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le 27 octobre 2003

N° 1155

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 octobre 2003.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

pris en application de l'article 72-2 de la Constitution

relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par

les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. JEAN-PIERRE RAFFARIN,

Premier ministre,

PAR M. NICOLAS SARKOZY,

ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Institutions politiques - Administration - Collectivités locales.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La réussite de la seconde étape du mouvement de décentralisation engagé suppose que les collectivités locales soient pleinement responsables des politiques qu'elles mettent en œuvre et qu'elles puissent disposer à cette fin des moyens nécessaires. Elles doivent être assurées de bénéficier à la fois des financements correspondant aux compétences qui leur sont transférées et de la maîtrise de leurs ressources. Il est ainsi mis un terme aux évolutions de ces dernières années qui ont conduit à la suppression de pans entiers de la fiscalité locale.

Dans sa rédaction résultant de l'article 7 de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution affirme désormais le principe de l'autonomie financière des collectivités locales en disposant que :

« Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre. »

Cet alinéa apporte une garantie constitutionnelle à l'autonomie financière des collectivités territoriales. La loi organique doit en préciser les modalités et définir le contenu de chacun des paramètres utilisés pour déterminer la notion d'autonomie financière, à savoir :

- les catégories de collectivités territoriales ;

- les ressources propres ;

- l'ensemble des ressources prises en compte ;

- la part déterminante.

Article 1er : définition de la notion de catégorie de collectivités territoriales

La Constitution reconnaît la garantie de l'autonomie financière non pas aux collectivités locales prises individuellement, mais à leurs catégories.

Il a paru souhaitable de retenir la définition la plus simple possible, qui est aussi la plus large, afin de ne pas multiplier le nombre de catégories à prendre en compte pour la détermination du degré d'autonomie financière. Aussi, la définition de ces catégories s'appuie-t-elle sur les trois grands niveaux de droit commun que sont les communes, les départements et les régions.

Pour cette même raison, les collectivités territoriales d'outre-mer ont été rassemblées avec celles de métropole afin de ne pas constituer des catégories trop spécifiques, comprenant par ailleurs trop peu de membres pour garantir leur stabilité.

Sont donc assimilées à des départements pour l'application de cet alinéa :

la collectivité départementale de Mayotte et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que les collectivités à statut particulier issues de la fusion d'une ou plusieurs communes et d'un département.

Sont assimilées à des régions :

- les autres collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 (Wallis-et-Futuna et Polynésie) ;

- les provinces de Nouvelle-Calédonie ;

- les collectivités à statut particulier issues de la fusion de départements et de régions ainsi que les collectivités qui seront créées en application de l'article 73 dernier alinéa (département et région d'outre-mer dont les deux assemblées sont réunies en une assemblée commune).

Article 2 : définition de la notion de « ressources propres »

Le projet de loi organique définit, pour la première fois, la notion de « ressources propres » des collectivités territoriales.

Cette notion est certes déjà utilisée pour le calcul de l'équilibre budgétaire des collectivités territoriales (article L. 1612-4 du code général des collectivités locales), mais vise uniquement les ressources propres de la section d'investissement.

Dans le projet de loi organique, les ressources propres comprennent les impositions de toutes natures, les redevances pour services rendus, les produits du domaine, les participations d'urbanisme, les produits financiers et les dons et legs.

Cette définition positive des ressources propres permet donc de prendre en compte, outre les produits de gestion courante (redevances, locations ou mises à disposition, produits des services publics...), les produits exceptionnels, tels que les produits de cessions d'immobilisations, les produits financiers afférents aux placements autorisés, aux participations et immobilisations financières, aux valeurs mobilières de placement. Les impositions de toutes natures comprennent, outre le produit de tous les impôts et taxes locales perçus directement par les collectivités, le produit d'impôts nationaux pouvant être transférés par la loi aux collectivités territoriales en application du deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.

En revanche, les ressources propres ne comprennent pas les emprunts et recettes de trésorerie qui ne sont pas définitivement acquises, ainsi que les subventions et dotations versées par l'Etat ou d'autres collectivités.

Par ailleurs, cet article précise que les ressources propres des communes feront l'objet d'une consolidation par l'apport des ressources propres des intercommunalités auxquelles elles appartiennent, et en particulier la taxe professionnelle unique et la fiscalité additionnelle. Les attributions de compensation et les dotations de solidarité communautaire, qui constituent un retour de taxe professionnelle ne seront donc pas comptées dans les ressources des communes afin de ne pas être prises en compte deux fois.

Article 3 : définition des notions d' « ensemble des ressources » et de «  part déterminante »

L'autonomie financière de chaque catégorie de collectivités territoriales s'apprécie en comparant le montant total des ressources propres de celle-ci à celui de l'ensemble de ses ressources, desquelles il convient de retirer toutefois les recettes d'emprunts, qui sont des ressources provisoires et dont le montant est de surcroît aléatoire et fluctuant puisqu'il dépend du volume et du rythme d'exécution des programmes d'investissement. Sur le même principe, le financement par l'Etat des transferts de compétences à titre expérimental qui sera assuré par l'attribution de dotations en raison de son caractère non pérenne ou encore celui mis en œuvre par délégation de crédits ne sera pas pris en compte pour déterminer le montant de l'ensemble des ressources de chaque catégorie de collectivités. Enfin, les transferts financiers entre collectivités territoriales d'une même catégorie, comme les transferts financiers entre communes et établissements de coopération intercommunale, sont exclus de cette définition afin d'éviter les doubles comptes.

Le troisième alinéa, quant à lui, définit la part déterminante comme celle qui garantit la libre administration des collectivités territoriales, au regard de la nature des compétences qu'elles ont à exercer.

Compte tenu de l'hétérogénéité actuelle, d'une part des niveaux d'autonomie financière entre les catégories de collectivités territoriales, et d'autre part des types de compétences exercées, qui peuvent de surcroît varier à l'avenir, il semble préférable de ne pas retenir un taux unique pour définir la part déterminante. Il reviendra au Conseil constitutionnel, au regard des compétences des collectivités, de vérifier que le niveau des ressources propres de chaque catégorie de collectivités est suffisant pour garantir la libre administration de celles-ci.

Toutefois, le projet de loi organique propose que le niveau d'autonomie atteint en 2003, c'est-à-dire celui de l'année où la réforme de la taxe professionnelle est intégralement achevée, constitue un seuil au-dessous duquel ne peut être ramenée la part des recettes fiscales et autres ressources propres. Cette disposition garantit la fin du mouvement de remise en cause de la fiscalité locale constaté ces dernières années.

La référence au niveau atteint en 2003 n'est donc qu'un plancher qu'il sera souhaitable de dépasser au cours des prochaines années, conformément à la volonté du Gouvernement de renforcer l'autonomie financière des collectivités locales.

La référence aux « compétences confiées aux collectivités territoriales » garantit par ailleurs que le niveau regardé comme « déterminant » évoluera en fonction des transferts de compétences et permettra de prendre en compte ultérieurement les évolutions structurelles des charges des collectivités territoriales liées à ces transferts.

Par anticipation, le projet de loi relatif aux responsabilités locales est conforme aux règles posées par ce projet de loi organique, puisqu'il prévoit de financer les transferts de compétences par un transfert de fiscalité.

Article 4 : mécanisme de mise en œuvre de la garantie

Le premier alinéa définit les conditions dans lesquelles le Gouvernement rend compte au Parlement de la mise en œuvre de la loi organique et de l'évolution de la part des ressources propres pour chaque catégorie de collectivités territoriales.

Le second alinéa prévoit les conditions dans lesquelles sont adoptées les mesures correctrices nécessaires s'il apparaît que les règles posées à l'article 3 ne sont plus respectées. Le délai maximal de deux ans est nécessaire pour recueillir et consolider les données chiffrées. Il donne au législateur la souplesse nécessaire pour faire évoluer la fiscalité locale tout en l'obligeant à un rétablissement global du niveau des ressources propres dans le cadre de la loi de finances.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article 1er

Les catégories de collectivités territoriales mentionnées au troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution sont :

1° Les communes ;

2° Les départements auxquels sont assimilées la collectivité départementale de Mayotte, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et les collectivités à statut particulier issues de la fusion d'une ou plusieurs communes et d'un département ;

3° Les régions et la collectivité territoriale de Corse auxquelles sont assimilées les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution autres que celles mentionnées au 2°, les provinces de la Nouvelle-Calédonie, les collectivités à statut particulier issues de la fusion de départements et de régions et les collectivités mentionnées au dernier alinéa de l'article 73.

Article 2

Au sens de l'article 72-2 de la Constitution, les ressources propres des collectivités territoriales, autres que le produit des impositions de toutes natures, sont constituées des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs.

Pour la catégorie des communes, les ressources propres sont augmentées du montant de celles qui, mentionnées au premier alinéa, bénéficient aux établissements publics de coopération intercommunale.

Article 3

Pour chaque catégorie de collectivités, la part des ressources propres est calculée en rapportant le montant de ces dernières à celui de la totalité de leurs ressources, à l'exclusion des emprunts, des ressources correspondant au financement par l'Etat des compétences transférées à titre expérimental ou mises en œuvre par délégation de l'Etat et des transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie.

Pour la catégorie des communes, la totalité des ressources mentionnées à l'alinéa précédent est augmentée du montant de la totalité des ressources dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale, à l'exclusion des emprunts, des ressources correspondant au financement par l'Etat des compétences transférées à titre expérimental ou mises en œuvre par délégations de l'Etat. Cet ensemble est minoré du montant des transferts financiers entre communes et établissements publics de coopération intercommunale.

Pour chaque catégorie, la part des ressources propres est déterminante, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, lorsqu'elle garantit la libre administration des collectivités territoriales relevant de cette catégorie, compte tenu des compétences qui leur sont confiées. Elle ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003.

Article 4

Le Gouvernement transmet au Parlement, pour une année donnée, au plus tard le 1er septembre de la deuxième année qui suit, un rapport faisant apparaître, pour chaque catégorie de collectivités, la part des ressources propres.

Si, pour une catégorie de collectivités territoriales, la part des ressources propres ne répond pas aux règles fixées à l'article 3, les dispositions nécessaires sont arrêtées, au plus tard, par la loi de finances initiale de la troisième année suivant celle où ce constat a été fait.

Fait à Paris, le 22 octobre 2003.

Signé : JEAN-PIERRE RAFFARIN

Par le Premier ministre :

Le ministre de l'intérieur,

de la sécurité intérieure et des libertés locales

Signé : NICOLAS SARKOZY :

N° 1155 : Projet de loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales


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