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N° 247

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2002.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN, préalable au débat sur l'évolution des prélèvements obligatoires pour 2003,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gilles CARREZ,

Rapporteur général

Député

--

Finances publiques.

La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan est composée de : M. Pierre Méhaignerie, président ; M. Michel Bouvard, M. François Goulard, M. Jean-Louis Idiart, vice-présidents ; M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Censi, M. Charles de Courson, secrétaires ; M. Gilles Carrez, Rapporteur Général ; M. Pierre Albertini, M. Philippe Auberger, M. François d'Aubert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. Xavier Bertrand, M. Éric Besson, M. Augustin Bonrepaux, M. Pierre Bourguignon, M. Victor Brial, M. Christian Cabal, M. Bernard Carayon, M. Thierry Carcenac, M. Jean-Yves Chamard, M. Jérôme Chartier, M. Alain Claeys, M. Jean-Yves Cousin, M. Olivier Dassault, M. Yves Deniaud, M. Jean-Jacques Descamps, M. Michel Diefenbacher, M. Julien Dray, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Michel Fourgous, M. Daniel Garrigue, M. Jean de Gaulle, M. Paul Giacobbi, M. Alain Madelin, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Alain Marleix, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mathis, M. Denis Merville, M. Didier Migaud, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Hervé Novelli, M. Michel Pajon, M. Jacques Pélissard, M. Nicolas Perruchot, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, Mme Marie-Josée Roig, M. Philippe Rouault, M. Jean-Claude Sandrier, M. François Scellier, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Georges Tron, M. Michel Vaxès, M. Éric Woerth.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.- L'ÉVOLUTION À LONG TERME DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES 7

A.- UNE DÉFINITION PROBLÉMATIQUE 7

B.- LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES ONT FORTEMENT AUGMENTÉ DEPUIS 1965 DANS L'ENSEMBLE DES PAYS DE L'OCDE PARMI LESQUELS LA FRANCE SE CARACTÉRISE PAR LE NIVEAU ÉLEVÉ ET LA STRUCTURE ATYPIQUE DE SES PRÉLÈVEMENTS 9

1.- Une très forte croissance des taux de prélèvements obligatoires des pays développés entre 1965 et 1985 sous l'effet du développement de la protection sociale et du tassement de la croissance 10

2.- La mise en _uvre d'importantes réformes fiscales à partir de 1985 a freiné la progression des prélèvements obligatoires et accentué les divergences entre les pays développés 11

3.- La France se caractérise par la structure atypique de ses prélèvements 15

II.- LA STRATÉGIE FISCALE DU GOUVERNEMENT PERMET D'ENGAGER LA FRANCE SUR LA VOIE D'UNE RÉDUCTION DURABLE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOI l'adaptation de la France aux conséquences prévisibles du choc démographique 22

B.- LA STRATÉGIE FISCALE RETENUE PAR LE GOUVERNEMENT PERMET D'ENGAGER LA FRANCE SUR LA VOIE D'UNE RÉDUCTION PROGRESSIVE ET DURABLE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES 22

1.- Une inquiétante rigidité à la baisse des prélèvements obligatoires 22

2.- Le programme du Gouvernement constitue une première étape réaliste et volontariste dans la voie de la réduction des prélèvements obligatoires 27

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

I.- AUDITION DU MINISTRE DE LA SANTÉ, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPÉES ET DU MINISTRE DÉLÉGUÉ AU BUDGET SUR LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES 29

II.- EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION 39

Mesdames, Messieurs,

L'article 52 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dispose qu'« en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente à l'ouverture de la session ordinaire un rapport retraçant l'ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution.

Ce rapport comporte l'évaluation financière, pour l'année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions, de nature législative ou réglementaire, envisagées par le Gouvernement.

Ce rapport peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat ».

Cet article, entré en vigueur le 1er janvier 2002, résulte d'une initiative conjointe du sénateur Philippe Marini, Rapporteur général du budget, et de l'ancien sénateur Charles Descours, alors Rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il répondait, dans l'esprit de ses auteurs, au souhait de mettre en perspective le volet fiscal des projets de loi de finances avec les données relatives à l'évolution des prélèvements sociaux, l'Assemblée nationale y ayant ajouté les prélèvements des administrations publiques locales.

Conformément aux dispositions de l'article 52 précité, le Gouvernement a présenté un premier rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

Le présent rapport d'information a pour objet de contribuer au débat prévu le 10 octobre 2002 à l'Assemblée nationale.

I.- L'ÉVOLUTION À LONG TERME DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

A.- UNE DÉFINITION PROBLÉMATIQUE

Pour reprendre une définition traditionnelle, les prélèvements o institutions européennes ;

- enfin, le caractère non volontaire des versements : le cotisant n'a ni le choix du montant, ni celui des conditions du versement.

·  Ces critères s'avèrent cependant délicats dans leur application.

La première difficulté apparaît avec la notion de versements effectifs. Les cotisations sociales fictives, c'est-à-dire les versements à leurs agents que l'État ou certaines entreprises publiques seraient censés effectuer en qualité d'employeur en contrepartie des prestations sociales qu'ils assument directement, doivent-elles à ce titre entrer dans le champ des prélèvements obligatoires ? L'enjeu est d'importance dans la mesure où ces cotisations fictives représentent 15% des cotisations sociales effectives. Le système européen de comptabilité qu'applique l'INSEE n'intègre pas ces cotisations dans l'évaluation des prélèvements obligatoires.

De même, la notion de versement effectif occulte le phénomène des « flux fermés », autrement dit le fait que les mêmes ménages reçoivent des prestations publiques et acquittent simultanément des impôts. L'ampleur du phénomène des flux fermés peut être mesuré d'après le montant dont on pourrait réduire les impôts ou les transferts pour l'individu moyen de chaque décile de population en déduisant les impôts (lorsqu'ils sont inférieurs aux transferts) ou les transferts (lorsqu'ils sont inférieurs aux impôts). L'OCDE estime ainsi l'importance de ces flux à 18% des revenus avant impôts et transferts pour l'ensemble des pays de l'OCDE, les niveaux variant de 9% aux Etats-Unis à 35% en Suède. La corrélation entre l'importance des flux en circuit fermé et l'importance des dépenses publiques est très forte, ce qui suggère que ces flux pourraient représenter entre 15 et 20% du revenu disponible brut des ménages en France.

La seconde difficulté tient à l'identité des destinataires. Par convention sont exclus du champ des prélèvements obligatoires un grand nombre d'organismes qui ne font pas partie du secteur des administrations publiques au sens de la Comptabilité nationale, ce qui élimine 80% des taxes parafiscales ou des cotisations professionnelles qui leur sont affectées.

La troisième difficulté naît de l'ambiguïté qui s'attache au caractère non volontaire des versements. Certains prélèvements ne sont ainsi pas considérés comme obligatoires car ils correspondent à un service rendu ou à une décision « volontaire » de ceux qui les acquittent. Il en est ainsi, par exemple, de la redevance de télévision, des droits de timbre sur les documents d'identité, etc.

Une dernière difficulté s'attache à la nature du versement. L'exclusion des emprunts publics de la mesure des prélèvements obligatoires a ainsi été fréquemment contestée au motif qu'ils constituent un prélèvement différé, dont le montant conduit, tôt ou tard, à augmenter les prélèvements obligatoires. Le Conseil des impôts avait estimé dans son Quatrième rapport au Présid augmentation des dépenses budgétaires ou des recettes fiscales. Il en va ainsi, notamment, des dépenses fiscales.

Surtout, des facteurs institutionnels comme le mode de financement de la protection sociale jouent un rôle déterminant.

B.- LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES ONT FORTEMENT AUGMENTÉ DEPUIS 1965 DANS L'ENSEMBLE DES PAYS DE L'OCDE PARMI LESQUELS LA FRANCE SE CARACTÉRISE PAR LE NIVEAU ÉLEVÉ ET LA STRUCTURE ATYPIQUE DE SES PRÉLÈVEMENTS

Au cours des trente-cinq dernières années, le niveau des prélèvements obligatoires de l'ensemble des pays de l'OCDE a augmenté de manière continue, passant de 25,8% du PIB en 1965 à 37,5% en 2000, soit une hausse de 11,7 points.

ÉVOLUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DANS L'OCDE

(en pourcentage du PIB)

1965

1975

Variation 75/65
(en %)

1985

Variation 85/75
(en %)

1999

Variation 99/75
(en %)

OCDE

25,8

31,1

5,3

33,8

2,7

37,3

3,5

Union européenne (15)

27,8

34

6,2

38,5

4,5

41,6

3,1

France

34,5

36,9

2,4

43,8

6,9

45,8

2

Allemagne

31,6

36

4,4

32,9

- 3,1

37,7

4,8

Royaume-Uni

30,4

35,4

5

37,6

2,2

36,3

- 1,3

Etats-Unis

25

26,9

1,9

26,1

- 0,8

28,9

2,8

Source : OCDE.

1990

1995

1999

Variation 95/90
(en %)

Variation 99/95
(en %)

Variation totale
(en %)

OCDE

35

36,1

37,3

1,1

1,2

2,3

Union européenne (15)

39,2

40

41,6

0,8

1,6

2,4

France

43

44

45,2

1

1,2

2,2

Allemagne

32,6

38,2

37,7

5,6

- 0,5

5,1

Royaume-Uni

35,9

35,1

36,3

- 0,8

1,2

0,4

Etats-Unis

26,7

27,6

28,9

0,9

1,3

2,2

Pays-Bas

42,8

41,9

41,8

- 0,9

- 0,1

- 1

Nouvelle-Zélande

38

38

35,6

0

- 2,4

- 2,4

Japon

30,7

27,9

26,2

- 2,8

- 1,7

- 4,5

Source : OCDE.

1.- Une très forte croissance des taux de prélèvements obligatoires des pays développés entre 1965 et 1985 sous l'effet du développement de la protection sociale et du tassement de la croissance

De 1965 jusqu'au premier choc pétrolier, le niveau des prélèvements obligatoires dans les pays développés a augmenté de 5,3 points, de manière presque uniforme, grâce à une croissance des revenus réels forte et ininterrompue, un consensus, en particulier en Europe occidentale, en faveur de l'État providence et à l'augmentation automatique des niveaux d'imposition sous l'effet du freinage fiscal qui s'est appliqué aux barèmes de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, ceux-ci n'étant souvent pas ajustés en fonction de l'inflation.

La France se caractérise, durant cette période, par la modération de l'évolution des prélèvements obligatoires (2,4%) qui s'explique par un niveau initial élevé du fait de la précocité de la mise en place et de la généralisation de son système de protection sociale et du fait de la moindre part de l'impôt sur le revenu dans sa structure fiscale. L'intensification de la seule pression fiscale était en effet antérieure, celle-ci étant passée de 1938 à 1977 de 10,5 à 22,6% du PIB sous l'effet de l'apparition d'impôts fondés sur des éléments dynamiques (impôt sur le revenu et sur la dépense, la seule TVA instituée en 1954 représentant 50% des recettes fiscales de l'État en 1970). Les cotisations sociales, pour leur part, avaient atteint 12% du PIB dès 1965 (contre 4,7% de moyenne dans l'OCDE) et leur montée en puissance est restée progressive sur la période, pour atteindre 15% du PIB en 1975.

Entre 1975 et 1985, le niveau d'imposition de la zone OCDE a augmenté de 2,7 points de PIB. Le ralentissement de la croissance des revenus réels s'étant combiné à l'augmentation du chômage pour limiter la capacité des gouvernements à prélever des recettes. En outre, un consensus a émergé sur les effets potentiellement négatifs de taux d'imposition légaux élevés sur le potentiel d'offre de l'économie. Cependant, à partir de la profonde récession qui a suivi le second choc pétrolier, en 1980, les pays européens ont été amenés à augmenter les prélèvements obligatoires pour financer l'augmentation des dépenses de sécurité sociale dont le rythme tendanciel de croissance restait soutenu malgré un net infléchissement de la progression des revenus réels. Ils l'ont fait aussi pour maîtriser l'apparition de déficits budgétaires insoutenables.

L'évolution des prélèvements obligatoires en France accentue cette tendance européenne (+ 7 points de PIB contre + 4,5 points pour l'équivalent de l'actuel UE à 15). La pression fiscale totale progresse modérément de 2 points de PIB (de 22,4% du PIB en 1975 à 24,4% en 1985), surtout en raison du dynamisme de la consommation dans la seconde partie des années 70, sous l'effet d'une déformation du partage de la valeur ajoutée au profit des salari&e align="justify">·  Après le milieu des années 80, la plupart des pays de l'OCDE ont mis en place d'importantes réformes fiscales dont l'inspiration est de trois ordres.

- Tout d'abord, afin de limiter les distorsions induites par la fiscalité sur l'offre, ainsi que pour prendre acte de l'ouverture croissante des économies et le développement des investissements à l'étranger qui portent les prémisses d'une certaine concurrence fiscale, les pays de l'OCDE ont sensiblement réduit les taux d'imposition sur le travail et sur les bénéfices des sociétés, bien que l'incidence sur les recettes publiques des vastes réformes fiscales qui ont été instaurées soit restée limitée. En effet, la base de ces impôts était parallèlement élargie par une réduction des nombreuses déductions fiscales.

En premier lieu, les barèmes de l'impôt sur le revenu des personnes physiques se sont généralement resserrés pour améliorer l'efficacité économique, la réduction des taux marginaux supérieurs s'accompagnant fréquemment d'un élargissement de l'assiette avec notamment une limitation des exemptions et une imposition des avantages annexes. Ce resserrement a eu tendance à induire une convergence des taux légaux de l'impôt dans les différents pays. Ainsi, entre 1986 et 1998, la différence entre taux maximum et taux minimum a baissé d'environ 2 points de pourcentage.

En second lieu, le taux légal de base de l'impôt sur les sociétés a également diminué dans presque tous les pays, tandis que parallèlement l'assiette a été considérablement élargie par la limitation des incitations à l'investissement en machines et outillages. Par conséquent, les taux légaux de l'impôt sur les sociétés ont considérablement convergés dans les pays de l'OCDE. Cependant, cette convergence des taux légaux masque le maintien d'une grande diversité de taux réels (l'impôt total acquitté par les sociétés divisé par les bénéficies avant impôts). L'écart entre le taux légal et le taux réel s'explique par les crédits d'impôts, les déductions et exemptions et les comportements d'optimisation de leur fiscalité par les entreprises, par exemple par le transfert des coûts dans un contexte de fiscalité élevée et des bénéfices dans un contexte de fiscalité réduite. Ainsi, les taux réels d'imposition sur les sociétés varient de près de 50% au Japon ou en Italie à 10% environ aux Etats-Unis, en Allemagne ou dans le Royaume-Uni.

ÉVOLUTION DES TAUX LÉGAUX DE L'IMPÔT PERÇU
PAR L'ADMINISTRATION CENTRALE

VARIATION EN POURCENTAGE : 1986 À 1997

Taux marginal supérieur
de l'impôt sur le revenu
des personnes physiques

Taux de base de l'impôt
sur les bénéfices des sociétés

Etats-Unis

- 10,4

- 11,0

Japon

- 20,0

- 5,5

Allemagne

״

- 11,0

France

- 11,0

- 11,7

Italie

- 11,0

0,0

Royaume-Uni

- 20,0

- 2,0

Canada

- 2,7

- 7,0

Moyenne (a)

- 12,4

10,3

Ecart-type

0,0

- 2,8

(a) Moyenne pondérée, excluant l'Allemagne, le Portugal et la Suisse.

Source : Owens et Whitehouse (1996). L'imposition des entreprises dans une économie mondiale :
nouveaux problèmes ; la Banque de données fiscales de l'OCDE (1997).

En dernier lieu, afin de compenser l'alourdissement de la fiscalité des revenus du travail, particulièrement lourde pour le travail non qualifié, certains pays tels que la France, la Belgique ou les Pays-Bas ont réduit les prélèvements sur les salaires ou les cotisations de sécurité sociale pour les basses rémunérations. D'autres pays ont modifié les barèmes dans la partie inférieure de l'éventail des revenus pour stimuler le taux d'activité : ainsi, des crédit d'impôt sur les revenus du travail ont été mis en place, parfois sous la forme d'impôt négatif, aux Etats-Unis (EITC) ou en France (PPE).

- Par ailleurs, il a été fait plus largement appel aux prélèvements sociaux dans l'ensemble de l'OCDE, quel que soit, par ailleurs, le mode de financement de la protection sociale retenu. Dans la mesure où ces prélèvements tendent à être au mieux proportionnels, au pire dégressifs, l'effet de leur hausse ajoutée à l'aplanissement des barèmes de l'impôt sur le revenu a induit une augmentation des taux d'imposition effectifs dans la partie inférieure de l'éventail des gains. Le tableau suivant permet de constater que les taux d'imposition effectifs ont augmenté de 7 points pour les familles dont le revenu est égal au deux tiers du salaire ouvrier moyen, la France se situant à cet égard dans une fourchette moyenne avec une hausse de 11%, tandis que les taux d'imposition effectif pour les familles à haut revenu restaient stables.

TAUX MARGINAUX D'IMPOSITION PAR NIVEAU DE REVENU (a)

VARIATION EN POURCENTAGE : 1978 À 1995

66 pour cent du revenu de l'ouvrier moyen

100 pour cent du revenu de l'ouvrier moyen

200 pour cent du revenu de l'ouvrier moyen

Etats-Unis

21,7

18,5

- 4,6

Japon

9,0

18,7

7,7

Allemagne

- 18,6

4,2

- 5,4

France

10,9

1,1

3,0

Italie

14,5

9,0

8,4

Royaume-Uni

- 4,5

- 4,5

7,0

Canada

3,0

20,7

0,6

Moyenne (b)

7,5

2,5

- 0,1

Ecart-type (b)

- 0,7

- 4,8

- 4,7

(a) Couple avec un seul travailleur et deux enfants. Comprend les impôts sur les personnes physiques, les cotisations salariales de sécurité sociale et les transferts en espèces « universels » (sans conditions de ressources).

(b) Moyenne non pondérée, excluant l'Australie.

Source : 1995 : équations fiscales de l'OCDE. 1978 : l'étude de l'OCDE sur l'emploi ;
Fiscalité, emploi et chômage (1995).

- Enfin, les impôts sur la consommation, en particulier la TVA, ont pris une place déterminante dans l'architecture des prélèvements obligatoires, comme l'illustre le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DES TAXES SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Année d'introduction de la TVA

Taux initial standard

Taux 1996 standard

France

1964

20

20,6

Allemagne

1968

10

15

Pays-Bas

1969

12

17,5

Espagne

1986

12

16

Royaume-Uni

1973

10

17,5

Source : Owens et Whitehouse (1996).

- Ces réformes, ainsi qu'une reprise économique plus vigoureuse, ont eu pour effet d'infléchir dans la seconde moitié des années 90 la tendance à la hausse du niveau des prélèvements obligatoires (+ 1,2 point de PIB pour l'OCDE, de 36,1% du PIB à 37,3%).

Ces moyennes ont cependant tendance à dissimuler une grande variété de pratiques fiscales et sociales nationales. Ainsi certains États se caractérisent par la maîtrise de leurs prélèvements obligatoires, les niveaux d'imposition ayant notamment diminué d'un point de PIB aux Pays-Bas, de 2,5 en Nouvelle-Zélande et de 4,5 points au Japon. D'autres en revanche ont connu une dégradation de leur performance. Les prélèvements obligatoires ont ainsi augmenté dans la décennie 90 de 5 points de PIB en Allemagne.

- La France, pour sa part, a connu des évolutions contrastées de ses prélèvements obligatoires. Le niveau de ces derniers a ainsi été stabilisé entre 1985 et 1995, avant de subir un brusque ressaut de 1,2 point de PIB entre 1995 et 2000.

Entre 1985 et 1995, la stabilisation des prélèvements obligatoires masque d'importances divergences selon la nature des prélèvements.

D'un côté, la pression fiscale de l'État a diminué, passant de 17,6% du PIB à 16,6% (- 1 point), à cause essentiellement de la réduction du rendement de la taxe sur la valeur ajoutée avec la suppression du taux majoré de 33,3% qui s'appliquait notamment aux achats de véhicules, de la baisse de l'impôt sur les sociétés de 50% à 33,33% et de la diminution du rendement de l'impôt sur le revenu imputable à l'extension des dépenses fiscales.

De l'autre, les prélèvements obligatoires des collectivités locales ont fortement progressé de 4,8% du PIB en 1982 à 5,7 points de PIB en 1995 (+ 1 point de PIB). Cette augmentation s'est appuyée sur l'augmentation rapide du rendement des quatre taxes locales (+ 1 point de PIB), résultant jusqu'en 1986 d'un effet de base (80% de l'augmentation du produit) puis d'un effort fiscal accentué sur les taux participant entre 1987 et 1995 à hauteur de 40% à la progression de leur produit.

CROISSANCE DES PRODUITS VOTÉS ET DES TAUX DES QUATRE IMPÔTS DIRECTS LOCAUX ENTRE 1982 ET 1993

(en pourcentage)

Produit

Taux

Taxe d'habitation

+ 140

+ 14,5

Taxe sur le foncier bâti

+ 275

+ 23,7

Taxe sur le foncier non bâti

+ 32,5

+ 13

Taxe professionnel

+ 142

+ 16,3

Source : Direction générale des collectivités locales.

En outre, les prélèvements obligatoires des administrations de sécurité sociale se sont stabilisées à un niveau élevé (20% du PIB en 1985, 20,3% du PIB en 1995), leur réduction grâce à la bonne conjoncture entre 1987 et 1990 (moins 1 point de PIB) étant plus que compensé par un retour à la tendance de moyen terme entre 1990 et 1995.

Depuis 1995 en revanche, les prélèvements obligatoires ont progressé de 1,2 point de PIB. Leur croissance annuelle s'est élevée à 4,1% du PIB. Les causes de ce dynamisme seront analysées dans la seconde partie du présent rapport.

3.- La France se caractérise par la structure atypique de ses prélèvements

STRUCTURE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES PAR ASSIETTES ÉCONOMIQUES

graphique

graphique

graphique

Source : OCDE.

La structure des prélèvements obligatoires en France est profondément atypique :

- la part des prélèvements destinée au financement de la sécurité sociale y est beaucoup plus élevée que dans les autres pays développés (39,5% des prélèvements obligatoires en 1998 contre 32,7 dans l'Union européenne et 28,2% dans l'OCDE) et consiste essentiellement en des cotisations sur les revenus d'activité ;

- la part de l'imposition sur la consommation atteint près du tiers du total (26,6% contre 18% aux Etats-Unis, 15% au Japon mais 35% au Royaume-Uni) ;

- la part de l'imposition progressive sur le revenu y est faible, seulement 17,4% des prélèvements obligatoires contre 24 dans l'Union européenne, dont 24,6 en Allemagne ou 27,5 au Royaume-Uni, et 36,4% aux Etats-Unis. Ce phénomène est essentiellement lié au fait que l'imposition des revenus ne concerne en France que la moitié des ménages. Par ailleurs cette moindre place de l'imposition sur le revenu est compensée par des prestations sociales importantes qui réduisent sensiblement les écarts de revenus disponibles après impôts et transferts. Comme l'a souligné le rapport Ducamin en 1995, « le modèle français de redistribution se caractérise par deux traits : la redistribution qui bénéficie avant tout aux familles à revenus faibles et améliore significativement leur situation ; cette redistribution est avant tout le fruit de prestations sociales ciblées et d'un montant élevé ».

Cette structure a pour effet de rendre les prélèvements obligatoires français peu élastiques à la baisse. En effet, les prélèvements consacrés au financement de la protection sociale ré LA FRANCE PAR RAPPORT À SES PARTENAIRES EUROPÉENS, RÉDUIRE LE CHÔMAGE ET PERMETTRE AU PAYS DE FAIRE FACE À TERME AU CHOC DÉMOGRAPHIQUE

1.- Le niveau d'imposition français sur les facteurs de production
apparaît trop élevé

Il est essentiel de mesurer le coût, en termes d'efficacité économique, des prélèvements obligatoires. Dans la mesure où l'on raisonne à dépenses publiques données, le coût économique de la fiscalité consiste avant tout en une distorsion des incitations des agents économiques, ménages ou entreprises, aux activités productives à l'intérieur des frontières nationales et de leurs choix de production ou de consommation. Afin de mieux appréhender la pression fiscale s'exerçant sur les facteurs économiques (le travail et le capital), il est nécessaire de rapporter les montants des recettes publiques à leur assiette effective. Le calcul des taux moyens implicites d'imposition répond à cette préoccupation.

a) La taxation du travail

IMPOSITION RÉELLE DU FACTEUR TRAVAIL EN 2000

graphique

ÉVOLUTION ENTRE 1991 ET 2000

en %

graphique

IMPOSITION MARGINALE DU FACTEUR TRAVAIL

graphique

Source : OCDE

Comme l'illustrent les graphiques ci-dessus, le taux moyen implicite d'imposition du travail en France se situe à un niveau supérieur à la moyenne européenne, la France apparaissant au quatrième rang des pays pour lesquelles la taxation effective du facteur travail est la plus lourde. Cette charge induit deux types de distorsions économiques, selon que l'on envisage ses conséquences sur l'offre de travail ou sur la demande de travail.

·  Du point de vue de l'offre de travail, des taux marginaux élevés (53% en France) d'imposition du travail, c'est-à-dire le niveau de taxation d'une heure supplémentaire de travail, contribuent probablement à réduire les taux d'activité de la population. Bien que la question reste débattue parmi les économistes, il semble que l'élasticité de l'offre de travail qualifiée à sa rémunération soit de l'ordre 0,2 (Rosen, 1980). Ainsi, dans un modèle de croissance néoclassique (le progrès technique est supposé exogène) dans lequel les facteurs de production sont substituables et rémunérés à leur productivité marginale, une réduction du taux d'imposition réel du travail de 30% pour un niveau d'imposition initial de 40% entraîne une hausse de la croissance potentielle de l'économie de 0,31 point de PIB pendant les dix premières années suivant la réforme. Si l'élasticité du travail à sa rémunération atteint 0,4, hypothèse haute qui peut être retenue si les salariés sont très mobiles dans une zone économique intégrée du type de la zone euro, le relèvement de la croissance potentielle atteint 0,67 point de PIB.

De nombreux pays ont su adapter leur législation fiscale à la prise de conscience des distorsions d'une fiscalité excessive sur le travail. Ainsi, par exemple, l'Allemagne met en _uvre depuis 1999 une réforme profonde de l'impôt sur le revenu dont les principales dispositions sont les suivantes :

- le taux légal inférieur est ramenée de 25,9% en 1998 à 23,9% en janvier 1999, 22,9% en janvier 2000, 19,9% en janvier 2001, 17% en janvier 2003 et 15% en janvier 2005 ;

- le taux légal supérieur de 53% en 1998 à 51% en 2000, 48,5% en 2001, 47% en 2003 et 42% en 2005 ;

- l'abattement de base est majoré graduellement de 6.300 euros à 7.500 euros en 2005.

La réduction de 5% de l'impôt sur le revenu depuis l'entrée en fonction du Gouvernement qu'il est proposé de pérenniser et d'élargir dans le projet de loi de finances pour 2003 s'inscrit à son tour dans cette volonté de stimuler l'offre de travail et d'encourager l'implantation en France des travailleurs les plus qualifiés.

·  Du point de vue de la demande de travail, bien que dans l'ensemble les salaires soient flexibles, ce qui signifie qu'une hausse des cotisations est à terme intégralement supportée par une baisse de la rémunération nette des salariés, l'existence du plancher du SMIC rend les salaires des personn correspondant sera de 7 milliards d'ici 2007, dont 800 millions en 2003.

En outre, le contrat jeune sans charge institue l'équivalent d'une franchise totale de cotisations sociales patronales au niveau du SMIC pour les jeunes sans qualification, pour un coût cumulé, en 2003, de 380 millions d'euros.

Au total, les allégements de prélèvements sur le facteur travail en 2003 devraient être les suivants :

MESURES DU PROJET DE LOI DE FINANCES ET DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2003 SUR LE FACTEUR TRAVAIL

(en milliards d'euros)

2003

Baisses de prélèvements sur le facteur travail

- 4,1

Dont mesures concernant les ménages

- 1,1

- dont baisse de 1% supplémentaire de l'impôt sur le revenu, maintien des plafonds

- 0,8

- dont revalorisation de la prime pour l'emploi

- 0,3

- dont augmentation de la réduction d'impôt pour emploi d'un salarié à domicile

- 0,1

Dont mesures concernant les entreprises

- 3,0

- dont finalisation de la réforme de la taxe professionnelle

- 1,9

- dont allégements de charges bas salaires

- 0,8

- dont mesure « contrat jeune »

- 0,3

Source : Rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

b) La taxation des entreprises

- La taxation des bénéfices

TAXATION LÉGALE ET EFFECTIVE DES BÉNÉFICES

graphique

Le taux effectif d'imposition des bénéfices des sociétés apparaît comparativement élevé en France. Il apparaît ainsi nécessaire d'alléger la charge fiscale supportée par les entreprises afin de réduire les risques de délocalisation du capital productif et de préserver la compétitivité des entreprises, et ce d'autant plus que les États membres de l'Union européenne se sont engagés, depuis 1999, dans d'importantes réformes fiscales. Ainsi, par exemple, l'Allemagne a ramené, en 2001, le taux d'imposition des entreprises constituées en société à 25% pour les bénéfices non distribués (au lieu de 40%) et les bénéfices distribués (au lieu de 30%).

- Un biais fiscal en faveur du financement par l'endettement

La structure de la fiscalité française favorise par ailleurs le financement par endettement plutôt que le financement par fonds propres :

- les dividendes d'action sont taxés à l'impôt sur le revenu après imputation de l'avoir fiscal qui neutralise l'impôt sur les sociétés, soit en majorité au taux marginal supérieur ;

- les intérêts de la dette sont taxés au taux de prélèvement libératoire, mais sont déductibles du bénéfice imposable (cependant, leur assujettissement à la contribution pour le remboursement de la dette sociale et à la contribution sociale généralisée depuis 1998 a élevé le taux effectif de taxation) ;

- les bénéfices réinvestis sont taxés à l'impôt sur les sociétés et font l'objet d'une taxation des plus-values au delà d'un seuil de cession égal au taux du prélèvement libératoire.

Le tableau ci-dessus (méthodologie King-Fullerton) permet de mesurer ces distorsions en calculant les taux de rentabilité requis avant impôts pour un même taux de rentabilité après impôt, selon chaque mode de financement.

TAUX DE RENTABILITÉ REQUIS AVANT IMPÔTS
POUR UN MÊME TAUX DE RENTABILITÉ APRÈS IMPÔTS
SELON LES MODES DE FINANCEMENT, EN 1999

(en pourcentage)

Endettement

Bénéfices réinvestis

Emission d'actions

Distorsion (a)

France

3,5

5,75

8,25

40%

Allemagne

5,5

4,5

5,5

10%

Royaume-Uni

5

7

6

15%

Etats-Unis

5

7

7,5

20%

Pays-Bas

7,5

4,5

11,5

45%

(a)  Ecart type sur la moyenne des trois taux de rendement.

Afin d'alléger l'ensemble des prélèvements acquittées par les entreprises, le projet de loi de finances pour 2003 propose de mettre en _uvre la dernière tranche de la suppression de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle
(- 1,830 milliard d'euros), de réduire progressivement la fraction des recettes prises en compte dans les bases de taxe professionnelle des entreprises relevant des bénéfices non commerciaux (- 88 millions d'euros) ainsi que d'abroger par étapes la contribution des institutions financières.

2.- Il est par ailleurs indispensable de préparer l'adaptation de la France aux conséquences prévisibles du choc démographique

Enfin, les conséquences fiscales du vieillissement de la population seront à moyen terme considérables. Le tableau ci-dessous donne la mesure de la charge que la croissance prévisible des dépenses de retraite et celle des dépenses de santé feront peser sur l'évolution des prélèvements obligatoires pour l'ensemble des pays de l'OCDE. Pour la seule France, en l'absence de données disponibles pour l'évolution des dépenses de santé, la charge des retraites devrait augmenter de 4 points de PIB.

DÉPENSES LIÉES AU VIEILLISSEMENT DANS LES PAYS DE L'OCDE

(en point de PIB)

Total

Dont

Retraite

Santé et dépendance

Niveau 2000

Changement entre 2000 et le sommet

Changement 2000-50 (a)

Niveau 2000

Changement entre 2000 et le sommet

Changement 2000-50 (a)

Niveau 2000

Changement entre 2000 et le sommet

Changement 2000-50 (a)

France

-

-

-

12,1

4

3,9

-

-

-

Allemagne

-

-

-

11,8

5

5

-

-

-

Pays-Bas

19,1

10,1

9,9

5,2

5,3

4,8

7,2

4,8

4,8

Royaume-Uni

15,6

0,8

0,2

4,3

0

- 0,7

5,6

1,8

1,7

Etats-Unis

11,2

5,5

5,5

4,4

1,8

1,8

2,6

4,4

4,4

(a) 2040 pour la France.

Source : Dang, Antolin and Oxley (2001).

B.- LA STRATÉGIE FISCALE RETENUE PAR LE GOUVERNEMENT PERMET D'ENGAGER LA FRANCE SUR LA VOIE D'UNE RÉDUCTION PROGRESSIVE ET DURABLE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

1.- Une inquiétante rigidité à la baisse des prélèvements obligatoires

Entre 1997 et 2001, les prélèvements obligatoires ont évolué aux rythme annuel de 4,1%, atteignant un sommet de 45,5% du PIB en 1999 avant de décroître légèrement au niveau de 45% constaté en 1997.

ÉVOLUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DEPUIS 1998 EN POINT DE PIB

(en point de PIB)

1998

1999

2000

2001

2002 (a)

2003 (a)

Evolution spontanée

- 0,5

1,0

0,6

0,3

0,1

- 0,2

Mesures nouvelles

0,3

- 0,3

- 1,1

- 0,3

- 0,5

- 0,1

Evolution totale

- 0,2

+ 0,7

- 0,5

0

- 0,4

- 0,3

PO

44,8

45,5

45,0

45,0

44,6

44,3

(a) Pour 2002 et 2003 : prévisions.

Il est vrai qu'entre 1999 et 2002, l'évolution tendancielle des prélèvements obligatoires a été supérieure à celle de l'activité. L'apparition d'une élasticité apparente des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB supérieure à l'unité dans les phases hautes du cycle économique répond à des facteurs de deux ordres.

D'une part, les caractéristiques de la structure des prélèvements induisent un écart entre l'évolution des recettes et celle de l'activité.

Les modes d'assiette et de recouvrements des impôts en France conduisent à ce qu'environ 40% des recettes fiscales de l'État dépendent de l'évolution de leurs bases lors de l'année précédant l'exercice concerné, et sont ainsi insensibles aux variations de l'année en cours. Ce phénomène explique en particulier le maintien d'une élasticité des prélèvements obligatoires supérieure à 1 en 2002, malgré le très fort ralentissement de l'activité.

Par ailleurs, certains impôts sont caractérisés par des règles susceptibles d'induire une divergence entre la progression des recettes et celle du PIB. L'imputation du déficit reportable pour l'impôt sur les sociétés peut à ce titre compenser la progression du bénéficie fiscal de l'année, les entreprises atténuant ainsi fréquemment une hausse importante de leur bénéfice fiscal dans une phase de reprise de l'activité économique, de la même manière que la constatation de provisions accentue la chute des recettes fiscales en période de retournement de la croissance.

D'autre part, la nature même de la croissance a des conséquences sur le produit des prélèvements. Une croissance portée par le dynamisme de la consommation accroît les recettes de TVA dont l'élasticité à la croissance de leurs bases taxables est proche de l'unité et dont la part dans l'ensemble des recettes de l'État est considérable. A l'inverse, une croissance orientée vers l'extérieur par une progression des exportations est moins riche en prélèvements obligatoires, les exportations étant exonérées de TVA.

De même, si le partage de la valeur ajouté est favorable aux revenus des entreprises, la recette fiscale dynamique est l'impôt sur les sociétés, caractérisé par une élasticité apparente à l'activité très fluctuante et différant sensiblement de l'unité. En revanche, un partage des revenus favorables aux salariés induit une progression de l'impôt sur le revenu et de la TVA dont les élasticités sont proches de l'unité.

Dans le cas de la période 1998-2002, ces divers éléments ont concouru à entretenir une croissance spontanée très élevée des prélèvements obligatoires.

Cependant, il est inquiétant de constater que malgré le ralentissement de l'activité en 2001 et la mise en _uvre de baisses long terme.

· En revanche, les prélèvements obligatoires des administrations de sécurité sociale ont crû au rythme annuel de 5,2% depuis 1997, traduisant une hausse non maîtrisée des dépenses de santé en particulier. Leur part dans le PIB est ainsi passée de 20,5% en 1997 à 21,7%, la fiscalité affectée à la protection sociale augmentant de 2 à 5,8% du PIB (dont 4,3% pour la seule CSG contre 1,9 en 1997).

· Enfin, les prélèvements obligatoires des administrations locales ont certes diminué de 5,7 à 5,1% du PIB. Cependant, cette modération doit être très fortement relativisée. D'une part, la fiscalité applicable aux droits de mutation à titre onéreux (loi de finances pour 1999), la part régionale de la taxe d'habitation (loi de finances rectificative pour 2000), la vignette automobile (loi de finances pour 2001), ainsi que, de manière progressive depuis 1999, une fraction de la part salariale de la taxe professionnelle ont été supprimées. Le montant des prélèvements obligatoires des administrations locales aurait ainsi, hors mesures nouvelles, connu une progression annuelle entre 1996 et 2001 de 4,9% contre 2,1 constatés. La prise en charge par l'État dans la fiscalité des quatre taxes locales est ainsi passée de 22% en 1995 à 30,5% en 2001 et probablement environ 33,5% en 2002. L'évolution des prélèvements obligatoires des collectivités locales masque ainsi une nette progression des ressources des collectivités locales et, corrélativement, de leurs charges.

En effet, des tensions apparaissent du côté des dépenses des collectivités locales. Ces dernières ont ainsi augmenté en moyenne annuelle de 4,2% entre 1997 et 2001. Cependant, trois facteurs pourraient induire un dérapage des dépenses locales et, partant, des prélèvements obligatoires locaux. D'une part, le fort développement des groupements de commune à fiscalité propre s'accompagne d'une forte croissance de leur budget en 2002 (de 13% pour les communautés urbaines et de 10% pour les communautés d'agglomération). D'autre part, les dépenses de personnel progressent de manière importante, de 4,3% en 2001 et 8% en 2002 pour les départements et les régions, en raison de la mise en place des 35 heures. Enfin, les transferts de charge pour les départements (aide personnalisée d'autonomie) et les régions (transports ferroviaires régionaux) font progresser les dépenses de gestion de respectivement 9,5 et 19,8% en 2002. Il est donc à craindre une reprise de la hausse pour les taux votés, la progression moyenne des taux dans les départements s'établissant notamment à 3,5% dès 2002.

PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

(en milliards d'euros)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Évolution
2000/2001

Évolution annuelle 1996/2000

Impôts après transferts

315,5

334,6

374,6

395,5

408,8

420,7

2,9%

6,7%

Etat

204,5

211,2

218,7

234,8

235

238,7

1,6%

3,5%

ODAC (a)

9,2

9,9

10,4

10,9

12,4

13,1

5,6%

7,7%

Administrations locales

68,6

71,6

74,5

75,5

74,6

75,1

0,7%

2,1%

Administrations de sécurité sociale

24,8

33,2

63

66,4

78

84,9

8,8%

33,2%

Institutions de l'Union européenne

8,4

8,7

8,1

8

8,7

8,9

2,3%

0,9%

Cotisations sociales effectives

227

228,2

210,2

220,7

229,2

238,1

3,9%

0,2%

Etat

3,7

5,1

5,3

5,4

5,4

5,6

3,7%

9,9%

Administrations de sécurité sociale

223,3

223,1

204,9

215,3

223,8

232,5

3,9%

0,1%

Total Etat

208,2

216,3

224

240,2

240,4

244,3

1,6%

3,7%

en % du PIB

17,2%

17,3%

17,2%

17,7%

17,0%

16,7%

 

 

Total ODAC

9,2

9,9

10,4

10,9

12,4

13,1

5,6%

7,7%

en % du PIB

0,8%

0,8%

0,8%

0,8%

0,9%

0,9%

 

 

Total administrations locales

68,6

71,6

74,5

75,5

74,6

75,1

0,7%

2,1%

en % du PIB

5,7%

5,7%

5,7%

5,6%

5,3%

5,1%

 

 

Total administrations de sécurité sociale

248,1

256,3

267,9

281,7

301,8

317,4

5,2%

5,0%

en % du PIB

20,5%

20,5%

20,5%

20,8%

21,3%

21,7%

 

 

Total institutions de l'Union européenne

8,4

8,7

8,1

8

8,7

8,9

2,3%

0,9%

en % du PIB

0,7%

0,7%

0,6%

0,6%

0,6%

0,6%

 

 

Total des prélèvements obligatoires

542,5

562,8

584,9

616,3

637,9

658,8

3,3%

4,1%

PIB

1.212,2

1.251,2

1.305,9

1.355,1

1.416,9

1.463,7

3,3%

4,0%

Total PO/PIB

44,8%

45,0%

44,8%

45,5%

45,0%

45,0%

 

 

(a) Organismes divers d'administration centrale.

2.- Le programme du Gouvernement constitue une première étape réaliste et volontariste dans la voie de la réduction des prélèvements obligatoires

En 2002, le taux de prélèvements obligatoires devrait s'établir à 44,6% du PIB, soit 0,4 point de moins qu'en 2001. Cette réduction doit être intégralement attribuée à des mesures nouvelles. En effet, la croissance spontanée des prélèvements obligatoires est de 0,1 point de PIB. Elle est même négative pour les prélèvements obligatoires de l'État de 0,1 point, leur élasticité apparente étant inférieure à l'unité (0,8), avec des recettes fiscales considérablement ralenties, dont l'élasticité s'affaisse à 0,3 en raison de la dégradation des bases taxables dès 2001 et du ralentissement économique. En revanche, l'assiette économique des prélèvements obligatoires des administrations de sécurité sociale est restée dynamique, induisant une hausse spontanée de 0,3 point de PIB. De même, l'évolution spontanée des prélèvements obligatoires des administrations locales est légèrement positive de 0,1 point de PIB.

INCIDENCE DES MESURES NOUVELLES DU « PAQUET FISCAL »
SUR L'ÉVOLUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Montant 2002

En % du PIB

Evolution spontanée en % du PIB

Mesures nouvelles

Montant

En % du PIB

Montant en 2003

En % du PIB

État et ODAC

258,9

17,2

- 0,2

TOTAL

- 1,304

- 0,1

265,4

17,0

- Allégement de l'impôt sur le revenu

- 0,45

- Majoration de la PPE

- 0,280

- Baisses de divers impôts d'Etat

- 0,100

- Allégement de la taxe professionnelle

- 0,088 (a)

- Transfert de taxe sur les conventions d'assurance

- 0,660

- Réforme de la fiscalité des distribution

+ 0,274

Collectivités locales

76,2

5,1

0,0

Allégement de la taxe professionnelle

- 1,830

- 0,1

78,0

5,0

Administration de sécurité sociale

329,4

21,9

+ 0,0

- Transfert de taxe sur les conventions d'assurance

- Allégements de charges sur les bas salaire

- Hausse de la fiscalité des tabacs

+ 0,660

- 0,800

+ 0,700

+ 0,0

343,3

21,9

Union européenne

6,9

0,9

+ 0,0

7,2

0,9

(a) Réduction progressive de la fraction des recettes prises en compte dans les bases de taxes professionnelles des entreprises aux bénéfices non commerciaux.

Source : d'après le rapport sur les prélèvements obligatoires.

En 2003, la décrue des prélèvements obligatoires devrait se poursuivre. Comme le montre le tableau ci-dessus, cette diminution reflète à la fois une croissance spontanée ralentie des prélèvements obligatoires par rapport au PIB (3,5% contre 3,9) et l'impact des mesures décidées par le Gouvernement décrite précédemment.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE DE LA SANTÉ, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPÉES ET DU MINISTRE DÉLÉGUÉ AU BUDGET SUR LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

La Commission des finances, de l'économie générale et du plan a procédé à l'audition conjointe avec la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, de M. Jean François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, et de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur les prélèvements obligatoires.

Introduisant cette audition de la Commission des finances, de l'économie générale et du plan et de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le Président Jean Michel Dubernard a souligné la difficulté d'avoir une vision claire du système des prélèvements obligatoires en France et tout l'intérêt qui s'attache à la mise en _uvre des dispositions de la loi organique du 1er août 2001 en ce qui concerne le rapport annuel et le débat sur les prélèvements obligatoires. Le Président Pierre Méhaignerie a lui aussi souligné la complexité du circuit des prélèvements obligatoires faisant intervenir l'État, les collectivités locales et la sécurité sociale. Il a insisté sur la nécessité de procéder à un débat global à cet égard.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, a présenté le premier rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution. Il a rappelé qu'aux termes de l'article 52 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le rapport sur les prélèvements obligatoires est présenté « en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale », permettant ainsi d'offrir au Parlement une vision consolidée des prélèvements des administrations publiques. Ce rapport comporte également l'évaluation financière pour 2002 et pour les deux années suivantes, 2003 et 2004, de chacune des dispositions législatives ou réglementaires envisagées par le Gouvernement.

M. Alain Lambert a rappelé que la notion de prélèvements obligatoires n'était pas une notion juridique mais une notion économique. Tels que définis par l'INSEE en application du Règlement de 1995 sur le système européen de comptabilité, les pr&eacut bénéficiaires avec 48% de l'ensemble des prélèvements obligatoires. Le champ des administrations sociales dépasse celui du PLFSS car il inclut les régimes d'assurance chômage, les régimes de retraite complémentaire, le fonds de couverture maladie universelle (CMU) et le fonds pour l'allocation personnelle d'autonomie. Les prélèvements obligatoires de l'État et des organismes centraux occupent moins de 40% de l'ensemble. Les prélèvements obligatoires des collectivités locales représentent quant à eux 11% du total et ceux de l'Union européenne 1,4%. Comparé aux principaux pays de l'OCDE, le taux des prélèvements en France apparaît parmi les plus élevés, ce qui confirme le bien fondé de la baisse des impôts et des charges que le Gouvernement veut mener à bien. Pour autant, les comparaisons internationales doivent être relativisées car les écarts reflètent souvent des choix différents en matière de protection sociale. De plus, le taux de prélèvement ne donne pas d'indication sur la structure de prélèvement. Or, celle ci est un élément essentiel de la compétitivité et de l'attractivité d'un pays. En France, la tendance des deux dernières décennies aura été de taxer toujours davantage le travail, ce qui n'a pas été sans conséquences sur l'évolution du taux de chômage et sur la compétitivité de notre économie.

Au cours de la législature précédente, le taux des PO a eu tendance à augmenter du fait du dynamisme exceptionnel des recettes fiscales. De 1998 à 2001, ces plus-values conjoncturelles ont été utilisées pour financer les 35 heures et les baisses d'impôts. Le taux de prélèvements obligatoires était de 44,8% en 1997, avant les hausses d'impôts décidées par le précédent Gouvernement ; il s'établissait à 44,8% en 2002, avant la baisse d'impôts sur le revenu votée dans le collectif de juillet dernier. A l'inverse, le taux de prélèvements obligatoires devrait diminuer de 0,7 point de PIB sur la période 2002 2003, et passer ainsi de 45% en 2001 à 44,3% en 2003.

Cette évolution résulterait de trois facteurs. En premier lieu, le taux de prélèvements obligatoires diminuerait spontanément en 2003, de 0,2 point de PIB, du fait du peu de dynamisme du produit de l'impôt sur les sociétés. En deuxième lieu, les mesures prévues par le précédent Gouvernement (plan Fabius et montée en charge des aides aux 35 heures) contribueront à baisser le taux des prélèvements obligatoires de 0,2 point de PIB sur 2002 2003. Enfin, les mesures nouvelles du Gouvernement contribueront à baisser ce taux de 0,4 point de PIB sur 2002 2003, près de la moitié de cette diminution étant liée à la baisse de l'impôt sur le revenu votée en collectif d'été, l'autre moitié résultant des baisses d'impôts et de charges prévues pour 2003, qui s'élèvent à 3 milliards d'euros, les allégements de charges liés au contrat jeunes n'étant pas comptabilisés par l'INSEE parmi les baisses de prélèvements obligatoires.

L'intégralité des baisses d'impôts et de charges prévues en PLF et en PLFSS pour 2003 seront financées ou compensées par le budget de l'État, pour un co&u faveur des jeunes sont eux aussi compensés par l'État à hauteur de 250 millions d'euros. L'impact net des baisses d'impôt et des charges sur les prélèvements obligatoires représente 2,9 milliards d'euros, ce chiffre intégrant l'augmentation des droits de consommation sur les tabacs pour 0,7 milliard d'euros.

En conclusion, M. Alain Lambert a souligné que les baisses d'impôts et de charges en 2003 sont ciblées en faveur de l'emploi et du dynamisme des entreprises.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées a rappelé que les prélèvements des administrations de sécurité sociale représentent la moitié des prélèvements obligatoires, soit plus d'un cinquième du PIB, dont une partie importante relève de la loi de financement de la sécurité sociale (plus de 300 milliards d'euros en 2003). Cette prépondérance de la sécurité sociale se retrouve dans tous les pays développés qui ont choisi de socialiser les dépenses de santé et de vieillesse à l'instar de l'Allemagne, où le niveau des prélèvements obligatoires affectés à la sécurité sociale est le même qu'en France, et de la Suède où ce taux est supérieur.

S'agissant du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, deux mesures nouvelles relatives aux recettes de la sécurité sociale doivent être soulignées, au premier rang desquelles l'augmentation des droits de consommation sur les tabacs. A propos de ces droits, l'appellation de « prélèvements obligatoires » apparaît en fait erronée. S'agissant d'une consommation volontaire, il s'agit de prélèvements obligatoires dont les usagers pourraient se dispenser. L'augmentation de ces droits, proposée par le projet de loi, obéit d'abord à des considérations de santé publique. Il faut donner la priorité à la prévention et à la réduction des risques afin, d'une part, d'améliorer la santé de nos concitoyens, et, d'autre part, de permettre à la sécurité sociale de réaliser des économies.

La consommation du tabac est la principale cause de mortalité prématurée, c'est-à-dire avant 65 ans. Elle est à l'origine de 60.000 décès par an, soit 10% du total des décès, dont 3.000 décès de non-consommateurs du fait du tabagisme passif. Le tabagisme est aussi le principal responsable des cancers, ce qui justifie de redoubler d'efforts dans la lutte contre ce fléau. Le Gouvernement a donc souhaité une réduction de la consommation, une des mesures possibles pour l'obtenir étant une hausse des droits indirects qui induit une hausse des prix. Cette hausse, qui prendrait notamment la forme d'un fort relèvement des minima de perception, devrait permettre d'augmenter de 1 milliard d'euros le produit des droits de consommation sur les tabacs.

La seconde priorité du Gouvernement concerne la nécessaire clarification du financement de la sécurité sociale. Les circuits de financement actuels, excessivement complexes, ont été utilisés, dans les dernières années, pour financer des dépenses qui n'entrent pas dans le champ de compétence de la sécurité sociale, telles que le financement de la réduct est attribuée. 300 millions d'euros provenant de la hausse des droits de consommation sur les tabacs lui seront également attribués. A la suite de cette double opération, les prélèvements obligatoires de la sécurité sociale resteront inchangés.

Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 prévoit de réaffecter à la sécurité sociale une partie des recettes qui avaient été utilisées pour le financement du FOREC, en modifiant la clé de répartition des droits de consommation sur les tabacs entre le Fonds et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS), permettant de revenir à peu près à la clé de répartition qui prévalait avant la création du Fonds. Cette modification conduira à attribuer à la CNAMTS une recette supplémentaire de 700 millions d'euros. La part des droits de consommation sur les tabacs affectée à l'assurance maladie passera ainsi de 8,84% en 2002 à 15,2% en 2003.

Le Gouvernement a, par ailleurs, décidé de procéder au remboursement d'une première moitié de la dette du FOREC au titre de 2000 pour un montant de 1,2 milliard d'euros.

A la suite de ces opérations, la situation se sera améliorée. En 2003, la sécurité sociale devrait « retrouver » 2 milliards d'euros de recettes de son effort de financement de la RTT.

Ces mesures ne constituent cependant qu'une étape vers la réforme du financement de la sécurité sociale souhaitée par le Gouvernement pour clarifier les circuits et responsabiliser les différents acteurs, en concertation avec l'ensemble des partenaires.

Votre Rapporteur général a considéré que la tenue du débat sur les prélèvements obligatoires, dont la faculté est offerte par l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, donnera un utile éclairage à l'examen des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

Si la tendance à la baisse des prélèvements obligatoires de l'État est claire, on peut craindre que la fiscalité locale n'en vienne à constituer, elle, un « foyer de risque » à la hausse. On observe, en 2001, une augmentation des dépenses dans les départements de 3,5%. S'agissant des dépenses de personnel de l'ensemble des collectivités locales, les effectifs sont passés, en six ans, de 1.533.000 à 1.688.000. Des interrogations peuvent surgir liées, par exemple, à la nécessité d'augmenter les cotisations de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ou à la relance prochaine de la décentralisation, qui pourrait se traduire par de nouveaux transferts de compétence et de fiscalité.

S'agissant de la contribution française au budget des Communautés européennes, l'élargissement prochain de l'Union européenne pourrait se traduire par l'augmentation de cette contribution.

Sur la rebudgétisation nécessaire du FOREC, il conviendra de rechercher l'affectation des recettes la plus cohérente possible afin de clarifier la responsabilité de chacun complexité des flux financiers a été soulignée par le rapport d'audit de MM. Bonnet et Nasse. Il convient de simplifier et de stabiliser les périmètres de financement, particulièrement pour l'assurance maladie qui doit disposer de recettes pérennes et dynamiques. Le FOREC doit voir ses ressources augmentées et leur cohérence améliorée alors que les régimes sociaux contribuent à son financement au delà de la dette de la sécurité sociale. Il n'est pas cohérent d'affecter les taxes sur les tabacs et les alcools au financement de la réduction du temps de travail et il convient de les employer au financement de l'assurance maladie. S'agissant de la fiscalité sur les tabacs, l'objectif de diminution de la consommation s'accorde mal avec l'intérêt qui s'attache à voir augmenter le rendement des recettes fiscales. Les impôts sur les tabacs pourraient être d'un moindre rendement qu'attendu cette année, comme cela a été le cas en 2000.

Un certain nombre de recettes devraient être affectées à la sécurité sociale dans un souci de clarification alors que, dans le rapport présenté par le Gouvernement, elles sont rattachées à des organismes divers d'administration centrale.

Enfin, l'évolution globale des prélèvements obligatoires est conditionnée par la capacité de maîtriser les dépenses d'assurance maladie en précisant ce qui dans leur financement doit relever de la prise en charge collective, de l'assurance et de la démarche privée.

M. Alain Lambert a indiqué que, pour l'année 2002, la prévision du Gouvernement intégrait l'augmentation de 2% des taux des impôts locaux inscrite en moyenne dans les budgets primitifs. La stabilité optique des prélèvements s'explique par l'allégement de la taxe professionnelle. Il importe que la plus grande liberté reconnue dans le projet de loi de finances pour 2003 en matière de fixation des taux soit utilisée par les élus locaux de façon responsable.

Le Président Pierre Méhaignerie a considéré que le système de financement des collectivités locales n'était pas vertueux car l'augmentation des dépenses entraînait mécaniquement une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

M. Augustin Bonrepaux s'est élevé contre cette affirmation.

M. Alain Lambert a indiqué que la discussion sur le coefficient d'intégration fiscale aurait lieu. Il a dit comprendre la crainte exprimée par le Rapporteur général d'un accroissement des prélèvements des collectivités locales. En effet, ces prélèvements et les dépenses de collectivités locales ont augmenté ces dix dernières années. Le bilan de la première décentralisation a montré que les collectivités locales avaient dû assumer les conséquences des carences de l'État investisseur. La deuxième étape de la décentralisation doit être neutre en termes de coûts et de dépenses publiques, toute délégation de compétences aux collectivités locales devant être accompagnée du transfert de tous les moyens, humains autant que financiers, liés à l'exercice de la compétence align="justify">Quant à l'existence de cycles pendant lesquels les prélèvements obligatoires croîtraient fortement, le ministre a observé qu'en période de croissance soutenue, l'élasticité du rendement des recettes fiscales à la croissance du PIB était marquée. Elle s'élevait ainsi à 2 en 1999 et 2000. Le Gouvernement a retenu une élasticité de 0,8 pour le cadrage du projet de loi de finances pour 2003.

M. Jean-François Mattei a expliqué que l'augmentation de la fiscalité sur les tabacs, qui porte notamment sur les minima de perception, devrait entraîner une augmentation de 15% des prix, avec un rendement d'environ un milliard d'euros, l'objectif étant la diminution de la consommation. Il est clair qu'une moindre plus value des recettes fiscales consécutive à la baisse de la consommation serait une bonne nouvelle, à la condition, naturellement, qu'existe un contrôle efficace des approvisionnements détournés. L'augmentation des prix, qui porte aussi bien sur la marge commerciale que sur les taxes, a été fixée après concertation avec les professionnels.

La clarification du financement est une préoccupation constante du Gouvernement : il s'agit tout particulièrement de remettre en ordre les différents secteurs de l'assurance maladie qu'il s'agisse des outils de gestion, de l'hôpital ou de la médecine ambulatoire. On dépense beaucoup, il faut dépenser mieux et faire la chasse au gaspillage. Toutefois, les dépenses de santé croissent de 7% à 10% chaque année dans les pays industrialisés, ce qui pose le problème de l'écart de cette progression avec celle de l'économie. Il convient de s'interroger sur le mode de financement de la santé et de la place des dépenses de santé dans l'économie nationale.

M. Philippe Auberger s'est réjoui de la présentation d'un rapport sur le poids des prélèvements obligatoires en France : le débat mené à cette occasion apporte l'assurance d'une cohérence entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui n'existait pas auparavant. Il a estimé indispensable de simplifier les circuits de financements et s'est, à cet égard, interrogé sur le calendrier de démembrement du FOREC, qui n'a désormais plus de justification compte tenu de la volonté du Gouvernement d'adapter la législation relative aux trente-cinq heures.

S'agissant du projet de loi concernant les allégements de charges sociales, il s'est interrogé sur l'adéquation du montant des compensations envisagé et s'est demandé s'il serait possible de le réajuster ex post en fonction des réalisations.

M. Marc Laffineur a jugé indispensable de réduire le poids des prélèvements obligatoires, afin de lutter efficacement contre le chômage et favoriser le redémarrage de l'économie. Pour cela, le Gouvernement peut compter sur une volonté politique forte de sa majorité. Compte tenu du dynamisme des dépenses de santé et de retraite, on ne pourra vraisemblablement pas réduire ce type de dépenses publiques. Il importe donc de les réduire dans les collectivités locales et aussi au sein de l'État.

Il a souligné raisons pour lesquelles le remboursement de l'interruption volontaire de grossesse avait été transféré du budget général de l'État au budget de la sécurité sociale.

M. Denis Merville a appelé l'attention du Gouvernement sur les lois qui aggravent des dépenses des collectivités locales. Il a pris l'exemple de l'APA, dont les dépenses peuvent atteindre aujourd'hui le niveau prévu pour la fin de l'année 2003 et celui de la mise en _uvre des dispositions relatives aux services départementaux d'incendie et de secours.

Il a souligné l'importance des questions de personnels. Celles ci ont été oubliées dans la décentralisation menée au début des années 80, si bien que certaines administrations centrales représentent encore 25% des effectifs des ministères.

Il a insisté sur le besoin de simplifier l'administration en France, et notamment de supprimer bien des organismes dont l'utilité n'apparaît pas clairement. Il a, enfin, relevé les risques inhérents à la seconde étape de la décentralisation. Prenant l'exemple du transfert éventuel des infrastructures routières aux collectivités locales, il a relevé que les crédits budgétaires de l'État s'inscrivaient en baisse depuis plusieurs années, et qu'il y avait donc un risque que l'État transfère des charges, appelées à croître fortement pour les collectivités locales, mais assorties de financements en baisse à la date du transfert.

M. Daniel Garrigue a rappelé qu'en amont de la question des prélèvements obligatoires, il convenait de s'inquiéter de l'impact des mesures de normalisation, tant nationales que communautaires. Il faudrait évaluer l'impact de cette réglementation, dont le coût s'avère élevé tant pour l'administration centrale que pour les collectivités locales. Cette réglementation est en particulier source de primes d'assurance obligatoires, qui s'ajoutent au montant des prélèvements obligatoires.

Il a enfin souhaité qu'on cesse de confier l'exercice de compétences à des syndicats intercommunaux à vocation unique. Par leur nature même, ces organismes sont source d'une croissance exponentielle de la dépense publique, puisqu'ils n'ont aucun arbitrage à rendre entre les différentes catégories de dépenses. C'est la raison pour laquelle on devrait assister, sauf modification législative en la matière, à une explosion de la dépense publique en matière de SDIS et de traitement des ordures ménagères.

Le Président Pierre Méhaignerie a insisté sur la nécessité d'éviter les faux débats en matière de décentralisation consistant à considérer la question des transferts sans financement, sans considérer la prise en charge par l'État des compensations de la suppression d'impôts locaux comme la taxe professionnelle ou la taxe d'habitation. S'agissant des services de défense contre l'incendie et de secours (SDIS), on en arriverait presque à penser que tout est fait pour remplacer les pompiers volontaires par des pompiers professionnels afin de multiplier les services de direction. Enfin, la nouvelle circulaire d'application de la loi sur l'archéologie pose problème par ses con dans lesquelles s'effectueront les transferts de compétences pour éviter une augmentation des dépenses des collectivités locales ;

- qu'il convenait, s'agissant des dépenses induites par certaines législations, et pour éviter tout dérapage de la dépense, que le prescripteur soit aussi le payeur. En ce qui concerne la question des transferts de personnels liés à la décentralisation, la notion de délégation présente un intérêt certain car impliquant de confier les responsabilités avec l'ensemble des moyens financiers et humains nécessaires pour les exercer, et donc, de procéder à des transferts de personnels afin de limiter les dépenses ;

- que les compensations versées au titre d'allègements d'impôts locaux ont effectivement un coût élevé pour l'État, et qu'il faudra procéder à un examen de la fiscalité locale.

M. Daniel Garrigue a indiqué qu'il venait de déposer un amendement sur l'archéologie préventive visant à diminuer de 20% le montant des redevances d'archéologie dont le coût est tel qu'il en arrive à obérer la capacité d'investissement.

M. Jean-François Mattei a confirmé que l'objectif était bien de parvenir à la suppression du FOREC. Il faut néanmoins demeurer attentif à ce que les allégements de charges soient compensés en totalité. Il est également souhaitable d'aller vers une clarification des comptes et la mise en place d'un groupe de travail sur les relations entre l'État et la sécurité sociale répond à cet objectif. La décision a été prise de transférer à l'assurance maladie la prise en charge des centres communautaires thérapeutiques (CCT), de la toxicomanie et de l'interruption volontaire de grossesse, afin de simplifier les circuits financiers complexes qui sont à l'origine d'une perte d'énergie et d'argent. En effet, l'IVG est un acte médical payé in fine par l'assurance maladie. Il était donc logique de procéder à un tel transfert. De plus, le transfert du financement des cotisations salariales vers la CSG a supprimé l'aspect proprement symbolique du débat qui pouvait exister sur un tel financement à partir de la cotisation sociale.

II.- EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION

La Commission a examiné le présent rapport d'information au cours de sa réunion du mercredi 9 octobre 2002 sur le rapport de votre Rapporteur général.

La Commission a autorisé la publication du rapport d'information.

N° 0247 - Rapport d'information sur l'évolution des prélèvements obligatoires pour 2003 (M. Gilles Carrez)