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Première séance du mardi 23 novembre 2004

67e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu, le 22 novembre 2004, de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, une communication faite en application de l'article L.O. 179 du code électoral, l'informant que, le 21 novembre 2004, M. Hugues Martin a été élu député de la deuxième circonscription de la Gironde.

M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !

    2

NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Jean-Pierre Decool, député du Nord, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral, auprès de M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du mardi 16 novembre 2004.

    3

UTILISATION DES FONDS PUBLICS
EN POLYNÉSIE FRANCAISE

Discussion d'une proposition de résolution

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. René Dosière et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française et la gestion des services publics relevant de la Polynésie française (n os 1881, 1923).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué aux relations avec le Parlement, chers collègues, avant d'aborder le sujet qui nous occupe aujourd'hui, je souhaiterais que nous ayons une pensée pour nos compatriotes de la Guadeloupe, qui vient de subir un séisme important, et leur dire à quel point nous compatissons à leur malheur. J'espère que nous mettrons en œuvre tous les moyens possibles - le ministre de l'outre-mer est d'ailleurs sur place - pour les sortir de cette situation.

J'en viens à la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française. Trois questions peuvent se poser. D'abord, pourquoi proposer de créer une telle commission maintenant ?

Si nous proposons la création de cette commission d'enquête aujourd'hui, c'est en raison de la situation politique nouvelle résultant des élections du 23 mai dernier, qui ont vu la victoire des forces d'opposition à Gaston Flosse et à son parti politique. Cette alternance politique n'était pas été prévue. Dois-je rappeler, monsieur le ministre, tous les efforts déployés par votre majorité pour que soit adopté le plus rapidement possible, sans discussion approfondie, le nouveau statut de la Polynésie modifié par un amendement de M. Flosse lui-même ? Mais les élections ne sont pas passées comme prévu et la majorité polynésienne a tout de même été modifiée.

À la suite de ces élections, les langues se sont déliées ! La presse métropolitaine s'est elle aussi intéressée à la Polynésie, autrement qu'à ses aspects touristiques. Les envoyés spéciaux des quotidiens français se sont succédé à Papeete, et ont révélé à l'opinion publique française qui l'ignorait, la manière dont les choses s'y passent : les dépenses faramineuses, les achats fonciers exorbitants, les îlots achetés et aménagés, les palais construits. Bref, on a ainsi découvert un usage assez particulier des fonds publics. Et je ne parle pas des accusations de corruption qui ont été lancées ici et là, sur tous les bancs. Personne ne peut plus ignorer qu'en Polynésie, l'usage des fonds publics est sujet à caution et mérite d'être examiné. C'est la raison pour laquelle nous proposons la création d'une commission d'enquête sur leur utilisation.

Deuxième question : la création de cette commission est-elle possible ? Le Parlement peut en créer une en Polynésie comme sur tout point du territoire français, mais les textes qui régissent la création de commissions d'enquête imposent deux conditions juridiques. Tout d'abord, il faut préciser dans la proposition de résolution, soit les faits pouvant donner lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d'enquête doit examiner la gestion. C'est ce que nous avons fait.

La seconde exigence concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatifs et judiciaires, car il est interdit à l'Assemblée d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que celles-ci sont en cours.

Lors d'une demande de création de commission d'enquête, le président de l'Assemblée nationale saisit le garde des sceaux - ce qu'il a fait - et ce dernier a répondu par lettre figurant en annexe de mon rapport, que trois informations judiciaires étaient ouvertes, depuis 2000, au tribunal de grande instance de Papeete, concernant d'éventuels emplois fictifs auprès du gouvernement de la Polynésie française, portant sur les chefs de prise illégale d'intérêt et de détournement de fonds publics. Bien entendu, la commission d'enquête ne pourra pas enquêter sur ces faits en vertu de la séparation des pouvoirs. Nous espérons que la justice sera aussi rapide que pourrait l'être une commission d'enquête.

Le président de la commission des lois, Pascal Clément, a prétendu, qu'en vertu de cette séparation des pouvoirs, nous ne pouvions pas créer de commission d'enquête en raison de l'instruction judiciaire en cours.

M. Arnaud Montebourg. C'est absurde !

M. René Dosière, rapporteur. Or selon une pratique constante depuis 1971, il a été admis que l'existence de poursuites judiciaires n'était pas, à elle seule, un obstacle à la création d'une commission d'enquête, mais constituait un élément à prendre en compte pour limiter ses pouvoirs d'investigation « dans la mesure de l'étendue des faits dont est saisie, pour sa part, l'autorité judiciaire ».

De fait, l'Assemblée nationale a créé certaines de ses commissions d'enquête les plus célèbres en dépit de l'existence de poursuites judiciaires : on peut citer par exemple la commission d'enquête sur l'Amoco-Cadiz en 1979, sur le service d'action civique - SAC - en 1982, sur les événements de novembre et décembre 1986 - dont le président était Pascal Clément - sur la transmission du sida en 1992, sur le Crédit lyonnais en 1994, sur l'utilisation des fonds publics en Corse en 1998, sur les forces de sécurité en Corse en 1999. Je crois même, monsieur le ministre, que vous étiez membre de la commission d'enquête sur les fonds publics en Corse, et on sait bien qu'en Corse, le nombre d'instructions judiciaires étaient plus nombreuses qu'en Polynésie. Cela n'a pas empêché la commission d'enquête de siéger. Le dernier exemple a été la création, le 18 mars 2003, d'une commission d'enquête sur les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib. Par conséquent, refuser la création d'une commission d'enquête au motif de ces instructions judiciaires apparaît comme une manœuvre dilatoire dénuée de tout fondement.

M. Christian Paul. C'est une mascarade !

M. René Dosière, rapporteur. Troisième question : la commission d'enquête est-elle nécessaire ?

Le budget de la collectivité de Polynésie est important, il s'élève à environ 1,2 milliard d'euros pour 250 000 habitants, somme considérable au regard du budget de mon département : 500 millions d'euros pour 550 000 habitants. Mais, il est vrai que, du fait de son éloignement et de son isolement, la Polynésie doit répondre à des besoins spécifiques.

L'État français consacre donc des sommes importantes à la Polynésie dont le détail figure dans mon rapport, et qui justifient que l'on y regarde de près. Je me suis aperçu, en effet, que les fonds publics n'ont pas été contrôlés,...

M. Éric Raoult. C'est faux !

M. René Dosière, rapporteur. ...sauf depuis deux ans, monsieur Raoult. Certes, Mme la ministre de l'outre-mer nous objecte l'existence de la chambre territoriale des comptes. Mais, en 1984, alors que la Polynésie se voit dotée de son premier statut d'autonomie, il n'est pas créé de chambre territoriale des comptes.

M. Éric Raoult. M. Fabius était Premier ministre !

M. René Dosière, rapporteur. Cette chambre ne sera créée qu'en 1990 avec pour objectif de porter ses premières investigations sur les mandats de 1992. De plus, elle est commune avec celle de Nouvelle-Calédonie. Les magistrats qui s'occupent de la Polynésie résident à Nouméa ! Les spécialistes de ces questions sont conscients des distances qui séparent ces deux territoires, mais il faut rappeler à l'opinion métropolitaine qu'entre Nouméa et Papeete, il y a 5 000 kilomètres, huit heures d'avion et le franchissement de la ligne de changement de date, ce qui n'est pas pour faciliter le contrôle des comptes de la Polynésie depuis Nouméa. L'actuel président de la chambre territoriale des comptes a reconnu lui-même que les contrôles qui pouvaient exister n'étaient que ponctuels et partiels.

M. Éric Raoult. Qui était alors le ministre ?

M. le président. Monsieur Raoult, M. Dosière s'apprête à conclure.

M. Éric Raoult. Oui, mais il dit des contrevérités !

M. René Dosière, rapporteur. Cette situation est le fruit d'une responsabilité collective des gouvernements successifs. Mais ce n'est pas parce que, dans le passé, nous avons pu commettre des erreurs ou faire des oublis, que nous devons poursuivre aujourd'hui dans cette voie.

En 1999, lorsque nous avons renforcé les missions de la chambre territoriale en Nouvelle-Calédonie, les contrôles relatifs à la Polynésie ont immédiatement cessé. Il a fallu attendre 2002 pour qu'une nouvelle chambre territoriale des comptes soit installée dans ce territoire. C'est dire qu'à l'exception des contrôles qui sont exercés depuis deux ou trois ans, la chambre territoriale des comptes n'a jamais effectué de contrôles sur l'usage des fonds publics en Polynésie. Elle n'existait pas et lorsqu'elle a été installée, ses compétences étaient moins étendues.

Il y avait un contrôle de légalité, nous dit-on. Mais le haut-commissaire lui-même a reconnu devant la mission de la commission des lois que les actes relatifs aux marchés publics et aux personnels territoriaux ne lui étaient pas transmis, la loi ne l'imposant pas. En outre, il nous a signalé que les rapports qui, conformément à la loi, doivent lui être transmis, ne le sont pas, ce qui l'oblige à saisir saisir le tribunal administratif.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Dosière !

M. René Dosière, rapporteur. Pour des raisons diverses, les procédures de contrôle en Polynésie n'ont pu fonctionner et n'existent que depuis peu. Il est donc d'autant plus nécessaire que le Parlement, en vertu de ses missions, crée cette commission d'enquête où la majorité serait majoritaire, selon la règle proportionnelle.

M. Arnaud Montebourg. Que craignent nos collègues ?

M. René Dosière, rapporteur. Je vous invite donc à adopter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, au nom du groupe socialiste, je voudrais exprimer notre solidarité avec la Guadeloupe et les victimes du tremblement de terre qu'elle a subi. Nous souhaiterions être rapidement informés des mesures que le Gouvernement entend prendre, notamment pour répondre à l'appel du président du conseil régional, notre collègue Victorin Lurel.

Mme Girardin est sur place et nous ne lui ferons évidemment pas reproche de son absence ce matin. C'est vous, monsieur le ministre délégué aux relations avec le Parlement, qui représentez le Gouvernement aujourd'hui. D'une certaine façon, je m'en félicite car vous êtes un parlementaire expérimenté. Vous savez bien que les arguments utilisés par le groupe UMP et le président de la commission des lois, au sein de celle-ci, pour rejeter la proposition du groupe socialiste ne sont pas valables. Vous qui avez siégé dans diverses commissions d'enquête, vous savez qu'il est tout à fait possible d'exclure de leur champ d'action ce qui relève des procédures judiciaires pour enquêter sur tout le reste.

Je le dis sincèrement, la situation en Polynésie est suffisamment préoccupante pour qu'il n'y ait pas de faux-semblants et de petites manœuvres visant à empêcher d'instaurer un climat de transparence et donc de confiance.

Cette semaine, les représentants des forces politiques polynésiennes sont à Paris. Il est bien question de trouver les voies et les moyens pour créer les conditions de la paix civile dans ce territoire. Et ce serait bien mal commencer les discussions que de rejeter cette proposition de résolution du groupe socialiste.

Nous avons connu pour d'autres territoires et à d'autres sujets des situations comparables lorsque nous étions au pouvoir et l'opposition n'a pas manqué alors de rappeler combien il était nécessaire que l'Assemblée nationale joue pleinement son rôle de contrôle. Les contrôles effectués dans le cadre d'une commission d'enquête s'exercent dans un esprit de justice et de vérité, en toute équité. Je regretterais profondément que l'UMP persiste dans son refus de voter cette proposition. Il est encore temps pour elle de changer d'avis. Les précisions données par M. Dosière démontrent qu'il est possible d'enquêter sans interférer dans les procédures judiciaires. M. le président de l'Assemblée nationale a d'ailleurs, à juste titre, saisi le garde des sceaux.

Dans ces conditions, je vous demande solennellement, sans polémique, de tout faire pour que les conditions d'une paix civile soient réunies en Polynésie. Il y va de l'intérêt de tous. Des élections auront lieu dans quelque temps, et j'espère qu'elles se dérouleront dans tout l'archipel. Surtout, il faudrait éviter toute réforme du mode de scrutin, qui ne pourrait être interprétée que comme un charcutage. Si la mission de Mme Girardin ne consiste qu'à défendre un système moribond, que les choses soient claires. Si ce n'est pas le cas, et je ne fais pas de procès d'intention, vous avez l'occasion de montrer votre volonté de sortir par le haut de cette situation : écoutez les arguments de M. Dosière et adoptez cette proposition de résolution.

M. Éric Raoult. Ce n'est pas vraiment un rappel au règlement !

M. le président. Monsieur Ayrault, je suis certain que l'Assemblée nationale sera unanime pour témoigner sa solidarité avec les Guadeloupéens en ces instants difficiles.

M. Éric Raoult. Ça, c'est du concret, pas de la polémique !

M. le président. En tant que parlementaire expérimenté et président du groupe socialiste, vous savez bien que les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sont une procédure interne aux assemblées parlementaires. La présence du Gouvernement n'est donc jamais obligatoire. On a d'ailleurs déjà vu le banc du Gouvernement vide. M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement est présent aujourd'hui parmi nous. Je crois qu'il s'agit d'une marque de reconnaissance de la part du Gouvernement et la preuve de l'attention qu'il porte à cette proposition de résolution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous m'accorderez en outre, monsieur Ayrault, que votre prise de parole ne relevait pas tout à fait du rappel au règlement.

D'ores et déjà, j'informe l'Assemblée que nous suspendrons nos travaux à l'issue de la prochaine intervention afin que la conférence des présidents puisse se réunir.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a examiné la semaine dernière cette proposition de résolution et a émis, à une large majorité, un vote négatif, pour quatre solides raisons.

M. Christian Paul. C'est scandaleux !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. La première raison est liée à un obstacle fond, que certains essaient de balayer d'un revers de main. Comme le garde des sceaux l'a rappelé dans sa lettre du 10 novembre dernier, l'impératif de séparation des pouvoirs s'impose à notre assemblée.

M. Arnaud Montebourg. Argutie !

M. Christian Paul. Mascarade !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Des procédures judiciaires sont en cours, pour plusieurs affaires. Et aux collègues de l'opposition qui ont une fâcheuse tendance à vociférer, je peux lire nombre de lettres d'observation des gardes des sceaux de l'ancienne majorité allant exactement dans le même sens.

M. Christian Paul. Parlement aux ordres !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Nous sommes tout simplement dans une démocratie...

M. Arnaud Montebourg. Mais à quoi sert ce parlement ?

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. ...et nous devons respecter le principe de séparation des pouvoirs.

La deuxième raison tient au fait que des élections auront lieu dans moins de trois mois en Polynésie française.

M. Christian Paul. Ne changez pas le mode de scrutin ! Ce serait honteux !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Or la tradition républicaine veut depuis des décennies que l'on n'interfère jamais dans un processus électoral par des dispositifs de contrôle qui pourraient s'apparenter à des « petites manœuvres », pour reprendre les mots de M. Ayrault. À cet égard, mes chers collègues, je citerai l'article L. 241-11 issu de la loi du 21 décembre 2001, votée sous la majorité socialiste : « Ne peut être publié ni communiqué à ses destinataires ou à des tiers à compter du premier jour du troisième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections pour la collectivité concernée et jusqu'au lendemain du tour de scrutin où l'élection est acquise, aucun rapport d'observation sur la gestion d'une collectivité territoriale. ». Et pourquoi cette disposition a-t-elle été votée ? Tout simplement parce que lorsque le corps électoral est appelé à voter, il faut établir un climat de sérénité. Je le dis d'autant plus fermement aujourd'hui que si le Conseil d'État a annulé les élections dans la principale circonscription électorale de Polynésie, c'est bien parce que les amis de M. Temaru n'ont pas respecté les règles de neutralité du scrutin comme ils auraient dû le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Et M. Flosse ?

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Dès lors, ne devenons pas complices d'une manœuvre visant à troubler la bonne application du code électoral.

Troisième raison : il faudrait créer toutes affaires cessantes une commission d'enquête car il n'existerait pas de contrôle administratif et financier en Polynésie ; mais, mes chers collègues, je suis heureux de le dire : un tel dispositif existe bel et bien comme sur tout le territoire de la République.

M. René Dosière, rapporteur. Depuis quand ?

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. La chambre territoriale des comptes travaille. Elle a déjà rendu plusieurs rapports d'observation qui sont devenus définitifs.

Le contrôle administratif et juridictionnel est effectif. Le nombre d'affaires dont le tribunal administratif de Papeete a été saisi est ainsi passé de 67 en 1984 à 793 en 2004, dont 42 % concernant des actes du gouvernement.

M. Bernard Roman. C'est un aveu !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Quant aux déférés du représentant de l'État, ils ont augmenté : 6 en 1999, 36 en 2000, 85 en 2001 et 62 en 2002. On ne peut pas prétendre qu'il n'y a pas de contrôle et, face à la réalité des chiffres, dire qu'ils ne comptent pas. Il faut choisir son argumentation, chers collègues.

Mme Christiane Taubira. C'est spécieux !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. J'en viens à la quatrième raison. D'après vous, une commission d'enquête serait nécessaire parce que le degré d'autonomie de la Polynésie s'est accru...

M. Christian Paul. Comme les revenus de M. Flosse !

M. Arnaud Montebourg. Et le niveau de prévarication ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Vous étiez meilleur à la télévision hier, monsieur Montebourg !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. .... mais pas le niveau des contrôles administratifs et financiers. J'ai examiné les textes. Que montrent-ils ?

Il faut savoir que la loi a accru en métropole les dispositifs de contrôle des juridictions financières et que ce renforcement des contrôles n'a pas été systématiquement généralisé en Polynésie. Mais désormais, c'est chose faite grâce à la loi du 27 février 2004, tant critiquée par M. Dosière.

M. René Dosière, rapporteur. Depuis quand s'applique-t-elle ?

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Par ailleurs, la possibilité pour le représentant de l'État d'assortir un recours pour excès de pouvoir visant à annuler une décision d'une demande de suspension de l'acte attaqué, instaurée pour la métropole par la loi du 2 mars 1982, a été étendue par la loi du 30 juin 2000, notamment pour les domaines sensibles. Et cette disposition a été généralisée à la Polynésie française par la loi organique du 27 février 2004.

Enfin, toute personne physique ou morale s'estimant lésée par un acte d'une collectivité peut demander au préfet, en métropole, de mettre en place une procédure afin d'en demander la suspension. Cette garantie supplémentaire de contrôle a été introduite en Polynésie par cette même loi.

Parce qu'un contrôle existe, parce qu'il a été renforcé, parce le rôle de l'Assemblée nationale n'est pas de venir troubler un climat de sérénité, puisque l'État de droit s'applique en Polynésie et que le Conseil d'État a annulé des élections (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ...

M. Arnaud Montebourg. Pour l'UMP, l'Assemblée doit dormir !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. ...laissons les citoyens de Polynésie assumer leurs responsabilités. Ce sont eux qui auront à choisir leurs propres représentants !

M. Arnaud Montebourg. Quel piètre avocat du système Flosse !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Je suis triste de l'image que le groupe socialiste donne ce matin par ses vociférations.

M. Arnaud Montebourg. Oui, soyez triste, votre attitude est misérable ! Quelle honte !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Restons calmes. Préservons un climat de sérénité, c'est notre devoir de députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Complice !

M. le président. Je vais suspendre la séance jusqu'à la fin de la conférence des présidents.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures, est reprise à dix heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, comme vous le savez tous, et les orateurs précédents ont eu l'occasion de l'évoquer, la Guadeloupe vient de subir un séisme important qui laisse derrière lui une île traumatisée.

Avant d'engager le débat qui nous réunit ce matin, vous me permettrez de livrer à la représentation nationale les dernières informations sur ce drame qui appelle une solidarité sans faille de la communauté nationale.

Au plan humain, on déplore le décès d'un enfant dans la commune de Trois-Rivières. Une quinzaine de personnes ont été blessées.

Concernant les dommages aux infrastructures, de nombreux axes routiers ont été coupés sous l'effet conjugué du séisme et des fortes pluies. Les opérations de déblaiement se poursuivent.

L'alimentation en électricité a été intégralement rétablie dans le département. Seule une dizaine de foyers restent privées d'électricité à Terre-de-Bas. De même, le réseau des télécommunications est intégralement rétabli.

En ce qui concerne le réseau d'eau potable, de nombreuses réparations ont été effectuées. Cependant, l'eau est impropre à la consommation dans plusieurs communes, notamment à Gourbeyre, Deshaies, et Vieux-Habitants. La commune de Pointe-Noire demeure, pour l'heure, privée d'eau potable.

De nombreux édifices publics ont été endommagés. À Terre-de-Bas, la mairie a été fortement touchée et le fronton de l'église s'est effondré. À Terre-de-Haut, plusieurs écoles sont fissurées. Toutes les écoles ont été fermées pour des visites de contrôle. Les clochers des églises de Saint-Claude et de Gourbeyre menacent de s'effondrer.

S'agissant des biens privés, une quinzaine de maisons ont été détruites et de nombreuses habitations sont fissurées aux Saintes. Tous leurs occupants ont été pris en charge. Une partie de la population a été relogée dans un collège et sous des tentes.

L'État a mobilisé l'ensemble de ses moyens et services. Pompiers, gendarmes, militaires et médecins du SAMU, accompagnés d'une cellule d'aide psychologique, interviennent actuellement auprès des populations.

Des crédits d'extrême urgence ont été débloqués pour être distribués aux sinistrés qui ont tout perdu.

Ma collègue Brigitte Girardin, qui s'est immédiatement rendue à la Guadeloupe, aura l'occasion de faire un point plus précis dès son retour.

C'est dans ce contexte que je suis amené à représenter le Gouvernement pour exprimer sa position sur la proposition de résolution du groupe socialiste tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française et la gestion des services publics relevant de la Polynésie française.

L'effort financier de l'État en faveur de la Polynésie française se concrétise à travers deux types de dépenses : les dépenses liées au fonctionnement propre de l'État en Polynésie et l'abondement des structures de la collectivité de Polynésie.

Les dépenses liées au fonctionnement de l'État se sont élevées à 1,213 milliard d'euros en 2003. Près des deux tiers de ce montant, 64,9 % très précisément, soit 788 millions d'euros, sont absorbés par les trois types de dépenses suivants : 33 % du montant global des dépenses de l'État vont à l'éducation nationale - principalement pour les salaires des enseignants - aux instituts de recherche, comme l'IFRECOR, l'IFREMER et l'IRD, ainsi qu'à l'enseignement supérieur ; 18,7 % concernent les dépenses de la défense nationale et 13,2 % les dépenses civiles de l'État - haut-commissariat, police, gendarmerie, justice.

Par ailleurs, l'État apporte son concours financier direct au territoire par trois canaux essentiels.

Le premier canal est constitué par la dotation globale de développement économique, en application de la convention État-territoire du 4 octobre 2002. Cette dotation s'élève à 150 millions d'euros par an.

Ces fonds sont destinés à des dépenses d'investissement dont le gouvernement de Polynésie française établit le programme. Chaque opération donne lieu à l'établissement d'un dossier très complet qui comporte un marché, des bons de commande, un état des travaux, des factures. Ce dossier est remis à la chambre territoriale des comptes afin qu'elle exerce le contrôle de l'utilisation de ces fonds.

Le second canal est constitué par la participation de l'État au régime de solidarité territoriale, prévue par l'article 10 de la loi du 5 février 1994. Cette participation s'élève à 24,5 millions d'euros par an et a donné lieu à une deuxième convention couvrant les années 1999 à 2003. L'État a apuré les derniers versements à la caisse de prévoyance sociale, organisme paritaire employeurs-employés, en juillet 2004.

Les contributions de l'État au titre du contrat de développement 2000-2003, prolongées d'une année en 2004, constituent le dernier canal de l'aide. Elles représentent un engagement de l'État, tous ministères confondus, de 170,7 millions d'euros sur cinq ans.

Ces financements représentent les contributions des différents ministères techniques engagés dans des projets identifiés par le contrat de développement. La contribution du ministère de l'outre-mer, d'un montant de 68,92 millions d'euros, a été presque totalement déléguée à la collectivité de Polynésie.

Les projets du contrat de développement concernent les secteurs de l'agriculture, de la pêche, de l'industrie, du commerce, du travail, de l'équipement, de la santé et de la politique de la ville. La réalisation de chaque projet donne lieu à l'établissement de conventions particulières État-territoire. Le versement des subventions de l'État est soumis naturellement au visa du contrôle financier.

Un comité de suivi État-territoire se réunit chaque année sous la présidence du ministre de l'outre-mer afin de faire le point sur l'état d'avancement des projets.

M. Arnaud Montebourg. Tout va donc bien, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Bien évidemment, toutes ces interventions sont soumises à des contrôles stricts, encore renforcés ces dernières années, monsieur Montebourg.

Outre les contrôles prévus par des dispositions particulières, par exemple pour la dotation globale de développement économique, toutes les dépenses de l'État sont soumises au visa du contrôle financier.

Par ailleurs, la chambre territoriale des comptes de la Polynésie qui, depuis le nouveau statut, détient toutes les compétences des chambres régionales des comptes, exerce son contrôle tant sur les administrations que sur les établissements publics de la collectivité.

Enfin, le haut-commissaire exerce bien entendu un contrôle de légalité. À cet égard, il est paradoxal de constater que le Parti socialiste critique l'insuffisance supposée du contrôle de légalité qu'il n'a pourtant pas renforcé pendant les cinq ans où il était au pouvoir. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Bien sûr que si !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. C'est bien le Gouvernement actuel qui a sensiblement renforcé le contrôle de légalité sur plusieurs points.

M. Christian Paul. Vous avez fait l'inverse !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. D'abord, la liste des actes du gouvernement de la Polynésie française soumis à l'obligation de transmission au haut-commissaire a été étendue par l'article 171-11 du statut du 27 février 2004.

Ainsi en est-il des autorisations individuelles d'occupation des sols, qui recouvrent notamment les permis de construire, dont je rappelle qu'en Polynésie française ils sont délivrés par le gouvernement et non par les communes, des conventions relatives aux marchés, sauf s'ils sont naturellement en dessous des seuils et sont passés sans formalité préalable, des autorisations d'établissement classé qui recouvrent les implantations industrielles, des décisions individuelles relatives aux nominations, mises à la retraite, licenciements ou révocations d'agents, de nombreux actes pris par le conseil des ministres et notamment les assignations de fréquence radioélectrique, les licences de transport aérien, les déclarations d'utilité publique, les concessions d'exploitation des ressources maritimes naturelles, les décisions d'exercice du droit de préemption des délivrances de permis de travail, les autorisations d'ouverture des cercles et des casinos.

M. Christian Paul. C'est une vraie carte postale !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Ensuite, contrairement à ce qui a pu être indiqué, ces actes n'entrent en vigueur qu'après constat de leur transmission au haut-commissaire.

Enfin, les « lois du pays », qui sont les actes les plus importants de l'assemblée de Polynésie française, doivent être transmises au haut-commissaire qui dispose, et vous le savez, d'un délai de huit jours pour en demander une nouvelle lecture et d'un délai de quinze jours pour les déférer au Conseil d'État. Or, je le rappelle, ce sont ces « lois du pays » qui régissent les relations entre la Polynésie française et les communes, et notamment les règles d'attribution des subventions aux communes.

Comme on le constate, c'est bien le statut du 27 février 2004 mis en place à l'initiative du Gouvernement qui a renforcé considérablement les moyens de contrôle de l'État en Polynésie française.

Dans ces conditions, vous comprendrez que le Gouvernement ne voie aucune justification à la proposition de résolution. Elle dissimule mal, en effet, ses arrière-pensées trop éloignées de la réalité polynésienne et de l'attachement des Polynésiens eux-mêmes à un développement économique maîtrisé et à un partage équitable des fruits de la croissance dans la collectivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. La Polynésie comme paradis terrestre et financier !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, mes pensées vont d'abord à toutes les familles de Guadeloupe, frappées dans leur chair et privées de leur maison, qui vivent en ce moment une épreuve particulièrement douloureuse. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, la solidarité nationale doit être à la hauteur de la passe difficile qu'elles traversent.

La volonté du Parlement d'exercer effectivement son pouvoir de contrôle est aujourd'hui mise à l'épreuve et la majorité de l'Assemblée nationale a l'occasion de montrer qu'elle sait résister aux pressions qui s'exercent sans cesse sur elle, en particulier à propos de la Polynésie. Arrêtez, chers collègues de l'UMP, de contribuer à l'impunité d'un système qui, masqué derrière le statut d'autonomie de la Polynésie, n'honore pas notre République.

Courageux ou complices ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. La réponse est simple : ils sont complices !

M. Christian Paul. Tel est bien le dilemme auquel vous êtes confrontés. Rarement dans l'histoire pourtant longue et tourmentée de l'Assemblée nationale le choix aura été aussi clair.

Quel est notre devoir, mes chers collègues, nous qui sommes mandatés par le peuple souverain ?

M. Jérôme Bignon. Et les écoutes ?

M. Éric Raoult. Et Carole Bouquet ?

M. Christian Paul. C'est un sujet sérieux, monsieur Raoult.

M. Arnaud Montebourg. D'actualité, surtout !

M. le président. Poursuivez, monsieur Paul. Vous êtes le seul à avoir la parole.

M. Alain Cortade. Vous êtes complice, monsieur le président ?

M. Christian Paul. Nous sommes élus pour voter les lois, les lois de finances, bien sûr, mais aussi pour en contrôler l'application. Notre pouvoir s'arrête là où la Constitution et les règles de notre assemblée le décident, et non pas là où le voudraient le bon plaisir des uns, la paresse et le cynisme des autres.

À un moment où les Français souhaitent renforcer le pouvoir du Parlement - et un sondage l'atteste ce matin encore -, le choix que vous ferez aujourd'hui aura valeur de jurisprudence. C'est pourquoi je récuse d'emblée l'interprétation donnée par le président de la commission des lois sur injonction du garde des sceaux, monsieur le ministre, et la mutilation du pouvoir d'enquête de notre assemblée qui en résulterait.

M. Bernard Roman. Très bien ! Nous ne sommes pas aux ordres !

M. Christian Paul. Leur interprétation est castratrice, mes chers collègues. Malgré ses précautions de langage, la missive que nous avons reçue de la chancellerie participe de la volonté du pouvoir de construire une cage de Faraday autour du système Flosse. Avec quel objectif et pour combien de temps ? Cette injonction revêt un caractère paradoxal, d'ailleurs, dans la mesure où elle s'abrite derrière la mise en examen de M. Flosse. En effet, M. Perben et M. Clément qui ont, certes, quelques points communs avec M. Flosse, affectent de considérer que la mise en examen de ce dernier rendrait impossible la création d'une commission d'enquête. Quel paradoxe ! Et même quel cynisme, monsieur le ministre !

Je considère, comme notre rapporteur, René Dosière, qu'une telle commission d'enquête est à la fois très utile et tout à fait possible. Rien ne s'y oppose, mes chers collègues. Du reste, les plus courageuses des commissions d'enquête sont intervenues ces dernières années dans des domaines que l'autorité judiciaire avait déjà largement investis. Et, bien souvent, elles déclenchèrent d'autres poursuites, mettant à la disposition de la justice les matériaux de leurs investigations. Les commissions d'enquête parlementaires n'ignorent ni le droit, ni leurs droits : elles savent arrêter leur travail pour que passe la justice. Au cours de la dernière décennie, les plus connues d'entre elles ont toutes mené leurs travaux en parallèle de procédures judiciaires, qu'elles se soient consacrées aux tribunaux de commerce grâce à Arnaud Montebourg, aux sectes, aux circuits de l'argent sale, aux farines animales, à la gestion d'entreprises publiques ou privées comme Air Lib. Et qui oserait dire que la commission d'enquête sur le Rwanda a entravé la justice pénale internationale ?

M. René Dosière, rapporteur. Très bien !

M. Christian Paul. Ce sont autant de cas où enquêtes judiciaires et enquêtes parlementaires ne se sont nullement télescopées, elles se sont même souvent mutuellement enrichies et renforcées. La démocratie en est sortie non pas affaiblie, mais grandie.

M. Arnaud Montebourg. Tout à fait !

M. Christian Paul. Je prendrai un dernier exemple, celui des deux commissions d'enquête sur la Corse, l'une sur l'usage de l'argent public et le fonctionnement des services publics en 1998, l'autre sur le fonctionnement des services de sécurité, après la calamiteuse affaire des paillotes. Monsieur le ministre, vous fûtes un membre actif de la première, et M. Devedjian de la seconde. Dans les deux cas, la justice était saisie d'affaires pénales. La majorité de l'époque n'a pas courbé l'échine pour autant, elle a fait son devoir, elle s'est affranchie de préoccupations partisanes en créant ces commissions. Et vous-même avez voté les résolutions qui les ont créées, sans vous émouvoir des procès ou des enquêtes en cours. Je vous demande donc de méditer en conscience ces précédents.

Oui, mesdames et messieurs les députés, si ce matin vous ne trouvez pas en vous-mêmes les motifs d'un sursaut, l'Assemblée nationale sera affaiblie, asservie et avilie ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les motifs de ce sursaut, je vous les offre en évoquant la réalité de la Polynésie. En effet, cette commission d'enquête relève d'une urgente nécessité. Ce n'est pas le statut d'autonomie qui est en cause, mais sa confiscation par un homme et par un clan (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) constitue une offense à la démocratie.

Non, monsieur le ministre, la Polynésie n'est pas une carte postale. Je voudrais témoigner en quelques mots devant l'Assemblée nationale, comme je l'ai fait au moment du vote du nouveau statut de la Polynésie, puisque, après d'autres, j'ai découvert l'envers du décor à l'occasion des différents voyages que j'ai faits là-bas. J'ai observé la réalité du système, sa capacité d'intimidation - elle s'exerce, parfois avec subtilité, souvent avec brutalité sur des fonctionnaires, des journalistes, des entreprises et, bien sûr, des opposants.

Pendant que j'étais ministre, monsieur Warsmann, j'ai agi pour contrecarrer le système dans trois directions. Mais depuis, l'actuel gouvernement a donné un signal totalement différent. J'ai demandé aux hauts-commissaires successifs, premièrement, que le contrôle de légalité s'exerce sans faiblesse ; deuxièmement, qu'ils veillent à ce que l'argent public ne soit pas gaspillé. Et parce que j'avais osé dire que l'État n'était pas un guichet - une banalité pourtant -, je fus à l'époque taxé par M. Flosse d'arrogance parisienne !

M. Éric Raoult. Il n'avait pas tort !

M. Christian Paul. J'ai en effet exigé que l'activité du GIP soit mieux contrôlée et conforme à la loi. Troisièmement, j'ai installé la chambre territoriale des comptes de Polynésie qui travaille depuis dans un environnement particulièrement difficile. Oui, mes chers collègues, il y a en Polynésie des magistrats et des fonctionnaires qui aimeraient bien que l'Assemblée nationale, avec cette commission d'enquête, leur donne les moyens de remplir vraiment leur mission.

Mais tous les signaux donnés par l'actuel gouvernement vont en sens inverse. Je m'en tiens au fonds de conversion, doté de 1 milliard de francs, 150 millions d'euros. Dès 2003, quelques mois à peine après l'arrivée du Gouvernement, ce fonds est devenu libre d'emploi, à la discrétion totale et personnelle du président du territoire.

M. Éric Raoult. Quelle caricature !

M. Christian Paul. Le Gouvernement tente de nous faire croire, avec M. Raoult comme supplétif,...

M. Éric Raoult. Je le prends comme un compliment.

M. Christian Paul. ...que le contrôle a posteriori, c'est-à-dire des années après, de la chambre territoriale des comptes viendrait atténuer ou moraliser la puissance capricieuse et sans limite que donnent de tels moyens publics à l'échelle d'un territoire comme la Polynésie.

Par bonheur, depuis mai dernier, les langues se sont déliées, la peur des représailles s'estompe. Plusieurs sources convergent : les premiers rapports de la chambre territoriale des comptes, dont je me réjouis que René Dosière ait pu vous rendre compte aujourd'hui, l'audit commandé par le président Temaru,...

M. Éric Raoult. Il n'est plus président !

M. Christian Paul. ...les enquêtes judiciaires en cours et les informations alarmantes recueillies par la presse vont dans le même sens.

Je m'empresse de dire que les enquêtes en cours, en particulier celles qui ont conduit à la mise en examen de M. Flosse, ne seront certainement pas concurrencées par notre commission d'enquête. Tout au plus pourrait-elle mettre en lumière, donc sous le regard de l'opinion publique, d'autres faits répréhensibles. C'est peut-être cela que l'on redoute.

En effet, le système conjugue plusieurs vices : les privilèges dispensés, les fidélités locales, politiques ou médiatiques, chèrement acquises. Et je tiens quelques exemples à la disposition de la future commission d'enquête : des dépenses somptuaires qui illustrent le train de vie de la présidence, les salaires mirobolants des hiérarques et des obligés, des complaisances achetées à Paris, sans doute en guise d'assurance pour l'avenir.

À partir des informations collectées ces dernières semaines, mes chers collègues, tout indique qu'un système d'emplois fictifs sans précédent par son ampleur,...

M. Arnaud Montebourg. Sauf à la mairie de Paris !

M. Christian Paul. Bien au-delà, monsieur Montebourg !

Un système sans précédent a été créé en Polynésie, en particulier par le biais du cabinet de la présidence qui, d'après les informations dont je dispose, ne comptait pas moins de 600 emplois, ou de la délégation de la Polynésie à Paris.

La chambre territoriale des comptes a relevé qu'un membre du gouvernement de M. Juppé est passé directement du ministère de l'outre-mer au service, fictif ou réel, de M. Flosse. Cela crée des liens, c'est vrai, et la force des services rendus n'explique-t-elle pas l'extraordinaire acharnement à défendre et protéger l'acteur principal de cette farce ?

M. Jean-Marc Roubaud. Fantasme !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Paul.

M. Christian Paul. À coup sûr, ne pas agir, c'est être complice. L'honneur du Parlement et notre devoir de député commandent de créer cette commission d'enquête. Nous adresserions, dans les heures difficiles que vit la Polynésie, un magnifique message de démocratie à nos compatriotes. Si l'impunité s'organise, si des complicités s'agitent à Paris, si le désespoir s'installe en Polynésie, des moments douloureux sont à craindre.

La paix civile dépend d'abord de l'issue politique donnée à la crise qui tétanise les institutions polynésiennes, mais aussi de la confiance que les Polynésiens ont dans la République. Le Gouvernement n'a plus le droit à l'erreur, compte tenu du retard accumulé et des nombreuses fautes qui ont été commises ces dernières semaines. Chacun, à Paris comme à Papeete, saura ce matin si la République incarne la justice et si le Parlement est vigilant quand les lois sont bafouées. Notre responsabilité à tous, mais la vôtre en particulier, chers collègues de la majorité, est immense. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Avant d'en venir à la discussion de la proposition de résolution, je voudrais à mon tour exprimer toute ma solidarité avec nos compatriotes de la Guadeloupe qui ont été durement frappés.

Monsieur le ministre, voici bientôt un an que le feuilleton polynésien a commencé : projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, dissolution, élections, motion de censure et paralysie des institutions. De rebondissements en coups de théâtre, une crise politique majeure a pris corps dans ce territoire français situé à plus de 18 000 kilomètres de Paris, crise dont les répercussions en métropole constituent un fait sans précédent.

Depuis des semaines, le groupe UDF n'a cessé de vous alerter sur les risques de la politique qui est menée là-bas. Face aux événements, notre groupe, loin de l'agitation et des provocations suscitées sur place par les auteurs mêmes de la proposition que nous discutons ce matin, a suggéré le retour aux urnes, la Polynésie ne pouvant plus demeurer l'exception que constituait une collectivité en situation de blocage, à laquelle on refusait la dissolution. Nous avons donc réitéré notre volonté de redonner la parole aux électeurs pour sortir de la crise. En démocratie, il y a des moments où le peuple souverain doit être consulté. Cette solution vous avait pourtant été suggérée par un grand nombre d'entre nous, à commencer par le président de l'Assemblée nationale et des élus polynésiens de la majorité.

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Michel Hunault. Par ailleurs, s'est posée en filigrane la question de l'utilisation des comptes publics en Polynésie.

M. Arnaud Montebourg. Enfin !

M. Michel Hunault. Dès son arrivée au pouvoir, la coalition menée par M. Temaru a commandé un audit sur les comptes publics. Compte tenu des événements récents, de futures élections et de l'arrivée d'un nouveau gouvernement, on peut légitimement s'interroger sur cet audit. Dans ce contexte, nos collègues de l'opposition ont émis l'idée de proposer à la représentation nationale la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics.

J'aimerais tout de même, avant de traiter de cette proposition de résolution, rappeler au Parti socialiste qu'en matière de bonne gouvernance, nous n'avons pas de leçons à recevoir de sa part. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je n'aurai pas, à cette tribune, la cruauté de raviver certains souvenirs douloureux ou de citer certains scandales...

C'est à des gouvernements soutenus par des majorités parlementaires auxquelles l'UDF a pris toute sa part que l'on doit successivement l'adoption de la législation sur le financement de la vie politique, axée sur la recherche d'une plus grande transparence. Je citerai les lois sur le financement des partis politiques, la ratification des conventions de lutte contre la corruption et le blanchiment, qui sont le fruit d'initiatives de gouvernements auxquels l'UDF a participé.

Plusieurs députés socialistes. Et Barrot ?

M. Michel Hunault. Je ne dresserai pas ce matin un catalogue des mesures destinées à favoriser la transparence...

M. Arnaud Montebourg. Vive les lois d'amnistie !

M. Michel Hunault. ...car, par-delà le contrôle des fonds publics, il s'agit pour nous de restaurer le lien de confiance qui s'est distendu ces dernières semaines entre les citoyens et leurs gouvernants. Le rétablir est le défi aujourd'hui lancé à la nation tout entière. Nous ne devons plus faire l'économie du double devoir d'information et de transparence. La proposition dont nous discutons ce matin nous paraît servir cet objectif.

Elle ne doit pas pour autant être exclusive. Sa discussion, monsieur le ministre, aurait même dû s'avérer inutile si le Parlement avait rempli, comme il le devrait, sa fonction de contrôle.

Désireux d'éviter toute digression, je ne m'attarderai pas sur les attributions du Parlement : ce n'est pas le sujet de ce matin. Néanmoins, comment ne pas exprimer son étonnement devant la nécessité de créer une telle commission d'enquête ? Des institutions de la République sont chargées de veiller à l'utilisation de l'argent public et le président de la Cour des comptes vient chaque année devant la représentation nationale. Mais quelles suites concrètes réserve-t-on à ses observations sur la lutte contre les abus et les scandales financiers ?

Ce qui nous réunit ce matin est un dysfonctionnement mettant en cause notre système. Le doute sur l'utilisation des fonds publics s'est distillé dans l'opinion polynésienne. Il nous appartient de le lever puisque, en atteignant les principes de bonne gouvernance, il sape la confiance de tous les Français, de métropole et de Polynésie. Telle est l'objectif du groupe UDF au travers de sa prise de position.

Des irrégularités électorales, un changement brusque de majorité, un blocage institutionnel : retournons devant les électeurs et laissons décider les urnes !

Il en va de même de la proposition dont nous discutons ce matin. Des accusations, des démentis, des poursuites, des non-lieux : dans cette affaire, tout et son contraire ont été avancés. Il n'est pas d'autre solution que la transparence ! Le plus simple est de donner à une commission la possibilité d'enquêter sur toutes les allégations, notamment celles relatives à la bonne utilisation des fonds publics. N'ayons pas peur de montrer que lorsque s'installent des incertitudes, la représentation nationale, au sein de la classe politique, réagit et s'avère capable, en assumant ses fonctions, de mener à bien son rôle. Éclaircissons, de grâce, une situation qui ne rend service à personne. Ne laissons plus se propager des doutes ou se développer des accusations qui, en visant le politique, tendent à son affaiblissement !

Le groupe UDF, sans tenir compte de l'origine de proposition, a, pour seul objectif, non pas d'accréditer des on-dit, mais de restaurer le lien de confiance qui se distend progressivement entre les Français et leurs représentants. De même que notre appel aux urnes a été dicté par la seule volonté de laisser le peuple souverain, l'approbation de ce texte, en dépit d'un ton et d'une rédaction que le groupe UDF désapprouve, doit s'accompagner d'une action résolue visant à rétablir la confiance, laquelle passe nécessairement par un contrôle accru de l'utilisation de l'argent public.

M. Arnaud Montebourg. C'est mal parti !

M. Michel Hunault. Le groupe UDF a maintes fois démontré son fort attachement aux valeurs de démocratie et de transparence, aux valeurs éthiques qui, nous le savons, sont partagées sur tous les bancs de l'Assemblée nationale.

J'ai entendu M. le président de la commission des lois opposer à cette proposition de résolution des raisons d'ordre juridique : aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, la résolution destinée à créer une commission d'enquête serait irrecevable en raison des poursuites engagées sur les faits auxquels elle serait amenée à s'intéresser. Certes des procédures sont engagées, mais même si les faits poursuivis devaient être exclus du champ d'investigation de la commission, son intérêt persistera puisqu'elle enquêtera bien au-delà des faits poursuivis.

C'est d'ailleurs ce qu'avait rappelé la commission des lois en autorisant la création d'une commission d'enquête dès lors qu'on écarte de son champ d'application ceux des faits qui ont donné lieu à des poursuites - je pense notamment au cas récent d'Air Lib : la commission s'est créée en dépit de l'existence de poursuites. Il n'y a donc pas lieu d'opposer à cette proposition une irrecevabilité d'ordre juridique.

Quant à la concomitance de l'enquête et de la tenue d|'élections, il serait présomptueux de penser que les conclusions de la commission pourraient intervenir avant le scrutin.

Chacun peut le constater, monsieur le ministre, il n'y a aucun obstacle juridique à la création de cette commission d'enquête ! Tout n'est donc qu'affaire de volonté politique et d'exigence éthique, une exigence que nous devons ériger en principe fondateur de l'organisation de la vie publique.

L'Assemblée nationale a, dans un passé récent, voté des textes visant à instaurer une plus grande transparence des mouvements financiers. Le Gouvernement serait bien inspiré de donner des signes forts dans le même sens ! Cela permettrait également de faire taire les critiques et les attaques personnelles que 1e groupe UDF ne peut cautionner. Je déplore notamment, monsieur Christian Paul, celles auxquelles vous venez de vous livrer à la tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Quentin. C'est un scandale !

M. Michel Hunault. Nous en appelons simplement à plus de démocratie. Il nous paraît essentiel que la Polynésie retrouve une sérénité qui lui a fait défaut ces dernières semaines.

Monsieur le ministre, ce souci d'éthique et de transparence guidera seul le vote du groupe UDF, dont l'objectif est le retour de la confiance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de sa réunion, mercredi dernier, la commission des lois a décidé de rejeter la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française et sur la gestion des services publics relevant de la Polynésie française.

Le président de la commission des lois a invoqué divers arguments qui n'ont convaincu que la seule majorité UMP - ce qui n'étonnera personne.

Nous ne comprenons pas, pour notre part, une telle opposition à la création de cette commission d'enquête. La transparence est une nécessité qui ne devrait inquiéter personne. Il nous paraît bon de faire en démocratie toute la clarté, notamment lorsqu'il s'agit, pour notre assemblée, de vérifier la bonne utilisation des crédits qu'elle vote, c'est-à-dire, en définitive, de l'argent des Français, métropolitains ou polynésiens.

Nous regrettons qu'on ne saisisse pas les possibilités offertes par l'ordonnance du 17 novembre 1958 et par notre règlement pour éclairer et rassurer l'opinion publique. En cette période de grande turbulence qui agite Polynésie, il était plus nécessaire que jamais pour notre assemblée d'affirmer qu'elle n'avait aucunement l'intention de rien cacher aux Français.

L'économie de la Polynésie française se caractérise par un très fort déséquilibre entre ses ressources propres et les transferts venant de métropole. Chaque année, la Polynésie perçoit près d'un milliard d'euros de dotations budgétaires, dont dépendent pour leur existence 50 % de la population polynésienne. De même, bon nombre de programmes sociaux ne peuvent être financés qu'en raison du soutien de l'État, ainsi qu'un grand nombre des dépenses d'investissement.

L'économie de la Polynésie dépend donc pour beaucoup des transferts de fonds publics de l'État. Pourtant, la situation sociale du territoire est dégradée et les inégalités sociales sont criantes. Il est donc plus indispensable que jamais de s'assurer de la bonne répartition de ces fonds.

La création d'une commission d'enquête sur leur utilisation et la gestion des services publics nous permettrait ainsi d'apprécier la réalité d'hier et celle d'aujourd'hui. Elle nous permettrait très certainement de comprendre pourquoi l'économie polynésienne reste sous perfusion en dépit des efforts fournis depuis de si nombreuses années.

Les crédits sont-ils suffisants ? Sont-ils bien répartis ou efficacement utilisés ? Voilà de vraies questions qui méritaient qu'une trentaine de parlementaires se mobilisent pendant quelques mois pour éclairer l'Assemblée nationale, l'aidant ainsi à nourrir ses réflexions et à mieux préparer ses décisions futures. Si un tel refus était confirmé, nous le regretterions vivement.

La nouvelle présidence polynésienne issue des élections de mai 2004 a, malgré la courte durée de son mandat, permis de soulever les questions que nous évoquons ici. Elle a eu le temps de lancer un audit sur l'utilisation des fonds publics durant les cinq dernières années. Il serait dommage qu'un tel audit ne puisse aller jusqu'à son terme. En tout cas, rien dans la situation actuelle ne nous garantit qu'il en sera ainsi.

La jeune chambre territoriale des comptes de la Polynésie française avait rendu quelques rapports qui mettaient gravement en cause la gestion du précédent gouvernement. Seule l'alternance a permis que ces rapports tombent dans le domaine public. Ils avaient trait à la délégation de la Polynésie française à Paris, au tourisme, à la direction de la santé ou au ministère de l'habitat social. Ils ont révélé - nul ne l'ignore - de graves dysfonctionnements. Il est vrai que, depuis, Gaston Flosse a été mis en examen pour prise illégale d'intérêts et détournements de fonds publics, et qu'une enquête est en cours.

La presse a, de son côté, révélé des pratiques très critiquables. À l'en croire, sur une année, un peu plus de 1,6 million d'euros ont été versés à des salariés fictifs ; le « service d'aide aux particuliers », dont les salariés étaient rémunérés sur le budget de la Polynésie et qui était rattaché à la présidence, n'aurait pour tout motif que des préoccupations strictement électoralistes ; plus de 600 personnes auraient dépendu du budget de la présidence et plus d'une centaine de personnes relèveraient du cabinet du président de l'assemblée de Polynésie ; le président Flosse aurait accordé, de façon discrétionnaire, des subventions aux communes, la sienne percevant 75 euros par habitant, tandis que celle de son adversaire ne recevrait aucun subside. Depuis 1997, ce sont 117 millions d'euros de fonds publics qui auraient été ainsi distribués selon les bons vouloirs d'un seul homme. Voilà autant d'affirmations qui mériteraient, pour le moins, d'être vérifiées.

Les parlementaires et les contribuables ont, en effet, le droit de savoir si les fonds publics destinés à la Polynésie ont été répartis selon une logique clientéliste ou s'ils ont été utilisés dans l'intérêt de l'ensemble de la population polynésienne et de son économie.

La situation économique et sociale de la Polynésie n'autorise personne à traiter ces questions à la légère.

D'ailleurs M. Flosse lui-même a reconnu qu'il avait commis des erreurs et que, la politique sociale ayant été négligée, le développement avait laissé une partie de la population sur le bas-côté.

Un taux de chômage s'élevant à 16 %, seulement 30 % d'une classe d'âge arrivant au bac, de vingt à trente personnes pouvant vivre sous le même toit ou encore une espérance de vie de 10 ans inférieure à la moyenne nationale : tel est le dramatique constat qui ne saurait nous laisser indifférents.

La commission des lois a décidé de rejeter la proposition de résolution au prétexte que des procédures judiciaires sont en cours. À notre connaissance, elles ne portent que sur la question des emplois fictifs. La commission d'enquête aurait certes à connaître de ces faits, mais son champ serait beaucoup plus large puisqu'elle enquêterait, de façon bien plus générale, sur l'utilisation des fonds publics et de la gestion des services publics. De plus le champ des investigations de la commission pourrait être défini de manière à ce qu'il n'interfère pas avec les procédures en cours, comme cela s'est déjà fait par le passé : je me contenterai de rappeler la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Corse.

Le second argument opposé à la proposition de résolution tient à la décision du Conseil d'État annulant les élections territoriales dans la circonscription des Îles du Vent.

Les nouvelles élections devraient se tenir, selon toute vraisemblance, dans les trois mois. Or la commission d'enquête ne rendrait, quant à elle, ses conclusions que dans les six mois. De plus, en vertu du premier alinéa du paragraphe IV de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, la commission peut décider le secret de ses travaux, comme elle l'a fait pour la commission d'enquête sur la Corse. Le second argument n'est donc guère plus déterminant que le premier pour motiver un rejet.

Le groupe des députés communistes et républicains votera donc cette proposition de résolution, tout en regrettant que la majorité utilise des prétextes aussi peu convaincants au regard d'une question aussi grave, tant pour les Polynésiens que pour l'ensemble des contribuables.

Je conclurai par quelques mots sur la situation institutionnelle polynésienne. Le Conseil d'État a, le 15 novembre dernier, décidé l'annulation des élections dans la circonscription des Îles du Vent. J'ose encore espérer que les discussions qui auront lieu cette semaine aboutiront à la seule décision qui s'impose : une nouvelle élection de l'ensemble des représentants à l'assemblée de Polynésie. Il n'y a, en effet, aucune autre voie possible que celles de la démocratie et de la justice sociale pour sortir ce territoire de la crise qui le secoue. Il convient de donner aux Polynésiens, comme ils le réclament avec force, les moyens de désigner une majorité stable, capable seule de mettre en œuvre les choix économiques, sociaux et démocratiques, auxquels ils aspirent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Raoult.

M. Éric Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste a déposé devant notre assemblée une proposition tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française et la gestion des services publics relevant de la Polynésie française.

M. René Dosière, rapporteur. Jusque là, nous sommes d'accord...

M. Éric Raoult. En réalité, mon cher collègue, vous nous proposez une niche politicienne bien éloignée de l'intérêt des Polynésiens. Pour tout dire, vous sombrez dans la caricature !

M. Christian Paul. Comme entrée en matière, ce n'est pas glorieux !

M. Éric Raoult. Cette proposition a reçu de la part de la commission des lois un avis défavorable, mais il nous revient à présent de statuer définitivement sur cette initiative. Nous la rejetterons, eu égard à son caractère manifestement déplacé et à ses fondements erronés, comme l'a démontré Jean-Luc Warsmann.

M. René Dosière, rapporteur. Vous serez donc complices !

M. Éric Raoult. Monsieur Dosière, vous semblez avoir une information très partielle sur le contrôle financier existant en Polynésie française...

M. Arnaud Montebourg. Ne vous inquiétez pas : nous allons la compléter, votre information, monsieur Raoult !

M. Éric Raoult. Volontiers, monsieur Montebourg : je vous attends !

Vous connaissez la Polynésie depuis un certain nombre d'années, monsieur Dosière.

M. René Dosière, rapporteur. J'y vais moins souvent que vous !

M. Éric Raoult. Les lacunes de votre information sont-elles volontaires ? Cela serait assez conforme à la façon dont vous utilisez la désinformation pour traiter du cas polynésien ! Je rappelle une de vos déclarations lors d'une interview sur RFO Télévision. D'après vous, les Polynésiens étaient privés de leur journal « favori », Libération, qui aurait été  « kidnappé » par des « gros bras » - c'est votre expression - de Gaston Flosse.

M. René Dosière, rapporteur. C'est exact !

M. Éric Raoult. Vérification faite, les vingt exemplaires habituels de ce journal étaient bien arrivés et avait été normalement distribués. Vous n'avez pas jugé bon de rectifier votre fausse affirmation.

M. Alain Cortade. Que répondez-vous à cela, monsieur Dosière ?

M. René Dosière, rapporteur. Un journaliste de Libération a confirmé ces faits après enquête !

M. Éric Raoult. Mais il se peut que votre erreur ne soit pas intentionnelle et que vous n'ayez tout simplement pas consacré assez de temps à l'examen de la réalité avant de parler du contrôle financier en Polynésie française.

M. Christian Paul. Il est vrai qu'en ce domaine il y a du grain à moudre !

M. Arnaud Montebourg. Parlez-nous plutôt de l'utilisation des fonds publics, monsieur Raoult !

M. le président. Vous n'avez pas la parole, monsieur Montebourg !

M. Éric Raoult. Spécialiste hier reconnu des finances publiques, vous vous faites maintenant une spécialité, pour être plus médiatisé, de l'Élysée, de la mairie de Paris, et pour finir de la Polynésie.

En somme, vous faites du Montebourg light ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. C'est mieux que du Raoult lourd !

M. Éric Raoult. Je vais donc vous rappeler les éléments essentiels de cette question, car vous tentez de nous faire croire que la Polynésie française aurait, par extraordinaire, échappé aux contrôles des services de l'État sur les conditions d'utilisation des ressources publiques. Avec M. Paul, qui semble oublier que ses responsabilités gouvernementales d'hier lui ont fait serrer la main de M. Flosse plus que quiconque ici, vous croyez utile d'enfourcher l'un des chevaux de bataille de M. Oscar Temaru, ex-président indépendantiste récemment déchu à la faveur d'une motion de censure. Rappelons que le Conseil d'État a reconnu cet acte, prévu par le statut d'autonomie, comme étant parfaitement légal.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Très juste !

M. Éric Raoult. Et il n'aura échappé à personne que M. Temaru a fait du thème de la bonne utilisation des fonds publics un argument majeur de son combat contre M. Gaston Flosse, lors même que tout observateur honnête aura pu constater le progrès économique et social considérable qu'a connu la Polynésie française.

M. Christian Paul. À quel prix et au profit de qui ?

M. Éric Raoult. Vous vous rendez depuis longtemps en Polynésie, monsieur Paul. Vous avez donc pu constater que les choses y ont progressé...

M. Christian Paul. Je le répète : à quel prix et au profit de qui ?

Mme Christiane Taubira. Qu'en pensent les chômeurs polynésiens ?

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Raoult. Ce n'est pas un dialogue !

M. Éric Raoult. Certes, mais je souhaite rafraîchir la mémoire de mon collègue car, depuis quelques mois, j'ai l'impression de ne plus avoir devant moi le même Paul que celui que j'ai connu par le passé.

Mme Christiane Taubira. On appelle cela le dépit amoureux ! (Sourires.)

M. Éric Raoult. J'ai été ministre comme vous, monsieur Paul. Quand on a été responsable d'un domaine, on essaie de ne pas assimiler ses anciens partenaires à des adversaires. Quand on a été membre d'un gouvernement, on ...

M. Christian Paul. On se serre les coudes ?

M. Éric Raoult. Non : on ne règle pas ses comptes ! On peut ne pas avoir réussi dans sa mission, mais on n'est pas forcé d'en faire porter la responsabilité aux autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Je n'y ai pas songé un instant !

M. Éric Raoult. Aussi, le caractère opportuniste de la démarche engagée à l'initiative de MM. Dosière et Paul n'échappera à personne, et il importe que l'Assemblée nationale ne se compromette pas dans une manœuvre de basse politique partisane.

D'autant que les affirmations sur une prétendue faillite, en Polynésie française, des services de l'État en charge du contrôle des actes financiers de cette collectivité apparaissent comme parfaitement injustes à l'égard de tous les fonctionnaires qui accomplissent cette tâche au quotidien, et sont en définitive totalement mensongères. Vous oubliez, mes chers collègues du groupe socialiste, que durant les vingt dernières années, les ministres de l'outre-mer ont été socialistes pendant douze ans. Faut-il les traduire devant la Haute Cour pour n'avoir pas vu ce qui se serait passé ?

Et vos attaques multiples contre le haut-commissaire que vous avez vous-même nommé, monsieur Paul, sont indignes.

Rappelons que M. Flosse a toujours agi, notamment au sein de cet hémicycle, pour réclamer l'instauration en Polynésie de mesures protectrices des finances publiques.

M. Christian Paul. Voilà qui prête à sourire !

M. Éric Raoult. C'est ainsi que, dès son élection en 1991, il a créé un véritable contrôle des dépenses engagées, dirigé depuis cette date par un fonctionnaire issu de Bercy.

C'est ce même Gaston Flosse qui a plaidé et agi pour que soit enfin créée, à Papeete même, une chambre territoriale des comptes entièrement dédiée au jugement des comptes publics tenus en Polynésie française, rompant ainsi avec la situation qui prévalait jusqu'alors d'une chambre ayant son siège à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, et ayant compétence sur deux collectivités séparées l'une de l'autre de plusieurs milliers de kilomètres.

M. Christian Paul. Qui a décidé cette création ? Je vous rappelle que c'était en 2000 !

M. Éric Raoult. Depuis son installation effective, cette chambre travaille et produit régulièrement ses observations, lesquelles sont largement débattues par les organes délibérants de nos collectivités, conformément à la loi, et sont souvent commentées par les différents organes de presse locaux. Contrairement à ce que vous affirmiez devant la commission, la chambre n'hésite pas à revenir sur des comptes passés, comme c'est son droit.

C'est encore Gaston Flosse qui a pris l'engagement de poursuivre jusqu'à son terme l'audit des finances de la Polynésie engagé par son prédécesseur, en l'étendant bien sûr à la période de la gestion de M. Temaru, et d'en rendre les conclusions publiques.

M. René Dosière, rapporteur. Ah bon ?

M. Christian Paul. Croyez-vous vraiment à ce que vous dites ?

M. Éric Raoult. Poursuivre l'audit du cabinet Deloitte, très apprécié au Parti socialiste et à la mairie de Paris, et que vous aviez d'ailleurs chaleureusement recommandé à M. Temaru,...

M. Christian Paul. Vous dérapez, monsieur Raoult !

M. Éric Raoult. ...quel meilleur démenti à toutes les affirmations de ce dernier, que vous avez reprises sans hésiter ?

Vous vouliez en effet faire croire que la motion de censure n'avait d'autre but que de camoufler des irrégularités et qu'il serait mis un terme anticipé par le nouveau président du gouvernement territorial à l'audit ainsi engagé. Vous vous êtes trompés !

Ainsi, mes chers collègues, comme vous le voyez, la proposition qui nous est faite ici de créer une commission parlementaire pour juger des conditions d'utilisation des fonds publics en Polynésie française est dénuée de fondement.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Absolument !

M. Éric Raoult. Elle ne vise qu'à instrumentaliser notre institution à des fins de basse politique électorale.

Nous sommes par ailleurs convaincus de disposer en Polynésie de services administratifs de l'État qui ont parfaitement la capacité de nous prémunir contre d'éventuelles dérives et de les révéler s'il y a lieu, pour en poursuivre et, le cas échéant, en punir les auteurs.

Il me semble aussi, monsieur Dosière, que vous n'avez pas pris le temps de lire l'abondante documentation qui existe sur les résultats économiques et sociaux obtenus en Polynésie française par l'action conjointe de l'État et du gouvernement territorial polynésien dirigé par Gaston Flosse. La loi d'orientation du 5 février 1994 avait déterminé les grandes lignes du développement économique, social et culturel de la Polynésie française pour les dix années suivantes : ce terme vient donc de s'achever. Elle prévoyait dans son article 14 un comité mixte paritaire chargé du suivi de la loi. Ce comité a été présidé par les ministres successifs chargés de l'outre-mer, dont deux étaient socialistes.

Faute de s'entendre sur la Constitution européenne, sur l'entrée de la Turquie dans l'Union ou sur le candidat socialiste en 2007, le PS retrouve son unité dans la polémique sur la Polynésie et dans une chasse à l'homme indigne contre son adversaire UMP, Gaston Flosse !

Conformément à l'article 15 de la loi, un rapport sur les cinq premières années d'exécution a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Je ne doute pas que vous le connaissiez. Vous savez donc - mais sans doute avez-vous omis de l'indiquer -, que le rapport précise en conclusion qu'« au terme des cinq premières années de la loi, le bilan est très positif ».

En êtes-vous enfin persuadé ? Le développement de la Polynésie française s'est poursuivi conformément aux objectifs de la loi, comme le démontre l'analyse faite par l'ancien responsable de la charte de développement. Michel Buillard reviendra sur ce point.

Vous allez peut-être nous dire que les circonstances ont changé et que les sommes importantes qui sont confiées à la Polynésie française au titre de la dotation globale de développement sont dépensées sans contrôle.

M. Christian Paul. Discrétionnairement et arbitrairement !

M. Éric Raoult. Vous avez tort. Je vous engage à lire le texte du nouveau statut, qui élargit le contrôle de légalité, et celui de la convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française.

Certes, le contrôle s'exerce désormais a posteriori. Mais quel maire réclamerait le contraire ? N'est-il pas naturel que, dans un statut d'autonomie constitutionnelle, on laisse à la collectivité autonome le soin d'établir ses priorités ? Que penserait votre ami indépendantiste si, de la même manière que vous lui dictez ses actions politiques, vous décidiez pour lui des investissements économiques et sociaux qu'il doit faire ?

M. Arnaud Montebourg. Ces questions ne sont pas du ressort d'une commission d'enquête. Vous confondez tout !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. On voit que M. Raoult met le doigt sur vos contradictions !

M. Éric Raoult. Quoi qu'il en soit, en complément de tous les contrôles dont je vous ai déjà rappelé l'existence, le gouvernement polynésien doit fournir au haut-commissaire dès l'achèvement des projets une liste impressionnante de justificatifs, fixée par l'article 5 de la convention : les documents relatifs à la passation et à la conclusion du marché conformes à la réglementation applicable aux marchés publics en Polynésie française, s'il y a lieu ; les ordres de service aux entreprises bénéficiaires du marché ; l'état récapitulatif détaillé, ainsi que les pièces prouvant la réalité de la dépense, certifiées exactes, accompagnées des factures pour les acquisitions de travaux et prestations de service effectuées pour la réalisation du projet ; l'état récapitulatif final joint au dossier et certifié par un organisme de contrôle indépendant de la Polynésie française.

En outre, l'article 8 prévoit des missions d'inspection générale à la demande des ministres concernés...

M. René Dosière, rapporteur. Combien y en a-t-il eu ? Aucune !

M. Éric Raoult. ...et le suivi par le comité de la loi de 1994, qui est ainsi pérennisé.

En fait, ce qui vous gêne, monsieur Dosière, ce n'est pas qu'il n'y ait pas de contrôle, car ceux-ci sont innombrables : c'est que le contrôle ne soit pas exercé par vous et le Parti socialiste, parce que celui-ci n'a jamais réussi à s'implanter électoralement en Polynésie française. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Si, par malheur, vous revenez au pouvoir, vous serez peut-être exaucés. Mais quand vous y étiez, avez-vous vraiment été des modèles de comportement ? Faut-il vous rappeler le nombre d'affaires qui ont défrayé la chronique, tant en métropole que dans l'outre-mer, et dont certaines ne sont jugées que maintenant ?

Certains anciens premiers ministres socialistes, qui réclamaient pour eux-mêmes de la compassion, auraient pu montrer plus de retenue dans leurs attaques contre Gaston Flosse. Quant au respect de la dignité du débat public, les socialistes et les amis de François Mitterrand viennent de montrer qu'ils restaient à l'écoute, mais plus de Carole Bouquet que des Français !

Nous savons que vos gesticulations, monsieur Dosière, et celles de M. Paul et de M. Montebourg - je ne citerai pas M. Vaillant, qui n'a rien dit pour le moment... (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Vaillant. Il y aurait pourtant beaucoup à dire, monsieur Raoult : nous nous rappelons le temps où vous étiez ministre ! Et Ouvéa !

M. Éric Raoult. Nous savons que vos gesticulations à propos de la Polynésie française n'ont pas pour objectif d'aider cette dernière. D'ailleurs, en soutenant une équipe qui fait de l'illégalité une méthode de gestion et de l'indépendance un objectif, vous vous comportez de manière irresponsable. Des gros bras et des piquets de grève, même avec des colliers de fleurs, cela reste des soviets ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Christiane Taubira. Quelle vision primaire !

M. Daniel Vaillant. Et le SAC ?

M. Arnaud Montebourg. Retirez ces propos, monsieur Raoult !

M. Éric Raoult. À en juger par vos méthodes en Nouvelle-Calédonie et par votre approche des réalités de l'outre-mer, il est bien démontré que lorsque l'on commence par Nucci et Pisani, on finit malheureusement un jour par Ouvéa. (Mêmes mouvements.)

M. Jacques Remiller. Très bien !

M. Éric Raoult. Je vous mets en garde : vous risquez de sacrifier une Polynésie qui réussissait son développement économique et social à vos petits calculs de politique intérieure socialo-socialiste.

Alors, si vous aimez l'outre-mer, arrêtez vos manœuvres ! Pensons aujourd'hui à la Guadeloupe au lieu de jouer avec la Polynésie.

Mme Christiane Taubira. Ayez un peu de respect pour les gens en difficulté, monsieur Raoult !

M. Éric Raoult. Le groupe UMP, pour sa part, rejettera cette demande de création d'une commission d'enquête parce qu'elle est purement politicienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Chers collègues de la majorité, nul ne peut comprendre, et je le dis avec franchise, votre refus obstiné d'instaurer une commission parlementaire que vous contrôlerez, qui opérera sous votre direction, qui s'intéressera à des fonds publics à l'évidence gaspillés, pour ne pas dire détournés.

Qu'avez-vous à craindre ? La vérité commence à surgir, même si ce n'est pas dans tous ses détails ou dans toute son ampleur. Peut-être craignez-vous que cette vérité ne soit pire encore ?

Lorsque j'entends les arguments grossiers, d'ailleurs peu efficaces, avancés à l'instant par M. Raoult, je me demande qui, ici, peut refuser de défendre la déontologie dans l'usage des fonds publics, la moralité publique, la droiture dans le respect des lois. Pourquoi tant d'agitation ? Votre refus devient pathologique.

La vérité, c'est qu'il faut entrer dans le secret des liens suspects d'interpénétration entre deux systèmes : celui de M. Flosse et celui de M. Chirac.

Tout à l'heure, M. Cuq, le représentant du Gouvernement, a exposé de façon très docte et très neutre les procédures de contrôle sur les fonds publics. Il se trouve qu'en 1997, le haut-commissaire à la Polynésie s'était exprimé dans des termes qui constituent un démenti des propos tenus par le ministre. Il s'agissait de M. Paul Roncière, qui vient d'ailleurs d'être nommé préfet de ma région Bourgogne, et a donc la confiance du Gouvernement.

Voici un extrait de son allocution de départ : « Certains reprochent que les dotations de l'État à la Polynésie sont détournées pour des objectifs de nature politique, voire clientéliste. Ces appréciations ne sont pas totalement infondées. Mais le contrôle financier de l'État ne lui permet pas de vérifier l'opportunité de l'usage qui est fait de ces fonds. Le plus inquiétant, c'est que l'essentiel des moyens soit géré par une seule collectivité, le territoire. Si les communes étaient davantage associées à la gestion et au développement, on ne parlerait plus de monopole d'emploi. Est-il normal qu'un programme de logements sociaux soit réalisé dans une commune sans que le maire y soit associé, que certaines mesures pour l'emploi privilégient tel ou tel secteur au détriment des autres ? »

Ce sont là des paroles cuisantes d'un préfet de la République, conforté par ses promotions récentes, monsieur le ministre.

Il n'est pas normal que la justice soit peu soutenue, les contrôles financiers paralysés et que, de surcroît, le deuxième pouvoir, à savoir le Parlement, par un processus parfaitement décrit par Christian Paul et qui s'apparente à une auto-mutilation, décide de se ligoter les mains, de se fermer la bouche et les yeux. C'est totalement inacceptable dans un régime de séparation des pouvoirs.

Comme le fait remarquer le haut-commissaire Roncière, en Polynésie, les pouvoirs sont confondus. Or voilà que la Polynésie flossienne nous contamine ! Nous décidons de gommer la séparation des pouvoirs : pas de contrôle financier, pas de contrôle des comptes, la justice entre les mains d'on ne sait qui, là-bas, et, ici, un Parlement silencieux.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Quelle honte de s'exprimer ainsi !

M. Arnaud Montebourg. Que reste-t-il comme pouvoir ? La presse !

Monsieur Raoult, vous disiez à l'instant, faisant écho au discours du ministre, que tout allait bien dans le meilleur des mondes, Tahiti.

Tahiti-Pacifique magazine...

M. René Dosière, rapporteur. Très bon magazine !

M. Christian Paul. Très bien informé !

M. Arnaud Montebourg. ...a mis la main sur la fameuse liste des 629 postes octroyés au palais présidentiel de Gaston Flosse. Notre rapporteur est entré dans les détails du budget correspondant et je n'en rappellerai pas les masses, qui ont explosé en moins de dix ans. Je tiens néanmoins à vous faire connaître le contenu de ce magazine, pour que nul n'ignore en France la manière dont vous tentez d'étouffer le scandale de l'utilisation de l'argent public en Polynésie française.

M. Éric Raoult. Vous n'êtes pas à la tribune du PS, monsieur Montebourg !

M. Arnaud Montebourg. Je vais donc vous lire un extrait, assez long et « coûteux » à entendre.

M. Éric Raoult. Est-ce qu'on y mentionne la secrétaire de M. Prouteau ?

M. Arnaud Montebourg. « Dans la liste, il y a 70 emplois d'entretien et de personnels de service, 14 comptables, 13 jardiniers, du personnel indispensable mais en nombre plutôt étonnant, car parfois détenus par des personnes qu'on n'a jamais vu travailler au palais, tels des piroguiers. » (Sourires.)

« On découvre ensuite qu'il fallait onze ravissantes hôtesses pour accueillir les hôtes de Gaston, mais aussi que son service « études et documentation », plus connu sous le nom « RG du Palais », employait 15 personnes dont le seul travail était d'espionner... »

« Pour la sécurité de « Président », il fallait 15 personnes à plein temps et autant (dont une miss Tahiti) au « service de la communication chargé des relations avec la presse » dans lequel le directeur gagnait 812 860 euros... »

M. Éric Raoult. Vous trouvez cela digne du Parlement ?

M. Bernard Roman. Tout à fait : il s'agit de l'argent public !

M. Arnaud Montebourg. Puisque le Parlement se refuse d'enquêter, je prends ce qui est dans le domaine public : la presse !

M. Éric Raoult. Il y a du Beria chez ce garçon !

M. Arnaud Montebourg. Par contre, ajoutait ce journal très modéré, « on comprend moins les raisons pour lesquelles nos impôts servaient à rémunérer : une ex-miss Tahiti, qui ne vit même plus sur le territoire, à 4 726 euros par mois ; »

M. Charles Cova. Est-ce qu'elle est belle, au moins ? (Rires.)

M. Arnaud Montebourg. ...« une autre ex-miss Tahiti des îles, à 2 329 euros par mois ; une mairesse des Touamotu, à 4 290 euros par mois ; le président d'une société de transports, à 4 290 euros par mois ; une mairesse de la côte Est, qui a remplacé son mari condamné, à 3 352 euros par mois ; un maire des Marquises, à 879 euros par mois ; un ancien maire de Moorea, à 3 745 euros par mois ; un politicien parisien de l'UMP » - nous y voilà ! - « à 11 732 euros par mois ». Comme vous pouvez le constater, un tel salaire est conséquent...

Sans compter des anciennes maîtresses à 1 500 euros par mois, des piroguiers à 2 572 euros par mois,...

M. Éric Raoult. C'est scandaleux, monsieur le président !

M. Bernard Roman. En quoi est-ce scandaleux ? Il s'agit de l'argent public !

M. Arnaud Montebourg. ...des surfeurs, à 2 095 euros par mois, des chanteurs populaires, à 3 234 euros par mois, ...

M. Éric Raoult. Et Mazarine, on vous l'avait sortie ?

M. le président. Monsieur Raoult...

M. Arnaud Montebourg. ...un catéchiste, à 4 659 euros par mois, un ancien condamné pour vol de coffre-fort, à 4 106 euros par mois, 4 leaders syndicalistes, à 4 768 euros par mois, ...

M. Bernard Roman. Mais enfin, monsieur Raoult, pourquoi couvrez-vous M. Flosse ?

M. Éric Raoult. Nous ne couvrons personne !

M. Arnaud Montebourg. ...des anciens conseillers à 2 933 euros par mois, un boxeur à 3 368 euros par mois, un ancien ministre d'Alexandre Léontieff à 4 416 euros par mois.

M. Charles Cova. Et Mazarine ? Elle a coûté des millions !

M. Arnaud Montebourg. Mes chers collègues, ce qui est dans la presse tahitienne est désormais dans le débat public. Nous ne pouvons pas comprendre pour quelles raisons ces allégations ne peuvent pas faire l'objet d'une enquête parlementaire.

Vous utilisez beaucoup d'arguties pour essayer de dire, à force d'orateurs, qu'il est impensable d'enquêter sur des faits pareils.

Il s'agit, mesdames et messieurs, d'une sorte de deuxième Ville de Paris. Aucun coup d'arrêt n'a d'ailleurs été mis ces derniers mois à une telle gabegie, maintenant qu'elle a été découverte.

En outre, un deuxième rapport sur la délégation de la Polynésie à Paris met en cause un ministre de l'actuel gouvernement - un de vos collègues, monsieur Cuq. Mais je vous rassure : aucune enquête judiciaire n'a été ouverte par le garde des sceaux concernant M. de Saint-Sernin, payé je ne sais combien de milliers d'euros pour rédiger des « notes d'ambiance » !

M. Éric Raoult. Vous êtes dégueulasse ! (« Doucement, monsieur Raoult ! » et protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. Cette fois, l'information ne figure pas dans Tahiti-Pacifique magazine, mais dans Le Monde.

M. Éric Raoult. C'est un fouille-merde, monsieur le président ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. En voici un extrait : « Un autre proche de Jacques Chirac a travaillé pour le compte de la délégation de Polynésie, il s'agit de M. de Saint-Sernin. Celui-ci a précisé avoir travaillé à la Délégation de septembre 1997, après la perte de son mandat de député de Dordogne jusqu'en avril 1999. Il était notamment chargé d'établir, à destination de M. Flosse, une note d'ambiance quotidienne sur tout ce qui pouvait concerner la Polynésie en métropole et en Europe. »

M. Éric Raoult. Ce n'est pas un député, c'est un flic ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Houdouin. C'est un dangereux !

Mme Christiane Taubira. Vous ne respecteriez pas la police ?

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, mes chers collègues, si je comprends bien, tout va bien en Polynésie française. L'UMP, majorité docile, ne veut rien entendre des malversations croisées entre le système Chirac et le système Flosse.

M. Jacques Remiller. Et l'affaire du Carrefour du développement, c'était quoi ?

M. Arnaud Montebourg. La vérité, rien ne peut l'arrêter. La justice, on peut toujours l'arrêter quand on a le pouvoir. Mais, voyez-vous, cela finit un jour par se payer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Christiane Taubira. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard. Alors que Mme la ministre de l'outre-mer fait preuve de sa volonté d'apaisement en réunissant autour d'une même table les décideurs politiques polynésiens, ...

M. Jean-Pierre Dufau. C'est récent !

M. Christian Paul. C'est un virage !

M. Michel Buillard. ...vous, les parlementaires socialistes, venez aggraver une situation politique tendue.

Votre proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française tente en effet de jeter la suspicion sur l'utilisation de ces fonds sous les gouvernements de M. Flosse.

Or les fonds sont utilisés pour le développement économique et social de notre pays. S'il y a bien eu consensus sur tous les bancs de cette assemblée lors des débats relatifs à notre dernière loi statutaire, c'est pour constater la réussite de la reconversion économique et sociale de la Polynésie.

De 1992 à 2002, la Polynésie française a réduit sa dépendance vis-à-vis des ressources extérieures de manière extraordinaire. Le taux de couverture des ressources extérieures par les ressources propres de la Polynésie est passé de 25 % en 1992 à 45 % en 2002, soit un gain de 20 points en dix ans. Cette évolution démontre, si besoin est, que la reconversion du pays après l'arrêt du CEP en 1996 est un succès et que le développement économique et social de la Polynésie est aujourd'hui une réalité.

Le bilan de la décennie 1992-2002 de la charte de développement « Tahiti Nui » indiquait pour la période 1997-2002 une croissance très dynamique, évaluée entre 4 % et 5 % par an. Ce même document, établi par un expert reconnu, attribue cette croissance « au levier des mécanismes de défiscalisation qui ont dynamisé massivement les investissements productifs privés ; à la paix sociale retrouvée, les partenaires sociaux ayant privilégié les négociations tripartites pour faire aboutir le progrès social ; à une politique très keynésienne du gouvernement territorial avec le lancement de nombreux grands chantiers et à la progression massive du budget d'investissement du territoire. »

Pendant la même décennie 1992-2002, le progrès social a été remarquable.

Dans le domaine de l'emploi, alors que la population active a augmenté de 27 %, le nombre de salariés recensés au régime général des salariés de la Caisse de prévoyance sociale a connu une variation positive de 39 %. Le taux de chômage a été stabilisé à 11,7 %, conférant à la Polynésie le taux de chômage le plus faible de tout l'outre-mer français.

Dans le domaine du logement, alors que le pacte de progrès fixait un objectif de 1 400 logements supplémentaires par an à construire, ce sont en moyenne plus de 1 600 logements par an qui ont été effectivement construits, auxquels s'ajoutent 2 000 logements reconstruits au titre de l'aide à l'habitat social dispersé en dix ans.

Une telle progression est due à trois facteurs : la montée en puissance des productions de programme de logements sociaux - office polynésien de l'habitat, fonds d'entraide aux îles, Société d'aménagement et de gestion de Polynésie française, l'ensemble représentant une production moyenne de 400 à 900 logements sociaux par an ; le succès des mécanismes d'aides à la construction de logements mis en place par le gouvernement ; l'amélioration des conditions de prêts à l'habitat, avec la baisse des taux et l'allongement des durées de prêt jusqu'à vingt-cinq ans.

Dans le domaine de la santé, la Polynésie a créé la CMU avant la métropole et 97 % des dépenses de santé sont prises en charge par les pouvoirs publics.

Le SMIC a, quant à lui, été revalorisé de 29 % entre 1992 et 2002, alors que l'inflation n'a été que de 14 %.

Cela représente une augmentation du pouvoir d'achat de 15 % pour les petits salaires.

Ainsi, que ce soit dans le domaine économique ou social, la gestion du gouvernement Flosse pendant la période 1991-2004 a été décisive. Elle a permis à la Polynésie française d'asseoir et de réaliser réellement son développement.

Quant aux contrôles de l'utilisation des fonds publics, ils sont au moins aussi importants en Polynésie que dans les autres collectivités de la République.

M. René Dosière, rapporteur. C'est excessif !

M. Michel Buillard. Au titre des contrôles internes, l'utilisation des fonds publics fait l'objet du contrôle du service des finances de la Polynésie, du « contrôle des dépenses engagées » et de l'inspection générale de l'administration territoriale. Le contrôle des dépenses engagées, créé par la loi en 1990, est conduit par un fonctionnaire de Bercy. Il vérifie la réalité de la dépense, la correspondance au budget, la régularité au regard des règles de gestion financières et comptables.

Au titre des contrôles externes, le trésorier-payeur général, fonctionnaire de l'État, effectue un contrôle comptable et financier. Il en est de même de la chambre territoriale des comptes, qui effectue en sus un contrôle de gestion. L'indépendance de la chambre ne saurait être mise en cause, pas plus que son activité puisqu'elle rend autant de rapports d'observations définitives que la moyenne nationale des chambres régionales. Récemment, elle vient de rendre publics ses rapports sur la délégation de la Polynésie à Paris, le secteur du tourisme, la direction de la santé et l'habitat social. Des rapports sur la gestion du personnel et la gestion financière des services sont en cours d'achèvement. Ils répondront avec impartialité aux questions que se posent les auteurs de la proposition de résolution sur la commission d'enquête. Ces rapports de la chambre territoriale des comptes sont médiatisés et débattus par les représentants à l'Assemblée de Polynésie.

Un audit a également été diligenté par l'ancien gouvernement, qui l'a confié à un cabinet privé de son choix. Le nouveau gouvernement s'est engagé à le laisser aller à son terme. Ses résultats seront connus à la fin du mois de janvier 2005. Ses missions sont les mêmes que celles assignées à la commission d'enquête. En outre, un inspecteur général des finances de l'État est actuellement en mission en Polynésie.

Toutes les dépenses impliquant des fonds d'État font l'objet d'un contrôle de l'État.

M. Bernard Roman. Pourquoi donc ne pourrions-nous pas exercer aussi ce contrôle ?

M. Michel Buillard. Ainsi, pour le contrat de développement, comme pour la dotation globale de développement économique, l'État contrôle toutes les pièces justifiant la dépense et s'assure que celle-ci entre bien dans le secteur prévu par la convention instituant la DGDE. L'État a recours à un cabinet comptable pour vérifier les dépenses. Il y a également le contrôle administratif du haut-commissaire et du juge administratif.

En plus de ces contrôles administratifs, un contrôle politique s'exerce au sein de l'Assemblée de Polynésie. Chaque année, le président de la Polynésie doit lui soumettre un rapport d'activité sur la situation économique et financière de la Polynésie et sur l'état des différents services. L'Assemblée peut sanctionner la gestion de l'exécutif par une motion de censure.

Je viens d'énumérer tous les contrôles administratifs, juridictionnels, politiques et privés s'exerçant en Polynésie française. Vous conviendrez avec moi qu'ils sont réels. On ne voit pas bien ce que la commission d'enquête pourrait apporter par rapport à l'audit, aux rapports de la chambre des comptes et à l'inspection générale des finances, si ce n'est une dépense publique supplémentaire.

M. René Dosière, rapporteur. Il fallait oser le dire !

M. Christian Paul. C'est le genre d'humour que nous n'aurions pas osé faire !

M. Michel Buillard. Qu'est ce qui, en fait, motive l'intérêt subit des socialistes pour la Polynésie française ?

M. Alain Cortade. Bonne question !

M. René Dosière, rapporteur. Qui a modifié le statut ?

M. Michel Buillard. Votre préoccupation actuelle pour la Polynésie française cache un calcul électoral :...

M. Charles Cova. Comme d'habitude !

M. Michel Buillard. ...vous cherchez de nouvelles voix pour l'élection présidentielle de 2007. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) D'où votre alliance avec le parti indépendantiste. Ce sont ces quelques milliers de voix qui, en 2002, vous ont manqué et qui auraient permis à Lionel Jospin d'accéder au second tour de l'élection présidentielle.

M. Yves Durand. Et la face du monde en eût été changée !

M. Michel Buillard. N'est-ce pas, madame Taubira ?

Mme Christiane Taubira. C'est tellement minable que cela ne mérite pas de réponse !

M. Michel Buillard. Vous en avez tiré toutes les leçons pour l'avenir en choisissant de soutenir l'ex-majorité plurielle.

Votre stratégie est claire et cousue de fil blanc. Vous n'acceptez pas l'implosion de l'ex-majorité plurielle.

Mme Christiane Taubira. C'est une observation de haute tenue morale !

M. Michel Buillard. Pour la soutenir, vous êtes venus marcher dans les rues de Papeete.

M. René Dosière, rapporteur. Avec 30 000 Polynésiens ! Mais vous n'y étiez pas !

M. Michel Buillard. Vous avez d'ailleurs pris quelques coups de soleil, monsieur Dosière !

Vous médiatisez dans toute la République une affaire purement polynésienne et vous manquez publiquement de respect à nombre d'élus polynésiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous entachez l'image de la Polynésie dans toute la République et le Pacifique.

M. Bernard Roman. Parlons-en ! Celle que vous donnez, vous, c'est la honte !

M. Michel Buillard. Vous exportez en Polynésie vos querelles nationales. Vous vous servez de notre pays pour atteindre votre seule cible réelle : le Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), dont vous exigez qu'il prononce la dissolution de notre assemblée, sachant que les conditions légales n'en sont pas réunies. Aujourd'hui, vous déposez un projet de résolution visant à créer une commission d'enquête sur la Polynésie. Alors que les Polynésiens cherchent à sortir d'une situation de blocage, votre projet risque de déstabiliser un peu plus le pays en entretenant un climat de suspicion sans fondement, et ce alors que nous entrons en période électorale.

Ce climat de suspicion, à qui profite-t-il, en réalité, sinon aux indépendantistes ? Indépendantistes et socialistes se soutiennent mutuellement.

M. Jacques Remiller. Eh oui !

M. Michel Buillard. Vous nous dites que les socialistes ne sont pas séparatistes. Nous voulons bien vous croire. Mais l'un de vos collègues n'a-t-il pas déclaré, lors des débats parlementaires sur le statut d'autonomie, que le Parti socialiste serait disposé à accepter l'indépendance de la Polynésie française ?

M. Jean-Pierre Grand. Quel scandale !

M. Michel Buillard. Vous avez même été applaudi dans ces tribunes par votre invité, M. Oscar Temaru. Vous pratiquez le double langage.

M. Richard Dell'Agnola. Comme toujours !

M. Michel Buillard. Mais vous pratiquez aussi volontiers la culture de la suspicion. Dans votre exposé des motifs, vous tentez de justifier la création d'une commission d'enquête en invoquant : « les dissimulations de la déclaration de l'ex-président du gouvernement ».

M. René Dosière, rapporteur. Quand vous faites des citations, faites les complètes !

M. Michel Buillard. La déclaration de patrimoine. Le président de la Polynésie française a déjà été jugé pour cela, et relaxé par deux fois, tant par le tribunal correctionnel de Paris que par la cour d'appel de Paris. Pourquoi ne respectez-vous pas l'autorité de la chose jugée ?

Vous invoquez également « de multiples informations ayant fait état de pratiques contestables dans la bonne utilisation des fonds publics ». Ces « informations » ne sont que des supputations calomnieuses, sur la base desquelles l'ancien gouvernement pluriel est même allé jusqu'à accuser l'actuel gouvernement de l'assassinat d'un journaliste. Immédiatement saisie, la justice a aussitôt démontré que ces accusations étaient sans fondement. Mais qu'importe ! Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose.

M. Bernard Roman. Flosse est un ange !

Mme Christiane Taubira. Un archange !

M. Bernard Roman. Un modèle !

M. Michel Buillard. Votre alliance tactique avec le chef des indépendantistes n'est pas sans risque pour la République. Savez-vous qui se cache en réalité derrière votre ami ? Oscar Temaru a un double visage. A la suite de son élection à la présidence de la Polynésie française, il a tenté de se faire passer pour un démocrate respectueux des institutions de la République, acceptant l'autonomie au sein de la République, ayant même du respect pour le peuple français. Mais quel crédit peut-on accorder à ces propos quand on connaît les méthodes du personnage et le fond de sa pensée ?

M. Temaru est-il réellement un démocrate ? Écoutez plutôt, chers collègues. Par le passé, longtemps autoproclamé président à vie de son parti, il a soutenu les émeutiers qui ont mis Papeete à feu en reconnaissant la justesse de leur colère, parlé des Européens comme des « virus qui viennent prendre nos emplois, nos terres et nos femmes », qualifié les élus qui négocient des subventions avec l'État de « traîtres » qui « se prostituent ». Aujourd'hui, dès qu'il est en difficulté politiquement, il utilise le pouvoir de la rue. Comme il fallait s'y attendre, ses hommes bloquent depuis plusieurs semaines l'accès de plusieurs services publics à la population et aux fonctionnaires. Résultat : 6 100 agents de l'administration polynésienne ne seront pas payés en décembre, les douanes ne fonctionnent plus, ce qui paralyse les commerces et les entreprises et inquiète profondément les forces vives du territoire, l'administration du pays ne peut plus payer ses factures, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer sur le ralentissement de l'économie locale, et 2 600 demandeurs d'emploi ne perçoivent plus le paiement de leurs indemnités. Tel est le vrai visage de celui que vous considérez comme un démocrate !

M. Bernard Roman. Parlez-nous donc de Flosse !

M. Michel Buillard. Lors des cérémonies de commémoration du 11 novembre, sans doute excédé de voir des militaires français sur le sol polynésien, M. Temaru s'est laissé aller à quelques métaphores militaires : « Préparez vos armes, vos fusils. Vos cartouches seront les bulletins de vote ».

M. Yves Durand. Nous ne sommes pas ici pour faire le procès de Temaru, mais celui de Flosse !

M. Michel Buillard. Et l'un de ses lieutenants de renchérir : « Si l'État envoie les gendarmes, on répliquera. En dix minutes, nous sommes capables de mobiliser 1 000 personnes. Si l'État veut une deuxième Côte d'Ivoire, on est prêt. »

M. Jean-Pierre Grand. C'est un coup d'État et les socialistes sont complices !

M. Michel Buillard. Ces propos, parus dans La Dépêche du 12 novembre, ont le mérite d'être sans ambiguïté.

M. Alain Cortade. Scandaleux !

M. Michel Buillard. Ils témoignent de la montée en puissance d'une forme de nationalisme parmi les plus détestables : le nationalisme ethnique.

J'en appelle au sens des responsabilités du premier secrétaire du Parti socialiste.

M. Lionnel Luca. Inutile !

M. Michel Buillard. Le Parti socialiste, grand défenseur des droits de l'homme, peut-il encore cautionner de tels dérapages, de telles pratiques antidémocratiques ?

Temaru est-il un républicain ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) II ne respecte pas la laïcité, pas plus à l'Assemblée de la Polynésie que dans son conseil municipal.

M. Bernard Roman et M. Yves Durand. Et Flosse ?

M. Arnaud Montebourg. Flosse est-il corrompu ? Répondez !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Ils sont gênés, les socialistes !

M. le président. Laissez M. Buillard conclure.

M. Michel Buillard. Je conclurai sur une autre des citations de M. Temaru, qui ont l'air de vous énerver. Celle-ci parle du drapeau français.

M. Bernard Roman. Parlez-nous plutôt de M. Flosse !

M. Michel Buillard. « Ce drapeau n'a pas sa place en Polynésie. Sa place est dans la décharge ». Pesez-vous le poids de ces mots ?

M. Charles Cova. Ils devraient être scandalisés et réclamer une commission d'enquête sur Temaru !

M. Michel Buillard. C'est avec cette personnalité que vous avez conclu votre fameuse convention. Je suis ici pour rétablir la vérité telle qu'elle existe dans notre Polynésie. Monsieur Dosière, je vous sais, comme nous tous ici, attaché à la Polynésie. Dans des moments aussi difficiles, il faut faire preuve d'humilité et surtout chercher l'apaisement. Vous avez beaucoup parlé de M. Flosse. Laissez-moi parler de M. Temaru. Je le connais bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Ils sont gênés !

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Une femme de grande expérience malgré son jeune âge !

M. Éric Raoult. Les socialistes ne sont pas rancuniers !

Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, permettez que, à mon tour, j'exprime ma totale solidarité aux Guadeloupéens et, surtout, que je rende hommage à l'indomptable courage dont ils font preuve à chaque épreuve et qui les a déjà conduits à se redresser et à reconstruire. Ils nous en avaient fait une magistrale démonstration après le cyclone Hugo. Honneur et respect aux Guadeloupéens !

Monsieur Buillard, votre allusion à l'élection présidentielle me fait pitié. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Buillard. Au moins, elle vous fait réagir !

Mme Christiane Taubira. Il est triste que vous consentiez à servir d'amuseur de la galerie.

M. Michel Buillard. Je n'ai fait que dire la vérité !

Mme Christiane Taubira. Méditez ces paroles d'Aimé Césaire : « Mon peuple ... quand cesseras-tu d'être le jouet sombre au carnaval des autres ? ». (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

J'aurais pu choisir de consacrer les cinq minutes dont je dispose à invectiver la majorité tant elle nous a fourni de matière pour le faire, que ce soit le président de la commission des lois en commission, le vice-président de la commission ce matin ou M. Raoult il y a quelques instants. Nous avons également eu droit, ces derniers temps, à des déclarations multiples de la ministre de l'outre-mer, pleines d'appréciations subjectives et partisanes délivrées sur un ton de polémique électorale à l'encontre du chef de la majorité plurielle...

M. Éric Raoult. De la minorité !

Mme Christiane Taubira. ...issue du scrutin du 23 mai et devenu président. Ces déclarations étaient parfois proférées du haut de cette tribune où nous avons la faiblesse d'attendre que la parole de l'État se hisse à la hauteur des événements et se contienne dans les limites de la neutralité du Gouvernement, première collectivité de la République.

Mais la gravité de la situation à laquelle nous sommes confrontés me conduit à renoncer à ces querelles, pourtant fondées, pour solliciter votre attention sur les risques considérables que nous encourons, nous tous, tout démocrates que nous sommes, du fait de cette attitude crispée, sourde, hermétique à toute initiative inspirée par le souci de rendre compte de ce que nous faisons et de ce que font ceux pour qui des budgets publics sont votés ici et parfois souverainement attribués par le chef de l'exécutif.

Dans tout l'outre-mer, parce que nous n'avons pas connu les Trente Glorieuses, parce que nos appareils productifs sont demeurés poussifs et restreints, parce que notre jeunesse s'impatiente à bon droit et parce que nos cultures nous inspirent des solutions inventives, nous sommes d'ardents défenseurs de la décentralisation, de la subsidiarité et de toutes les formules de répartition du pouvoir et des responsabilités permettant aux décisions d'être plus proches des citoyens, mieux ajustées à leurs besoins et plus rapides dans leur mise en œuvre. Mais l'histoire de nos continents d'appartenance comme celle de l'Europe nous ont appris que, sans contre-pouvoir libre et sans contrôle efficace, la tentation est grande de céder au clientélisme, au népotisme, à toutes les ruses et à toutes les coutumes féodales

M. Jacques Floch. Eh oui !

Mme Christiane Taubira. Refuser de s'accommoder de pratiques indignes sur le plan du droit et de manipulations des fonds publics, ce n'est pas faire injure à un dirigeant politique ; c'est tout simplement reconnaître l'exigence de transparence, indissociable de la responsabilité publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Je peux vous dire que, outre-mer, nous sommes profondément irrités par cette sorte d'extraterritorialité au regard de la loi, comme si la République avait des zones tampons, des zones périphériques, où s'adoucit la rigueur des règles, parce que, dans ces contrées-là, la démocratie se tropicalise, la moralité se folklorise, les bonnes mœurs se fossilisent, l'honnêteté et la probité se ridiculisent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous sommes extrêmement indisposés par cette condescendance qui tend à nous traiter comme des danseuses dispendieuses, à considérer ceux qui se livrent à toutes les prodigalités et à toutes les dilapidations comme ceux qui nous représentent totalement et nous résument.

Le président de la commission des lois oppose à la création de cette commission d'enquête parlementaire des risques de fuites. C'est un manque de respect, y compris à son égard, lui qui en a déjà présidé au moins une.

M. Bernard Roman. Exact !

Mme Christiane Taubira. Et c'est une suspicion inadmissible.

M. René Dosière, rapporteur. Tout à fait !

Mme Christiane Taubira. Lorsqu'il évoque le nombre croissant de contentieux sur la base des déférés préfectoraux, loin de montrer l'inutilité de cette commission d'enquête, il en confirme l'opportunité et la pertinence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.).

M. Bernard Roman. Bien sûr !

Mme Christiane Taubira. Ce sont souvent des affaires judiciaires qui alertent la vigilance des institutions chargées du contrôle et de l'investigation,...

M. Bernard Roman. Tout à fait !

Mme Christiane Taubira. ...à moins que l'évaluation de l'action publique ne soit une hérésie.

Enfin, ce n'est quand même pas dans cette maison que nous allons confondre les missions des juges et celles des parlementaires et prétendre que, parce que les juges font leur travail, nous serions dispensés d'effectuer le nôtre,...

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme Christiane Taubira. ...à la fois à l'endroit du droit et au regard de la pertinence et du bien-fondé de certaines dépenses.

D'ailleurs, pour votre ami et allié, l'ancien maître absolu de ce bel et immense archipel, aussi grand que l'Europe, il vaut mieux que nous sachions tout plutôt que d'être obligés d'imaginer tout le reste. Cela est préférable pour que les élus et les fonctionnaires qui furent à ses côtés ne soient pas injustement éclaboussés par un doute général et imprécis.

Les Polynésiens ont compris qu'ils détiennent désormais entre leurs mains le pouvoir de l'alternance. Vous croyez gagner du temps. En fait, vous en perdez et, surtout, vous perdez leur confiance et désespérez l'ensemble de l'outre-mer.

« Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs ! », écrivait Aimé Césaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon, dernier orateur inscrit.

Mme Béatrice Vernaudon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de janvier 2004, nous avons adopté un nouveau statut pour la Polynésie française. Sa promulgation le 3 mars 2004 a été suivie par la dissolution de l'assemblée de Polynésie française et de nouvelles élections ont eu lieu le 23 mai.

Jamais on aura autant parlé de la Polynésie en métropole que ce soit au Parlement ou dans les médias !

La raison en est que les résultats de ces élections ont provoqué une véritable rupture après treize ans de grande stabilité politique. Cette dernière a permis un développement sans précédent de notre collectivité tant d'un point de vue institutionnel - avec les renforcements successifs du statut d'autonomie -, qu'économique - avec le développement de nos ressources propres et le rééquilibrage entre Tahiti et les archipels -, social - avec un régime de protection sociale généralisée - et culturel, avec notamment la création de l'université de la Polynésie française.

Ce développement a été possible grâce à la solidarité nationale et aux dispositifs d'incitation fiscale mais aussi grâce à l'adhésion et à l'implication de tous les Polynésiens qui croyaient en leur destin au sein de la République française. Ce développement a largement renforcé le rayonnement de la France dans le Pacifique.

À ce stade de mon propos, je voudrais corriger une idée fausse selon laquelle la Polynésie serait la collectivité d'outre-mer la mieux dotée d'un point de vue budgétaire.

M. René Dosière, rapporteur. Elle dispose quand même de moyens importants !

Mme Béatrice Vernaudon. À l'occasion de nos débats, j'ai fait des calculs simples. Le budget de la France sera de 288 milliards d'euros en 2005. Ramené par habitant, cela fait 4 600 euros. Les dépenses de l'État en Polynésie s'élèveront en 2005 - vous l'avez indiqué, monsieur le ministre - à 1,213 milliard d'euros. Par habitant, cela fait 4 500 euros. Pour une collectivité aussi éloignée et aussi dispersée, cette contribution ne traduit, vous en conviendrez, monsieur le rapporteur, aucun privilège particulier.

M. René Dosière, rapporteur. Il convient d'y ajouter le produit de l'impôt, qui s'élève à 800 millions et reste en Polynésie !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Il ne faut pas confondre impôts et contributions locales !

Mme Béatrice Vernaudon. Aujourd'hui, la Polynésie traverse une crise politique profonde qui la divise et dont l'issue reste incertaine.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, les divergences portent non sur la question de l'indépendance ou de l'autonomie, mais sur le mode de gouvernance.

Il est vrai que, depuis l'installation d'une chambre territoriale des comptes à Papeete, en 2000, et son fonctionnement à plein régime à partir de 2002, des rapports successifs ont déploré une absence de rigueur dans la gestion et les procédures. Ces critiques se voulaient constructives et leurs effets commencent à se faire sentir.

Pour autant, la Polynésie n'est pas un État de non-droit. La proposition de résolution dont nous débattons résulte en fait d'une carence historique du législateur. Les intervenants d'aujourd'hui en ont convenu.

Tandis qu'en métropole la création des chambres régionales des comptes a logiquement accompagné l'acte I de la décentralisation en 1982, force est de constater que le législateur n'a pas été animé du même esprit lors de l'adoption de la loi du 6 septembre 1984 portant statut d'autonomie de la Polynésie puisqu'il n'a pas jugé utile, à l'époque, de mettre en place une chambre des comptes. En revanche, il a bien créé à Papeete un tribunal administratif. Cette décision était cohérente avec l'ensemble du dispositif mis en place par le nouveau statut : les actes des autorités du territoire étant désormais exécutoires de plein droit dès leur transmission au représentant de l'État, il convenait en effet que le haut-commissaire qui, aux termes de l'article 92 de la loi statutaire, « veille à la légalité » de ces actes, puisse déférer au juge administratif « les décisions du gouvernement du territoire et les délibérations de l'assemblée territoriale qu'il estime contraires à la légalité ». Et le tribunal a été effectivement bien occupé !

Mais on peut dire que le législateur a, à nouveau, raté le coche lors du vote d'un nouveau statut d'autonomie pour la Polynésie en 1996. N'aurait-il pas dû, à cette occasion - et, en disant cela, je me tourne vers vos bancs, chers collègues de l'opposition - dédoubler la chambre territoriale des comptes créée en Nouvelle-Calédonie en 1990 pour les deux collectivités, mais dont l'éloignement compromettait l'efficacité pour la Polynésie ?

Le sort s'est acharné puisque le législateur de mars 1999 ayant négligé de prévoir des mesures transitoires à la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie,...

M. René Dosière, rapporteur. Hélas, trois fois hélas, puisque j'en suis l'auteur !

Mme Béatrice Vernaudon. Eh oui, c'est pour cela qu'aujourd'hui on en est là !

Les mesures transitoires n'ayant pas été prévues, les magistrats de la chambre des comptes installée à Nouméa sont devenus incompétents pour la Polynésie du jour au lendemain.

M. René Dosière, rapporteur. Eh oui ! Et je l'ai reconnu !

Mme Béatrice Vernaudon. Aujourd'hui, nous pouvons nous réjouir de l'activité de la chambre des comptes de la Polynésie française créée en l'an 2000. La loi organique portant statut de la Polynésie française de février 2004 a enfin mis en conformité ses moyens avec ses missions.

Soyons constructifs et accompagnons la Polynésie dans l'appropriation d'une culture de rigueur budgétaire, d'évaluation et de contrôle : en deux mots, de bonne gouvernance.

M. René Dosière, rapporteur. Très bien !

Mme Béatrice Vernaudon. Elle en a la volonté puisque, comme le disait à l'instant Michel Buillard, le nouveau gouvernement a poursuivi l'audit engagé par le gouvernement de M. Temaru pour la période allant de 1999 à 2004 avec le même cahier des charges et une commande supplémentaire relative à la détermination d'outils de prospective et à la recommandation d'orientations budgétaires. Par ailleurs et comme prévu, une mission de fonctionnaires de l'inspection générale des finances procède en ce moment même, à Papeete, au contrôle des dépenses du FREPF jusqu'en 2002.

L'État vient de désigner le cabinet comptable prévu par la convention de la DGDE pour le contrôle des dossiers de l'exercice 2003 avant leur transmission au haut-commissaire et à la chambre territoriale des comptes.

Parallèlement - Michel Buillard l'a également souligné -, comme partout ailleurs dans la République, toutes les opérations budgétaires sont soumises à différents niveaux de contrôle. Le contrôle des dépenses engagées est dirigé par un fonctionnaire détaché de Bercy et, en aval, les paiements se font sous le contrôle du trésorier-payeur général, lui aussi fonctionnaire d'État.

Enfin, les Polynésiens sont particulièrement attachés à leur système de protection sociale généralisée qui garantit l'équité et la cohésion sociale. La solidarité nationale y contribue substantiellement, à hauteur de 33 millions d'euros par an. Une mission de l'inspection générale des affaires sanitaires et sociales s'est rendue à Papeete en 2003 et a constaté le bon usage des fonds publics. C'est sur la base de son rapport que M. Douste-Blazy s'apprête à signer dans les prochains jours le renouvellement de cette convention.

Si la chambre des comptes constate des irrégularités graves, elle a, comme toute chambre régionale des comptes, le pouvoir et le devoir d'en saisir les tribunaux de l'ordre judiciaire.

En conclusion, les Polynésiens demandent plus de rigueur et de transparence et les élus doivent en tenir compte.

Dans un contexte politique différent, si la tension qui règne dans l'archipel était moindre et si des élections ne se profilaient pas, une commission d'enquête parlementaire pourrait contribuer à accompagner la Polynésie dans ses efforts de bonne gestion. (« Ah ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme Christiane Taubira. Très bien !

Mme Béatrice Vernaudon. Mais, dans le contexte actuel, elle ne ferait qu'alimenter les suspicions, les haines et les polémiques. La Polynésie n'a pas besoin de cela. Elle a, au contraire, besoin de se rassembler, pour faire face à son avenir.

Oui, nous avons, comme toutes les collectivités, besoin d'améliorer notre gestion et de renforcer les contrôles sur tous les décideurs, élus ou administratifs.

Non, nous n'avons pas le droit d'aggraver les tensions, déjà trop vives dans notre territoire.

La transparence n'a rien à gagner de la polémique politicienne. C'est pour cela que je m'associerai aux conclusions de rejet présentées par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Montebourg. Le Gouvernement déserte !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Quelle honte que l'attitude du Parti socialiste ce matin !

M. René Dosière, rapporteur. M. le ministre avait un engagement impératif et s'est excusé auprès de moi.

M. Bernard Derosier. Alors, ça va !

M. René Dosière, rapporteur. Au demeurant, s'agissant d'une proposition de résolution la présence d'un membre du Gouvernement n'est pas indispensable, comme elle l'est pour l'examen des autres textes.

Au terme de cette discussion, je voudrais fournir quelques réponses, de façon synthétique, aux orateurs.

Trois arguments principaux ont été avancés pour s'opposer à la création d'une commission d'enquête.

Le premier argument rappelé par plusieurs orateurs, notamment par M. le vice-président de la commission des lois, tient à l'enquête judiciaire en cours. Je n'insisterai pas davantage. J'ai démontré - et non affirmé - dans mon rapport que cet argument était sans aucun fondement

C'est un argument spécieux. Le nombre de commissions d'enquête créées sous des majorités différentes dans cette assemblée alors même que des procédures judiciaires étaient engagées suffit à l'écarter.

Bien évidemment, la réserve liée à l'instruction judiciaire porte sur les emplois fictifs de la présidence de la Polynésie. Je confirme entièrement les propos d'Arnaud Montebourg, qui a cité un certain nombre d'emplois.

M. Christian Paul. Le début de la liste seulement !

M. René Dosière, rapporteur. Le coût en est de 25 millions d'euros. Il est supérieur aux coûts de personnel de la présidence de la République française - c'est une autre de mes spécialités, monsieur Raoult.

M. Arnaud Montebourg. C'est incroyable de continuer à fermer les yeux !

M. René Dosière, rapporteur. Monsieur Montebourg, je me dois toutefois de vous reprendre et de vous dire que, pour autant que tous ces faits soient avérés, c'est justement cette partie-là que nous ne pourrions pas contrôler, si la commission d'enquête était créée, puisqu'il y a une instruction judiciaire.

Au demeurant, les 25 millions d'euros concernant le personnel de la présidence de la Polynésie représentent peu de chose par rapport au budget de l'ensemble de la Polynésie, qui est de 1,2 milliard d'euros. Nous pourrions encore contrôler 1,175 milliard d'euros. Il y a là de quoi nous occuper ! Je rejette donc cet argument.

Le deuxième argument avancé concerne l'interférence avec le processus électoral. Je préfère de très loin les observations négatives exprimées en termes mesurés - même si je ne les partage pas - par notre collègue Béatrice Vernaudon, aux remarques, pour le moins injustifiées du vice-président de la commission des lois qui a nous a accusés d'être : « complices d'une manœuvre » et nous a reprochés de « troubler la sérénité ».

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Une petite manœuvre !

M. René Dosière, rapporteur. Oui ! De petite manœuvre ! Pourquoi ?

Mme Christiane Taubira. La sérénité est dans les nuages !

M. René Dosière, rapporteur. M. Warsmann a même osé dire que dans ces cas-là, les chambres territoriales des comptes ne publiaient plus rien. C'est exact, ...

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Rien n'est publié !

M. René Dosière, rapporteur. ... mais il laissait entendre qu'elles ne travaillaient plus.

Monsieur Warsmann, c'est une plaisanterie ! Chacun sait ici qu'une commission d'enquête est constituée pour six mois. Si des élections interviennent en Polynésie, elles auront lieu dans un délai de trois mois. Par conséquent, la commission d'enquête ne rendra ses conclusions qu'après l'achèvement du processus électoral. Pendant cette période, les membres de la commission d'enquête sont tenus au secret.

M. Arnaud Montebourg. Cet argument est imparable !

M. René Dosière, rapporteur. Je pense que l'on ne peut donc pas nous opposer cet argument.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. René Dosière, rapporteur. Pendant les campagnes électorales, la chambre territoriale des comptes continue à travailler, même si elle ne publie rien. Il en est de même pour nous. Une commission d'enquête peut travailler et ne rien publier pendant la campagne électorale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Le troisième argument avancé concerne les contrôles. Des choses étonnantes ont été dites. Je suis heureux d'avoir entendu l'intervention de Mme Béatrice Vernaudon. Elle a confirmé le fait que, pour des raisons qui appartiennent à chacun de nous, le législateur, à diverses époques, a vu sa perspicacité battue en brèche, puisque la chambre territoriale des comptes ne travaille réellement, en Polynésie, que depuis l'année 2000.

Auparavant - je le regrette - nous avions oublié de mettre en place cette chambre territoriale des comptes. Autrement dit, il n'y avait pas de contrôle public sur les comptes de la Polynésie. Et nous en sommes tous responsables.

Mme Christiane Taubira. À des degrés divers !

M. René Dosière, rapporteur. Mais ce n'est pas une raison pour y renoncer aujourd'hui. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Tous ces arguments justifient la création de la commission d'enquête.

Je ne répondrai pas aux arguments politiques sur notre prétendue alliance avec les indépendantistes. Si les élus socialistes sont attachés à la Polynésie, ils sont surtout attachés à sa population. Le système Flosse profite à quelques centaines de privilégiés. Nous voulons, nous, que l'ensemble de la population puisse bénéficier des fonds publics distribués là-bas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Selon la majorité, la Polynésie serait un modèle de paradis financier et fiscal. La presse s'est chargée de démontrer le contraire. Je pense que la commission d'enquête (« On passe au vote ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) participera de la paix civile en Polynésie.

La vérité, mes chers collègues, est en marche. Elle ne s'arrêtera plus. Afin que nous puissions connaître les complices de Gaston Flosse et tous ses protecteurs, je demanderai un scrutin public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Les orateurs de l'opposition ont beau tordre les réalités juridiques dans tous les sens, elles demeurent : « Cette demande de commission d'enquête est d'ores et déjà critiquable par le fait que la justice est saisie de plusieurs affaires. » (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est la phrase exacte qu'a utilisée Mme Nicole Feidt, rapporteure socialiste en 2001, en réponse à Mme de Panafieu, ...

M. Arnaud Montebourg. Spécieux ! Arguties !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. ... dans cet hémicycle, il y a trois ans, lors d'une demande de commission d'enquête. Vous l'aviez dit parce que c'est la réalité juridique...

M. Bernard Roman. C'est faible !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. ... quand bien même vous ne voulez plus la voir aujourd'hui.

Deuxièmement, je voudrais à nouveau appeler votre attention sur un grand nombre d'approximations. Quand on veut créer du sensationnel, on déforme les faits, pour essayer de leur donner une importance démesurée.

Quand j'entends dire et que je lis dans le rapport que les transferts de l'État doivent être absolument disséqués parce qu'ils représentent 1,2 milliard d'euros, je pense, mes chers collègues, que la recherche du sensationnel conduit à exprimer des choses contestables. L'essentiel de ces 1,2 milliard d'euros sert à rémunérer les enseignants, les fonctionnaires. Il ne faut donc pas dire n'importe quoi !

Le troisième point est le plus grave. La Polynésie entre dans un processus électoral. Dans moins de trois mois, les Polynésiens seront appelés à revoter dans la principale circonscription. Je voudrais rappeler les propos tenus dans cet hémicycle, au mois d'octobre 2001, par M. Bernard Derosier, en réponse à Jean-Pierre Brard, qui demandait une commission d'enquête : « À quelques mois d'élections majeures pour notre pays, et alors même que des poursuites judiciaires ont été engagées, la création d'une commission d'enquête n'est pas nécessairement opportune. » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Oui, mes chers collègues, le devoir de notre assemblée n'est pas d'être instrumentalisée pour faire la campagne électorale de tel ou tel. J'ai confiance en nos concitoyens de Polynésie. Ils voteront librement. Ils choisiront librement leurs représentants. Le rôle de l'Assemblée n'est pas de déclencher et de nourrir une agitation politicienne.

M. Alain Néri. Politicien toi-même !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Enfin, il existe toute une série de contrôles, et de nombreux intervenants les ont bien détaillés. Cette législature et cette majorité ont renforcé ces contrôles, grâce aux lois - organique et ordinaire - du 27 février 2004.

Ce matin, un collègue socialiste, en réponse à M. Buillard, qui parlait de M. Temaru, a dit - le Journal officiel en fera foi - : « Nous ne sommes pas ici pour entendre parler de M. Temaru, nous sommes ici pour faire le procès de M. Flosse. »

M. Pierre Hellier. C'est ce qui a été dit !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Non ! Nous ne sommes pas ici pour faire le procès d'un homme. Le rôle de l'Assemblée n'est pas d'instruire un procès. Un procès se déroule en justice, devant des magistrats - lesquels ont été insultés par M. Montebourg tout à l'heure (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) -, que ceux-ci agissent dans le domaine financier ou dans le domaine judiciaire.

Le rôle de l'Assemblée est d'assumer son devoir. En l'occurrence, comme l'a fort bien rappelé Mme Vernaudon dans sa conclusion, le rôle de l'Assemblée n'est pas d'ajouter à l'agitation politique, mais tout simplement de faire respecter la sérénité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, le respect que nous devons aux Polynésiens, c'est de les laisser librement voter comme ils le souhaiteront, puisque le Conseil d'État a décidé de rendre la parole aux urnes.

Je vous invite donc à rejeter cette demande de création de commission d'enquête. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ayant conclu au rejet de l'article unique de la proposition de résolution, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 2, du règlement, est appelée à voter sur ces conclusions de rejet.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si ces conclusions sont adoptées, la proposition de résolution sera rejetée.

Vote sur les conclusions de rejet
de la commission

M. le président. Sur le vote des conclusions de rejet de la commission, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Éric Raoult, pour une explication de vote.

M. Éric Raoult. Monsieur le président, mes chers collègues, je ne sais pas si notre débat de ce matin sera retransmis par RFO. Nombre d'orateurs, le ministre en tête, ont souhaité qu'avant de penser aux fonds publics en Polynésie, nous pensions à la solidarité envers la Guadeloupe.

Nous sommes tous ici représentants de collectivités locales ou territoriales. Pourquoi ne pas lancer une action de solidarité entre nos villes, nos départements et nos régions en faveur de Terre-de-Haut et de Terre-de-Bas, communes des Saintes qui ont été si durement éprouvées ?

M. Gérard Bapt. Et la cassette de Flosse ?

M. Éric Raoult. Chers collègues, la niche parlementaire nous permet d'aborder un sujet qui dépasse l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. À l'heure où la décision du Conseil d'État, sanctionnant un résultat sur Tahiti et Moorea pour des irrégularités, va conduire la Polynésie à voter à nouveau, en tout ou en partie, n'est-il pas urgent, comme l'ont souligné le ministre et le vice-président de la commission des lois, de réfléchir tous ensemble au devenir de la Polynésie ?

Monsieur Paul, pour avoir été ministre de l'outre-mer et vous être rendu à plusieurs reprises en Polynésie (« Les cinq minutes sont écoulées ! » sur les bancs du groupe socialiste), vous savez que les fonds publics ont permis le développement et le progrès de ce territoire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Chers collègues socialistes, le groupe UMP aurait souhaité que nous puissions parler ce matin de la Polynésie - du devenir des fermes perlières, du développement du tourisme ou de l'aménagement des îles - (« Le vote ! » sur les bancs du groupe socialiste) et faire primer le travail législatif sur la manœuvre politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les arguments développés depuis le début de cette séance relèvent plus de la caricature et du fantasme que de l'argumentation et du fait juridique.

Mme Christiane Taubira. Il est temps de passer au vote !

M. Éric Raoult. Nous avons entendu des invectives envers un collègue sénateur qui, s'il ne vous plaît pas et ne partage pas vos idées, a du moins droit au même respect que tout parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. M. Raoult abuse de son temps de parole ! Que fait la présidence ?

M. Éric Raoult. Michel Buillard et Béatrice Vernaudon, parce qu'ils connaissent la Polynésie, qu'ils y vivent et qu'ils la représentent, ont rappelé avec bien plus de talent que nous autres députés popaa qu'en Polynésie, les bases juridiques du contrôle ont changé il y a vingt ans, lorsque M. Fabius a fait voter, en 1984, un statut d'autonomie. Il était bon de le rappeler notamment à certains orateurs socialistes ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul a rappelé avec justesse... (Vives exclamations et claquements de pupitres sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Marylise Lebranchu. M. Raoult parle depuis six minutes !

M. le président. Mes chers collègues, Monsieur Raoult parle depuis quatre minutes et trente-quatre secondes exactement. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.). Si vous mettez en cause la présidence, je serai contraint de suspendre la séance pour vous permettre de retrouver le calme !

M. Éric Raoult. La demande de création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie intervient vingt ans après le premier statut d'autonomie voté dans cet hémicycle par un gouvernement socialiste dont le Premier ministre s'appelait Laurent Fabius. Or, mes chers collègues, l'autonomie est la même pour M. Flosse et pour M. Temaru ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce n'est pas aujourd'hui qu'il faut vous apercevoir que l'autonomie existe, après avoir fait voter la décentralisation ici, en métropole, même si, en outre-mer, vos amis locaux n'ont pas toujours connu les mêmes succès électoraux que celui dont vient de bénéficier votre minorité.

M. le président. Monsieur Raoult, veuillez conclure, je vous prie.

M. Éric Raoult. Je vais conclure, monsieur le président, malgré la gêne que me cause le passage de nombreux collègues qui regagnent leurs bancs. (Exclamations et claquements de pupitres sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Ce matin, avec nos collègues socialistes, et particulièrement avec ceux d'entre eux qui connaissent la Polynésie - René Dosière, qui l'a connue lorsqu'il était jeune, Christian Paul, qui l'a connue quand il était ministre, et Arnaud Montebourg qui, sans y être jamais allé, a un point de vue sur la question -, nous aurions pu parler de la Polynésie et travailler pour elle, au lieu de jouer avec son avenir ! (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est la raison pour laquelle le groupe UMP, dont les membres ont tenu à venir très nombreux pour marquer leur refus de cette manœuvre politicienne, rejettera la demande de création d'une commission d'enquête parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les conclusions de rejet de la commission. Je vous y rends attentifs, mes chers collègues. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 259

                    Nombre de suffrages exprimés 258

                    Majorité absolue 130

        Pour l'adoption 176

        Contre 82

L'Assemblée nationale ayant adopté les conclusions de rejet de la commission, la proposition de résolution est rejetée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Le président a bien mérité du Gouvernement ! Monsieur Leroy, vous serez bientôt ministre !

M. Alain Néri. Il est rouge... de honte !

    4

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant que, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel de la loi de simplification du droit.

    5

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 10 décembre inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Ce document sera annexé au compte rendu.

Par ailleurs, la conférence des présidents a fixé la date de deux votes solennels :

- le mardi 30 novembre, sur la proposition de M. Jean Leonetti et plusieurs de ses collègues relative aux droits des malades et à la fin de vie,

- et le mardi 7 décembre, sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

    6

FAIT PERSONNEL

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un fait personnel.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C'est bien à lui de donner des leçons !

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, en vertu de l'article 58-4 du règlement, je tiens à relever, afin que le compte rendu des débats puisse en témoigner, qu'il était inutile de la part de M. Raoult de me comparer à Beria.

Si le mot de « flic » qu'il a employé n'est pas déshonorant - car le métier de policier est un métier beau et difficile, qui exige de l'endurance et dans lequel je peux parfaitement me reconnaître -, en revanche, l'allusion aux œuvres complètes et sanglantes de Beria mérite que M. Raoult retire ses propos. J'attends donc une réponse de sa part.

M. le président. Acte est donné de ce fait personnel.

    7

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 ;

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclarations d'urgence, n° 1911, de programmation pour la cohésion sociale :

Rapport, n° 1930, de Mme de Panafieu et M. Dominique Dord, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 1920, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan,

Avis, n° 1928, de M. Georges Mothron, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot