Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document
mis en distribution
le 16 juin 2004
No  1640
ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
DOUZIÈME  LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2004.
P R O J E T   D E   L O I

autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présenté
au nom de M. Jean-Pierre RAFFARIN,
Premier ministre,
par M. Michel BARNIER,
ministre des affaires étrangères.
EXPOSÉ  DES  MOTIFS

                    Mesdames, Messieurs,
        L'accord franco-roumain relatif à l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre est l'aboutissement d'une négociation particulièrement rapide : c'est en effet en avril 2003 que la Roumanie a émis le souhait de conclure un tel accord avec la France, qui a pu être signé à Paris le 21 novembre 2003, à l'occasion de la visite officielle en France du Président Iliescu.
        Cet accord de réciprocité a pour objectif de permettre aux personnes à charge, essentiellement les conjoints, des agents des missions diplomatiques ou consulaires d'exercer une activité professionnelle salariée dans le pays d'accueil, alors que cette possibilité leur est normalement fermée en raison de leur statut de résident dérogatoire au droit commun et de l'existence de privilèges et immunités dont ils bénéficient en application des conventions de Vienne de 1961 et 1963 qui y font obstacle.
        L'exercice d'une profession par les deux membres d'un couple correspond à l'évolution de la société. Le ministère des affaires étrangères prend désormais en considération, dans toute la mesure du possible, les aspirations croissantes des conjoints de ses agents à continuer d'exercer leur métier lors d'affectations à l'étranger. La conclusion d'accords sur l'emploi des conjoints de diplomates est donc destinée à répondre au souhait des conjoints de ne pas interrompre leur carrière professionnelle pendant la durée de leur séjour à l'étranger, et en même temps à faciliter les affectations à l'étranger des personnels servant dans les postes diplomatiques et consulaires, ou leurs services annexes. Ces accords sont donc des instruments utiles pour la politique des ressources humaines du ministère des affaires étrangères et des autres administrations détachant des personnels à l'étranger, en particulier en élargissant le vivier des candidatures de qualité.
        La France est liée par des accords comparables avec le Canada (1987) et l'Argentine (1994). Des dispositions intérimaires avec les Etats-Unis, plusieurs fois renouvelées dans l'attente de la conclusion d'un accord définitif, continuent de donner lieu à une application de fait en particulier au profit de conjoints d'agents officiels français en poste dans ce pays. Des accords ont été également signés avec le Brésil (1996), la Nouvelle-Zélande (1999) et l'Australie (2001) dont le processus d'approbation est en voie d'achèvement. Des négociations ont été proposées à une dizaine d'autres pays, notamment d'Amérique latine.

*
*    *

        L'économie générale de l'accord, qui comprend 17 articles, repose, sous réserve de considérations d'ordre public ou de sécurité nationale, sur la délivrance par les autorités compétentes du pays d'accueil d'une autorisation de travail à titre dérogatoire aux personnes à charge des membres des missions officielles qui ont obtenu une proposition d'emploi salarié. En contrepartie, le bénéficiaire de cette autorisation renonce à ses privilèges et immunités pour tout ce qui se rapporte à l'emploi exercé.
        L'article 1er précise l'objectif général de l'accord. Sur la base de la réciprocité, les personnes à charge des agents des missions officielles de l'Etat d'envoi sont autorisées à exercer une activité professionnelle salariée dans l'Etat d'accueil si elles remplissent les conditions en vigueur dans ce dernier Etat pour l'exercice de la profession en question. Une clause protectrice de l'ordre public et de la sécurité nationale est insérée.
        L'article 2 définit les principaux termes utilisés dans l'accord :
        -  les « missions officielles » sont les ambassades, les consulats de plein exercice et les représentations permanentes auprès des organisations internationales (ce qui exclut les consulats honoraires) ;
        -  les « agents » sont les membres des missions officielles ayant la nationalité de l'Etat d'envoi et bénéficiant d'un titre de séjour dérogatoire délivré par le ministère des affaires étrangères de l'Etat d'accueil ;
        -  les « personnes à charge » sont les conjoints et les enfants à charge ;
        -  « l'activité professionnelle salariée » s'entend comme l'exercice d'une activité professionnelle salariée liée à la conclusion d'un contrat de travail.
        Les articles 3 et 4 fixent le contenu et les modalités de dépôt de la demande d'autorisation : celle-ci est présentée par l'ambassade de l'Etat d'envoi au service du protocole du ministère des affaires étrangères de l'Etat d'accueil, qui est invité à rendre une réponse dans les meilleurs délais possibles. Une fois l'autorisation accordée, l'ambassade dispose de trois mois pour fournir la preuve que le bénéficiaire de l'autorisation et son employeur se conforment à la législation locale en matière de sécurité sociale. Les personnes visées par l'accord doivent remplir les mêmes conditions et les mêmes critères que ceux exigés des ressortissants du pays d'accueil, notamment en ce qui concerne l'exercice des professions dites « réglementées ».
        Les articles 5 à 8, les plus importants, concernent les immunités de juridiction : les immunités de juridiction et d'exécution en matière civile et administrative ne s'appliqueront pas aux personnes à charge pour les questions liées à l'exercice de leur emploi (article 5). Dans le cas d'une infraction pénale commise en relation avec l'emploi exercé, l'immunité de juridiction pénale est levée par l'Etat accréditant si l'Etat d'accueil le demande, dans la mesure où l'Etat accréditant juge que la levée de l'immunité n'est pas contraire à ses intérêts essentiels (article 6). Toute procédure judiciaire doit être menée sans qu'il soit porté atteinte à l'inviolabilité de la personne ou de la demeure du ménage (article 7). Enfin, la renonciation à cette immunité ne sera pas interprétée comme une renonciation à l'immunité d'exécution de la sentence (article 8).
        Les articles suivants précisent les conséquences pratiques de l'autorisation d'occuper une activité professionnelle salariée :
        -  les personnes à charge cessent de bénéficier des privilèges douaniers prévus par les conventions de Vienne (article 9) ;
        -  elles deviennent imposables dans l'Etat d'accueil sous réserve des dispositions pertinentes de la convention tendant à éviter les doubles impositions entre la France et la Roumanie du 27 septembre 1974 (article 10) ;
        -  elles sont soumises au régime de sécurité sociale en vigueur dans l'Etat d'accueil (article 11) ;
        -  elles bénéficient de l'autorisation de transfert à l'étranger des salaires tirés de l'emploi exercé dans le pays d'accueil (article 12).
        La personne autorisée à exercer une activité professionnelle salariée est exemptée de toute obligation prévue par les lois et règlements de l'Etat de résidence relatifs à l'immatriculation des étrangers et au permis de séjour (article 13).
        L'article 14
précise que l'autorisation d'occuper un emploi peut être délivrée à la personne à charge d'un membre de mission officielle au plus tôt à la date de prise de fonction de ce dernier. Elle cesse dès que le bénéficiaire cesse d'avoir la qualité de personne à charge, à la date de la fin du contrat de travail, ou lors de la cessation des fonctions du membre de mission officielle en tenant compte d'un délai raisonnable comme le prévoient les conventions de Vienne. Cette autorisation est matérialisée par la délivrance à l'intéressé d'une autorisation provisoire de travail par les services de main-d'œuvre étrangère des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
        L'article 15 précise que les demandes relatives à l'exercice d'une activité non salariée, qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'accord, seront examinées au regard du droit commun du pays d'accueil. En ce qui concerne la France, les intéressés devront renoncer à leurs privilèges et immunités et devront être mis en possession d'un titre de séjour de droit commun.
        L'article 16 crée une commission mixte ad hoc chargée de résoudre les éventuels contentieux d'interprétation et d'application.
        L'article 17 contient les clauses habituelles d'entrée en vigueur et de dénonciation.

*
*    *

        Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre et qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET  DE  LOI

        Le Premier ministre,
        Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
        Vu l'article 39 de la Constitution,
                    Décrète :
        Le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article  unique

        Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre, signé à Paris le 21 novembre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
        Fait à Paris, le 8 juin 2004.

Signé :  Jean-Pierre  Raffarin

            Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères,

Signé :  Michel  Barnier

    

A C C O R D
entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la Roumanie
sur l'emploi salarié des personnes à charge
des membres des missions officielles
d'un Etat dans l'autre

    Le Gouvernement de la République française
    et
    Le Gouvernement de la Roumanie,
ci-après désignés les Parties,
    Désireux de renforcer leurs relations diplomatiques,
    Souhaitant satisfaire aux aspirations légitimes des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre Etat à exercer une activité professionnelle salariée, qui bénéficient du même statut que le membre de la mission à la charge duquel elles se trouvent ;
    Se référant aux conventions de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques et du 24 avril 1963 sur les relations consulaires,
sont convenus de ce qui suit :

Article 1er

    Les Parties s'accordent, sur la base de la réciprocité, à autoriser les personnes à charge des agents de chaque Etat affectés dans une mission officielle de cet Etat dans l'autre Etat, à exercer toute forme d'activité professionnelle salariée, sous réserve qu'elles remplissent les conditions législatives et réglementaires exigées pour l'exercice de l'activité envisagée, et sauf si des considérations d'ordre public ou de sécurité nationale s'y opposent.

Article 2

    Aux fins du présent accord, on entend :
    -  par « missions officielles », les missions diplomatiques régies par la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, les postes consulaires régis par la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963 et les représentations permanentes de chacun des Etats auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège avec l'autre Etat ;
    -  par « agents », les membres du personnel des missions diplomatiques et les membres du personnel des postes consulaires, ainsi que les membres du personnel des représentations permanentes ci-dessus mentionnées, bénéficiant du titre de séjour dérogatoire délivré par le ministère des affaires étrangères ;
    -  par « personnes à charge » :
        a)  le conjoint,
        b)  les enfants à charge handicapés physiques ou mentaux célibataires,
        c)  les enfants à charge célibataires titulaires du titre de séjour dérogatoire délivré par le ministère des affaires étrangères français ou le ministère des affaires étrangères roumain ;
    -  par « activité professionnelle salariée », toute activité, emportant salaire, découlant d'un contrat de travail régi par la loi de l'Etat d'accueil.

Article 3

    La personne à charge désirant exercer une activité professionnelle salariée en France ou en Roumanie présente une demande officielle au ministère chargé des affaires étrangères du pays d'accueil, par l'intermédiaire de son ambassade. La demande doit indiquer l'identité complète du postulant, ainsi que la nature de l'emploi sollicité. Après avoir vérifié si la personne répond aux conditions du présent accord et accompli les formalités nécessaires, les services respectifs du Protocole font savoir à l'ambassade concernée, dans les meilleurs délais, si la personne à charge est autorisée à exercer l'activité professionnelle salariée sollicitée. Dans les trois mois qui suivent la date de réception de l'autorisation d'exercer une activité professionnelle salariée, l'ambassade fournit aux autorités accréditaires la preuve que la personne à charge et son employeur se conforment aux obligations que leur impose la législation de l'Etat d'accueil relative à la protection sociale.

Article 4

    L'autorisation pour une personne à charge d'exercer une activité professionnelle salariée n'implique pas une exemption des conditions s'appliquant généralement à tout emploi (notamment diplômes et qualifications professionnelles). Dans le cas des professions dites « réglementées », dont l'autorisation d'exercice ne peut être accordée qu'en fonction de certains critères, la personne à charge n'est pas dispensée de l'exigence de ces critères.

Article 5

    En ce qui concerne la personne à charge qui a obtenu l'autorisation d'exercer une activité professionnelle salariée et qui bénéficie des immunités de juridiction en matière civile et administrative en application des articles 31 et 37 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, l'Etat accréditant renonce à cette immunité pour toutes les questions liées à l'activité professionnelle salariée. Dans de tels cas, l'Etat accréditant renonce aussi à l'immunité d'exécution d'un jugement, pour laquelle une renonciation distincte est nécessaire. Il en est de même en ce qui concerne la partie liée à l'action civile d'une décision pénale.

Article 6

    Au cas où une personne à charge qui bénéficie de l'immunité de juridiction en application de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques est accusée d'avoir commis une infraction pénale en relation avec son activité professionnelle salariée, l'immunité de juridiction pénale est levée par l'Etat accréditant, si l'Etat d'accueil le demande et lorsque l'Etat accréditant juge que la levée de cette immunité n'est pas contraire à ses intérêts essentiels.

Article 7

    Toute procédure judiciaire doit être menée sans qu'il soit porté atteinte à l'inviolabilité de la personne à charge ou de son domicile.

Article 8

    La renonciation à l'immunité de juridiction pénale n'est pas interprétée comme une renonciation à l'immunité d'exécution de la sentence, pour laquelle une renonciation distincte est demandée. L'Etat accréditant prend en considération une telle demande de renonciation.

Article 9

    La personne à charge autorisée à exercer une activité professionnelle salariée cesse, à compter de la date de l'autorisation, de bénéficier des privilèges douaniers prévus par les articles 36 et 37 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, par l'article 50 de la convention de Vienne sur les relations consulaires ou par les accords de siège des organisations internationales.

Article 10

    Sous réserve des dispositions pertinentes de conventions destinées à éviter les doubles impositions et d'accords particuliers, les revenus que les personnes à charge tirent de leur activité professionnelle salariée dans l'Etat d'accueil sont imposables dans cet Etat selon la législation fiscale de ce dernier.

Article 11

    La personne à charge qui exerce une activité professionnelle salariée est soumise au régime de protection sociale en vigueur dans l'Etat d'accueil.

Article 12

    La personne à charge autorisée à exercer une activité professionnelle salariée dans le cadre du présent accord peut transférer ses salaires et indemnités accessoires dans les mêmes conditions que celles prévues en faveur des travailleurs étrangers par la réglementation de l'Etat d'accueil.

Article 13

    La personne à charge autorisée à exercer une activité professionnelle salariée en vertu du présent accord est exemptée de toute obligation prévue par les lois et règlements de l'Etat accréditaire relatifs à l'immatriculation des étrangers et au permis de séjour.

Article 14

    L'autorisation d'exercer une activité professionnelle salariée prévue par le présent accord est octroyée à une personne à charge à compter de la date de prise de fonction du membre de la mission officielle. Elle prend fin à la date de fin du contrat ou dès que le bénéficiaire de l'autorisation cesse d'avoir la qualité de personne à charge, et, en tout état de cause, à la date de cessation de fonction du membre de la mission officielle, en tenant compte, cependant, du délai raisonnable visé à l'article 39.2 et 39.3 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et à l'article 53.3 de la convention de Vienne sur les relations consulaires.

Article 15

    Les demandes de personnes à charge désireuses d'exercer des activités professionnelles non salariées seront examinées au cas par cas au regard des dispositions législatives et réglementaires du pays d'accueil.

Article 16

    Un comité mixte, composé des autorités compétentes pour l'application du présent accord, se réunit en tant que de besoin à la demande de l'une ou l'autre des Parties, dans l'un ou l'autre pays.
    Il est compétent pour régler tout différend qui peut naître entre les Parties au sujet de l'interprétation ou de l'application de l'accord.

Article 17

    1.  Chacune des Parties notifie à l'autre l'accomplissement des procédures requises pour l'entrée en vigueur du présent accord, qui intervient le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière de ces notifications.
    2.  Chacune des Parties peut à tout moment dénoncer le présent accord en adressant à l'autre par la voie diplomatique une notification de dénonciation. La dénonciation prendra effet six mois après la date de réception de la lettre de notification.
    Fait à Paris, le 21 novembre 2003, en deux exemplaires originaux, en langues française et roumaine, les deux textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement
de la République française :
Dominique  de Villepin,
Ministre
des affaires étrangères

Pour le Gouvernement
de la Roumanie :
Mircea  Geoana,
Ministre
des affaires étrangères

-----------------

N° 1640 - Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre


© Assemblée nationale