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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 24 novembre 2005

78e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE MME PAULETTE GUINCHARD,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Lutte contre le terrorisme

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (nos 2615, 2681).

Discussion des articles

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des articles dans le texte du Gouvernement.

Avant l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 62.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de renforcer les pouvoirs de contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

La CNIL a émis un avis sur l’avant-projet de loi. Je crois savoir que la commission des lois y a apporté quelques réponses mais il reste que, sur l’ensemble du texte, ses prérogatives ne sont pas respectées dans un certain nombre de domaines.

Dans une note adressée au Gouvernement, la CNIL constate que ce dispositif, en venant ajouter au cadre de police judiciaire existant en matière de lutte antiterroriste, un cadre de police administrative, c’est-à-dire hors du contrôle a priori du juge, permet un accès très large à certains fichiers publics et privés et aux renseignements de vidéosurveillance, et constitue donc un changement profond.

Cette mise en garde correspond à ce que j’ai exprimé hier soir à la tribune de notre assemblée. Je rappelais par ailleurs qu’une loi d’exception peut malheureusement devenir pérenne.

La CNIL a défini quatre priorités.

Premièrement, l’ensemble des mesures doit être limité à une durée de trois ans. Le projet de loi le prévoit pour l’accès aux données de connexion des opérateurs de communication électronique et à certains fichiers administratifs par les services de police – nous y reviendrons au cours du débat – mais la CNIL souligne que ce n’est pas le cas des autres traitements envisagés. Voilà une première défaillance de ce texte qui prétend prévenir le terrorisme et prévoir des barrières en amont.

Deuxièmement, ces mesures doivent faire l’objet d’une évaluation précise remise au Parlement. Nous avons vu ce qu’il est advenu de la loi sur la sécurité quotidienne, avec sa fameuse clause de « rendez-vous » : il n’y a jamais eu d’évaluation précise par le Parlement et il y a même eu pérennisation de certaines mesures considérées comme exceptionnelles, sans qu’elles aient fait l’objet d’aucune évaluation.

Troisièmement, la CNIL doit exercer sans restriction les pouvoirs de contrôle prévus par la loi sur l’ensemble des dispositifs prévus. À la lecture des articles, nous constatons que cette commission est considérée comme totalement subalterne dans un certain nombre de circonstances, et notamment lorsqu’est prétextée l’urgence. Certains documents pourront ainsi être livrés aux services de police sans que leur destination exacte soit connue. C’est donc une atteinte à nos libertés fondamentales.

Quatrièmement, enfin, des garanties renforcées doivent être prévues et des contrôles mis en place pour assurer leur respect.

Nous sommes bien loin de ces recommandations. C’est la raison pour laquelle nous vous présentons cet amendement. Il exprime notre inquiétude quant aux atteintes aux libertés fondamentales que permet ce texte.

Même si cette position n’est exprimée que par un seul député dans cet hémicycle, ce n’est pas pour autant qu’il a tort.

Mme la présidente. Vous répondez ainsi, monsieur Mamère, aux critiques qui vous ont été adressées hier soir.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 62.

M. Alain Marsaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission a repoussé cet amendement.

Avec tout le respect que je dois à M. Mamère en sa qualité de collègue, je ne peux que lui répondre que son amendement relève de la tautologie. C’est un peu comme préciser que l’Assemblée nationale est composée de députés qui votent la loi. Tout est déjà dit. Les pouvoirs de contrôle de la CNIL ont été définis. Je ne vois pas l’intérêt de les rappeler.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 62.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Comme vous, monsieur Mamère, le Gouvernement est très attaché à respecter le rôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, tout son rôle et rien que son rôle. J’imagine que vous n’en doutez pas un seul instant.

La CNIL est une autorité administrative indépendante, qui exerce ses compétences dans le cadre et dans les limites fixés par la loi du 6 janvier 1978 modifiée, et nul ne songe à remettre en question sa mission, qui est très utile dans ces matières sensibles.

La loi de 1978 s’applique au traitement automatisé des données et le présent projet de loi, lorsqu’il concerne ce domaine, n’y déroge pas.

Il est vrai que la CNIL a formulé des remarques sur certaines dispositions de l’avant-projet de loi.

M. Noël Mamère. Elle a fait des remarques sur de nombreuses dispositions !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je fais néanmoins remarquer que l’assemblée générale du Conseil d’État, institution qui a, vous le reconnaîtrez, quelques titres pour dire le droit et protéger les libertés publiques en France, n’a pas fait siennes les observations de la CNIL et a approuvé le projet du Gouvernement,…

M. Noël Mamère. À quoi sert alors la CNIL ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …à quelques remarques de rédaction près.

J’aurai l’occasion, au cours du débat, de marquer l’ouverture du Gouvernement sur un certain nombre d’amendements précisant le rôle de la CNIL, en réponse notamment à l’un de ses membres, M. Delattre.

Comme la commission, le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 62.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. Tout amendement tendant à renforcer la CNIL recevra l’approbation de notre groupe, y compris ceux comportant des tautologies.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 62.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Le Gouvernement demande la réserve de la discussion des amendements nos 82, 124 rectifié et 134.

La réserve est de droit.

Article 1er

Mme la présidente. Sur l’article 1er, j’ai plusieurs orateurs inscrits.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. L’article 1er est important puisqu’il institue le dispositif de vidéosurveillance.

Plusieurs orateurs, dont M. le ministre de l’intérieur, nous ont expliqué hier soir que le système proposé était finalement très léger par rapport à celui existant en Grande-Bretagne. Ce n’est pas en s’inspirant de ce qui existe de pire dans l’Union européenne que l’on renforcera les libertés publiques et individuelles.

Le dispositif de vidéosurveillance qui nous est proposé est mis en place pour, à ce qu’il nous est dit, lutter contre le terrorisme de manière préventive. Qu’il s’agisse des attentats de New York ou de Londres, la vidéosurveillance n’a pas empêché l’exécution des attentats et elle n’a pas été aussi efficace qu’on veut bien le dire pour la recherche de leurs auteurs.

Un certain nombre d’outils ont déjà été mis en place dans notre pays. Ce qui est très ennuyeux dans le texte qui nous est soumis, c’est l’extension du champ de surveillance des vidéos, sans qu’il soit prévu de contrôle a priori de la mise en œuvre du dispositif. De même, la loi n’impose pas réellement d’exigences en matière de normes.

On veut nous faire croire à l’existence d’un contrôle. La réponse de M. le ministre à l’instant n’est d’ailleurs pas de nature à nous rassurer. Après avoir rappelé que la CNIL était un organisme indépendant, il a précisé que le Conseil d’État, dans sa grande sagesse – on l’a pourtant déjà vu prendre des arrêts qui n’allaient pas tout à fait dans le sens du bien public. – n’avait déclaré justifiées qu’un certain nombre de ses recommandations. Autrement dit, elle n’a qu’à rester à sa place !

Ce texte institue des commissions départementales qui n’ont pas un rôle de contrôle réel. C’est un simple effet d’affichage. La vidéosurveillance est par nature attentatoire à nos droits fondamentaux. Je ne voudrais pas établir des comparaisons qui pourraient me faire considérer comme provocateur, mais j’entendais, ce matin, sur une radio publique, que le chef d’État d’un pays du Caucase avait placé des systèmes de vidéosurveillance partout, expliquant qu’il voulait voir une mouche voler. Je ne sais pas si ce gouvernement a pour objectif de voir des mouches voler dans notre pays !

M. Dominique Tian. Dans le Caucase, c’est un régime communiste !

M. Noël Mamère. C’est un système communiste dévoyé. Les systèmes totalitaires instaurés de l’autre côté du mur de Berlin ont été dénoncés par certains d’entre nous avec plus de force que par vous, monsieur Tian, que nous n’avons guère entendu sur ces sujets.

Le système de vidéosurveillance et la structure administrative et technologique que vous mettez en place s’inscrivent dans une logique que nous avons été, à mon avis, trop peu nombreux à dénoncer. Il vient à la suite de ce que l’on a appelé les lois Sarkozy I en 2002, du démantèlement du code pénal avec les lois Perben I et Perben II. Viendront s’ajouter d’autres plans et projets qui sont dans les cartons, comme M. le ministre de l’intérieur nous l’a dit, visant à lutter, paraît-il, contre la délinquance. Ça fait vraiment beaucoup !

La vidéosurveillance, quoi qu’on en dise, si on est un peu juriste, constitue par nature une atteinte à nos droits fondamentaux. On peut accepter l’idée de la vidéosurveillance pour améliorer le contrôle du droit d’aller et de venir ; bien que ce soit un droit fondamental reconnu dans l’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais on ne peut pas accepter dans le même temps que soient mises en œuvre des mesures attentatoires, par nature, à nos droits fondamentaux, alors que les procédures destinées à garantir ces droits sont affaiblies.

Je voulais mettre l’accent sur ce paradoxe à l’occasion de l’examen de l’article 1er, qui est un des piliers de ce texte comprenant aussi des mesures sur les contrôles d’identité etc.

Je n’hésite pas à dire, même si je suis, paraît-il, « isolé », que cette loi d’affichage n’apportera pas de réponse décisive dans la lutte contre le terrorisme.

Tout le monde s’accorde à dire que la lutte contre le terrorisme doit faire partie des priorités des démocraties. Mais ce n’est pas en défendant une société de surveillance, qui réduit les libertés, qui porte atteinte à nos libertés publiques et privées, c’est-à-dire qui met petit à petit en place, sans le dire, une sorte de monde orwellien, que nous parviendrons à nous battre contre ceux qui n’aiment pas la démocratie. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quand on se bat contre ceux qui n’aiment pas la démocratie, on se bat avec les valeurs de la démocratie. Et on ne réduit pas ce qui constitue notre pacte républicain.

M. Thierry Mariani. C’est vraiment de la caricature !

M. Jean-Paul Garraud. Ce n’est que du baratin !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, les articles 1er et 2 modifient le régime de la loi du 21 janvier 1995 applicable à la vidéosurveillance, dans le but d’en étendre considérablement le champ. L’article 1er réécrit l’article 10 de cette loi et prévoit que les personnes privées pourront désormais filmer la voie publique, afin de protéger les lieux susceptibles d’être exposés à des actes terroristes. Les lieux visés ne sont pas précisés par le texte.

Le projet prévoit également que les services de police et de gendarmerie auront, hors de tout cadre judiciaire, un accès direct aux images. Les agents de ces services seront habilités individuellement et les conditions d’habilitation précisées par décret, mais on en ignore, évidemment, la teneur.

De plus, le projet institue une procédure d’urgence qui permet une autorisation provisoire de quatre mois pour l’installation d’un système de vidéosurveillance, sans avis préalable de la commission départementale. Cette autorisation sera donnée par le préfet. Ce n’est que pour la pérennisation du dispositif – au-delà des quatre mois – que la procédure de droit commun sera mise en œuvre, après avis de la commission départementale.

Au-delà de l’appréciation, que nous avons déjà livrée lors de la discussion générale, sur l’efficacité toute relative de telles mesures pour la prévention du terrorisme, nous souhaiterions exprimer de nouveau nos craintes quant aux garanties du dispositif permettant de sauvegarder l’exercice des libertés individuelles. Ces systèmes de vidéosurveillance portent atteinte – c’est l’évidence – aux libertés individuelles, notamment à la liberté d’aller et venir et au respect de la vie privée. C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il appartenait au législateur d’assurer la conciliation entre la prévention des atteintes à l’ordre public et l’exercice des libertés publiques, constitutionnellement garanties.

Dans sa décision du 18 janvier 1995, le Conseil constitutionnel a reconnu constitutionnelle la mise en œuvre des systèmes de vidéosurveillance dans des lieux et établissements ouverts au public à la condition d’être assortie de solides garanties. Il faut que le public soit informé de l’existence du système de surveillance, qu’il y ait un avis d’une commission présidée par un magistrat, que les personnes chargées de l’exploitation présentent des garanties morales, qu’il y ait un droit d’accès des personnes aux enregistrements qui les concernent et que les enregistrements soient détruits dans un délai maximum d’un mois.

Or les garanties présentées ici comme telles, tant par le texte que par le rapporteur, ne sont manifestement pas suffisantes. D’ailleurs, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans son avis du 10 octobre dernier, propose qu’un certain nombre de garanties soient intégrées au texte – c’est aussi notre avis –, notamment que les conditions de traitement des enregistrements soient précisées, qu’il y ait une limitation dans le temps de l’application de ces nouvelles dispositions, que le dispositif mis en place puisse être évalué de manière indépendante, que soit rappelé le droit d’accès des personnes filmées aux enregistrements les concernant, leur droit de saisir la commission départementale, leur faculté de saisir les juridictions compétentes pour faire respecter leurs droits, enfin que la CNIL puisse exercer un contrôle sur les dispositifs de vidéosurveillance. C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu l’amendement n° 62 proposé par notre collègue Noël Mamère. Nous soutiendrons de la même façon l’amendement n° 82 proposé par M. Floch.

Aussi, après le rejet du premier amendement, nous sommes conduits à nous inquiéter que les garanties prévues par la procédure de droit commun puissent être écartées dans le cas d’une procédure d’urgence. La possibilité pour le préfet de décider seul, sans l’avis de la commission départementale, ne constitue-t-elle pas une atteinte manifeste aux garanties individuelles des Françaises et des Français ?

Comment justifier par ailleurs qu’il faille attendre un délai de quatre mois avant que la commission départementale donne son avis ? C’est sans doute la raison pour laquelle notre rapporteur a déposé des amendements sur cet avis et sur le délai prévu.

Je voudrais conclure sur l’efficacité. J’ai le sentiment que notre rapporteur va passer quelques nuits difficiles, car il y a une contradiction entre le juge antiterroriste Alain Marsaud et le rapporteur Alain Marsaud. Sincèrement, je ne pense pas que ce type de disposition soit de nature à dissuader et à prévenir des attentats terroristes.

On nous cite l’exemple du métro londonien. À Londres, chaque personne est filmée, semble-t-il, 300 fois par jour. Il y a plusieurs millions de caméras vidéo. Et malheureusement le premier attentat a eu lieu. Si le second attentat, sur lequel on s’appuie pour faire une mauvaise démonstration, a été prévenu, ce n’est pas parce que les terroristes ont été arrêtés auparavant, mais tout simplement parce qu’ils ont échoué. Ils ont été arrêtés ensuite.

Nous voulons bien croire que la vidéosurveillance facilite ensuite l’enquête. Mais que l’on ne vienne pas nous dire qu’elle permet de prévenir les attentats !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je veux m’interroger brièvement sur l’argumentaire de M. Vaxès.

Si j’ai bien compris, tout repose sur un seul élément : le fait d’être visible interdirait de se mouvoir. En d’autres termes, je suis visible, donc je ne me meus plus. Éventuellement, je peux m’en émouvoir (Sourires), mais ça s’arrête là. J’ai beaucoup de mal à comprendre l’enchaînement du raisonnement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Mes propos vaudront également pour l’amendement.

La vidéosurveillance est l’un des éléments forts du dispositif de ce projet de loi. Il est en effet apparu à plusieurs reprises qu’il s’agissait d’un outil nécessaire.

MM. Mamère et Vaxès nous disent : « Surtout, ne mettez pas de dispositions sur la vidéosurveillance – qui existent dans la loi de 1995 pour protéger la sécurité des citoyens – dans le projet de loi de lutte contre le terrorisme.

M. Michel Vaxès. Ce n’est pas ce qu’on a dit !

M. Alain Marsaud, rapporteur. Si ! Sous prétexte qu’il n’y en aurait pas besoin.

M. Michel Vaxès. Il ne faut pas nous faire dire ce que nous n’avons pas dit !

M. Alain Marsaud, rapporteur. En 1995, un certain nombre de terroristes avaient décidé de poser une bombe au métro Saint-Michel. À l’époque, le système de vidéosurveillance n’était pas en place. Quelques semaines plus tard, ces mêmes terroristes sont allés déposer des bombes au métro Musée d’Orsay. Il y a eu, à chaque fois, une petite dizaine de morts.

Il est ressorti des auditions que les mêmes terroristes avaient œuvré au métro Saint-Michel et au Musée d’Orsay. Si nous avions disposé, à cette époque-là, du système de vidéosurveillance là où avait été posée la bombe, les terroristes auraient été identifiés, sans doute interpellés, et nous n’aurions pas eu cette deuxième « mi-temps » – si je puis dire – qui s’est jouée à la station Musée d’Orsay. Telle est la raison pour laquelle je défends ce projet de vidéosurveillance utilisé en matière de terrorisme. Si l’on veut se doter de véritables instruments pour lutter efficacement contre le terrorisme, la vidéosurveillance est nécessaire.

Monsieur Vaxès, vous avez dit tout à l’heure que la vidéosurveillance n’avait pas évité l’attentat dans le métro de Londres. Certes, mais cela a permis l’identification des auteurs.

Le dispositif que nous proposons aujourd’hui aménage le système de Londres, mais sans ses défauts. Nous aurons ainsi des systèmes de vidéosurveillance pour prévenir, dissuader et détecter tout comportement suspect, anormal, qui permettront de donner l’alerte.

Nous nous situons dans un système de vérification, et j’y crois. Nous avons une clause de rendez-vous. Si cela ne marche pas, on supprimera ou on améliorera le système.

Dire aujourd’hui que l’on n’a pas besoin de la vidéosurveillance ou que celle-ci est attentatoire aux libertés individuelles prouve que vous n’avez pas bien lu le texte et que, de plus, vous n’avez pas tenu compte des amendements que, après avoir entendu la CNIL, j’ai déposés et fait adopter par la commission, afin d’améliorer le texte.

Je pensais, monsieur Vaxès, que ce texte vous conviendrait, car la commission avait tenu compte des remarques de la CNIL. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Sur l’article 1er, je suis saisie d’un amendement n° 63.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.

M. Noël Mamère. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 63.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 63.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 84.

La parole est à M. Jacques Floch, pour le soutenir.

M. Jacques Floch. L’autorisation faite aux personnes de droit privé d’utiliser la vidéosurveillance pour filmer la voie publique est source de confusion et d’ambiguïté. C’est à l’autorité préfectorale de requérir l’installation d’une vidéosurveillance de lieux publics, à partir de lieux privés ouverts au public, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme parce que ce sera une commande de l’État ; la règle du jeu sera donc bien fixée.

C’est la raison pour laquelle je propose de supprimer le dernier alinéa du I de l’article 1er, dont la place serait mieux indiquée à l’article 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission.

Je prends un autre exemple : en 1995, une voiture suspecte stationne devant l’école juive de Villeurbanne. Si la caméra est à l’extérieur, elle peut détecter un comportement suspect ou une voiture piégée.

Si l’on vous écoutait, cela signifierait que l’on pourrait installer des caméras à l’intérieur de ces établissements ou encore de manière à pouvoir regarder très loin autour mais pas dans leur proximité immédiate. Or la menace n’est ni à deux kilomètres, ni à l’intérieur, elle est à l’aplomb des immeubles. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’avoir un tel système de vidéosurveillance.

Mme la présidente. L’avis du Gouvernement est favorable.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. Ce n’est pas le sens de notre amendement, monsieur le rapporteur. Nous voulons que l’État décide de l’installation de la vidéosurveillance, y compris dans des lieux privés. Nous n’avons jamais dit que nous voulions supprimer la vidéosurveillance dans les lieux privés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 84.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 85.

La parole est à M. Jacques Floch, pour le soutenir.

M. Jacques Floch. Il convient de conserver la logique de l’article 1er, qui autorise l’extension de la vidéosurveillance pour lutter contre le terrorisme, et de réserver en conséquence aux seuls services de lutte contre le terrorisme les images et les enregistrements effectués.

Cette loi doit lutter contre le terrorisme et seulement contre le terrorisme : seuls les agents habilités pourront avoir accès aux images.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement : il est inutile.

Mme la présidente. Le Gouvernement est du même avis.

Je mets aux voix l’amendement n° 85.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 125.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Le projet de loi prévoit que les agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie ne pourront avoir accès aux images que si l’autorisation préfectorale du système de vidéosurveillance l’a prévu. Or les circonstances peuvent rendre nécessaire un accès des forces de l’ordre à ces images, qui ne semblait pas nécessaire au moment de l’autorisation initiale. Le présent amendement a donc pour objectif de permettre au préfet d’autoriser un tel accès aux images postérieurement à son autorisation initiale, y compris en urgence. Cela coule de source, mais il vaut mieux le dire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Cet amendement montre la volonté du Gouvernement de faire reculer le rôle de contrôle du juge au profit de la police. Voilà un nouveau texte, ce n’est pas le premier, qui transforme la justice en auxiliaire de la police. Il s’agit encore d’une atteinte à nos libertés fondamentales !

M. Pierre Lellouche. C’est dramatique d’entendre cela !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 125.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 149 rectifié.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani. Cet amendement dit qu’un décret fixera les normes techniques minimales relatives à la qualité des caméras utilisées et notamment des images. En effet, nous ne pouvons pas augmenter les possibilités de vidéosurveillance sans préciser que les images issues de ces caméras doivent être de qualité, afin qu’elles puissent permettre l’identification des suspects ou des plaques d’immatriculation des voitures. On nous a effet signalé des cas où les images étaient inutilisables.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Je comprends bien l’intérêt de votre amendement, monsieur Mariani. Mais je me permets de vous dire qu’il est mal rédigé. Comment, en effet, définir juridiquement la qualité des images filmées ? L’évaluation est difficile.

En tout état de cause, cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis plutôt défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Tout en comprenant les raisons exprimées par M. Mariani, le Gouvernement lui demande de bien vouloir retirer son amendement, car il sera satisfait.

M. Thierry Mariani. Je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 149 rectifié est retiré.

Je suis saisie d’un amendement n° 64.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Le Gouvernement est également défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 64.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 86 rectifié.

La parole est à M. Jacques Floch, pour le soutenir.

M. Jacques Floch. On m’a dit tout à l’heure que la commission départementale n’avait pas beaucoup de pouvoirs. Or il faut les renforcer et lui permettre de jouer pleinement son rôle en lui donnant la possibilité de proposer aux utilisateurs de rectifier un usage critiquable, le cas échéant, en demandant au préfet le retrait des dispositifs utilisés de façon incorrecte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. L’avis du Gouvernement est également favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 86 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 2.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 65.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Je fais à nouveau remarquer que le motif de l’urgence invoqué ne sert en fait qu’à contourner le contrôle de l’ensemble du dispositif par la commission départementale.

Ce dispositif déjà fragile, eu égard à nos libertés fondamentales, pourrait être contourné au motif de l’urgence, sur la décision du seul préfet, l’avis de la commission n’intervenant que pour régulariser une installation préalablement mise en place. Le champ d’application d’une mesure attentatoire par nature aux droits fondamentaux est étendu alors que dans le même temps les procédures destinées à garantir ces droits sont affaiblies.

Cette démission ne s’explique que par l’absence de volonté de rendre effectifs des contrôles purement formels et par le refus de doter la commission départementale des moyens et de l’organisation qui lui permettraient d’intervenir dans des délais compatibles avec l’urgence alléguée dans ce texte.

Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel avait, dans une décision du 18 janvier 1995, refusé que le silence de l’administration à l’issue d’un délai de quatre mois puisse valoir autorisation implicite du dispositif de vidéosurveillance envisagé. La commission départementale n’est qu’un leurre et la CNIL est mise à l’écart : cela fait beaucoup !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Avis défavorable, mais je donnerai satisfaction à M. Mamère avec l’amendement suivant.

Mme la présidente. L’avis du Gouvernement est défavorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 65.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 3 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Tout à l’heure, on nous a fait le reproche de ne pas avoir tenu compte des propositions de la CNIL : eh bien, voilà que nous reprenons une proposition de la CNIL qui va dans le sens de la protection intelligente des libertés individuelles.

Mme la présidente. Le Gouvernement est favorable.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Il ne s’agit pas, monsieur le rapporteur, de faire semblant de nous faire plaisir, mais de savoir si vous concevez le contrôle de la commission départementale comme un contrôle a priori. Si tel est le cas, nous ne pouvons qu’adopter votre amendement. Si tel n’est pas le cas, ce serait du bidouillage que nous refuserions !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. L’amendement du rapporteur prévoit que le préfet « peut » réunir la commission sans délai. Pourquoi ne pas dire que le préfet « doit » réunir la commission ? Dans le cas contraire, l’initiative reste à l’autorité administrative. S’il est possible de sous-amender cet amendement dans le sens que je viens d’indiquer, je le voterai très volontiers.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Celui qui « peut » réunir la commission, ce n’est pas le préfet, mais le président de ladite commission, qui, je le rappelle, est indépendant. Je vous indique en outre qu’il s’agit d’un magistrat du siège.

M. Noël Mamère. Vous n’avez pas répondu à ma question, monsieur le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Je vous respecte, monsieur Mamère, et je vous réponds. Je vous rappelle que nous sommes dans une procédure dite d’urgence : si un préfet apprend qu’il y a un danger pour un établissement public ou privé de son ressort, croyez-vous qu’il aura le temps de réunir une commission indépendante afin qu’elle puisse donner un avis ? Il faut savoir si l’on reconnaît ou non l’existence de situations d’urgence.

M. Noël Mamère. Procédure d’urgence égale détournement !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 4.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Dans le cadre de la procédure d’urgence, un système de vidéosurveillance peut être autorisé pour une durée de quatre mois. Pour être prorogé au-delà de cette période, l’autorisation définitive doit suivre la procédure de droit commun : c’est une autorisation du préfet après avis de la commission départementale.

Le projet de loi prévoit d’ailleurs le retrait du système de vidéosurveillance si l’autorisation définitive n’a pas été délivrée au terme de la durée de validité de l’autorisation provisoire. Après tout la commission n’a aucune obligation de se réunir et de rendre un avis. S’il y a un retard, cela obligerait à suspendre le système au moins temporairement.

L’amendement prévoit que la commission départementale devra donner son avis avant la fin de la période de quatre mois. C’est la moindre des choses.

Mme la présidente. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement n° 4 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 5.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement n° 5 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 66.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Comme nous le disons depuis le début de ce débat, le projet de loi induit une extension considérable du recours aux dispositifs de vidéosurveillance. Il serait normal, dans un État de droit, que l’on accompagne cette extension d’un certain nombre de garanties au regard des libertés. Nous considérons que les garanties proposées sont notoirement insuffisantes, comme l’a souligné la CNIL dans sa note du mois d’octobre 2005.

La CNIL propose que des garanties supplémentaires soient prévues, et qui ne figurent pas dans le projet : précision des conditions de traitement des enregistrements de vidéosurveillance en fonction des objectifs précis assignés à ces dispositifs – durée de conservation, services de police et de gendarmerie destinataires, mesures de sécurité. Selon la CNIL, les finalités de lutte contre le terrorisme sont imbriquées dans le projet de loi avec celles, très larges, de sécurité des biens et des personnes. La CNIL a bien décelé combien ce projet est source de confusion et d’amalgame entre la prétendue lutte contre le terrorisme et l’atteinte à nos libertés.

M. Pierre Lellouche. Mais non !

M. Noël Mamère. En outre, la CNIL demande la limitation dans le temps de l’application des nouvelles dispositions et l’évaluation indépendante de l’efficacité du dispositif ; cela n’existe pas. Elle préconise aussi le rappel, pour l’ensemble des dispositifs de vidéosurveillance, du droit d’accès des personnes filmées aux enregistrements les concernant, leur droit de saisir la commission départementale et leur faculté de saisir, le cas échéant, les juridictions compétentes pour faire respecter leurs droits.

Enfin, la CNIL affirme qu’elle doit pouvoir exercer un contrôle sur les dispositifs de vidéosurveillance dès lors que les fichiers d’enregistrement de vidéosurveillance sont constitués par les services de police ou que des rapprochements avec d’autres fichiers sont opérés. Tout cela n’existe pas dans le texte du projet de loi, la CNIL ayant été mise au placard !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Ah, monsieur Mamère, que j’aimerais pouvoir vous suivre, car cela voudrait dire que la menace aurait disparu dans trois ans. Prions tous ensemble pour qu’il en aille ainsi !

La vidéo surveillance fait actuellement l’objet d’une autorisation à durée indéterminée. Le nouveau dispositif prévoit cinq ans. Cela me paraît un minimum, compte tenu des investissements importants qui s’imposeront, notamment pour le passage de l’analogique au numérique, et de l’amortissement des matériels qui vont être mis en place.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 66.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Avant l’article 1er (suite)

(amendements précédemment réservés)

Mme la présidente. Nous en venons à la discussion des trois amendements, nos 82, 124 rectifié et 134, précédemment réservés, avant l’article 1er, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

La parole est à M. Jacques Floch, pour soutenir l’amendement n° 82.

M. Jacques Floch. Nous sommes l’une des rares grandes nations démocratiques où le Parlement n’exerce pas de contrôle direct sur les services de renseignements, autrement dit les services secrets, dont tous les États s’entourent.

Pourtant, nous légiférerons sur des matières qui les concernent et nous votons des budgets qui leur donnent des moyens. Pourtant, des événements attirent régulièrement notre attention sur la manière dont ils travaillent. De surcroît, ces services, on le sait, figurent parmi les meilleurs au monde. Et ce n’est pas pousser un cocorico que de le souligner car cela s’explique par leur antériorité, leur solide administration, et par les moyens importants que leur ont accordés les gouvernements successifs pour assurer leurs missions.

Dès lors, il serait bon que les représentants de la nation soient mieux informés en la matière et puissent évaluer la force et la responsabilité de ces services, tout en leur apportant un support juridique et le soutien de la nation.

Voilà pourquoi je propose, dans le cadre de la revalorisation du rôle du Parlement, telle que l’a souhaitée le président de notre assemblée, que soit mise en place une délégation – office ou commission, comme on voudra – pour permettre d’évaluer et comprendre leurs missions. C’est aussi simple que cela.

J’avais proposé, au nom de mon groupe, que cet organe soit composé de quatorze parlementaires – sept députés, sept sénateurs –, afin que chaque groupe représenté au sein des deux assemblées puisse y siéger.

Une fois admise la nécessité de cette délégation, nous pourrons nous donner le temps nécessaire pour réfléchir à sa composition, à sa formation, à son rôle. Mais ce qui est important aujourd’hui, c’est que notre assemblée décide sa création et que le Gouvernement lui donne son aval, un simple aval du pouvoir exécutif car il nous appartient à nous, représentants de la nation, d’en décider.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 124 rectifié.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Nous devons tous être bien conscients que ce projet de loi va être une grande première. En effet, et cela devrait satisfaire M. Mamère, nous allons réglementer des activités qui ne l’étaient pas auparavant. Quelles sont-elles ? Ce sont notamment celles des services de renseignements, dont on a bien compris qu’ils font le travail préventif de police administrative visé dans la première partie du texte. Il s’agit principalement de la direction de la surveillance du territoire, mais aussi de la direction centrale des renseignements généraux ainsi que de ceux de la préfecture de police de Paris. Pour la première fois, un ministre nous propose à nous, parlementaires, d’intervenir dans la réglementation de ces activités. Mais il ne le fait pas gratuitement : il a besoin que nous donnions des outils juridiques forts à ces services afin de lutter plus efficacement contre le terrorisme.

Le Parlement, qui donne des outils juridiques et des moyens financiers, comme il l’a fait hier avec le vote du budget, devrait-il se contenter d’être un collaborateur occasionnel des services de renseignements ? Ce n’est pas l’idée que je me fais de son rôle. Il est temps, en 2005, de faire en sorte qu’il puisse, comme dans les autres pays européens, examiner les activités des services de renseignements dont seuls le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, le Premier ministre et le Président ont aujourd’hui connaissance.

Dans un souci d’amélioration de notre système démocratique, nous avons intérêt à savoir comment ils fonctionnent. Ce n’est pas par curiosité malsaine. Il ne s’agit d’ailleurs pas de se substituer à l’opérationnel : nous n’allons pas nous déguiser en James Bond pour montrer à ces professionnels comment travailler. Mais le Parlement peut se préoccuper de ce qui s’y passe et éviter notamment, il faut le dire, des dérives comme il s’en est produit dans le passé, car il peut toujours y avoir de nouvelles tentations ou de nouvelles tentatives.

Avec nos collègues socialistes, nous avons réfléchi à l’élaboration d’un texte qui puisse recevoir l’approbation de tous les groupes, un texte équilibré qui ne déstabilise par les services de renseignements et qui nous permette d’exercer un contrôle de certaines missions. Pierre Lellouche a souhaité lui aussi déposer un amendement.

Sachez, monsieur le ministre d’État, que sur tous les bancs de cette assemblée, il y a une véritable demande pour cette avancée démocratique. Je vous rappelle qu’en Europe, seuls le Portugal – j’allais dire la Turquie mais ce serait de la provocation – et la France sont dépourvus de tels organes.

Il y a toujours cette vieille tentation de dire qu’il s’agit du privilège de l’exécutif.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je vous le laisse !

M. Alain Marsaud, rapporteur. Mais ce privilège doit reculer devant la démocratie parlementaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement n° 134.

M. Pierre Lellouche. Nous sommes ici au cœur de la fonction même de la démocratie, alors que nous légiférons tout à la fois sur les libertés publiques et sur ce qui menace l’existence de notre nation.

Hier, j’ai rendu hommage au ministre d’État pour avoir préparé un projet qui établit un juste équilibre entre la nécessité de ne pas baisser notre garde et celle de donner des moyens à nos services. En ce sens, les remarques de M. Mamère me paraissent très excessives car ce texte est très équilibré. Il a su trouver un juste milieu pour préserver les moyens d’action de la puissance publique et pour, à chaque pas, les encadrer dans le respect des principes fondamentaux de notre droit.

Faut-il aller au-delà et doter le Parlement d’un organe de contrôle des services de renseignements ? Pour ma part, j’estime que c’est le moment de le faire, tout simplement parce que le terrorisme a changé la nature du débat. De la même façon que notre Parlement et ses commissions de la défense surveillent notre armée, votent ses budgets, tout en travaillant en liaison permanente avec nos militaires, parce qu’ils assurent la défense de la nation, qui est l’affaire de tous, l’affaire du peuple, de la même façon il faut qu’un contrôle démocratique s’exerce sur les services de lutte antiterroriste, qui eux aussi servent la nation. C’est l’objet de ces trois amendements.

Que l’on n’aille pas nous rétorquer que le domaine réservé, l’esprit de la Ve République ou les pouvoirs suprêmes de l’exécutif feraient obstacle à ce contrôle démocratique de base. En effet, un tel contrôle existe déjà en matière de défense et la lutte contre le terrorisme n’est désormais rien d’autre que le prolongement de cette mission de défense nationale. Une base législative implique nécessairement un contrôle parlementaire.

J’ajoute que ce contrôle parlementaire aura l’avantage de préserver les services eux-mêmes contre les risques de rumeurs ou d’interprétations abusives, ici ou là, dans les médias en France ou à l’étranger. Il sera assuré, comme le prévoient les amendements, dans un souci de strict respect de la confidentialité, de non-interférence dans les opérations en cours. Toutes les grandes démocraties, à l’exception du Portugal, se sont dotées d’instruments de ce genre.

J’irai plus loin : toutes les violations du droit que l’on a pu observer aux États-Unis ces derniers temps, en particulier la non-application de la convention de Genève et le recours à la torture, c’est la Cour suprême mais aussi le Congrès, grâce aux sous-commissions chargées du renseignement et de la surveillance des militaires, qui les ont soulignés. Et cela a conduit au vote de l’amendement Mc Cain, visant à mettre fin à certaines pratiques.

C’est dans l’intérêt de la démocratie et dans la perspective de la préparation de notre peuple à ce combat de longue haleine contre le terrorisme qu’il importe de doter notre Parlement d’un organe de contrôle. Nous pourrons discuter de la façon d’organiser cette commission, et le Gouvernement aura tout loisir de s’exprimer sur cette question. Pour ma part, j’ai prévu que trois députés et trois sénateurs y siégeraient, mais il est bien sûr possible d’aller au-delà, dans le souci de représenter tous les groupes, monsieur Floch. Mais il me paraît important, pour cette question qui touche aux libertés publiques, que les représentants des principales juridictions concernées – Conseil d’État, Cour de cassation, Cour des comptes – en soient membres également. Cette commission, tenue au secret, serait à la fois un organe de protection de nos services mais aussi de la démocratie, par l’encadrement juridique des activités nécessaires de l’exécutif en matière de lutte contre le terrorisme.

Monsieur le ministre d’État, je sais quelle est votre inclination personnelle. Au nom de très nombreux parlementaires, je vous encourage à sauter le pas.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il n’y a pas que le pas à sauter !

M. Pierre Lellouche. Je sais bien que certains diront que ce n’est pas dans l’esprit de la Ve République. Je prétends le contraire : l’exécutif reste dans son domaine, le législatif aussi. Il est normal que les représentants de la nation puissent se pencher sur une question qui touche à la protection de la nation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission n’a pas examiné l’amendement n° 134, elle a repoussé l’amendement n° 82 et a adopté l’amendement n° 124 rectifié.

Je voulais ajouter, s’il en était besoin pour convaincre le ministre, que l’amendement de la commission précise que la commission « ne peut intervenir dans la réalisation d’opérations en cours ». Voilà qui est susceptible de calmer les ardeurs de tous ceux qui penseraient que l’on veut se mêler de l’opérationnel. Nous avons repris au mot près la décision du Conseil constitutionnel concernant la loi relative au contrôle des fonds spéciaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Comme chacun le sait ici, je suis, à titre personnel et depuis longtemps, très ouvert à ce que la représentation nationale exerce un droit de regard sur les services de renseignements, ce qui ne peut d’ailleurs qu’aider le ministre de l’intérieur, quel qu’il soit.

M. Pierre Lellouche. Bien sûr !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il ne s’agit pas d’opposer législatif et exécutif, mais d’exercer un contrôle démocratique sur des services de renseignements qui, au demeurant, font très bien leur travail.

Vous avez raison, monsieur Lellouche, cela n’a pas de sens que de dire qu’une telle idée est contraire à l’esprit de la ve République. La ve République, c’est la démocratie, et la démocratie, c’est le contrôle. Dans une démocratie moderne, il est normal que le Parlement contrôle les activités de renseignements que le Gouvernement met en œuvre. Toutes les démocraties avancées, à de très rares exceptions près, appliquent ce principe, et vous l’avez tous rappelé, mesdames, messieurs les députés. La discrétion, ce n’est pas le secret à l’endroit de ceux à qui l’on doit rendre des comptes.

Cette exigence démocratique est d’autant plus forte lorsque la loi confie aux services de renseignements de nouveaux instruments pour exercer leurs compétences. C’est le cas de ce projet de loi, qui facilite l’accès d’agents des services de renseignements spécialisés dans la lutte contre le terrorisme à certains fichiers. D’ailleurs, je précise que les chefs actuels de nos services de renseignements y sont favorables. Les réticences qui pourraient exister ne se situent pas à ce niveau.

Aussi le Gouvernement examine-t-il avec le plus grand intérêt l’amendement n° 82 du groupe socialiste, qui vise à créer une délégation parlementaire d’évaluation des actions conduites par les services de renseignements, l’amendement n° 124 rectifié de la commission qui propose la création d’une commission nationale des services de renseignements et l’amendement n° 134 de M. Lellouche. Très franchement, je ne sais pas quelle est la meilleure formule. En tout état de cause, je souhaite, au nom du Gouvernement qu’on en retienne une. Je ne peux pas être plus clair.

Toutefois, à ce stade, je m’interroge sur la rédaction de ces textes. Messieurs Floch, Lellouche et Marsaud, reconnaissez que l’ouverture de principe que je fais n’est pas ambiguë, mais je souhaite que l’on se penche sur l’équilibre entre la discrétion, la transparence et la démocratie. Je crois tellement à la notion de contrôle que je ne veux pas qu’elle soit caricaturée par une rédaction hâtive. Il me faut prendre garde, en particulier, à ce que les nécessaires relations de nos services avec leurs homologues étrangers ne soient pas affectées, et ce n’est pas un mince problème ; il y a deux jours, par exemple, je me suis rendu au Maroc pour assister à une réunion de travail avec les services marocains.

Je vous propose donc de mettre en place un groupe de travail qui serait composé de représentants des groupes parlementaires – pourquoi pas un membre par groupe parlementaire ? – et de fonctionnaires au plus haut niveau des services de renseignements. Demandons-lui de rendre ses conclusions avant le 15 février afin de pouvoir rédiger une proposition de loi – ou un projet de loi si vous estimez qu’ainsi on peut aller plus vite. S’il s’agit d’une proposition, que j’espère consensuelle, elle pourra être examinée à l’occasion de la première niche parlementaire disponible et le Gouvernement l’acceptera.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. D’ailleurs, je ne verrais que des avantages à ce qu’il s’agisse d’une proposition plutôt que d’un projet de loi, puisque le Parlement demande à exercer un contrôle et un renforcement de la démocratie française.

M. Pierre Lellouche. Très bien !

Mme Christine Boutin. C’est une bonne idée !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je crois que les engagements formels que je viens de prendre peuvent vous permettre de retirer vos amendements.

C’est une proposition importante que je présente au nom du Gouvernement car, moi aussi, j’ai des contraintes. En effet, il me faut convaincre.

Je crois que nous pouvons avoir réglé, d’ici au 15 février, et de manière consensuelle, un problème qui existe depuis bien longtemps dans notre pays.

M. Pierre Lellouche. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous sommes à un moment politique à la fois intéressant et paradoxal. Intéressant, parce que le ministre de l’intérieur prend l’engagement devant la représentation nationale d’améliorer le contrôle démocratique de notre assemblée sur l’exécutif et la partie la moins voyante de ses activités. Paradoxal, puisqu’il contribue à réduire le contrôle des outils que nous avons déjà à notre disposition, comme la CNIL ou les commissions départementales.

Il ne faut pas se laisser leurrer par les engagements de M. le ministre de l’intérieur, même s’ils sont sincères. Je ne sais pas quelle sera la meilleure formule, mais nous savons déjà que les offices parlementaires n’ont pas toujours l’efficacité qu’ils prétendent détenir. Je pense en particulier à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Est-ce un office parlementaire indépendant ? Ne répond-t-il pas plutôt aux exigences des grands lobbies industriels ?

Jusqu’à présent, le Parlement est plutôt bafoué dans ses droits. Ce n’est pas pour rien que M. le ministre a parlé, selon notre jargon, de « niche ».

Mme Christine Boutin. C’est le terme employé !

M. Pierre Lellouche. Pas de complexe canin, monsieur Mamère !

M. Jean-Paul Garraud. Vous ne faites qu’aboyer !

M. Noël Mamère. Cela en dit long sur ce qu’est notre Parlement puisqu’il faut utiliser des « niches » pour formuler des propositions de loi. Cela signifie que nous avons très peu de pouvoirs d’initiative et de contrôle.

Cette discussion me permet d’évoquer un aspect qui ne l’a pas encore été : le domaine réservé. Qu’avons-nous à dire, nous, pauvres parlementaires porteurs de la souveraineté nationale, sur la politique africaine de la France (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), sur le domaine réservé du Président de la République et sur nombre de basses œuvres commises au nom de cette République sur lesquelles nous n’avons aucun pouvoir de contrôle ?

M. Dominique Tian. Parlons-en !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Hors sujet !

M. Noël Mamère. Quand certains de nous demandent une commission d’enquête parlementaire, bien souvent on s’empresse de la transformer en mission d’information dont on connaît les limites. J’en veux pour preuve la mission d’information sur le Rwanda ou celle sur les conséquences environnementales et sanitaires des OGM.

Méfions-nous les uns et les autres de ces beaux engagements que nous prenons aujourd’hui, jeudi 24 novembre, à dix heures quarante. Nous savons bien qu’il sera très difficile de donner une réalité à un contrôle qui n’est pas dans notre tradition.

Mme Christine Boutin. Monsieur Mamère, il faut toujours garder l’espérance !

M. Dominique Tian. Il est désabusé !

M. Noël Mamère. En tout cas, je soutiens à la fois l’amendement de M. Floch et les interventions de mes collègues de la majorité et de l’opposition.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. M. le ministre d’État nous a fait part de sa prise en compte de l’exigence démocratique, qui débouche sur la nécessité du contrôle démocratique, et se dit ouvert en n’excluant aucune des trois formules proposées.

L’amendement de M. Floch présente toutes les garanties de pluralisme. Monsieur le ministre d’État, vous souhaitez que se dégage un consensus dans l’élaboration d’une proposition de loi. Néanmoins, cela ne doit pas nous empêcher de nous prononcer sur l’amendement du groupe socialiste, qui nous permet de respecter l’exigence démocratique de cette assemblée.

Je soutiens donc l’amendement n° 82 et, si le groupe socialiste le retire, je le reprendrai à mon compte.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. Je retiens de la déclaration de M. le ministre d’État une ouverture certaine. Je veux bien défendre avec panache les amendements que j’ai proposés mais, dans ce domaine, je ne veux pas être battu, c’est-à-dire que je veux obtenir la création d’une commission de contrôle parlementaire. Le groupe socialiste souhaite que le Parlement puisse évaluer les actions conduites par les services de renseignements.

Si j’ai bien compris la proposition de M. le ministre d’État, nous aurons l’occasion de reprendre nos analyses pour bâtir ensemble une proposition de loi. L’engagement qu’il vient de prendre ici me paraît suffisamment important pour qu’il soit examiné attentivement.

La Constitution de la ve République ne reconnaît aucun domaine réservé au Président de la République. C’est avec le premier Président de la ve République, le général de Gaulle, que les affaires étrangères et la défense se sont retrouvées petit à petit dans le domaine de l’Élysée. Et tous les présidents de la République qui se sont succédé ont suivi cette méthode. Nous savons bien que nous aurons besoin, dans les années à venir, d’un grand débat national sur nos institutions.

Mme Christine Boutin et M. Pierre Lellouche. Tout à fait !

M. Jacques Floch. Près de cinquante ans après la naissance de la ve République, il est peut-être temps de procéder à plus qu’un toilettage et de se pencher sur le fonctionnement démocratique de la ve République.

Pour en revenir à aujourd’hui, si mon amendement n’a aucune chance d’être voté, je me rallierai à la proposition de M. le ministre d’État.

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. Jacques Floch. Sinon, je le maintiendrai. Je sollicite l’avis du rapporteur sur ce sujet, mais nous avons sans doute intérêt à encore travailler le texte pour obtenir l’assurance que notre exigence d’une commission parlementaire d’évaluation et de contrôle des services de renseignements sera satisfaite.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Madame la présidente, hier, au nom du groupe UDF, j’ai émis le souhait de voir s’établir un contrôle parlementaire sur les services de renseignements. Que ce soit sous la forme d’une délégation parlementaire, d’une commission nationale ou d’une commission de contrôle, peu importe. Ce qui compte, c’est l’engagement solennel de M. le ministre de l’intérieur. L’esprit dans lequel se déroulent nos débats prouve notre cohésion face au danger du terrorisme. Nous observons surtout de part et d’autre une volonté commune de dépasser les clivages traditionnels pour lutter contre le terrorisme.

Certaines dispositions du projet de loi, notamment celles qui renforcent les pouvoirs des services de renseignements, étant contestables au regard des libertés, votre engagement, monsieur le ministre, constitue une avancée. Pour ma part, je m’y rallie sous réserve que la pluralité des opinions à laquelle je suis attaché soit respectée au sein de l’organe à qui sera confié ce contrôle.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Je tiens d’abord à remercier le ministre d’État et tous mes collègues pour la qualité du débat de ce matin.

J’aurai aussi un mot amical, mais taquin, à l’intention de notre collègue Mamère qui s’offusque, semble-t-il, du mot « niche ». Il ne faudrait pas, mon cher collègue, céder au complexe canin. Ce terme fait partie du jargon parlementaire et je ne me sens pas plus caniche que roquet. (Sourires.) Je vous renvoie à l’expression anglaise watch dog, qui signifie chien de garde. Oui, nous sommes les chiens de garde de la République et nous veillons. Je n’ai pas honte d’assumer cette mission, elle est même consubstantielle à la République.

Nous sommes confrontés pour des années, voire des décennies – et nombreux sont ceux qui l’ont dit depuis hier – à une guerre mondiale, mais larvée, d’un type nouveau, qui pose des problèmes fondamentaux à nos démocraties. Une telle situation exige, comme à d’autres moments de notre histoire, une unité nationale sans faille. Je me réjouis d’avoir entendu ce matin à la radio un ancien ministre de l’intérieur socialiste se faire l’écho des propos de son homologue actuel et je suis heureux de voir se reformer l’unité nationale, car elle est nécessaire, sur les questions qui touchent à la sécurité et à la défense de la nation, en particulier pour organiser au mieux le contrôle parlementaire. Il serait bon, en effet – et je vous suis reconnaissant, monsieur le ministre de l’intérieur, de l’avoir proposé – que l’Assemblée nationale prenne l’initiative de créer une commission de contrôle et que tous les groupes puissent y participer.

Par ailleurs, je voudrais revenir à la Ve République et au fameux domaine réservé. Il fut un temps où la défense de la nation s’inscrivait entièrement dans la confrontation Est-Ouest, le risque étant l’escalade à l’arme nucléaire. Quand le général de Gaulle a assumé les fonctions de chef de l’État, il a pris l’initiative de la force de frappe.

M. Jacques Floch. C’est une initiative de la IVe République, et même une décision de Mendès France.

M. Pierre Lellouche. Je connais bien le sujet, monsieur Floch. Je fais vite, mais je rends à la IVe République et à la gauche ce qui leur revient.

Quand le général de Gaulle s’est ménagé ce fameux domaine réservé de fait sinon de droit, il l’a fait dans le cadre d’une politique de défense nationale fondée principalement, voire exclusivement, sur la dissuasion nucléaire, qui reposait sur la décision personnelle du chef de l’État, lui seul pouvant appuyer sur le bouton.

Or nous avons changé de monde. Le terrorisme remet en cause la dissuasion, et surtout l’unicité de la décision. En cas d’agression terroriste, la question de savoir qui appuie sur le bouton est sans intérêt. Ce qui compte, c’est la mobilisation de la nation et l’union de l’ensemble des forces pour préserver la démocratie.

À cet égard, nous opposer une lecture passéiste d’une période de la Ve République ne tient pas la route, ni sur le plan intellectuel, ni sur le plan politique. Il en est de même d’ailleurs pour la relation entre le Président de la République et les Français, j’en passe et des meilleures ; mais c’est un autre débat.

En conclusion, je rends hommage à Nicolas Sarkozy pour son ouverture d’esprit. Il a compris la nécessité d’un contrôle parlementaire et il a su faire la distinction entre la protection de nos institutions démocratiques et l’efficacité des services.

Il va de soi, monsieur le ministre d’État, que mes collègues et moi retirons notre amendement car nous comptons sur vous pour nous fournir très rapidement une rédaction aussi solide que possible pour compléter le texte de ce matin.

Mme la présidente. L’amendement n° 134 est retiré.

La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Je tiens tout d’abord à souligner la solennité de l’instant. Il me semble que c’est la première fois que nous discutons dans l’hémicycle du contrôle démocratique des services de renseignements, même si la commission de la défense a déjà eu l’occasion d’en connaître dans le passé. C’est une avancée pour notre démocratie.

J’ajoute que, si un tel dispositif de contrôle parlementaire est mis en place, il faut tenter d’obtenir un consensus politique, de sorte que le Parlement dans toute sa diversité puisse s’y reconnaître. Ce sera aussi une manière de s’assurer de la pérennité du dispositif. Il ne suffit pas de quelques minutes pour arriver à un résultat. Nous savons bien que des réticences vont s’exprimer chez ceux qui sont en première ligne et qui n’ont pas eu à se soumettre au contrôle démocratique, pourtant nécessaire. Elles tiennent tantôt à des habitudes, tantôt à des inquiétudes, légitimes au demeurant. En tout état de cause, il ne s’agit pas de passer en force. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais que nous arrivions à une solution qui convienne à tout le monde.

Le débat a été lancé il y a quelques semaines. Les choses ont visiblement avancé et mûri. Peut-être certaines personnalité fortes font-elles encore état de réticences qui tiennent à l’histoire. Il faut les convaincre que nous sommes entrés dans le XXIe siècle. Je suis d’accord qu’il faut laisser du temps au temps, selon la formule consacrée.

Si M. le ministre de l’intérieur, que je crois digne de confiance, réitère son engagement et ne se contente pas de gagner du temps en s’en tenant à des solutions dilatoires, nous sommes d’accord pour rechercher un consensus politique dans le délai convenu, initié par le Parlement dans son ensemble, et non par tel ou tel groupe.

De toute façon, convenons que c’est la pratique qui légitimera l’action de l’organe de contrôle, et elle relève de la responsabilité de ses membres. On peut mettre en place tous les dispositifs que l’on veut, nous savons d’expérience que, en l’absence de volonté politique et d’engagement de la part des parlementaires concernés, la structure restera une coquille vide.

Si nous sommes tous dans cet état d’esprit, il vaut mieux que le Parlement ne vote pas dans l’immédiat, pour ne pas privilégier telle ou telle interprétation. Cela permettrait de nous mettre d’accord d’ici au 15 février.

Mme la présidente. L’amendement n° 82 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Comme plusieurs orateurs l’ont fait remarquer, nous vivons un moment d’unité nationale.

Mme Christine Boutin. Enfin !

M. Alain Marsaud, rapporteur. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas le gâcher. Je vous ai écouté, monsieur le ministre d’État, et j’ai confiance en vous – j’ai bien dit en vous. (Sourires.) Vous vous exprimez au nom du Gouvernement, mais j’ai cru comprendre que certains ont peut-être des conceptions antédiluviennes de nos institutions et du rôle du Parlement.

Je veux donc rassurer les inquiets et vous demander de faire passer le message : si la mission doit être créée, faites savoir qu’elle n’aura pas d’effet rétroactif ! (Rires.)

M. Jacques Floch. M. Massoni peut dormir tranquille !

M. Pierre Lellouche. Rappelez-vous plutôt l’Élysée sous Mitterrand !

M. Alain Marsaud, rapporteur. Elle n’examinera pas ce qui s’est fait dans le passé ! Qu’ils se rassurent ! Nous travaillons pour l’avenir.

Je vais donc tout naturellement retirer l’amendement de la commission.

Je voudrais dissuader mon collègue Vaxès de reprendre l’amendement n° 82, puisque M. Floch et M. Dray envisagent de participer à un effort commun. Il faudra bien déboucher sur du concret puisque des engagements sont pris solennellement aujourd’hui dans notre assemblée. Il faudra bien conclure le 15 février, au vu du rapport qui aura été remis. L’affaire ne doit pas se terminer en eau de boudin. Il nous est trop souvent arrivé, hélas ! d’être déçus. Mais, si certains marquaient trop d’hésitation, nous saurions réagir vivement.

Mme Christine Boutin. Absolument !

M. Alain Marsaud, rapporteur. Monsieur le ministre d’État, je serais tenté de ne pas retenir exactement votre formule consistant à attendre le 15 février pour déposer une proposition de loi qui serait examinée dans le cadre d’une niche parlementaire. Nous ne connaissons que trop le sort qui leur est réservé. Je vous propose plutôt une proposition de loi que le Gouvernement prendrait l’initiative d’inscrire à l’ordre du jour. Sous réserve des clarifications que vous ne manquerez pas de nous fournir, la commission des lois retire son amendement car elle vous fait confiance.

Mme la présidente. L’amendement n° 124 rectifié est retiré.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je reprends l’amendement n° 82.

Que l’on ne se méprenne pas sur le sens de mon initiative. J’ai trouvé que cet amendement était bon et je continue à le trouver bon. Nous avons un objectif commun : le contrôle parlementaire. Mais l’amendement de M. Floch formule une exigence qui est absente des deux autres, à savoir le pluralisme. C’est pour que cette exigence soit satisfaite que je reprends cet amendement, sans pour autant me faire d’illusion sur le sort qui lui sera réservé.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. J’ai déjà dit que je souhaitais que nous n’ayons pas à voter sur cet amendement, pour ne pas marquer négativement ce débat.

Mme Christine Boutin. Bien sûr !

M. Julien Dray. Il me semble que la proposition de notre collègue communiste peut trouver un débouché dans cette assemblée. Si en effet, l’engagement qui a été pris devant l’Assemblée, que le dispositif qui sera élaboré sera pluraliste – nous serons évidemment amenés à le vérifier le moment venu –, est inscrit dans nos documents officiels, et s’il est rappelé que c’est bien dans cet état d’esprit que nous avons travaillé, nous pourrons arriver à un consensus et ne pas nous retrouver dans la situation d’un vote marquant négativement nos débats.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Vous avez raison !

Mme Christine Boutin. Oui : en politique, la symbolique est très importante !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’ai pris des engagements au nom du Gouvernement. Ces engagements seront scrupuleusement tenus. Tout ce que je pourrais ajouter ne ferait qu’affaiblir les engagements que j’ai pris.

Nous aurons évidemment à débattre de la formule et de la méthode qui devront être retenues le 15 février et vous nous ferez des propositions sur ce sujet. Mais je ne peux pas à la fois proposer la création d’un groupe de travail et prendre les décisions à sa place ! Il lui appartiendra de débattre du fond, de la méthode et du calendrier.

Il s’agit d’une affaire sérieuse !

Mme Christine Boutin. Eh oui !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Voulons-nous tous faire progresser la démocratie française ou certains veulent-ils se contenter d’un petit coup politique ? Dans le premier cas, nous avons deux mois, et chacun doit s’interdire de reprendre des amendements avec pour seul objectif de mettre leurs auteurs en contradiction avec leur propre engagement.

Mme Christine Boutin. Tout à fait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Dans le second cas, je n’ai aucune leçon à donner, chacun est libre de faire ce qu’il veut ! C’est un moment important. Je le dis d’autant plus volontiers qu’il ne s’agit pas pour moi, je le répète, d’une question opposant le législatif à l’exécutif : cet engagement important quant au contrôle du Parlement, je l’ai également pris pour tous les ministres qui me succéderont à ce poste, et il y en aura !

Soyons responsables ! Chacun ayant pu donner son avis, les trois amendements doivent être retirés, afin que personne ne soit mis en contradiction avec l’ambition que, tous, nous partageons : instaurer un contrôle parlementaire sur les services de renseignements, comme cela existe dans toutes les autres démocraties.

M. Jean-Paul Garraud. Bien sûr !

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Alors que nous attendons l’instauration de ce contrôle depuis des décennies, il me semble que nous pouvons utiliser les deux mois qui viennent à travailler utilement ensemble. Tel est l’esprit dans lequel le Gouvernement a accueilli vos propositions et vous a fait part de la sienne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur le ministre, je récuse le soupçon de coup politique. Oui, nous voulons faire avancer la démocratie française, et, apparemment, je suis le plus déterminé puisque je veux réaffirmer que la démocratie française exige une représentation pluraliste dans les organes que l’on met en place.

M. Jean-Paul Garraud. Il n’a rien compris !

M. Michel Vaxès. Or seul l’amendement n° 82, présenté par le groupe socialiste, garantit ce pluralisme. Les deux autres non !

Mme Christine Boutin. Quelle démonstration d’archaïsme !

M. Michel Vaxès. Je ne vois d’ailleurs pas ce qui vous gêne, puisque, vous le savez très bien, l’amendement que j’ai repris ne sera pas adopté.

Je veux seulement prendre acte, au nom de mon groupe, que le pluralisme sera respecté…

M. Jean-Paul Garraud. Mais c’est fait !

M. Michel Vaxès. …et je n’ai pas d’autre moyen de le faire que de reprendre l’amendement n° 82.

M. Jean-Paul Garraud. C’est faux !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Il ne s’agit pas d’allonger les débats, mais il faut reprendre les propos de M. Vaxès pour l’inviter à en tirer une tout autre conclusion.

Vous nous invitez, monsieur Vaxès à récuser toute idée de coup politique : nous sommes d’accord avec vous. Pourquoi ne pas vous inviter et nous inviter tous à récuser également toute suspicion quant à l’engagement que le ministre a pris devant nous ?

Il est clair que ce que le ministre nous propose, sur la suggestion du rapporteur et en accord avec tous les groupes de l’Assemblée, c’est, à un moment important de l’histoire de notre institution et de la République, de prendre le temps de nous accorder sur la forme et le fond d’un dispositif que nous jugeons tous essentiel et qui doit répondre à ce que nous en attendons tous. Nous ne pouvons pas aller plus loin aujourd’hui dans l’engagement d’avancer ensemble sur cette voie. La reprise de cet amendement affaiblit à la fois notre volonté commune et la vôtre, monsieur Vaxès, permettez-moi de vous le dire.

Mme Christine Boutin. Absolument !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Monsieur Vaxès, je vous le dis solennellement – nous nous connaissons suffisamment –, sur cet amendement vous essuierez un vote négatif qui affaiblira l’engagement qui a été pris ici au nom du Gouvernement. Tous ceux qui sont en embuscade – croyez-moi, ils sont nombreux et puissants – utiliseront ce vote négatif pour prétendre que le Parlement n’est pas en accord sur ce point !

M. Michel Vaxès. Mais non !

M. Alain Marsaud, rapporteur. Vous faites courir un risque à ce projet, monsieur Vaxès. C’est la raison pour laquelle je vous demande de reconsidérer votre position. N’affaiblissez pas le dispositif que vous réclamez vous-même !

Mme la présidente. M. Noël Mamère me demande la parole. Je la lui accorde, puis nous passerons au vote, car l’Assemblée sera suffisamment éclairée.

M. Noël Mamère. Inutile, monsieur le rapporteur, de chercher à culpabiliser Michel Vaxès ! Nous sommes tous d’accord sur la nécessité du contrôle parlementaire. Nous avons tous entendu M. le ministre de l’intérieur prendre des engagements. Mais, monsieur le rapporteur, ne vous contredisez pas ! Il y a quelques instants à peine, vous avez déclaré que c’est le ministre de l’intérieur, et lui seul, qui a pris cet engagement, lequel, par conséquent, ne reflétait pas nécessairement l’avis du Gouvernement dans son ensemble.

Dois-je rappeler qu’il appartient aux députés de fixer les règles à l’Assemblée nationale ? Or, ce qui nous est seulement proposé, c’est que le dispositif relatif au contrôle parlementaire soit examiné dans le cadre d’une niche parlementaire, c’est-à-dire sous la forme d’une simple proposition de loi. Monsieur le rapporteur, vous avez vous-même pris acte que la proposition du ministre de l’intérieur, dont il ne s’agit pas de mettre en doute la bonne foi, n’engageait apparemment que lui seul, et non le Gouvernement, en raison des dissensions – que vous connaissez – qui existent au sein de celui-ci. Nous ne pouvons pas fonder un tel dispositif sur du sable ! C’est la raison pour laquelle je suis favorable à la reprise de l’amendement n° 82 par Michel Vaxès : il apporte des garanties sur le respect de l’engagement pris par le ministre d’État, ministre de l’intérieur. Ces garanties sont nécessaires au regard d’un texte dont trop de dispositions suppriment celles qui entourent nos libertés.

Puisqu’il existe un semblant d’accord, voire de consensus, sur le contrôle démocratique du Parlement sur les services de renseignements, alors, acceptons de voter un amendement visant à le garantir. Le rejet de cet amendement par une majorité du Parlement ne devra pas pour autant être considéré comme infamant, et personne ne saurait en conclure que M. Vaxès et son collègue non-inscrit et membre des Verts, qui le soutient, sont opposés au contrôle du Parlement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je ne peux pas laisser M. Mamère dire une nouvelle fois n’importe quoi, même s’il en a l’habitude !

La position que j’exprime est celle du Gouvernement !

M. Noël Mamère. Ce n’est pas ce qu’a dit le rapporteur !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je le répète : la position que j’exprime est celle du Gouvernement !

M. Noël Mamère. Dites-le donc au rapporteur !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’est une affaire sérieuse, monsieur Mamère. Je vous en prie, laissez de côté pour un temps l’originalité qui vous caractérise ! Les choses doivent être claires : l’engagement que je prends, c’est celui du Gouvernement.

Qui, d’ailleurs, s’il connaît un tant soit peu les institutions de la République, pourrait imaginer que je puisse exprimer ici un avis personnel ? J’ai des convictions, assurément, mais lorsque je siège au banc du Gouvernement, j’exprime la position du Gouvernement.

Du reste, c’est avec les députés responsables de l’opposition et de la majorité qu’il convient de construire ce dispositif. Ceux qui ne sont pas responsables et qui préfèrent détruire, nous ne les attendons pas ! Le consensus a des limites : celles que dessine le sens de la responsabilité. J’ai dit au groupe socialiste ce que je pensais. J’ai pris des engagements : ils seront tenus. Pour le reste, on ne saurait convaincre ceux qui ne souhaitent pas l’être. Cela n’a d’ailleurs aucune importance puisque l’histoire de notre république retiendra le nom de ceux qui ont voulu le changement, et non celui de ceux qui s’y sont opposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Lellouche. Juste un mot, madame la présidente.

Mme la présidente. L’Assemblée est suffisamment éclairée, monsieur Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Il fut un temps où les communistes et les gaullistes s’alliaient pour la défense du pays !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 82.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Après l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement, n° 83.

Cet amendement fait l’objet de deux sous-amendements, nos 151 et 152.

La parole est à M. Julien Dray, pour soutenir l’amendement n° 83.

M. Julien Dray. C’est un amendement de clarification.

Mme la présidente. La parole est à M. Hunault, pour soutenir les deux sous-amendements.

M. Michel Hunault. Ils sont défendus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements et l’amendement ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Sagesse !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Favorable à l’amendement n° 83 sous réserve de l’adoption des deux sous-amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 151.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 152.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 83, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès, inscrit sur l’article.

M. Michel Vaxès. Je souhaite faire deux remarques préalables.

En premier lieu, je n’accepte pas que notre rapporteur construise son argumentation sur ce que ne dit pas l’opposition. Je n’ai jamais prétendu, monsieur le rapporteur, que la vidéosurveillance était inutile. J’ai dit et je répète que prétendre qu’elle sera efficace dans la prévention, c’est-à-dire en amont, me paraît inexact. Sans doute permettra-t-elle d’améliorer la recherche éventuelle de délinquants terroristes, mais elle ne sera, pour l’essentiel, d’aucune efficacité dans la prévention. C’est ce que j’ai dit et c’est sur cela que je souhaiterais que le débat s’engage.

En second lieu, j’ai le sentiment, depuis hier soir, qu’on oublie l’existence à l’Assemblée d’un groupe qui fait porter ses critiques non pas sur la nécessité d’obtenir, sur tous les bancs, un consensus en vue de combattre le terrorisme avec la plus grande fermeté – le consensus existe sur cette question, voire sur l’analyse du fait terroriste –, mais sur les réponses à apporter pour y parvenir : il n’y a pas consensus en la matière.

Permettez que je revienne sur la question de la prévention du terrorisme et sur l’utilité de la vidéosurveillance.

D’autres l’ont dit avant moi et je ne cesse de le répéter : les millions de caméras réparties sur le sol britannique, et qui font qu’un Londonien est filmé 300 fois par jour, n’ont nullement empêché les attentats de Londres. Ils ont simplement permis que les auteurs soient, a posteriori, identifiés et uniquement parce que, fort heureusement, leur tentative avait échoué. Si elle avait réussi, la question ne se serait même pas posée !

Notre rapporteur l’a d’ailleurs souligné dans son rapport : les caméras n’empêcheront jamais un kamikaze d’agir. Ce sont les mots que vous avez employés, monsieur le rapporteur.

Du reste, les études, peu nombreuses, qui ont été menées en France sur l’effet dissuasif de la vidéosurveillance ont le mérite de relativiser l’efficacité du système. Ainsi, une étude de mars 2004 de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France, qui porte sur les caméras dans les transports parisiens, dresse un constat plutôt mitigé. Si nous traversons la Manche, les travaux de recherche conduits en Grande-Bretagne vont dans le même sens. Les enquêtes menées par les criminologues anglais depuis dix ans soulignent que les effets de la vidéosurveillance sur l’évolution de la délinquance sont limités. Ces travaux montrent que les caméras n’ont pas un impact déterminant sur le volume de la délinquance.

Le dispositif de vidéosurveillance mis en place par ce projet de loi n’aura donc malheureusement que très peu d’effets sur la prévention du terrorisme. Il ne faut pas laisser croire aux Françaises et aux Français que ce dispositif empêchera les actes terroristes. En revanche, s’il est une certitude, c’est bien celle que le fait de surveiller tout le monde, tout le temps et partout, constitue, comme la CNIL et beaucoup de magistrats le disent, une atteinte aux droits individuels, aux droits à la libre circulation et à l’intimité.

Mme la présidente. Nous passons à la discussion des amendements.

Je suis saisie d’un amendement n° 87.

La parole est à M. Jacques Floch, pour le soutenir.

M. Jacques Floch. Je souhaite simplement préciser que le terrorisme ne prend pas exclusivement les installations vitales pour cible, mais également des lieux fréquentés. C’est pour protéger ces lieux ouverts au public que je propose cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission. Je constate qu’il va plus loin que le projet de loi, alors adoptons-le !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement souhaite donner aux préfets le pouvoir d’imposer l’installation de caméras dans les lieux les plus sensibles : installations d’importance vitale, centrales nucléaires, usines Seveso, infrastructures de transports collectifs comme les gares, les aéroports et les couloirs de métro.

Vous nous proposez, monsieur Floch, d’étendre cette possibilité à tous lieux et établissements recevant du public. Nous nous montrons très ouverts à cette proposition, même si nous estimons qu’elle touche un point sensible en matière de respect des libertés publiques. En effet, la notion de « lieux et établissements recevant du public » reste très vaste.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Je souhaite apporter quelques précisions quant à la portée et au sens de cet amendement. À son sujet, ce matin, les commentaires de certaines radios n’étaient pas fidèles à l’esprit dans lequel nous le présentons.

Le problème que nous soulevons est l’existence d’un phénomène de mode à propos de la vidéosurveillance. Nous subissons tous la tentation d’utiliser le maximum d’outils technologiques performants. Seulement, un certain nombre de responsables se considèrent tranquillisés une fois qu’ils ont acquis un système de vidéosurveillance. Je le constate en tant que vice-président de la région Île-de-France chargé de la sécurité : certains proviseurs pensent que l’installation de caméras vidéo va régler leurs problèmes avec les élèves. De même, les commerçants s’estiment tranquilles une fois qu’ils ont mis en place une vidéosurveillance.

Or, souvent, il ne s’agit pas de bons systèmes et toute une série d’exemples montrent que des entreprises ont vendu des matériels totalement inopérants. Il existe donc bien un problème de qualité. On peut aussi se demander de quelle manière les informations recueillies vont être utilisées.

Nous ne voulons donc pas que la commission départementale se contente d’autoriser les installations. En effet, dans ce contexte de « mode de la vidéosurveillance », la commission départementale va devoir faire face à de multiples demandes, que la pression actuelle la conduira à ne pas refuser tant il est vrai que les demandeurs n’ayant pas obtenu l’autorisation imputeraient à la commission la responsabilité d’éventuels incidents.

Aussi convient-il de remplacer le mot « autorisation » par celui de « prescription ». La commission départementale, à partir d’une analyse sérieuse de la situation, pourra ainsi prendre ses responsabilités et décider des lieux qui nécessitent une vidéosurveillance.

La logique de notre amendement ne consiste donc pas à généraliser le système de vidéosurveillance mais, au contraire, à donner à la commission un rôle actif, un rôle de vigie.

Mme la présidente. Dans la forme, monsieur Dray, votre amendement gagnerait à être modifié. En effet, il fait référence à des lieux alors que l’article fait, pour sa part, référence à des personnes.

M. Julien Dray. Nous rectifions donc l’amendement afin d’écrire : « les exploitants des lieux et établissements ».

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 87, tel qu’il vient d’être rectifié.

(L’amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 109.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le soutenir.

M. Michel Hunault. Avec l’obligation de mettre en place des systèmes de vidéosurveillance dans les réseaux de transports collectifs se pose la question de leur financement. Or votre projet de loi, monsieur le ministre, est totalement silencieux sur cet aspect financier. Le but de cet amendement est donc de cerner au mieux les responsabilités de chacun des acteurs de la sécurité dans les transports. Il s’agit de faire en sorte que ne soient mentionnés à l’avant-dernier alinéa du I de l’article 2 que les « gestionnaires d’infrastructures et les autorités organisatrices de transports » et non pas les « opérateurs ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. J’attire l’attention de M. Hunault sur le fait qu’il n’existe pas partout des autorités organisatrices de transports. Je suis donc défavorable à l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 109.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 67.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Cet amendement se situe dans le droit fil de celui défendu par MM. Dray et Floch, puisqu’il considère qu’on ne peut pas se contenter d’un simple avis de la commission départementale et que cet avis doit être conforme pour que la commission puisse effectuer un contrôle effectif des décisions d’installation de systèmes de vidéosurveillance. Je pense que vous n’aurez pas de difficultés à accepter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. L’amendement a été repoussé par la commission. Je rappelle à M. Mamère que la commission départementale n’est pas pourvue d’une légitimité suffisante pour prendre la décision en dernier ressort. Elle n’a d’autre mission que d’aider le préfet dans sa décision. De plus, en cas de difficulté, la procédure reste sous le contrôle du juge administratif.

M. Noël Mamère. Cette commission départementale est donc encore une commission bidon !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Mamère, la décision de prescrire l’installation de caméras de vidéosurveillance incombe au représentant de l’État dans le département : c’est lui qui est chargé du respect de l’ordre public. Autant il est normal que la commission départementale donne son avis, autant il ne le serait pas que le préfet ne puisse s’en écarter s’il le juge opportun. C’est lui le responsable, c’est à lui de prendre sa décision sous le contrôle, certes, du juge administratif.

J’ajoute que, en 1995, lorsque le Conseil constitutionnel a examiné le régime de la vidéosurveillance, il n’a pas remis en cause le fait que l’avis donné aux préfets par la commission départementale n’avait pas le caractère d’un avis conforme.

Enfin, l’expérience de dix années de vidéosurveillance montre que, dans la quasi-totalité des cas, les préfets suivent l’avis rendu par la commission départementale.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 67.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 88.

La parole est à M. Julien Dray, pour le soutenir.

M. Julien Dray. Je pense que ce peut être un bon amendement de repli par rapport au précédent. Il vise à donner à la commission départementale le pouvoir de contrôler les dispositifs. Actuellement, elle donne son autorisation mais ne peut vérifier si les dispositifs sont opérationnels, efficaces, utiles. Il appartiendra ensuite au préfet de tenir compte ou non de l’avis de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Sur le fond, il est très acceptable, mais je vous rappelle, monsieur Dray, que ce que propose votre amendement est déjà prévu par l’article 2. Je vous renvoie par ailleurs au sixième alinéa du III de l’article 10. Mais si cela vous est agréable, on peut toujours accepter votre amendement…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement estime que l’amendement apporte une précision qui peut être utile. Il est donc favorable à l’amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 88.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 6 de la commission.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 7 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement rejoint la question abordée par l’amendement n° 4. Il vise à permettre à la commission départementale de donner un avis immédiat dans le cadre de la procédure d’urgence.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 8 de la commission, amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Même vote sur l’amendement rédactionnel n° 9 ?…

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente Je mets aux voix l’article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Avant l’article 3

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des amendements avant l’article 3.

Je suis saisie de deux amendements de M. Mariani, nos 137 et 136, pouvant être soumis à une discussion commune.

Vous avez la parole, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani. Ces deux amendements visent à inciter fortement les personnes, établissements et organismes concernés à fournir les renseignements demandés par la police dans des délais plus rapides. En effet, il est très fréquent que ces renseignements ne soient communiqués qu’avec plusieurs semaines, voire plusieurs mois de retard, notamment ceux concernant les propriétaires de lignes de téléphone portable.

Nous avons déjà tenté de remédier à cet état de fait. Ainsi, la loi Perben II du 9 mars 2004 prévoit une amende de 3750 euros lorsque, en l’absence de motifs légitimes, l’information n’a pas été fournie « dans les meilleurs délais ». Mes deux amendements ont pour objet de préciser cette notion assez vague. Ainsi l’amendement n°136 prévoit un délai de quinze jours et l’amendement n°137 un délai fixé par décret en Conseil d’État. Cela semble particulièrement nécessaire aujourd’hui et permettrait d’éviter de faire perdre du temps à la police.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Ces deux amendements ont été rejetés par la commission et je me demande, monsieur Mariani, s’ils ne seraient pas contre-productifs. En effet, dans la plupart des cas, la réponse est obtenue en quelques heures ; il est très rare que les quinze jours soient dépassés. Je crains donc qu’en mentionnant ce délai, vous n’incitiez les opérateurs à ne plus répondre dans l’heure, les deux heures ou même la journée, mais au bout de deux semaines.

C’est pourquoi je tiens à l’expression : « meilleurs délais », à laquelle vous auriez pu éventuellement ajouter : « et au plus dans les quinze jours », une telle disposition incitant l’opérateur à répondre aussitôt.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous sommes favorables au principe posé mais, comme le souligne M. le rapporteur, il faudrait modifier la rédaction. Aussi proposons-nous à M. Mariani de retravailler le texte de son amendement afin qu’il puisse être présenté sous une forme améliorée lors de l’examen du projet de loi par le Sénat.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. Thierry Mariani. Je retire mes amendements.

Mme la présidente. Les amendements nos 136 et 137 sont retirés.

Article 3

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 68 tendant à la suppression de l’article 3.

La parole est à M. Noël Mamère pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Nous demandons la suppression de l’article 3 parce qu’il élargit le champ d’application géographique des contrôles d’identité sans condition préalable. Si cet article était adopté, il serait possible de procéder à des contrôles d’identité à bord d’un train effectuant une liaison internationale, sur la portion du trajet comprise entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière. Sur décision préfectorale, cette distance peut même être portée à cinquante kilomètres.

Justifier une telle mesure par la lutte contre le terrorisme procède, là encore, d’une pure hypocrisie. On sait bien que les contrôles d’identité n’ont jamais eu de rôle notable dans ce domaine, comme le prouvent les attentats de Madrid et de Londres.

De telles dispositions répondent donc uniquement à la volonté du Gouvernement de faciliter et de multiplier les contrôles d’identité à l’encontre de tous les citoyens, alors que l’on peut déjà constater quotidiennement la faiblesse des garanties qu’offrent les critères d’ouverture de la procédure tels qu’ils sont définis au premier alinéa de l’article 78-2 du code de procédure pénale.

Au total, il ne s’agit de rien d’autre que de renforcer encore un peu plus, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, le contrôle exercé sur l’ensemble des citoyens. C’est donc une atteinte supplémentaire à nos libertés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. M. Mamère veut supprimer purement et simplement les contrôles d’identité dans les trains internationaux. C’est son droit.

M. Noël Mamère. C’est inexact : je demande que l’on en reste à l’existant !

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cela revient au même, mon cher collègue.

Rappelons que les contrôles d’identité sans condition dans la zone frontalière constituent la contrepartie normale et acceptée, fixée par la convention de Schengen, de la suppression des frontières. Le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi à l’époque, a validé cette disposition. L’article 3 vise à permettre de procéder effectivement à des contrôles à bord des trains internationaux, rien de plus.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Conseil constitutionnel a en effet approuvé, dans sa décision du 5 août 1993, les contrôles d’identité dans le cadre de Schengen. Aujourd’hui, il faut adapter les modalités de ces contrôles à la réalité de la circulation ferroviaire : on ne peut pas arrêter les trains, surtout s’ils sont rapides, dans la bande des vingt kilomètres ! L’organisation de contrôles dans la gare d’arrivée mobilise des dizaines de fonctionnaires et gêne les usagers. Il est bien plus simple d’opérer à bord des trains internationaux, dans les limites géographiques précises que fixe le projet, conformément à l’avis du Conseil d’État. Je rappelle à ce propos qu’un des terroristes de Londres a traversé notre pays en train pour se rendre en Italie.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 89.

La parole est à M. Julien Dray, pour le soutenir.

M. Julien Dray. Cet amendement nous donne peut-être une nouvelle occasion de faire la synthèse du débat que nous avons eu. Il ne s’agit pas de remettre en cause la procédure des contrôles d’identité telle qu’elle a été validée par le Conseil constitutionnel, mais de bien déterminer le sens de ces contrôles en spécifiant qu’ils s’effectuent dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Une telle précision permettra de distinguer les cas où les officiers de police judiciaire en font une utilisation abusive.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable. Je rappelle que la convention de Schengen autorise des contrôles sans condition. Vous voulez limiter les contrôles d’identité à bord des trains à la lutte contre le terrorisme, monsieur Dray, mais vous oubliez l’existence des contrôles d’identité ciblés pour la préservation de l’ordre public.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis que la commission. Comme M. le rapporteur l’a démontré, l’adoption de cet amendement ruinerait l’efficacité du dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Il est faux de dire que cela ruinerait le dispositif. Nous parlons en effet de procédures continues. Si, dans le cadre d’une procédure de lutte contre le terrorisme, un contrôle d’identité permet d’indentifier un individu suspecté, nous sommes dans la continuité du dispositif. Mon amendement vise à apporter une garantie démocratique : les officiers de police judiciaire sauront que l’on pourra vérifier que les contrôles auxquels ils auront procédé ont bien été réalisés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il ne s’agit pas de les empêcher de faire leur travail, mais de leur spécifier le sens des contrôles afin d’éviter que le dispositif ne permette de faire n’importe quoi au nom de je ne sais quoi !

Loin de paralyser le dispositif, la garantie que je propose constitue un rappel : les policiers sauront, je le répète, que l’on pourra leur demander si les contrôles d’identité ont bien été effectués dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

M. Noël Mamère et M. Michel Vaxès. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le cadre est bien celui des contrôles sans condition qui s’effectuent dans l’espace Schengen.

M. Julien Dray. L’élargissement prévu à l’article 3 n’est pas sans condition ! Sinon, ce ne serait pas un texte de lutte antiterroriste !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. La force de cette mesure tient précisément à ce qu’elle reste dans l’esprit et dans le cadre de Schengen. N’affaiblissons pas un dispositif qui existe déjà de toute façon.

M. Julien Dray. Non ! Ce n’est plus Schengen !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais si !

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je souscris entièrement aux explications de M. Dray. Vous allez au-delà de Schengen, monsieur le ministre. Ce texte que vous nous soumettez en urgence et que l’on peut qualifier de loi d’exception déroge bien entendu au droit commun, y compris à celui qui découle de Schengen. C’est bien pourquoi nous demandons des garanties : nous savons que vous ouvrez la porte à des contrôles intempestifs nombreux, susceptibles de porter atteinte à nos libertés. Ce texte comporte suffisamment d’atteintes aux libertés fondamentales, et notamment à la liberté d’aller et venir, pour que l’on n’en rajoute pas !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 89.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 10 de la commission.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié par l’amendement n° 10.

(L’article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, inscrit sur l’article 4.

M. Noël Mamère. Cet article est important puisqu’il concerne le contrôle des communications téléphoniques et électroniques. Selon vous, monsieur le ministre, les nouvelles opportunités de correspondre qu’offrent les plus récents des moyens de communication justifieraient une surveillance particulière. Certes, seules les données relatives à des correspondances nominatives seraient concernées, à l’exclusion des données techniques créées à l’occasion de l’utilisation de services sur internet ne nécessitant aucune identification nominative, mais cela ne figure pas dans la lettre du texte : nous ne disposons que des garanties données par le M. le ministre de l’intérieur à la CNIL, laquelle s’est d’ailleurs exprimée très précisément sur ce sujet.

Selon nous, ces garanties sont évidemment insuffisantes au regard des libertés en cause, même si le contenu des communications, il faut le reconnaître, est expressément protégé. Le sort réservé aux communications par voie électronique est d’ores et déjà beaucoup plus sévère que celui qui est fait aux autres modes de communication, particulièrement au courrier par voie postale. Alors qu’il ne laisse, de fait, aucune trace facile à appréhender, le courrier traditionnel est intégralement protégé, qu’il s’agisse de son contenu ou de l’identification des correspondants. Le régime des communications par internet est plus sévère alors même que celles-ci laissent inéluctablement des traces. Ce n’est donc pas la spécificité technique de ce mode de communication qui rend nécessaires des précautions particulières. Bien au contraire, la traçabilité de ces correspondances n’en est que plus facile !

Ceci étant précisé, on appréciera plus justement le caractère exceptionnel du régime de contrôle proposé. A minima, il faudrait prendre en compte les recommandations de la CNIL, en ce qui concerne notamment la clarification des types de personnes morales offrant un accès à internet via un réseau que l’on assimile aux hébergeurs, ou encore la communication des demandes d’accès non seulement à la commission des interceptions de sécurité – ce que M. le ministre de l’intérieur nous a confirmé –, mais encore à la CNIL, qui une fois de plus est mise à l’écart.

Le contrôleur européen des données, dans son avis du 26 septembre 2005 sur le projet de directive de la Commission européenne relatif à la rétention des données, souligne que les dispositions concernant les conditions d’accès aux données retenues sont de la compétence exclusive des États. Les dispositions de l’article 4 sont donc d’une particulière importance, sachant que, de son côté, le Conseil de l’Europe a pour projet de porter à trois ans la durée de rétention de certaines données de trafic.

Les mesures permettant l’accès direct, en dehors de tout contrôle judiciaire, aux données retenues par les opérateurs sont au fond de même nature que celles qui autorisent les interceptions téléphoniques administratives. Prévoir un dispositif d’autorisation et de contrôle distinct constitue une source de complexité injustifiée, réduisant encore l’effectivité des garanties, déjà toutes relatives, qu’offre le texte. Il conviendrait au moins d’aligner ces deux régimes et de prévoir, pour ce qui concerne l’accès aux données de trafic, un contingentement en nombre, à l’instar de ce qui se pratique en matière d’écoutes.

Tels sont les commentaires techniques que nous souhaitions formuler sur l’article 4.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Les articles 4 et 5 ont tous deux trait aux communications électroniques. Le premier élargit la définition de la notion d’opérateur de communications électroniques, afin d’y faire entrer toute personne qui propose un accès internet au public. Sont désormais visés les lieux offrant des connexions « wifi », ou encore les cybercafés. A fortiori, seront rangés sous cette nouvelle définition les universités, les bibliothèques, les aéroports, les gares, les mairies, les hôtels… Notre rapporteur précise que ne sont visées en fait que les personnes qui offrent une connexion dans le cadre d’une activité professionnelle, mais il convient qu’il s’agit là d’une notion difficile à cerner.

En tout état de cause, tous ces nouveaux opérateurs seront tenus de conserver certaines données techniques de connexion, comme le prévoit l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques. Il nous semble donc indispensable que cet article vise explicitement les personnes qui devront se soumettre à cette obligation. Celles-ci seront tenues de conserver des informations techniques issues de l’utilisation quotidienne faite par chacun du téléphone et d’internet : ce n’est tout de même pas rien que cette masse considérable de données !

L’article 5 a pour objet de permettre une exploitation rapide des données techniques générées par les communications électroniques. Il autorise les services de police spécialisés dans la lutte contre le terrorisme à se faire communiquer ces données dans un cadre juridique administratif, donc hors de tout cadre judiciaire. Les services de police et de gendarmerie pourront ainsi avoir accès, à tout moment et sans contrôle du juge, à l’ensemble des informations liées à l’utilisation du téléphone et d’internet depuis un an : qui appelle qui ? où ? quand ? combien de temps ? Comme le relève le Syndicat de la magistrature, ces mesures sont de même nature que celles qui autorisent les interceptions téléphoniques administratives. Il est donc incongru que le dispositif d’autorisation et de contrôle soit distinct. C’est en tout cas une source de complexité injustifiée, qui affaiblit l’effectivité des garanties, déjà toutes relatives, offertes par le texte.

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen des amendements à l’article 4.

Je suis saisie d’un amendement n° 69 de M. Mamère.

M. Noël Mamère. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement aurait certes pu être rédigé différemment, mais il soulève une vraie question : la notion d’« activité professionnelle » peut en effet être considérée comme floue. Allons-nous laisser au juge le soin d’en définir les contours ? Demandons d’abord à M. le ministre ce qu’il entend par là.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je serai très clair : nous visons d’abord les cybercafés, c’est-à-dire les personnes qui, au titre d’une activité professionnelle principale, offrent au public une connexion au réseau internet. Ce sont eux que nous voulons soumettre au même régime que les opérateurs classiques : obligation de conservation de données techniques de connexion – numéros de terminaux, dates, horaires et durées des communications –, indépendamment des données de contenu, comme le contenu d’un message électronique.

Je rappelle que dans l’affaire Reid, ce terroriste dont la chaussure était remplie d’explosifs, il a été prouvé que l’individu utilisait des cybercafés et une borne de connexion de l’aéroport de Roissy.

Les mairies, les universités, les bibliothèques ne sont pas concernées en principe, car leur activité ne consiste pas principalement à proposer des connexions internet au public. Néanmoins, si l’on nous signalait que telle université ou telle bibliothèque devenait une sorte de cybercafé déguisé, alors elle pourrait entrer dans le champ des personnes soumises à cette obligation de conservation de données au titre de leur activité accessoire. Il faut se ménager cette possibilité, car nous avons l’exemple de Mohammed Atta, le chef des commandos kamikazes du 11 septembre 2001, qui avait entretenu une partie de son réseau à partir des postes internet que l’université de Hambourg mettait à disposition de ses étudiants.

La définition proposée par le projet du Gouvernement n’appelle donc pas de précision par décret.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. J’entends la réponse du ministre s’agissant des universités, des bibliothèques et des mairies, mais je ne comprends pas pourquoi la loi n’établit pas une liste précise des personnes qui doivent conserver les données techniques relatives à l’utilisation de l’internet.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Il faut en effet lever une ambiguïté. J’ai bien entendu les précisions données par le ministre sur les diffuseurs d’informations susceptibles d’entrer dans le cadre de la loi. Si les bibliothèques, les universités ou les hôtels de ville sont exclus de l’obligation de communiquer les données, il ne faudrait pas leur reprocher, en cas de problème, de ne pas avoir gardé trace des éléments susceptibles d’être utiles à une enquête. L’imprécision du texte ne permet pas de lever cette ambiguïté, même si l’intervention du ministre peut constituer une garantie que les juges ne prononceront pas de sanction contre ces structures.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Bien évidemment, il appartiendra au juge d’apprécier, sur la base des précisions détaillées que je viens d’apporter, si le champ d’investigation doit être étendu.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 11.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission des lois a adopté cet amendement en réaction à une certaine inertie du pouvoir réglementaire. En effet, voilà plus de quatre ans, le 15 novembre 2001, la majorité de l’époque a voté la loi sur la sécurité quotidienne, qui permettait de déroger au principe de l’effacement des données de connexion de téléphonie et d’internet par les opérateurs pour les besoins des enquêtes pénales. Les dispositions anti-terroristes de la loi avaient été adoptées selon une procédure d’urgence absolue, puisque présentées au Parlement en nouvelle lecture, tant il importait de légiférer rapidement. Pourtant, le décret d’application n’a toujours pas été pris, et je sais que le ministère de l’intérieur n’est pas en cause.

Si les opérateurs conservent actuellement leurs données et les mettent à disposition de la justice, c’est sur la base du volontariat. Nous sommes donc à la merci de celui qui refusera un jour de s’y prêter. Certes, les opérateurs ont également besoin de conserver ces données techniques pour des motifs commerciaux – envoi des factures, contestations. Mais tel n’est pas le cas des cybercafés, que nous nous apprêtons à faire entrer dans le champ de l’article L. 34-1 du code des postes et télécommunications et qui n’ont manifestement aucune envie de conserver des données de connexion de leurs clients, pour des raisons des surstockage ou de surcoûts. L’amendement de la commission indique clairement que la conservation des données est une obligation pour les opérateurs, car tant que le décret attendu depuis quatre ans ne sera pas sorti, l’article 4 que nous nous apprêtons à voter sera finalement virtuel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je remercie le rapporteur de son appréciation concernant la responsabilité du ministre de l’intérieur qui, vous le savez, s’est mobilisé pour qu’on accélère le mouvement. Le travail interministériel a ses contraintes mais je peux vous assurer que le décret sera soumis au Conseil d’État dans les prochains jours, pour être publié au plus tard en janvier. Des instructions très fermes ont été données en ce sens et seront appliquées par l’administration sans qu’il soit nécessaire de modifier l’article L. 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 11.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 12.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de codification, comme d’ailleurs le suivant, n° 13. Ils ont pour objet de codifier les dispositions de l’article 5 au sein du code des postes et télécommunications électroniques et de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, ces deux textes précisant l’ensemble des obligations à la charge des opérateurs de communications électroniques et des hébergeurs de sites internet. L’article 5 crée une nouvelle obligation à la charge de ceux-ci, aussi est-il préférable de la codifier dans les textes qui concernent ces catégories d’opérateurs, dans un souci d’accessibilité et d’intelligibilité.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement n° 12 ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 14 de la commission est rédactionnel et le Gouvernement y est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 70.

M. Noël Mamère. Il est défendu.

Mme la présidente. Avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 110.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le soutenir.

M. Michel Hunault. Monsieur le ministre d’État, cet amendement vise à donner au juge des libertés et de la détention le pouvoir de décision et de contrôle s’agissant des demandes de transmission des données techniques des communications électroniques par les agents habilités. La communication des données serait soumise à l’autorisation du juge et leur utilisation se ferait sous son contrôle.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable. Je comprends l’idée de M. Hunault, mais je dois lui rappeler que jusqu’à l’article 8, le projet de loi met en place un système de police administrative préventive. Vous voulez donc faire intervenir le juge – et pourquoi pas le procureur ! –dans un cadre non judiciaire. Les juges des libertés et de la détention ont déjà beaucoup de travail pour un effectif insuffisant, n’en rajoutez pas ! Vous commettez une confusion de deux systèmes qui, dans un régime démocratique, doivent rester imperméables.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 111 rectifié, 15 et 92, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Hunault, pour soutenir l’amendement n° 111 rectifié.

M. Michel Hunault. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 15.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement tend à faire nommer la personnalité qualifiée pour recevoir les demandes des agents par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, plutôt que par le ministre de l’intérieur. C’est un gage d’impartialité, que d’ailleurs M. le ministre avait inscrit dans une première rédaction. Je lui propose donc d’y revenir, tout en lui faisant suffisamment confiance quant à l’impartialité du choix qu’il aurait fait de la personnalité qualifiée.

M. Pierre Lellouche. Vous avez bien raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Floch, pour soutenir l’amendement n° 92.

M. Jacques Floch. Par souci d’impartialité, en effet, il convient que la personnalité qualifiée soit nommée sur avis conforme de la CNIL.

M. Noël Mamère. Exact !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 111 rectifié et 92 ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. L’amendement n° 92 a été repoussé par la commission. Il n’entre pas dans les missions de la CNIL de donner son avis pour ce type de nomination. La CNCIS serait plus compétente. Avis défavorable également sur l’amendement n° 111 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 111 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 92 tombe.

Je suis saisie d'un amendement n° 90.

M. Jacques Floch. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable, pour la même raison que précédemment.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 16 et 91, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 16 fait l’objet d’un sous-amendement n° 131.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 16.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Je retire cet amendement au profit du n° 126, que la commission a adopté au cours de sa réunion au titre de l’article 88 et qui répond beaucoup mieux à son souci d’améliorer le contrôle de la CNCIS.

Mme la présidente. L'amendement n° 16 est retiré et le sous-amendement n° 131 n’a plus d’objet.

La parole est à M. Jacques Floch, pour soutenir l’amendement n° 91.

M. Jacques Floch. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous en venons à plusieurs amendements de la commission.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir d’abord l’amendement n° 17.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 13.

M. Alain Marsaud, rapporteur. C’est l’amendement de codification que j’ai annoncé tout à l’heure.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour défendre l’amendement n° 18.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Il nous fallait résoudre une difficulté pratique dans l’application de la loi de 1991, que la CNCIS elle-même nous avait signalée. L’amendement n° 18 y pourvoit.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n° 19.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Les contrôles dont il est question à l’article 5 sont effectués aujourd’hui bien que la loi ne l’ait pas prévu. Au moment où la loi va donner une compétence supplémentaire à la CNCIS, qui concerne directement les opérateurs de communications électroniques, il serait bon de légaliser lesdits contrôles.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je comprends bien la position du rapporteur, mais il s’agit là d’une très importante modification de la loi de 1991. Nous n’y sommes pas hostiles mais il serait préférable de l’insérer dans un cadre plus global. C’est la raison pour laquelle j’invite M. Marsaud à retirer son amendement. Et je m’engage à étudier avec lui les conditions d’une modification de cette loi dont je conviens qu’elle a vieilli.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 19 est retiré.

Nous passons à l’amendement n° 126, monsieur le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement tient compte du rôle confié à la CNCIS en matière de contrôle des opérations de communication. Plutôt que de rendre publiques ses recommandations, ce qui peut être dangereux s’agissant d’affaires individuelles qui intéressent la sécurité nationale, il vaut mieux prévoir que la CNCIS fasse le bilan, dans son rapport annuel, des suites données à ses recommandations, comme elle le fait en matière d’interceptions téléphoniques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 126.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 71 de M. Mamère.

M. Noël Mamère. Défendu !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 71.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 20.

La parole est à M. le rapporteur pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Autre amendement de codification.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 21, également de la commission.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Celui-ci est rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 6.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. À l’article 6, qui concerne les déplacements internationaux hors Union européenne, une confusion est savamment entretenue.

Il s’agit d’autoriser le ministère de l’intérieur à mettre en œuvre un traitement automatique des données personnelles, qui devront être transmises par les transporteurs, concernant les voyageurs en provenance ou à destination de pays n’appartenant pas à l’Union européenne. Ces mesures sont présentées comme nécessaires à la transposition de la directive européenne 2004/82/CE du 29 avril 2004.

Les finalités invoquées et le régime retenu sont toutefois sensiblement différents.

Alors que la directive ne concerne que le trafic aérien, le projet de loi s’applique plus largement à tous les modes de transport : aérien, ferroviaire ou maritime.

La directive vise à faciliter le contrôle de l’immigration. Le régime du traitement des données répond à cette finalité : transmission aux autorités compétentes pour effectuer les contrôles aux frontières extérieures de l’union, durée de conservation limitée à 24 heures – c’est l’article 6 de la directive. Au contraire, comme l’a relevé la CNIL, le projet de loi ne donne aucune précision sur la destination des données transmises, alors que cette transmission est, en outre, rendue possible pour des finalités étrangères à celles de la directive transposée, c’est-à-dire pour la lutte contre le terrorisme. Il n’est pas indiqué si un fichier unique serait constitué, ni quelles seraient les conditions de son fonctionnement. Il est juste précisé que l’interconnexion sera possible avec le fichier des personnes recherchées.

Autant dire qu’en l’état, il n’existe aucune garantie suffisante. Alors même qu’il est gravement porté atteinte à la liberté fondamentale d’aller et de venir, il est tout à fait impossible d’opérer un contrôle de la proportionnalité des atteintes portées à cette liberté au regard des finalités poursuivies. Si nous voulons protéger nos libertés et éviter toute confusion et tout amalgame, nous avons donc tout intérêt à supprimer l’article 6.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. L’article 6 est relatif au contrôle des déplacements internationaux hors Union européenne. Il autorise le ministre de l’intérieur à procéder à la mise en œuvre de traitements automatisés de données à caractère personnel, recueillies à l’occasion de déplacements internationaux en provenance ou à destination d’États n’appartenant pas à l’Union.

Selon son exposé des motifs, cet article permet la transposition, dans notre droit interne français, d’une directive du Conseil du 29 avril 2004, laquelle oblige les transporteurs aériens à communiquer les données relatives aux passagers, dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine. Elle n’a donc nullement trait à la lutte contre le terrorisme.

Pourront être collectées les données figurant sur les cartes d’embarquement et de débarquement, les données collectées à partir de la bande de lecture optique des documents de voyage ainsi que celles enregistrées dans les systèmes de réservation et de contrôle des transporteurs aériens, mais aussi maritimes ou ferroviaires. Avec cet article est ainsi permise la surveillance automatique des déplacements des personnes, ce qui constitue, en soi, une atteinte à la liberté d’aller et de venir et un risque pour le respect de la vie privée. En outre, l’identité des personnes pourra être contrôlée à leur insu.

Nous regrettons qu’une fois de plus les recommandations de la CNIL n’aient pas été suivies. Celle-ci estime en effet que le projet de loi devrait préciser s’il s’agit ou non d’un fichier central de contrôle des déplacements, qu’il devrait limiter l’accès aux données dans le cadre de voyages vers des destinations précises, que les modalités de transmission de ces données par les transporteurs devraient être indiquées ainsi que les catégories de données concernées, leur durée de conservation et, enfin, que devraient être définies les modalités d’information des personnes.

Autant de réserves qui ne font qu’augmenter nos craintes quant aux atteintes à la liberté de nos concitoyens. Les Français, en application de cet article, et d’ailleurs de l’ensemble du projet de loi, vont se trouver placés sous surveillance accrue. Ce texte transforme chacun d’entre eux en un coupable potentiel. On assiste, là encore, à un renversement de la charge de la preuve : pour prouver son innocence, chaque citoyen doit accepter de vivre sous surveillance dans la presque totalité des actes de sa vie quotidienne.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 93 tendant à supprimer l’article 6.

La parole est à M. Jacques Floch pour le soutenir.

M. Jacques Floch. J’abonderai dans le sens de mes collègues : l’article 6 commet un amalgame malheureux.

En tant que membre de la délégation pour l’Union européenne, je souhaite que la France montre l’exemple en matière de transposition. Aussi peut-il paraître paradoxal que je demande en l’occurrence qu’une directive ne soit pas introduite dans notre droit.

M. Xavier de Roux. C’est bizarre, en effet !

M. Jacques Floch. Je peux être en contradiction avec certains de mes propos passés, mais je ne le suis pas avec ce que je ne cesse de défendre, à l’occasion de l’examen de ce texte, à savoir que nous ne traitons que de la lutte contre le terrorisme, pas d’autre chose, en particulier pas de la lutte contre l’immigration clandestine.

M. Xavier de Roux. Mais vous êtes bien d’accord avec les mesures prises pour lutter contre elle ?

M. Jacques Floch. J’admets qu’il faut lutter contre l’immigration clandestine mais je ne veux pas qu’on fasse d’amalgame entre celle-ci et le terrorisme. Certes, il y a délit, et même crime en cas de trafic de personnes, mais les immigrants clandestins ne sont pas coupables, ce sont ceux qui organisent ce trafic qui le sont.

Voilà pourquoi je souhaite vivement que notre assemblée supprime cet article qui donne une mauvaise image de la France.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Avis défavorable.

Il est exact, monsieur Floch, que la directive est destinée à la lutte contre l’immigration clandestine. Mais il est bien précisé qu’elle s’applique aussi à tout autre but de contrôle. Du reste, les étrangers ne seront pas les seuls à être contrôlés, les Français le seront aussi.

L’article relatif aux fichiers de passagers procède donc à la transposition de cette directive, transposition obligatoire qui devait, en tout état de cause, être opérée avant septembre 2006. Pour une fois, nous ne sommes pas en retard ! Nous ne sommes pas non plus, d’ailleurs, très en avance.

Cette disposition est indispensable à la lutte contre le terrorisme car vous savez bien que nous sommes en présence d’un système d’exportation de djihadistes français – ce n’est pas une légende. Et qui dit exportation dit éventuelle réimportation.

Voilà donc une directive très importante, dont l’utilisation pourrait se révéler très efficace.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je vais prendre un peu de temps pour répondre sur ce sujet un peu complexe. Je suis d’autant plus sensible aux différentes interventions que j’ai moi-même longuement hésité avant d’introduire, dans cette loi relative à la lutte contre le terrorisme, des dispositions concernant la lutte contre l’immigration irrégulière.

Sachez, mesdames et messieurs les députés, que je n’ai nullement l’intention de faire un amalgame entre la lutte contre l’immigration irrégulière et la lutte contre le terrorisme. Il n’en demeure pas moins que si la directive du Conseil du 29 avril 2004 concernant l’obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers a comme première finalité la lutte contre l’immigration irrégulière, elle permet également aux États membres de faire usage des données transmises par les transporteurs à d’autres fins : « pour répondre aux besoins des services répressifs ».

Par conséquent, que l’on puisse utiliser la directive à la fois pour la répression et pour la lutte contre l’immigration irrégulière, c’est écrit expressis verbis dans la directive.

M. Xavier de Roux. C’est clair !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’est en toute bonne foi que je vous explique ce que j’ai fait. Je le répète, la directive prévoit elle-même le mélange des genres entre le répressif et la lutte contre l’immigration irrégulière – c’est inscrit, très précisément, en son article 6.

Par ailleurs, dans un de ses considérants, cette directive fait expressément référence à la déclaration du Conseil européen des 25 et 26 mars 2004 sur la lutte contre le terrorisme.

Ce projet de loi constitue donc le vecteur législatif de la transposition de la directive au titre de cette double finalité. Du reste, comme l’a dit M. Marsaud, elle doit être transposée au plus tard le 5 septembre 2006.

En outre, il ne faut pas oublier, du point de vue opérationnel et technique, que ce sont les mêmes données, relatives aux mêmes voyageurs, dont le recueil est prévu dans le traitement automatisé aux fins tant de la lutte contre le terrorisme que de la lutte contre l’immigration irrégulière. On ne peut donc parler, en l’occurrence, d’amalgame.

Les transporteurs ne sauraient, par ailleurs, être contraints de procéder à une double communication, l’une au titre de la lutte contre le terrorisme, l’autre au titre de la lutte contre l’immigration irrégulière, alors que ce sont les mêmes données, relatives aux mêmes voyageurs, dont le recueil est prévu.

Concrètement, il s’agit donc d’une seule et même application, accessible, quelle qu’en soit la finalité, aux services chargés de la lutte contre l’immigration irrégulière et à ceux chargés de la lutte contre le terrorisme, le contrôle aux frontières participant, chacun en conviendra, de ces deux objectifs.

Ainsi, si cette directive, s’agissant de son aspect de lutte contre l’immigration irrégulière, devait être transposée par un autre vecteur législatif que la présente loi, c’est l’ensemble de la mise en œuvre du dispositif qui serait retardé.

J’ai voulu vous répondre longuement pour qu’il soit bien clair pour vous que nous ne voulons pas d’amalgame et que, si mélange des genres il y a, il se trouve dans la directive, pas dans le projet de loi que je présente.

M. Xavier de Roux. Absolument !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je comprends que l’on puisse s’inquiéter d’un éventuel amalgame. Mais je pense avoir répondu quant au reproche que l’on en fait au projet.

Dès lors que nous sommes d’accord pour transposer la directive, mieux vaut la transposer dans ce texte. Il est en effet inutile d’attendre six mois pour le faire à l’occasion d’un autre projet de loi, car le problème sera le même.

À l’inverse, à supposer que je dispose d’un véhicule législatif sur l’immigration irrégulière et que je propose d’y transposer la directive, vous seriez aussi fondés à me reprocher le mélange des genres puisque la directive évoque également la lutte contre le terrorisme. La directive traitant de ces deux questions, il faut bien choisir un texte pour la transposer. Nous avions le choix entre un texte sur l’immigration et un texte sur le terrorisme. Après réflexion, j’ai choisi celui sur le terrorisme parce qu’il est examiné en premier.

M. Xavier de Roux et M. Jean-Paul Garraud. C’est clair !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce n’est pas une manœuvre tactique et je n’y mets aucune malice. J’ai seulement voulu prendre le temps de vous répondre afin de vous convaincre. Quels que soient le gouvernement et son ministre de l’intérieur, le mélange des genres prévu par la directive devra de toute manière être transposé à un moment ou à un autre.

La France est régulièrement condamnée pour ne pas avoir transposé les directives assez vite. Alors, ne me reprochez pas de le faire trop tôt ! Et si cela peut rassurer le groupe socialiste, je dis bien volontiers, parce que je le pense, qu’immigration irrégulière et terrorisme sont deux choses différentes – et mes propos seront consignés. Mais je ne vais pas m’excuser d’assurer la transposition d’une directive qui mélange les genres, car qui s’excuse s’accuse…

J’espère que ces explications vous ont convaincus qu’il n’y a pas d’intention maligne de la part du Gouvernement et que vous consentirez à retirer votre amendement.

Mme la présidente. Le retirez-vous, monsieur Floch ?

M. Jacques Floch. Je le maintiens.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 93.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 72, le dernier que nous examinerons ce matin.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Je veux donner l’occasion à M. le ministre de l’intérieur de mettre en adéquation ce qu’il vient de dire avec le texte de son projet de loi. Notre amendement vise à préciser qu’il n’y a pas d’amalgame entre lutte contre le terrorisme et lutte contre l’immigration clandestine. Puisque vous nous avez confirmé que vous ne voulez pas faire l’amalgame et que vous ne voulez pas utiliser la directive européenne à d’autres fins, il conviendrait de préciser que nous sommes dans le cadre d’une loi d’exception qui vise à lutter contre le terrorisme et que la directive européenne a trait à un autre sujet. Je vous donne l’occasion, monsieur le ministre, de bien fixer les règles puisque, pour reprendre votre expression, il vaut mieux, expressis verbis, que cela figure dans la loi.

M. Xavier de Roux. Il n’a rien compris !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable, pour les motifs que vient d’évoquer M. le ministre.

Cet amendement vise à supprimer la transposition des données relatives aux passagers pour la lutte contre l’immigration clandestine, alors que ce point fait partie intégrante de la directive que nous devons transposer. Nous n’y pouvons rien ! Le décret prévoira les modalités pratiques dans le cadre fixé par la directive, par exemple, un maximum de vingt-quatre heures pour la conservation des données en matière de lutte contre l’immigration clandestine.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Je donne acte au Gouvernement qu’il n’a pas de volonté d’amalgame et que l’origine du problème ne réside pas dans sa politique mais dans la directive.

Nous savions que ce dispositif n’aurait que des inconvénients, mais nous avons le sentiment qu’il eût été préférable de transposer cette directive dans le texte relatif à la lutte contre l’immigration irrégulière.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 72.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales :

Rapport, n° 2664, de M. Gérard Léonard ;

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2615, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers :

Rapport, n° 2681, de M. Alain Marsaud, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures vingt.)