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le 16 janvier 2003
No  520
ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
DOUZIÈME  LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 janvier 2003.
P R O J E T   D E   L O I

autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présenté
au nom de M. Jean-Pierre RAFFARIN,
Premier ministre,
par M. Dominique de VILLEPIN,
ministre des affaires étrangères.

            Traités et conventions.

EXPOSÉ  DES  MOTIFS

                    Mesdames, messieurs,
        La décision a été prise au début des années 90 de renégocier les accords de circulation et d'établissement particulièrement libéraux qui avaient été conclus avec douze pays d'Afrique francophone après leur indépendance, pour tenir compte de l'évolution de notre réglementation relative à la maîtrise des flux migratoires (ordonnance de 1945) et de nos engagements européens (accord de Schengen). Dans ce cadre, le cas du Gabon a été examiné parmi les premiers.
        Au terme de négociations délicates, une nouvelle convention franco-gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes a été signée à Paris le 2 décembre 1992, en vue de remplacer un précédent instrument daté du 12 février 1974. Elle a institué, principalement, l'obligation de visa de court et de long séjour et fait encore actuellement l'objet d'une application à titre provisoire comme le permet son article 14 : en effet, si la France a ratifié cette convention dès 1994, le Gabon, pour sa part, a rencontré diverses difficultés pour l'achèvement de ses procédures internes. Ces dernières sont en passe d'être surmontées et la convention devrait prochainement entrer définitivement en vigueur.
        La convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise a été signée à Libreville le 11 mars 2002.
        La négociation a été engagée en 1996 et le paraphe du texte est intervenu à Libreville le 7 juin 1996. Il a cependant été ensuite constaté que l'instrument négocié comportait une erreur de fait : les clauses finales indiquaient en effet que la nouvelle convention était appelée à remplacer la convention franco-gabonaise d'établissement du 12 février 1974, alors que cette dernière n'était pas en vigueur (la ratification avait été autorisée dans les deux pays, mais il n'y avait pas eu d'échange des instruments d'approbation). En conséquence, il devait être fait référence à la première convention bilatérale d'établissement du 17 août 1960, conclue au lendemain de l'indépendance. Les différentes propositions françaises d'aménagement du texte paraphé en 1996, bien qu'elles n'aient jamais vraiment soulevé d'objection de fond de la part de la Partie gabonaise, ont ensuite longuement tardé à être mises en œuvre. Les démarches renouvelées au début de cette année ont cependant permis de conclure.
        Il convient donc de faire désormais entrer en vigueur la convention relative à la circulation et au séjour du 2 décembre 1992 et la convention d'établissement du 11 mars 2002, ces deux instruments étant indissociables. Ces entrées en vigueur donneront une base juridique sûre et stable à des dispositions qui sont, pour l'essentiel, déjà appliquées aux ressortissants gabonais. Dans les faits, ces accords de réciprocité rapprochent le droit applicable aux gabonais du droit commun du séjour et de l'établissement des étrangers en France, tout en préservant le caractère privilégié des relations entre la France et le Gabon.
        La convention franco-gabonaise d'établissement s'appuie sur l'accord type, élaboré en 1991 en liaison avec les autres administrations intéressées (ministère de l'intérieur, ministère chargé de l'emploi, ministère de la coopération), et elle s'adapte autant que possible à la forme et au contenu de la convention du 12 février 1974, même si cette dernière n'est juridiquement pas applicable. S'agissant de la convention du 17 août 1960, seule présentement applicable en droit, elle comporte plusieurs clauses d'assimilation aux nationaux de l'Etat d'accueil et elle est donc devenue tout à fait obsolète.
        Le préambule a été développé : il contient désormais une référence générale au respect des principes énoncés par les accords internationaux relatifs aux Droits de l'homme, et il précise les droits et libertés, énumérés de manière non limitative, des ressortissants de chaque pays dans l'autre.
        L'article 1er garantit aux ressortissants d'une Partie contractante résidant sur le territoire de l'autre une égalité de traitement en matière d'exercice des libertés publiques.
        L'article 2, qui reprend la rédaction de l'accord type français de 1991, reconnaît aux ressortissants de chaque Etat le droit d'entrer sur le territoire de l'autre, d'en sortir librement et de s'y établir dans le lieu de leur choix s'ils se sont conformés aux conditions de la convention franco-gabonaise relative à la circulation et au séjour du 2 décembre 1992. Il contient la réserve habituelle concernant le maintien de l'ordre public et la protection de la santé et de la sécurité publiques, dont la mise en œuvre doit résulter de la règle de droit.
        L'article 3 garantit l'égalité de traitement en matière d'accès aux juridictions.
        L'article 4 garantit l'exercice des droits à caractère patrimonial, sauf dérogation imposée par des « motifs impérieux d'intérêt national ». Cette clause, qui vise à permettre de maintenir l'application du droit interne français en ce qui concerne l'interdiction faite aux étrangers d'exercer certaines activités commerciales ou d'acquérir le contrôle du capital de certaines sociétés, est comparable à celle contenue dans l'article 3 de la convention franco-togolaise d'établissement du 13 juin 1996, alors que par exemple la convention franco-sénégalaise d'établissement du 25 mai 2000 mentionne des dérogations liées à l'ordre public.
        L'article 5 comprend deux paragraphes.
        Le premier concerne la protection accordée aux biens, droits et intérêts des ressortissants d'un Etat contractant sur le territoire de l'autre. Sa rédaction est celle de l'article 1er de la convention du 12 février 1974.
        Le second garantit l'égalité de traitement en matière d'application de la législation du travail et d'accès à la protection sociale. Cette rédaction est celle du premier paragraphe de l'article 6 de la convention du 12 février 1974, complétée à la demande française par une clause de conditionnalité à la régularité du séjour dans l'Etat d'accueil.
        L'article 6 autorise l'accès aux professions salariées, non salariées et libérales dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil. Ces dispositions sont moins favorables que celles contenues dans la convention du 12 février 1974, sachant que la première convention du 17 août 1960 contient pour sa part une clause encore plus libérale accordant pratiquement l'assimilation aux nationaux du pays d'accueil.
        L'article 7, qui reprend la rédaction de l'accord type français de 1991, interdit toute mesure arbitraire ou discriminatoire à l'encontre des biens et intérêts d'un ressortissant d'une des Parties établi sur le territoire de l'autre, y compris en cas d'expropriation ou de nationalisation, cas dans lesquels une indemnisation juste et préalable doit être versée. Le caractère préalable de cette indemnisation constitue une avancée par rapport à l'article 9 de la convention d'établissement du 12 février 1974.
        L'article 8 réserve à chacune des Parties le droit d'expulser de son territoire un ressortissant de l'autre Partie qui constitue une menace grave pour l'ordre public, avec pour seule obligation d'informer l'autre Partie de cette mesure d'expulsion. Ces dispositions sont non moins contraignantes que celles de la convention de 1974 (article 10, notification immédiate en cas de décision d'expulsion) et a fortiori que celles de la convention de 1960. Un second paragraphe reprend une formulation classique en matière de décisions d'éloignement.
        L'article 9 garantit aux ressortissants d'un Etat Partie résidant dans l'autre Etat, et qui sont désireux de quitter définitivement ce dernier, le droit d'emporter leurs biens et capitaux dans le respect de la législation de cet Etat. La convention franco-togolaise d'établissement du 13 juin 1996 contient une disposition identique (article 8).
        L'article 10 accorde aux personnes morales les droits reconnus par la convention aux personnes physiques. Il s'agit d'une reformulation de l'article 11 de la convention de 1974.
        Les articles 11 à 14 contiennent les dispositions finales comprenant :
        -  le renvoi à la législation du pays d'accueil ou à des accords spécifiques pour le traitement des points qui ne sont pas réglés par la convention ;
        -  une clause de règlement amiable en cas de difficulté dans l'exécution des clauses de la convention ;
        -  une clause territoriale excluant les territoires français d'outre-mer (TOM), conformément aux autres conventions d'établissement renégociées (Congo, Togo, Sénégal...) ;
        -  l'abrogation des dispositions précédemment en vigueur qui seront remplacées par la convention du 11 mars 2002 : la convention d'établissement du 17 août 1960 (juridiquement toujours applicable) et aussi, pour éviter toute ambiguïté, la convention d'établissement du 12 février 1974 (qui a été ratifiée par les deux Etats, mais qui n'a pas été mise en vigueur) sont ainsi visées ;
        -  une clause de tacite reconduction annuelle au-delà d'une première période de cinq ans, une clause de dénonciation et une clause habituelle d'entrée en vigueur.
        Telles sont les principales observations qu'appelle la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumise au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET  DE  LOI

        Le Premier ministre,
        Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
        Vu l'article 39 de la Constitution,
                    Décrète :
        Le présent projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article  unique

        Est autorisée l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, signée à Libreville le 11 mars 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi.
        Fait à Paris, le 8 janvier 2003.

Signé :  Jean-Pierre  RAFFARIN        

            Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,
Signé :
  Dominique de  Villepin

    

Convention d'établissement
entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République gabonaise

    Le Gouvernement de la République française, d'une part et
    Le Gouvernement de la République gabonaise, d'autre part, ci-après dénommés « Parties contractantes »,
    Considérant et prenant à leur compte respectif les principes énoncés par les accords internationaux relatifs aux Droits de l'Homme, notamment le libre exercice des activités culturelles, religieuses, économiques, professionnelles, sociales, les libertés individuelles et publiques telles que la liberté de pensée, de conscience, de religion et de culte, d'opinion, d'expression, de réunion, d'association, ainsi que la liberté syndicale,
    Considérant l'existence des liens traditionnels d'amitié entre les deux pays et, soucieux de promouvoir et de pérenniser les échanges entre leurs peuples sur la base de la réciprocité, des idées universelles de démocratie et de liberté,
    Désireux d'assurer à leurs nationaux respectifs, sur le territoire de l'autre Etat, le bénéfice d'un statut répondant au souci de mieux développer les rapports entre les deux pays, sur la base de la réciprocité, de l'égalité, de l'intérêt et du respect mutuels,
conviennent de ce qui suit :

Article 1er

    Les nationaux de chacune des Parties contractantes jouissent sur le territoire de l'autre Partie des libertés publiques dans les mêmes conditions que les nationaux de cette dernière Partie.

Article 2

    Les nationaux de chacune des Parties contractantes entrent sur le territoire de l'autre Partie, y voyagent, y établissent leur résidence dans le lieu de leur choix et en sortent à tout moment, dans les conditions prévues par la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992.
    Cette disposition ne porte pas atteinte au droit de chaque Partie de prendre les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public, à la protection de la santé et de la sécurité publiques.

Article 3

    Les nationaux de chacune des Parties contractantes ont accès aux juridictions de l'autre Partie dans les mêmes conditions que les nationaux de cette dernière Partie.

Article 4

    Les nationaux de chacune des Parties contractantes jouissent sur le territoire de l'autre Partie du droit d'investir des capitaux, d'acquérir, de posséder, de gérer ou louer tous biens, meubles et immeubles, droits et intérêts, d'en jouir et d'en disposer dans les mêmes conditions que les nationaux de cette Partie sauf dérogations imposées par des motifs impérieux d'intérêt national, motifs qui seront communiqués à l'autre Partie par voie diplomatique.

Article 5

    Chacune des Parties contractantes s'engage à accorder sur son territoire un traitement juste et équitable aux biens, droits et intérêts appartenant aux nationaux de l'autre Partie, à leur assurer la pleine protection légale et judiciaire, et à faire en sorte que l'exercice du droit ainsi reconnu ne soit pas entravé.
    Les nationaux de chacune des Parties contractantes bénéficient sur le territoire de l'autre des dispositions de la législation du travail, des lois sociales et de sécurité sociale dans les mêmes conditions que les nationaux de cette Partie, sous réserve qu'ils soient en situation régulière.

Article 6

    Les nationaux de chacune des Parties contractantes peuvent exercer sur le territoire de l'autre Partie des activités salariées, commerciales, agricoles, industrielles, artisanales, ainsi que la profession libérale de leur choix selon les modalités définies par la législation de cette dernière Partie.

Article 7

    Aucun national de l'une des Parties contractantes ne peut être frappé, sur le territoire de l'autre Partie, d'une mesure arbitraire ou discriminatoire de nature à compromettre ses biens ou ses intérêts, notamment lorsque ceux-ci consistent en une participation directe ou indirecte à l'actif d'une société ou autre personne morale. Ces biens ne peuvent faire l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique ou d'une nationalisation que moyennant le paiement préalable d'une juste indemnité.

Article 8

    Lorsque l'une des Parties contractantes prend une mesure d'expulsion à l'égard d'un ressortissant de l'autre Partie dont la présence constitue une menace grave pour l'ordre public, elle en informe l'autre Partie.
    Les autorités de l'une des Parties contractantes ayant prononcé une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant de l'autre Partie sont tenues de lui permettre d'avertir immédiatement un conseil, son consulat ou une personne de son choix, afin d'assurer la sauvegarde de ses biens et intérêts privés.

Article 9

    Chacune des Parties contractantes s'engage à autoriser les nationaux de l'autre Partie résidant sur son territoire et qui le quittent définitivement à emporter leurs effets personnels, leurs outils et instruments de travail, leur mobilier, leurs économies et les produits de leur travail ainsi que les produits de la vente de leurs immeubles, dans le respect de la législation du pays d'accueil.

Article 10

    Les personnes morales constituées conformément à la législation d'une Partie contractante et ayant leur siège social sur le territoire, jouissent, sur le territoire de l'autre Partie, des droits reconnus par la présente Convention aux personnes physiques, pour autant qu'une personne morale puisse en être bénéficiaire.

Article 11

    Les points non traités par la présente Convention sont régis par la législation interne de chaque Etat ou, si telle est la volonté des Parties, par des accords spécifiques.

Article 12

    En cas de différends nés de l'application ou de l'interprétation de la présente Convention, les deux Parties contractantes chercheront un règlement amiable par la voie diplomatique et pourront, en tant que de besoin, réunir une commission ad hoc.

Article 13

    La présente Convention s'applique
    -  pour la France, au territoire métropolitain de la République française, ainsi qu'à ses Départements d'Outre-Mer,
    -  pour le Gabon, à l'ensemble du territoire de la République gabonaise.

Article 14

    La présente Convention abroge et remplace la Convention d'établissement entre la République française et la République gabonaise, signée à Libreville le 17 août 1960 et la Convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, signée à Paris le 12 février 1974.
    Elle est conclue pour une période de cinq ans à compter de son entrée en vigueur. A l'expiration de cette période, elle est renouvelable annuellement par tacite reconduction, sauf dénonciation par l'une des Parties contractantes.
    La dénonciation devra être notifiée par voie diplomatique six mois avant l'expiration de chaque période.
    Chacune des Parties notifiera à l'autre l'accomplissement des procédures internes requises, en ce qui la concerne, pour la mise en vigueur de la présente Convention, qui prendra effet le premier jour du deuxième mois suivant la réception de la dernière notification.
    Fait à Libreville, le 11 mars 2002, en deux exemplaires originaux en langue française.

Pour le Gouvernement
de la République française :
Philippe  Selz
Ambassadeur de France

Pour le Gouvernement
de la République gabonaise :
Jean  Ping
Ministre des affaires étrangères,
de la coopération
et de la francophonie

 

N° 520 - Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise


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