une terrible conséquence s'agissant du logement.

Les EPCI qui accepteront la délégation des aides à la pierre ne seront dotés d'aucun outil fiscal propre. En l'absence d'une loi de programmation pluriannuelle, ils resteront donc dépendants des crédits décidés chaque année dans le cadre de la loi de finances. Au vu de la baisse drastique des aides à la pierre dans le budget de 2004, ce lourd aléa ne manquera sûrement pas de les inquiéter et de les décourager. A-t-on voulu que les EPCI n'assument pas cette obligation ?

Le transfert du FSL aux départements est lui, en principe, couvert par l'article 72-2 de la Constitution. Mais, sur quelle base seront calculés les crédits FSL à transférer ? Sur celle de la loi de finances de 2002 ou sur celle de 2004, qui lui est inférieure ?

Par ailleurs, comment sera financée l'extension du FSL aux besoins en consommation d'énergie supportés par les ménages ?

Plus grave encore : comment s'assurer que les départements abonderont leur FSL, comme par le passé, à hauteur des crédits transférés par l'Etat ?

M. Jean-Pierre Balligand. C'est la question !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et les communes ? Comment croire qu'elles auront suffisamment de moyens pour prendre en charge le patrimoine du logement étudiant, patrimoine aujourd'hui largement insuffisant et dont tout le monde sait qu'il est totalement dégradé ?

Monsieur le ministre, nous ne nous attendions pas à ce que votre projet de loi mette en œuvre dès demain un droit au logement opposable, avec la possibilité d'un recours juridictionnel. Nous espérions cependant, comme tous les acteurs du logement social, qu'il lui ouvre le chemin, pour répondre à la situation de crise que j'ai évoquée au début de mon intervention. Nous constatons avec amertume qu'il lui tourne le dos. L'acte II de la décentralisation, s'agissant du logement, constitue bien un acte manqué. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Vous semblez ignorer que la commission a adopté bien des amendements, monsieur Le Bouillonnec !

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne ici n'oserait remettre en cause la volonté décentralisatrice de la gauche, et des socialistes en particulier. La décentralisation est sans nul doute la clé d'une meilleure assise de la démocratie dans notre République. Et nous pensons, vous le savez, qu'elle est gage de modernité.

Mais ce texte, et c'est le sens de nos remarques de fond, n'aurait de signification qu'après le vote de la loi organique qui fixe les financements proposés. Comment voulez-vous que nous puissions engager les régions, les départements, les collectivités locales, sans que soit assurée l'égalité des moyens ?

Aujourd'hui, les régions souffrent de grandes disparités du point de vue de leur situation financière, et nous devons leur rendre cette justice qu'on appelle la péréquation. C'est un principe républicain que cette égalité devant le service public, que cette égalité des possibles. Or, votre texte va creuser des différences.

Il constitue, et c'est logique, l'application d'une idéologie politique, celle de votre gouvernement, qui laisse la régulation au seul marché, et qui, de ce fait, va permettre la réalisation du scénario de l'inacceptable : l'abandon des régions périphériques, comme la Bretagne, ou des régions pauvres, comme le Nord-Pas-de-Calais, le Centre ou les zones de montagne. C'est injuste.

Monsieur le ministre des libertés locales, vous qui, au sujet de la détention provisoire, aviez parlé de « dernier avatar de la lettre de cachet », vous participez aujourd'hui à l'un des derniers avatars du jacobinisme.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. Christian Paul. Jacobinisme au petit pied !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Vous ne croyez pas vous-même ce que vous dites, ma chère collègue !

Mme Marylise Lebranchu. En effet, vous appelez décentralisation ce qui est en fait un transfert des charges de l'Etat vers les régions et les collectivités locales. Vous transférez la baisse de l'impôt sur le revenu, qui concerne une petite partie des Français, vers les impôts locaux, dont presque tous s'acquittent.

Mme Annick Lepetit. Exactement !

Mme Marylise Lebranchu. Un exemple : vous parlez de « désinformation » quand nous disons que la possibilité de mettre en place des péages est inscrite dans le texte. Vous dites, vous et vos collègues, que cette possibilité ne sera ouverte que pour les voies nouvelles. C'est déjà grave, car cela revient à dire que ceux qui ont été bien servis avant la loi auront un avantage sur les autres. Voilà une première faute.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !

Mme Marylise Lebranchu. De plus, cette possibilité, si on lit le texte avec attention, concerne l'entretien et l'aménagement.

Mme Annick Lepetit. Eh oui !

Mme Marylise Lebranchu. Or, même si, par exemple en Bretagne, la voie express est gratuite, il faudra, au bout de quelque temps, revoir les normes de sécurité, contourner de nouvelles zones urbaines - vous voyez que nous sommes malgré tout optimistes -, éviter des zones d'activité. Et puisque le département est responsable en cas d'accident - la responsabilité civile et la responsabilité pénale sont transférées -, sans ressources disponibles nouvelles, comment voulez-vous échapper au péage ?

Il faut donc amender ce texte sur ce point. Nos collègues sénateurs socialistes n'ont pas réussi à faire adopter leur amendement. Nous le présenterons à notre tour. Car, contrairement à votre majorité, nous pensons qu'il n'y a nulle désinformation à parler de péage : c'est une nécessité. D'ailleurs, ayant entendu les explications détaillées de M. Clément, je crois que vous allez nous suivre. En effet, M. le président de la commission des lois a évoqué le fait que les impôts locaux devront prendre en charge rapidement les dépenses visant à éviter les morts sur les routes. Il a dit que, devant un accident dont les conséquences se mesurent non pas en termes matériels mais en termes de vies humaines, les présidents de conseils généraux se dépêcheront de trouver des financements. Ils en auront peut-être la ressource une fois, deux fois, trois fois, monsieur Clément. Mais s'il n'y a pas une réelle péréquation, votre long exposé montre qu'il faudra bien en venir au péage. Je ne vois pas quelle autre solution pourrait être mise en œuvre.

Autre exemple : les collectivités locales, que nous connaissons aussi bien que vous, sont légitimement inquiètes quant à l'évolution de leurs moyens. Dans quelque temps, nous allons, je l'espère, gérer un maximum de régions et de départements.

M. Jacques Le Guen. Ce n'est pas souhaitable !


Mme Marylise Lebranchu
. Nous sommes partisans de la décentralisation. Nous ne pouvons cependant qu'expliquer aux habitants de nos régions que ce texte soulèvera de réelles difficultés si n'est pas, préalablement aux transferts, réglée la question des ressources et de la péréquation.

Nous sommes d'accord pour dire que l'innovation, l'intelligence - du CAP jusqu'à « bac plus... » -l'information et l'ouverture au monde seront la chance des territoires. Certes, mais encore faudrait-il qu'ils soient à égalité ! Or, aujourd'hui, l'éducation nationale supprime des dizaines de postes. Dans le Finistère, par exemple, il a fallu l'acharnement de parents, d'élus et d'élèves pour obtenir un moratoire sur la suppression des collèges ruraux. Où sera alors l'égalité des chances et l'égalité des possibles ? Faudra-t-il aussi, après les personnels d'accompagnement de l'enseignement, prendre en charge une partie des postes d'enseignant ? C'est inacceptable et traumatisant pour les régions telles que celle dont je suis l'élue. Leur inquiétude, vous le constaterez, réserve parfois de mauvaises surprises électorales.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est venu à Brest - M. Le Guen était présent, il en témoignera sûrement - nous dire que, dans un tel contexte, il fallait trouver des fonds privés pour financer le TGV attendu et promis pour 2010, puis pour 2013, voire pour 2015. Il nous coûterait également moins cher d'embaucher des marins polonais, qui n'attendent que cela, pour créer les autoroutes maritimes et assurer la vie de nos ferries. Il a ajouté que, comme on l'avait fait pour les Charbonnages, nous devions reconvertir nos entreprises et fermer en douceur, sur vingt ans, nos industries agroalimentaires. Bref, nous devions nous inscrire dans une nouvelle géographie du monde ultra-libéral. Ce jour-là, les acteurs économiques favorables à votre majorité, même les plus libéraux, sont restés dubitatifs. Ils se souvenaient d'avoir entendu des réponses différentes de l'Etat à d'autres moments de leur vie publique.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce moment est solennel. Nous croyons à la force des politiques publiques. J'espérais que ce serait également le cas de la majorité !

Or qu'entendons-nous ? Selon M. le Premier ministre, il faut donner de l'air aux entreprises, supprimer un maximum de contraintes, y compris celles d'un développement équilibré des territoires. Même si ce n'est ni le lieu, ni le moment de l'évoquer, je noterai que nous avons déjà débattu des contraintes en matière de solidarité. Avec une telle logique, nous allons abandonner les régions périphériques, les régions très rurales et les régions désindustrialisées. Elles sont pourtant source d'innovations, de forces et d'intelligence. Elles veulent se développer, mais sans service public suffisant, sans ressources garanties, elles n'ont que peu de chances. C'est ce que nous refusons profondément. L'égalité des possibles concerne chaque citoyen de la République et chaque territoire de la République. Si ce n'était pas si grave, comme le groupe socialiste tente de vous le démontrer depuis quelques heures, on pourrait sourire ici des déclarations de M. le Président de la République qui, vous l'avez lu ou entendu, a expliqué que les pays en voie de développement devaient bénéficier d'une autre forme d'altermondialisation que l'ultra-libéralisme et, dans le même temps, il fait pour la France des choix totalement libéraux. Il ne peut plus dissoudre l'Assemblée nationale pour régler les problèmes budgétaires, alors il les transfère aux collectivités locales ! Cette contradiction est plus politique qu'on ne veut bien l'avouer ! Il ne s'agit pas d'une technique de décentralisation, mais d'une opposition de choix politiques. Je ne m'attendais pas à la trouver dans un texte sur la décentralisation. Notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec l'a souligné alors qu'il s'exprimait sur la solidarité concernant le logement. Les idéologies politiques ont décidément une belle vie devant elles, et j'en suis heureuse, ...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. On se demande où est l'idéologie !

Mme Marylise Lebranchu. ...mais il est dommage que la majorité aligne cette décentralisation derrière une volonté de transfert qui ne fera pas de la République française la République de l'équilibre des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui est primordial. La décentralisation a, en effet, besoin d'un nouveau souffle, d'une nouvelle dynamique. Au-delà de son contenu juridique, ce texte constitue une réponse à l'attente de nos concitoyens qui, parfois, doutent du bon fonctionnement de nos institutions, qui réclament plus de proximité et qui veulent savoir qui fait quoi, qui paie quoi et pour quoi. Je saluerai ici la volonté du Gouvernement ainsi que l'important travail fourni par les différents rapporteurs et par la commission des lois, sous l'autorité de Pascal Clément.

Les enjeux de la décentralisation sont considérables. C'est l'architecture de notre vie publique que nous dessinons aujourd'hui ensemble. Nous devons, par conséquent, réfléchir concrètement à la place que nous voulons donner à l'Etat et aux collectivités locales. Dans notre esprit, la décentralisation n'affaiblit pas l'Etat, bien au contraire. Elle n'est aujourd'hui d'ailleurs possible que parce que le Gouvernement a entrepris, dans le même temps, de restaurer l'Etat à travers ses compétences régaliennes. Je pense, notamment, au travail considérable mené dans le domaine de la sécurité et aux réformes fondamentales en termes de société. J'évoquerai également la volonté de renforcer la déconcentration et de simplifier notre architecture administrative.

Monsieur le ministre, votre projet est donc placé sous le signe de la clarté. Le paysage administratif est ainsi simplifié. A chaque échelon correspond un bloc de compétences. Les régions seront compétentes dans le domaine économique, de la formation professionnelle, du transport, des grandes infrastructures et du tourisme. Vous demeurez ainsi fidèle à l'esprit de cette loi essentielle de 1972. Je rappellerai cette citation du Président Georges Pompidou : « Il convient de faire la région sans défaire la France. » C'est bien ainsi que vous entendez procéder, monsieur le ministre.

Les départements, eux aussi, verront leur action renforcée dans le domaine social, la gestion des collèges - ils accueillent désormais les personnels chargés des tâches d'entretien - et dans le domaine des routes. Vous avez vous-même, monsieur le ministre, donné des assurances sur l'encadrement des éventuels péages sur les routes nouvelles. Vous nous avez confortés dans cet état d'esprit.

Aux communes et à leurs groupements sont confiés, dans des conditions peut-être trop restrictives, je dois le reconnaître, les aides à la pierre et le logement social.

Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est décentralisateur, puisqu'il veut donner un véritable essor à ce qui avait été entrepris en 1982 en prévoyant le financement et la compensation des charges nouvelles. C'est le signe, monsieur le ministre, de votre loyauté. A ce titre, la loi de finances pour 2004 a remis de l'ordre dans les dotations d'Etat aux collectivités locales. Soyons conscients que les augmentations de charges seront, en effet, liées aux nouveaux domaines d'actions, aux transferts des fonctionnaires. Il convient donc d'accompagner les collectivités locales en octroyant aux élus locaux les moyens financiers correspondants. La Constitution garantit désormais le financement des efforts financiers supplémentaires.

De la même manière, un certain nombre d'inquiétudes se sont exprimées quant à la réforme de la taxe professionnelle. Il est vrai que cet impôt rapporte 33 milliards d'euros aux collectivités locales, dont il ne peut être question de réduire l'autonomie financière. Nous sommes, bien sûr, prêts à réfléchir à un nouveau dispositif, mais le renforcement du principe de libre administration passe obligatoirement par la garantie de l'autonomie fiscale. Je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes particulièrement attentif.

Nous devons en tout cas nous féliciter de cette innovation juridique majeure qui permettra désormais au Conseil constitutionnel de contrôler et de sanctionner l'insuffisance ou l'absence de mesures financières compensatrices liées aux transferts de compétences.

Qui dit responsabilités locales dit aussi responsabilisation des acteurs locaux, les mieux à même de comprendre et de satisfaire les besoins locaux et de rapprocher la décision des citoyens. A ce titre, le principe de proximité doit s'imposer comme une évidence. L'intercommunalité doit mieux s'affirmer au cœur du dispositif de décentralisation parce qu'elle permet une dynamique de projet autorisant les communes à accomplir ensemble ce qu'aucune ne peut faire seule et introduit cette notion de communauté de dessein.

L'intercommunalité constitue une nouvelle donne territoriale. Il conviendra de lui consacrer le volet « numéro 3 » de la décentralisation. Nous nous félicitons des mesures nouvelles proposées dans le projet de loi, telles que les dispositions facilitant la transformation des syndicats intercommunaux en communautés de communes et la constitution de services communs.

La définition et la prise en compte de l'intérêt communautaire permettent, chaque jour, on le constate sur le terrain, d'instituer une solidarité entre les communes, notamment à travers la mise en place de la taxe professionnelle unique. Dans cette nouvelle architecture, il faut cependant veiller à ne pas introduire de discriminations et de différences entre les groupements de communes selon leur nombre d'habitants. Ainsi, il m'apparaît quelque peu discutable, monsieur le ministre, d'introduire un seuil pour la délégation des aides à la pierre, dès lors que la structure est élaborée au programme local de l'habitat. Je prendrai un exemple concret. Je préside une communauté de communes de 49 000 habitants qui a mis en place un programme local de l'habitat et qui se trouverait, par conséquent, exclue d'une disposition prévue par la loi.

Il est nécessaire de défendre l'expérimentation et de veiller à ce que les délégations de compétences ne se traduisent pas, dans les faits, par un contrôle accru aboutissant à annihiler tout pouvoir d'initiative. L'Etat doit poursuivre avec les régions des politiques contractuelles qui associent mieux les communautés de communes. Ne convient-il pas de repenser la méthode, le périmètre et le contenu des contrats de plan et de promouvoir de nouvelles relations contractuelles avec l'ensemble de nos communautés de communes ou d'agglomération ?

Je rappellerai, en conclusion, combien il est nécessaire, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, de favoriser le développement des libertés locales sans affaiblir l'Etat, sans susciter une logique de fiefs ; à condition, bien sûr, que l'Etat demeure garant de cette égalité des chances, de cette égalité des territoires, ce qui me paraît essentiel.

Je rendrai enfin hommage à tous les élus locaux qui font vivre nos quelque 36 000 communes, nos conseils généraux, nos conseils régionaux, qui sont chaque jour présents sur le terrain à la disposition de l'ensemble de nos concitoyens et qui attendent beaucoup de cette réforme.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Bernard Perrut. C'est pourquoi, le groupe UMP la soutient ardemment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne céderai pas longtemps à l'envie de porter une appréciation globale sur ce projet tant le procès de ce texte a été instruit de façon vigoureuse et précise depuis hier par nombre de mes collègues de l'opposition. Je souhaite simplement affirmer d'emblée deux convictions.

Je dénoncerai tout d'abord l'occasion manquée. En effet, l'objectif de simplification de l'organisation territoriale de la République n'est en rien atteint par votre projet. En ne clarifiant pas les compétences des collectivités, en favorisant une nouvelle fois le croisement des financements, l'empilement des responsabilités, la sédimentation des procédures, vous sanctuarisez ce monument compliqué dont les citoyens aujourd'hui se détournent. Surtout - et c'est plus grave encore - le fonctionnement démocratique de notre République devra se contenter de ce médiocre ravaudage.

Vous êtes, monsieur le ministre, ambitieux quand il s'agit de délester l'Etat, mais vous manquez d'ambition pour démocratiser la République.

M. Arnaud Montebourg. M. Paul a parfaitement raison !

M. Christian Paul. La liste des erreurs et des oublis serait interminable. Rien sur le vote des étrangers aux élections locales.

M. Arnaud Montebourg. Rien !

M. Christian Paul. Rien sur l'harmonisation des mandats et la limitation des cumuls excessifs.

M. Arnaud Montebourg. Rien !

M. Christian Paul. Rien sur le mode de scrutin départemental...

M. Arnaud Montebourg. Rien !

M. Christian Paul. ...dont on voit bien qu'il ne garantit pas l'expression des territoires.


Rien sur l'élection au suffrage universel des structures intercommunales.

M. Arnaud Montebourg. Rien, en effet !

M. Christian Paul. Merci, mon cher collègue.

Rien sur le statut des minorités dans les assemblées locales.

M. Arnaud Montebourg. La démocratie les intéresse-t-elle ?

M. Christian Paul. Rien sur la démocratie participative ou sur les budgets participatifs.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'est dans la loi Vaillant qu'il n'y avait rien !

M. Christian Paul. Mais surtout rien pour renforcer la capacité des citoyens à identifier qui est responsable et par conséquent à savoir à qui incombe l'obligation de résultat chère à M. Sarkozy.

M. Augustin Bonrepaux. CQFD !

M. Christian Paul. Ce texte, mes chers collègues, ne sert donc pas la République des citoyens ; il consolide la République des notables. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Encore eux !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Vous parlez en connaissance de cause, monsieur Paul !

M. le président. Laissez poursuivre l'orateur.

M. Christian Paul. Je m'efforce en effet de poursuivre, monsieur le président.

Ensuite, je veux dénoncer l'aventure. Le désengagement de l'Etat est bien la philosophie qui guide l'action du Gouvernement. Tous les élus le vivent, dans un enfer quotidien : il n'est plus un seul domaine de la politique publique dans lequel les communes ou les associations œuvrant pour l'intérêt général ne subissent pas une réduction des soutiens de l'Etat. C'est vrai pour l'insertion, l'environnement, la culture, le développement local ou social. Et votre projet va plus loin encore puisqu'il rompt quelques-unes des digues qui tenaient encore pour protéger l'égalité entre les territoires, en matière de routes nationales, par exemple.

Oui, mes chers collègues - et cela vaut pour les collectivités de droite comme de gauche -, l'« impôt Raffarin » est au bout de la route. Ce projet est un piège formidable pour les collectivités et les finances locales. La réforme constitutionnelle ne sera qu'un rempart de papier car le Gouvernement reste muet et sourd concernant les transferts de ressources. Toutes les astuces, toutes les aubaines seront convoquées pour réduire les transferts financiers, et nous pouvons déjà prédire la manière dont il procédera : ainsi, comme période de référence, il choisira 2003 ou 2004, c'est-à-dire des années maigres.

Alors, apprêtons-nous tous, mes chers collègues, là où nous sommes, à voter l'« impôt Raffarin ». Je propose que chaque commune, chaque communauté de communes, chaque conseil général, chaque conseil régional crée, dans son volet ressources fiscales, une ligne particulière baptisée « impôt Raffarin » - ou peut-être, demain, « impôt Sarkozy ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Hier, c'était l'« impôt Jospin » !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Et l'« impôt Paul » pour l'outre-mer ?

M. Christian Paul. Quant à M. Devedjian, il devra encore attendre un peu que son tour vienne. (Sourires.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il est patient !

M. le ministre délégués aux libertés locales. Tellement patient que j'écoute encore...

M. Christian Paul. Oui, je propose une ligne « impôt Raffarin », qui permettra aux Français de bien identifier le prélèvement fiscal supplémentaire indispensable pour amortir le choc de la loi que vous vous apprêtez à voter.

Après ce préalable, mes chers collègues, je veux surtout parler de la formation professionnelle. Nous sommes extrêmement inquiets, notamment après avoir lu le rapport de M. Daubresse, et j'y reviendrai.

La décentralisation de la formation professionnelle, en soi, ne serait pas discutable si elle avait pour but de mieux servir les besoins de la population et de mieux accompagner le parcours professionnel des salariés. Mais elle constitue un problème majeur si elle est conduite au nom du dogme ultra-libéral, dont l'objectif n'est autre que la fin des politiques publiques,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Oh !

M. Christian Paul. ...remplacées par le marché.

La désindustrialisation, mes chers collègues, illustre la nécessité d'un pilotage national des reconversions professionnelles et de l'emploi. Notre pays connaît le choc industriel le plus grave, peut-être, depuis la fin des années soixante-dix. Pas une semaine ne passe sans que soient annoncés de nouveaux plans sociaux, accompagnant des délocalisations et des restructurations d'entreprises. En Bourgogne, nous le mesurons particulièrement ces temps-ci, notamment sur le site métallurgique d'Imphy, ou, demain, chez Arnaud Montebourg, en Saône-et-Loire, avec Kodak.

L'enjeu de la formation professionnelle ne se situe donc pas seulement au niveau du salarié ou de l'entreprise ; c'est un véritable enjeu de société.

La dévolution totale des pouvoirs de l'Etat aux régions permettra-t-elle de le relever ? Nombre de régions n'ont pas même saisi les leviers dont elles disposent déjà. Je citerai encore la Bourgogne, territoire que je connais bien : un plan régional des formations n'y a toujours pas été élaboré. Bel exemple d'impuissance publique ! Or la formation professionnelle est l'outil qui rend possibles l'égalité et la cohésion sociale.

M. Arnaud Montebourg. Evidemment !

M. Christian Paul. L'Etat se désengage donc de ce domaine, malgré un discours d'affichage. Demain, en matière de formation professionnelle, il ne sera plus compétent que par dérogation, en vertu de l'article 5.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'était déjà dans le projet Jospin !

M. Christian Paul. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous interpeller brièvement en posant quelques questions essentielles.

Comment parler de deuxième chance sans péréquation ni transferts de ressources suffisants pour mettre en place une politique de plein exercice en matière de formation continue ? Pour preuve du risque encouru, dans les budgets 2003 et 2004, vous avez réduit les crédits alloués aux régions pour faire fonctionner la formation professionnelle. Ainsi, cette année, vous amputez les dotations aux régions pour financer l'apprentissage, vous revoyez à la baisse des contrats signés en 2003, tout en annonçant, dans le même temps, une grande réforme pour relancer l'apprentissage.

Quel sera, demain, le rôle de l'Etat s'agissant des actions de portée générale, du contrôle pédagogique des contrats d'apprentissage ? Comment pourrons-nous assurer sérieusement des formations interrégionales ? L'Etat gardera-t-il un véritable pouvoir normatif ou d'agrément ?

Comment l'utilisation des fonds publics destinés à la formation professionnelle sera-t-elle contrôlée ? Le débat a été engagé ce matin en commission mixte paritaire, après que l'un de vos collègues, M. Jean Ueberschlag, eut proposé un contrôle réel et de vrais pouvoirs d'investigation pour la nouvelle commission. Mais il m'a semblé que la majorité - vous étiez là, monsieur le président de la commission - n'était pas vraiment à ses côtés.

Et, plus grave encore, voilà ce qu'écrit M. le rapporteur Daubresse, que j'interpelle : « Le nouveau code des marchés publics exclut, dans son article 30, les services de formation professionnelle. » C'est grave, monsieur le rapporteur, car cela signifie qu'un marché de la formation professionnelle sans aucune régulation va s'imposer.

M. Arnaud Montebourg. Nous avons attaqué cette mesure devant le Conseil d'Etat !

M. Christian Paul. Je le sais, mon cher collègue. Elle est d'ores et déjà contestée,...

M. le président. Monsieur Montebourg ! Ecoutez donc votre ami Paul !

M. Christian Paul. ...mais j'en parle à cette tribune car elle est particulièrement grave !

M. Arnaud Montebourg. Et totalement illégale !

M. Christian Paul. J'évoquerai, pour conclure, les perspectives dramatiques de l'AFPA.

Monsieur le ministre, au Sénat, vous avez déclaré que « l'AFPA n'est pas un service public. »

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est une association !

M. Christian Paul. Comme vous ne savez sans doute pas très bien ce qu'est l'AFPA, je vais vous donner deux exemples de faits récents à l'occasion desquels votre gouvernement a été bien heureux de trouver l'AFPA au rendez-vous : en 2003, le Gouvernement, qui prétend favoriser la formation et l'emploi des personnes en situation de handicap, demande le secours de l'AFPA ; et quand M. Fillon, dix-huit mois après son arrivée aux responsabilités, souhaite mettre en route un plan pour l'emploi, il appelle l'AFPA à la rescousse.

M. le ministre délégué aux libertés locales. L'AFPA a beau être pleine de qualités, cela n'en fait pas un service public !

M. Christian Paul. Mais demain, l'AFPA n'existera plus, puisqu'elle sera soumise aux seules règles du marché.

Mme Marylise Lebranchu. Exactement !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Quel ringard ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Le texte que j'ai cité le confirme, non seulement les crédits de l'AFPA diminuent encore cette année, mais vous ne donnez aucune indication concernant la prise en charge future des formations qualifiantes proposées jusqu'à présent par l'AFPA, ni sur la gestion de son patrimoine. Nous souhaitons, bien sûr, qu'une commande publique continue à être passée à l'AFPA. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Vous voulez donc soustraire l'AFPA au code des marchés publics ?

M. Christian Paul. Pas du tout !

M. le président. Cessez d'interrompre M. Paul, qui s'apprête à conclure.

M. Christian Paul. Nous souhaitons que l'AFPA continue à bénéficier d'une commande publique.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Sans concurrence !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Exactement !

M. Christian Paul. La logique qui vous anime est des plus risquées : l'AFPA ne sera plus soumise aux appels d'offres, ce qui signifie qu'elle pourra faire l'objet de marchés négociés avec les régions, dans des conditions identiques à celles que connaissent les autres entreprises de formation professionnelle.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Comme vous le préconisiez il y a une minute !

M. Christian Paul. Pas du tout !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Mais si !

M. le président. Monsieur le rapporteur, laissez parler M. Paul. Et vous, monsieur Paul, veuillez conclure, maintenant.

M. Christian Paul. Je joue les arrêts de jeu - mais pas encore les prolongations, monsieur le président - car j'ai été interrompu à plusieurs reprises. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'AFPA, monsieur le rapporteur, disparaîtra des régions qui ne voudront plus travailler avec elles.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Non !

M. Christian Paul. Tel est le risque auquel nous sommes exposés. Vous le niez, mais nous y reviendrons peut-être demain, dans le débat après l'article 8.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je n'ai toujours pas compris pourquoi l'AFPA serait un service public.

M. le président. Monsieur le ministre, je vous en prie ! Si tout le monde s'en mêle, M. Paul ne pourra pas conclure !

M. Christian Paul. Si M. le président l'accepte, je vais vous répondre, monsieur le ministre : je serai heureux de pouvoir enfin débattre de l'AFPA avec le Gouvernement.

M. le président. Vous en aurez l'occasion lors de l'examen des amendements, monsieur Paul. Veuillez poursuivre.

M. Christian Paul. M. Fillon, pendant des mois, a nié le risque, mais si M. Devedjian souhaite intervenir, j'en serai ravi.

M. le président. S'il me demande la parole, je la lui donne...

M. le ministre délégué aux libertés locales. J'ai juste une question à poser à M. Paul, si vous me le permettez, monsieur le président.

M. Paul affirme que l'AFPA est un service public. Je voudrais qu'il m'explique pourquoi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. Mais enfin, l'AFPA a une mission de service public ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Et alors ? Ce n'est pas pour autant un service public !

M. Christian Paul. L'activité de l'AFPA, pour 90 %, dépend d'une commande publique de l'Etat et fait l'objet d'une subvention annuelle.

M. Arnaud Montebourg. Et il y a un cahier des charges !

M. Christian Paul. En effet.

M. le président. Poursuivez, monsieur Paul !

M. Christian Paul. Je vais conclure, monsieur le président, mais la question est grave. Si une commande publique de l'Etat, voire des conseils régionaux, n'est pas préservée, l'AFPA disparaîtra de certaines régions françaises. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Et la concurrence ? Et les appels d'offres ?

M. Christian Paul. C'est grave. Nous ne souhaitons pas que l'AFPA soit livrée au seul jeu du marché. Nous considérons que l'enjeu de la formation professionnelle est suffisamment important pour que celle-ci relève d'un véritable service public. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Je sais que ce dossier vous dérange. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Quel culot !

M. le président. Monsieur le rapporteur !

M. Christian Paul. Je sais que vous avez mauvaise conscience devant les 12 000 salariés de l'AFPA, que vous allez condamner à brève échéance. Ne soyez pas fiers de votre action dans ce domaine. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est ridicule !

Rappel au règlement

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Pardonnez-moi, mesdames, messieurs de la majorité, mais il convient tout de même de continuer, au fil du débat, à donner les raisons pour lesquelles nous demandons que la loi organique passe avant les lois ordinaires.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Le disque est rayé !

M. Jean-Marc Ayrault. Il est essentiel que les conditions financières soient connues, mais vous continuez à le refuser, car beaucoup de choses vous gênent et vous réservez leur annonce pour le lendemain des élections. Voilà la vérité.

M. Christian Paul vous a, monsieur le ministre, interpellé sur la disparition de l'AFPA,...

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Allons ! Il n'est pas question de supprimer l'AFPA !

M. Jean-Marc Ayrault. ...que niait, jusqu'à présent, le ministre des affaires sociales. Mais en faisant mine de vous étonner que l'AFPA soit un service public, vous avez fait un aveu.

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est une question purement juridique !

M. Jean-Marc Ayrault. Merci de cette information, monsieur Devedjian. Au moins, les choses sont claires, et on progresse.

Je voudrais évoquer, monsieur le président, la réunion de la commission des lois de cet après-midi.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'était ce matin.

M. Jean-Marc Ayrault. Tout à l'heure, j'ai parlé des péages départementaux. Lorsque la responsabilité des routes nationales leur sera transférée, comment les départements pourront-ils faire face à leurs obligations ? Nous allons vers une crise des finances des départements, je crois que tout le monde en est désormais conscient. Nous, députés socialistes, nous le disons bien haut, mais beaucoup de députés de droite le pensent tout bas, sans oser le dire.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Bien sûr !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous allons donc les aider.

M. Arnaud Montebourg. Oui ! Ils ont besoin d'aide !

M. Jean-Marc Ayrault. Car ce n'est pas seulement l'affaire des élus, c'est aussi celle des contribuables, des citoyens.

Je donnerai une autre illustration de la gravité de ce qui se prépare : une dépêche de l'Agence France Presse vient de tomber, annonçant que la commission des lois de l'Assemblée nationale, mercredi matin, s'est déclarée favorable à la taxation de la circulation dans les agglomérations.

M. Christian Paul. Quelle honte !

M. Jean-Marc Ayrault. Le Gouvernement, lorsqu'il a décidé de supprimer les subventions aux transports publics des agglomérations de province, a confié un rapport à M. Christian Philip, lui donnant mission de trouver des solutions alternatives. Et voilà ce qu'on nous propose : après le péage départemental, le péage urbain ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. Qu'ils rétablissent donc l'impôt sur les portes et les fenêtres, l'octroi et la dîme, pendant qu'ils y sont !

M. Jean-Marc Ayrault. Jusqu'où ira-t-on ? Il est important que l'Assemblée nationale, comme tous les Français, soit informée de ce qui se cache derrière le projet du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. D'une part, cette discussion en commission des lois n'a pas eu lieu cette après-midi mais ce matin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

D'autre part, M. Christian Philip, député du Rhône, a, comme c'est son droit, déposé un amendement, et la commission des lois a estimé que le principe du « péage urbain » méritait de faire l'objet d'un débat en séance publique, de sorte que le Gouvernement puisse donner son point de vue. Pour autant, nous n'avons pas adopté l'amendement de M. Philip. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Piron. Exactement !

M. Christian Paul. Mais vous avez mis le doigt dans l'engrenage !

M. Arnaud Montebourg. Et c'est déjà trop !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous avons simplement estimé que le principe était intéressant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. Ils taxeront bientôt les chiens et les chats !

M. le président. Mes chers collègues, écoutez M. le rapporteur !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Ayrault nous a posé une question, monsieur Montebourg. Il est normal que le rapporteur de la commission apporte des réponses précises, ce qu'il s'efforce de faire.

Je répète donc que l'amendement de M. Philip n'a pas été adopté.

Mais M. Philip a également proposé la dépénalisation des contraventions, pour que leur produit tombe dans les caisses des agglomérations,...

M. Arnaud Montebourg. C'est une bonne idée !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...et il a reçu, sur ce point, le soutien de M. Caresche. D'accord ?

M. Philip a donc déposé deux amendements. La commission a estimé que leur rédaction, en l'état, n'était pas acceptable, et elle les a repoussés, mais elle a souhaité qu'un débat intervienne en séance publique.

Je tenais à apporter ces précisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.


M. le ministre délégué aux libertés locales
. Afin de couper les ailes à un nouveau canard - ils se succèdent à un rythme soutenu ! - je veux rappeler que le Parlement a le droit d'amender et de délibérer et que le Gouvernement ne trouve rien à y redire ! En revanche, s'agissant de l'amendement évoqué, nous l'examinerons dans la suite du débat, mais j'indique d'ores et déjà que le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Le Gouvernement me facilite les choses !

Monsieur Ayrault, je sais bien que vous allez tenter d'exploiter tout sujet de débat.

M. Jean-Marc Ayrault. Pas du tout !

Mme Marylise Lebranchu. Il ne s'agit pas d'exploitation mais d'explication !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Dimanche dernier, c'était l'affaire des péages sur les routes express ; aujourd'hui, c'est à propos du travail d'un de nos collègues qui pose une vraie question : la grande ville, demain, pourra-t-elle accueillir autant de voitures qu'aujourd'hui ? Il y a deux solutions : soit supprimer les voitures et considérer que seuls les gens qui ont la chance de vivre dans cette ville pourront y circuler, soit instaurer un péage, comme ont fait les Londoniens.

De toute façon, comme vient de le dire M. le ministre, il s'agit là d'un débat sur les grandes villes européennes et non un débat de circonstance. En la circonstance, justement, le rapporteur l'a rappelé, nous avons repoussé les amendements.

Ne faites donc pas croire à l'opinion que des mesures seraient « dans les tuyaux » !

Je trouverais dommage que des membres de l'opposition qui cherchent à gagner des voix pendant la campagne électorale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) refusent de travailler sur un vrai problème, celui de la grande ville, de la pollution et du nombre des voitures. Peut-on reprocher à M. Philip de poser un problème crucial pour les dix ou quinze années à venir ?

M. Jean-Marc Ayrault. Je souhaiterais répondre, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, mais il faudrait bien que nous reprenions la discussion générale !

M. Jean-Marc Ayrault. Je tiens à remercier une fois de plus M. le président de la commission des lois parce qu'il montre bien que le débat porte sur les questions de fond mais que, jusqu'à présent, le Gouvernement s'y refuse.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et voilà !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous nous reprochez, monsieur Clément, de chercher à gagner des voix, mais je n'imagine pas que vous cherchiez, vous, à en perdre ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je cherche à traiter les problèmes !

M. Jean-Marc Ayrault. A chaque fois que nous faisons interpellations ou rappels au règlement, vous êtes tout de même obligé d'aborder le débat de fond. Mais comme vous êtes embarrassé, vous tentez de nous faire passer pour des conservateurs et des partisans de l'immobilisme.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Mais oui !

M. Léonce Deprez. C'est la vérité !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous, vous voulez nous faire passer pour des ultra-libéraux !

M. Jean-Marc Ayrault. Or nous aussi, nous sommes pour que l'on prenne à bras-le-corps ces questions de déplacements dans les villes, mais nous pensons qu'il y a d'autres solutions que celle consistant à instaurer des péages : par exemple une politique volontariste de soutien au développement des transports publics, politique que vous avez abandonnée en supprimant les subventions qui leur étaient accordées. C'est là qu'est la différence entre vous et nous, et elle est fondamentale, et je vous remercie de l'avoir rappelée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Piron. Procès d'intention !

Reprise de la discussion

M. le président. Nous reprenons la discussion générale.

La parole est à M. Denis Merville.

M. Denis Merville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner un texte important. La décentralisation est, en effet, une idée qui nous est chère, au sujet de laquelle il a été fait référence, hier et à juste titre, au général de Gaulle.

Pour nous, les collectivités territoriales sont les mieux à même de répondre à la diversité des besoins de nos concitoyens et de les associer aux affaires qui les concernent au quotidien.

En 2003, nous avons, par la réforme de la Constitution, posé les jalons indispensables à la réussite de cette nouvelle étape : reconnaissance constitutionnelle des régions, à côté des départements et des communes, en tant que collectivités territoriales, dans une République décentralisée ; nous avons affirmé les principes d'autonomie financière et de péréquation, tous principes allant dans le sens d'une plus forte responsabilité des acteurs locaux et d'une plus grande égalité entre nos territoires.

Nous avons reconnu le principe de subsidiarité auquel, personnellement, je crois beaucoup. En permanence, en effet, nous devons nous poser la question de savoir quelle est la collectivité la mieux à même d'exercer telle ou telle compétence, de traiter tel ou tel problème précis.

Aujourd'hui, l'acte II que nous engageons va permettre aux collectivités territoriales, dont l'efficacité n'est plus à prouver, de prendre en charge des domaines nouveaux où la proximité est nécessaire car notre pays est riche de sa diversité.

Nous devons nous attacher, dans les jours qui viennent, à simplifier, à clarifier et à répartir les compétences avec pour objectif primordial l'amélioration des services rendus à nos concitoyens car ce sont eux qui sont au centre de toute action publique.

C'est un long processus qui nous a menés à cet acte II, notamment avec les Assises des libertés locales organisées dans chaque région. Dans ces réunions, nous avons vu combien chacun souhaitait que l'Etat gagne en efficacité. Cela suppose qu'il se recentre sur ses missions régaliennes tout en garantissant l'unité de la République et l'égalité des citoyens.

Bref, la réforme de l'Etat doit aller de pair avec la décentralisation.

La proximité est voulue par nos concitoyens, et ce sont d'abord les maires qui l'incarnent. Dès qu'un problème se pose, c'est à la mairie que l'on s'adresse, c'est vers son maire que l'on se tourne. N'oublions pas la richesse que constituent nos 36 000 communes, et les 500 000 bénévoles qui, chaque jour, se consacrent à leurs concitoyens.

A un moment où tant de repères se perdent, les communes sont un échelon essentiel que rien ne doit affaiblir.

La proximité, ce sont aussi les conseillers généraux. Certes, nous le savons bien, ceux-ci sont moins connus en ville que dans les zones rurales ou périurbaines. Pourtant, grâce à leur élection au scrutin majoritaire, représentants d'un territoire et d'une population, ce sont des interlocuteurs de terrain reconnus. N'oublions pas non plus que le département est un cadre de solidarité.

Il nous faudra aussi clarifier les compétences. Ces dernières années, en effet, les textes se sont multipliés, se contredisant parfois, si bien que nos concitoyens ne savent plus qui fait quoi, et cela est grave. En démocratie, il faut des responsables clairement identifiés, des responsables qui sont jugés à chaque échéance électorale.

Finissons-en donc avec les copilotages et autres formules semblables où personne ne s'y retrouve.

Il nous faut, ensuite, simplifier les procédures qui se sont trop alourdies.

Clarifier et simplifier, c'est dépasser certains clivages, c'est corriger des idées répandues et trop souvent fausses sur les économies d'échelle ou le coût des communes rurales. N'oubliez pas, mes chers collègues que les écarts vont de 1 à 2,5 pour la DGF de base.

Clarifier et simplifier, c'est réduire le nombre des commissions qui existent sur le terrain.

Cette nouvelle étape de la décentralisation doit nous conduire à une gestion économe de l'argent public, qui est celui du contribuable et qui doit être dépensé à bon escient.

Or, aujourd'hui, force est de constater que la multiplication des structures, les actions de certaines intercommunalités et autres pays ou conseils de développement poussent parfois à la dépense. Nous le voyons chaque jour sur le terrain.

Enfin, et nous y veillerons, il faudra que ces transferts de compétences soient accompagnés du transfert de ressources suffisantes.

Depuis 1982, décentralisation a trop souvent signifié transferts de charges vers les collectivités locales : transferts financiers non évolutifs, moyens humains non transférés. Inévitablement, cela entraîne la multiplication des administrations et donc des dépenses nouvelles.

Ce que nous demandons, c'est la loyauté, c'est-à-dire des transferts accompagnés de ressources évolutives et des moyens humains correspondants. A cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter de la clause de rendez-vous dont nous a parlé le ministre de l'intérieur.

Pour ma part, je souhaite aussi, et j'ai déposé des amendements en ce sens, que l'on nous accorde de la souplesse au niveau de l'intercommunalité.

Aujourd'hui, quand une communauté de communes passée en taxe professionnelle unique assure aux communes la taxe professionnelle qu'elles avaient précédemment mais sans réévaluation, il y a un problème. Les maires savent bien que, souvent, l'intercommunalité ne réduit pas les dépenses des communes car de nouveaux services sont mis en place. Dans ces conditions, bloquer leurs ressources, c'est à terme les condamner, ce que, pour ma part, je n'accepte pas. Les propos élogieux tenus sur les maires sont nombreux, mais ils doivent se traduire en actes.

Je souhaite également que nous ayons davantage de libertés dans la fixation des dotations de solidarité communautaire.

Le texte voté par le Sénat me satisfaisait. En effet, je le vois dans mon canton et dans mon département, il y a de grandes inégalités dans les impôts payés par les ménages. Que nous puissions profiter de la mise en communauté de communes pour renforcer la solidarité communautaire me paraît une bonne chose. Prenons garde, mes chers collègues : la taxe professionnelle unique peut faire se juxtaposer, je le constate dans mon département, pôles de richesse et pôles de pauvreté.

Certains ont émis des craintes quant aux conséquences pour le contribuable. Il n'en reste pas moins qu'une communauté de communes est un échelon où la solidarité doit être renforcée.

Enfin, j'ai déposé ou cosigné d'autres amendements qui, tous, vont dans le sens des principes que j'évoquais à l'instant : simplification, clarification, responsabilisation ; bref, des principes qui doivent nous permettre de renforcer la démocratie locale et d'accroître l'intérêt de nos concitoyens pour la chose publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » La déclaration du Président Jacques Chirac au Sommet de la terre à Johannesburg, en septembre 2002, est encore dans toutes les mémoires. Il engageait solennellement notre pays dans la voie de la préservation de l'environnement et du développement durable, conscient des changements climatiques et de notre responsabilité collective.

Depuis, dans cet esprit, Jacques Chirac propose d'inscrire le droit à l'environnement dans la Constitution, une réforme qui proclamerait des devoirs et une responsabilité pour chacun des acteurs de la société.

Apparemment convaincu, Jean-Pierre Raffarin déclarait, le 27 novembre 2002 : « Les collectivités territoriales, dans le cadre de l'effort de décentralisation que le Gouvernement mène actuellement, doivent être responsabilisées. Il est évident que les collectivités locales doivent se sentir engagées, non pas seulement pour leur territoire, mais aussi pour l'ensemble de leur participation à la protection de la planète, et faire en sorte que cette conscience des changements climatiques puisse être vécue au niveau territorial. »

Manifestement, le Premier ministre a la mémoire courte et les élus préoccupés, sur le terrain même de leurs compétences, par l'enjeu que représentent la maîtrise de l'énergie et la lutte contre l'effet de serre, ne peuvent qu'être surpris de ne pas voir figurer cet « engagement territorial » dans un texte de loi relatif à leurs responsabilités.

En toute logique, ce projet de loi doit affirmer, au moins dans les principes, cette responsabilité locale en matière d'énergies et d'effet de serre.

Or le texte ne dit mot de ces questions.

En rejetant en commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire la série d'amendements allant dans ce sens, que j'avais déposés avec mes collègues socialistes François Dosé et Geneviève Perrin-Gaillard, les membres de la majorité se sont montrés bien maladroits. Les discours de M. Chirac et M. Raffarin apparaissent désormais - ce qu'ils sont probablement - cyniques ! Et le citoyen, qui a conscience des risques climatiques, peut constater à quel point on se moque de lui, en pleine période électorale !

D'un côté, l'affichage et les incantations de l'exécutif ; de l'autre, le vide du projet de loi sur ces questions. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Cela n'a rien à voir !

M. Philippe Tourtelier. Car, rappelons-le, au nom de la stratégie nationale du développement durable, M. Raffarin voulait, en juin dernier, que l'action du Gouvernement inspire celle des autres acteurs, en premier lieu « les collectivités locales, acteurs clés pour la maîtrise du climat ».

Avec le texte proposé aujourd'hui, la formule reste creuse, et la réalité contredit cruellement la mission interministérielle de l'effet de serre. Chargée de renforcer le programme national de lutte contre le changement climatique, la MIES précise que les collectivités territoriales - communes, intercommunalités, départements, régions - ont un rôle particulièrement important à jouer dans le cadre de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, notamment en tant que donneurs d'ordres publics pour de nombreux secteurs.

La MIES estime que 10 % des émissions de gaz à effet de serre dépendent directement de la gestion des collectivités locales. De plus, elles interviennent indirectement sur un volume beaucoup plus important d'émissions à travers leurs décisions en matière notamment de transport et d'habitat. Leur influence sur l'efficacité en matière de maîtrise de l'énergie est déterminante.

Dans son rapport « Une stratégie énergétique pour la France », Jean Besson, notre collègue UMP, insiste également sur le rôle essentiel que jouent les collectivités territoriales dans le domaine de l'énergie et appelle à un renforcement de ce rôle. Il indique encore que ces collectivités doivent devenir des acteurs majeurs ayant une vision stratégique, une capacité de proposition et d'action, en particulier en matière de maîtrise de l'énergie et de soutien aux énergies nouvelles.

Ce projet de loi offrait donc réellement l'occasion de signifier la responsabilité des élus et leur influence dans ces domaines.

Pour combler cette lacune, nous proposons un chapitre nouveau « Energie et effet de serre » et des amendements qui, bien entendu, peuvent être complétés ou améliorés. Soyez cohérents : maintenez ce chapitre !

Au cours des débats, nous pourrons détailler ces amendements mais sachez déjà qu'ils s'inscrivent dans une vision nationale et internationale des questions énergétiques, et qu'ils visent à favoriser la mise en œuvre et le suivi des schémas de service collectif de l'énergie, qui définissent, notamment, les objectifs d'exploitation des ressources locales d'énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie concourant à la lutte contre l'effet de serre. Ils déterminent les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent favoriser des actions de maîtrise de l'énergie et d'utilisation des énergies renouvelables.

Ces prérogatives des collectivités territoriales dans le domaine énergétique, cette responsabilité majeure, encore faut-il les signifier dans ce projet de loi dit de responsabilités locales. Nous avons l'occasion de faire la part entre les responsabilités de l'Etat et celles des collectivités locales et intercommunales, de proposer des compétences « énergie » pertinentes et indispensables au développement durable de nos territoires.

Se réfugier derrière l'examen ultérieur de textes spécifiques ne tient pas. Le présent projet de loi comporte des dispositions qui intéressent l'ensemble des compétences des collectivités territoriales. Il contient des dispositions thématiques ou sectorielles qui auraient pu également être renvoyées à un autre cadre législatif.

Nul n'est besoin, par conséquent, d'attendre la loi d'orientation sur les énergies pour affirmer les responsabilités locales en matière énergétique.


Le Gouvernement a décidé d'accorder certaines compétences nouvelles. Pourquoi ignorer les questions énergétiques quand on sait l'intérêt de mettre en œuvre cette politique au plus près des acteurs locaux et des citoyens ?

Notre rapporteur, Serge Poignant, auteur d'un récent rapport sur les énergies renouvelables...

M. Jean-Yves Hugon. Excellent rapport !

M. Philippe Tourtelier....exprime avec force - puisque cela figure en gras, dans un encadré - sa conviction que la priorité absolue en matière de protection de l'environnement dans le domaine énergétique doit être la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. C'est exact !

M. Philippe Tourtelier. Or, hier, dans son intervention, il n'a pas prononcé une seule fois les mots « énergie » et « effet de serre ». Seraient-ils tabous dans notre discussion ?

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Vous l'avez dit en commission, cela relève d'un autre texte, qui nous sera soumis !

M. Philippe Tourtelier. Ne serait-ce pas plutôt que le Gouvernement cherche à dissimuler une contradiction fondamentale de ce projet de loi, celle de son financement par la taxe intérieure sur les produits pétroliers ?

Nous débattions hier pour savoir si cette ressource était dynamique. Réfléchissons-y, car l'utilisation du pétrole est une des causes importantes de l'émission de gaz à effet de serre. Si cette ressource n'est pas dynamique, vous trompez les collectivités locales et les contribuables locaux ; si elle l'est, comme vous l'affirmez, vous trompez nos concitoyens en admettant déjà l'échec de la lutte contre l'émission des gaz à effet de serre.

Mme Marylise Lebranchu. Tout à fait !

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Attendez le texte y afférent, monsieur Tourtelier !

M. Philippe Tourtelier. Comment résoudrez-vous cette contradiction ?

Pour conclure je dirai que, sur ces questions d'énergie et d'effet de serre, comme dans d'autres domaines, trop de distance sépare actuellement vos discours de vos actes.

Le présent projet est l'occasion de réduire un peu cette nouvelle fracture politique.

Nous verrons, lors de la discussion des articles, si le Gouvernement et la majorité sont prêts à démontrer avec nous que le développement de notre pays ne peut être durable que s'il est voulu et pris en charge par ses habitants, eux-mêmes assurés que leurs élus locaux assument des responsabilités que nous sommes aujourd'hui prêts à leur reconnaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Guen.

M. Jacques Le Guen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entrons à présent dans la phase opérationnelle de la seconde étape de la décentralisation.

Une des questions essentielles qui nous est aujourd'hui posée est la suivante : les élus locaux ont-ils raison d'être inquiets des conséquences financières des transferts de compétences ?

Cette inquiétude est double.

Premièrement, au cours des années passées, des transferts de charges ont eu lieu sans compensation et certains transferts ont été mal compensés. Les élus locaux craignent de se retrouver aujourd'hui face à de nouvelles compétences sans avoir les moyens de les exercer.

La seconde inquiétude porte sur l'absence dans le projet de loi du montant des transferts de compétences et sur la nature des ressources.

Pour répondre à la première préoccupation, nous devons donner aux élus locaux des garanties en matière de compensation financière.

En premier lieu, il faut effectivement renforcer les prérogatives de la commission consultative d'évaluation des charges.

Au cours des dernières années, ce principe de compensation financière a été particulièrement malmené.

Le gouvernement précédent n'a pas hésité à transférer sur les collectivités locales un certain nombre de charges nouvelles, mais aussi des compétences, sans vraiment les compenser : les SDIS, l'APA et les 35 heures.

C'est à la commission consultative d'évaluation des charges qu'il reviendra de procéder à un examen détaillé de ces différentes compensations. Son rôle et ses prérogatives doivent donc être renforcés.

Pour donner aux élus locaux des garanties sur les transferts de compétences, il faudra en second lieu poursuivre la réforme constitutionnelle engagée.

La loi organique sur l'autonomie financière, adoptée en conseil des ministres le 22 octobre dernier, devra apporter une nouvelle garantie aux collectivités locales en définissant notamment le niveau d'autonomie fiscale des collectivités.

La compensation des transferts par des dotations de l'Etat serait contraire à la Constitution et à la loi organique. Aussi, je soutiens les propositions du Gouvernement tendant à transférer par la loi de finances une partie de la TIPP aux régions, avec la possibilité pour elles de voter des taux différenciés.

Il en est de même pour les départements, qui devraient pouvoir bénéficier d'une partie de la taxe sur les conventions d'assurance et en moduler les taux.

La seconde inquiétude des élus porte sur l'absence dans le projet de loi du montant des transferts de compétences et sur la nature des ressources.

Or le texte répond à cette préoccupation puisqu'il prévoit les conditions d'une évaluation sérieuse et qu'il pose le principe de la compensation financière par des impôts de toute nature.

Comme l'a indiqué le Premier ministre, « l'entrée en vigueur des transferts au 1er janvier 2005 laisse donc un an pour effectuer l'évaluation sérieuse des sommes que l'Etat doit transférer ».

Concernant les dépenses d'investissement, le droit à compensation des charges d'investissement transférées par la présente loi, égal à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période d'au moins cinq ans, est une mesure raisonnable.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, la prise en compte dans le calcul, pour les dépenses de fonctionnement transférées, de la moyenne des dépenses constatées sur une période de trois ans et non des dépenses constatées l'année précédant le transfert, selon l'usage qui prévalait jusqu'ici, est la solution la plus équilibrée.

Quant aux transferts de personnel, il était nécessaire que le bilan de l'évaluation des charges transférées présenté par le comité des finances locales en retrace aussi les conséquences. Je me félicite qu'un amendement de la commission des lois comble cette lacune.

Le projet de loi prévoit par ailleurs les modalités de versement des compensations financières par des impôts de toute nature. Le transfert d'impôts constitue, pour les élus locaux, une véritable nécessité.

Je me félicite que notre commission des lois ait décidé d'intégrer dans le projet la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2003 concernant la compensation du transfert du RMI/RMA par une part de TIPP.

En effet, il appartient désormais à l'Etat de maintenir, quand est transféré un impôt dont les collectivités ne maîtrisent pas les taux, un niveau de ressources équivalant à celui qu'il consacrait à l'exercice de la compétence transferée et de prendre à sa charge la baisse éventuelle du produit constaté.

Cependant, l'idée de transférer des impôts dont les collectivités maîtrisent les taux me semble primordiale.

Je me félicite donc que, sans attendre l'adoption de la loi organique, notre rapporteur pose dans le projet de loi le principe de compensation des transferts de compétences par des impôts dont les collectivités votent les taux ou déterminent les tarifs des impositions de toute nature qui leur sont attribuées. Il démontre ainsi la volonté de conserver aux collectivités locales un réel pouvoir fiscal. A cet égard, il est difficile de ne pas évoquer le remplacement de la taxe professionnelle par un dispositif fiscal dont les collectivités pourront maîtriser les taux.

En conclusion, ce projet de loi me paraît tout à fait équilibré parce qu'il ne reproduit pas les erreurs commises par le passé en matière de compensation des transferts de compétences. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décentralisation doit être un moyen d'améliorer la réponse aux besoins, de rapprocher le pouvoir du citoyen, de permettre et de réussir la solidarité et la démocratie territoriales.

Mais, pour Jean-Pierre Raffarin et son gouvernement, décentraliser signifie transférer aux collectivités locales les charges, ou plutôt les déficits, qui résultent de ses choix politiques. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Pélissard. Bien sûr que non !

Mme Annick Lepetit. En un mot, il s'agit de faire assumer aux collectivités de nouvelles compétences, notamment les plus coûteuses, sans leur en donner les moyens. Bref, et nombreux sont ceux qui l'ont démontré avant moi, c'est l'aggravation des inégalités garantie entre les territoires et les citoyens, avec, comme première conséquence prévisible, une hausse des impôts locaux pour un certain nombre de collectivités.

Cette décentralisation est un leurre car elle ne favorise pas la politique de proximité. Elle est un leurre car l'Etat n'est plus le garant de la solidarité nationale. Au bout du compte, cette fameuse loi tant proclamée passe à côté de l'objectif de la décentralisation.

Mais cette fausse décentralisation n'aura pas de fausses conséquences. Au contraire, elles seront très lourdes car les domaines concernés sont ceux dont le Gouvernement a fortement réduit les crédits depuis deux ans, ceux qu'il ne finance plus dans les contrats de plan malgré ses engagements.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bon exemple !

Mme Annick Lepetit. S'agissant des transports, je rappelle qu'en 2002 et 2003, le Gouvernement a annulé 30 % des crédits consacrés aux infrastructures routières qui vont être transférées aux départements. En outre, les dotations de l'Etat pour les transports urbains et interurbains sont fortement réduites. Pourtant, les problèmes sont réels : des villes saturées, des zones rurales et périurbaines mal desservies, des routes encombrées par les camions. Autant dire que vous organisez l'abandon de l'Etat en matière de transports et que vous contraignez ensuite les collectivités à payer.

Mme Marylise Lebranchu et Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Tout à fait !

Mme Annick Lepetit. Cela aura des conséquences lourdes sur les collectivités qui devront répondre aux demandes de nos concitoyens - plus de qualité et de sécurité dans les transports, par exemple -, sur les contribuables, qui vont voir leurs impôts locaux augmenter, et sur les usagers, qui vont payer davantage. La possibilité d'implanter des péages sur les routes nationales pour financer le réseau routier a bien été annoncée, et confirmée hier, ici même, par M. de Robien.

Cette fausse décentralisation est illustrée par l'exemple du syndicat des transports d'Ile-de-France pour lequel le Gouvernement propose une transformation qui se fera sans les acteurs locaux. En effet, les autorités organisatrices de proximité ne seront pas représentées au conseil d'administration. Comment permettre plus de proximité, plus de souplesse et plus de transparence si ces acteurs locaux sont ignorés ?

De plus, le Gouvernement transfère sans prendre en compte l'état actuel du réseau. Souvenez-vous que vous avez réduit les moyens consacrés à la modernisation et à l'entretien des lignes en Ile-de-France ! Depuis deux ans, le STIF voit ses crédits diminuer. Pour l'anecdote - je n'y résiste pas ! -, on ne s'étonnera pas que les élus de droite membres du conseil d'administration se soient abstenus lors du vote du budget.

S'agissant du logement, car je ne peux parler des transports sans évoquer celui-ci, même si mon excellent collègue Jean-Yves Le Bouillonnec l'a déjà fait, les demandes sont aujourd'hui considérables, alors que vous venez de baisser de 6,8 % les crédits du budget de 2004. La délégation des aides à la pierre aux collectivités est, dans ce contexte, un signe supplémentaire du désengagement de l'Etat.

Il en va de même pour le fonds de solidarité pour le logement. Vous proposez de le transférer aux départements et vous étendez son champ d'intervention aux aides pour les impayés d'eau, d'énergie et de téléphone. Mais vous gardez un silence complet sur le financement qui sera octroyé aux départements pour assumer cette lourde charge. Actuellement, certaines collectivités comme Paris doivent déjà payer pour combler les diminutions des crédits de l'Etat. Si l'Etat ne paie déjà plus aujourd'hui, il paiera encore moins demain.

Un député du groupe socialiste. C'est certain !

Mme Annick Lepetit. Finalement, ce projet permet au Gouvernement de se délester habilement des obligations de financement de la solidarité. De plus, le montant des aides attribuées serait déterminé selon les capacités financières de chaque département.

Le Gouvernement décentralise ce qu'il a déjà abandonné au détriment des collectivités locales et donc au détriment de nos concitoyens.

Comment ce projet de loi peut-il être compris à l'heure où nous demandons aux Français d'aller aux urnes ?

Monsieur le ministre, vous êtes en train de confirmer ce que vous faites depuis bientôt deux ans, et c'est là votre seule cohérence : l'organisation du démantèlement de l'Etat. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le mouvement de décentralisation des compétences de l'Etat est un mouvement de fond amorcé par la gauche en 1981. Il fait aujourd'hui l'objet d'un texte phare du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Le principe de décentralisation ne peut recueillir que l'assentiment puisqu'il traduit l'application institutionnelle du principe de subsidiarité.

Toutefois, certaines précisions devront être apportées pour mieux définir la répartition des responsabilités entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Je bornerai mon propos à un aspect social important, même si j'ai déposé ou cosigné de nombreux amendements sur d'autres thèmes.

En ma qualité de rapporteure du texte sur le RMI/RMA et d'auteur du rapport sur la cohésion sociale remis au Premier ministre à l'automne dernier, je saisis l'opportunité de ce texte pour aborder les problèmes spécifiques du logement.

Le logement est un besoin élémentaire qui conditionne l'accès à d'autres droits fondamentaux, tels que la santé, l'éducation, la famille, le droit de vote ou l'accès au travail. Ce caractère fondamental, il est vrai, est aujourd'hui reconnu par la loi.

Cependant, mes chers collègues, les listes d'attente et les délais d'attribution des logements sociaux sont immenses, les services d'urgence ne sont pas en situation de répondre à l'ensemble de la demande et les expulsions continuent de progresser. Les logements indignes sont une réalité.


Face à une telle situation, un texte sur la décentralisation doit être l'occasion de réaffirmer fortement, dans le domaine du logement, l'implication de l'Etat en tant que garant du droit et porteur de la solidarité nationale. A cet égard, la formule proposée par le texte d'une délégation de compétence au bénéfice des groupements intercommunaux se justifie pleinement. Et pourquoi, en effet, ne pas permettre aux départements qui seraient volontaires d'expérimenter cette compétence ?

Mais je pense profondément qu'il faut aller beaucoup plus loin. Depuis des années, en effet, et quelles que soient les majorités au pouvoir, le problème du logement en France reste irrésolu, en particulier pour les populations les plus défavorisées. Chacun propose sa solution, sans résultat. Il faut donc aller plus loin et créer un droit au logement effectivement opposable, ...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bravo !

Mme Christine Boutin. ...c'est-à-dire ouvrant le droit, en dernier recours, à une action devant une juridiction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà une proposition courageuse !

Mme Christine Boutin. Il s'agit de renforcer l'obligation de résultat afin de permettre à tous l'accès à un logement décent ; il serait ainsi impossible de laisser ne serait-ce qu'une nuit les personnes à la rue.

L'opposabilité, n'en déplaise à certains, est la contrepartie indispensable de la liberté laissée aux collectivités de construire ou de ne pas construire, d'accueillir ou de ne pas accueillir. Le droit de notre pays l'applique d'ailleurs déjà dans d'autres domaines. Par exemple, le droit à l'éducation est depuis longtemps garanti au citoyen, qui peut saisir le tribunal administratif au cas où l'accès à la scolarité serait refusé à un enfant. Il en est de même du droit aux soins. Il n'y a donc aucune raison que l'accès au logement, si essentiel pour la cohésion sociale et familiale, ne bénéficie pas de protections aussi fortes.

Quand on a créé le droit à l'éducation, il n'existait pas en France suffisamment d'écoles pour accueillir tous les enfants. C'est aujourd'hui chose faite. On peut donc penser que la création d'un droit au logement opposable permettrait, à terme, de donner un toit à chaque personne.

Ce débat est capital. Il convient de saisir l'opportunité pour faire cesser le scandale que connaît notre pays en ce domaine. Je déposerai donc un amendement tendant à créer ce droit opposable, afin que nous puissions en débattre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SEANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1218, relatif aux responsabilités locales :

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1435) ;

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis n° 1434) ;

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (avis n° 1423) ;

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 1432).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      jean pinchot