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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 183

Réunion du mercredi 4 octobre 2006 à 16 h 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Audition de M. Pierre Sellal, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, sur la préparation du sommet européen informel de Lahti et sur les principaux sujets d'actualité européens

Le Président Pierre Lequiller a remercié M. Pierre Sellal d'avoir accepté la présence de députés allemands, membres d'un groupe de travail de l'Assemblée nationale et du Bundestag sur la diversité culturelle en Europe, à l'occasion de son audition par la Délégation.

Evoquant la politique européenne de l'énergie - dont la France souligne l'impérieuse nécessité -, il a souhaité savoir quels pourraient être les progrès attendus au-delà des orientations générales.

S'agissant de la justice et des affaires intérieures, le Président Pierre Lequiller a rappelé que la France, à la différence de l'Allemagne, était favorable à l'adoption de la clause passerelle qui permettrait le vote à la majorité qualifiée et s'est enquis de l'évolution de cette question.

Enfin, il a demandé à M. Pierre Sellal les conditions dans lesquelles la Présidence allemande du premier semestre 2007 et celle de la France au deuxième semestre 2008 pourraient examiner les questions institutionnelles, l'Europe des projets et l'élargissement, en faisant observer sur ce dernier point la nécessité de préciser le contenu de la capacité d'absorption de l'Union.

M. Pierre Sellal, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, a tout d'abord souligné que la concertation avec notre partenaire allemand, à Bruxelles, était quotidienne et qu'elle s'imposera encore davantage dans le cadre de la prochaine Présidence allemande.

Abordant la préparation du sommet européen informel de Lahti, il a précisé que celle-ci n'était pas encore achevée à Bruxelles, la Commission devant encore présenter une communication et la Présidence finlandaise des orientations plus précises. S'agissant d'une réunion informelle, ce sommet n'aura pas de caractère décisionnel et n'y participeront que les chefs d'Etat ou de Gouvernement, selon des modalités qui ont déjà été expérimentées l'an passé à Hampton Court. Cette dernière rencontre informelle avait permis, en particulier à l'initiative de la France, une discussion efficace et fructueuse sur le besoin, pour l'Europe, de s'identifier par des actions concrètes, ce que l'on a appelé l'Europe des projets ou des résultats. M. Pierre Sellal a estimé que cette exigence était toujours pertinente ; l'Europe se doit de montrer la valeur ajoutée qu'elle peut apporter au regard des demandes et des attentes exprimées par l'opinion ainsi que des défis résultant de la mondialisation.

Evoquant l'ordre du jour de la rencontre de Lahti, il a indiqué que trois thèmes principaux, selon la proposition de la présidence finlandaise, devraient être abordés : l'énergie, l'innovation et la relation de l'Europe avec la Russie, puisque la rencontre s'achèvera par un dîner auquel le Président Vladimir Poutine sera convié. La France, avec ses partenaires de l'Europe méditerranéenne, a souhaité que soit également examinée la question des flux migratoires.

En ce qui concerne l'énergie, M. Pierre Sellal a rappelé qu'à Hampton Court un consensus s'était dégagé sur la nécessité de mettre en place une véritable politique européenne de l'énergie. Cet objectif était dicté par : l'augmentation du prix du baril, qui était alors devenue préoccupante, la constatation d'une dépendance accrue de l'Union européenne pour son approvisionnement énergétique, et enfin, le besoin d'intensifier la lutte contre le réchauffement climatique. Il était apparu indispensable d'aller au-delà des actions menées et des principes posés jusqu'à présent : d'une part, résumer la politique énergétique à la seule réalisation du marché intérieur - à travers, notamment, la suppression des obstacles aux échanges et l'ouverture des marchés - n'apparaissait plus suffisant. D'autre part, il convenait de dépasser, sans le remettre en cause, le principe posé dans les traités selon lequel chaque Etat membre détermine souverainement le choix de ses sources d'énergie. L'ambition d'une politique commune de l'énergie est de susciter des choix européens, fondés sur une définition commune des objectifs de l'Union, qu'il appartient ensuite à chaque Etat de mettre en œuvre au plan national.

M. Pierre Sellal a rappelé que, depuis la rencontre de Hampton Court, la France avait déposé, le 24 janvier 2006, un mémorandum contenant des propositions, dont le Livre vert de la Commission présenté en mars 2006 s'est largement inspiré. Ensuite, les Conseils européens de mars et de juin 2006 ont posé les bases d'une politique européenne de l'énergie fondée sur trois principes : la sécurité de l'approvisionnement, la compétitivité et la durabilité, c'est-à-dire la compatibilité des choix énergétiques avec les objectifs du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique. Le but serait de parvenir à l'élaboration d'un plan d'action sous Présidence allemande au printemps 2007, qui pourrait porter, par exemple, sur l'interconnexion des réseaux, la transparence des marchés, la réduction du risque de dépendance par un effort de stockage accru.

La France attache beaucoup d'importance à deux de ses propositions, approuvées par le Conseil européen de juin dernier : d'une part, réaliser une analyse prospective de l'offre et de la demande d'énergie en Europe, afin d'éclairer les choix d'investissement des Etats membres et, d'autre part, procéder à un examen rationnel des sources d'énergie mobilisables en fonction de leur contribution à la fois aux objectifs de compétitivité, de protection de l'environnement et de réduction de notre dépendance vis-à-vis de l'extérieur.

Par ailleurs, le vote récent de l'Assemblée nationale permettant la mise en conformité de la France avec les directives européennes de juin 2003, prévoyant l'ouverture du marché de l'énergie, constitue un élément très positif. Un marché de l'énergie qui fonctionne bien, non fragmenté, est un élément important du renforcement de la solidarité et de l'efficacité européennes dans ce domaine. En outre, ce respect des règles nous place dans une position d'autant plus forte pour insister sur ce qui doit impérativement les compléter, notamment la création d'acteurs industriels forts et armés face aux producteurs et à la concurrence mondiale.

Une politique européenne de l'énergie comprend nécessairement une action extérieure ambitieuse et déterminée. La Présidence finlandaise s'y montre attachée. Il s'agit de faire de l'énergie un volet majeur de l'action extérieure de l'Union, en ce qui concerne non seulement les relations de l'Europe avec les pays producteurs, mais aussi vis-à-vis des grands pays consommateurs comme la Chine et l'Inde. Ce dialogue avec les pays émergents doit porter sur les thèmes de l'efficacité énergétique, des énergies renouvelables, mais aussi sur la coopération nucléaire civile. Pour développer cette priorité, toutes les cartes dont dispose l'Union doivent être mobilisées, qu'elles relèvent de la PESC ou de l'action communautaire : instruments stratégiques et de sécurité, financiers, commerciaux. Afin d'assurer une coordination efficace de cette pluralité d'instruments, le Premier ministre a récemment proposé la création d'un poste de représentant spécial chargé de l'énergie. Une de ses missions serait d'organiser une rencontre sur les problématiques de l'énergie réunissant l'Union et ses voisins, à la fois orientaux et méditerranéens, producteurs d'hydrocarbures.

La mise en place d'une véritable politique européenne de l'énergie est une œuvre de longue haleine. A partir des contraintes existantes, des situations nationales spécifiques, l'enjeu est de promouvoir à la fois une approche globale, autour des grands objectifs définis en commun, et des mesures concrètes, parmi lesquelles, par exemple, la généralisation à l'Union du système français des certificats d'économie d'énergie, ou le thème de l'éco-conception des produits.

S'agissant de l'innovation, deuxième grand thème proposé pour la rencontre de Lahti, une communication de la Commission soumettra d'ici quelques jours des orientations et la Présidence finlandaise devrait ensuite suggérer de concentrer la discussion du sommet sur quelques thèmes précis.

L' analyse des systèmes éducatifs, dont la qualité et l'ouverture sont au cœur d'une ambition en faveur de l'innovation, sera certainement abordée, mais le fait qu'il s'agisse là d'une compétence essentiellement nationale limite la possibilité de bâtir des stratégies communes. Le sommet informel débattra par ailleurs du projet, dont le Président de la Commission a pris l'initiative l'an passé, de créer un Institut européen de technologie, une sorte de « MIT européen ». Ce projet aurait une triple vocation d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation. Il vise notamment à assurer une meilleure articulation entre l'université, la recherche et les entreprises, un point faible de l'Europe. La France a accueilli favorablement le concept proposé, car l'Europe souffre manifestement d'un déficit de performance et de reconnaissance dans ce domaine, mais ce projet suscite encore le scepticisme de nombre de partenaires compte tenu de ses incertitudes : cet institut aura-t-il une implantation physique, gage de visibilité (et dans ce cas, où ?), ou bien obéira-t-il à une logique de réseau entre établissements nationaux existants ? Aura-t-il la capacité de délivrer des diplômes ? Comment sera-t-il financé ? Nous attendons des précisions de la part de la Commission sur tous ces points.

La mobilisation des financements privés au service de la recherche, dont la faiblesse est l'une des insuffisances européennes, devrait être aussi évoquée. A cet égard, l'Agence pour l'innovation industrielle, mise en place en France, et qui s'est rapidement développée dans un esprit franco-allemand, peut constituer une référence très utile, notamment dans sa démarche, fondée sur une articulation entre financements publics et privés, à partir de projets venant de l'industrie. Ce type d'articulation pourrait être étendu au niveau européen.

C'est précisément dans cet esprit que, sur une initiative prise en son temps par le Président de la République, une facilité de financement de la recherche est en cours de mise en place avec la Banque européenne d'investissement (BEI). Il s'agit d'un instrument de partage des risques financiers, qui agira comme catalyseur et associera des fonds publics et privés. A partir de 2 milliards d'euros de garantie publique (un milliard sur les fonds propres de la BEI et un milliard sur le budget communautaire), 10 milliards d'euros de prêts pourront être lancés, finançant 30 milliards d'euros de projets.

La révision du régime communautaire d'encadrement des aides à la recherche est également en débat. La Commission travaille actuellement sur un projet. La France souhaite que le régime des aides soit amélioré afin d'alléger les contraintes pesant sur les acteurs de la recherche et de l'innovation, et orienté vers l'objectif de dynamiser leur action.

La Commission suggère d'approfondir un nouveau concept : celui de marchés porteurs ou de marchés de références (en anglais lead markets). Il se fonde sur le constat suivant : il n'existe que très peu de secteurs technologiques pour lesquels l'Europe est le leader mondial. Ainsi, il est aujourd'hui fréquent que des entreprises européennes délocalisent leur recherche aux Etats-Unis ou au Japon, où se trouvent les marchés porteurs. Cette situation s'explique par le cloisonnement excessif des marchés, l'absence de masse critique, l'insuffisante coordination des acteurs. La Commission souhaite mener une réflexion en coopération avec l'industrie sur les moyens de favoriser l'émergence de marchés porteurs en Europe. Ces moyens peuvent concerner la recherche, la politique commerciale et la normalisation, qui est un enjeu particulièrement important, tant de façon positive - les premiers à imposer leur norme acquièrent une position directrice sur le marché mondial - que négative - une norme trop rigide par rapport à celles de nos concurrents est susceptible de tuer un marché. Cet enjeu concerne potentiellement de nombreux secteurs, comme la télévision mobile, les nanotechnologies ou encore l'efficacité énergétique.

Les marchés publics jouent également un rôle important dans l'innovation. La France considère que les PME constituent un gisement d'innovation sous-exploité du fait de leur insuffisante participation à la commande publique. Nous proposons donc à la Commission de faciliter leur accès aux marchés publics, ce qui implique des révisions du cadre juridique, ainsi que des négociations à l'Organisation mondiale du commerce à engager rapidement.

Enfin, la propriété intellectuelle est un facteur essentiel de valorisation et de protection de l'innovation. M. Pierre Sellal a rappelé que le brevet européen et le brevet communautaire sont des sujets bien connus de la Délégation.

Le Président Pierre Lequiller a fait observer à ce sujet que le Conseil constitutionnel avait récemment rendu une décision sur la compatibilité du protocole de Londres sur le brevet européen avec la Constitution française qui donnait raison à la position de la Délégation.

M. Pierre Sellal a précisé que la France était favorable à un instrument au prix compétitif, respectant le multilinguisme et assurant la meilleure sécurité juridique dans le cadre du marché intérieur.

Le troisième thème qui sera abordé lors du sommet de Lahti est celui de l'immigration. Il s'agit d'une demande de la France, de l'Espagne et de leurs partenaires méditerranéens, fondée sur les crises récentes aux Canaries et à Malte, et plus généralement sur l'ampleur de ce problème. L'objectif est de parvenir à un plan d'action renforcé au Conseil européen de décembre.

Les propositions présentées par la France reposent tout d'abord sur un principe, selon lequel cette question doit être traitée au niveau européen. Trois raisons le justifient : la liberté de circulation dans l'espace Schengen, qui a supprimé les contrôles aux frontières intérieures. Ensuite, les moyens requis pour lutter contre l'immigration illégale, qui dépassent largement ceux des Etats les plus exposés. Enfin, la question de l'immigration doit être intégrée dans l'action extérieure de l'Union européenne.

Il faut ensuite adopter une démarche, c'est « l'approche globale », telle qu'elle a été définie par le Conseil européen en décembre 2005. Celle-ci repose sur un engagement conjoint des pays d'origine, de transit et de destination et sur leur coopération. Cette approche a été mise en œuvre lors de la conférence de Rabat en juillet dernier et elle a été efficace et fructueuse. La France souhaite l'étendre à d'autres routes migratoires, par exemple à l'Afrique orientale. Une rencontre entre l'Union européenne et les Etats du continent africain est prévue prochainement.

Il faut également pouvoir disposer d'instruments, à la fois juridiques et politiques. Au plan juridique, il s'agit en particulier de permettre le retour des immigrés illégaux, par des accords de réadmission avec les pays d'origine et les pays de transit, soit bilatéraux, comme cela a été récemment le cas entre la France et le Sénégal, soit au niveau de l'Union, notamment en application de l'article 13 de la convention de Cotonou. La Commission négocie ces accords avec un succès relatif car il s'agit d'un exercice difficile. Au plan politique, comme l'a proposé M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, des engagements de comportement de la part des Etats membres sont nécessaires. La solidarité face aux flux migratoires est essentielle car les enjeux sont européens. Elle passe au minimum par une information réciproque sur les politiques de chacun, et le Conseil des ministres de l'intérieur adoptera dès cette semaine de premières mesures en ce sens.

Les moyens représentent aussi un enjeu important. Quatre milliards d'euros sont prévus dans les perspectives financières 2007/2013 à ce titre, dont deux milliards pour la gestion des frontières extérieures et deux milliards répartis entre un fonds pour les réfugiés, un fonds pour les retours des immigrés illégaux dans leur pays d'origine et un fonds pour l'intégration. A cela s'ajoutent les instruments d'aide extérieure de l'Union. Ceux-ci ont naturellement leurs objectifs propres, mais ils peuvent contribuer à promouvoir une bonne coopération en matière de gestion des flux migratoires, notamment par des mécanismes incitatifs appropriés. Ainsi, une « enveloppe conditionnelle » existe dans le cadre du Fonds européen de développement (FED).

Les moyens humains sont insuffisants. L'agence des frontières extérieures de l'Union (Frontex) ne dispose encore que de 65 agents. La France et l'Espagne insistent sur la nécessité d'un renforcement de ces moyens. Enfin, il serait souhaitable de parvenir à une meilleure mutualisation des capacités nationales, par exemple celles de nos consulats respectifs, avec, en perspective, l'idée de consulats communs.

L'Europe a également besoin de procédures plus efficaces. En matière d'asile, une harmonisation supplémentaire des politiques est nécessaire, dans l'objectif de parvenir à une véritable politique commune. Le rapprochement des politiques nationales doit concerner à la fois l'octroi du statut de réfugié et les droits reconnus en matière d'emploi, de protection sociale et d'éducation.

Il s'agit également d'avoir des procédures de décision plus diligentes. Beaucoup de questions relatives à l'immigration requièrent encore l'unanimité. La Constitution européenne prévoyait le passage à la majorité qualifiée. Mais il est possible et urgent d'utiliser sans attendre les possibilités des traités actuels. La « clause passerelle » permet de décider à l'unanimité de passer à la majorité qualifiée. Ceci servirait à la fois les objectifs d'efficacité et de contrôle démocratique de la décision, la majorité qualifiée s'accompagnant de la codécision avec le Parlement européen. Les discussions à ce sujet se poursuivent. Certains partenaires expriment des réticences de principe, tandis que d'autres craignent qu'une application anticipée de la Constitution européenne ne la condamne.

Une politique européenne doit aussi avoir un volet concernant l'intégration. L'harmonisation et l'amélioration des conditions d'accueil s'imposent car, d'une part, les divergences entre législations et pratiques nationales provoquent des flux secondaires entre Etats membres et, d'autre part, il importe de montrer les avantages de l'immigration légale.

Enfin, et c'est en réalité la toute première exigence, l'Union européenne doit agir sur les causes de l'immigration, par le biais de la coopération pour le développement et de la lutte contre la pauvreté.

S'agissant enfin des relations entre l'Union européenne et la Russie, la participation du Président Vladimir Poutine au dîner de clôture du sommet informel est une initiative à laquelle la Présidence tient beaucoup et qui n'a pas de précédent.

La consolidation du partenariat stratégique entre l'Union européenne et la Russie est indispensable à la stabilité et à la prospérité du continent. Le cadre actuel de nos relations, inspiré par une initiative franco-allemande en 2005, repose sur quatre « espaces » communs de coopération, dans le domaine économique, en matière de liberté, de sécurité et de justice, dans le domaine de la sécurité extérieure ainsi que pour la recherche, l'éducation et la culture. L'ambition est de faire vivre ces quatre espaces avec des coopérations concrètes.

L'énergie sera particulièrement évoquée, compte tenu de la priorité attachée à ce thème et du relatif insuccès des efforts déployés jusqu'à maintenant. La Russie n'a pas encore ratifié la Charte européenne de l'énergie, qui offrirait plus de transparence et un cadre plus favorable aux investissements européens. Il convient d'identifier les points de rencontre entre, d'une part, les demandes de l'Europe, sur la sécurité énergétique ainsi que sur l'accès aux ressources et aux réserves ; et, d'autre part, les souhaits de la Russie d'une ouverture de l'Union sur l'aval de la filière, notamment le transport et la distribution. Les transferts de technologie peuvent être l'un des éléments permettant de bâtir une relation équilibrée. Mais cette dernière suppose aussi que l'Europe progresse dans sa coordination interne, voire puisse s'exprimer d'une seule voix, ce qui n'est guère aisé compte tenu des disparités des situations nationales et de l'attachement de chaque Etat à la définition de son energy mix.

L'ambition de la Présidence finlandaise est d'ouvrir la voie à un nouvel accord de coopération entre l'Union et la Russie. Celle de la France est que celui-ci soit aussi global que possible, avec un partenariat énergétique ambitieux, sans oublier ce qui relève de la coopération politique et de la sécurité extérieure.

A l'issue de l'exposé de M. Pierre Sellal, M. Robert Lecou s'est intéressé à la politique euro-méditerranéenne comme l'un des moyens de lutter contre l'une des causes de l'immigration, le sous-développement, et a demandé quelle était la portée de la volonté politique en la matière. S'agissant de la politique énergétique, l'opinion européenne est sensible aux initiatives relatives à la lutte contre l'effet de serre et les changements climatiques. Quelle est la volonté de l'Union d'agir en la matière ? Les Etats émergents tels que l'Inde et la Chine ont besoin de repères. L'Europe peut les leur donner.

Sur l'innovation, M. Jérôme Lambert a rappelé que le droit américain facilitait l'accès des PME aux marchés publics et a demandé des précisions sur les éventuels blocages auxquels se heurtait l'Europe pour mettre en œuvre des mesures similaires, estimant que les règles de l'OMC, dont les Etats-Unis font également partie, ne pouvaient être invoquées. Sur l'immigration, il a demandé si les besoins de l'Europe en apport de populations extérieures avaient été évalués. D'une telle étude découlerait naturellement une politique adaptée à ses besoins. De même que pour l'énergie, une démarche prospective s'impose.

Après avoir relevé la grande importance de chacun des sujets de l'ordre du jour du sommet informel, M. François Guillaume a estimé qu'en matière de politique énergétique, l'Europe pourrait décider quelques mesures, sur le stockage par exemple, mais ne pourrait pas prendre de grandes décisions. Au-delà des Etats, il faut en effet compter avec les opérateurs, dont certains d'entre eux sont de grandes entreprises multinationales qui ont chacune sa liberté d'action et ses propres intérêts. Il y a donc une incertitude sur les dispositifs qui pourront être mis en place. S'agissant de l'innovation, la notion de marché porteur a été évoquée. Deux exemples peuvent effectivement être avancés. Dans le domaine aéronautique et spatial, le potentiel de recherche des pays de l'Union est considérable dans le cadre d'une coopération qui concerne actuellement, avec EADS, quelques grands Etats. Un autre exemple est celui des biotechnologies. Le marché est également conséquent, notamment en matière de semences. Il est regrettable que les capacités de recherche européennes ne puissent être utilisées en raison de l'hostilité de certains Etats aux OGM. La Commission est également timide dans ce domaine. L'Europe laisse vraisemblablement passer une occasion.

S'associant aux observations de M. François Guillaume sur l'énergie, M. Pierre Forgues a jugé que le marché intérieur ne pouvait à lui seul déboucher sur une politique énergétique et a fait part de son scepticisme en la matière. En raison, notamment, des considérations sur la nécessité d'une masse critique des opérateurs, les grands groupes vont avoir une grande influence sur la politique énergétique, notamment par leurs choix techniques pour la production d'électricité. Dans de telles circonstances, une politique européenne serait indispensable, mais la souveraineté des Etats fait que l'on voit mal les actuels débats déboucher sur des solutions concrètes.

S'agissant de l'immigration, il faut effectivement s'attaquer au sous-développement qui en est la cause si l'on veut une politique durable, efficace et humaine. On reste sceptique lorsque l'on examine l'aide aux pays de départ. La politique de l'immigration est actuellement centrée sur les conséquences du phénomène avec des instruments financiers qui devraient, au contraire, être consacrés à l'aide au développement et des instruments juridiques qui ne pourront jamais empêcher des populations, dont la survie en dépend, de souhaiter aller vivre dans d'autres pays. En outre, ceux-ci ne donnent pas la meilleure image de l'Europe. On parle d'engagements des pays d'origine et des pays de transit. Sur quels éléments repose leur contenu ?

Le Président Pierre Lequiller a regretté que l'Europe n'ait pas encore su se doter d'un symbole concret d'action au niveau de la police des frontières, alors qu'il s'agit d'un thème sensible auprès de l'opinion publique. Il conviendrait de s'inspirer des recommandations formulées par M. Michel Barnier pour identifier les futurs agents d'une force européenne de protection civile.

En réponse aux divers intervenants, M. Pierre Sellal a fourni les éléments d'information suivants :

- sur le dialogue euro-méditerranéen, la conférence de Rabat de juillet 2006 a illustré l'importance de ce cadre de concertation en matière de flux migratoires. Il peut être aussi fécond dans le domaine de l'énergie. La France veille en tout cas à ce que la région Méditerranée demeure une priorité de l'action extérieure de l'Union européenne et il importe de rappeler, par exemple, que les crédits destinés à la politique de voisinage se répartissent pour deux tiers en faveur du bassin méditerranéen et pour un tiers au bénéfice des Etats situés à l'est de l'Union ;

- sur l'action à mener contre les changements climatiques, il convient de souligner que le protocole de Kyoto est devenu une référence internationale grâce, en grande partie, à l'action de l'Europe, qui a su utiliser la capacité d'influence résultant de son exemplarité et d'une mobilisation diplomatique ;

- sur l'accès des PME aux marchés publics en vue de développer l'innovation, il est exact que les Etats-Unis ont pu mettre en place un tel dispositif avec l'accord de l'Organisation mondiale du commerce. La France souhaite précisément que l'on fasse valoir ce précédent pour bénéficier de la même possibilité, mais la Commission européenne semble considérer, au contraire, qu'il faudrait mettre fin à cette exception américaine ;

- sur le besoin d'immigration lié à l'évolution démographique en Europe, l'enjeu est évident, mais les Etats membres sont très attachés à préserver leur compétence nationale pour déterminer le nombre d'immigrants admis à séjourner légalement sur leur territoire, comme cela était d'ailleurs expressément prévu dans le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe. Il n'existe pas un consensus européen en la matière, d'autant que les situations varient fortement d'un Etat à l'autre ;

- sur l'intervention des opérateurs économiques dans la définition de la politique énergétique, il est évident que les entreprises du secteur sont des acteurs essentiels dans la mise en œuvre d'une stratégie et que, d'ailleurs, l'Europe a besoin d'opérateurs puissants à l'échelle mondiale, capables de contribuer effectivement à la sécurité de ses approvisionnements énergétiques, même si cette exigence doit être conciliée avec le souci d'un marché concurrentiel, que parfois la Commission a tendance à privilégier excessivement, par exemple en contestant l'intérêt des contrats à long terme avec les pays producteurs. On ne peut pas dire, néanmoins, que les entreprises déterminent leurs investissements indépendamment de la volonté des Etats ou de l'Union. Ainsi, les choix politiques des gouvernements en matière d'énergie nucléaire encadrent nécessairement les décisions des entreprises ;

- sur les progrès enregistrés dans la politique énergétique européenne, des prises de conscience sont patentes depuis quelques mois ; ainsi le recours à l'énergie nucléaire tend à redevenir un sujet de débat dans les pays où elle avait été bannie. Cela montre que l'institution au niveau européen d'un cadre de réflexion et d'éclairage sur les choix stratégiques peut contribuer à rendre les choix nationaux plus rationnels et plus cohérents avec les objectifs d'intérêt commun ;

- sur l'existence de marchés européens porteurs, les secteurs des biotechnologies et l'industrie spatiale peuvent, en effet, être cités en exemples, car ils illustrent parfaitement aussi bien le potentiel européen que les difficultés liées à la fragmentation des marchés et à l'insuffisante normalisation ;

- sur l'immigration, il est évident qu'il faut s'attacher en priorité aux causes de ce phénomène. Les ordres de grandeur des budgets communautaires montrent que cela est déjà le cas, puisque si 4 milliards d'euros sont prévus pour la gestion des flux migratoires, l'Union consacre au moins dix fois cette somme à l'action extérieure, au premier chef à l'aide au développement. Chacun a conscience que seul le développement des pays d'origine aidera à maintenir les populations sur place et il serait souhaitable de concevoir nos politiques de coopération à la lumière de cet objectif, comme cela se fait dans le cadre des actions de codéveloppement ;

- sur la nécessité de rendre plus visible l'action de la police des frontières, on ne peut que regretter que la conscience de l'existence d'une frontière extérieure commune et de la solidarité qu'elle implique soit encore aussi peu répandue. Mais l'idée d'une police européenne des frontières se heurte aussi à certaines difficultés politiques, beaucoup d'Etats membres, notamment parmi les nouveaux adhérents, se montrant réticents à déléguer cette fonction de souveraineté. Une première mesure concrète serait de créer des « équipes volantes » plurinationales, mobilisables en période de crise. La France s'emploie à la concrétisation rapide de ce projet.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point A

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les textes suivants :

¬ Commerce extérieur

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1207/2001 eu égard aux conséquences de la mise en place du système de cumul pan-euro-méditerranéen de l'origine (document E 3214).

¬ Institutions

- proposition de règlement du Conseil instituant, à l'occasion de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, des mesures particulières et temporaires concernant le recrutement de fonctionnaires des Communautés européennes (document E 3174).

¬ Justice et affaires intérieures

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention des Nations unies contre la corruption (document E 3118).

¬ Questions budgétaires et fiscales

- proposition de décision du Conseil autorisant certains Etats membres à appliquer un taux réduit de TVA sur certains services à forte intensité de main d'oeuvre conformément à la procédure prévue à l'article 28, paragraphe 6, de la directive 77/388/CEE (document E 3209) ;

- proposition de règlement du conseil portant abrogation du règlement (CE) n°2040/2000 du Conseil concernant la discipline budgétaire (document E 3229) ;

¬ Recherche

- proposition de décision du Conseil autorisant la conclusion de l'accord visant à reconduire et modifier l'accord relatif aux activités de recherche et de développement dans le domaine des systèmes de fabrication intelligents entre la Communauté européenne et l'Australie, le Canada, les pays AELE de Norvège et de Suisse, la Corée, le Japon et les Etats-Unis d'Amérique (document E 3192).

III. Nomination d'un rapporteur d'information

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a désigné M. Michel Herbillon rapporteur d'information sur la révision de la directive « télévision sans frontières ».