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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 29 novembre 2005

82e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

violences conjugales

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Les violences envers les femmes sont aujourd’hui un véritable fléau social. De tels comportements sont inacceptables et on ne peut supporter de les voir se banaliser. Grâce à la mobilisation, depuis plusieurs années, d’organisations, d’acteurs sociaux et d’associations féministes concernés par ce fléau, une journée internationale a certes été instaurée le 25 novembre. Mais des milliers de femmes sont toujours victimes de toutes sortes de violences commises dans l’espace public ou privé, à la suite desquelles elles restent invalides ou traumatisées, voire décèdent.

Vous n’avez cependant pas trouvé la situation assez urgente pour inscrire rapidement à l’ordre du jour la proposition de loi adoptée au Sénat le 25 mars, très insuffisante il est vrai. Plus scandaleux encore, ce texte nous revient finalement par le biais de la « niche » de l’UMP, majorité oblige. Vous auriez été mieux inspiré d’accepter la proposition de loi communiste et socialiste telle qu’elle avait été rédigée, sans supprimer des dispositions essentielles telles que la formation de tous les acteurs qui luttent pour améliorer l’accueil, la protection et le suivi de ces femmes, la prise en charge thérapeutique des conjoints violents et les moyens donnés aux victimes pour faire face aux séquelles sociales, médicales et psychologiques engendrées par ces violences.

Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à organiser en ces lieux, comme en Espagne, la discussion de la loi-cadre demandée par des centaines d’associations – auxquelles se joint le groupe communiste et républicain – et qui permettra d’agir contre toutes les formes de domination et de discrimination dont sont victimes les femmes de ce pays ? C’est une question de justice, d’égalité et de dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la députée, la semaine dernière, nous avons rendu publics les résultats d’une enquête réalisée avec les services du ministère de l’intérieur, et plus particulièrement le commandant Chapalain, qui a permis de mettre en avant le phénomène suivant : dans notre pays, une femme meurt tous les quatre jours des suites de violences conjugales. Par ailleurs, ces drames, dans 31 % des cas, se produisent au moment de la séparation. C’est dire si ce phénomène extrêmement grave nécessite des réponses. Celles-ci sont de trois ordres.

Premièrement, il faut accompagner les femmes victimes de violences, ce qui implique des offres d’hébergement et un suivi non seulement médical, mais surtout psychologique, parce que ces femmes sont à la fois cassées physiquement et brisées moralement.

Deuxièmement, les auteurs de ces violences doivent savoir que l’on ne frappe pas impunément. Nous souhaitons donc étendre la notion de circonstances aggravantes aux ex-conjoints et ex-concubins. Il faut pouvoir punir. Mais il faut aussi prévenir, et donc rendre les soins obligatoires.

Troisièmement, il faut en parler. Ce phénomène a été trop longtemps couvert par la loi du silence. Si nous voulons éradiquer ce fléau, il faut en parler et permettre à celles qui en sont victimes de s’exprimer.

Les textes doivent nous permettre de réagir. C’est la raison pour laquelle nous discuterons le 13 décembre de cette proposition de loi, qui comprend des dispositions extrêmement importantes, aussi bien en ce qui concerne l’âge nubile que les circonstances aggravantes. Il ne faut pas se contenter de dénoncer, mais aussi agir : c’est tout le sens de l’engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

maîtrise de l’immigration

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Houillon. Monsieur le Premier ministre, afin que la France puisse demeurer une véritable terre d’accueil, le Gouvernement a mis en place une nouvelle politique de maîtrise de l’immigration : ouverte et généreuse pour ceux que nous souhaitons accueillir ; intransigeante et ferme face aux clandestins.

Les lois que nous avons votées ici ont donné au Gouvernement, et particulièrement au ministre de l’intérieur, les moyens de lutter efficacement contre l’immigration clandestine. Parallèlement, le Gouvernement a impulsé des coopérations tant avec des pays sources qu’avec nos partenaires européens pour endiguer ce phénomène. Ce matin, vous avez présidé le comité interministériel de contrôle de l’immigration,…

M. Didier Migaud. Allô !

M. Philippe Houillon. …au cours duquel vous avez présenté les axes de la politique d’immigration, que vous comptez renforcer dans les mois à venir. Pouvez-vous nous faire part de vos intentions en matière de maîtrise de l’immigration en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, notre politique en matière d’immigration doit être globale, et notre immigration doit être choisie. C’est la condition de son efficacité.

Il faut d’abord, bien sûr, renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière. C’est tout le sens de l’action que nous avons menée depuis 2002, c’est le sens des efforts déployés par Nicolas Sarkozy (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),

Mme Nadine Morano. Très bien !

M. le Premier ministre. …et nous obtenons des résultats substantiels.

Mais nous devons aussi être plus exigeants en matière d’immigration régulière, afin de garantir une bonne intégration des étrangers dans notre pays.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le Premier ministre. Depuis trois ans, nous avons réussi à changer la donne. Le nombre de reconduites aux frontières d’étrangers en situation irrégulière a plus que doublé. Nous dépasserons cette année l’objectif des 20 000 reconduites. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons considérablement réduit la durée des procédures de demande d’asile. Nous avons mis en place de nouveaux moyens de contrôle : je pense en particulier au contrôle des attestations d’accueil par les maires, ou encore aux visas biométriques.

Nous avons pris ce matin, lors de la réunion du comité interministériel de contrôle de l’immigration, de nouvelles décisions. Les mariages célébrés à l’étranger seront désormais mieux contrôlés par les consulats.

M. Jean Leonetti. Très bien !

M. le Premier ministre. La transcription des actes ne sera plus automatique et n’ouvrira plus nécessairement le droit à un titre de séjour. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Vous enfoncez des portes ouvertes !

M. le Premier ministre. Les étudiants étrangers qui veulent faire une partie de leurs études dans notre pays devront désormais passer par le Centre des études en France, qui vérifiera dans le pays d’origine le sérieux et la réalité des projets d’étude.

M. Bernard Roman. Comment ? Par quels moyens ?

M. le Premier ministre. Enfin, nous raccourcirons les délais de traitement des procédures d’asile pour atteindre une durée maximale de six mois en incluant la procédure de recours devant la Commission de recours des réfugiés.

Nous devons par ailleurs améliorer ou renforcer certaines procédures afin de garantir la bonne intégration des étrangers qui ont choisi de s’installer dans notre pays. Cela suppose tout d’abord de mieux lutter contre les mariages blancs ou les mariages de complaisance. J’ai demandé à Pascal Clément de nous faire un bilan des mesures mises en place depuis 2003. Cela suppose aussi de définir des règles plus exigeantes en matière de regroupement familial, notamment grâce à l’allongement de la durée de séjour minimal, qui pourrait passer de une à deux années. Nicolas Sarkozy nous fera, lors du prochain comité interministériel, des propositions en ce sens.

Cela suppose enfin de renforcer notre politique d’intégration. J’ai demandé à Jean-Louis Borloo et Catherine Vautrin de généraliser les contrats d’accueil et d’intégration afin de les rendre obligatoires. Je souhaite également renforcer les critères permettant de juger la bonne intégration des étrangers qui demandent une carte de résident de dix ans ou la nationalité française. La maîtrise de la langue française constitue pour nous une exigence fondamentale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

statut des stagiaires

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste.

M. Yves Durand. Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs mois, votre gouvernement n’a qu’un seul mot d’ordre : précariser l’emploi. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le contrat nouvelles embauches permet surtout de licencier sans explication ni procédure, au seul bon vouloir des patrons. Quant au contrat dit « d’avenir », il ne prévoit qu’un temps partiel de 26 heures, sans qualification ni formation, et ne permet donc aucune véritable intégration dans le monde du travail.

Cette généralisation de la précarité touche en priorité les jeunes, y compris les plus diplômés d’entre eux. Il est scandaleux que sous prétexte de stages, des entreprises puissent utiliser des jeunes de haut niveau sans rémunération ni réelle formation en rapport avec leur profil. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. — Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Et les emplois-jeunes ?

M. Yves Durand. Il est scandaleux que des jeunes diplômés soient cantonnés dans des stages gratuits pour l’employeur en remplacement d’un emploi permanent rémunéré. Cette pratique, qui concerne plusieurs centaines de milliers de personnes, est injuste : on se moque de ces jeunes au moment où ils veulent intégrer le monde du travail. Elle est inadmissible pour les salariés qui sont ainsi mis en concurrence et à qui, en quelque sorte, on vole leur emploi.

Monsieur le Premier ministre, ce que ces jeunes stagiaires demandent, ce n’est pas votre compassion, ni je ne sais quelle charte de bonne conduite qui n’engagera personne. Ce qu’ils souhaitent, c’est une véritable garantie législative inscrite dans le code du travail, qui permette de leur octroyer une vraie rémunération et le respect de leur formation. Êtes-vous prêt à leur donner un véritable statut pour mettre un terme, enfin, à cette situation scandaleuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Quelle est la situation aujourd’hui ? (« Elle est mauvaise ! » sur les bancs sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Au cours de sa scolarité, notamment à l’université ou dans une grande école, un élève, un étudiant sur deux suit un stage, qu’il soit obligatoire ou relève de sa propre initiative. Cette pratique est essentielle au rapprochement entre l’école, l’université et le monde de l’entreprise, à l’acquisition des fondements de l’expérience et à la connaissance des réalités du marché du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Le Garrec et M. Bernard Roman. Sur ce point, nous sommes d’accord, mais ce n’est pas la question !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Dans son rapport de juillet 2005 au Conseil économique et social, Jean-Louis Walter a d’ailleurs souligné l’intérêt de cette dimension du stage. Pour autant, celui-ci n’est pas destiné à pourvoir un emploi permanent. Il doit correspondre à l’acquisition d’une formation et d’une expérience.

M. François Rochebloine. Répondez à la question !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. D’ailleurs, notre droit réprime les abus, notamment depuis une jurisprudence de la Cour de cassation qui date de 1993. De même, notre code pénal considère ce genre de pratique comme un délit.

Parce que nous sommes sensibles à ce problème,…

M. Patrick Roy. Répondez à la question !

M. Christian Bataille. Vous noyez le poisson !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …nous avons reçu le collectif Génération précaire, et nous le recevrons à nouveau avant la fin de l’année. Avec Gilles de Robien, nous entamons, en nous nourrissant du rapport du Conseil économique et social, une série de consultations avec les partenaires sociaux, l’Université et les grandes écoles, pour définir une charte de bonnes pratiques dont nous souhaitons contrôler l’application. Ainsi, sans perdre de vue ce qui fait tout l’intérêt d’un stage, nous pourrons éviter tout emploi abusif de ce moyen de formation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. — Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

DETTE DE LA FRANCE

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Hervé Morin. Monsieur le Premier ministre, l’Assemblée nationale vient de voter la loi de finances qui entérine, pour 2006, un endettement de la France de 1 100 milliards d’euros.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Un record !

M. Hervé Morin. Depuis 1980, la dérive de l’endettement public est considérable. Celui-ci était de 100 milliards en 1980, d’un peu moins de 400 milliards d’euros en 1990 et d’environ 800 milliards en 2000. Il est aujourd’hui de 1 150 milliards. Les trois quarts de l’impôt sur le revenu sont absorbés par le paiement des intérêts de la dette.

M. Lucien Degauchy. Qu’est-ce que vous proposez ?

M. Hervé Morin. L’UDF n’a pas voté le budget (« Hou ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. le président. Messieurs, je vous en prie !

M. Hervé Morin. Je reprends : l’UDF n’a pas voté le budget (« Hou ! Hou ! » sur les mêmes bancs)

M. le président. Cessez !

M. Hervé Morin. …notamment parce que nous estimons que l’on ne peut pas faire payer à nos enfants et à nos petits enfants les efforts que nous ne faisons pas aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Or, monsieur le Premier ministre, la presse s’est fait l’écho des déclarations de votre ministre de l’économie et des finances selon lesquelles l’endettement de la France ne serait pas de 1 100 milliards, mais excéderait 2 000 milliards d’euros,…

Mme Martine David. Eh oui !

M. Hervé Morin. …soit plus que la richesse produite chaque année par la France.

M. Michel Lefait. C’est la faillite !

M. Hervé Morin. Confirmez-vous, monsieur le Premier ministre, les déclarations de M. Breton ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour que la France cesse d’être écrasée chaque jour un peu plus par le poids de la dette ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Pierre Forgues. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Morin, que de précisions je dois vous apporter, car vous avez été très imprécis, ce qui m’étonne de votre part ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. Quelle suffisance !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tout d’abord, le groupe UDF s’est divisé à parts égales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : la moitié a voté contre le budget, l’autre moitié s’est abstenue. C’est un choix que nous respectons, mais je tenais à apporter cette précision. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La dette de la France n’est, en outre, une surprise pour personne. Je rappelle les chiffres qui figurent au compte général des administrations publiques transmis tous les ans au Parlement. Ils sont connus, mais il faut faire preuve de pédagogie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), comme nous l’avons demandé à Michel Pébereau. La dette des administrations publiques françaises s’élèvera à la fin de l’année 2005 à 1 167 milliards d’euros. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le rapport Pébereau mettra en évidence la façon dont cette dette s’est constituée et les erreurs économiques qui ont contribué à sa création, ce qui vous surprendra. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. Prétentieux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tout le monde, je l’espère, en profitera.

M. François Lamy. Surtout vous !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Enfin, et nous en avons abondamment parlé lors du débat sur les retraites, l’État a pris des engagements qui figurent au compte général des administrations publiques : 450 milliards d’euros pour les retraites des fonctionnaires et 450 milliards d’euros pour celles des fonctionnaires territoriaux et de l’administration hospitalière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ces chiffres sont connus de tous !

Pour la première fois, avec le gouvernement de Dominique de Villepin, nous faisons preuve de pédagogie à propos de ce constat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), afin d’en tirer les conséquences, que vous percevez déjà. Pour la première fois, nous avons proposé un budget qui stabilise la dette – à 66 % –, ce qui n’était pas arrivé depuis des années.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Et pour la quatrième année consécutive, nous maintenons l’augmentation des dépenses à zéro volume. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela a été difficile, mais c’est fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

politique de l’immigration

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, pour le groupe UMP.

Mme Nadine Morano. Ma question s’adresse à Nicolas Sarkozy, ministre d’État. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Immigration choisie et non immigration subie : oui ! Mais, en 2002, monsieur le ministre d’État, avant votre arrivée place Beauvau, l’immigration était un sujet interdit, en parler était devenu tabou.

M. Maxime Gremetz. Et la brosse… !

Mme Nadine Morano. Avec courage et détermination, vous avez brisé ce tabou. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En fixant aux préfets des objectifs d’expulsion, en fermant le centre de Sangatte, en allant sur le terrain, dans les quartiers difficiles (Exclamations sur les mêmes bancs), bref en osant agir, vous avez rompu avec l’immobilisme de vos prédécesseurs (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)…

M. le président. Taisez-vous ! Laissez Mme Morano poser sa question !

Mme Nadine Morano. …vous avez démontré votre volontarisme et votre refus de la fatalité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les effets de cette politique se font déjà sentir sur le terrain, tous les élus locaux en ont conscience. J’appelle, à cet égard, votre attention sur le dossier des centres de rétention administrative parce qu’il faut agir avec le sens de la responsabilité, mais aussi avec humanité. Je serais heureuse que vous précisiez le nombre de places disponibles dans ces centres de rétention (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et le rythme de progression des travaux.

Ma question porte plus généralement sur les prochaines étapes de votre action, alors que le comité interministériel de contrôle de l’immigration vient de se réunir. La majorité se réjouit que les idées que vous avez courageusement défendues (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaireExclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) soient maintenant celles du Gouvernement tout entier.

Monsieur le ministre d’État, nous attendons une véritable refondation de la politique d’immigration (Exclamations sur les mêmes bancs) :…

M. le président. Un peu de silence !

Mme Nadine Morano. …sur les quotas, sur la lutte contre les détournements du regroupement familial et contre les mariages blancs. (Bruit continu sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le Parlement sera-t-il amené à discuter d’un projet de loi global ? En posant cette question, j’en forme le vœu pour nos compatriotes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Madame Morano, l’immigration est un sujet grave (« Ah ! sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et difficile sur lequel toutes les majorités, depuis 1974, ont eu le grand tort de ne pas réfléchir et proposer suffisamment. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Bernard Roman. C’est faux !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’est justement parce que les formations politiques républicaines, par complaisance, et parfois par lâcheté, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) ont refusé d’aborder ce sujet que le Front national a été à ce niveau pendant vingt ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Zorro est arrivé !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Quand les formations républicaines ne font pas leur travail de proposition alors que les citoyens sont légitimement inquiets, les extrêmes en profitent.

De plus, le travail pédagogique n’a pas été fait. Nous ne voulons pas, en France, de l’immigration zéro, qui n’a aucun sens au regard de l’histoire de notre pays. Les civilisations sont mortelles, mais elles le sont davantage par les risques de consanguinité que par l’apport de générations et de populations nouvelles. (Bruit sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais nous ne voulons pas non plus du laxisme qui a conduit aux drames que nous avons connus, y compris dans nos banlieues, où les fils et les petits-fils d’immigrés que nous n’avons pas su, pas voulu ou pas pu intégrer sont aujourd’hui sans identité, sans repères et sans avenir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je me reconnais dans ce qu’a dit le Premier ministre : nous voulons une immigration choisie. C’est la raison pour laquelle, pour la première fois dans un gouvernement, un ministre est en charge de la coordination pour éviter toute opposition entre la logique des trois ministères en charge de ce dossier : les ministères des affaires étrangères, des affaires sociales et de l’intérieur. Nous disons les choses comme elles sont : nous voulons choisir ceux qui seront accueillis sur le territoire de la République pour pouvoir les intégrer (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et nous raccompagnerons chez eux ceux que nous n’avons pas choisis. Nous voulons davantage d’étudiants, davantage de chercheurs, davantage de solidarité envers ceux qui sont poursuivis, mais nous ne voulons plus de ceux dont on ne veut nulle part ailleurs dans le monde !

M. Maxime Gremetz. Et l’humanité là-dedans ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. La France, madame Morano, ne peut pas être le seul pays à ne pas décider de qui entre sur son territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

logement

M. le président. La parole est à M. Alain Venot, pour le groupe UMP.

M. Alain Venot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Patrick Roy. Et du chômage !

M. Alain Venot. Face à la crise profonde du logement que connaît la France depuis de nombreuses années, le Gouvernement s’attaque résolument à tous les aspects de ce problème vécu quotidiennement par trop de Français. Afin de rééquilibrer l’offre et la demande, le Gouvernement a engagé d’importants moyens et pris toute une série de mesures spécifiques pour développer l’offre locative, relancer la construction, développer l’accession à la propriété et réhabiliter les quartiers.

Le plan de cohésion sociale que nous avons adopté a apporté des réponses fortes pour résorber cette pénurie de logements et fixe notamment l’objectif de construire 500 000 logements en cinq ans.

Quel est, monsieur le ministre, l’état d’avancement des objectifs du Gouvernement en la matière et comment entendez-vous poursuivre la dynamique engagée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Bataille. Allô, allô !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, la crise du logement que nous avons héritée de la précédente décennie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) était d’une extrême gravité. Avec l’emploi et l’éducation, le logement est un des piliers de notre pacte républicain et, comme vous l’avez indiqué, le Gouvernement a mis en œuvre des moyens considérables. Selon les chiffres publiés ce matin, à onze heures quarante-cinq (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), la construction en France s’élève déjà à 395 000 logements en 2005, soit un record depuis vingt-cinq ans et 40 % de plus que la production antérieure ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) À ce rythme, nous atteindrons les 400 000 logements cette année, avec 500 000 permis de construire.

M. Michel Lefait. Combien de logements sociaux ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il était nécessaire de doubler le logement social sur la période. Les chiffres publiés aujourd’hui montrent que nous sommes en train de gagner ce pari et même au-delà…

M. Michel Lefait. Combien ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …puisque, dès cette année, nous atteindrons 77 000 logements sociaux contre moins de 40 000 en 2000.

M. Michel Lefait. Nous demandons à voir !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Quant au programme de rénovation urbaine, il se poursuit et les crédits ont été portés à 30 milliards d’euros.

Pour sortir de la crise, il faut maintenir cet effort pendant trois ans et même l’amplifier, comme l’a demandé le Premier ministre, dans le pacte général pour le logement, voté cette semaine au Sénat et qui va venir prochainement devant l’Assemblée.

M. Maxime Gremetz. Dites-nous pourquoi il n’y a pas de logements sociaux à Neuilly !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Enfin, cette extraordinaire augmentation de la production de logements s’est accompagnée d’un effet majeur sur l’emploi, puisque, depuis le 1er janvier, près de 65 000 contrats à durée indéterminée ont été signés dans ce secteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

financement de la dépendance

M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard, pour le groupe socialiste.

Mme Paulette Guinchard. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

La Cour des comptes vient de rendre un rapport accablant quant à la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Elle dit combien la France est mal préparée à l’allongement de la vie et à ses conséquences. Son message est clair. Elle dénonce le manque de places dans les maisons de retraite, le manque de personnels, leur surcharge de travail et l’insuffisance de leur formation. (« Á cause des 35 heures ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elle dénonce le ralentissement des financements mis en place en 2001. Elle souligne combien la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie va rendre encore plus compliquée la réponse aux besoins des personnes âgées et de leur famille. Plus inquiétant encore, elle démontre que les structures d’accueil existantes sont beaucoup trop chères. Le prix payé par les personnes âgées accueillies est très souvent supérieur aux retraites. C’est inacceptable pour les familles. Le plus grave est que les moyens financiers dégagés depuis 2004 par la suppression du jour férié ne sont toujours pas utilisés. La situation dans nos circonscriptions est là pour nous le prouver quotidiennement. Les Français doivent savoir que l’effort qui leur a été imposé ne profite toujours pas aux personnes âgées. L’annonce, que vous venez de faire, de crédits de 500 millions en est bien l’aveu, monsieur le ministre.

Ma question est très simple : qu’allez-vous faire…

M. Alain Néri. Rien !

Mme Paulette Guinchard. …pour qu’en urgence, l’argent du jour férié aille enfin aux personnes âgées, qu’allez-vous faire pour lancer une véritable mobilisation pour que la fin de vie de nos anciens soit enfin apaisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la ministre, si la Cour des comptes dresse un constat d’échec, c’est celui de votre politique (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste) en matière d’aide aux personnes âgées. En 2002, l’allocation personnalisée d’autonomie venait d’être créée, elle n’était pas financée. C’est nous qui avons dû le faire. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Le plan vieillissement solidarité, ce n’est pas vous qui l’avez fait, c’est nous. À la demande du Premier ministre, M. Dominique de Villepin, nous avons décidé de doubler le nombre de créations de places. Au lieu de 10 000, ce sont 20 000 places supplémentaires que ce plan nous aura permis de créer. Vous voyez que la solidarité nationale n’a pas été mobilisée en vain ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Si vous avez le mauvais goût de contester la nécessité d’un investissement massif dans les maisons de retraite et les maisons pour handicapés, les personnes âgées et les personnes handicapées trouvent, elles, que c’est un effort urgent à réaliser.

Grâce à la solidarité de nos compatriotes, nous sommes maintenant en mesure de rattraper le très lourd retard (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) qui s’était accumulé au fil des années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

accès des jeunes des quartiers
à l’enseignement supérieur

M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour le groupe UMP.

M. André Schneider. Ma question s’adresse au ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Monsieur le ministre, les événements de ces dernières semaines ont montré la gravité du malaise social qui saisit les quartiers les plus défavorisés de nos agglomérations. Nous savons tous que les jeunes sont au cœur de cette tourmente. Aussi le Gouvernement a-t-il l’urgente responsabilité de rendre espoir à ces enfants de la République. L’école, si elle n’est pas seule en cause, doit savoir répondre à des attentes qui, depuis trop longtemps, sont restées sans réponse.

Les chemins de la réussite sociale ne s’ouvrent pas aux enfants des milieux populaires. Le constat est sans appel. Les écoles d’ingénieurs et de commerce n’accueillent que 10 % d’enfants d’ouvriers, et 63 % des places sont occupées par des fils et des filles de cadres et de professions intellectuelles supérieures. Comment, dans ces conditions, les jeunes de nos quartiers peuvent-ils construire un projet scolaire et universitaire ? Comment faire, sachant que l’école de leur quartier n’a quasiment aucune chance de les emmener sur la voie de la promotion sociale ?

La politique d’éducation prioritaire initiée il y a plus de vingt-cinq ans montre ses limites, en particulier parce qu’elle n’a pas relancé l’ascenseur social dans notre pays. Bien sûr, nous voyons les expériences se multiplier et les bonnes volontés se manifester ici et là pour ouvrir l’enseignement supérieur, y compris l’ENA, à ces élèves qui, pour un grand nombre d’entre eux, ont une réelle envie d’étudier et un fort potentiel de réussite. Il faut sans doute aller plus loin encore pour qu’enfin, en France, nous soyons capables de proposer à tous les jeunes, quel que soit leur lieu de résidence, des modèles de réussite et surtout des raisons d’espérer. Quelle action concrète comptez-vous mettre en œuvre pour ouvrir davantage nos grandes écoles et nos universités aux élèves les plus fragiles et leur permettre ainsi de cheminer sur la voie de la réussite ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. La première égalité, monsieur Schneider, c’est l’équité. C’est le principe que j’essaie d’appliquer à l’éducation nationale parce que c’est à l’école que le concept de pacte républicain trouve tout son sens. C’est l’école qui crée la société de demain.

Vous avez raison, les jeunes des quartiers difficiles ont le droit d’aspirer au meilleur, d’aspirer à être les élites de la France, dans le milieu économique, social, politique, culturel. Ils ont le droit d’accéder aux plus grandes écoles, ils doivent aspirer aussi à entrer dans les plus grandes universités. C’est leur droit républicain.

M. René Couanau. Ils y arriveront !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cinquante-sept grandes écoles, plusieurs universités s’engagent sur la voie du tutorat et ont déjà apporté beaucoup à un grand nombre de jeunes, mais il faut aller plus loin, justement parce que c’est un bon outil de lutte contre les discriminations. C’est pourquoi, avec François Goulard, nous avons fixé un objectif très simple, que 100 000 étudiants guident par le tutorat 100 000 jeunes de nos quartiers. Je sais que les universités et les grandes écoles y sont prêtes, elles le démontrent déjà. Nous avons tous le devoir de faire vivre cette démarche qui est de nature à resserrer les liens sociaux et à servir le principe d’égalité des chances. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

soutien à la création d’entreprise

M. le président. La parole est à M. André Berthol, pour le groupe UMP.

M. André Berthol. Ma question s’adresse à M. le ministre des PME, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.

Monsieur le ministre, le Gouvernement et sa majorité se sont fixé comme objectifs majeurs l’emploi et la croissance.

M. Patrick Roy. Et le chômage !

M. André Berthol. Pour dynamiser notre économie, le Gouvernement a, à juste titre, depuis 2002, soutenu les entreprises et encouragé la création d’entreprise, considérant que ce sont au premier chef les entreprises qui créent l’emploi.

En 2004, la France a battu un record puisque 225 000 entreprises ont été créées.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et combien de faillites ?

M. André Berthol. La loi sur l’initiative économique a été déterminante. Ce résultat est d’autant plus important que l’observation montre qu’en trois ans, une entreprise nouvelle crée trois emplois.

Ma question est double et directe : quel est le bilan de ces derniers mois ; que comptez-vous faire pour conforter et amplifier cette action en faveur de l’emploi et de la croissance ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Le bilan est excellent, monsieur le député. En octobre 2005, 19 374 entreprises ont été créées en France, soit une augmentation de 6,6 % par rapport à octobre 2004, qui était déjà un mois en très forte croissance par rapport au mois précédent.

Il faut se souvenir d’où nous venons. En 2002, la Banque mondiale épinglait la France en la plaçant au dix-septième rang des pays développés pour la création d’entreprise. À l’époque, lorsqu’on créait une entreprise, la première lettre que l’on recevait était celle de l’URSSAF demandant de payer des cotisations avant même le premier euro de chiffre d’affaires. C’était un environnement hostile à la création d’entreprise ; nous l’avons profondément modifié.

Il y a eu d’abord la loi de 2003 puis, récemment, en 2005, le gouvernement de Dominique de Villepin a fait voter une loi qui démocratise la création d’entreprise. Nous voulons en effet que créer une entreprise en France soit accessible à tous, quelles que soient les origines sociales, quels que soient le diplôme et le niveau financier du créateur. La République peut soutenir la création d’entreprise.

Nous allons poursuivre cet effort, il ne faut pas rester en si bon chemin. Nous allons d’abord déployer tout un plan pour la reprise d’entreprise car près de 500 000 entreprises seront à céder dans les années qui viennent ; nous allons surtout, et je proposerai des mesures nouvelles dans les semaines qui viennent, aider les entreprises à grandir et donc à embaucher davantage de salariés. Créer des entreprises, c’est bien, mais les développer, c’est encore mieux, et vous pouvez compter sur le Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

application de la loi relaTive
aux personnes handicapées

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, pour le groupe socialiste.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.

La loi pour l’égalité des chances et des droits, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées entrera en vigueur le 1er janvier prochain. On ne pourrait a priori que se féliciter de l’impact positif qu’elle devrait avoir avec l’annonce d’un renforcement des moyens financiers et d’une simplification des démarches administratives. La réalité est hélas tout autre : à un mois de son entrée en application, les conseils généraux, qui seront chargés de sa mise en œuvre, attendent toujours quelque quatre-vingts décrets d’application.

Personnes handicapées et responsables locaux s’inquiètent légitimement des critères qui seront retenus pour l’attribution de la prestation de compensation. Ainsi, dans mon département de Haute-Vienne, sommes-nous contraints, comme tous les autres, d’estimer au jugé le nombre d’allocataires, dont nous pouvons penser qu’il sera multiplié par trois.

Parallèlement, au regard de la dotation dont bénéficie actuellement la Caisse nationale de solidarité, la part qui devrait nous être allouée couvrirait à peine, dans une hypothèse optimiste, les deux tiers des besoins. Le complément reposera encore une fois sur la solidarité départementale, donc sur la fiscalité locale, et il en sera très largement de même pour le fonctionnement de la maison départementale du handicap, cela dans le contexte d’une réforme fiscale qui va très fortement détériorer les marges financières des collectivités locales.

Au-delà de ce nouveau délestage sur les finances des départements, et au regard du flou juridique dans lequel se prépare l’entrée en vigueur de cette loi, entendez-vous, monsieur le ministre, repousser temporairement la mise en œuvre de certaines dispositions afin que cette loi puisse être appliquée dans des conditions convenables et qu’elle constitue réellement une plus-value par rapport à la situation actuelle ? Les personnes handicapées méritent en effet une autre considération que celle que traduisent des effets d’annonce et un intérêt de façade dont témoigne la valse des secrétaires d’État qu’a connue ce secteur ces trois dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Il y a au moins une bonne nouvelle cet après-midi, madame la députée, c’est le ralliement du groupe socialiste à la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des chances et l’égalité des droits des personnes handicapées. Vous aviez voté contre cette loi, je me réjouis que vous réclamiez sa pleine et entière application. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

L’application, je m’en occupe. La loi est entrée en vigueur dès sa promulgation. Elle s’est traduite très rapidement par le relèvement à 80 % du SMIC de l’allocation adulte handicapé et par la mise en œuvre du principe de l’inscription dans l’école du quartier dès la rentrée scolaire. Elle se traduit aujourd’hui par la mise au point de très nombreux décrets : quarante d’entre eux sont déjà passés devant le Conseil national des personnes handicapées, et les plus importants seront tous pris d’ici à la fin de l’année.

Dans cette réforme, il y a un élément extrêmement important, ce sont les maisons départementales du handicap,…

M. Alain Néri. Où est l’argent !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …ce guichet unique que l’État et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aident les départements à mettre en place.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Qui paie ?

M. Jean Glavany. Il dépense l’argent des départements !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Les maisons départementales du handicap seront toutes en place au 1er janvier, et la loi sera pleinement appliquée tout au long de l’année 2006, avec l’aide de la CNSA et de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

plan hiver

M. le président. La parole est à M. Lucien Degauchy, pour le groupe UMP.

M. Lucien Degauchy. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Madame la ministre, les températures ont fortement baissé dans toute la France, et avec cette vague de froid, nous avons les plus vives inquiétudes pour celles et ceux de nos compatriotes qui sont à la rue. Ils sont de plus en plus nombreux ; ce n’est pas un phénomène nouveau, malheureusement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Eh oui, nous assumons l’héritage, mesdames et messieurs les champions de la précarité ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

Les dispositifs d’accueil d’urgence offrent aujourd’hui plus de 90 000 places. L’an dernier, tout avait été mis en œuvre pour accueillir les plus démunis dès les premiers froids. En est-il de même cette année ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Pouvez-vous, madame la ministre, faire le point sur le déroulement du plan « Hiver 2005-2006 » ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô ! Allô !

M. Lucien Degauchy. Le dispositif a-t-il été renforcé par rapport à l’an dernier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, chacun a pu en effet constater l’évolution des températures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le plan « Hiver », qui comporte trois niveaux, démarre tous les ans au 1er novembre. Lorsque nous l’avons présenté début novembre, il faisait quinze degrés. Deux semaines plus tard, les températures étaient de dix degrés inférieures aux normales saisonnières.

Ce plan prévoit plus de 10 000 places d’accueil d’urgence. Au plus fort de la vague de froid, 7 800 places ont été mobilisées. C’est dire que nous disposons de capacités d’accueil suffisantes pour faire face aux besoins qui sont relayés par les associations, auxquelles je tiens à rendre un hommage tout particulier pour le travail remarquable qu’elles accomplissent chaque jour. Le Premier ministre leur a rendu visite ; je les ai moi-même accompagnées quatre soirs de la semaine dernière. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La principale difficulté qu’elles rencontrent dans leurs rondes est de convaincre les sans-abri, en dépit du choix qu’ils ont fait, de rejoindre les centres d’hébergement pour se mettre à l’abri et se protéger du froid.

D’autre part, pour améliorer la capacité d’écoute, nous avons inauguré aujourd’hui, avec Xavier Emmanuelli, le nouveau standard du « 115 » qui représente pour l’État un investissement de 500 000 euros, mais permettra de traiter tous les appels en temps réel. Plus de 400 appels ont ainsi pu être satisfaits ce matin. C’est donc une réponse concrète. La flexibilité du dispositif mis en œuvre vise à ce que chacun puisse être accueilli et à ce que, chaque jour, la cellule de crise puisse faire face à toutes les demandes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

CONSEIL NATIONAL DU LITTORAL

M. le président. La parole est à Mme Hélène Tanguy, pour le groupe UMP.

Mme Hélène Tanguy. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

Les 7 000 kilomètres du littoral de la France continentale représentent un atout fantastique pour notre pays. Quelle que soit son image, de la plus urbaine et industrialisée à la plus sauvage, le littoral attire de plus en plus. En moyenne, la densité de l’habitat y est le double de celle de l’ensemble du territoire national. Cet attrait grandit, notamment pour les migrations touristiques saisonnières, mais aussi pour le choix de résidences de retraite. En Bretagne, les statistiques sont éloquentes.

Ces chiffres cachent toutefois des situations variées, complexes et parfois conflictuelles. Sur cette bande de terre étroite, chacun doit trouver sa place sans dénaturer le patrimoine environnemental, ce qui suppose de réguler, et non d’interdire, les constructions et les équipements adaptés, sachant que l’emploi dépend souvent du développement des activités professionnelles liées à la mer et au tourisme.

Ma circonscription, presqu’île à la proue de l’Europe, intègre toutes ces problématiques du vivre-ensemble, entre pêche, commerce, plaisance, tourisme, thalassothérapie, habitations, exploitations agricoles… Elle regroupe aussi des espaces Natura 2000, une zone nationale d’intérêt écologique faunistique et floristique, les domaines du Conservatoire national du littoral, le grand site de la Pointe du Raz, une réserve ornithologique : autant d’approches d’une protection maîtrisée.

Entre activités économiques et respect de la nature, l’harmonie est à rechercher et à orchestrer. Nous entreprenons ce travail dans le cadre du programme expérimental de gestion intégrée des zones côtières, dont vous avez accepté le lancement dans ma circonscription, et je vous en remercie.

Dans une zone qui comporte le premier quartier maritime de pêche français, on mesure aussi tout l’intérêt d’une gestion du côté « mer » de la côte, celui des espaces nourriciers et des zones de frayère, indispensables à la vie halieutique. Un littoral pollué, ce sont des pêcheurs au chômage.

Les solutions pour un développement équilibré de notre littoral viendront du dialogue, tant local que national.

Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !

Mme Hélène Tanguy. C’est dans cet esprit qu’a été créé le Conseil national du littoral dans la loi relative au développement des territoires ruraux. Le 18 novembre dernier, vous en avez signé le décret de naissance.

M. le président. Posez votre question, je vous prie.

Mme Hélène Tanguy. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, ce que vous attendez de ce nouvel outil ? Quelle est votre ambition pour nos côtes, qui participent et participeront davantage encore à la vocation maritime de la France ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame la députée, d’ici à vingt-cinq ans, près de 3,5 millions d’habitants supplémentaires devraient s’installer sur le littoral de notre pays. Nous devons nous y préparer avec le souci constant de concilier développement économique et préservation de ce patrimoine exceptionnel qui représente un atout majeur pour notre pays. Le Gouvernement vient donc de prendre des décisions énergiques et fortes.

En premier lieu, j’ai labellisé vingt-cinq projets de gestion intégrée des zones côtières, conciliant prévention des menaces de pollution, préservation de l’écosystème et équilibre de l’urbanisme – dont ceux du Mont Saint-Michel, de la baie de Somme, de la Camargue ou encore de l’Ouest Cornouaille – dossier dont le succès doit beaucoup à votre soutien, madame la députée.

Ensuite, conformément à l’ambition du Président de la République, le budget du Conservatoire du littoral a été augmenté de 40 % afin qu’il puisse faire des acquisitions nouvelles. Rappelons qu’il possède à l’heure actuelle près de 880 kilomètres de rivage, répartis sur 300 sites et près de 73 600 hectares. Nous devons renforcer son action, en partenariat avec les collectivités territoriales.

Enfin, j’ai souhaité accélérer le processus d’installation du Conseil national du littoral.

M. Didier Quentin. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le décret a été publié le 18 novembre dernier et j’ai proposé au Premier ministre l’installation de ce nouveau conseil durant le premier trimestre 2006. Il permettra à l’ensemble des acteurs et des partenaires d’orienter l’action du Gouvernement.

Vous le voyez, madame la députée, alors que pendant des années on a laissé se développer notre littoral de façon anarchique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), le Gouvernement est passé à l’action pour préserver les sites les plus prestigieux et les plus sensibles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME

Explications de vote
et vote sur l’ensemble d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

Avant de passer aux explications de vote, je donne la parole à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nos débats ont permis de poser un diagnostic commun, partagé par toutes les forces politiques représentées à l’Assemblée nationale : la menace terroriste est présente à un niveau extrêmement préoccupant dans notre pays, comme dans toutes les démocraties. Ce point a été souligné par les représentants de toutes les formations politiques.

Un deuxième point fait l’objet d’un consensus : notre pays doit faire preuve de la fermeté la plus intransigeante à l’endroit du terrorisme et des terroristes. Aucune force politique n’a demandé ou suggéré qu’on baisse la garde ou qu’on fasse preuve de la moindre indulgence.

Il est ainsi apparu, enfin, que la lutte contre le terrorisme n’est pas une affaire de droite ou de gauche, comme le montre la continuité des politiques menées depuis des années par tous les gouvernements, quels qu’ils soient : elles visent toutes à renforcer l’arsenal juridique dont dispose notre pays, afin qu’il gagne en efficacité dans la lutte contre ce fléau.

À partir de ce diagnostic commun, 142 amendements ont été proposés, et 63 votés, dont plusieurs émanent de l’opposition.

Les propositions de l’Assemblée nationale nous ont d’abord permis de préciser les modalités d’extension de la vidéosurveillance. Si personne ne s’est opposé à son principe, elle devait être plus précisément encadrée, afin de garantir l’exercice des libertés individuelles : cela a été fait.

Nous avons également obtenu un consensus relatif en ce qui concerne les conditions de la prolongation de quatre à six jours de la durée maximale de la garde à vue en matière de terrorisme. Je rappelle qu’en Grande-Bretagne la durée maximale est de quinze jours, et qu’il est envisagé de la porter à deux mois.

En troisième lieu, vous avez tous demandé qu’on accorde une attention particulière aux victimes. L’Assemblée nationale a proposé un dispositif qui renforce la protection des intérêts des victimes d’actes de terrorisme et l’obligation d’indemnisation des assurances.

Quatrièmement, l’Assemblée a renforcé utilement le dispositif de lutte contre les prêcheurs de haine, notamment lorsqu’ils s’expriment à la télévision, sur des chaînes qui ne sont pas forcément diffusées depuis l’Europe.

L’Assemblé nationale a enfin voté un amendement présenté par M. Baguet, sans lien direct avec la lutte contre le terrorisme. Ce dispositif vise en effet, comme je l’avais moi-même proposé, à lutter contre le hooliganisme : il permet d’interdire l’accès de nos stades à des violents et des racistes qui n’ont rien à y faire, sinon nous faire honte.

Avant de conclure, je veux rappeler que je me suis engagé envers vous, monsieur le président de la commission des lois et monsieur le rapporteur, à soumettre au Parlement, avant la mi-février, une proposition consensuelle pour que le Parlement puisse contrôler l’activité des services de renseignement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) C’est là un point extrêmement important, et l’Assemblée nationale – je me tourne plus particulièrement vers M. Lellouche – a bien voulu considérer, tenant compte de la difficulté et de la nouveauté de cette démarche, que quelques semaines n’étaient pas superflues pour nous permettre de trouver ensemble la solution la plus adaptée.

En un mot, monsieur le président, ce débat, auquel M. Estrosi et moi-même avons participé au nom du Gouvernement, a fait honneur à votre assemblée. À l’issue de ce débat, les moyens de l’exécutif seront renforcés : la France sera notamment dotée d’un arsenal plus efficient pour combattre en amont l’acte terroriste, alors que jusqu’à présent la lutte était menée seulement en aval. Il s’agit de donner aux forces de l’ordre les moyens d’éviter le pire et de prévenir la catastrophe.

Confiant dans l’issue du vote, le Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, est très heureux de ce débat à la fois rapide et approfondi, conduit sous votre autorité, monsieur le président. Il a prouvé que l’ensemble des formations politiques sait se hisser à la hauteur des enjeux, surtout quand il s’agit de la lutte de la démocratie contre les forces de l’obscurantisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir rendu hommage à notre assemblée.

La parole est à M. Alain Marsaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république.

M. Alain Marsaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons, dans quelques instants, donner à l’ensemble des services chargés du contre-terrorisme les moyens de lutter plus efficacement contre les réseaux violents. L’actualité de ces dernières heures nous rappelle combien est ardente notre obligation d’adapter cette lutte, tant aux avancées technologiques qu’aux stratégies nouvelles de nos adversaires.

Durant deux jours, la semaine passée, les différentes composantes de notre assemblée ont pu échanger sur ce sujet, dans le souci de concilier l’exigence d’efficacité de nos nouveaux dispositifs et le respect des libertés individuelles ainsi que des droits des victimes, que nous ne devons pas oublier. Il y a eu entre nous tous un véritable débat, et le texte soumis à votre approbation est le fruit d’un assez large consensus, qui tient compte des avis de chacun dans l’intérêt général des Français.

Pour la première fois dans notre histoire législative, nous allons encadrer et réglementer le fonctionnement des services dédiés à la lutte antiterroriste dans notre pays, et particulièrement celui des services de renseignement.

Nous gardons présent à l’esprit, monsieur le ministre d’État, que vous avez pris au nom du Gouvernement l’engagement, que vous venez de rappeler, d’œuvrer, avec notre assemblée, à la mise en place d’une commission chargée de proposer, avant le 15 février, une solution permettant d’assurer le contrôle parlementaire du fonctionnement desdits services. Et il n’est qu’à lire la presse de cet après-midi pour mesurer combien ce contrôle est nécessaire. Il nous appartient de nous mettre au travail, avec toutes les personnes concernées, dès le vote définitif de cette loi.

Je tiens à saluer le travail de la commission des lois, de son président et de ses services, qui a permis d’auditionner près de cinquante personnes en l’espace de quinze jours. Je tiens à saluer aussi l’engagement de chacun des parlementaires qui ont amélioré ce texte sur des points tels que la garde à vue et le projet de commission parlementaire sur le renseignement.

L’heure est venue, mes chers collègues, d’approuver ce projet de loi. Grâce à vous, nous aurons dans quelques jours un ensemble législatif cohérent, novateur et des plus protecteurs pour nos concitoyens, qui l’attendent, et qui nous attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Explications de vote

M. le président. Avant de donner la parole au premier orateur inscrit dans les explications de vote, je fais d’ores et déjà annoncer dans le Palais le scrutin sur l’ensemble du projet de loi.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Vous avez émis le souhait, monsieur le ministre d'État, que nos débats ne souffrent d'aucune ambiguïté : telle est aussi notre volonté. Je saisis donc l'occasion de cette explication de vote pour dissiper celle qui a pu laisser penser qu'il y aurait consensus sur ce texte. Pour lever toute équivoque, il nous faut en effet préciser où le consensus existe, où il est possible et où il ne l’est pas.

La volonté de combattre le terrorisme avec la plus grande fermeté fait sans aucun doute consensus sur tous les bancs de cette assemblée. L'analyse des caractéristiques du terrorisme actuel pourrait faire consensus au terme d'un débat qu’il faudrait prolonger. Par contre, il n’y a pas de consensus entre vous et les parlementaires qui siègent sur nos bancs quant aux moyens que vous proposez aujourd’hui pour combattre le terrorisme, et cela pour deux raisons essentielles. D’abord, vos propositions seront manifestement inefficaces : les terroristes s’y adapteront très vite – s’ils ne s’y sont pas déjà adaptés. Ensuite, elles sont dangereuses pour notre démocratie et, en ce sens, elles représentent une première victoire de ces fanatiques qui jouent de la terreur pour mettre à mal les droits et les libertés des hommes, la démocratie et toutes les avancées de civilisation.

Le terrorisme est la négation de l’humanité. Seul le combat pour l’humanité permettra de le vaincre durablement. Ce n’est malheureusement pas ce combat que vous nous proposez de livrer.

Pourtant, le modèle américain, que vous faites progressivement vôtre, a fait la preuve de son échec. En aggravant encore l’état du monde, cette politique, loin de réduire le terrorisme, a contribué à son extension sur le territoire de pays qui ne le connaissaient pas ; elle a facilité le recrutement et renforcé les motivations de ceux qui ont choisi de le servir.

La première des victoires à remporter contre cet innommable fléau est précisément de tarir le recrutement de ces soldats de la mort. Cette victoire se remportera par la réduction, puis par l’éradication des dramatiques inégalités entre les hommes et entre les territoires, à l’échelle nationale comme internationale. Mais il est vrai qu’aujourd’hui, s’en prendre uniquement aux causes du terrorisme ne suffit plus et, faute pour les sociétés libérales d’avoir su en prévenir l’apparition, nous sommes contraints maintenant de nous protéger de ses agressions.

Devons-nous pour autant rompre l’indispensable équilibre entre la légitime exigence de sécurité de nos concitoyens et le respect de leurs droits fondamentaux, de leur liberté d’aller et venir et de l’intimité de leur vie privée ? À l’évidence, non ! Or, en refusant de prendre en compte les nombreuses réserves de la CNIL et d’entendre les remarques des organisations des droits de l’homme et des professionnels de la magistrature, vous rompez cet équilibre. Mais pouvait-il en être autrement quand, année après année, les lois votées par votre majorité – je pense notamment à celles de 2003 et 2004 – malmènent les droits les plus fondamentaux ?

L’efficacité nous commande de prendre des mesures qui permettent d’agir avec certitude en amont de l’acte terroriste. Et parce que nous ne sombrons pas dans l’angélisme, c’est ce que nous proposons.

Aujourd’hui, notre législation spécifique au terrorisme et le professionnalisme de nos services sont fréquemment loués pour leur capacité à prévenir les attentats. Si les coopérations internationales et les moyens humains, tant quantitatifs que qualitatifs, de ces services spécialisés et des services de renseignement étaient décuplés, il est évident que l’efficacité de leurs actions de prévention le serait aussi. Mais cette proposition se heurte à l’obsession de la maîtrise des moyens en personnel des services publics de l’État.

Suspecter et surveiller des millions de personnes pour tenter de repérer a posteriori la potentielle malfaisance de quelques individus souvent inconnus, c’est s’épuiser à rechercher une aiguille dans une meule de foin et se condamner à l’échec. Avec votre texte, chacun de nos concitoyens est désormais un suspect potentiel, (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui doit prouver son innocence en acceptant que sa vie privée et tous ses mouvements soient disséqués au quotidien. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Guy Geoffroy. Dites cela aux victimes et à leurs familles !

M. Michel Vaxès. Ce texte prépare en fait des lois liberticides à venir. Nous ne pouvons nous inscrire dans cette logique et, parce que nous voulons gagner le combat contre le terrorisme, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour le groupe UMP, la parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, chers collègues, au terme de cette première lecture, nous avons encore tous en mémoire les images terribles, diffusées en boucle sur toutes les télévisions, des attentats des dernières années, et nous pensons aux victimes.

Que ce soit avec les attentats du 11 septembre 2001, avec ceux de Madrid ou, plus près de nous, ceux qui ont été commis à Londres au mois de juillet dernier, le terrorisme dont l’Occident est désormais menacé a changé de nature. La menace est aujourd’hui diffuse et multiforme, elle est le fait de groupes d’action sans réelle organisation hiérarchique et d’un islamisme radical qui n’a d’autre objectif que de nous déstabiliser.

Nous ne pouvons plus continuer à agir avec des méthodes anciennes, qui ont fait leur temps. Il fallait une véritable rupture avec le passé. Face aux nouvelles menaces terroristes, le texte qui nous est soumis vise à mieux assurer la sécurité de nos concitoyens, dans le strict respect des libertés individuelles.

En effet, les enseignements opérationnels recueillis après les attentats les plus récents prescrivent l’adoption de nouveaux instruments juridiques, dans le respect du nécessaire équilibre entre les exigences de la sécurité et celles des libertés.

Loin de la caricature de ce texte que vient de faire l’orateur du parti communiste (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), je citerai brièvement quelques-unes des avancées majeures du projet de loi que nous allons adopter et saisirai cette occasion de saluer l’excellent travail de notre rapporteur Alain Marsaud. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En premier lieu, le développement de la vidéosurveillance, le contrôle des échanges téléphoniques et électroniques et l’exploitation des données permettront de mieux prévenir les actes de terrorisme. Des systèmes de vidéosurveillance pourront être installés sur la voie publique ou dans des lieux et établissements ouverts au public, dans une finalité de prévention des actes de terrorisme.

Afin de garantir les libertés de chacun, seuls des enquêteurs spécialisés et individuellement habilités pourront être destinataires des images prises par les systèmes de vidéosurveillance dans des lieux tels que des centres commerciaux, des stades ou des musées, indépendamment de la commission d’une infraction. Ces systèmes de vidéosurveillance devront, de plus, répondre à des normes techniques d’agrément garantissant leur bon fonctionnement, qui seront fixées par arrêté ministériel.

Deuxième série d’avancées : l’amélioration du dispositif pénal de lutte contre le terrorisme permettra de mieux sanctionner de tels actes. Le projet de loi donnera aux tribunaux les moyens de réprimer plus fermement l’association de malfaiteurs à des fins terroristes lorsqu’elle a pour objet la préparation de crimes d’atteinte aux personnes. Désormais, la peine encourue sera de vingt ans de réclusion, et de trente ans pour les dirigeants ou organisateurs. Une meilleure efficacité de la machine judiciaire est également prévue, avec la centralisation auprès des juridictions de l’application des peines du suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme. Enfin, le texte porte de dix à quinze ans les délais permettant au ministre chargé des naturalisations d’engager la procédure de déchéance de la nationalité française.

Pour ce qui est de notre travail dans cet hémicycle, je tiens à saluer, monsieur le ministre d’État, l’esprit d’ouverture et de dialogue qui a présidé à nos débats. De très nombreux amendements de la majorité – et même de l’opposition – sont venus enrichir notre texte. C’est ainsi que vous allez mettre en place, à notre initiative, un groupe de travail chargé de réfléchir aux modalités de création d’une commission parlementaire de contrôle des services de renseignement. Vous vous êtes engagé à ce que ce groupe de travail rende ses conclusions avant le 15 février. Il s’agit là d’une bonne méthode. Votre engagement est clair et il était attendu depuis des années par l’ensemble du Parlement.

M. Maxime Gremetz. Ah non !

M. Thierry Mariani. Enfin, toujours à notre initiative, la garde à vue pourra être prolongée de quarante-huit heures en cas de faits graves liés à un acte de terrorisme. Ce délai supplémentaire, fortement encadré, permettra aux services d’enquête de bénéficier d’un peu plus de temps pour la récolte de preuves, parfois longue du fait de la complexité des dossiers.

Monsieur le ministre d’État, compte tenu de l’urgente nécessité de légiférer pour mieux garantir la sécurité de nos concitoyens, vous pouvez compter sur le soutien plein et entier du groupe UMP qui, faisant preuve de la responsabilité qui s’impose en de telles circonstances, adoptera avec conviction votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’écrivait en septembre dernier Thomas Ferenczi, « la recherche d’un juste équilibre entre les besoins de sécurité et les exigences de liberté inspire, en principe, les politiques de lutte contre la criminalité et le terrorisme dans les sociétés démocratiques ». Le groupe socialiste fait sienne cette importante remarque, parce qu’il appartient à un parti politique appelé à gouverner et qui pourrait, dans deux ans, assumer la lourde charge de la sécurité des Français et des Françaises et de tous ceux qui résident dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous pouvez protester : ce n’est pas la première fois que je vois sur ces bancs des intérimaires !

C’est pourquoi nous avons participé très activement au débat sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme, en proposant une série d’amendements permettant d’améliorer et de corriger le texte du Gouvernement.

Nous avons soumis à l’Assemblée nationale, avec tous les autres groupes, une proposition visant à mettre en place, comme il est nécessaire de le faire, une délégation parlementaire d’évaluation de nos services de renseignement, et l’avons retirée après l’engagement formel du Gouvernement de reprendre cette proposition qui nous mettra au même niveau que les grandes démocraties.

Nous avons essayé de trouver un aménagement entre la prolongation de la garde à vue, dans le cadre exclusif de la lutte contre le terrorisme, et les droits de la défense. Nous avons atteint à cet égard une limite que l’on ne pourra dépasser.

Nous avons recommandé, avec des arguments et des exigences, le renforcement des moyens de contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Nous avons demandé avec insistance qu’il ne soit pas fait d’amalgame entre le terrorisme et l’immigration, mais M. le ministre de l’Intérieur n’a pas pu sortir de son fantasme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La menace terroriste est une réalité. Elle n’épargne personne. Aussi la lutte contre le terrorisme n’est-elle l’apanage de personne.

Le groupe socialiste, responsable devant le peuple français et tous ceux qui résident dans notre pays, est capable d’exiger que l’on donne les meilleurs outils aux forces de sécurité et aux services de renseignement spécialisés dans la lutte contre le terrorisme, même si le texte se contente de valider des pratiques déjà existantes. Mais il est aussi capable d’exiger, par exemple, un contrôle accru de l’utilisation de la vidéosurveillance – ce que le Gouvernement n’a pas su faire – ainsi que de refuser, comme s’apprête à le faire la Cour européenne de justice, un usage abusif des données personnelles détenues par les compagnies aériennes, alors que la France cède sur ce point aux États-Unis d’Amérique. Il est également capable, comme M. Marsaud, notre rapporteur, de douter de l’efficacité du contrôle des échanges téléphoniques et électroniques, du contrôle des déplacements et du gel des avoirs ou des dépôts financiers.

Mais le groupe socialiste est porteur, comme beaucoup d’entre nous, des éléments de civilisation que renferme notamment la Convention européenne des droits de l’homme, et qui doivent demeurer un rempart contre le tout-sécuritaire. En admettant les mesures prises pour tenter d’assurer la sécurité de nos concitoyens, nous n’en sommes pas moins exigeants quant aux limites législatives propres à assurer le respect de l’État de droit.

Le groupe socialiste, en toute responsabilité, s’abstiendra sur ce texte. (« Quel courage ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour le groupe UDF, la parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Monsieur le président, les élus du groupe UDF apporteront leurs voix au projet de loi visant à lutter contre le terrorisme. (« Ah ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le groupe UDF partage en effet les objectifs du Gouvernement et a noté les avancées que représentent certaines propositions énoncées pendant l’examen de ce texte, en particulier, votre engagement, monsieur le ministre d’État, d’instituer un contrôle parlementaire sur les services de renseignement. Nous souhaitons que cet engagement que vous avez pris au nom du Gouvernement et que vous venez de réitérer soit tenu. Peu importe la forme que revêtira cette institution de contrôle – délégation parlementaire, commission nationale ou commission de contrôle – : l’essentiel est que cet engagement soit suivi d’effet.

Le projet de loi qui nous est soumis nous semble réaliser un équilibre entre, d’une part, la nécessaire fermeté et l’absolue nécessité de tout mettre en œuvre pour prévenir et combattre le terrorisme ; d’autre part, le respect des libertés individuelles et des droits de l’homme.

À ce titre, notre assemblée a adopté la prolongation de la garde à vue à six jours en matière de terrorisme. Nous avons approuvé cette disposition, mais nous aurions cependant souhaité que l’avocat puisse intervenir plus tôt dans la procédure.

Il nous faut aussi mieux coordonner la lutte contre le terrorisme aux niveaux européen et international. Cette coopération est gage d’efficacité et nous ne pouvons que regretter qu’hier, à Barcelone, la communauté internationale ne se soit même pas mise d’accord sur la définition du mot « terrorisme ».

Pour lutter contre le terrorisme, il faut aussi lutter contre son financement. C’est pourquoi, au nom du groupe UDF, j’ai suggéré que le Gouvernement procède sans tarder à la ratification des conventions du Conseil de l’Europe et à la transposition de la directive de l’Union européenne visant à combattre et à prévenir le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent.

Au-delà de ce texte, il convient de lutter sans merci contre les causes bien connues en raison desquelles prospère le terrorisme : la haine, l’ignorance, la pauvreté, l’incompréhension. Il faut aussi promouvoir et encourager la tolérance, le respect, l'éducation et favoriser le dialogue interculturel.

Ce qui nous rassemble dans la lutte contre le terrorisme, c'est la volonté de préserver l'État de droit. Nous devons le faire dans le respect des règles essentielles de la démocratie, auxquelles veulent s'attaquer les terroristes.

Enfin, je voudrais souligner – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre d’État – l'adoption d'un amendement présenté par notre collègue Pierre-Christophe Baguet, visant à lutter contre le hooliganisme. L’examen de ce texte était l’occasion de le faire.

En définitive, ce projet de loi nous paraît un texte d’équilibre. Nous avons le même objectif que vous : la lutte sans merci contre le défi terrible du terrorisme. Nous souhaitons que cette lutte se fasse dans le respect des libertés, des droits de l’homme et des valeurs démocratiques. C’est pourquoi le groupe UDF votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin, précédemment annoncé, sur l'ensemble du projet de loi.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Retour à l’emploi

Discussion, après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au retour à l’emploi et au développement de l’emploi (nos 2668, 2684).

La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, aujourd’hui, dans notre pays, plus de six millions de personnes vivent avec leurs familles des minima sociaux. Les phénomènes durables de pauvreté et d’exclusion sociale montrent que les mesures fondées uniquement sur l’assistance ne suffisent pas. Elles n’ont pas permis d’apporter des réponses globales aux plus fragiles de nos concitoyens. Pire, les politiques d’assistance ont tendance à enfermer dans leur dispositif celles et ceux qui en bénéficient.

Nous devons nous mobiliser pour contribuer à l’insertion active des exclus dans l’emploi et dans le logement comme dans l’ensemble des activités sociales. En juin dernier, 11,5 % des allocataires du RMI bénéficiaient d’un intéressement à la reprise d’emploi, soit 142 000 personnes sur 1,2 million d’allocataires. Et le pourcentage est en baisse par rapport aux années antérieures. Les raisons de ce recul sont connues. C’est d’ailleurs pourquoi nous nous mobilisons.

D’abord, le dispositif est beaucoup trop complexe. Il est mal compris des travailleurs sociaux eux-mêmes. C’est pourtant eux qui sont évidemment chargés de l’expliquer.

Le montant des avantages consentis est insuffisamment incitatif à la reprise d’emploi. Dans bien des cas, le retour à l’emploi s’accompagne d’une réduction des revenus du foyer, au mieux de leur stagnation.

Le texte que nous vous proposons est donc à la croisée de deux démarches : celle de la mobilisation générale pour l’emploi, celle de la réforme des minima sociaux.

C’est pourquoi le Gouvernement a décidé, conformément au plan de cohésion sociale présenté par Jean-Louis Borloo, de lancer une réforme globale de ces minima. Cette réforme s’effectuera en plusieurs étapes : ce projet de loi est la première d’entre elles.

Le Premier ministre nous a confié, à M. Borloo et moi-même, la mission d’activer au plus vite les minima sociaux : c’est la raison d’être de ce texte, qui répond à une urgence sociale et vise à réformer un dispositif qui ne fonctionne pas.

L’accompagnement social nécessitera néanmoins une participation importante des départements. Aussi le Premier ministre a-t-il confié dès l’automne une mission à deux présidents de conseil général, par ailleurs sénateurs, MM. de Raincourt et Mercier. Un nouveau texte sera élaboré à partir des résultats de cette mission, qui seront connus dans les prochains jours. Il conviendra d’y intégrer les excellents travaux de votre commission des affaires sociales. Le Premier ministre s’est par ailleurs engagé à réunir, lors de l’élaboration de ce texte, tous les parlementaires qui ont travaillé sur le sujet.

Le projet que le Gouvernement vous propose aujourd’hui vise à réformer les dispositifs destinés à assurer l’attractivité financière du retour à l’emploi. Il répond à trois objectifs.

En premier lieu, le mécanisme retenu doit inciter, dans tous les cas de figure, à la reprise d'un emploi. Chaque heure travaillée doit apporter un gain : le revenu du travail doit toujours être plus attractif que celui de l'assistance. La réforme porte en priorité sur les emplois permettant d'assurer l'autonomie financière des familles et la sortie de la précarité, c'est-à-dire tous ceux pour lesquels le temps de travail est supérieur à un mi-temps. Le nouveau régime sera d'autant plus favorable que l'horaire travaillé sera important : le revenu de toute heure travaillée en plus sera intégralement conservé alors qu'il n'est que de 50 % du salaire correspondant dans le dispositif actuel.

En deuxième lieu, le mécanisme doit être simple et lisible pour l'ensemble des usagers et des travailleurs sociaux. C'est pourquoi il sera identique pour les trois minima sociaux – RMI, allocation de parent isolé et allocation de solidarité spécifique – et se présentera sous la forme de primes forfaitaires, et non plus sous celle d'allocations différentielles qui, trop complexes à calculer, ne permettaient pas à l’allocataire de déterminer par lui-même ses revenus.

Enfin, il nous paraissait indispensable de trouver un mécanisme sécurisant pour les allocataires des minima sociaux qui reprennent un emploi. Ce dernier point est essentiel. Reprendre un emploi est une aventure ; c'est toujours une décision personnelle et une démarche difficile. Aussi le projet de loi prévoit-il un cumul complet du nouveau revenu de l'activité professionnelle et du minimum social pendant trois mois.

C'est aussi pourquoi le mécanisme prévu dans ce projet de loi a été défini de telle sorte que chacun puisse voir sa situation financière améliorée par la réforme de l’intéressement.

Reprendre un emploi peut générer des dépenses : frais de transport, achat de vêtements et d’équipements nécessaires, frais de restauration sur le nouveau lieu de travail, garde des enfants. Nous devons tenir compte de toutes ces charges et je voudrais souligner l'excellent travail de votre rapporteur sur le sujet.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement propose donc une prime de 1000 euros pour tous les titulaires de minima sociaux qui reprennent un emploi, au moins à mi-temps. C’est là l'extension et la pérennisation de la mesure annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale il y a six mois.

Versée au quatrième mois, cette prime sera intégralement financée par l'État. Dans un souci de simplicité, elle sera payée par l'organisme qui verse le minimum social : la caisse d'allocations familiales ou la caisse de la mutualité sociale agricole pour les titulaires du RMI ou de l’API ; l’Assedic pour les personnes titulaires de l'ASS. Elle sera versée à chaque personne du foyer reprenant un emploi. En plus de son salaire, la personne touchera ensuite pendant neuf mois une prime mensuelle de 150 euros – 225 euros lorsqu’elle a une famille. Cette prime mensuelle sera financée par les conseils généraux pour les allocataires du RMI, par l’État pour ceux de l'API et de l'ASS.

Toutes ces primes seront incessibles, insaisissables et exonérées d'impôts. Leur effet incitatif doit être complété par les mesures prises dans le projet de loi de finances pour 2006 : la prime pour l'emploi est augmentée de 50 % pour un SMIC à temps plein et de 80 % pour un SMIC à mi-temps ; un crédit d'impôt de 150 euros est instauré, notamment au bénéfice des titulaires de minima sociaux depuis plus de douze mois qui sont amenés à déménager à plus de 200 kilomètres pour reprendre un travail.

Je voudrais, mesdames et messieurs les députés, dissiper vos inquiétudes au sujet du coût de la réforme pour les conseils généraux. Depuis la loi de décembre 2003 portant décentralisation du RMI, les départements financent l'intéressement à la reprise d'emploi versé aux titulaires du RMI en application de la loi de 1998. Les paramètres mêmes de la réforme ont été définis afin de n’introduire aucun surcoût pour les conseils généraux. Son coût, évalué à environ 240 millions d’euros, sera pris en charge par l’État.

Dans l'évaluation de ce coût, il convient d'intégrer la baisse de charges qui résultera, grâce à la réforme, de la reprise d'emploi d'un nombre plus important de titulaires de minima sociaux. Nous en attendons de moindres dépenses pour les conseils généraux, qui versent le RMI, et pour l'État, qui verse l’API et l’ASS, ainsi qu'un surcroît des recettes pour la sécurité sociale.

Le nouveau dispositif se présentera de la façon suivante : une personne allocataire d'un minimum social qui reprend un emploi conservera pendant les trois premiers mois son minimum social en totalité, qui s’ajoutera à son salaire.

Ces trois mois écoulés, deux cas de figure se présentent.

Si la personne travaille au moins à mi-temps, elle touchera pendant neuf mois, en plus de son salaire, 150 euros mensuels, 225 euros si elle vit en couple ou assume des charges de famille. Au quatrième mois, une prime forfaitaire de 1000 euros lui sera versée. Par exemple, une personne célibataire allocataire du RMI qui reprend un emploi à plein temps au SMIC percevra, avec ce nouveau dispositif, 1247 euros en moyenne mensuelle – au lieu de 1098 –, soit une hausse de plus de 13,5 %. Ce dispositif prévu pour les emplois supérieurs à un mi-temps concernera plus des trois-quarts des allocataires du RMI en intéressement, plus de 80 % des allocataires de l'API et de 60 % des allocataires de l'ASS.

Second cas de figure : la personne travaille moins d'un mi-temps. Son salaire est alors insuffisant pour sortir des minima sociaux. Nous ne devons pas moins l’encourager à reprendre ce mi-temps, qui constitue la première étape d’un retour vers l’emploi à temps plein. En ce cas, les primes forfaitaires ne seront pas versées puisqu'elles réduiraient à due concurrence l'allocation différentielle et ne modifieraient en rien le revenu final de la personne. Nous conservons par conséquent le système de l'allocation différentielle, qui se cumulera partiellement avec le nouveau salaire de la personne pendant neuf mois. Une personne célibataire allocataire du RMI qui reprend un emploi à 18 heures 30 par semaine au SMIC percevra en moyenne mensuelle 768 euros au lieu de 703 euros actuellement, soit une hausse de près de 10 %.

Dans tous les cas, si un incident survient au cours de l’activité professionnelle, le minimum social sera immédiatement rétabli. Nous souhaitons en effet non seulement accompagner le retour à l’emploi, mais aussi y inciter en garantissant le minimum social en cas d’échec dans l’expérience professionnelle qui, en tout état de cause, n’en constituera pas moins un acquis.

Les personnes qui reprennent un emploi bénéficieront, en outre, d'une aide pour faire garder leurs enfants, sous la forme d'un accès aux crèches amélioré. En effet, l’un des principaux obstacles à la reprise d'emploi – je pense notamment aux bénéficiaires de l’API – est l'absence de solutions pour la garde des enfants. L'accès aux établissements d'accueil d’enfants de moins de six ans sera facilité, de façon que les parents isolés, ou ceux dont le conjoint travaille, puissent reprendre un emploi.

Enfin, en ce qui concerne l'accès au RMI, de nombreux élus, notamment ceux des régions frontalières, ont attiré l'attention du Gouvernement sur la nécessité de mieux encadrer par la loi l'attribution de l'allocation aux étrangers. Pour accéder au RMI, les ressortissants de l'Espace économique européen et de l'Union européenne devront résider en France depuis plus de trois mois. Cette condition est conforme aux directives européennes. Elle permettra de protéger les départements frontaliers contre tout afflux de demandes incontrôlé, lié à un effet d’aubaine.

Plusieurs dispositions amendent les dispositifs des contrats aidés et des chantiers d'insertion, si utiles pour accompagner le retour à l’emploi. Le Gouvernement propose, pour les détenus bénéficiant d'un aménagement de peine, de supprimer la disposition visant à limiter à deux le nombre de renouvellements du contrat d'avenir lorsque celui-ci est d'une durée inférieure à 24 mois ; de ramener à 20 heures la durée hebdomadaire minimale du contrat d'avenir pour les chantiers d'insertion – mesure réclamée par les professionnels du secteur – ; d'harmoniser la durée minimale du contrat d'avenir et du contrat d'accompagnement dans l'emploi avec la durée moyenne des placements extérieurs des personnes bénéficiant de cet aménagement de peine ; de permettre à l'Office national des forêts de poursuivre la mise en œuvre de chantiers d'insertion en milieu rural en l'autorisant à passer une convention avec l'État ; de supprimer l'obligation d'agrément pour les salariés en contrat d'avenir dans les chantiers d'insertion. Cette dernière mesure vise à alléger une contrainte administrative trop souvent imposée aux communes.

Enfin, le fonds de cohésion sociale garantit les prêts consentis aux personnes n'ayant pas accès au crédit bancaire et aux entreprises créées par les chômeurs. Nous proposons d'élargir son objet à la prise en charge de l'accompagnement des personnes qui bénéficient de sa garantie.

Ce projet de loi succinct – onze articles – se veut équitable : il instaure un même dispositif pour l'ensemble des allocataires de minima sociaux. En améliorant la lisibilité et la simplicité du dispositif, il permet aussi aux allocataires de mieux prévoir leurs revenus à venir. Il procure enfin un avantage réel, visible et attractif du revenu du travail par rapport à celui de l'assistance.

Toutes ces dispositions doivent favoriser la reprise d’activité et la réinsertion professionnelle et sociale de nos concitoyens involontairement éloignés de l'emploi. Tous les partenaires sociaux, les élus et les associations membres du Conseil national de lutte contre l'exclusion, réunis le 16 septembre sous l'égide du Premier ministre, l'ont répété : aider au retour à l'emploi est la condition absolue pour sortir de la précarité.

Mesdames et messieurs les députés, ce texte marque la volonté du Gouvernement de favoriser le retour à l'emploi de chacun. Telle est en effet la première condition de la croissance sociale. Nous avons, tous ensemble, l'obligation de réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Le projet que vous nous proposez, madame la ministre, est court, concret et efficace. Essentiellement ciblé sur le régime des minima sociaux, il s'attaque à une question lancinante, celle du retour à l'emploi.

On s’est longtemps enfermé dans l’opposition entre revenus du travail et minima sociaux. La mission présidée par Martin Hirsch avait souligné les limites d’une telle approche. Les mesures prises dans l'ordonnance du 2 août 2005 ont déjà permis quelques avancées. Ce projet de loi va plus loin.

Vous avez rappelé, madame la ministre, les principales orientations du dispositif proposé. Je n'y reviendrai pas dans le détail mais je voudrais, au-delà de l'aspect purement financier, souligner deux éléments que la commission des affaires sociales a jugés déterminants.

D'une part, il s’agit d’un dispositif simple et lisible. Le montage précédent, hérité de la loi du 29 juillet 1998, était d'une complexité sans nom. Je cite le décret d'application : « Le nombre des allocations journalières est réduit dans la proportion de 40 % du quotient par le montant journalier de l'allocation de la rémunération brute perçue, diminuée d'un montant égal à la moitié du SMIC par le nombre d'heures correspondant à la durée légale du travail. » Comprenne qui pourra !

M. René Couanau. C’est limpide !

M. Laurent Wauquiez, rapporteur. Vous substituez à l’ancien dispositif un mécanisme très clair, qui permet au bénéficiaire de minima sociaux de prévoir lui-même ce qu'il gagnera par le retour à l'emploi. Plus encore que l'incitation financière, c'est bien la clarté et la lisibilité qui sont importantes.

D'autre part, l'idée que le retour à l'emploi a un coût est pour la première fois prise en compte. Jusqu’à présent, on se contentait de comparer les gains financiers du retour à l'emploi et les revenus des minima sociaux. On oubliait les différentes charges liées au retour à l'emploi : transport pour se rendre sur son lieu de travail, acquisition d'une voiture d'occasion, apurement éventuel des dettes, garde des enfants, achat de nouveaux vêtements, etc. Ce sont autant d'obstacles éventuels pour le retour à l'emploi. En l’accompagnant financièrement pendant un an, le projet de loi offre la possibilité de le stabiliser et de le rendre durable.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, avec l'aide remarquable de ses administrateurs, a sur cette base tenté d'enrichir le texte sur plusieurs plans. Nos collègues Dominique Tian, Maurice Giro et Bruno Gilles y ont largement contribué. Notre conviction est que le retour à l'emploi doit reposer sur un véritable contrat social permettant l'équilibre entre les droits et les devoirs du bénéficiaire de minima sociaux.

Du côté des droits, la commission a travaillé sur de nouveaux points.

Tout d'abord, nous avons souhaité entamer la réflexion sur l'accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux. Le système français se caractérise encore trop souvent par le réflexe suivant : on vous met dans la case minima sociaux, puis on vous y laisse sans véritablement se soucier de mettre en place un parcours d'accompagnement personnalisé. Il faut casser cette logique, qui peut être particulièrement destructrice. Je pense notamment aux titulaires d'API qui se retrouvent à quarante ans sans que l’on ait songé à leur proposer des formations professionnelles adaptées.

Mme Patricia Adam. Ce n’est pas possible !

M. Laurent Wauquiez, rapporteur. S’agissant des titulaires de l'API, ainsi que de ceux de l'ASS, nous avons donc déposé des amendements tendant à instaurer un véritable accompagnement. Bien entendu, il ne s'agit que d’ouvrir le débat, puisque le rapport à venir des deux sénateurs, MM. Mercier et de Raincourt, devrait fournir des propositions décisives.

Nous avons souhaité saisir l'occasion que nous donne le présent texte pour supprimer également des obstacles qui rendent difficile la mobilisation de certains outils. C'est ainsi que la commission a proposé de supprimer l'exigence d'une ancienneté de six mois dans un minimum social pour accéder aux contrats d'avenir et aux contrats d’insertion dits CI-RMA. C'est le fameux délai de latence, dont on a peine à comprendre la raison. Pourquoi attendre si l'opportunité d'un retour vers l'emploi se présente dès le premier mois ? C'est tout de suite qu'il faut agir.

Dans le même esprit, nous avons également souhaité que la conclusion de CI-RMA puisse se faire sous forme de contrats à durée indéterminée, alors qu’ils ne sont possibles aujourd’hui que dans le cadre de CDD. C'est déjà possible pour les contrats initiative-emploi – CIE –, dont on peut rappeler que 76 % ont été conclus sous forme de contrats à durée indéterminée. Pourquoi, là encore, restreindre les outils disponibles pour le retour à l'emploi ? Les situations étant diverses, les outils ne doivent pas être inutilement rigides.

Enfin, nous avons voulu faciliter l'utilisation des chantiers d'insertion en permettant le recours à des contrats d'avenir à partir de vingt heures et non plus de vingt-six heures, ainsi qu'en assouplissant un certain nombre d'exigences administratives.

La commission a également souhaité ouvrir le champ du dispositif d'intéressement aux travailleurs saisonniers. Le travail saisonnier joue, en effet, un rôle important dans de nombreux départements, où il sert de sas pour le retour à l'emploi.

Par ailleurs, deux problèmes particuliers nous ont été signalés lors de rencontres avec des acteurs de terrain. Nous souhaiterions que le Gouvernement s'engage à leur apporter des réponses rapidement.

Premièrement, lorsque des titulaires de l'ASS reprennent un emploi, si cette reprise d'emploi est de courte durée, ils ne pourront bénéficier à nouveau de l'ASS après leur reprise d'emploi. C'est un facteur d'incertitude inutile qui décourage les bénéficiaires de cette allocation, notamment lorsqu'ils sont âgés, de se lancer dans le retour à l'emploi.

Deuxièmement, certaines mesures de neutralisation ou d'abattement peuvent être remises en cause en cas de reprise d'activité, même très courte, et le remboursement des sommes indues peut même être exigé. Pourquoi maintenir des mesures aussi complexes ? C’est difficilement compréhensible. Au nom de quoi rendre si ardu le retour à l'emploi, au point même que la sécurité, le « statut », pour reprendre le terme consacré, semble être aujourd'hui du côté des minima sociaux et non du retour à l'emploi ? Ces complexités administratives doivent être levées.

J’y insiste, madame la ministre : vos réponses seront très attendues.

Enfin, la commission a travaillé, en lien étroit avec vous, sur les modes de garde pour les parents bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi. C'est trop souvent là que se situe le verrou majeur pour la reprise d'un travail. Il faut donc traiter le problème, mais en évitant de créer des systèmes de priorité ou d’opposer différents publics entre eux.

Voilà, pour les droits.

Mais la commission a également estimé qu'en contrepartie des droits, il fallait rappeler les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux. Dès lors que l'on se dote d'un système très incitatif sur le plan financier, que l'on met en place un parcours d'accompagnement, que l'on facilite le recours aux contrats aidés, on a aussi le droit d’être exigeant et de contrôler les abus éventuels. Il ne s'agit pas de tomber dans l’assimilation facile et démagogique entre fraudes et minima sociaux, mais seulement de rappeler un principe de bon sens qui devrait fonder notre protection sociale : il n'y a pas de système de protection sociale généreux sans un minimum de responsabilisation et sans équilibre entre droits et devoirs.

Nous proposons un système adapté à la diversité des situations : fraudes organisées à l'identité qui s'apparentent à de l'escroquerie, bénéficiaires de minima sociaux qui ont en même temps un travail non déclaré ou, plus simplement, titulaires de minima sociaux qui ne respectent pas les exigences de leur contrat d'insertion. Le but est de créer des outils efficaces. C'est pour cette raison que le régime a été adapté à la situation de ceux qu'il concerne, adapté mais surtout proportionné. La commission a donc tenu à atténuer les sanctions en vigueur, en réduisant les sanctions pénales et en établissant un régime alternatif d'amendes administratives. C'est aussi une mesure d'équité pour tous ceux qui font l'effort d'un retour vers l'emploi.

Il serait faux de prétendre que ce projet de loi constitue la grande réforme d'ensemble des minima sociaux. Il ne faut pas perdre de vue l'objectif final qui, à terme, est bien d'harmoniser les trois minima sociaux pour aboutir progressivement à une seule prestation. Il faudra également traiter la question des droits connexes pour supprimer ces niches d'injustice qui caractérisent le système français, avec un double effet : le retour à l'emploi semble un parcours incertain pour les bénéficiaires de minima sociaux, tandis que les salariés qui ont de petits revenus ont le sentiment que le travail ne paye pas. Plusieurs rapports parlementaires en cours nous aideront à aborder ces questions. L'Assemblée nationale jouera alors pleinement son rôle.

Madame la ministre, il s'agit du premier étage d'une fusée, vous l'avez souvent rappelé, un premier étage utile et efficace, mais rien n'interdit de le « booster » en sortant de la seule approche financière. C'est ce qu’a fait la commission. On peut rêver de grands soirs ; on peut aussi se dire qu'un projet de loi ciblé et efficace peut rendre de grands services. C'est le cas du vôtre. À nous de faire vivre ce contrat social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 3,3 millions de nos concitoyens vivent des minima sociaux, que ce soit de l'allocation de parent isolé, du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de solidarité spécifique. Parmi les 1,2 million d’allocataires du RMI, un tiers le sont depuis plus de cinq ans.

Ces minima restent incontournables dans la lutte contre la pauvreté, mais leur impact en matière de retour à l'emploi reste très en deçà de ce que nous pourrions en attendre. On sait bien que tous les revenus minimaux expérimentés en Europe, les Minimex, RMI, RMG, ont en partie échoué dans l’œuvre de réinsertion qu'ils s'assignaient, pour ne pas avoir su régler la question de l'articulation nécessaire entre obligation, contrat et bénévolat. La plupart du temps, ils ont enfermé les populations dans la « trappe » du chômage. Ils ont aussi échoué au regard des salariés modestes qui se sont sentis « oubliés ».

Nous ne pouvons pas, mes chers collègues, accepter cette situation. Ce n’est pas l’esprit qui anime les députés issus du gaullisme, très attachés à sa dimension sociale. Nous ne pouvons pas accepter de « faire avec », de nous en satisfaire, ni d’attendre parce que, avec le temps, la situation ne s’arrange pas et ne s’arrangera pas.

Nous ne pouvons pas continuer ainsi, d'une part, parce que le chômage est ressenti comme une perte de statut dans cette société où le travail reste la première forme de « reconnaissance d'une utilité sociale, voire d'une reconnaissance vitale » ; d'autre part, parce que nous ne pouvons prendre le risque de voir les titulaires de minima et les salariés modestes séparés chaque jour un peu plus par un abîme de préventions. Si pour beaucoup d’entre nous, le RMI, par exemple, est le légitime subside qu'une société doit garantir aux défavorisés, pour certains salariés modestes, dont les conditions d'existence ne sont guère plus aisées, c'est un système de faveur dans lequel trop d'individus se complaisent. Le différentiel entre le RMI et les bas salaires a, certes, augmenté depuis la création du dispositif, notamment ces dernières années, mais cela n’empêche pas que grandisse, au sein même des couches sociales les plus défavorisées, le ressentiment de ceux qui travaillent envers ceux qui bénéficient d'une aide sociale. Qu'on le veuille ou non, cela pose un grave problème politique.

L’esprit de ce projet de loi, comme l’a très bien résumé le rapporteur, est de revoir, sans attendre, le dispositif d'intéressement des minima sociaux à la reprise de l'emploi, dont on sait désormais qu'il est beaucoup trop complexe et que, partant, il a été sous-utilisé par les allocataires de minima sociaux. Seuls 12,5 % des allocataires du RMI en ont bénéficié en 2004.

Le Gouvernement a confié à deux de nos collègues sénateurs, Henri de Raincourt et Michel Mercier, la mission d'étudier l'ensemble des questions relatives aux minima sociaux. Mme Valérie Létard, également sénatrice, a rendu un premier rapport de la mission d’information de la commission des affaires sociales du Sénat ; elle en prépare un second. C’est dire si le thème préoccupe les parlementaires. Mais le Premier ministre a tenu à ce que la réforme de l'intéressement s'engage le plus rapidement possible. C’est donc au premier volet…

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. D’un travail plus global !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. …au premier pan d’un ensemble, effectivement, que nous nous intéressons aujourd’hui. Des compléments suivront.

Il existe aujourd'hui, en France, un consensus sur la nécessité de rendre ce système plus performant en rendant le revenu du travail plus attractif que celui des allocations. Il faut encourager ceux qui font le pas vers le retour à l'emploi et parvenir à établir une vraie distinction entre les revenus correspondant à l’assistance, à l’insertion en cours et à l’insertion réussie.

Le nouveau dispositif d'intéressement sera le même pour les trois minima sociaux. La période de cumul entre salaire et perception du minimum social aura, pour tous, la même durée. Les variations s'opéreront ensuite selon la durée des emplois et celle du temps de travail, selon que celle-ci excédera ou non 78 heures par mois.

Le dispositif proposé sera immédiatement décryptable pour le titulaire d'un minimum social, et permettra, dès le premier mois du passage à l'emploi, la perception d'un revenu plus incitatif.

Un autre progrès tient à la prise en charge des frais induits par la reprise de l'activité – coût des transports, des repas et d'éventuels nouveaux vêtements – via la prime de 1 000 euros, qui aura, nous l’espérons, un effet décisif.

Nous avons eu des débats très approfondis en commission à ce sujet. Notre préoccupation majeure a été de faire en sorte que ce système d'intéressement « colle » bien à la réalité des situations.

C'est ainsi que nous nous sommes interrogés sur la meilleure manière de concevoir l'accès aux modes de garde pour les parents d'enfants en bas âge, que nous avons souhaité améliorer l'accompagnement des titulaires de l'API, que nous avons prévu les possibilités de cumul avec les revenus tirés de travaux saisonniers.

La question du contrôle a, elle aussi, été abordée, car c'est aussi la lutte contre les abus qui permettra à l'État d'améliorer ses efforts envers tous ceux, si nombreux, qui ont besoin d'être aidés. Notre rapporteur, dont je tiens à saluer la qualité du travail, nous a proposé une harmonisation des sanctions. Je crois que nous avons abouti à un régime à la fois équitable et efficace.

Mes chers collègues, notre pays connaît, sans rémission depuis des années, une extension de la pauvreté et de l’exclusion à grande échelle, qui conduit à la rupture de la cohésion sociale, à la violence et au désespoir. À cette grave évolution, nous sommes bien convaincus qu'il ne pourra être apporté de remède aussi longtemps qu'on ne fera pas tout pour remettre les gens sur le chemin du travail et pour surmonter la dichotomie dangereuse entre travail et assistance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vais suspendre la séance pour quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

Cette motion devait être soutenue par M. Maxime Gremetz. Je l’ai fait chercher dans tous les salons, j’ai fait appeler le groupe communiste. M. Gremetz n’est pas là ; je considère donc que la motion n’est pas soutenue.

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

Je vous rappelle, chers collègues, que la Conférence des présidents a fixé à quarante-cinq minutes la durée maximale de l’intervention.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la précarité n'est pas un phénomène provisoire, comme l’a rappelé le président Dubernard, et ses effets sont sans appel pour ceux qui la subissent. Leur vie, leur survie parfois, est tributaire des décisions prises en matière de solidarité nationale et locale.

Cette précarité n'est malheureusement pas l'apanage des personnes privées d'emploi. Ce que l'on appelle « les formes particulières d'emploi » concerne près de trois millions de personnes. D'après l'INSEE, on dénombrerait plus d'un million de travailleurs pauvres. On y retrouve un pourcentage important de femmes qui, pour certaines, ont occupé un emploi toute l'année.

Il faut donc être très prudents quant aux mesures que vous souhaitez mettre en place, madame la ministre, et nous rappeler que l'accès au travail partiel aura deux effets contradictoires, l'un certes de diminuer le nombre des chômeurs comptabilisés, l'autre, hélas, d'augmenter le nombre des travailleurs précaires. Vous me répondrez que c'est pour cette raison que vous avez manifesté la volonté de n'ouvrir l'accès à l'intéressement que pour les emplois dont la durée mensuelle du travail est égale ou supérieure à 78 heures. Mais lorsque les primes auront disparu, lorsque la personne se retrouvera dans une situation normale, l'employeur augmentera-t-il le nombre d'heures travaillées et les salaires ? Certes, nous ne pouvons le savoir, mais ne pourrait-il y avoir une incitation forte auprès des employeurs ?

Actuellement, il est bon de rappeler qu'un mécanisme d'intéressement existe déjà pour les bénéficiaires des minima sociaux – API, RMI, ASS –, de cumul dégressif pendant une période déterminée. Un cumul est donc possible entre prestations et revenus d'activité. Ce dispositif, reconnaissons-le, n'est pas simple, et la notion de prime forfaitaire est beaucoup plus facile à intégrer. Qu'il soit exigé un délai de quatre mois pour être éligible à la prime de retour à l'emploi ne correspond pas à l'ambition affichée de faire entrer ou rentrer 80 % des bénéficiaires du RMI dans ce dispositif. Ce délai, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, doit se comparer à la durée moyenne des contrats en intérim inférieurs à deux semaines. Mais c'est surtout au moment où l'on ressort de chez soi que s'imposent des dépenses et ce ne sont pas les versements des minima sociaux dans les mois précédents qui auront permis à ces familles de faire quelques économies.

Dans nos départements, nous le savons tous, les transports collectifs n'assurent pas toujours les déplacements domicile-travail. Quant à l'objectif de trouver un logement à proximité de son 1ieu de travail, c'est presque mission impossible, tant les logements sont rares et les cautions exigées trop élevées. Ce délai de quatre mois nous semble donc trop long.

Dans l'exposé des motifs, et nous en sommes d’accord, vous affirmez que l'actuel mode d'intéressement est trop complexe, mais vous le conservez pour tous ceux qui travailleront moins de 78 heures. Deux systèmes cohabiteront donc. La lisibilité que vous vouliez instaurer est déjà, dans ces conditions, mise à mal tant pour les travailleurs sociaux que pour les bénéficiaires, et il sera difficile de s'y retrouver.

En ce qui concerne le RMI, je rappellerai que le Gouvernement a mis en place le RMA début 2004, puis le contrat d'avenir. Or, en juin 2005, soit un an et demi après sa mise en place, le contrat d’insertion du RMA ne concernait que 2 500 allocataires.

Nous avions fortement critiqué, à juste titre, certaines dispositions du texte créant le RMA. Je ne reviendrai pas sur les débats de l'époque, rappelant seulement que le code du travail avait été fortement écorné. Les corrections que vous y avez apportées et qui correspondent aux remarques que nous avions formulées permettront sans doute à plus de Rmistes d'y avoir recours.

Quant au contrat d'avenir, il semble avoir des difficultés à démarrer. Finalement, sur 1 240 000 allocataires du RMI, 10 % environ bénéficient d'une mesure d'aide à l'emploi – intéressement CI-RMA, contrat d'avenir. D'ailleurs, à ce sujet, on ne voit aucune justification à ce que les contrats aidés soient exclus du mécanisme d'intéressement et d'incitation. Là encore, les personnes les plus en difficulté ne doivent pas être oubliées par ce dispositif.

On se demande d’ailleurs pourquoi plus de bénéficiaires des minima sociaux n'en ont pas fait la demande. Il serait intéressant, madame la ministre, de disposer d’une étude qui nous permettrait de faire le point en toute transparence sur les obstacles possibles.

En ce qui concerne la durée minimum de quatre mois, je voudrais savoir si des contrats de courte durée pourront être cumulés en dehors des travaux saisonniers et dans quelles conditions. Il est difficile d'enchaîner contrat sur contrat, sauf pour ceux qui ont fait le choix volontaire de ne travailler qu'en intérim. Quant à ceux qui bénéficient de contrats de plus longue durée, ils sont souvent embauchés de façon normale dans l'entreprise, pour laquelle cette période d'intérim n'a été qu'une période d'essai légalement prolongée.

Madame la ministre, je sais que vous ne partagez pas le sentiment de ceux qui affirment que le chômage serait volontaire et que les bénéficiaires des revenus sociaux préfèrent s'en contenter plutôt que d'accepter un emploi. Et j’aimerais que vous marquiez votre désaccord. À croire que, dans les permanences parlementaires, nous ne rencontrons pas les mêmes personnes… Nombreuses sont celles à qui on répond « pas assez d'expérience », « pas de formation », « trop diplômé », quand le refus n'est pas basé sur des critères d'adresse ou de couleur de peau. Je regrette qu'à partir de cas isolés on stigmatise une partie de la population et qu'on oublie que, derrière ces sigles de RMI, API, ASS, qui nous sont familiers, se cache la détresse de ceux qui en bénéficient. Culpabiliser ces populations ne revient-il pas à tenter de faire oublier l'échec du Gouvernement en matière de mise en œuvre d'une politique créatrice de croissance et d'emplois apte à diminuer le nombre d'allocataires du RMI, comme cela fut le cas en 2000 et 2001 pendant le gouvernement Jospin ?

J'ai tendance à penser que la différence entre le montant du RMI, soit 425 euros pour une personne seule, et le montant du SMIC pour un emploi à temps plein, qui souligne l'attractivité du revenu du travail par rapport à celui de l'assistanat, est assez incitative : encore faudrait-il revoir les allocations annexes. S'il doit y avoir une incitation, c'est d'abord vers les employeurs qu'il faut se tourner, car c'est à eux qu'il revient de proposer des emplois à temps plein et de rémunérer le travail à sa juste valeur.

Mais l'absence d'emploi dans notre société est tellement dévalorisante qu'elle entraîne repli sur soi, perte de confiance, sans oublier les problèmes de santé, de logement, auxquels se mêlent souvent des problèmes familiaux. Aussi, le retour à l’emploi est-il moins facile qu’on ne le croit. Est-on sûr que, dans le cadre de ce retour à l'emploi, il ne leur sera pas proposé des contrats de travail indignes en termes d'horaires, de rémunération, de conditions de travail, qu'ils seront, malgré eux, amenés à accepter, faute d'avoir d'autres solutions ? Les inspecteurs du travail pourront-ils y être attentifs ? Pourront-ils faire appel à une personne référente responsable des quatre premiers mois de reprise du travail ?

Ce n'est pas un hasard si le nombre de bénéficiaires du RMI a augmenté de 200 000 en un an, bien qu’il semble y avoir actuellement une stabilisation. À la conjoncture économique que nous connaissons se sont ajoutées les restrictions successives apportées à l'indemnisation du chômage et notamment la nouvelle convention UNEDIC 2004-2005.

Comment vont se conclure les négociations actuelles sur le renouvellement de la convention UNEDIC, quand on sait que le MEDEF prône, entre autres, une baisse de l'indemnisation et un durcissement des conditions d'application ? Les départements ont déjà payé le coût du désengagement de l'État et doivent, par une politique d'aide sociale, pallier l'échec du Gouvernement à mettre en œuvre une politique capable de créer croissance et emploi.

Pourquoi avoir fixé le seuil de 78 heures ? Dans l'exposé des motifs, il nous est expliqué qu'il s'agit de fixer une durée suffisante pour assurer l'autonomie financière des salariés. De fait, vous reconnaissez que toutes les nouvelles formes de travail à temps partiel, très partiel même, les CDD de courte durée, ne peuvent pas donner à ces salariés les moyens de vivre décemment. Alors, pourquoi cherchez-vous tant à favoriser le temps partiel dans toutes vos propositions favorisant l'emploi ? En réalité, n'y a-t-il pas à travers ce gros mi-temps, comme disent certains, la recherche d'un lien avec les classifications UNEDIC ?

Si je salue la décision d'insaisissabilité, encore faudrait-il avoir des assurances des organismes bancaires. J'avoue avoir été étonnée et choquée par l'annonce des sanctions. Effectivement, il peut y avoir des tricheurs, et M. de Courson avait en son temps signalé leur faible nombre, mais encore faudrait-il qu'il y ait concordance entre la gravité des faits et la sanction envisagée. Si la fraude aux minima sociaux représente moins de 1 % des versements, si la CNAF multipliant ses contrôles annonce que la plupart des indus concernent des allocataires de bonne foi, pourquoi les montrer du doigt ? Les comportements répréhensibles peuvent être d'origine intentionnelle et, comme tels, ils doivent être sanctionnés. Mais, nous le voyons souvent dans nos circonscriptions, ils sont liés à la complexité des dispositifs ou à l'absence de lisibilité de ces derniers, ce dont nous avons parlé tout à l'heure. Dans ces conditions, les sanctions doivent reposer sur un régime répressif non homogène adapté et proportionné à la nature de l'infraction. Cette sanction, sous la forme d’une amende prévue à hauteur de 4 500 euros, est démesurée, disproportionnée et ouvre la porte à la spirale du surendettement, si elle n’est déjà enclenchée. Pensons que les ressources mensuelles de ces personnes s'élèvent à 650 euros…

Le développement de la monoparentalité explique l'accroissement du nombre d'allocataires de l’API, l'allocation de parent isolé. Cette configuration familiale est un facteur important de pauvreté, dans un contexte où les bas salaires et le travail à temps partiel concernent essentiellement les femmes. Les modes de garde des enfants constituent une difficulté importante pour les familles, quel que soit leur niveau de revenu, mais a fortiori pour les femmes ayant seules les enfants à charge. C'est souvent, vous l’avez dit, madame la ministre, un obstacle majeur à la reprise du travail.

La priorité pour une place en crèche me paraît à première vue une bonne idée, sachant qu'en 2003 le nombre de places en accueil collectif est en moyenne de dix places pour cent enfants en France métropolitaine, avec des taux d'équipement variables selon les régions. Nous savons tous combien les listes d’attente sont longues dans chaque structure.

J'admets que certains de nos collègues préfèrent parler de places réservées ou adaptées plutôt que de priorité, l'essentiel étant que la jeune mère ne soit pas amenée, faute de solution, à refuser une embauche près de son domicile. Mais comment demander aux structures d'accueil de réserver des places en attendant la mise en œuvre de contrat de retour à l'emploi quand on sait que les CAF basent leur dotation sur le taux d'occupation ? Tous les modes d'accueil doivent être concernés mais, malheureusement, en zone rurale où, déjà, les emplois sont rares, les transports en commun mal adaptés aux besoins de proximité, il faut souvent se tourner vers des voisines sans agrément. Sans aide financière spécifique, il s'agira de s'arranger entre proches par un paiement occulte. La question du développement volontariste des accueils collectifs et de leur mode de financement reste posée.

Enfin, madame la ministre, nous avons évoqué en commission la question de l’accueil en maternelle en cours d’année. Il est difficile d’y faire entrer les enfants au-delà du mois de janvier ou de trouver une place en crèche. C’est un problème dont vous devriez vous entretenir avec le ministre de l’éducation nationale.

S’agissant du retour à l’emploi, il ne se pose pas simplement en termes d'aide financière. Comment les personnes concernées vont-elles trouver un emploi, en sachant que la plupart d'entre elles sont des personnes à faible employabilité ? Concrètement, quels dispositifs prévoyez-vous en termes d'accompagnement vers l'emploi ? Quels moyens et quelle place pour les maisons de l'emploi ? Comment espérer redonner un emploi stable dans un pays où les créations d'emplois demeurent faibles ? Le chômage, et plus largement le sous-emploi, n'ont pas franchement amorcé une grande décrue. Il ne suffit pas de dire qu'il existe 300 000 à 500 000 offres d'emploi non pourvues pour que les chômeurs les plus précaires soient embauchés et possèdent la qualification requise pour occuper les emplois proposés. Au-delà du chômage lui-même, le travail à temps partiel doit être pris en compte pour mesurer pleinement la demande réelle de travail, tandis qu'à terme la réduction de la population active se profile.

L'emploi industriel continue à diminuer, il suffit de lire régulièrement la presse pour en être convaincu. Quant aux créations de petites entreprises ou même de très petites entreprises, on sait malheureusement qu'elles ne sont pas supérieures aux cessations d'activités : elles font jeu égal.

Restent alors les services à la personne, dont vous attendez beaucoup en termes de créations d'emplois mais qui soulèvent, vous le savez, de nombreuses questions, notamment dans les associations.

Le temps de travail, avec une majorité de temps partiel, les horaires, les salaires peu attractifs sont des écueils pour un développement de l'emploi conforme aux attentes exprimées et pour un retour à l'emploi durable. Sans parler de la solvabilisation, qui est loin d'être acquise.

Il faut ainsi poser la question de l’utilité sociale qu’il y a à transformer en services marchands – au bénéfice des catégories les plus favorisées – des tâches effectuées auparavant dans la sphère domestique.

La réflexion de l'Association des départements de France quant aux risques de dérapage du nouveau dispositif me paraît très pertinente. Nous souhaitons que le processus d'intéressement ne favorise pas le temps partiel et qu'il ne soit pas une aubaine pour un employeur peu scrupuleux qui prendrait prétexte de la prime pour moins rémunérer le nouvel employé. Peut-il, là aussi, y avoir des garde-fous ?

Madame la ministre, vous savez combien les bénéficiaires du RMI entrés depuis plusieurs années dans le dispositif sont éloignés de l'emploi. Ceux d’entre eux qui essayent par le biais de chantiers d'insertion de revenir dans le monde du travail auront-ils accès à ces nouvelles mesures ?

Le régime du travail a changé, les statuts d'emploi se sont diversifiés, ébranlant notre système de protection sociale, dont le financement repose sur l'emploi stable. Le chômage réduit les recettes de l'assurance-chômage et augmente les dépenses d'indemnisation, de sorte que, in fine, les réformes successives ont abouti à un nombre croissant de chômeurs non indemnisés.

Pour sauvegarder un système de plus en plus déséquilibré, face à la croissance des inégalités devant l'emploi et le revenu qui porte atteinte aux principes qui fondaient l'accord social et politique, on a mis en place des mesures sans cohérence avec les autres éléments de la protection sociale.

Certains, devant le constat de la diversité des règles qui régissent les divers minima sociaux destinés aux personnes d'âge actif, face à l'incohérence et au manque de lisibilité du système de redistribution sociale et fiscale pris dans son ensemble, préconisent une prestation universelle.

Une mission chargée d'étudier la réforme des minima sociaux a été confiée à deux sénateurs, également conseillers généraux, MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier. Leur rapport devrait être connu dans les jours qui viennent. Pourquoi, dans ces conditions, madame la ministre, ne pas avoir attendu quelques semaines pour comparer leurs analyses avec les propositions faites par M. Hirsch dans un rapport demandé par le Gouvernement ? Ne pourriez-vous prendre le temps d'une meilleure concertation ? Comment voulez-vous que nous acceptions de nous prononcer sur ce texte qui fait une large place à des décisions par décret, alors même qu'une seconde partie traitant des droits connexes en a été retranchée sans que l’on sache pourquoi ? Quelle est l'intention du Gouvernement en la matière ?

Plus on analyse vos propositions, moins on les trouve aptes à redonner espoir à nos compatriotes. Comment peut-on franchement espérer faire entrer 80 % des bénéficiaires des minima sociaux dans ce dispositif ? Pourquoi ne pas avoir travaillé en amont avec les grandes associations – la FNARS, l’UNIOPSS – et les conseils généraux qui connaissent bien ce public ?

Vous savez combien il est difficile de réinsérer les chômeurs de longue durée, quel que soit leur statut. L'accompagnement social, l'accompagnement dans le milieu du travail sont donc indispensables : nous l'évoquions hier lors de la réunion du Conseil national de l’insertion par l’activité et l’économie.

Vous savez aussi combien ces trajets d’insertion peuvent être longs. Il ne suffit pas d'un référent dans les CAF ou les cellules des conseils généraux constituées pour recevoir les titulaires du RMI. Vous n'avez pas prévu leur financement. Aucune étude d'impact n'a été fournie.

Tout ceci donne l’impression d'une loi bâclée dans la seule idée de donner aux Français un « signe fort », selon l'expression à la mode. Plutôt que de voir le Gouvernement donner à répétition des signes sans lendemain, ceux-ci préféreraient que vous leur donniez un travail digne, qui leur assure l'indépendance financière. Tous les bricolages ont leurs limites. La cohésion sociale, à laquelle nous tenons tous, ne résistera pas longtemps aux faux-semblants.

C’est pourquoi nous vous demandons, madame la ministre, de reprendre ce travail à la lumière des rapports des sénateurs et de M. Hirsch, des réflexions des grandes associations.

Devant les interrogations soulevées par ce texte dans son principe et dans son application, les élus socialistes pensent qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un texte qui, en l'état, porte plus sur la suspicion à l'égard des bénéficiaires que sur la précarité dont ils sont victimes. Il n'est pas porteur d'espoir.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la députée, j’ai écouté très attentivement les observations que vous avez formulées à l’appui de la question préalable. Je n’y ai, à vrai dire, trouvé que des arguments en faveur d’un examen immédiat de ce texte.

Votre constat était complet, et vous avez bien voulu souligner que ce projet introduit un système plus simple et plus lisible, ce dont je vous remercie. Comme vous, je pense que la majorité des allocataires sont des gens qui cherchent à retrouver un emploi. Leur permettre d’avoir un système plus incitatif me paraît tout à fait important.

Je voudrais d’ores et déjà apporter quelques-unes des précisions que vous souhaitiez. La prime forfaitaire mensuelle de 150 ou 225 euros pour les familles ne sera servie que pour les personnes qui reprennent un emploi au moins à mi-temps, et ce pour encourager précisément les reprises d’emploi les plus importantes. Toutefois, il nous semblait important que chaque heure travaillée apporte un supplément, et c’est pour cela que nous avons proposé un mécanisme d’intéressement pour tous ceux qui travaillent au moins de 78 heures par mois. C’est un dispositif qui correspond dans notre esprit à une première approche, au premier étage de la fusée, et il nous semble indispensable d’avancer encore.

Je partage votre combat contre le temps partiel subi et je tiens à signaler que nous avons envisagé le cumul des heures travaillées pour l’obtention d’un mi-temps ouvrant droit à la prime de 1 000 euros, puis à la prime forfaitaire mensuelle. Cette disposition est par ailleurs cohérente avec notre plan de services à la personne.

C’est pour toutes ces raisons, mesdames et messieurs les députés, que le Gouvernement est défavorable à la question préalable défendue par Mme Hélène Mignon en application de l’article 91 du règlement de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. La question préalable que vous posez, madame Mignon, est en définitive la suivante : faut-il légiférer ? Or vous n’avez cessé d’évoquer les blocages dont souffre le système.

L’urgence ? Tous les orateurs qui se sont succédé et vous-même avez indiqué qu’il y avait urgence, en insistant sur le nombre de Rmistes et sur les difficultés actuelles pour retrouver un emploi.

L’efficacité et la simplicité du système ? Vous avez vous-même répondu qu’il n’était ni efficace ni simple.

La réforme des minima sociaux ? vous avez également admis qu’elle était tout à fait nécessaire.

Vous n’avez donc cessé, dans un temps assez court et tout en posant des questions auxquelles la ministre a répondu, de faire entendre que plus vite nous allions légiférer, mieux ce serait.

Vous n’apparaissiez donc guère convaincue par votre démonstration et nous rejetterons évidemment cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Le groupe communiste votera la question préalable pour plusieurs raisons.

Il faut bien sûr légiférer pour permettre un retour à l’emploi. Mais quel emploi, madame la ministre ? Il s’agit à nouveau d’emplois précaires, à temps partiel, sous-payés et exercés dans des conditions de travail regrettables. Or les bénéficiaires du RMI ou d’autres allocations veulent aujourd’hui retravailler, mais dans des emplois durables, où ils sont formés, bien payés, et qui leur offrent la possibilité de faire des projets.

Pourtant, que constatons-nous ? Que parmi les gens qui dorment aujourd’hui dans les rues ou dans les centres d’accueil pour SDF, beaucoup sont des personnes qui travaillent, mais pour des salaires qui ne leur permettent ni d’obtenir un logement ni d’assurer la garde d’un enfant, ce qui les condamne à la grande pauvreté.

M. Dominique Tian. Il faut donc légiférer au plus vite !

Mme Muguette Jacquaint. Nous voulons revaloriser le travail. Or il n’en est pas question dans votre texte. Revaloriser le travail implique de reconnaître la qualification, la formation et le droit à une bonne rémunération. Ce sont ces emplois-là qui ramèneront les chômeurs Rmistes sur le chemin du travail.

Après la venue de M. Sarkozy à La Courneuve, deux entreprises ont promis des emplois. En guise d’emplois, PSA a remercié 648 intérimaires et Carrefour, malgré les bénéfice du groupe, annonce aujourd’hui 1 500 suppressions d’emplois.

Alors, j’ai beau être d’accord avec l’idée de remettre les chômeurs sur le chemin de l’emploi, ce n’est malheureusement pas ce texte qui va le permettre. C’est pourquoi je voterai la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Comme chacun d’entre nous, je pense qu’il y a urgence à travailler sur les minima sociaux, quand notre société compte six millions d’exclus et un million de travailleurs pauvres. Il y a urgence à clarifier un enchevêtrement de textes, empilés au cours des années les uns sur les autres, sans que personne ne s’y retrouve plus aujourd’hui.

Mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Et malheureusement, c’est ce qui a suscité la démission de MM. Mercier et de Raincourt, qui ont renoncé à leur mission, cette mission dont tout le monde parle, à cause de la trop grande hâte du Gouvernement et de sa manière d’aborder les choses par le petit bout de la lorgnette.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. C’est un scoop ?

M. Francis Vercamer. Il aurait mieux valu adopter un schéma général pour réformer l’ensemble des minima sociaux. C’est d’ailleurs ainsi qu’a procédé M. Borloo dans son plan de cohésion sociale.

Ce texte, c’est vrai, est incomplet. Il ne traite que de la prime, sans aborder la question de l’accompagnement, ni celles de la remise à plat des minima, des droits connexes ou des facteurs déclencheurs de l’exclusion. Pas un mot sur les maisons de l’emploi, qui constituent pourtant l’un des piliers de la loi de cohésion sociale. Rien sur la discrimination – le mot était pourtant ce matin encore sur les lèvres du Président de la République et du Premier ministre –, alors que le projet introduit une inégalité entre les salariés et les bénéficiaires de la prime de retour à l’emploi, du fait de l’importante différence de revenus au cours des douze premiers mois. La question du lissage de la prime n’est abordée que négligemment, mais l’on a surtout oublié de réhabiliter la valeur travail. Pire : on semble jeter la suspicion sur les allocataires des minima sociaux, en prétendant, sans se poser la question de leur employabilité, qu’il suffirait de leur octroyer une prime pour les remettre au travail.

Le groupe UDF ne votera pas pour autant la question préalable, car nous espérons pouvoir améliorer ce texte en l’amendant lors de la discussion. Si ce n’était pas le cas, nous en tirerions les conséquences qui s’imposent à la fin du débat.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Je soutiens évidemment la question préalable. Nous sommes surpris de la tournure prise par les événements, et je ne pense pas seulement à l’annonce que vient de faire mon collègue Vercamer. En effet, ce texte s’intitule « Retour à l’emploi et développement de l’emploi » alors qu’aucune mesure n’est prise pour que l’emploi redémarre dans ce pays. Nous constatons aujourd’hui une stagnation du pouvoir d’achat, l’incapacité des pouvoirs publics à agir sur l’évolution du nombre de Rmistes, qui n’a cessé d’augmenter de façon exponentielle depuis maintenant près de trois ans. Nous constatons également, fait aggravant, que les demandeurs d’emploi de longue durée, au chômage depuis plus de trois ans, sont de plus en plus nombreux : plus 9,3 % durant la dernière année. Autant de signes qui montrent qu’il n’y a absolument pas de « retour à l’emploi ».

En réalité, derrière le titre de ce projet de loi se cache une réalité inquiétante. En effet, non seulement une famille ne peut plus vivre aujourd’hui en France si elle n’a pas deux salaires, ce qui est déjà un problème, mais aussi et surtout on ne peut pas vivre si l’on ne cumule pas des minima sociaux avec un travail, fût-il partiel, fût-il limité dans le temps. La réalité est là : on ne peut plus vivre aujourd’hui simplement avec un minimum social ou avec un bas salaire. C’est la fameuse théorie des travailleurs pauvres. Malheureusement, il y a aujourd’hui en France environ quinze millions de personnes qui ne vivent plus correctement, qui ne peuvent subvenir de façon régulière à leurs besoins quotidiens essentiels en matière de logement, de nourriture, et ne peuvent mener une vie sociale digne.

Nous sommes donc très surpris de l’intitulé de ce texte, dit de « Retour à l’emploi », et du fait qu’il nous soit présenté comme le premier étage d’une fusée dont nous ne connaissons pas les autres étages. On nous dit qu’il est une partie seulement d’une vaste stratégie dont nous n’aurons connaissance que dans quelques semaines ou quelques mois , si tant est que cela soit le cas puisqu’il semblerait que les autres étages de la fusée aient déjà explosé en plein vol.

Enfin, sur la forme, tout cela se fait dans la précipitation. Nous avons examiné le texte la semaine dernière, et nous découvrons aujourd’hui que les associations d’insertion et les conseils généraux n’ont pas été consultés. De plus, certaines dispositions concernent directement la politique familiale, mais les CAF n’ont pas été consultées non plus alors même que le Gouvernement s’apprête à restreindre leurs effectifs et leurs moyens d’action sociale. Comment pourrez-vous demain mettre en œuvre une politique d’accueil et de garde des enfants pour les plus défavorisés si, par ailleurs, vous réduisez les moyens de ces structures ?

Pour toutes ces raisons, et pour beaucoup d’autres sur lesquelles nous reviendrons, le groupe socialiste votera la question préalable.

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n’est pas adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder la discussion générale, je voudrais donner les précisions suivantes.

Avant la fin de l’intervention du président de la commission des affaires sociales, j’ai demandé aux huissiers de séance de prévenir M. Gremetz qu’il allait pouvoir soutenir l’exception d’irrecevabilité. Les huissiers ont fait le tour des salles contiguës à l’hémicycle et m’ont prévenu qu’ils ne le trouvaient pas.

Comme il n’y avait aucun député communiste en séance, j’ai demandé aux huissiers de séance de prendre contact avec les services du groupe communiste afin qu’ils préviennent M. Gremetz. Il leur a été répondu que l’on ne savait pas où était M. Gremetz.

A la fin de l’intervention du président de la commission, j’ai suspendu la séance pour permettre à M. Gremetz de rejoindre l’hémicycle. J’ai attendu et j’ai constaté moi-même, ayant fait le tour des différents salons autour de l’hémicycle, que M. Gremetz n’était pas là. J’ai donc repris la séance et j’ai considéré, conformément à notre règlement, que l’exception d’irrecevabilité n’était pas soutenue.

Je donne ces précisions pour qu’il n’y ait pas tout à l’heure le moindre incident et je vous demande d’en prendre acte. Je vous remercie.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Dans un contexte socio-économique particulièrement difficile pour nombre de nos concitoyens, les gouvernements qui se sont succédé depuis bientôt quatre ans ont aboli tous les dispositifs d’emploi aidé. Ils ont, certes, été conduits à en proposer d’autres, reconnaissant ainsi de fait que la politique précédemment engagée était nécessaire. S’il est vrai qu’il fallait améliorer les dispositifs mis en place par le précédent gouvernement, il n’y avait pas lieu de les renier, laissant ainsi des millions de personnes, de jeunes en particulier, dans le désarroi.

Vous nous proposez aujourd’hui dans la précipitation – cela a été dit par les orateurs précédents – un nouveau texte que vous comparez au premier étage d’une fusée. Nous allons en discuter, mais il me semble inopportun de le présenter dans une telle urgence.

Dans un rapport de 2005 intitulé « RMI : d’un transfert de gestion à une décentralisation de responsabilité », le sénateur Mercier écrivait : « Il est donc nécessaire d’associer le département à toutes les mesures susceptibles d’affecter le niveau du RMI et le nombre de bénéficiaires. Mais les département doivent aussi avoir leur mot à dire sur les décisions qui auront un effet, même indirect, sur les allocations qu’ils servent. » Et il ajoutait : « La question n’est pas uniquement financière, mais porte aussi sur la conception souhaitable de la décentralisation ». Sur ce point, je le rejoins.

C’est exactement cela, madame la ministre. La question n’est pas seulement financière ; elle porte aussi sur la conception que nous avons, que vous avez, de la décentralisation, et sur ce point votre méthode en dit long quant à vos orientations.

Quand les présidents de conseils généraux s’inquiètent des conséquences de l’article 3 qui institue une prime forfaitaire à la charge du département, ils sont en droit de demander des explications. Et lorsque nous vous demandons une véritable concertation avec les départements sur cette question, que répond la majorité ? Que le débat apparaît mesquin au regard de l'enjeu dans la mesure où la prime remplace, à l’avantage des départements, le dispositif existant – celui de l’intéressement – qu’ils financent déjà. Selon vous, cela leur permettrait d’économiser 2 millions d’euros. Tout le monde serait donc gagnant : les bénéficiaires des minima et les départements. J’avoue ne pas très bien comprendre.

Soit le nouveau système est plus incitatif et plus attractif financièrement pour le bénéficiaire et, mécaniquement, cela se traduit par un coût supplémentaire par rapport au système actuel. Dans ce cas, il est légitime de se demander qui va supporter ce coût : les départements, chargés de l’insertion, ou l’État, responsable de l’emploi ? Vous avez répondu, madame la ministre, que ce seraient les départements.

Soit le nouveau système ne présente aucun autre intérêt que celui de la simplification, mais que l’on arrête alors de nous présenter ce texte comme la première phase importante d’une réforme ambitieuse. Entre parenthèses, le RMA avait, lui aussi, été présenté comme une réforme ambitieuse. Or, aujourd’hui nous en voyons bien le résultat, ou plutôt l’absence de résultat. Les organisations patronales ne se bousculent pas pour offrir des postes.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme Patricia Adam. S’agissant de la prime forfaitaire, il aurait été intéressant que les départements puissent obtenir une étude d’impact de la mesure. Cela aurait permis de valider le chiffre de deux millions d’euros d’économies avancé par le rapporteur. Si une étude d’impact a été faite, où est-elle ?

Comment ne pas être inquiet, comment ne pas s’interroger, quand on songe au transfert de la gestion du RMI aux départements et aux promesses du Gouvernement, qui s’était engagé à compenser à l’euro près les charges financières transférées aux collectivités ? Nous connaissons malheureusement le résultat, et les présidents de conseils généraux, de droite comme de gauche, connaissent bien les difficultés dans lesquelles se trouvent les départements qui ont à gérer les conséquences financières des manquements de l’État, que ce soit pour le RMI, l’APA ou, bientôt, pour le handicap. Pour preuve, l’avance annuelle faite par les départements sur le versement du RMI au mois de novembre est de l’ordre de 20 % du montant annuel des allocations versées. C’est donc une conception contestable de la décentralisation.

En outre, en agissant, une fois de plus, dans la précipitation, par simple souci d’affichage politique, vous faites peu de cas du travail parlementaire qui s’était engagé. Un consensus semblait pourtant se dégager pour une approche globale de ces questions. Vous le savez et vous l’avez dit : on ne peut traiter du retour à l’emploi des bénéficiaires des minima sociaux sous le seul prisme des incitations, sans analyser la question des droits connexes et complémentaires – CMU, garde d’enfants, exonérations diverses proposées par l’ensemble des acteurs, en particulier les collectivités territoriales. Sur ce point, le renvoi à un texte ultérieur pour les droits connexes relève d’une approche fragmentaire dénoncée tant par les départements que par les professionnels, qui savent que les réponses doivent être adaptées au cas par cas et qu’il vaut mieux, en l’occurrence, offrir un panel d’outils allant du crédit d’impôt à la prestation sociale.

Vous avez également parlé des fraudes, sujet qui a été développé par Hélène Mignon. Il est incorrect d’aborder ce problème sous un tel prisme déformant. En effet, la fraude aux minima sociaux est négligeable puisqu’elle ne concerne que 0,00014 % des allocataires. Il est important de le dire avant de parler de généralités. Je précise également que 42 % des bénéficiaires du RMI font l’objet d’un contrôle par les caisses d’allocations familiales, contrôle auquel s’ajoutent ceux faits par les professionnels des conseils généraux et des associations qui gèrent le RMI. Stigmatiser ainsi les bénéficiaires de minima sociaux a pour résultat premier de discréditer les politiques de protection sociale et de solidarité, ce qui n’est à l’honneur de personne, et certainement pas d’un gouvernement.

La valeur du travail et celle de l’assistance ne peuvent s’opposer stérilement et se jugent à l’aune du réel. Vaut-il mieux, par exemple, obliger une mère célibataire bénéficiaire du RMI à accepter immédiatement un poste non qualifié à temps partiel en intérim, alors qu’elle souhaite reprendre une formation qualifiante susceptible de lui apporter la stabilité de revenu et de carrière qui la fera sortir définitivement de la logique d’assistance ? Vous ne proposez rien en ce sens dans votre texte. Il est aujourd’hui impossible de cumuler RMI et formation qualifiante, et vous le savez. J’aurais aimé voir des avancées dans ce domaine car la demande est aujourd’hui très forte.

Je n’oublie pas que, parmi les plus vulnérables, se trouvent les femmes – vous l’avez dit tout à l’heure, madame la ministre –, et particulièrement celles qui assument seules la charge de leurs enfants. La mise en place d’un dispositif de réservation de places dans les crèches pour celles qui reprennent un emploi ou une formation professionnelle est une nécessité, mais il n’est pas besoin d’un texte à cet effet puisque cela existe déjà dans de nombreux départements avec l’application de quotients familiaux. Une place en crèche peut ainsi parfois être dégagée dans la demi-journée qui précède l’embauche. Beaucoup de départements, de collectivités territoriales, de caisses d’allocations familiales travaillent ensemble dans le cadre de projets éducatifs locaux pour permettre ces réalisations. Malheureusement, ce sont souvent seulement des collectivités de gauche qui les mettent en place, j’en sais quelque chose !

Il est notoire que la liste d’attente pour intégrer une crèche comporte plus d’une centaine de demandes non satisfaites et je ne vois pas comment le texte que vous nous présentez permettra de régler le problème. A moins, madame la ministre, que vous n’ayez l’intention d’abonder massivement les crédits pour créer des places. Je ne pourrais qu’y être favorable. Par ailleurs, j’attends aussi des propositions en termes de service public de l’enfance.

En conclusion, je dirai que la situation de centaines de milliers de personnes en France mérite mieux qu’un texte dont d’autres ont déjà signalé avant moi qu’il était incomplet. La résorption des trappes à inactivité demande une réflexion à une échelle autrement plus large et une concertation effective avec les gestionnaires des revenus de substitution, c’est-à-dire non seulement les départements, mais aussi toutes les entreprises d’insertion qui travaillent dans ce domaine depuis de nombreuses années, sans parler des autres entreprises, qui ont des idées en la matière.

Vous savez, madame la ministre, que tout le monde y a intérêt, à commencer par les collectivités territoriales qui, aujourd’hui, travaillent quotidiennement sur ce sujet et produisent de nombreuses innovations. J’aurais aimé que vous en teniez compte. Or le texte que vous nous proposez ne tient nullement compte de ces initiatives prises concrètement sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

(Mme Paulette Guinchard remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE MME PAULETTE GUINCHARD,
vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que le Gouvernement soumet aujourd’hui à l’examen de l’Assemblée nationale se veut ambitieux. Il vise en effet à assurer le développement de l’emploi, en améliorant le retour à l’emploi de ceux qui en sont les plus éloignés, en l’occurrence les bénéficiaires de trois minima sociaux : le RMI, le revenu minimum d’insertion, l’ASS, l’allocation spécifique de solidarité, et l’API, l’allocation de parent isolé.

Disons-le tout de suite : l’examen du contenu de ce texte révèle d’emblée que ses dispositions sont loin d’être à la hauteur de l’ambition qu’il affiche.

Il ne s’agit pas, pour le groupe UDF, de rejeter le recours à l’intéressement pour soutenir le retour à l’emploi. L’incitation financière est en effet un des moyens, parmi tant d’autres, d’encourager les demandeurs d’emploi à retrouver une activité professionnelle.

Mais ce moyen ne peut produire ses pleins effets s’il ne se combine pas avec d’autres mesures. Or votre projet de loi, madame la ministre, est justement dépourvu de ces mesures complémentaires qui lui auraient permis de répondre à l’ambition du développement de l’emploi.

À ce titre, votre texte s’avère décevant et souffre en réalité de trois handicaps : sa précipitation le rend tout à la fois incomplet et inéquitable.

Nous savons tous que le retour à l’emploi ne pourra réellement passer que par une réforme complète de l’ensemble du système des minima sociaux. Celui-ci s’est constitué, au fil de l’histoire sociale de notre pays et de ses évolutions, par un empilement de mesures successives. Celles-ci obéissaient à des logiques différentes, parce qu’elles répondaient à des situations elles-mêmes de nature différente : maladie et handicap, chômage, vieillesse et isolement, déstructuration familiale ou exclusion. À une diversité de situations correspond ainsi, aujourd’hui, une diversité d’allocations. C’est donc à une réforme d’envergure que nous nous attendions et que nous devrons nous attacher rapidement, ce qui ne signifie pas qu’il faut nécessairement tout révolutionner.

Cette réforme d’envergure implique dans un premier temps d’identifier, parmi les neuf minima sociaux qui coexistent aujourd’hui, toutes les sources d’incohérence – elles sont une multitude – pour réintroduire ensuite dans notre système social plus de cohérence et de justice. Tel est l’enseignement principal du rapport de notre collègue sénatrice Valérie Létard, paru en mai dernier et unanimement salué.

Paradoxalement, jusqu’à la présentation de ce texte, le Gouvernement semblait partager cet objectif. Ainsi, le Premier ministre a récemment chargé deux de nos collègues du Sénat, M. Mercier et M. de Raincourt, d’une mission temporaire visant à explorer les voies et moyens d’une réforme du système des minima sociaux.

Parallèlement, la commission des affaires sociales du Sénat, dans le cadre d’un groupe de travail où toutes les formations et les sensibilités politiques sont représentées, élabore, dans l’esprit du rapport sur les minima sociaux rendu par Valérie Létard, un ensemble, le plus complet possible, de propositions pour réformer le système.

Le Parlement s’était donc saisi du sujet.

Il prend le temps, parce que ce sujet est complexe et qu’il touche à des situations bien réelles, subies par des milliers d’hommes et de femmes de notre pays qui vivent dans les difficultés, pour construire une réforme complète, claire et équitable.

Et, tout à coup, voilà que le Gouvernement bombarde la représentation nationale d’un texte dont on nous assure qu’il va régler, par le biais du seul intéressement, toute la question du retour à l’emploi des bénéficiaires de minima sociaux !

Comment comprendre une telle précipitation ? Exigence du calendrier ? Improvisation ? Franche bousculade au portillon des annonces gouvernementales ?

M. Laurent Wauquiez, rapporteur. Urgence sociale, tout simplement !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Cette raison ne vous suffit pas, monsieur Vercamer ?

M. Francis Vercamer. En tout état de cause, cette précipitation consterne déjà l’ensemble des acteurs sociaux et des spécialistes que j’ai pu rencontrer ces dernières semaines, sans parler du sénateur Michel Mercier, qui m’indiquait au téléphone, pendant la suspension de séance, qu’il renonçait désormais à conduire cette mission.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Cette information reste à vérifier !

M. Francis Vercamer. Je ne doute pas un instant qu’on invoquera, pour justifier la hâte dans laquelle a été élaboré ce texte, l’urgence de mettre en œuvre la bataille pour l’emploi. Mais la responsabilité politique exige de ne pas confondre vitesse et précipitation, surtout quand il s’agit de problèmes humains. Gagner cette bataille suppose en effet de mettre en œuvre des dispositifs efficaces et, en l’occurrence, un dispositif global de réforme des minima sociaux pour favoriser le retour à l’emploi.

La précipitation a engendré par ricochet un deuxième handicap pour ce projet de loi : il est forcément incomplet.

Tout d’abord, il n’envisage aucun accompagnement vers l’emploi des bénéficiaires de minima sociaux concernés par cette réforme. De ce fait, madame la ministre, vous laissez entendre que l’intérêt financier est le seul facteur déclenchant la décision de reprendre un emploi, alors que, en réalité, d’autres éléments entrent en compte, qui peuvent parfois être plus déterminants : la situation socio-économique du bassin d’emploi, la désindustrialisation qui frappe nombre d’agglomérations, la conjoncture économique et le dynamisme de la croissance, l’adaptation de la demande à l’offre d’emplois et l’insuffisance ou l’inadéquation de la formation, sans parler des phénomènes de discrimination à l’embauche.

Pour ma part, je reste persuadé que l’accompagnement du demandeur d’emploi, a fortiori s’il est bénéficiaire d’un minimum social, reste le meilleur moyen de l’aider à s’engager dans un parcours durable de retour à une activité professionnelle.

Pour retourner vers l’emploi pérenne, les allocataires de minima sociaux doivent bénéficier d’un suivi régulier par un référent unique, exerçant son activité dans le cadre des maisons de l’emploi – qui sont étrangement absentes, soit dit en passant, de votre projet de loi. Ce suivi doit permettre d’identifier le projet professionnel et les besoins de formation, tout en répondant aux urgences sociales – problèmes de famille, de logement ou de santé – qui peuvent parfois bloquer jusqu’à la volonté de se construire un projet professionnel.

La commission des affaires sociales a voté des amendements du rapporteur qui, fort à propos, posent le principe d’un accompagnement vers l’emploi des bénéficiaires de minima sociaux. J’attends de nos débats qu’ils confirment et précisent ces dispositions.

Incomplet, ce texte l’est encore parce qu’il ignore totalement, ce qui est peut-être plus grave, la problématique des droits connexes, qui, pour neuve qu’elle soit, n’est pas secondaire.

Mise en lumière par le rapport du Sénat sur les minima sociaux publié en mai dernier, elle est certainement la clef principale, jusqu’ici négligée, d’une réforme des minima sociaux qui puisse rendre au système davantage d’équité, tout en résorbant le phénomène des fameuses trappes à inactivité.

Ces droits connexes sont les droits liés aux différents minima sociaux, qui assurent à leurs bénéficiaires, au-delà du seul montant des allocations, des facilités justifiées par les difficultés auxquelles ils sont quotidiennement confrontés. Ils sont multiples : ils concernent les aides au logement, les exonérations ou avantages fiscaux, la couverture santé, la tarification sociale du téléphone et de l’électricité, les fonds de solidarité pour le logement ou les impayés en matière d’énergie, ainsi que l’aide sociale locale des départements ou des communes.

Cependant, ces droits sont le plus souvent mal connus, y compris des services des ministères ou des organismes qui les accordent, et parfois des bénéficiaires eux-mêmes. Et surtout, ils sont différents selon les minima sociaux, ce qui rend le système d’autant plus opaque. Pourtant, lorsqu’ils sont répertoriés, ils s’avèrent constituer autant d’atouts pour préserver le budget familial ou personnel du bénéficiaire d’un minimum social.

Mais, attachés à ce minimum social, ces droits connexes disparaissent avec le statut de bénéficiaire en cas de retour à l’emploi, ce qui entraîne pour l’ancien allocataire des charges financières nouvelles, qui viennent amputer un budget familial encore bien fragile.

À ce jour, rien ne démontre que le mécanisme d’intéressement que vous proposez palliera cet effet pervers du retour à l’emploi pour les bénéficiaires de minima sociaux, puisque rien, dans votre texte, ne vient traiter cette question préliminaire et essentielle des droits connexes. Et pour cause : c’est l’objet du travail actuellement effectué par le Parlement, que vous avez décidé de prendre de vitesse, aux dépens de la cohérence, de la lisibilité et de l’efficacité d’une vraie réforme de fond des minima sociaux.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Nous n’avons pas pris le Parlement de vitesse : son travail et celui du Gouvernement sont complémentaires.

M. Francis Vercamer. Incomplet, votre texte l’est, enfin, parce qu’il laisse de côté des aspects entiers de notre politique sociale, dont on sent pourtant bien aujourd’hui qu’ils ne peuvent plus être écartés de la réflexion politique. Ces aspects sont d’ailleurs soulignés par le dernier rapport du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, qui a justement pour thème l’aide au retour à l’emploi.

Je pense par exemple au cas des chômeurs non indemnisés par l’assurance chômage parce qu’ils n’ont pas exercé un emploi pendant une durée suffisante pour pouvoir prétendre à être pris en charge. Je pense encore à la situation des jeunes de moins de vingt-cinq ans, qui ne peuvent prétendre au régime de solidarité, puisqu’ils sont exclus par la loi du dispositif du RMI. Nous ne pouvons pas ignorer ces situations, alors même que nous savons que l’entrée sur le marché du travail s’effectue massivement par le biais de contrats temporaires et précaires. Je regrette que votre texte soit silencieux sur ces questions.

Le troisième et dernier handicap de ce projet de loi tient au fait que, élaboré dans la précipitation et incomplet, il en devient inéquitable.

D’une part, il ne contribue en rien à réduire l’iniquité entre bénéficiaires de minima sociaux et salariés aux revenus les plus modestes qui, eux, ne bénéficient pas des droits liés aux minima sociaux, alors que, le plus souvent, leur revenu n’est pas nettement supérieur à celui des bénéficiaires. Plus d’un million de travailleurs pauvres, de plus en plus fréquemment salariés, mais embauchés en contrats temporaires et, de plus en plus couramment, en temps partiel – voire très partiel – subi, vivent chaque jour un peu plus mal, dans notre pays, des fruits de leur travail. Il s’agit aussi, souvent, de personnes qui étaient bénéficiaires de minima sociaux et qui ont justement perdu le bénéfice des droits connexes liés à leur statut.

Il n’est pas illégitime de penser qu’une sortie progressive du statut, avec une dégressivité des droits liée à un niveau de revenus, permettrait un retour à l’emploi des chômeurs de longue durée et un accès des salariés les plus modestes à un certain nombre de droits sous condition de ressources, ce qui serait davantage conforme à l’équité.

Un tel système permettrait également de réhabiliter la valeur travail, objectif dont le Gouvernement n’a de cesse de répéter qu’il est le sien depuis 2002. Mais comment revaloriser le travail quand se multiplient, dans notre société, des situations de travail où le salaire ne suffit pas à assurer les fins de mois ?

Mme Muguette Jacquaint. Très juste !

M. Francis Vercamer. Inéquitable, votre texte l’est également, en l’état actuel de sa rédaction, parce qu’on y voit parfois poindre l’idée que le chômage résulterait d’un choix plus délibéré que subi.

Il ne s’agit pas pour nous de contester l’existence d’abus. Nous ne pouvons que partager l’idée qu’il est nécessaire d’y mettre un terme, parce que ces abus, commis par une minorité, jettent le discrédit sur l’ensemble des bénéficiaires et, partant, sur notre système tout entier. Sur ce point précis, je note d’ailleurs que rien n’est envisagé pour éviter que, dans les zones frontalières, certains de nos concitoyens travaillent illégalement au-delà de la frontière, tout en percevant sur notre territoire allocations chômage ou minima sociaux.

Toutefois, on ne peut pas adhérer à l’idée que les bénéficiaires de minima sociaux qui ont vocation à reprendre un emploi manifesteraient une préférence pour le chômage, fondée sur un calcul rationnel et précis permettant d’apprécier, toutes informations réunies, le bilan des coûts et des avantages de la reprise d’un emploi.

Je l’ai souligné tout à l’heure : la multitude de droits connexes liés aux différents minima sociaux et les incohérences entre les minima sociaux et la situation de travail ou entre les minima sociaux eux-mêmes concourt à rendre le système opaque et incompréhensible pour les bénéficiaires.

Ce n’est donc pas un calcul délibéré, mais la peur d’une perte non anticipée de revenus ou d’un avantage qui peut constituer, pour une part, un frein au retour à l’emploi. Mais, pour trouver un emploi, encore faut-il que le marché du travail puisse en proposer. Dans un contexte de chômage de masse, on voit bien qu’il est difficile, pour les bénéficiaires de minima sociaux, d’accéder spontanément à un emploi. Ce même contexte justifie aussi les doutes profonds que nous ne pouvons qu’exprimer fortement quant à l’influence décisive d’un seul mécanisme d’intéressement sur le recul du chômage.

Pour toutes ces raisons, le vote du groupe UDF sur ce projet de loi dépendra de l’accueil qui sera réservé par le Gouvernement à ses amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi souffre d'un double handicap : la précipitation et l'effet d'annonce.

En effet, la représentation nationale n’a pu mener une étude approfondie du texte. J'ajoute que plusieurs rapports consacrés à ce thème viennent de paraître ou paraîtront prochainement, notamment celui de Mme Létard, qui a à peine six mois, ou celui de MM. de Raincourt et Mercier, dont la publication est annoncée. Pourquoi ne pas avoir attendu l'ensemble des leurs conclusions avant de légiférer ? Vous avez d'ailleurs vous-même reconnu en commission, madame la ministre, que la loi devrait être assouplie à l’issue des conclusions du rapport de MM. de Raincourt et Mercier, en particulier le dispositif d'accès aux modes de garde de l'enfant, qui est pourtant l’un des points importants du projet de loi.

Une fois de plus, vous menez une politique à courte vue. Comme pour le RMA – un échec cuisant –, sur lequel le Gouvernement est revenu six mois après son adoption, vous nous donnez rendez-vous pour modifier une loi qui sera à peine votée.

Ce texte souffre également du décalage qui existe entre son contenu et les objectifs annoncés car, en aucun cas, il ne réglera les douloureuses situations que vivent les titulaires de minima sociaux. Je vous mets d'ailleurs au défi de trouver dans ce texte un article qui traite concrètement de la question de l'emploi et de son développement. Mais l'effet d'annonce ne s'arrête pas là. Le Gouvernement n'a de cesse de répéter que ce texte « a le souci de donner aux revenus du travail un avantage réel et perceptible », que le dispositif proposé « permettra la perception d'un revenu plus incitatif ». Vous jouez avec les mots,…

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Non !

Mme Muguette Jacquaint. …mais cela ne trompe personne, car il s'agit ni plus ni moins de renforcer à la fois l'assistance et la solidarité nationale à l'égard du MEDEF.

En quoi le fait qu’une partie du pouvoir d'achat est supportée par l'État rendra-t-il le revenu plus incitatif ? En quoi le fait de prendre une activité en CDD ou en intérim, à temps partiel et dans des conditions déplorables, pour basculer de nouveau dans la précarité au bout de six mois, sans indemnités de chômage et en perdant quelques droits connexes, serait-il incitatif ?

La vraie question est celle-ci : quelle qualité d'emploi pour quel niveau de salaire ? La trappe à inactivité n’est pas due à la prétendue fainéantise de certaines personnes, même si un petit nombre profitent du système, mais à des rapports sociaux et salariaux dans lesquels vous vous complaisez et qui compriment l'emploi et les salaires dans notre pays. Si la différence entre les revenus tirés d'une activité au SMIC et un minimum social est trop faible, la solution ne consiste pas à diminuer ce minimum ou à attribuer une prime, mais à augmenter sensiblement les salaires pour rendre l'emploi réellement attractif. Hélas ! de cela, Mme Parisot ne parle pas. On préfère cultiver l'idée du chômeur professionnel et celle du salarié qui doit s'estimer heureux d'avoir un emploi et d’être payé – ce qui n’est pas le cas des stagiaires, qui ont manifesté la semaine dernière précisément parce qu’ils travaillent beaucoup sans être rémunérés. Est-ce cette situation que vous voulez généraliser ?

Cette attitude est inacceptable, car les gens veulent travailler. Encore faut-il savoir ce qu'on leur propose : les contrats d'avenir, le CAE, le RMA, le CNE, le temps partiel, l'intérim. Quels projets voulez-vous entreprendre dans de telles conditions ? Ces contrats et la précarité qui les accompagne ne permettent ni d'obtenir un prêt bancaire ni d'avoir un logement ni, tout simplement, de faire des projets.

Comment redonner du sens à une vie déjà difficile quand le seul espoir de s'en sortir est le nomadisme professionnel et la multiplication de petits jobs mal payés et de courte durée, qui vous fragilisent toujours un peu plus, car vous êtes et demeurez dans l'incapacité de vous projeter dans l'avenir. Pire, aujourd'hui, une nouvelle vérité cruelle nous saute aux yeux : l'emploi ne protège plus de la précarité et de la pauvreté. Ainsi un SDF sur trois a un emploi et, actuellement, des personnes qui travaillent meurent dans le froid parce que leur emploi, précaire, est si peu rémunéré qu'elles ne peuvent pas avoir un toit.

Telle est la réalité. Le patronat est un assisté en puissance : toujours plus de baisses d'impôts, moins de cotisations sociales, moins de salaires pour plus de profits. En ami fidèle, plutôt que de le contraindre à mener une ambitieuse politique des salaires pour soutenir la croissance et l'emploi, vous vous substituez à lui.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint. Pour les salariés, vous augmentez la prime pour l'emploi et pour les titulaires de minima sociaux et les chômeurs, vous créez des primes de retour à l'emploi. Autrement dit, aujourd’hui, dans ce pays, ce sont les contribuables qui paient les salaires et les départements qui financent le RMI.

Ceux-ci auraient d’ailleurs souhaité disposer d’études afin de connaître le montant des sommes qu’ils devront acquitter. En effet, vous transférez de nouvelles charges aux départements, déjà fortement sollicités, et vous le faites, qui plus est, sans concertation ni compensation. Comment ces collectivités, déjà exsangues, vont-elles pouvoir assumer cette nouvelle obligation ? J’ajoute que cette mesure pénalise les départements les moins dotés, puisque ceux qui comptent le plus grand nombre de Rmistes sont également ceux dont les populations figurent parmi les plus modestes, donc ceux dont les ressources fiscales sont les plus faibles.

Il est scandaleux de voir ce gouvernement prendre pour habitude de financer sa politique sociale et ses politiques publiques de l’emploi grâce aux moyens budgétaires des collectivités locales. Après avoir supprimé, la semaine passée dans le cadre du budget, certaines ressources des départements avec la réforme de la taxe professionnelle, vous accroissez la pression financière sur ces collectivités en les contraignant à verser la prime forfaitaire. Nous ne pouvons accepter cette dérive. Cette attitude n'est ni courageuse ni responsable. Les moyens existent pour financer ces mesures : revenez sur le milliard et demi d'allégements d'impôts que vous avez consentis dans le projet de loi de finances pour 2006 en faveur des plus riches et des grands patrons.

De surcroît, vous parlez de retour à l'emploi, mais sans vous préoccuper de la qualité et de la nature de cet emploi. Faut-il vous rappeler les chiffres ? Les trois quarts des nouveaux emplois sont précaires, 70 % des offres d'emplois déposées à l'ANPE sont des contrats de moins de six mois et 30 % des inscriptions au chômage sont liées à la fin de CDD ou de contrats d'intérim.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint. Quelles perspectives ce texte offre-t-il ? Aucune, sinon celle d’une précarité accrue, notamment pour les femmes. Votre texte ne contient aucune solution viable. Si une prime suffisait à résoudre les difficultés que rencontrent les titulaires de minima sociaux pour retrouver une activité professionnelle, cela se saurait !

Pour revaloriser le travail, il faut non seulement engager une autre politique de l'emploi et développer la formation, requalifier les contrats précaires injustifiés, pénaliser le recours abusif aux temps partiels contraints et à l'intérim, mais aussi revaloriser sensiblement les salaires, en augmentant immédiatement les minima de branche et le SMIC pour l'ensemble des salariés, et non pour quelques-uns comme vous le faites depuis trois ans maintenant.

Ce projet de loi qui apparaît comme vertueux ne répond pas à la question centrale qu’il pose, celle du retour à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées. Ce n’est ni plus ni moins qu'un nouveau dispositif qui exonère le patronat de ses responsabilités, qui nie la réalité du niveau du marché de l'emploi et de sa qualité et qui exclut la question des salaires.

À moins de profondes corrections – et nous en proposerons, concernant notamment l'absence de condition d'ancienneté pour le bénéfice des primes, le versement à l'issue de la période d'essai, l'exclusion de ces primes du calcul des ressources –, vous comprendrez que nous ne pourrons accueillir favorablement ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour gagner la bataille de l’emploi et de l’insertion, la priorité est de rendre plus attractif le retour à l'emploi. Le Premier ministre s’y est d’ailleurs engagé lors de son intervention du 1er septembre, en déclarant : « Je veux qu'il soit plus intéressant et plus facile de travailler que de vivre d'un revenu d'assistance ».

Tel est l'élément moteur de ce projet de loi qui valorise directement le retour à l'activité. Ce texte très attendu comporte de réelles avancées, notamment sur le plan financier pour les bénéficiaires des minima sociaux qui retravaillent. Actuellement, on dénombre plus de 3,3 millions d’allocataires, ce qui représente 6 millions de personnes avec leurs conjoints et leurs enfants.

Le récent rapport de la sénatrice Valérie Létard a mis en lumière l'architecture sur laquelle est bâti l'ensemble des minima sociaux. Chacun est à même de constater la complexité du système et, dans bien des cas, son manque de cohérence. Rien ne permet d'expliquer de façon rationnelle les différences de montant entre les prestations. Les bénéficiaires eux-mêmes ne comprennent pas la mécanique des différentes prestations et se sentent pris au piège de leur statut. De plus, la complexité du système a des conséquences perverses, notamment des effets de seuil qui conduisent à des pertes brutales de revenu qui fragilisent la gestion de budgets déjà modestes. Si le retour à l'emploi est synonyme de pertes de revenus, peut-on reprocher à l'intéressé de renoncer à une réinsertion professionnelle ?

Le débat sur l’attractivité financière du retour à l’activité et, a contrario, sur les « trappes à inactivité » n’est donc pas nouveau. Il convient de rappeler les limites du système traditionnel de l’« intéressement » remontant aux débuts du RMI. L’intéressement consiste à autoriser le cumul, sous conditions, de l’allocation du RMI avec un revenu d’activité, afin de rendre financièrement attractive la reprise d’activité.

Ce dispositif complexe a été plusieurs fois modifié, sans pour autant rencontrer un très grand succès. Le taux de bénéficiaires du RMI concernés stagne ou régresse depuis 2000 : l’intéressement concernait 144 600 allocataires en juin 2005, soit 11,5 % de l’effectif global, contre 13,5 % en 2000. La réalité de l’effet incitatif au retour à l’emploi n’a donc pas été établie.

Le texte qui nous est aujourd’hui proposé constitue une première étape pour favoriser le retour à l’activité. Il présente l’avantage d’instaurer un dispositif identique pour les trois minima sociaux : le RMI, l’allocation de parent isolé et l’allocation de solidarité spécifique. La période de cumul du salaire et du minimum social est d’une durée identique dans les trois cas, la différence entre ces dispositifs résidant dans la durée des emplois et le temps de travail – supérieur ou inférieur à 78 heures.

Il est prévu, pour favoriser la reprise du travail, de verser au quatrième mois une prime de 1 000 euros, reprenant ce qui a été prévu pour les chômeurs de longue durée qui retrouvent un emploi. Cette prime est complétée par un bonus de 150 euros par mois pendant une durée d’un an. Ce système se substitue à celui de l’intéressement.

L’effort est loin d’être anodin. Rémunérés 6 150 euros nets par an, les smicards à mi-temps disposeront d’un revenu complémentaire de 3 600 euros la première année, ce qui représente 60 % de leur salaire et constitue donc une véritable incitation.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2006, j’ai présenté un avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, comprenant notamment un bilan du RMI, dix-huit mois après la départementalisation de celui-ci et l’instauration du CRMA, le contrat d’insertion-revenu minimum d’activité.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Un excellent rapport !

M. Dominique Tian. J’ai auditionné les responsables de nombreux organismes, mais aussi les présidents de conseils généraux, et pu constater que le développement des instruments d’incitation financière au retour à l’emploi, l’harmonisation des droits connexes et la relance des politiques d’insertion professionnelle sont certes utiles, mais indissociables d’un effort de suivi et de contrôle des bénéficiaires du RMI. Je défendrai donc plusieurs amendements dans le sens d’une responsabilisation de ces dispositifs.

La question du travail illégal est essentielle pour lutter contre la fraude aux minima sociaux. Le Gouvernement a fait de la lutte contre le travail illégal l’une de ses priorités et développe pour cela l’action commune de ses différentes administrations. La loi relative aux petites et moyennes entreprises a créé un cadre légal global pour la répression des différentes formes de travail illégal et a étendu le champ des administrations concernées par les échanges d’informations en la matière. La question de la fraude aux minima sociaux a cependant été quelque peu négligée à cette occasion. Ainsi, le conseil général n’est toujours pas destinataire d’informations résultant des opérations de contrôle. Je souhaite une évolution des règles et des pratiques sur ce point.

Lors des auditions auxquelles j’ai procédé, il a souvent été fait état de l’afflux incontrôlé de demandeurs du RMI étrangers, souvent en provenance d’autres États membres de l’Union européenne. Certains sont des travailleurs saisonniers ayant peu d’attaches en France, d’autres n’ont pas d’activité déclarée en France mais sont soupçonnés de travail dissimulé et entretiennent un certain mystère quant à leur patrimoine et à leurs revenus dans leur pays d’origine. Certains conseils généraux se plaignent des conséquences, surtout financières, de cette situation.

Au regard des dispositions du droit communautaire, il ne serait pas contraire à nos engagements européens de restreindre l’accès pérenne au RMI et à d’autres dispositifs sociaux aux personnes soit reconnues inaptes suite à un accident ou à une maladie professionnels survenus dans leur emploi en France, soit considérées comme des demandeurs d’emploi actifs, c’est-à-dire inscrits à l’ANPE après avoir travaillé au moins un an en France.

Pour les autres demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE, l’accès à l’allocation pourrait être limité à six mois. Dans le contexte de l’élargissement de l’Union européenne, cet ajustement paraît s’imposer.

L’appréciation des ressources des étrangers dans leur pays d’origine pourrait être confiée aux services fiscaux français, ce qui implique que l’on impose aux demandeurs du RMI de faire une déclaration d’impôt en France –débouchant logiquement, dans leur cas, sur un certificat de non-imposition – et que l’on veille à inscrire systématiquement, soit dans les règles communautaires, soit dans les conventions fiscales bilatérales, le principe de l’échange des informations fiscales nécessaires.

De façon récurrente et sans doute révélatrice, certains départements aimeraient connaître le montant exact des revenus de certains allocataires du RMI dans leur pays d’origine. Actuellement, ce n’est pas possible.

Je voudrais revenir un instant sur les « populations spécifiques », notamment sur les non-salariés. La question qui se pose pour les travailleurs indépendants – notamment les commerçants, artisans et artistes – est celle de l’évaluation de leurs revenus pour l’accès au RMI. Dans la mesure où leurs revenus fiscaux peuvent ne pas être très représentatifs de leur situation réelle, le RMI est parfois considéré comme un complément de revenu.

Dans certains départements, ils représenteraient 10 à 12 % des allocataires. On pourrait donc exiger qu’ils satisfassent à plusieurs critères. D’abord, une évaluation préalable de la viabilité économique de l’activité professionnelle exercée à titre indépendant ; ensuite, l’introduction d’obligations de résultat pour ces activités, notamment celle d’accepter un éventuel changement d’orientation professionnelle ; enfin, une contrepartie pourrait être demandée aux bénéficiaires du RMI lorsque ceux-ci en ont les capacités.

En conclusion, le texte que vous nous proposez aujourd’hui, madame la ministre, était attendu par tous. Il simplifie le dispositif, le rend plus rapide, plus efficace et plus équitable. Le moment venu, nous devrons également ouvrir l’énorme chantier des droits connexes, mais dans l’immédiat, il y avait urgence à prendre ces dispositions pour le retour à l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà bientôt cinq ans qu’un dispositif baptisé ARA, Allocation de retour à l’activité, a été voté et mis en place. Les modalités en sont prévues par l’article 832-9 du code du travail. Versée par l’État, cette allocation est attribuée à toute personne reprenant ou créant une activité, occasionnelle ou permanente, à plein temps ou à temps partiel.

Au 1er janvier 2005, le montant mensuel de l’ARA est de 255,24 euros. Il s’ajoute aux revenus du travail pendant deux années. Le but de ce dispositif est d’encourager par une incitation financière le retour à l’activité des bénéficiaires des minima sociaux, en particulier ceux qui perçoivent le RMI, l’ASS et l’API.

Ce dispositif n’existe que dans les départements d’outre-mer. Deux ans après sa mise en place, il concerne environ 2 000 personnes à la Réunion. La similitude entre l’ARA et le dispositif prévu par le texte que nous examinons aujourd’hui nous conduit à poser la question de leur articulation dans les départements d’outre-mer.

Cette réforme, qui s’inscrit dans le cadre d’un débat déjà ancien sur la « réactivation des dépenses passives », n’aura de sens que si les obstacles de tous ordres à la reprise d’une activité sont levés.

Le premier d’entre eux se trouve, bien sûr, du côté du marché du travail. Tant que le nombre d’emplois offerts restera insuffisant par rapport à la population active, tant que l’inadéquation persistera entre les qualifications requises et les profils des demandeurs d’emploi, tant que les salariés seront considérés comme une variable d’ajustement dans les entreprises, il est à craindre que la question de l’impact des minima sociaux sur la reprise de l’activité ne constitue pour longtemps encore un débat récurrent.

La Réunion est le département où l’on constate le plus fort taux de créations d’emplois, mais aussi le plus fort taux de chômage. C’est là, en effet, que le décalage entre la croissance de la population active et celle de la création d’emplois est la plus forte. C’est pourquoi nous sommes nettement opposés à l’idée selon laquelle les minima sociaux créeraient une incitation à ne pas travailler.

Dans leur immense majorité, les allocataires n’ont pas d’autre choix que de survivre avec des prestations leur donnant un pouvoir d’achat qui ne cesse de se dégrader. La diminution du nombre de contrats aidés que nous subissons depuis 2002 n’améliore pas la situation. Nous attirons une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur la difficulté, notamment pour les employeurs, de mettre en œuvre deux nouvelles catégories d’emplois aidés réservés aux titulaires de minima sociaux, à savoir le RMA et les contrats d’avenir, qui enregistrent tous deux des résultats bien éloignés des prévisions.

Un autre problème est celui des droits connexes, c’est-à-dire les différentes aides liées au statut d’allocataire d’un revenu d’insertion. Puisque cette réforme est censée simplifier et harmoniser, il aurait été préférable de traiter l’ensemble de la question dans un même projet. En procédant par étapes, on risque d’accroître l’incertitude, voire la méfiance, des intéressés, qui ont tous en mémoire les conséquences désastreuses des effets de seuil conduisant à des pertes de revenus ou à des radiations.

À la Réunion, l’exemple le plus patent est celui des milliers de bénéficiaires du minimum vieillesse ou de l’AAH qui, du fait de la prise en compte de l’allocation ou du forfait logement dans leur revenu de référence, se trouvent exclus de la CMU complémentaire.

Nous nous félicitons de constater qu’à l’occasion du processus de retour à l’emploi, la question de la garde des enfants en bas âge soit pour une fois abordée. Elle est souvent déterminante dans la décision de reprendre une activité, surtout pour les mères touchant l’API.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

Mme Huguette Bello. Cette bonne intention risque toutefois de se heurter à la pénurie de places d’accueil dans les crèches. Cet obstacle au retour à l’emploi des bénéficiaires de minima sociaux constitue un argument supplémentaire pour lancer le chantier d’un service public de la petite enfance, comme l’a préconisé la commission famille-vulnérabilité-pauvreté présidée par Martin Hirsch.

Mme Patricia Adam. Tout à fait !

M. Maxime Gremetz. Très bien !

Mme Huguette Bello. En réponse au constat établi depuis des années par tous les professionnels, le projet de loi devrait s’enrichir d’un volet prévoyant des parcours d’insertion et des mesures d’accompagnement individualisées. En effet, des problèmes sociaux graves, un long éloignement du marché du travail, ou encore un trop grand déficit de qualification, sont autant de handicaps que l’incitation financière ne permet pas à elle seule de lever. Il va de soi que nous soutiendrons tout ce qui contribue à améliorer les conditions favorables à la reprise d’une activité.

Par contre, nous nous opposerons à ce qu’un arsenal de contrôles et de sanctions soit ajouté au texte, non seulement parce que, selon une étude récente de la Caisse nationale des allocations familiales, les fraudes seraient marginales, mais encore parce que ces embarras et ces contraintes seraient le plus sûr moyen d’altérer la confiance.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

Mme Huguette Bello. Or la confiance est la clef de voûte de tout dispositif de retour vers l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.

Je précise que ne pouvant prendre part au débat, puisque je préside, j’ai laissé mon temps de parole à M. Liebgott, qui peut ainsi doubler le sien.

M. Michel Liebgott. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous étudions ce soir un texte intitulé « Retour à l’emploi et développement de l’emploi ». Bien entendu, le travail est préférable à l’assistance, comme il l’est au chômage, mais on ne résoudra pas les difficultés que connaît notre pays en matière d’emploi par un système de cumul entre minimum social et travail de seconde zone.

La loi sur l’exclusion avait prévu ce type de cumul, mais nous nous inscrivions alors dans un contexte tout à fait différent. L’API, l’ASS et le RMI, créés respectivement en 1976, 1984 et 1988, avaient vocation à répondre à des situations exceptionnelles et en aucun cas à durer et à se cumuler avec un salaire. L’objectif pour leurs bénéficiaires doit bien être le retour à un emploi définitif.

On peut se demander, en reprenant les chiffres que vous avez indiqués, si les 500 000 postes aujourd’hui disponibles sont accessibles aux personnes dont nous parlons ce soir. On verra sans doute à l’usage, malheureusement, que le problème qui se pose relève plus d’un manque de formation voire, tout simplement, d’une absence de croissance ou de dynamique économique que de la remise au travail de personnes en difficulté d’insertion.

C’est la raison pour laquelle l’intitulé très ambitieux de ce texte « loi de retour à l’emploi » est assez nettement déconnecté de ce projet, qui n’est en réalité qu’une somme de mesurettes techniques, censées améliorer la situation de quelques bénéficiaires de minima sociaux, mais qui ne changera pas fondamentalement leur vécu.

Ce texte risque au contraire de faire émerger des travailleurs d’une autre catégorie, des travailleurs de seconde zone, inadaptés sociaux, les « travailleurs pauvres », dont il est souvent question, qui cumulent le handicap d’être à la fois bénéficiaires de minima sociaux mais également de petits boulots, l’un remplaçant l’autre et les deux pouvant se cumuler dans le meilleur des cas.

En fait, vous nous avez habitués à ces échecs. Et c’est la raison pour laquelle nous sommes pessimistes quant aux perspectives examinées aujourd’hui. À une certaine époque, on nous avait promis que le CIVIS, qui devait remplacer les emplois aidés que vous avez supprimés, réglerait tous les problèmes. Puis, il y a eu le RMA. Je n’ose vous demander combien de RMA ont été signés sur l’ensemble du territoire. Cela doit être de l’ordre de quelques centaines. Plus récemment, dans le cadre de la loi de cohésion sociale, on a créé le contrat d’avenir, avec un objectif de 185 000 signatures. Je ne me trompe sans doute pas de beaucoup si je dis que nous en sommes à quelques milliers – 4 000, je crois. Et nous n’irons guère au-delà car les conditions de sa mise en œuvre sont telles, du fait notamment de l’application des conventions collectives, que peu d’associations ont aujourd’hui les moyens de le faire, d’autant qu’elles sont souvent en difficulté du fait de la réduction ou de la suppression de leurs subventions.

Deux logiques s’opposent. La nôtre, mise en œuvre voilà maintenant une dizaine d’années, vise à partager le temps de travail, à travers les trente-cinq heures et la mise en place d’emplois-jeunes. Certes, ces derniers ont souvent été vilipendés. Mais ils ont permis à des jeunes de vivre pendant plusieurs années avec un salaire correct. Ils leur ont mis le pied à l’étrier et leur ont permis de rebondir ensuite sur un emploi définitif, le poste qu’ils occupaient étant devenus indispensable dans la structure qui les employait.

Votre logique est toute différente. Il n’y a pas de perspectives de croissance parce qu’il n’y a pas de relance par le pouvoir d’achat. Il n’y a pas non plus de partage du temps de travail. Vous expliquez simplement aux gens que, s’ils veulent gagner plus, ils doivent travailler plus. Mais en réalité, ce sont ceux qui travaillent déjà, et qui gagnent peu, qui devront faire des heures supplémentaires. Vous avez d’ailleurs fait évoluer la législation du travail en ce sens, notamment dans les petites entreprises. En revanche, ceux dont nous parlons aujourd’hui n’auront pas la moindre chance de trouver un de ces emplois puisque vous ne partagez pas de façon équitable le temps de travail.

Vous nous avez parlé de 240 millions, madame la ministre. Je n’ai pas trouvé la ligne budgétaire correspondante mais nous vous faisons confiance. Je fais cependant observer, et j’ai déjà eu l’occasion de le dire en d’autres lieux, que cette somme est censée bénéficier à 6 ou 7 millions de bénéficiaires de minima sociaux. La baisse de l’ISF représente à peu près le même montant et concerne, quant à elle, 14 000 personnes. En établissant un parallèle entre ces deux chiffres, on mesure l’indécence de votre politique. Les 6 ou 7 millions de personnes visées dans le premier cas sont potentiellement concernés, alors que, l’application de la réduction d’impôt étant automatique et n’étant soumise à aucune condition, les 14 000 assujettis à l’ISF profiteront tous de la réduction d’impôt.

Voilà quelle est la situation et rien ne laisse malheureusement penser qu’elle va connaître une inflexion. Le RMI a progressé en 2004 de 9 % et, même si nous notons un ralentissement dans la progression du chômage, celui-ci est lié à la démographie puisqu’en 2005 le nombre des départs à la retraite sera supérieur à celui des arrivées sur le marché de l’emploi. À court terme, c’est peut-être une chance. Mais cela n’en est sûrement pas une à long terme. En tout état de cause, nous ne créons plus d’emplois. Et, malheureusement, les chômeurs de longue durée sont de plus en plus nombreux. Ainsi, le taux des chômeurs de plus de trois ans s’est accru de 9,3 % en un an.

Alors, quelles sont les perspectives pour ceux qui recherchent aujourd’hui un emploi ? Il y a de moins en moins de CDI, en tout cas pour les gens les moins formés. Les CDD sont eux-mêmes mis en cause avec l’instauration du contrat nouvelles embauches qui va, d’une certaine manière, précariser aussi l’emploi dans les entreprises, si ce n’est déjà fait puisque, dans les deux ans suivant sa création, l’emploi créé dans le cadre d’un CNE pourra disparaître sur décision du chef d’entreprise. Certes, quelques mesures ont été annoncées ici ou là après les violences urbaines. Je pense notamment à la relance de l’apprentissage. Oui, c’est bien. Mais on peut se demander s’il faut le rendre possible dès quatorze ans.

Monsieur le rapporteur, vous avez conclu tout à l’heure à l’absence de « grand soir ». Mais personne n’attend plus le grand soir ! Si l’on élimine cette perspective, qui ne se situe sans doute pas sur notre modeste terre, on peut cependant constater qu’en d’autres temps nous avions, quant à nous, fait renaître l’espoir. De 1997 à 2002, 2 millions d’emplois ont ainsi été créés, précisément parce que nous avions mené une politique de croissance et d’augmentation du pouvoir d’achat, et que nous étions dans un cercle vertueux. Je me dois de rappeler, et ces chiffres sont eux aussi incontestables, qu’en 1990, on comptait 20 millions de personnes salariés contre 22,7 millions, en 2002. De 2002 à 2005, malheureusement, le nombre d’emplois salariés a stagné. Et seul le critère démographique vous permettra de sauver la face.

Les dangers que peut faire naître par ailleurs ce texte ne manquent pas. Il y a bien sûr les sanctions dont le caractère est nettement excessif, au moins dans le texte initial. On envisage en effet des sanctions dépassant plusieurs milliers d’euros pour des personnes ne disposant même pas de mille euros. Nous savons très bien, du reste, nous qui exerçons des responsabilités locales, que ces sommes ne seront pas recouvrables. Votre objectif dans cette affaire n’est-il pas de faire disparaître des statistiques des minima sociaux un certain nombre de gens à qui l’on reprochera une faute mineure, comme vous avez fait disparaître un certain nombre de demandeurs d’emploi des statistiques du chômage ? J’aimerais qu’on agisse avec autant de sévérité contre la fraude et l’évasion fiscales lorsqu’elles touchent des revenus très élevés. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur. C’est bien mal connaître la répression fiscale !

M. Michel Liebgott. Ainsi que d’autres l’ont dit avant moi, nous ne sommes pas forcément opposés à certaines des dispositions techniques contenues dans ce texte. Je pense en particulier aux mesures de clarification et de revalorisation. Encore faut-il agir véritablement en ce sens. Comment comprendre en effet, alors que le contrat d’intérim habituel dure un mois et demi à peu près ou à peine plus, que vous n’ayez pas prévu la mise en œuvre de la prime dès le premier mois d’activité ? Attendre le quatrième mois ne me paraît pas très cohérent au regard de la réalité du marché du travail.

Enfin, et c’est loin d’être un détail, nul ne sait comment vont réagir les autres collectivités que vous allez solliciter. Il semble qu’on ait pris l’habitude, dans cette enceinte, de prendre des décisions qui auront d’importantes conséquences sur les collectivités territoriales. La semaine dernière encore, dans le cadre de la loi de finances, nous avons assisté à un transfert massif vers les collectivités locales.

Très concrètement, s’agissant par exemple de la prime forfaitaire, prestation légale, il aurait été pour le moins courtois de consulter les départements avant d’envisager sa fixation. Idem pour les crèches. Il y a là un problème de sémantique. À partir de quelles mesures va-t-on permettre à ces détenteurs de minima sociaux d’être prioritaires ? Mais, au-delà de cet aspect technique, il faut prendre en compte le développement de tous ces modes de garde, absolument nécessaires, car tout le monde doit travailler pour vivre, voire pour survivre. C’est là le problème de fond. Qui va investir ? Y aura-t-il des crédits de l’État ? Sans doute pas ! L’élu local que je suis se pose donc, comme d’autres vraisemblablement, la question de savoir comment il va financer les diverses crèches et haltes-garderies nécessaires pour favoriser la reprise du travail mais aussi une formation ou une reconversion.

Nous regrettons également que les droits connexes ne soient pas traités dans le cadre de cette loi. L’urgence de ce texte technique n’était pas telle que ne puissions attendre un mois pour discuter d’un texte complet, incluant les répercussions des différentes mesures sur la CMU, sur l’exonération de l’impôt sur le revenu, sur la CSG, la taxe d’habitation, sur les réductions sociales liées à l’abonnement téléphonique et tant d’autres dispositions qui devront être examinées le moment venu.

En fait, un certain nombre de personnes et de secteurs vont cumuler les handicaps. Ainsi, dans ma commune, 80 % des chômeurs sont issus d’une zone urbaine sensible. Ces gens, qui sont confrontés à des situations individuelles dramatiques et concentrés dans certaines zones, seront, certes, plus contrôlés. Mais je note qu’on ne se préoccupe pas de savoir ce que les élus locaux pourront faire pour gérer cette situation et aider ces personnes au quotidien. On les laisse faire fonctionner le centre communal d’action sociale, qui ne dispose plus guère de moyens, du reste. Il faudrait augmenter la fiscalité pour pouvoir aider ces pauvres gens. Nous allons donc assister au cumul de situations individuelles qui se dégradent.

Nous regrettons également l’absence de volontarisme de l’État en direction des associations qui aident ces personnes en difficulté, dans le domaine de la recherche d’emploi, de la formation ou de l’accompagnement. Je pense en particulier aux crédits au titre de la politique de la ville.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Et la réforme de la DSU ? On n’a jamais fait autant en la matière !

M. Michel Liebgott. Dans la plupart des contrats de ville, les crédits ont diminué de 50 %. Il en est ainsi dans ma ville. Madame la ministre, on a peut-être élargi les périmètres car il y a, malheureusement, de plus en plus de secteurs en difficulté ; mais on a réduit de moitié les crédits.

On en arrive ainsi à des situations dramatiques. On demande en effet à des associations d’ouvrir des crèches et des haltes-garderies pour permettre à des personnes de retrouver un emploi. Mais ces crèches, fussent-elles parentales, ne pourront pas fonctionner et les gens en difficulté ne pourront pas y laisser leur enfant.

S’agissant des contrats aidés, vous avez certes fait un pas en arrière compte tenu des récents événements auxquels nous avons assisté. Mais le signal est nettement insuffisant. Je n’ai pas noté par exemple que les contrats d’avenir explosent. Les associations se tournent vers les élus locaux et se demandent comment elles pourraient créer des emplois alors qu’elles n’ont pas les moyens de les rémunérer à la hauteur prévue par les conventions collectives.

Je ne dirai ici qu’un mot sur les caisses d’allocations familiales. J’ai cru comprendre que vous les aviez consultées. Lorsqu’on les sollicite pour des financements d’activités périscolaires, il apparaît tout d’abord que le budget d’action sociale de la CNAF, qui est de 3 milliards d’euros, semble remis en cause par le Gouvernement qui demande de lever le pied. Si tel n’est pas le cas, qu’il le dise hic et nunc. En tout cas, il ne faut pas accepter ce retour en arrière.

Par ailleurs, et c’est tout aussi important, on souhaite assurer un meilleur suivi des détenteurs de minima sociaux, pour mieux les réinsérer, mais on supprime des postes de tuteur. Ou on demande aux départements de créer des tutorats techniques. En tout état de cause, l’État ne donne plus de moyens. Il voudrait même supprimer 1 000 postes à la CNAF, ce qui serait incompatible avec un bon suivi des dossiers.

Nous serons également très vigilants quant à l’effet d’aubaine que pourrait produire ce texte. Nous aurons en effet, d’un côté, des entreprises tentées de multiplier les emplois précaires – CNE, postes de stagiaire, temps partiel subi, intérim –, et, de l’autre, des minima sociaux assez bas. Certaines personnes cumuleront les deux et arriveront ainsi à un minimum vital tiré à la fois de l’entreprise et de la société. Tout cela parce qu’on n’aura voulu ni revaloriser les salaires, ni mettre en place des minima sociaux permettant à eux seuls de vivre dignement.

Je voudrais pour conclure revenir sur l’engagement qui avait été pris à l’époque par le Président de la République et par les gouvernements successifs pour réduire la fracture sociale. Ces dernières semaines, l’insécurité s’est ajoutée à la fracture sociale. Depuis, chacun est retourné, si j’ose dire, vivre dans sa misère et les quartiers sensibles ont retrouvé une certaine stabilité mais, malheureusement, la fracture sociale demeure.

La décentralisation a toujours été une excellente réponse aux problèmes de nos concitoyens les plus fragiles, car elle rapproche le décideur du payeur et du bénéficiaire. Néanmoins, si nous sommes fiers de la décentralisation engagée il y a vingt-cinq ans en direction des régions et des départements, dont chacun reconnaît les effets bénéfiques pour les lycées et les collèges, ce n’est pas le cas de celle conduite par le gouvernement Raffarin, qui a initié la politique que vous menez aujourd’hui.

Où est la fameuse décentralisation que l’on nous avait présentée ? Les collectivités paient aujourd’hui les pots cassés ! Le ministre du budget a lui-même convenu l’année dernière dans cet hémicycle que plafonner la valeur ajoutée des principales entreprises contributrices risquait d’appauvrir les départements, les régions et les communautés qui vivent de la taxe professionnelle unique.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ce n’est pas le sujet du texte qui vous est présenté aujourd’hui !

M. Michel Liebgott. Alors que, d’un côté, on prive les collectivités locales de moyens, on leur demande de l’autre de payer davantage pour satisfaire les politiques de décentralisation que vous leur imposez depuis quelques années en prétendant qu’elles ne leur coûteront rien. M. Copé lui-même a reconnu la complexité des dispositifs d’attribution des aides, qui nuit à leur transparence : le RMI est géré par les départements tandis que les emplois aidés, du moins ce qu’il en reste, sont financés par l’État.

Aujourd’hui, sur le plan tant national que local, les procédures mises en place sont totalement inégalitaires et ne font qu’accroître l’injustice sociale, favorisant le processus de faillite. C’est manifestement le cas de l’État, qui accumule les déficits. Faute de pouvoir les résorber, il les transfère aux collectivités locales en faisant voter au Parlement, la semaine dernière, des dispositions fiscales qui réduisent leurs moyens, et, cette semaine, un projet de loi qui demande aux départements et aux communes de financer une politique qui devrait relever d’une politique nationale de relance de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en introduction à mon propos, d’emprunter quelques mots à Confucius, qui écrivait : « Ne vous souciez pas d’être sans emploi ; souciez-vous d’être dignes d’un emploi ».

M. Maxime Gremetz. C’est formidable !

M. Bernard Perrut. Telle est bien, madame la ministre, la philosophie de ce projet de loi qui permet aux bénéficiaires des minima sociaux de conserver leur dignité. En effet, vous voulez les aider à se réinsérer et à retrouver la motivation nécessaire à leur quête d’emploi.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. Bernard Perrut. Depuis 2002, incontestablement, la pierre angulaire de l’action du Gouvernement et de notre majorité est la mobilisation nationale pour l’emploi. À ce titre, la récente baisse du chômage est encourageante.

M. Maxime Gremetz. Ah ?

M. Bernard Perrut. Nous avons également souhaité, monsieur Gremetz, augmenter le SMIC unifié de 11,4 %. C’est une hausse considérable ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. Bernard Perrut. Parallèlement, la prime pour l’emploi a été revalorisée de 11 % depuis 2003.

M. Maxime Gremetz. Pour combien de personnes ?

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, M. Perrut a seul la parole !

M. Bernard Perrut. En dépit de ces mesures, nombre de nos concitoyens vivent dans la crainte de perdre leur emploi et de sombrer dans la marginalité. Nous sommes sensibles à la détresse de ces hommes, de ces femmes, de ces jeunes, dans nos villes et nos villages, détresse qui souvent engendre un sentiment de révolte.

M. Maxime Gremetz. Vous êtes sensibles, mais que faites-vous ?

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, s’il vous plaît !

M. Bernard Perrut. Les comportements qui ont plongé un certain nombre de quartiers dans la peur et le désordre sont certes inexcusables, mais nous devons tout faire pour éviter qu’ils se reproduisent. Nous devons tenir compte du message qui nous a été transmis.

Dans quelques semaines, nous examinerons dans cette enceinte deux textes – le projet de loi portant engagement national pour le logement et celui relatif à l’égalité des chances – qui prolongeront notre engagement.

Le retour à l’emploi est une priorité absolue qui exige une mobilisation sans précédent. Une somme de 1 milliard d’euros a été affectée en 2005 à la première phase du plan de cohésion sociale ; 3 milliards d’euros seront nécessaires en 2006 et vous-même, madame la ministre, consacrerez 240 millions d’euros à la mise en œuvre de ce texte très concret.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. Bernard Perrut. Notre pays, on le sait, compte 3,3 millions d’allocataires de minima sociaux, soit 6 millions de bénéficiaires. Ce chiffre peut paraître inacceptable car chacun a le droit d’occuper un emploi.

Le rapport de la commission Familles, vulnérabilité, pauvreté a montré que les bénéficiaires du RMI ont tendance à demeurer dans cette situation, la reprise d’une activité n’entraînant pas pour eux de gains substantiels. Le cercle vicieux est alors enclenché.

Le suivi personnalisé des chômeurs va montrer son efficacité : grâce à un interlocuteur unique qu’ils rencontreront fréquemment, les chômeurs ne souffriront plus de l’anonymat et seront moins démoralisés dans leur recherche d’emploi, que l’on qualifie parfois de parcours du combattant.

L’emploi, qui incontestablement est au cœur de la politique gouvernementale, relève de notre responsabilité collective. Il n’est plus acceptable que tant de personnes se trouvent durablement écartées du développement économique, social et culturel, et toutes les initiatives engagées sur le terrain doivent être exploitées.

Ce projet de loi est ambitieux puisqu’il préconise le retour à l’emploi. Sa philosophie est claire : favoriser la reprise d’une activité en rendant le revenu du travail plus attractif que celui de l’assistanat. J’ai toujours partagé l’idée selon laquelle l’assistanat déresponsabilise ses bénéficiaires et qu’il est de loin préférable que ceux-ci soient motivés et responsabilisés dans le monde du travail. Inciter les chômeurs à reprendre un emploi, voire à créer ou reprendre une entreprise, est donc une mesure de bon sens.

D’autres mesures efficaces ont déjà été prises en faveur de l’emploi. Je pense aux 70 000 contrats nouvelle embauche signés depuis le mois d’août dernier, à l’objectif de 120 000 contrats d’accompagnement vers l’emploi, de 200 000 contrats d’avenir et de 50 000 contrats initiative emploi en 2006.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Très bien !

M. Bernard Perrut. Aussi, dans le cadre de la commission des affaires sociales et sous la direction de notre excellent rapporteur, M. Wauquiez…

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Il a fait un travail remarquable !

M. Bernard Perrut.… nous avons voulu explorer toutes les pistes susceptibles de déboucher sur un emploi. Il faut ainsi encourager les projets personnalisés d’accès à l’emploi. À ce titre, je souhaite mentionner l’initiative menée dans le département du Rhône, à l’occasion des vendanges.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur. Tout à fait !

M. Bernard Perrut. Le conseil général du Rhône a fait preuve d’innovation en permettant à 700 Rmistes de conserver leur allocation tout en recevant un salaire.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Excellente initiative !

M. Bernard Perrut. Cette initiative, madame la ministre, mes chers collègues, mérite sans conteste d’être généralisée, et l’amendement de notre collègue Maurice Giro répond à notre attente.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est un amendement très intéressant !

M. Bernard Perrut. Nous devons en être convaincus, une politique efficace de l’emploi ne réussira qu’avec le soutien de tous les partenaires, au premier rang desquels les collectivités territoriales, les communes, les conseils généraux, mais aussi les entreprises, les associations d’insertion et tous ceux qui œuvrent chaque jour sur le terrain.

Ce projet de loi tend à simplifier le dispositif actuel d’intéressement, particulièrement complexe et peu lisible. On ne peut que s’en réjouir, et notre objectif n’est ni de stigmatiser qui que ce soit ni de jeter l’opprobre sur les bénéficiaires de minima sociaux au motif qu’ils ne seraient pas motivés dans leur quête d’emploi.

Mme la présidente. Monsieur Perrut, veuillez conclure, je vous prie.

M. Bernard Perrut. J’ai apprécié l’amendement tendant à supprimer le délai de carence pour l’accès aux contrats d’avenir et aux contrats d’insertion RMA.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur. Très bien !

M. Bernard Perrut. Les bénéficiaires du RMI, de l’ASS et de l’API pourront ainsi se voir proposer plus facilement des contrats d’avenir. C’est tout à fait essentiel pour les chantiers d’insertion.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Cette mesure était très attendue !

Mme la présidente. Monsieur Perrut, je vous remercie !

M. Bernard Perrut. Je voudrais tout de même insister sur un point, madame la présidente : si l’on veut que les personnes retrouvent un emploi, il faut leur simplifier la vie. C’est la raison pour laquelle, dans ce projet de loi, les parents de jeunes enfants ne sont pas pénalisés. Il est naturellement nécessaire de leur garantir un nombre déterminé de places d’accueil en crèche, à condition de ne pas pénaliser d’autres familles en allongeant les listes d’attente.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur. Très bien !

M. Bernard Perrut. Enfin, nous devons être pragmatiques. Ce texte nous y invite. Le travail structure notre société : c’est dire l’importance de l’enjeu ! Jacques Chirac déclarait en 1995 qu’aucune société n’a duré qui acceptait la fracture sociale de l’exclusion. Cette question de civilisation est au cœur de notre débat. Madame la ministre, ce texte ambitieux était nécessaire et utile pour les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la présidente, madame la ministre, qui pourrait s’opposer à l’amélioration du dispositif actuel dit d’intéressement au retour à l’emploi ? Pour autant, fallait-il déposer un projet de loi à la va-vite ? Plusieurs rapports, qui ouvraient un certain nombre de pistes, ont été remis ces derniers mois sur la question des minima sociaux. Mais, au lieu d’analyser ces propositions et d’en débattre avec les acteurs concernés comme le CNLE, le CNIAE ou les associations de lutte contre l’exclusion, et de légiférer sur la problématique globale des minima sociaux, vous nous proposez encore une fraction de réforme – la troisième en deux ans pour le RMI – et une autre nous est déjà annoncée. Quelle étrange façon de travailler !

Ce « premier étage de la fusée » selon les termes du rapporteur, se justifierait par l’introduction de plus d’efficacité. Si au moins c’était vrai ! Malheureusement, ce n’est que partiellement vrai et je le démontrerai tout au long des débats. Ne pouvions-nous donc attendre quelques semaines de plus pour parvenir à un texte vraiment efficace ?

L’idée que les allocataires de minima sociaux vivent de l’assistance et s’y complaisent continue, hélas, à hanter les esprits de certains de nos collègues. Ils ne sont malheureusement pas les seuls… Ainsi peut-on lire sur le site internet du ministère, pour expliciter cette réforme, que « le titulaire d’un minimum social a aujourd’hui un niveau de vie quasi équivalent au niveau de vie d’un salarié » !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est vrai !

Mme Martine Billard. Madame la ministre, je propose que la personne qui a osé écrire cette phrase soit condamnée à vivre six mois avec le RMI : nous verrons si elle maintient ses propos. C’est avec ce genre de discours erroné que l’on dresse les Français les uns contre les autres !

Non, le niveau n’est pas le même, à moins de comparer le revenu d’un allocataire du RMI avec celui d’un salarié à temps partiel. Mais, même ainsi, il est plus avantageux de travailler. D’ailleurs, les personnes ne font pas le choix du travail plutôt que du RMI uniquement en fonction du montant du revenu, mais parce qu’elles veulent travailler.

Cela étant, le « retour à l’emploi » suppose que l’emploi existe. Or, même si toutes les offres d’emplois trouvaient preneurs, sans parler de la qualité ou de la précarité de ces offres, il resterait encore plus d’un million de demandeurs d’emploi. Votre texte n’est donc pas une loi de « retour à l’emploi », mais un dispositif partiel concernant seulement les allocataires des minima sociaux.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est une première étape !

Mme Martine Billard. Je vous rappelle que si l’on compte aujourd’hui tant d’allocataires de l’ASS et du RMI, c’est aussi parce que les droits à l’assurance chômage ont été fortement réduits ces dernières années, en espérant qu’ils ne le seront pas encore plus après les négociations en cours à l’UNEDIC. Naturellement, rien n’est prévu pour tous ceux qui sont orientés vers les emplois précaires de courte durée, qui se sont multipliés : les CNE, les missions d’intérim, les contrats aidés en CDD à temps partiel ou de moins de six mois. Ces personnes, n’ayant pas droit à l’UNEDIC, se tournent donc vers le RMI.

Il faut savoir qu’il est difficile pour une majorité de personnes de reprendre un travail, compte tenu des coûts supplémentaires que cela entraîne et parfois des avantages que cela peut faire perdre. Le système d’intéressement actuel est totalement opaque, incompréhensible, imprévisible et, pire, inégalitaire. Les décisions qui seront prises, inexplicables à l’avance, provoquent d’ailleurs régulièrement des conflits sur le calcul des droits. En bref, tout est réuni pour exaspérer les allocataires et les décourager de reprendre une activité rémunérée. Il était donc nécessaire de réformer ce dispositif.

Mais le dispositif présenté concerne principalement les allocataires reprenant un emploi à temps plein, avec de nouveaux mécanismes effectivement plus favorables. Cela dit, la bonne méthode aurait été de nous indiquer le nombre d’allocataires concernés, car un allocataire qui retrouve un emploi à temps plein pour un an est tout de même la perle rare aujourd’hui !

En revanche, pour les allocataires reprenant à temps partiel, vous maintenez en partie les anciennes dispositions. Or elles présentent de nombreuses insuffisances et génèrent des injustices ; j’y reviendrai lors de la défense de plusieurs amendements. La possibilité de recalculer le montant du RMI lors du premier trimestre en cas de reprise d’activité pendant ce trimestre – avec, en conséquence, la demande de remboursement –, un des défauts majeurs du système actuel, n’est pas modifiée.

Mais, surtout, ce système à deux vitesses conduit à créer, une fois de plus, deux catégories d’allocataires et un peu plus de complexité. Ceux qui auront la chance de retrouver un emploi à temps plein, ou presque, pour douze mois, et les autres. Et malheureusement, les autres, si je peux m’exprimer ainsi, sont le plus souvent des femmes… En effet, nous savons que, pour les femmes ayant peu de qualifications, les emplois proposés le seront dans le nettoyage, le commerce, et notamment la grande distribution, les services aux personnes. Tous ces secteurs emploient massivement des femmes à temps partiel, voire très partiel.

En moyenne en 2004, 544 000 femmes ont un emploi à temps partiel, dont la durée hebdomadaire est inférieure à quinze heures, soit 4,8 % des femmes salariées. Ce qui veut dire que ces femmes ne sont pas concernées par ce dispositif.

Votre dispositif a donc comme conséquence de désavantager une fois de plus les femmes.

Je m’interroge aussi sur le financement des primes : vous surchargez les fonds de solidarité des ASS sans prévoir de recettes nouvelles. Quant à la prime mensuelle pour les allocataires du RMI, elle est imposée aux départements sans compensation financière.

Par ailleurs, les effets pervers sont particulièrement liés à la notion de statut entraînant des droits connexes, et donc à la perte de ces droits lors de la perte du statut. Or votre texte supprime ce statut au bout de trois mois de reprise, contrairement à la situation actuelle. À moins que vous n’acceptiez l’amendement que j’ai déposé pour éviter cette remise en cause insidieuse du statut,…

M. Maxime Gremetz. Bien sûr !

Mme Martine Billard. …puisque vous nous annoncez une réforme à venir, mais, pour l’instant, elle n’est pas incluse dans le texte.

Sous couvert d’obligations des allocataires, le serpent de mer des fraudes réapparaît de façon ubuesque. À force de traquer les fraudes, vous en arrivez à introduire quasiment des triples peines pour des déclarations incomplètes concernant des allocataires qui, sauf fraude organisée avérée, sont surtout des personnes en grande difficulté. Ce qui me choque aussi, ce sont les règlements absurdes, dont je donnerai des exemples pendant le débat, suspendant les allocations pour cause de recalcul ou, pire, les erreurs de calcul, qui, elles, ne sont jamais sanctionnées ni compensées.

En conclusion, les difficultés rencontrées lors d’une reprise d’emploi sont connues. Les solutions ne sont pas forcément simples, c’est indéniable, mais elles supposent une vraie volonté politique. Malheureusement, ce texte n’est pas à la hauteur et il est à craindre que le reste de la fusée annoncée ne parte en vrille lorsqu’il nous sera soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Giro.

M. Maurice Giro. Je serai très court, comme votre projet de loi, madame la ministre.

Il ne sert à rien de faire de longs projets de loi qui sont très compliqués.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur. Très bien !

M. Maurice Giro. On peut faire des projets de loi très courts et très efficaces.

Il faut rappeler l’importance des minima sociaux, RMI, ASS et API : ils concernent plus de 6 millions de personnes avec, dans le cadre du RMI, près d’un tiers qui sont dans le système depuis plus de cinq ans, et seulement 13 % qui ont un contrat d’insertion. Je crois que cela veut tout dire.

On le voit : lorsqu’on rentre parmi les allocataires, on en sort très difficilement. Après tout, a-t-on intérêt à en sortir ? Je crois qu’il faut oser le dire quand on sait que le titulaire d’un minimum social a aujourd’hui un niveau de vie quasi équivalent à celui d’un salarié au SMIC,..

Mme Huguette Bello. Oh là là !

M. Maurice Giro. …du fait des avantages indirects qu’entraîne la perception d’un minimum social.

Vous comprendrez que l’on ne peut accepter que le travail soit moins rémunérateur que les revenus d’assistance car, je le dis et je le répète, seul le travail pendant un temps suffisant assure l’autonomie financière des familles.

Et je comprends mal que vous parliez toujours de temps partiel (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Maurice Giro. …car vous avez voté les 35 heures et ce sont elles qui ont développé le temps partiel, notamment dans les grandes surfaces où on a beaucoup plus intérêt à faire travailler deux employés 20 heures chacun plutôt qu’un employé 35 heures.

M. Maxime Gremetz. Allons donc !

M. Maurice Giro. Et puis, vous l’avez entendu comme moi, il est souvent signalé que la reprise d’un emploi avec obligatoirement trois mois à l’essai ne permet plus de revenir, si l’essai n’est pas concluant, au minimum social d’origine.

N’ayons pas peur de le dire également : même les travailleurs sociaux n’incitent pas à la reprise d’un travail, sachant que les avantages financiers ne sont pas très apparents, et difficiles à mettre en place.

Alors, il fallait rapidement réformer le dispositif actuel et favoriser la reprise d’activité en rendant plus attractif le revenu du travail par rapport à celui de l’assistance.

Madame la ministre, c’est l’objet même du « projet de loi relatif au retour à l’emploi et au développement de l’emploi », basé sur l’encouragement à la reprise d’activité et qui vise à favoriser des emplois d’une durée suffisante et à maintenir un gain pour chaque heure travaillée.

L’encouragement à la reprise d’activité ne peut se faire que par une aide financière. C’est ce que vous avez fait pour les emplois de plus de 78 heures. On pourra cumuler l’allocation et le salaire pendant trois mois. Et au quatrième mois, on percevra une prime de 1 000 euros. Il est important de le rappeler : cette prime est indispensable puisque reprendre un travail après un arrêt pendant plusieurs années entraîne des frais ; ces 1 000 euros permettront à ces gens-là de faire face aux frais supplémentaires. Enfin, on percevra également pendant les neuf mois qui restent une prime de 150 euros si l’on est seul, de 225 euros si l’on a une famille.

Favoriser les emplois, c’est, bien sûr, trouver des emplois pour les personnes concernées et cela sera le travail et la mission des maisons de l’emploi. Elles permettront, d’un côté, de connaître les demandeurs avec leurs compétences, leurs formations et, de l’autre, d’avoir en parallèle, autour de la même table, les propositions des entreprises. Il s’agira, pour les maisons de l’emploi, d’assurer le suivi indispensable.

Tout cela coule de source, et je comprends mal que vous vouliez préciser ce rôle dans la loi. Il a été fixé : il n’était donc pas indispensable de le rappeler.

Favoriser les emplois, c’est également instituer une priorité d’accès aux établissements et services d’accueil des jeunes enfants de moins de six ans en faveur des bénéficiaires du RMI, de l’API et de l’ASS qui retrouvent une activité. Cela est indispensable si l’on veut pouvoir faire face à un emploi. Mais, et cela a été dit par notre collègue Perrut, il ne faut pas que d’autres familles restent sur des listes d’attente et que l’on passe devant elles. Aussi madame la ministre, avec mon collègue Tian nous avons prévu un amendement qui va vous permettre d’utiliser les 10 % de places obligatoires qui ont été autorisées par décret pour des cas d’urgence. Autrement dit, il propose que les crèches, tout en conservant les mêmes structures d’encadrement, puissent utilier le nombre de places en cas d’urgence. Je crois que c’est un amendement qu’il faudra creuser et qui permettra de faire face aux demandes.

M. Bernard Perrut. Très bonne mesure !

M. Maurice Giro. Il faudra permettre – et je remercie mon collègue Bernard Perrut qui l’a souligné à travers trois amendements intéressant les personnes qui dépendent du RMI, de l’ASS et de l’API – aux saisonniers d’accéder aux emplois proposés en conservant les minima sociaux en supplément du salaire. Cela est très important et évitera de faire appel à une main-d’œuvre étrangère.

M. Bernard Perrut. C’est essentiel !

M. Maurice Giro. Il faudra certainement prévoir quelques mesures en cas d’arrêt du travail après quatre mois et avant douze mois, c’est-à-dire après perception de la prime de 1 000 euros.

Il s’agira également de prévoir une réforme des droits attachés aux minima sociaux permettant de compléter le dispositif, parce que cette loi et tout ce qui en découle repose sur des minima sociaux, et il faudra avoir beaucoup de rigueur.

Nous présenterons également des amendements visant à porter de trois mois à six mois l’obligation de résider sur le territoire national pour les ressortissants communautaires, mais également à tenir compte des ressources dont peuvent disposer à l’étranger les demandeurs étrangers et à établir un dispositif de contrôle.

Il faudra également permettre aux présidents de conseil général, qui ont de larges pouvoirs vis-à-vis des bénéficiaires du RMI, de pouvoir notamment le suspendre pour non-respect des engagements d’insertion des bénéficiaires. Il est important qu’au-delà des sanctions financières, ces pouvoirs soient maintenus.

En conclusion, madame la ministre, vous avez raison,…

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Merci !

M. Maurice Giro. …il faut aller vite car, quand on est demandeur d’emploi, on ne peut attendre. Aujourd’hui, tout est en place pour agir. Grâce à cette loi et à la création des maisons de l’emploi, nous pouvons aller vite, aider les demandeurs d’emploi, mais également les conseils généraux à alléger leurs charges financières dans le cadre du RMI. Car chaque fois qu’une personne sort du RMI pour aller dans un emploi, elle ne coûte plus d’argent au conseil général.

Madame la ministre, les députés du groupe UMP sont prêts à agir, ils voteront cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Rolland.

M. Jean-Marie Rolland. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, retrouver un emploi peut se révéler long et difficile. Une période d’inactivité prolongée entraîne un découragement et un manque de confiance qui sont des éléments peu propices à un retour à l’emploi.

Pour aider les personnes sans emploi, les gouvernements successifs ont souvent privilégié ce que l’on appelle le traitement social, l’attribution d’aides financières associée à un suivi régulier.

Or, nous le savons, il se trouve que ces aides, qui devraient être ponctuelles – pour passer un mauvais cap –, sont devenues pour certains un revenu permanent assurant une large part des ressources du foyer et créant donc un système que certains peuvent comparer à de l’assistanat. Il fallait donc que l’État intervienne pour créer les conditions de reprise d’un emploi. Il faut que les Français admettent que la perte d’un emploi n’est pas une fatalité et que retrouver un emploi n’est pas inaccessible, même si le parcours qui y mène peut parfois paraître long et compliqué.

M. Maxime Gremetz. Vous n’avez jamais été au chômage, vous, ça se voit !

M. Jean-Marie Rolland. Certaines catégories de personnes ont plus de difficultés que d’autres à retrouver un emploi et peuvent également être moins incitées que d’autres à le faire.

M. Maxime Gremetz. Oh là là !

M. Jean-Marie Rolland. C’est le cas des mères isolées, élevant seules leurs enfants, mais aussi des mères vivant en couple et bénéficiaires de minima sociaux. C’est sur ce thème que je souhaite faire porter mon intervention.

M. Maxime Gremetz. Incroyable ! Vous ne faites jamais de permanence, j’en ai bien l’impression !

M. Jean-Marie Rolland. Le problème se posant à ces mères est celui de la garde de leurs enfants qui ne sont pas encore en âge d’être scolarisés. Plus précisément, elles doivent trouver le moyen de concilier la reprise d’un emploi et la garde des enfants. Or cela leur est parfois impossible et elles doivent renoncer à accepter un poste ou un stage professionnel.

Les femmes bénéficiaires de minima sociaux ou les femmes isolées occupent souvent des postes à temps partiel ou faiblement rémunérés. En 2004, selon l’INSEE, 544 000 femmes avaient un emploi à temps partiel, dont la durée hebdomadaire était inférieure à quinze heures, contre seulement 123 000 hommes. Les femmes occupaient ainsi 81,5 % des emplois à temps partiel de moins de quinze heures hebdomadaires.

Mme Patricia Adam. Eh oui !

M. Jean-Marie Rolland. La reprise d’un emploi peut entraîner, vous le savez, une perte financière. Ainsi, le revenu net de la personne reprenant un emploi peut être diminué après le paiement du mode de garde.

En l’absence de solution de proximité familiale, à la campagne notamment, il y a deux moyens essentiels, la crèche ou l’assistante maternelle.

Les tarifs sont différents. Les mères seules sont souvent en position plus difficile pour l’inscription dans les établissements puisque certains d’entre eux donnent la priorité aux enfants de couples bi-actifs. Seulement 3 % des enfants des familles bénéficiaires d’un minimum social sont gardés en crèche.

Le second moyen est le recours aux services d’une assistante maternelle. Il est parfois plus facile à trouver, notamment en milieu rural, même si le coût peut être plus élevé.

Il est nécessaire d’instaurer – et c’est l’esprit du texte qui nous est présenté aujourd’hui – un système permettant aux mères de faire garder leurs enfants.

On peut ainsi saluer la politique familiale française qui incite les femmes à concilier un emploi et le fait d’avoir des enfants, ce qui nous permet d’avoir un taux de natalité bien plus important qu’en Italie, en Espagne et Allemagne.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Jean-Marie Rolland. Par ailleurs, ce projet de loi accompagne également les efforts faits par la France en faveur de la parité sur le plan professionnel. En effet, faciliter la garde des enfants, c’est favoriser l’emploi des femmes en rompant avec l’exclusion professionnelle dont elles peuvent être victimes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Jean-Marie Rolland. Toutefois, il ne faut pas se cacher que des difficultés d’application peuvent surgir. En favorisant les bénéficiaires de minima sociaux par un système de places réservées,…

M. Maxime Gremetz. Comme pour les handicapés ?

M. Jean-Marie Rolland. …on risque en effet de désavantager les couples issus des classes moyennes et ayant choisi la crèche comme mode de garde. Vous le savez, les structures ne peuvent pas satisfaire toutes les demandes, bien que le règlement actuel favorise les familles dont les deux parents travaillent. Il ne serait pas raisonnable de défavoriser ou de paraître défavoriser une large part de la population française.

Pour terminer, je voudrais évoquer le cas des petites structures. En tant que président d’une modeste communauté de communes gérant la compétence « petite enfance », je sais combien il est difficile, en milieu rural, de laisser en permanence 10 ou 15 % des places en attente dans des structures qui n’en comptent qu’une vingtaine. Nous devons trouver des solutions facilement applicables.

En conclusion, je voudrais me féliciter de l’effort partagé en faveur du retour vers l’emploi des femmes qui ont des charges de famille. Il s’agit d’un projet ambitieux, indispensable à l’équilibre et à la cohésion de notre société, sur l’ensemble de notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Victoria.

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, je demande la parole !

Mme la présidente. Je viens de la donner à M. Victoria.

M. Maxime Gremetz. Je l’avais demandée avant !

M. René-Paul Victoria. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au retour à l’emploi concrétise bien la volonté, affichée par le Premier ministre, Dominique de Villepin, et par son gouvernement, de favoriser les revenus de l’activité par rapport à ceux de l’assistanat.

Il convient d’ailleurs de rappeler que c’est tout le sens du projet porté pour l’outre-mer par le Président de la République. Il a fait mettre en œuvre une loi de programme pour l’outre-mer, sur quinze ans, et il a eu à cœur de favoriser, avant l’heure, par des mesures ciblées − allégement des charges et défiscalisation −, le retour à l’activité dans les DOM. Pour la Réunion, les résultats sont visibles et mesurables.

Ce projet de loi vise donc en priorité à favoriser la sortie de l’assistance pour les allocataires du revenu minimum d’insertion, de l’allocation de solidarité spécifique et de l’allocation de parent isolé, en encourageant les reprises d’emploi d’une durée suffisante pour assurer l’autonomie financière de ces salariés et de leur famille. Il était urgent de faire de chaque Français un acteur du développement de notre pays et celui de son propre développement.

À cet égard, vous me permettrez de dresser le constat de la réalité réunionnaise dans le domaine des minima sociaux. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au mois de juin 2005, la Réunion totalisait près de 97 000 bénéficiaires de minima sociaux, soit 74 000 RMIstes, 13 800 allocataires de l’ASS et 9 200 bénéficiaires de l’allocation de parent isolé.

Ce texte se veut donc un encouragement à la sortie de l’assistance au travers de mesures concrètes et décisives. Il convient de saluer les augmentations successives du SMIC depuis 2002, ainsi que la création du contrat d’avenir et du contrat d’insertion-revenu minimum d’activité, le versement de la prime de 1 000 euros pour les chômeurs de longue durée qui retrouvent un emploi, la mise en place d’une prime forfaitaire d’intéressement et les mesures d’accompagnement prévus par ce texte, comme celles concernant la garde d’enfant. Je tiens particulièrement à saluer l’avancée significative que représente la mise en place du dispositif d’intéressement proportionnel à la durée du travail, prime qui ne sera pas imposable.

Ce texte visant à unifier et à simplifier les dispositifs relatifs aux minima sociaux, ne pourrait-on pas, dans un souci d’équité, faire bénéficier les titulaires de l’ASS et de l’API de l’exonération de la redevance et de la taxe d’habitation, comme cela se pratique pour les allocataires du RMI ? De la même façon, l’accès à la couverture maladie universelle n’est automatique que pour les bénéficiaires du RMI. Ne faudrait-il pas revoir l’attribution de cette aide en faveur des personnes percevant le minimum vieillesse ou l’allocation adulte handicapé ? Plus de 18 000 personnes en sont bénéficiaires à la Réunion. Par un effort supplémentaire, le Gouvernement rendrait justice à ces familles et pourrait ainsi clore solennellement le grand chantier de l’égalité sociale voulu par le Président de la République.

Avec près de 100 000 personnes vivant uniquement grâce aux minima sociaux, vous comprendrez que la Réunion est dans une situation à la fois singulière et préoccupante à bien des égards. Ainsi, il nous faut sans arrêt concevoir des activités pour créer de l’emploi. Notre situation géographique constitue en outre un frein à notre développement économique, car nous sommes entourés de pays émergents qui offrent une main-d’œuvre de qualité à des prix dérisoires.

Dans un tel contexte, si les dispositifs de défiscalisation devaient être en partie amputés, il en résulterait, pour notre département d’outre-mer comme pour d’autres, une évidente perte de compétitivité et un retour inévitable à des situations de grande précarité, pouvant engendrer à terme − compte tenu de notre évolution démographique − une explosion de la cohésion sociale.

La situation du chômage demeure cependant très préoccupante. J’en suis d’autant plus conscient que, lorsque mes administrés s’adressent au maire que je suis, c’est une fois sur deux pour lui demander un emploi.

Il nous appartient donc de nous mobiliser, comme l’a souhaité le Premier ministre, autour des acteurs économiques et sociaux, en liaison avec l’ANPE et les services de l’État, pour rechercher des solutions innovantes et adaptées à nos spécificités. Je sais pouvoir compter sur vous, madame la ministre, pour que, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, les particularités de l’outre-mer soient prises en compte dans ce débat.

Enfin, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés auxquelles sont confrontées les communes de la Réunion, véritables employeurs, véritables entreprises d’insertion sociale, qui comptent des milliers d’emplois aidés.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Bien sûr !

M. René-Paul Victoria. Certains de ces personnels ont bénéficié des dispositifs successifs de l’État et, aujourd’hui, nous nous trouvons face à des employés qui ont huit ans de présence dans une collectivité territoriale et n’ont pas de réelles perspectives d’avenir, mais assistent à la précarisation grandissante de leur statut.

C’est pourquoi je vous serais reconnaissant d’organiser, en liaison avec votre collègue Christian Jacob, ministre de la fonction publique, une réunion de travail à ce sujet, afin de redonner de l’espoir à nombre de ces personnes en situation fragile.

Je suis bien conscient que les contrats aidés ne peuvent représenter la seule alternative au chômage et qu’il convient de favoriser l’embauche dans le secteur privé.

Ce projet de loi tend bien à répondre à cette priorité qui est de gagner la bataille de l’emploi et d’assurer l’insertion professionnelle de tous, surtout des plus démunis, par l’activité professionnelle pour, d’une part, la dignité par le travail et, d’autre part, la liberté par la solidarité de la communauté nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de LA prochaine séance

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, après déclaration d’urgence, n° 2668, relatif au retour à l’emploi et au développement de l’emploi :

Rapport, n° 2684, de M. Laurent Wauquiez, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)