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mis en distribution
le 18 novembre 2003
No  1198
ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
DOUZIÈME  LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 novembre 2003.
P R O J E T   D E   L O I

autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en matière d'extradition,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présenté
au nom de M. Jean-Pierre RAFFARIN,
Premier ministre,
par M. Dominique de VILLEPIN,
ministre des affaires étrangères.

            Traités et conventions.

EXPOSÉ  DES  MOTIFS

                    Mesdames, Messieurs,
        La France et l'Inde ont signé le 24 janvier 2003 une convention d'extradition, qui constitue le premier accord en la matière conclu entre les deux Etats.
        Engagée de longue date, la concertation franco-indienne en vue de la conclusion de divers accords de coopération judiciaire est longtemps restée infructueuse, essentiellement en raison de la différence des systèmes juridiques et de divergences d'appréciation sur les avantages à retirer de cette coopération. Les échanges de projets de texte, à compter de 1994, et les rencontres entre délégations, alternativement à Paris et à New Delhi, avaient certes permis de rapprocher les points de vue, mais ce n'est qu'avec l'approfondissement du dialogue politique, engagé à l'occasion de plusieurs visites en Inde au plus haut niveau, et qui s'inscrit désormais dans le cadre d'un véritable partenariat stratégique, que les négociations ont reçu l'impulsion nécessaire.
        Ainsi, un premier texte de convention d'extradition a pu être paraphé à Paris en avril 1998, mais, à la demande de la Partie indienne, le texte a été révisé pour prendre en compte, en particulier, les nécessités de la lutte contre le terrorisme. Les dispositions relatives aux infractions politiques ont été adaptées en tenant compte des principes fixés par la convention du Conseil de l'Europe pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977, afin de répondre à la préoccupation de la Partie indienne, tout en préservant le respect des principes constitutionnels français en la matière. Le texte définitif a été paraphé à l'issue d'ultimes négociations qui se sont tenues à Paris en avril 2001, avant d'être signé lors de la visite en France du vice-Premier ministre indien et ministre de l'intérieur.

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*      *

        Cette convention est conforme aux principes du droit français de l'extradition, tels qu'ils résultent de la loi du 10 mars 1927, et s'inspire, par ailleurs, largement de la convention du Conseil de l'Europe du 13 décembre 1957.
        L'article 1er pose le principe général selon lequel les deux Parties s'engagent à se livrer les personnes poursuivies, ou recherchées aux fins d'exécution d'une peine d'emprisonnement, par leurs autorités « compétentes ». Le choix du terme « compétentes », en lieu et place du qualificatif de « judiciaires », utilisé dans la plupart des conventions d'extradition conclues par la France, s'explique par la nécessité d'écarter du champ d'application de telles conventions les poursuites engagées par des entités de nature administrative, en raison des spécificités du droit indien, de tradition de common law, qui réserve la qualification de « judiciaires » aux seuls juges du siège, à l'exclusion du ministère public. Ce terme a déjà été utilisé, pour les mêmes raisons, dans la convention d'extradition conclue avec les Etats-Unis d'Amérique le 23 avril 1996.
        Les paragraphes 1 et 2 de l'article 2, tout en posant le principe de la double incrimination, déterminent le champ d'application de la convention en fonction de la peine encourue. Pour que l'extradition puisse être accordée, il est nécessaire que les infractions qui motivent la demande soient punies d'une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans. Lorsqu'elle est demandée en vue de l'exécution d'un jugement, outre la condition relative au taux de la peine encourue, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins neuf mois. Ces dispositions visent à limiter la mise en œuvre de la procédure d'extradition, lourde et coûteuse, aux affaires présentant un enjeu suffisant. Le paragraphe 3 inclut expressément les infractions fiscales, douanières ou de change dans le champ d'application ratione materiae de la convention. Quant au paragraphe 4, il précise qu'en cas de demande fondée sur plusieurs faits distincts le seul fait que certains d'entre eux soient punis de peines inférieures aux seuils fixés n'interdit pas à l'Etat requis d'accorder l'extradition pour ces faits.
        Les articles 3 à 8 portent sur les motifs de refus, obligatoires ou facultatifs, de l'extradition.
    Ainsi, l'article 3, paragraphe 1, rappelle la règle traditionnelle du droit français de l'extradition qui interdit que celle-ci puisse être accordée lorsque l'infraction motivant la demande est considérée par l'Etat requis comme une infraction politique ou comme un fait connexe à une telle infraction. Pour répondre à la demande de la Partie indienne, qui subit des actions terroristes sur son territoire, il a été convenu que ce principe ne devait pas faire obstacle à la répression d'une infraction lorsque les auteurs, complices ou co-auteurs de l'infraction, ont utilisé des moyens particulièrement odieux. Reprenant les dispositions des articles 2 et 13 de la convention du Conseil de l'Europe pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977, la convention franco-indienne prévoit que l'Etat requis peut ne pas considérer comme infraction politique tout acte grave de violence dirigé contre la vie, l'intégrité corporelle ou la liberté des personnes, ou encore contre les biens s'il a créé un danger collectif pour les personnes. Les éléments à prendre en compte dans l'appréciation du caractère de l'infraction sont énumérés en fin de paragraphe. Il est précisé au paragraphe 2 que l'application des règles qui précèdent ne saurait remettre en cause les engagements que les deux Parties auraient pu contracter aux termes de toute autre convention internationale de caractère multilatéral. Enfin le paragraphe 3 vient, très classiquement, compléter le principe posé en précisant que l'extradition ne sera pas accordée si l'Etat requis dispose d'éléments tendant à montrer que la demande est motivée par des considérations liées à la race, la religion, la nationalité ou les opinions politiques de la personne réclamée.
        L'article 4 exclut du champ d'application de la convention les infractions militaires stricto sensu.
        Aux termes de l'article 5, les Parties n'accordent pas l'extradition de leurs nationaux, étant précisé que la qualité de national est appréciée à la date de la commission de l'infraction qui motive la demande. Cependant l'Etat requis doit, dès lors que l'extradition a été refusée pour ce seul motif, soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale, si l'Etat requérant le lui demande.
        L'extradition, aux termes de l'article 6, est également refusée si la personne réclamée a déjà été définitivement jugée dans l'Etat requis pour les mêmes faits que ceux qui motivent la demande, si la prescription de l'action pénale ou de la peine est acquise dans l'un ou l'autre des Etats parties, ou encore en cas d'amnistie, à condition, si l'amnistie a été accordée par l'Etat requis, que celui-ci ait été compétent pour exercer la poursuite.
        Les motifs facultatifs de refus de l'extradition sont énumérés à l'article 7 :
        -  l'infraction motivant la demande d'extradition a été commise en tout ou partie sur le territoire de l'Etat requis ou en un lieu assimilé à son territoire ;
        -  l'infraction a été commise hors du territoire de l'Etat requérant et la législation de l'Etat requis n'autorise pas la poursuite de ce type d'infractions commises en dehors de son territoire ;
        -  la personne réclamée fait déjà l'objet de poursuites de la part de l'Etat requis pour les mêmes faits que ceux motivant la demande d'extradition ou ces poursuites ont été abandonnées ;
        -  la personne réclamée a déjà été condamnée, acquittée ou relaxée par un Etat tiers pour la ou les infractions motivant la demande d'extradition ;
        -  la remise de la personne réclamée aurait pour celle-ci des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
        De façon désormais classique dans les conventions signées par la France, l'article 8 autorise l'Etat requis à refuser l'extradition, si la personne réclamée encourt la peine capitale. Cette extradition ne sera éventuellement accordée que si l'Etat requérant donne des assurances jugées suffisantes concernant le fait que la peine capitale ne soit pas requise, ou si elle était prononcée, à ce qu'elle ne soit pas appliquée.
        L'article 9 précise les règles de forme et de procédure qui doivent être respectées lors de la présentation d'une demande d'extradition. Ainsi, celle-ci, présentée par écrit, transite par la voie diplomatique et doit être accompagnée de l'acte, pris dans les formes requises par la législation de l'Etat requérant, à l'origine de la demande, des faits pour lesquels l'extradition est demandée ainsi que les références et une copie des dispositions légales applicables. Lorsque l'extradition est demandée aux fins d'exécution d'une peine prononcée par l'Etat requérant, le quantum de la peine restant à purger doit être indiqué. Enfin un signalement aussi précis que possible de la personne réclamée, les renseignements attestant son identité, sa nationalité et, éventuellement, sa localisation doivent être également fournis.
        Si l'Etat requis s'estime insuffisamment informé, l'article 10 lui permet d'exiger un complément d'information et de fixer un délai, prorogeable si l'Etat requérant en fait la demande dûment motivée, pour l'obtention de ces informations supplémentaires.
        En cas d'urgence, dans l'hypothèse où l'Etat requérant ne disposerait pas des éléments nécessaires pour présenter sa demande d'extradition, l'article 11 lui permet, à titre préventif, de demander l'arrestation provisoire de la personne recherchée, à condition de fournir un minimum d'informations. Cette demande d'arrestation provisoire peut ne pas emprunter la voie diplomatique et être transmise par la voie postale, télégraphique, par l'intermédiaire d'Interpol ou encore par tout autre moyen laissant une trace écrite. Si l'Etat requis n'est pas saisi d'une demande d'extradition en bonne et due forme dans un délai de soixante jours, l'arrestation provisoire prend fin. L'Etat requis peut aussi décider une libération provisoire avant l'expiration de ce délai, à condition de prendre toute mesure en vue d'éviter la fuite de la personne réclamée. La mise en liberté ne remet pas en cause la possibilité d'une mise en œuvre ultérieure de la procédure d'extradition.
        L'article 12 énumère les critères à prendre en compte pour déterminer l'ordre de priorité en cas de concours de requêtes.
        L'article 13 fait obligation à l'Etat requis d'informer rapidement l'Etat requérant des suites qu'il entend réserver à la demande d'extradition, étant précisé que tout refus, total ou partiel, doit être motivé.
        Si la personne réclamée est poursuivie ou a été condamnée par l'Etat requis pour des faits autres que ceux motivant la demande d'extradition, cet Etat peut, aux termes de l'article 14, soit ajourner la remise, soit la concéder temporairement, selon des modalités à définir entre les deux Parties.
        L'article 15 fixe les modalités de remise de la personne réclamée. Hormis les cas de force majeure, si cette remise n'a pu être effectuée à la date fixée, la personne réclamée peut être libérée à l'expiration d'un délai de quinze jours. Cette libération est de droit au-delà de trente jours.
        L'article 16 pose le principe, fondamental en matière d'extradition, de la spécialité des poursuites. L'Etat requérant ne peut tirer profit de la présence de l'extradé sur son territoire pour le poursuivre, le juger ou le détenir pour des faits antérieurs et différents de ceux pour lesquels l'extradition a été accordée, sauf exceptions limitativement énumérées. En cas de modification de la qualification légale de l'infraction pour laquelle une personne a été extradée, cette personne ne peut être poursuivie ou jugée que si l'infraction nouvellement qualifiée peut donner lieu à extradition en vertu de la présente convention et vise les mêmes faits que ceux qui ont conduit à l'extradition.
        La réextradition vers un Etat tiers recherchant la personne extradée pour des faits antérieurs à la remise est, aux termes de l'article 17, subordonnée au consentement de l'Etat requis, sauf dans l'hypothèse visée au paragraphe 1, alinéa b, de l'article 16, à savoir, si la personne extradée, ayant eu la possibilité de le faire, n'a pas quitté le territoire de l'Etat auquel elle a été livrée dans un délai de quarante-cinq jours suivant son élargissement définitif ou y est retournée après l'avoir quitté.
        L'article 18 fait obligation à l'Etat requérant, dès lors que l'Etat requis le lui demande, d'informer ce dernier des résultats des poursuites engagées contre la personne extradée.
        L'article 19 concerne la remise d'objets saisis au moment de l'arrestation de la personne réclamée et pouvant servir de pièces à conviction ou provenant de l'infraction. Si l'extradition est accordée, ces objets sont remis, sur sa demande, à l'Etat requérant, dans la mesure du possible en même temps que la remise de la personne extradée. Ils peuvent également l'être en l'absence de demande spécifique. Sont toutefois réservés les droits de l'Etat requis ou de tiers sur ces objets.
        Chaque Partie s'engage à autoriser le transit à travers son territoire d'une personne faisant l'objet d'une procédure d'extradition entre l'autre Partie et un Etat tiers, à la double condition que ce transit ne concerne pas l'un de ses nationaux et que l'infraction soit de nature à donner lieu à extradition aux termes de la présente convention. En cas de transit par la voie aérienne, l'autorisation préalable de la Partie dont le territoire doit être survolé n'est requise que lorsqu'un atterrissage est prévu (article 20).
        L'article 21 pose la règle générale selon laquelle la loi de l'Etat requis est, sauf disposition contraire de la convention, seule applicable à la procédure d'extradition ou d'arrestation provisoire.
        L'article 22 concerne, quant à lui, les langues utilisées pour la transmission des documents.
        Les frais de l'extradition, comme cela est d'usage, sont à la charge de la Partie requise lorsqu'ils sont exposés sur son territoire et ce jusqu'à la remise de la personne extradée, tandis que les frais liés au transit sont à la charge de l'Etat requérant (article 23).
        Les règles d'entrée en vigueur et de dénonciation de la convention sont classiques (article 24). Ainsi, l'entrée en vigueur se fera le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la deuxième des notifications d'approbation.

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*      *

        Telles sont les principales observations qu'appelle la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en matière d'extradition qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumise au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET  DE  LOI

        Le Premier ministre,
        Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
        Vu l'article 39 de la Constitution,
                    Décrète :
        Le présent projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en matière d'extradition, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article  unique

        Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en matière d'extradition, signée à Paris le 24 janvier 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
        Fait à Paris, le 5 novembre 2003.

Signé :  Jean-Pierre  RAFFARIN        

            Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,
Signé :
  Dominique de  VILLEPIN

    

C O N V E N T I O N
entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République de l'Inde
en matière d'extradition

    Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde, désignés ci-après comme les Etats contractants,
désireux d'établir une coopération plus efficace afin de réprimer la criminalité et, en particulier, de faciliter l'extradition,
    Sont convenus des dispositions suivantes  :

Article 1er
Obligation d'extrader

    Les Etats contractants s'engagent à se livrer réciproquement, selon les règles et dans les conditions déterminées dans la présente convention, les personnes qui sont poursuivies pour une infraction ou recherchées aux fins d'exécution d'une peine d'emprisonnement par les autorités compétentes de l'Etat requérant.

Article 2
Infractions donnant lieu à extradition

    1.  Donnent lieu à extradition les faits punis par les lois des deux Etats contractants d'une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans.
    2.  Lorsqu'une condamnation à une peine d'emprisonnement a été prononcée sur le territoire de l'Etat requérant à raison d'une infraction pouvant donner lieu à extradition, la durée de la peine restant à exécuter doit être d'au moins neuf mois.
    3.  En matière d'infractions fiscales, de douane ou de change, l'extradition est également accordée dans les conditions prévues par la présente Convention.
    4.  Si la demande d'extradition vise plusieurs faits distincts punis chacun par la loi des deux Etats contractants d'une peine d'emprisonnement, mais dont certains ne remplissent pas la condition relative au taux de la peine, l'Etat requis a la faculté d'accorder également l'extradition pour ces derniers.

Article 3
Infractions politiques

    1.  L'extradition n'est pas accordée lorsque l'infraction motivant la demande est considérée par l'Etat requis comme une infraction politique, ou comme un fait connexe à une telle infraction.
    L'Etat requis peut ne pas considérer comme une infraction politique, comme une infraction connexe à une telle infraction ou comme une infraction inspirée par des mobiles politiques, tout acte grave de violence qui est dirigé contre la vie, l'intégrité corporelle ou la liberté des personnes ou tout acte grave contre les biens lorsqu'il a créé un danger collectif pour des personnes.
    Il en sera de même en ce qui concerne la tentative de commettre une des infractions précitées ou la participation en tant que co-auteur ou complice d'une personne qui commet ou tente de commettre une telle infraction.
    Dans l'appréciation du caractère de l'infraction, l'Etat requis doit prendre en considération le caractère de particulière gravité de celle-ci, y compris :
    a)  Qu'elle a créé un danger pour la vie, l'intégrité corporelle ou la liberté des personnes ; ou
    b)  Qu'elle a atteint des personnes étrangères aux mobiles qui l'ont inspirée ; ou
    c)  Que des moyens cruels ou perfides ont été utilisés pour sa réalisation.
    2.  Les dispositions du paragraphe 1 n'affectent pas les obligations que les Etats contractants assument ou assumeront aux termes de toute autre convention internationale de caractère multilatéral.
    3.  L'extradition n'est pas non plus accordée lorsque l'Etat requis a des raisons sérieuses de croire que la demande a été présentée en vue de poursuivre ou de condamner la personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques, ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons.

Article 4
Infractions militaires

    L'extradition à raison d'infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun est exclue du champ d'application de la présente Convention.

Article 5
Extradition des nationaux

    1.  Aucun des Etats contractants n'extrade ses propres nationaux. La qualité de national s'apprécie à la date de la commission des faits pour lesquels l'extradition est demandée.
    2.  Si, en application du paragraphe précédent, l'Etat requis n'extrade pas la personne réclamée pour la seule raison de la nationalité, il doit, conformément à sa législation et à la demande de l'Etat requérant, soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale, s'il y a lieu. Si l'Etat requis demande des documents supplémentaires, ceux-ci lui sont communiqués sans frais par la voie prévue à l'article 9. L'Etat requérant est informé de la suite qui a été donnée à sa demande.

Article 6
Autres motifs de refus d'extradition

    L'extradition n'est pas accordée :
    1.  Si la personne réclamée a fait l'objet, dans l'Etat requis, d'un jugement définitif pour l'infraction ou les infractions en raison desquelles l'extradition est demandée ;
    2.  Si la prescription de l'action pénale ou de la peine est acquise d'après la législation de l'un ou l'autre des Etats ;
    3.  En cas d'amnistie, soit dans l'Etat requérant, soit dans l'Etat requis, à la condition que, dans ce dernier cas, l'Etat requis ait été compétent pour exercer la poursuite conformément à sa loi interne.

Article 7
Motifs facultatifs de refus d'extradition

    L'extradition peut être refusée :
    1.  Si la personne est réclamée à raison d'une infraction qui, selon la législation de l'Etat requis, a été commise en tout ou en partie sur son territoire ou en un lieu assimilé à son territoire ;
    2.  Si l'infraction en raison de laquelle elle est demandée a été commise hors du territoire de l'Etat requérant et si la législation de l'Etat requis n'autorise pas la poursuite d'infractions de même nature lorsqu'elles sont commises hors de son territoire ;
    3.  Si la personne réclamée fait l'objet de la part de l'Etat requis de poursuites pour l'infraction en raison de laquelle l'extradition est demandée ou si les autorités judiciaires de l'Etat requis ont, selon les procédures conformes à leur législation, mis fin aux poursuites qu'elles ont exercées pour la même infraction ;
    4.  Si la personne réclamée a fait l'objet d'une décision définitive de condamnation, d'acquittement ou de relaxe dans un Etat tiers pour l'infraction ou les infractions en raison desquelles l'extradition est demandée ;
    5.  Si la remise est susceptible d'avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée notamment en raison de son âge ou de son état de santé.

Article 8
Peine capitale

    Si le fait en raison duquel l'extradition est demandée est puni de la peine capitale par la loi de l'Etat requérant et que, dans ce cas, cette peine n'est pas prévue par la législation de l'Etat requis ou n'y est généralement pas exécutée, l'extradition peut n'être accordée qu'à la condition que l'Etat requérant donne des assurances jugées suffisantes par l'Etat requis que la peine capitale ne sera pas prononcée ou, si elle est prononcée, qu'elle ne sera pas exécutée.

Article 9
Transmission des demandes et pièces à produire

    1.  Toute demande d'extradition doit être présentée par écrit et transmise par la voie diplomatique.
    2.  Elle est accompagnée :
    a)  De l'original ou de l'expédition authentique soit d'une décision de condamnation, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, décerné dans les formes prescrites par la législation de l'Etat requérant ;
    b)  D'un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée mentionnant la date et le lieu de leur perpétration, leur qualification, et les références aux dispositions légales qui leur sont applicables, y compris celles relatives à la prescription, ainsi qu'une copie de ces dispositions ;
    c)  De l'indication du quantum de la peine restant à exécuter lorsque la personne est réclamée aux fins d'exécution d'une peine d'emprisonnement ;
    d)  Du signalement aussi précis que possible de la personne réclamée et de tous autres renseignements de nature à déterminer son identité, sa nationalité et, si possible, sa localisation.

Article 10
Informations supplémentaires

    Si l'Etat requis estime que les informations communiquées à l'appui d'une demande d'extradition ne sont pas suffisantes pour répondre aux exigences de la présente Convention, il peut demander que des informations supplémentaires lui soient fournies ; il peut fixer un délai de communication. A la demande de l'Etat requérant, dûment motivée, il peut proroger ce délai.

Article 11
Arrestation provisoire

    1.  En cas d'urgence, les autorités compétentes de l'Etat requérant peuvent demander l'arrestation provisoire de la personne recherchée ; les autorités compétentes de l'Etat requis statuent sur cette demande conformément à leur loi.
    2.  La demande d'arrestation provisoire contient un bref exposé des faits, indique l'existence d'une des pièces prévues au paragraphe 2, alinéa a, de l'article 9 et fait part de l'intention d'envoyer une demande d'extradition. Elle mentionne l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée, la date et le lieu où elle a été commise ainsi que, dans la mesure du possible, le signalement de la personne recherchée.
    3.  La demande d'arrestation provisoire est transmise aux autorités compétentes de l'Etat requis soit par la voie diplomatique, soit directement par la voie postale ou télégraphique, soit par l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol), soit par tout autre moyen laissant une trace écrite ou admis par l'Etat requis. L'autorité requérante est informée sans délai de la suite donnée à sa demande.
    4.  L'arrestation provisoire prend fin si, à l'expiration d'un délai de soixante jours après l'arrestation, l'Etat requis n'a pas été saisi de la demande d'extradition et des pièces mentionnées à l'article 9. Toutefois, la mise en liberté provisoire est possible à tout moment, sauf pour l'Etat requis à prendre toute mesure qu'il estime nécessaire en vue d'éviter la fuite de la personne réclamée.
    5.  La mise en liberté ne s'oppose pas à une nouvelle arrestation et à l'extradition si la demande d'extradition parvient ultérieurement.

Article 12
Demandes d'extradition
présentées par plusieurs Etats

    1.  Si l'extradition est demandée concurremment par plusieurs Etats, soit pour le même fait, soit pour des faits différents, l'Etat requis statue compte tenu de toutes circonstances et notamment de la gravité relative et du lieu des infractions, des dates respectives des demandes, de la nationalité de la personne réclamée et de la possibilité d'une extradition ultérieure vers un autre Etat.
    2.  Si l'Etat requis statue au même moment sur l'extradition vers l'un des Etats requérants et la réextradition vers un autre Etat requérant, il communique sa décision de réextradition à chacun des Etats requérants.

Article 13
Décision

    1.  L'Etat requis notifie rapidement par la voie diplomatique à l'Etat requérant sa décision sur la demande d'extradition.
    2.  L'Etat requis indique à l'Etat requérant les motifs de tout rejet, total ou partiel, de la demande d'extradition.

Article 14
Remise ajournée ou conditionnelle

    1.  L'Etat requis peut, après avoir statué sur la demande d'extradition, ajourner la remise de la personne réclamée pour qu'elle puisse être poursuivie par lui ou, si elle a déjà été condamnée, pour qu'elle puisse purger, sur son territoire, une peine encourue à raison d'un fait autre que celui pour lequel l'extradition est demandée.
    2.  Au lieu d'ajourner la remise, l'Etat requis peut remettre temporairement à l'Etat requérant la personne réclamée dans des conditions à déterminer d'un commun accord entre les deux Etats.

Article 15
Remise de la personne réclamée

    1.  Si l'extradition est accordée, l'Etat requérant est informé du lieu et de la date de la remise ainsi que de la durée de la détention subie en vue de l'extradition par la personne réclamée.
    2.  Sous réserve du cas prévu au paragraphe 3 du présent article, si la personne réclamée n'a pas été reçue à la date fixée, elle peut être mise en liberté à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de cette date et elle est, en tout cas, mise en liberté à l'expiration d'un délai de trente jours ; l'Etat requis peut alors refuser de l'extrader pour les mêmes faits.
    3.  En cas de force majeure, empêchant la remise ou la réception de la personne à extrader, l'Etat concerné en informe l'autre Etat ; les deux Etats se mettent d'accord sur une nouvelle date de remise et les dispositions du paragraphe 2 du présent article sont applicables.

Article 16
Règle de la spécialité

    1.  La personne qui a été livrée ne sera ni poursuivie, ni jugée, ni détenue en vue de l'exécution d'une peine d'emprisonnement, ni soumise à toute autre restriction de sa liberté individuelle, pour un fait quelconque antérieur à la remise, autre que celui ayant motivé l'extradition, sauf dans les cas suivants :
    a)  Lorsque l'Etat qui l'a livrée y consent. Une demande est présentée à cet effet, accompagnée des pièces prévues à l'article 9 et d'un procès-verbal judiciaire consignant les déclarations de l'extradé. Ce consentement est donné lorsque l'infraction pour laquelle elle est demandée entraîne l'obligation d'extrader aux termes de la présente Convention ;
    b)  Lorsque, ayant eu la possibilité de le faire, la personne extradée n'a pas quitté dans les quarante-cinq jours qui suivent son élargissement définitif, le territoire de l'Etat auquel elle a été livrée ou si elle y est retournée après l'avoir quitté.
    2.  Toutefois, l'Etat requérant peut prendre les mesures nécessaires en vue, d'une part, de l'éloignement éventuel de son territoire, d'autre part, d'une interruption de la prescription conformément à sa législation, y compris le recours à une procédure par défaut.
    3.  Lorsque la qualification légale de l'infraction pour laquelle une personne a été extradée est modifiée, cette personne ne sera poursuivie ou jugée que si l'infraction nouvellement qualifiée  :
    a)  Peut donner lieu à extradition en vertu de la présente Convention ;
    b)  Vise les mêmes faits que l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée.
    4.  Lorsque la modification de la qualification légale de l'infraction pour laquelle la personne a été extradée entraînerait une diminution de la peine encourue, les dispositions du paragraphe 3 du présent article sont applicables.

Article 17
Réextradition vers un Etat tiers

    Sauf dans le cas prévu au paragraphe 1, alinéa b de l'article 16, l'assentiment de l'Etat requis est nécessaire pour permettre à l'Etat requérant de livrer à un Etat tiers la personne qui lui a été remise et qui est recherchée par cet Etat tiers pour des infractions antérieures à la remise. L'Etat requis peut exiger la production des pièces prévues à l'article 9 ainsi qu'un procès-verbal judiciaire par lequel la personne réclamée déclare si elle accepte la réextradition ou si elle s'y oppose.

Article 18
Information sur les résultats des poursuites pénales

    A la demande de l'Etat requis, l'Etat requérant l'informe des résultats des poursuites pénales engagées contre la personne extradée et lui adresse une copie de la décision finale et définitive.

Article 19
Remise d'objets

    1.  A la demande de l'Etat requérant, l'Etat requis remet, dans la mesure où sa législation le permet et si l'extradition est accordée, tous les objets pouvant servir de pièces à conviction ou qui proviennent de l'infraction et qui, au moment de l'arrestation, ont été trouvés en la possession de la personne réclamée. La remise de ces objets peut se faire même en l'absence de demande spéciale et a lieu, si possible, en même temps que la remise de la personne réclamée.
    2.  La remise des objets visés au paragraphe 1 du présent article est effectuée même dans le cas où l'extradition déjà accordée ne pourrait avoir lieu par suite de la mort ou de l'évasion de la personne réclamée.
    3.  Dans la mesure où l'Etat requis ou des tiers font valoir des droits sur ces objets, l'Etat requis peut en refuser la remise ou l'accepter à la condition de recevoir de l'Etat requérant des assurances satisfaisantes que ces objets seront restitués dès que possible à l'Etat requis.

Article 20
Transit

    1.  Le transit à travers le territoire de l'un des Etats contractants est accordé sur demande adressée par la voie diplomatique, à condition qu'il s'agisse d'une infraction de nature à donner lieu à extradition aux termes de la présente Convention.
    2.  L'Etat requis du transit peut refuser de l'accorder s'il concerne l'un de ses ressortissants.
    3.  Sous réserve des dispositions du paragraphe 4 du présent article, la production des pièces prévues au paragraphe 2 de l'article 9 est nécessaire.
    4.  Dans le cas où la voie aérienne est utilisée, il est fait application des dispositions suivantes :
    a)  Lorsque aucun atterrissage n'est prévu, l'Etat requérant avertit l'Etat dont le territoire sera survolé, et atteste l'existence d'une des pièces prévues au paragraphe 2, alinéa a, de l'article 9. Dans le cas d'atterrissage fortuit, cette notification produit les effets de la demande d'arrestation provisoire visée à l'article 11 et l'Etat requérant adresse une demande régulière de transit ;
    b)  Lorsqu'un atterrissage est prévu, l'Etat requérant adresse une demande régulière de transit.

Article 21
Procédure

    Sauf disposition contraire de la présente Convention, la loi de l'Etat requis est seule applicable à la procédure d'extradition ainsi qu'à celle de l'arrestation provisoire.

Article 22
Langue à employer

    Les documents transmis en application de la présente Convention sont rédigés dans la langue de l'Etat requérant et accompagnés d'une traduction dans la langue de l'Etat requis.

Article 23
Frais

    1.  Les frais occasionnés par l'extradition sur le territoire de l'Etat requis sont à la charge de cet Etat jusqu'au moment de la remise.
    2.  Les frais occasionnés par le transit sur le territoire de l'Etat requis du transit sont à la charge de l'Etat requérant.

Article 24
Ratification, entrée en vigueur et dénonciation

    1.  Chacun des deux Etats notifiera à l'autre l'accomplissement des procédures requises par sa Constitution pour l'entrée en vigueur de la présente Convention.
    2.  La présente Convention entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière de ces notifications.
    3.  Chacun des deux Etats pourra dénoncer la présente Convention à n'importe quel moment en adressant à l'autre, par la voie diplomatique, un avis écrit de dénonciation ; dans ce cas, la dénonciation prendra effet six mois après la date de réception dudit avis.
    Fait à Paris, le 24 janvier 2003 en trois exemplaires, en langues française, hindie et anglaise, les trois textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement
de la République française :
Dominique  Perben
Garde des sceaux,
ministre de la justice

Pour le Gouvernement
de la République de l'Inde :
L.-K.  Advani
Vice-Premier ministre,
ministre de l'intérieur

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N° 1198 - Projet de loi : convention en matière d'extradition avec l'Inde


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