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le 15 novembre 2002

N° 375

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2002.

PROJET DE LOI

relatif à la négociation collective sur les restructurations

ayant des incidences sur l'emploi,

(Renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution

d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. JEAN-PIERRE RAFFARIN,

Premier ministre,

PAR M. FRANÇOIS FILLON,

ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Emploi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le droit du licenciement économique se caractérise par une complexité croissante, qui s'est en particulier accrue avec la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale. Les dispositions relatives au licenciement contenues dans cette loi, par les multiples difficultés d'application qu'elles engendrent, sont de nature à créer une insécurité juridique préjudiciable tant aux entreprises qu'à leurs salariés.

Il est en conséquence urgent de suspendre l'application de ces dispositions, en même temps qu'il est nécessaire d'encourager les partenaires sociaux à définir un nouvel équilibre entre les contraintes qui pèsent sur les entreprises en cas de restructuration, et les nécessaires garanties des salariés, tant au titre de l'information et de la consultation des représentants du personnel, qu'à celui du reclassement. Le législateur sera amené à tirer les conséquences de la négociation entre partenaires sociaux, comme il l'a fait à plusieurs reprises dans le passé. Le Gouvernement souhaite ainsi laisser sa place au dialogue social et s'éloigner de la pratique qui a présidé à la préparation de la loi de modernisation sociale, marquée d'un manque de concertation.

Il est donc aujourd'hui proposé, d'une part, de suspendre l'application de certaines dispositions de la loi de modernisation sociale et d'encourager pendant cette période la négociation au niveau interprofessionnel entre les partenaires sociaux, permettant de renforcer le dialogue social en cas de projets de restructuration, et, d'autre part, d'engager une expérimentation sur les modalités d'information et de consultation des personnels au titre des livres III et IV du code du travail, en permettant de déroger à certaines dispositions de ce code, par voie d'accord d'entreprise.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Article 1er :

La loi de modernisation sociale accroît dans ses articles 97, 98, 99, 101, 106 et 116 la complexité des procédures applicables en matière d'information et de consultation du comité d'entreprise et des organes de direction de l'entreprise. L'article 109 écarte quant à lui le critère des qualités professionnelles des critères prévus par la loi pour déterminer l'ordre des licenciements, tout en laissant aux employeurs la possibilité d'y avoir recours. Les articles 102 et 104 sont des articles de cohérence rédactionnelle tirant les conséquences de l'article101.

En prévoyant la mise en place d'un médiateur, une séparation et une succession dans le temps des procédures de consultation prévues au titre des livres III et IV, en introduisant de nouvelles étapes dans l'exercice par l'administration de son pouvoir de contrôle dans le cadre du livre III, la loi comporte des risques d'allongement des délais, voire de blocage, et d'insécurité juridique pour les entreprises. Par ailleurs, le critère des qualités professionnelles, que le chef d'entreprise pouvait en tout état de cause ajouter aux critères légaux, apparaît essentiel dans l'élaboration et la mise en œuvre des plans de sauvegarde de l'emploi, et la loi de modernisation sociale a rendu confuses les conditions de son application.

Dans le but de prévenir les conséquences préjudiciables de ces dispositions, il est proposé d'en suspendre l'application, ainsi que, par souci de cohérence, celle des articles de coordination rédactionnelle, pour une durée de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.

Pendant cette période, les partenaires sociaux au niveau national sont invités à conduire des négociations interprofessionnelles en vue de déterminer les voies et moyens permettant de faciliter le dialogue social au sein de l'entreprise sur les projets de restructurations et leurs incidences en matière d'emploi.

En vertu du II, la suspension de l'application des dispositions de la loi de modernisation sociale peut être maintenue pendant un an, à condition qu'un projet de loi, définissant les procédures relatives à la prévention des licenciements économiques et aux règles d'information et de consultation des représentants du personnel, soit déposé avant l'échéance du délai initial de suspension de dix-huit mois. Le point de départ du nouveau délai de suspension court du jour du dépôt. Celui-ci doit faire l'objet d'un avis publié au Journal officiel de la République française.

Le paragraphe III précise les dispositions légales applicables en lieu et place des dispositions suspendues. Il s'agit des articles du code du travail correspondants, dans leur rédaction antérieure aux modifications apportées par les articles de la loi de modernisation sociale suspendus.

Article 2 :

Il est prévu d'instituer, à titre expérimental, la possibilité pour les entreprises de conclure à leur niveau des accords relatifs à l'information et à la consultation du comité d'entreprise en cas de licenciement collectif. Il s'agit des modalités d'information et de consultation prévues aux livres III et IV du code du travail.

Cette disposition vise à conforter les « accords de méthode » déjà signés dans certaines entreprises, et à encourager leur négociation. Ces accords pourront définir les conditions dans lesquelles le comité d'entreprise pourra formuler des propositions alternatives au projet économique présenté par l'employeur. Ces accords pourront également fixer les modalités de négociation susceptibles d'aboutir à un accord sur les mesures en matière de sauvegarde de l'emploi, de reclassement ou de reconversion des salariés dont l'emploi est menacé.

Le II de cet article précise la portée de ces dérogations, qui ne pourront porter atteinte à certains droits du comité d'entreprise. Ainsi ces accords ne pourront déroger aux dispositions relatives au contenu de l'information délivrée au comité d'entreprise (art. L. 321-4 du code du travail, onze premiers alinéas). Par ailleurs, il est précisé que le dispositif n'a pas pour objet de s'appliquer aux entreprises en redressement et liquidation judiciaires (art. L. 321-9 du code du travail).

L'entreprise est ainsi en mesure de se doter par voie d'accord d'une procédure simplifiée, et à l'origine d'un véritable dialogue entre employeurs et représentants des salariés. En contrepartie du caractère dérogatoire de l'accord, le projet de loi prévoit des garanties quant aux conditions dans lesquelles cet accord est négocié.

En premier lieu, cet accord doit nécessairement recueillir l'accord des partenaires au sein de l'entreprise au travers d'un accord majoritaire. Les organisations syndicales concernées sont celles qui ont obtenu la majorité des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections du comité d'entreprise.

En second lieu, le projet prévoit que de tels accords donneront lieu à consultation du comité d'entreprise en vue de recueillir son avis. Ainsi, négocié par les organisations syndicales, l'accord est soumis à la représentation élue du personnel, en cohérence avec le fait que l'accord pourra aboutir à la mise en place de modalités d'information et de consultation dérogatoires au regard de celles actuellement prévues au titre du livre III et du livre IV du code du travail.

Ces accords sont conclus pour une durée de deux ans.

Ils pourront ainsi nourrir la négociation interprofessionnelle prévue à l'article 1er.

Afin d'évaluer l'application de cet article, le Parlement sera destinataire, avant l'expiration du délai de dix-huit mois, d'un rapport du Gouvernement accompagné de l'avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective.

Article 3 :

Cet article a pour objet de préciser les conditions d'application de l'article 1er, en excluant de son champ les procédures en cours à la date de sa promulgation.

Toutefois, par exception à ce principe, si un accord peut être immédiatement conclu dans une entreprise dans les formes et les conditions prévues à l'article 2, les modifications introduites par la loi de modernisation sociale par les articles visés à l'article 1er de la loi seront également suspendues.

Ainsi sera-t-il possible, alors qu'une procédure de licenciement est engagée, et à la condition que les partenaires sociaux en soient d'accord, de passer immédiatement sous l'empire de la nouvelle loi, si un accord est signé sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article 1er

I.- L'application des dispositions du code de commerce et du code du travail dans leur rédaction issue des articles 97, 98, 99, 101, 102, 104, 106, 109 et 116 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale est suspendue pour une période maximale de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, sous réserve des dispositions prévues au II ci-dessous.

II.- La suspension des dispositions mentionnées au I est maintenue pour une durée d'un an à compter du dépôt d'un projet de loi intervenant au cours de cette période et définissant, au vu des résultats de la négociation interprofessionnelle engagée entre les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national, les procédures relatives à la prévention des licenciements économiques, aux règles d'information et de consultation des représentants du personnel et aux règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi. La mention de la date du dépôt du projet de loi maintenant la suspension fait l'objet d'un avis publié au Journal officiel de la République française.

III.- Pendant les périodes de suspension prévues aux I et II ci-dessus, les dispositions des articles L. 321-1-1, L. 321-3, L. 321-7, L. 432-1, L. 432-1 bis, L. 434-6, L. 435-3 et L. 439-2 du code du travail antérieures à leur modification par la loi du 17 janvier 2002 sont rétablies.

Article 2

I.- A titre expérimental et, le cas échéant, par dérogation aux dispositions des livres III et IV du code du travail, des accords d'entreprise peuvent fixer les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise lorsque l'employeur projette de prononcer le licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés sur une même période de trente jours. Ces accords peuvent fixer les conditions dans lesquelles le comité d'entreprise est réuni, a la faculté de formuler des propositions alternatives au projet économique à l'origine d'une restructuration ayant des incidences sur l'emploi et peut obtenir une réponse motivée de l'employeur à ses propositions.

Ces accords peuvent aussi déterminer les conditions dans lesquelles l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi prévu à l'article L. 321-4-1 du code du travail fait l'objet d'un accord.

II.- Les accords prévus au I ne peuvent déroger aux dispositions des onze premiers alinéas de l'article L. 321-4 du code du travail et à celles de l'article L. 321-9 du même code.

III.- La validité des accords prévus au I est subordonnée à une consultation du comité d'entreprise et à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections du comité d'entreprise.

IV.- Les accords prévus au I peuvent être conclus dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi et pour une durée déterminée n'excédant pas deux ans. Avant l'expiration du délai de dix-huit mois, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur l'application du présent article après avoir recueilli l'avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective.

Article 3

Les dispositions du code du travail mentionnées au I de l'article 1er restent applicables aux procédures de licenciement pour motif économique en cours à la date de promulgation de la présente loi, sauf accord d'entreprise passé dans les conditions prévues à l'article 2.

Fait à Paris, le 13 novembre 2002.

Signé : JEAN-PIERRE RAFFARIN

Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires sociales, du travail

et de la solidarité

Signé : FRANÇOIS FILLON.

 

N°375 - Projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (première lecture)


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