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II.- LE SYSTÈME INSTITUTIONNEL ET RÈGLEMENTAIRE EST INSUFFISAMMENT ADAPTÉ À LA MONDIALISATION ET À LA CROISSANCE DU TRAFIC AÉRIEN

A.- L'OACI : UNE ORGANISATION DONT LES POUVOIRS SONT INSUFFISANTS

L'Organisation internationale de l'aviation civile (OACI) a été créée le 7 décembre 1944 par la convention de Chicago, pour assurer les conditions du transport aérien mondial. Parmi les 191 Etats membres de l'ONU, seuls le Liechtenstein, la République démocratique du Timor Leste, et le Tuvalu ne sont pas membres de l'OACI, qui compte donc 188 Etats membres.

Cette organisation fonctionne sous le contrôle d'une assemblée qui se réunit une fois tous les trois ans, la prochaine étant prévue en septembre 2004. Un conseil restreint à 36 membres, où sont représentés tous les pays qui jouent un rôle majeur dans l'aviation civile internationale, dirige l'organisation entre les réunions de l'assemblée.

Le conseil est actuellement présidé par M. Assad Kotaite, que la délégation de la mission d'information a rencontré à Montréal au siège de l'organisation. Les fonctionnaires de l'OACI sont sous l'autorité d'un Secrétaire général, M. Taïeb Cherif, que la délégation de la mission d'information a également rencontré.

Les décisions sont statutairement prises à la majorité, chaque pays ayant une voix, mais la pratique du consensus fait que l'on ne vote jamais. On ne constate pas, au sein de l'OACI, d'opposition systématique des pays en développement, comme dans d'autres organisations internationales ; toutes les normes qui permettent d'améliorer la sécurité sont en général adoptées de façon consensuelle.

La grande faiblesse de l'organisation se situe davantage dans la mise en application des normes.

Son principe de fonctionnement repose sur le principe selon lequel les Etats sont responsables de la sécurité dans leur propre pays, ainsi que des compagnies enregistrées et des avions immatriculés chez eux. En contrepartie, le principe de reconnaissance mutuelle entraîne la reconnaissance par les autres pays des compagnies et des avions surveillés par leur autorité nationale.

La mise en œuvre de cette construction pourrait être améliorée.

Les normes de l'OACI ne font pas de distinction entre les grandes compagnies régulières, les compagnies à bas prix et les compagnies charter. Toutes les compagnies sont soumises aux mêmes règles. Mais, comme le secrétariat de l'OACI l'a indiqué à la mission d'information, lors de son déplacement à Montréal, la libéralisation du transport aérien pourrait, si l'on n'y prenait garde, entraîner un risque majeur pour la sécurité, avec l'apparition de « pavillons de complaisance ».

La plupart des pays en développement font confiance à l'OACI dont ils apprécient l'indépendance dans l'aide apportée à l'élaboration et à l'application des mesures correctrices. L'OACI est aussi reconnue comme une autorité capable de proposer et de négocier des solutions régionales qui sont souvent plus efficaces et moins coûteuses que les actions individuelles des Etats.

L'OACI est ainsi placée à une position centrale en matière de sécurité aérienne et doit jouer un rôle clé dans toute stratégie visant à améliorer la sécurité aérienne dans le monde entier.

1.- Des normes a minima

L'OACI édicte des « normes et pratiques recommandées » (SARPs)21. Ces règles ne sont pas obligatoires mais fortement recommandées. Toute divergence de la part d'un pays doit être motivée et faire l'objet d'une notification à l'OACI, qui les approuve. Par ailleurs, les SARPs ne sont pas d'application directe et doivent être transposées par les Etats membres, qui peuvent édicter des normes allant au-delà des SARPs de l'OACI.

Parmi les normes adoptées récemment, on citera particulièrement l'obligation d'emport du détecteur de proximité au sol avec fonction prédictive (EGPWS), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2003. Compte tenu de l'importance de ce matériel en terme de prévention des accidents, il conviendrait de vérifier que les pays ont bien traduit cette norme dans leur réglementation nationale.

Le conseil de l'OACI examine au début de chaque année des propositions d'amendements aux annexes de la convention de Chicago, destinées à s'appliquer à la fin de la même année.

Pour 2004, les travaux concernent, à titre d'exemple, les annexes suivantes :

- Annexe 1 (licences de personnel)

Une proposition de Singapour tend à créer une qualification de « pilote de croisière » pour les liaisons très longues comme Singapour/Los Angeles (16 heures) ou Singapour/New York (18 heures). Cette initiative répond à un souci d'économie et au souhait de faciliter la planification des équipages techniques, en évitant d'avoir à emmener deux, voire trois équipages pleinement qualifiés. Il ne faudrait cependant pas que cette modification entraîne la mise en poste de pilotes sous-qualifiés et incapables de faire face à toutes les phases de vol, et a fortiori aux circonstances exceptionnelles.

- Annexe 3 (assistance météorologique à la navigation aérienne)

Les propositions concernent de façon générale une restructuration complète de l'annexe en séparant les normes et pratiques recommandées fondamentales des spécifications techniques détaillées. Cette présentation en deux parties sera progressivement généralisée à tous les documents de l'OACI. Une des propositions techniques consiste à introduire la notion de « visibilité dominante »22, en usage depuis longtemps en Amérique du Nord, en lieu et place de la « visibilité minimum ». On notera que cette notion est controversée en Europe car elle peut nuire à la sécurité en permettant d'accéder à des aéroports où la visibilité est mauvaise.

- Annexe 4 (cartes aéronautiques)

Une proposition de la France introduit des cartes d'altitude minimum radar. Elle résulte de l'analyse de données d'accidents, qui ont démontré que plusieurs d'entre eux, imputables à une erreur du contrôle aérien, auraient pu être évités si le pilote avait pu disposer d'une telle carte.

- Annexe 10 (télécommunications aéronautiques)

Parmi d'autres, une proposition concerne les critères de performance nécessaires aux approches avec guidage vertical par satellite. La modification des procédures d'approches est considérée comme une évolution fondamentale en matière de sécurité et de régularité.

- Annexe 12 (recherches et sauvetages)

Les propositions concernent un domaine qui, de façon étonnante, n'était jusqu'à présent que peu réglementé. Elles ont pour effet d'aligner le plus possible l'annexe 12 sur le régime de l'Organisation maritime internationale (OMI).

- Annexe 14 (aéroports)

Une proposition concerne les caractéristiques techniques des aires de demi-tour (force portante, largeur, dimensions des accotements, marquage et signalisation lumineuse). On notera que les dispositions retenues ne sont pas pénalisantes pour les futurs Airbus A380 par rapport aux Boeing 747. Une autre proposition concerne les feux indicateurs de sortie rapide. Elle améliore la sécurité, particulièrement en situation de visibilité réduite, et diminue le temps d'occupation de piste qui est un facteur déterminant dans les critères de bon atterrissage. Une autre proposition concernant les barres d'arrêt et feux de protection de piste devrait améliorer la prévention du risque d'incursion de piste, lequel représente, surtout sur les aéroports à fort trafic, un danger majeur.

- Annexe 15 (services d'information aéronautique)

Des propositions concernent la normalisation des données numériques d'obstacles et de terrain. Il s'agit d'un sujet sensible dans la mesure où diverses applications en vol ou au sol utilisent ces données essentielles à la sécurité.

Pour mémoire, on rappellera que les autres annexes de l'OACI sont :

- Annexe 2 : (règles de l'air)

- Annexe 5 : (unités de mesure)

- Annexe 6 : (exploitation technique des aéronefs)

- Annexe 7 : (marques de nationalité et immatriculation des aéronefs)

- Annexe 8 : (certificat de navigabilité des aéronefs)

- Annexe 9 : (facilitation)

- Annexe 11 : (service de circulation aérienne)

- Annexe 13 : (recherche et sauvetage)

- Annexe 16 : (protection de l'environnement)

- Annexe 17 : (sûreté)

- Annexe 18 : (transport de marchandises dangereuses)

La mission a obtenu confirmation de l'importance des enjeux économiques et industriels de la règlementation au cours de son déplacement à Washington et Montréal.

M. Tony Broderick, représentant d'Airbus à Washington, qui est un ancien membre de la FAA23, a expliqué qu'il n'était pas bon que les normes internationales soient élaborées par un seul pays. Les règles européennes en matière de sécurité aérienne sont en général plus strictes que les règles américaines, même si elles sont largement convergentes. Mais de petites divergences peuvent avantager tel ou tel constructeur (Airbus ou Boeing), avec des enjeux économiques importants. Longtemps les JAA24 ont conçu leurs règles en prenant comme modèle les normes américaines. Grâce à la percée d'Airbus, la situation est en tain de se retourner et c'est l'Europe qui prend maintenant de nombreuses initiatives pour concevoir des règles en concordance avec les dernières avancées de la technologie (transmissions, dispositifs anti-collision...). L'activité de réglementation ne doit donc jamais être séparée de l'activité industrielle de construction aéronautique. L'Europe, avec des Airbus plus récents et modernes, est maintenant à la pointe de l'activité normative en matière de construction, d'exploitation et de maintenance d'aéronefs.

La Commission européenne reconnaissait cet enjeu stratégique dans sa communication de 2001 sur la sécurité aérienne, où elle estimait que « la règlementation en matière de sécurité aérienne (...) joue un rôle important dans la définition des conditions d'exploitation des aéronefs ainsi que des services aéroportuaires et de gestion de trafic. L'industrie aéronautique européenne est consciente des implications commerciales de la reconnaissance des exigences règlementaires européennes par les pays tiers qui constituent des clients important actuel ou futurs. L'utilisation exclusive de règles d'autres pays ou régions exportateurs peut donner un avantage compétitif aux constructeurs de ces pays. Il est donc préférable d'encourager ces pays à établir un partenariat à long terme avec l'Europe en matière de sécurité aérienne, pour qu'ils adoptent des systèmes reconnaissant les normes, règles, pratiques, méthodes et organisations européennes ».

2.- Une mise en œuvre très inégale

M. Michel Wachenheim, directeur général de la DGAC, déclarait devant la mission25 : « Néanmoins, on ne peut pas prétendre que tous les Etats du monde respectent parfaitement leurs engagements. Il y a dans un certain nombre de cas des suspicions ».

La Commission européenne, toujours dans sa communication de 2001 sur la sécurité aérienne, dressait un constat sans équivoque de l'application des normes internationales : « les insuffisances en matière de sécurité à l'échelle de la planète et le fait qu'un certain nombre de pays ne font pas face à leurs obligations internationales concernant la mise en œuvre et l'application des normes de sécurité internationales, ont un impact inacceptable sur l'Union européenne ». M. François Lamoureux, directeur général « transports et énergie » de la Commission européenne, auditionné par la mission d'information lors de son déplacement à Bruxelles, a confirmé ce constat.

Comme on l'a vu, la répartition nationale des statistiques d'accidents pour 2003 présentée par l'OACI montre que si le nombre d'accidents mortels pour 100 000 départs est de 0,35 en Europe, comme en Amérique du Nord, il est de 4,20 en Afrique. On peut raisonnablement penser que ces chiffres reflètent notamment l'insuffisance des autorités nationales de contrôles africaines.

Cette hypothèse est largement corroborée par les résultats des audits effectués par l'OACI dans le cadre du programme USOAP, que votre Rapporteur traitera plus loin. En effet, le taux de non-conformité avec les normes et pratiques recommandées atteint en Afrique des valeurs importantes de l'ordre de 50 %. Dans la zone ASECNA (les 16 pays de l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar), le taux atteint encore 46 %, même en tenant compte du deuxième cycle d'audits.

On peut aussi évoquer, parmi les causes d'accidents, les défauts relatifs à l'infrastructure et aux services de navigation aérienne, dans la mesure où les compagnies aériennes africaines volent essentiellement en Afrique.

Il faut regretter que les statistiques de l'OACI ne soient pas plus fines dans la répartition des accidents par pays. Ce type d'analyse est pourtant inscrit dans le plan OACI pour la sécurité aérienne (GASP) mais n'a jamais été effectué, peut-être pour des considérations diplomatiques qui pourtant ne devraient pas prévaloir dans un tel domaine.

● Le programme d'audit de supervision de la sécurité de l'OACI (USOAP26)

Lors de l'assemblée de l'OACI, en octobre 1995, les Etats membres ont approuvé la mise en œuvre du programme de surveillance de la sécurité aérienne (SOP27) de l'OACI, dont les représentants de la DGAC ont rappelé, lors de leur audition par la mission d'information, qu'il avait été adopté à l'initiative de la France.

Ce programme vise à s'assurer de l'application effective par les Etats des normes et pratiques recommandées (SARPs) définies dans les annexes 1 (certification du personnel), 6 (opérations de vol) et 8 (navigabilité des aéronefs) de la convention de Chicago, à travers une évaluation (un audit) effectué, à leur demande, donc sur une base volontaire.

Cette évaluation consiste à vérifier le niveau réel de conformité du pays avec les normes internationales. Il s'agit de déterminer si les autorités nationales de réglementation disposent des moyens juridiques, des ressources financières et humaines ainsi que des compétences nécessaires pour assumer leurs responsabilités internationales en matière de surveillance de la sécurité.

Ce programme présentait un certain nombre de faiblesses. Il était limité par le caractère volontaire des contributions des Etats membres - ainsi, certaines évaluations qui auraient pourtant du être faites dans des cas d'urgence n'ont pu l'être - et par les problèmes financiers persistants de l'OACI elle-même.

En novembre 1998, l'OACI a décidé que le programme s'appliquerait à tous les Etats membres de manière systématique et régulière. Le programme a été rebaptisé Programme universel d'évaluation de la surveillance de la sécurité (USOAP). Afin d'aider les Etats à mener les actions correctives nécessaires pour remédier aux carences mises en évidence par les contrôles de sécurité, l'OACI, avec l'accord et la participation de l'Etat concerné, procède à l'établissement d'un plan d'action approuvé. Ce plan constitue le point de départ de la mise en conformité avec les annexes de la convention de Chicago. Il a été mis en place dans tous les pays où des lacunes importantes ont été relevées et il est surveillé par l'OACI.

Le conseil de l'OACI a, en outre, préparé un projet de résolution, qui sera soumis à la prochaine assemblée de l'OACI, proposant une nouvelle approche dite « globale et systémique » des audits. Il s'agit d'auditer toutes les dispositions ayant un impact sur la sécurité dans l'ensemble des annexes. Cette approche marque une rupture par rapport à l'ancien système qui procédait annexe par annexe.

Cette nouvelle approche du programme USOAP devait entrer en vigueur le 1er janvier 2004, mais elle a été reportée d'une année. La mise de fonds nécessaire (principalement le paiement d'experts détachés à long terme) s'élèverait à 7,3 millions de dollars sur trois ans, et il serait dommage que son lancement le 1er janvier 2005 soit retardé pour des raisons financières.

Cette nouvelle approche est beaucoup plus exigeante. Les pays devront remplir seuls tous les questionnaires et protocoles d'audit et les adresser à l'OACI, ce qui représente un gros travail. Cet effort serait plus facile à obtenir si les bureaux régionaux de l'OACI leur apportaient l'aide adéquate dans la préparation des audits. Plusieurs pays de l'OACI ont déjà fait savoir que, dans le contexte budgétaire actuel, ce programme ne pouvait pas se traduire par un accroissement des coûts ou un gonflement des effectifs.

Toutes les annexes de la convention de Chicago ne sont pas aussi importantes au regard de la sécurité. Au-delà des annexes 1 (facteur humain), 6 (exploitation) et 8 (construction, certification de navigabilité et suivi de navigabilité), actuellement couvertes par le programme d'audit, l'approche globale et systémique pourrait couvrir les annexes 11 (circulation aérienne), 13 (enquêtes accident), 14 (aéroports), 18 (marchandises dangereuses) et 16 (protection de l'environnement). L'inclusion de cette dernière annexe, a priori étonnante, pourrait provenir de la pression des pilotes, toujours enclins à faire valoir que certaines dispositions de protection de l'environnement, notamment pour limiter les nuisances sonores, peuvent générer des manœuvres dangereuses pour la sécurité.

● Quel est le bilan du programme USOAP ?

Au 1er janvier 2004, 181 pays avaient été audités sur les annexes 1, 6 et 8 de la convention de Chicago. Les pays qui n'ont pas encore été audités sont l'Afghanistan, le Burundi, les Iles Salomon, l'Iraq, le Liberia, la Sierra Leone et la Somalie, et il est peu probable, pour des raisons politiques, qu'ils le soient dans un proche avenir.

Par ailleurs 134 missions de suivi avaient été réalisées à la date du 31 mars 2004, et 153 devraient l'être fin juillet 2004, l'ensemble des 181 étant programmé pour la fin 2004. Quelques 111 rapports de suivi ont été rédigés. Mais, le secrétariat de l'OACI estime qu'avec les moyens actuels, une durée de six ans est nécessaire pour finir un cycle d'audit de tous les pays de l'organisation...

Il faut dire que les moyens sont limités. Pour le programme USOAP, le secrétariat de l'OACI dispose de cinq auditeurs et de quatre superviseurs, auxquels s'ajoutent les experts que la CEAC28 détache pour des tâches ponctuelles, et assure en la formation.

Votre Rapporteur regrette que les rapports USOAP soient retardés, essentiellement par manque de moyens du secrétariat de l'OACI. Il faudrait pourtant mettre en place un système de surveillance étoffé pour suivre les progrès des Etats de façon continue.

On peut, par ailleurs, s'interroger sur les critères qui ont présidé à l'ordre d'établissement des rapports de suivi. Le secrétariat de l'OACI a sans doute procédé dans l'ordre qui lui était le plus pratique pour effectuer les missions, d'une part lors des contacts avec les autorités nationales, d'autre part en essayant de regrouper les missions dans un même secteur géographique pour limiter les déplacements des inspecteurs. Il en résulte que quelques 74 rapports ne sont toujours pas analysés, parmi lesquels sans doute plusieurs pays posant problème.

Le conseil de l'OACI a relevé qu'un nombre non négligeable d'Etats éprouve de sérieuses difficultés à remédier aux carences constatées lors des audits initiaux.

Premier constat : l'analyse des 111 missions de suivi d'audit - sur les 134 réalisées au 31 mars 2004 - a révélé que les Etats contractants continuent de faire des progrès dans la mise en œuvre de leurs plans d'action corrective et la résolution de leurs problèmes de sécurité. Ainsi, le taux moyen d'absence de mise en œuvre des 8 éléments cruciaux d'un système national de contrôle de la sécurité aérienne est passé de 25,9 % à 10,9 % pour les 111 pays. Lorsqu'on utilise ces résultats pour calculer à nouveau le taux moyen d'absence de mise en œuvre effective des éléments cruciaux pour les 181 pays audités, celui-ci passe de 28,9 % à 20,5 %. Ce taux se situe entre 40 et 50 % pour les pays du continent africain, à environ 30 % pour les pays du Moyen-Orient, à 25 % pour les pays d'Asie Pacifique, à 23 % pour les pays d'Amérique du Nord et Centrale (catégorie trop composite qui cache des divergences), à 23 % pour les pays d'Amérique latine, et à 20 % pour l'Europe y compris la Russie (catégorie qui n'est pas non plus très homogène).

Programme USOAP de l'OACI

éléments cruciaux d'un système de supervision de la sécurité

Il y a des éléments nécessaires et cruciaux que tous les Etats contractants de l'OACI doivent prendre en compte dans la mise en oeuvre de leur système de supervision de la sécurité. L'Etat devrait examiner ces éléments en prenant pour hypothèse un partage de responsabilités entre l'Etat et la communauté de l'aviation. Les éléments cruciaux d'un système d'aviation civile recouvrent l'éventail entier de l'aviation civile, y compris aérodromes, contrôle de la circulation aérienne, communications, etc. Le programme OACI de supervision de la sécurité est actuellement limité aux licences du personnel, à l'exploitation technique des aéronefs et à la navigabilité des aéronefs.

Les éléments cruciaux dans le secteur de l'exploitation aérienne sont notamment les suivants :

- Législation primaire de l'aviation. Existence de lois efficaces sur l'aviation, compatibles avec l'environnement et la complexité de la communauté de l'aviation de l'Etat.

- Règlements opérationnels spécifiques. Mise en oeuvre de règlements adéquats correspondant, au minimum, à la convention de Chicago pour son environnement et sa communauté de l'aviation. Ces règlements sont pris en application des lois figurant dans le 1er élément figurant ci-dessus.

- Structure de l'Autorité de l'aviation civile (AAC) et fonctions de supervision de la sécurité. Mise en place d'une AAC, avec à sa tête un directeur, dotée du personnel nécessaire de supervision technique et de soutien, avec des ressources adéquates. Il s'agit de l'existence d'une administration de l'AAC convenablement structurée avec les entités compétentes en matière de surveillance des opérateurs (en France c'est la DGAC-SFACT). 

- Indications techniques : diffusion d'indications techniques suffisantes pour permettre au personnel technique et de soutien de s'acquitter de ses fonctions selon des modalités normalisées. En fait, il s'agit de manuels qui s'adressent au personnel de l'AAC concernée et, notamment, aux inspecteurs qui vont avoir à contrôleurs les exploitants. C'est là qu'on explique comment valider une licence, comment évaluer la documentation et la démonstration de l'aptitude opérationnelle d'un exploitant, etc. 

- Personnel technique qualifié. Mise en place d'un personnel technique pour inspecter les activités de la communauté de l'aviation, en fonction du niveau de complexité nécessaire. Ce qu'on vise surtout c'est le corps d'inspecteurs qui vont effectuer le contrôle des opérateurs.

- Obligations en matière de délivrance de licences, brevets, certificats et permis. Mise en place de modalités que la communauté de l'aviation doit accomplir avant d'entreprendre les tâches et activités correspondant au niveau des documents émis. Il s'agit de la délivrance et du contrôle de toutes les licences prescrites ou recommandées par l'annexe 1 de la convention de Chicago (pilotes, contrôleurs, agents de maintenance, etc.).  De même, pour la délivrance et le contrôle des certificats de navigabilité et de certificats de type prescrits par l'annexe 8.  Bientôt, il y aura aussi la certification des aérodromes mise en oeuvre par l'annexe 14.  Selon le manuel du programme USOAP, « pour s'acquitter de leurs obligations internationales, les Etats doivent mettre en place, gérer, et superviser un système de délivrance de licences, brevets, certificats et permis pour le personnel, les équipements, les exploitants aériens, les organismes de maintenance, etc. ».

- Obligations en matière de surveillance continue. Mise en place de modalités servant à assurer que la communauté de l'aviation continue de fonctionner aux niveaux minimums nécessaires de compétence et de sécurité. Selon le manuel USOAP, les Etats doivent « veiller au maintien de la compétence professionnelle des titulaires de licences et de qualifications, de la validité des certificats de navigabilité, de l'aptitude des exploitants aériens à maintenir la sécurité et la régularité des vols et de l'aptitude à faire entretenir les aéronefs par des organismes de maintenance agréés ».

- Résolution des problèmes de sécurité. Mise en place de modalités et de méthodes de nature à faciliter la solution des problèmes de sécurité. Cela devrait comprendre l'aptitude à prendre des mesures pour pénaliser, suspendre ou révoquer l'admissibilité de personnes ou d'exploitants à prendre part à des activités d'aviation. Des carences peuvent être identifiées soit au niveau des titulaires, soit au niveau des candidats à l'obtention de licences.  De même, des carences peuvent être observées au cours d'un programme de surveillance chez des exploitants aériens ou des organismes de maintenance.  C'est cela que recouvre le vocable « problèmes de sécurité ».  Cette dernière rubrique mesure l'autorité et l'aptitude de l'AAC concernée à amener la personne ou l'organisme déficient à corriger ses carences.

Deuxième constat : bien que ces résultats continuent d'indiquer des progrès, les missions de suivi d'audit ont également révélé que 30 Etats, soit environ 27 % des 111 Etats contractants analysés jusqu'ici, n'ont pas beaucoup progressé dans l'élimination des carences constatées lors des premiers audits. Le taux moyen d'absence de mise en œuvre effective des éléments cruciaux d'un système de contrôle de la sécurité dans ces 30 Etats se situait à 42 %, bien au-dessus du taux moyen mondial. Par ailleurs, les missions de suivi d'audit effectuées dans ces Etats ont, dans la plupart des cas, permis de relever d'autres problèmes qui appellent des mesures correctives supplémentaires.

Plus précisément, l'analyse effectuée a révélé que la plupart des 30 Etats contractants avaient réalisé des progrès minimes dans le domaine de la législation. La moitié de ces Etats avaient éprouvé des difficultés à faire respecter leur propre réglementation et la quasi-totalité n'avait pas établi de procédures pour garantir que les amendements apportés aux annexes de l'OACI soient examinés et intégrés dans la réglementation nationale, et que les différences soient notifiées à l'OACI, comme l'exige l'article 38 de la convention de Chicago.

La majorité des 30 Etats contractants ne sont toujours pas en mesure de s'acquitter pleinement de leurs responsabilités en matière de supervision de la sécurité, principalement en raison d'un manque de soutien budgétaire gouvernemental, ce qui les empêche de recruter le personnel technique qualifié nécessaire pour la délivrance des licences du personnel, l'exploitation technique des vols et le maintien de la navigabilité. Environ la moitié de ces Etats n'ont pas d'installations ni d'outils d'information satisfaisants, pas plus que de bibliothèques techniques pour contrôler efficacement leurs activités aéronautiques.

Dans le domaine des licences et de la formation du personnel, la plupart des 30 Etats en question n'a pas clairement défini les fonctions et responsabilités de leurs sections de délivrance des licences du personnel et ne disposent pas non plus de responsables qualifiés dans ce domaine. 19 des 30 Etats n'ont pas établi de listes de vérification ou de procédures adéquates pour la certification et la surveillance des instituts de formation, et 22 connaissent encore des problèmes en matière de procédures de validation et d'équivalence pour les licences et les qualifications, ainsi qu'en ce qui concerne les évaluations médicales et les examinateurs.

Par ailleurs, 20 Etats manquent de procédures de certification des exploitants d'aéronefs, problème aggravé par une mauvaise coordination entre les services, de sorte que des certificats d'exploitation aérienne (CTA) ont été délivrés sans que toutes les spécifications soient respectées. Il a aussi été constaté que 25 des 30 Etats éprouvent encore des problèmes en matière de services de location, d'affrètement et d'échange d'aéronefs, et pour l'élaboration des manuels d'exploitation technique. Dans le domaine du maintien de la navigabilité, les éléments les plus préoccupants, qui touchent 27 des 30 Etats en question, se rapportent au manuel de contrôle de la maintenance, qui comprend la création même du programme de maintenance, et à l'élaboration de dispositions spécifiques d'exploitation. Enfin, 23 des 30 Etats analysés éprouvent toujours des problèmes en ce qui concerne la création d'un programme de surveillance satisfaisant.

Troisième constat : le bilan est d'autant plus inquiétant que les missions de suivi relèvent un pourcentage toujours plus élevé de pays incapables de définir un plan d'action correctrice. Et les pays qui retardent leur mission de suivi sont sans doute les plus déficients.

Le secrétariat de l'OACI indique que cette situation s'explique par un manque de ressources - la plupart des pays n'ayant pas de plan d'action sont parmi les pays en développement particulièrement démunis -, ou par une volonté politique déficiente, voire la combinaison des deux facteurs. Pourtant la commission de la navigation aérienne de l'OACI constate la persistance de négligences ou de simples manques d'entretien (absence de marquage des pistes ou absence de fonctionnement des signaux lumineux) n'impliquant pas la mobilisation de ressources considérables. Plusieurs de ces pays qui ne sont pas capables de se mettre en conformité estiment qu'ils ont d'autres priorités, telles la santé ou l'éducation....

La commission de navigation aérienne de l'OACI recommande l'élaboration d'une stratégie d'incitation des pays à remédier aux carences détectées et préconise une plus grande transparence des situations de non-conformité de la part des pays, car s'il incombe à l'OACI d'aider les pays réellement démunis, il faut aussi dénoncer les situations franchement inacceptables dues à la simple inertie politique ou administrative.

Quatrième constat : les résultats des audits ne sont pas rendus publics.

Votre Rapporteur a demandé la liste des 30 pays ainsi visés par les rapports d'audits de suivi tant au secrétariat de l'OACI qu'à la DGAC.

Il ressort de ces contacts que seul le secrétariat de l'OACI, qui a accès aux rapports complets, est en mesure de les analyser et d'en tirer des conclusions globales. Celui-ci refuse de diffuser la liste de ces 30 pays, au motif qu'il ne faut pas briser le contexte fragile d'application du programme USOAP dans lequel les pays en développement ont accepté de se faire auditer à la condition de ne pas être mis à l'index et de ne pas faire l'objet de sanction. Toute « liste noire » des pays de l'OACI est donc impossible à réaliser.

La DGAC, interrogée par votre Rapporteur, ne peut que constater cet état de fait et se refuse également à demander la publication d'une « liste noire », au motif que le programme USOAP est un exercice novateur fondé sur la confiance, dans un contexte où de nombreux pays en développement sont encore très réticents. La DGAC précise qu'il ne faut pas faire une lecture mécanique des rapports de l'OACI, où le taux de défaut est un élément parmi d'autres d'appréciation du niveau de contrôle de la sécurité. Il n'en est pour preuve que les résultats contradictoires des rapports USOAP (OACI) et IASA (Etats-Unis) sur certains pays. En outre une compagnie aérienne peut très bien assurer un très bon niveau de sécurité en l'absence de contrôle de son autorité de surveillance...

Votre Rapporteur comprend les contraintes diplomatiques qui pèsent sur l'analyse des rapports de l'OACI. Mais il estime que l'information non confidentielle qui est contenue dans les rapports sommaires, tels que diffusés largement auprès des 188 pays de l'OACI, doit faire l'objet d'une synthèse destinée aux professionnels et au public.

En l'absence d'analyse par l'OACI et la DGAC, votre Rapporteur a effectué sa propre analyse au vu des 111 rapports sommaires, dont il résulte que 30 pays parmi les plus critiques sont les suivants :

Albanie, Mali,

Belize, Mongolie,

Biélorussie, Mozambique,

Botswana, Myanmar,

Burkina Faso, Niger,

Cambodge, Ouganda,

Cameroun, Palaos,

Chypre, Papouasie Nouvelle Guinée,

Croatie, Portugal,

Ghana, Russie,

Guyana, Samoa,

Hongrie, Sénégal,

Kenya, Togo,

Laos, Tonga

Macédoine (ex-république yougoslave de) Vanuatu.

Il ne s'agit pas de mettre ces pays à l'index et votre Rapporteur respecte la dynamique fragile de l'OACI dans le cadre du programme USOAP. Celui-ci a été accepté avec de fortes réticences par des pays comme l'Inde, le Brésil ou la Russie... De la confiance des pays en développement dépendra la réussite des projets actuels en faveur d'une plus grande transparence des rapports, qui devront être débattus en septembre 2004, lors de la prochaine assemblée de l'OACI. Votre Rapporteur rappelle en outre qu'il n'existe pas de critère automatique et uniforme de « notation » des pays. Il s'agit d'une appréciation qualitative au vu d'un ensemble de critères qu'il est difficile de pondérer mathématiquement.

Mais ces pays doivent comprendre que les autres pays de l'OACI attendent d'eux des améliorations rapides s'ils veulent continuer à assurer des relations avec eux, mais ces pays doivent également être aidés par la Communauté internationale.

La liste des pays du programme IASA des Etats-Unis, par contre, est publique et a été communiquée à la mission lors de son déplacement à Washington. Les 26 pays qui sont classés en catégorie 2 (« au motif qu'ils ne respectent pas les normes de l'OACI ») dans le programme d'audit américain IASA sont les suivants :

Argentine, Kiribati,

Belize, Nauru,

Bengladesh, Nicaragua,

Bulgarie, Paraguay,

Congo (république démocratique), République Dominicaine

Côte d'Ivoire, Serbie et Monténégro (anc.Yougoslavie),

Equateur, Swaziland,

Gambie, Trinidad et Tobago,

Grèce, Turks et Caicos,

Guatemala, Uruguay,

Guyana, Venezuela,

Haïti, Zimbabwe.

Honduras,

OECS (organisation des Etats de la Caraïbe orientale),

Votre Rapporteur est tout d'abord frappé par la présence dans ces listes de 4 pays européens (Grèce, Portugal, Hongrie et Chypre) que l'on aurait cru suffisamment sensibilisés au problème de la sécurité aérienne.

On constate que seuls le Belize et le Guyana figurent sur les deux listes et que les résultats sont contradictoires pour plusieurs pays. Certains pays sont critiqués par les Etats-Unis mais ne le sont pas par l'OACI : Argentine, Bulgarie, Equateur, Grèce, Guatemala, Nicaragua, Paraguay. A l'inverse, d'autres sont critiqués par l'OACI mais pas par les Etats-Unis : Ghana, Hongrie, Portugal, Russie, Tonga.

En fait ces deux listes ne sont pas comparables. Les deux exercices d'audit ont pour objet de vérifier la conformité aux annexes 1, 6 et 8 de la convention de Chicago, mais les audits se concentrent peut-être sur des problématiques différentes : l'OACI a un regard global sur tous les compartiments de la sécurité, alors que les Etats-Unis orientent davantage leurs investigations sur des problèmes concrets jugés prioritaires. Par ailleurs, les Etats-Unis ne s'intéressent qu'aux pays dont les compagnies aériennes ont des liaisons aériennes avec eux. Les pays d'Afrique, d'Europe de l'Est et d'Asie sont, par exemple, pas ou mal couverts. De la même façon, le tableau de l'OACI ne prend en compte que les 111 pays ayant déjà fait l'objet d'une exploitation par le secrétariat de l'OACI. En outre les rapports USOAP et IASA sur les mêmes pays ont été effectués à des périodes différentes. Ainsi pour le Portugal, le rapport IASA est plus récent que celui de l'OACI qui date de fin 2003 et a pu intégrer les dernières améliorations apportées par l'autorité portugaise de l'aviation civile...

C'est, aux yeux de votre Rapporteur, le signe que tout filtre, si bon soit-il, est imparfait. C'est aussi une illustration de la limite des missions d'audits qui durent une ou deux semaines dans chaque pays.

Enfin, on peut regretter que le programme USOAP, entamé au cours de la dernière décennie, soit particulièrement lent à se déployer et que, jusqu'à présent les audits privilégient le diagnostic par rapport aux remèdes. Cette situation appelle une augmentation des moyens qui lui sont affectés.

Au contraire, les audits IASA réalisent une analyse plus profonde de la situation des pays et bénéficient d'un meilleur suivi grâce à la mise en œuvre des programmes de correction comportant des recommandations plus précises, souvent élaborées avec les industriels.

La principale lacune du programme USOAP est toutefois le caractère confidentiel des audits. Ils ne sont diffusés auprès des gouvernements de pays de l'OACI que sous la forme de résumés succincts. La France est un des rares pays à avoir accepté de rendre public ses rapports sommaires et détaillés, qui ont également figuré sur le site internet29 de la DGAC pendant les mois qui ont suivi leur parution.

3.- Le risque de « pavillons de complaisance. »

La libéralisation du transport aérien a entraîné une multiplication des compagnies aériennes, au sein des pays développés et de plus en plus au sein des pays en développement. Le temps n'est plus où un nombre limité de très grosses compagnies aériennes, souvent monopolistiques - sous le contrôle de l'Etat -, assurait l'essentiel du trafic aérien marchand de passagers. La plupart des pays disposent maintenant de leur(s) compagnie(s) aérienne(s) et, dans tous les pays, les compagnies charter ou plus récemment « à bas prix » reposent sur des modèles économiques nouveaux qui suscitent des interrogations sur leur niveau de sécurité.

La première interrogation porte sur le pays d'immatriculation de l'aéronef et/ou sur le pays d'enregistrement de la compagnie aérienne ; c'est d'ailleurs souvent le même. Comme on l'a vu, les rapports USOAP de l'OACI ont montré que de nombreux pays ne sont pas en mesure d'organiser, dans des conditions satisfaisantes, une autorité de l'aviation civile, sans parler des doutes pesant sur l'intégrité des personnels qui la composent. Les cas ne sont pas rares où une compagnie aérienne nationale est plus puissante que son autorité de l'aviation civile...

Peut-on parler, alors, de « pavillons de complaisance » ? Certains pays ne sont-ils pas tentés d'abaisser volontairement le niveau de leurs règles et la qualité des contrôles de sécurité pour être plus compétitifs ?

Sans doute la tentation existe-t-elle dans les pays où le taux d'accident est largement supérieur au taux prévalent en Europe et aux Etats-Unis : en Afrique, en Amérique latine, dans certains pays d'Asie. Mais eu égard au niveau de sécurité très élevé des aéronefs actuels et selon le principe du « pas vu pas pris », il est difficile de prouver ces pratiques. Aussi restent-elles impunies.

Votre Rapporteur estime que si le risque pris volontairement par certains pays de pavillons de complaisance existe, il est sans commune mesure avec les pratiques constatées dans le transport maritime parce que sécurité et viabilité économique sont indissociables dans le transport aérien. La sécurité d'un avion est plus fragile que celle d'un navire et la sanction est rapidement l'écrasement avec un nombre important de morts. Une compagnie qui connaîtrait un nombre d'accidents anormalement élevé se verrait vite sanctionnée par la perte de ses clients. La tendance peut néanmoins prévaloir dans certains pays ou certaines compagnies de rogner insidieusement sur les conditions de sécurité, avec une dégradation de la sécurité à plus ou moins long terme.

● Le risque de dilution de responsabilité en cas de location d'avion

On rappellera que chaque Etat est responsable du contrôle de la sécurité des avions immatriculés et des compagnies enregistrées chez lui. N'y a-t-il pas un risque de dilution de la responsabilité en cas de location d'avion par une compagnie aérienne, comme l'ont déclaré à votre Rapporteur les fonctionnaires du secrétariat de l'OACI ? La location d'avion est en effet une pratique qui se développe, surtout chez les très petites compagnies aériennes charter ou à bas coût. La supervision de la sécurité est alors partagée entre l'autorité d'immatriculation de l'avion et l'autorité d'enregistrement de la compagnie aérienne.

● Le risque des compagnies virtuelles ?

Un autre risque a été mentionné par les responsables de l'AESA30, que la mission a entendus : celui des « compagnies virtuelles ». Que penser de la tentation qui pourrait naître de constituer une « compagnie virtuelle », créée dans l'objectif de réduire les coûts au maximum, en utilisant la division internationale du travail pour profiter des conditions les plus favorables. Une telle compagnie sera alors enregistrée dans un pays considéré comme « laxiste » au regard du contrôle de l'exploitation et ses opérations pourraient être basées dans un pays différent ; son personnel sera domicilié dans un autre pays, où les règles sociales seront plus flexibles et où la fiscalité sera plus faible ; la maintenance sera effectuée dans des ateliers situés dans un troisième pays où les coûts seront les plus compétitifs...

De tels comportements se traduisent par un durcissement de la concurrence au détriment de grandes compagnies. En réaction, celles-ci pourraient aussi être tentées de délocaliser une partie de leurs opérations à l'étranger. Ainsi City Jet, filiale d'Air France, est-elle enregistrée en Irlande, comme Ryanair et easyJet, pour bénéficier des conditions sociales et fiscales avantageuses en vigueur dans ces pays.

Ainsi M. Edmond Suchet, expert, déclarait-il devant la mission31 : « Par exemple, Cityjet est une filiale d'Air France à 100 %. Cette compagnie est basée à Dublin et travaille essentiellement pour Air France au départ de Charles de Gaulle. Les pilotes français employés par cette compagnie sont basés à Charles de Gaulle, font des vols au départ de Paris sur Florence, Göteborg, etc., sous numéros de vols Air France. Ils sont payés en Irlande. Ils payent leurs impôts et leurs charges sociales en Irlande. Les prélèvements sociaux sont faibles et la couverture sociale a minima. ».

Dans ces deux cas, les règles de l'OACI ne prennent pas encore en compte le phénomène croissant de dislocation de la compagnie aérienne, et votre Rapporteur estime que l'organisation internationale devrait étudier de façon urgente le moyen de les renforcer.

Proposition : Réviser les règles de l'OACI, afin de prendre en compte les phénomènes croissants de dilution de responsabilité en matière de sécurité, notamment dans l'hypothèse où une compagnie « virtuelle » ventilerait dans différents pays, au regard des coûts proposés, les opérations liées à l'enregistrement et à l'immatriculation de l'aéronef, à la maintenance et à la domiciliation de son personnel.

B.- UNE HARMONISATION EUROPÉENNE À PARFAIRE

Les règles établies au niveau européen, comme celles de tous les autres pays de l'OACI, doivent respecter les normes et pratiques recommandées par l'OACI. En fait, à l'instar des règles américaines, elles vont largement au-delà de ces règles minimales. Historiquement les Etats-Unis ont été les premiers à édicter des règles en conformité avec les normes de l'OACI. La France et la Grande-Bretagne ont ensuite ouvert la voie en Europe, constituant la base des premières normes européennes (JAR32). Les normes européennes et américaines sont d'ailleurs en grande partie convergentes, grâce à une coopération approfondie. A titre d'exemple, s'est tenue à Philadelphie (Etats-Unis) une réunion conjointe entre la FAA et les JAA, quelques jours après le déplacement de la mission d'information à Washington.

1.- Une harmonisation largement entamée au niveau paneuropéen

En Europe, la réglementation du transport aérien a d'abord été paneuropéenne, à travers plusieurs institutions imbriquées dont la composition actuelle est indiquée ci-dessous.

AESA

Agence européenne de sécurité aérienne (25 + 3)

25 Etats membres de l'Union européenne

3 pays associés : Norvège, Suisse, Islande

JAA

(Autorités conjointes de l'aviation - Joint Aviation Authorities) (37)

UE (15)

UE (10 nouveaux Etats)

hors UE (6)

candidats (7)

Allemagne

Autriche

Belgique

Danemark

Espagne

Finlande

France

Grèce

Irlande

Italie

Luxembourg

Pays-Bas

Portugal

Royaume-Uni

Suède

Estonie

Chypre

Hongrie

Lettonie

Lituanie

Malte

Pologne

Slovénie

Slovaquie

République tchèque

Monaco

Islande

Norvège

Suisse

Roumanie

Turquie

Albanie

Bulgarie

Croatie

Ex République yougoslave de Macédoine

Moldavie

Ukraine

CEAC

Conférence européenne

de l'aviation civile (41)

Eurocontrol

Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (33)

Pays JAA

plus

Arménie

Azerbaïdjan

Bosnie-Herzégovine

Yougoslavie (Serbie Monténégro)

Pays JAA

moins

Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne et Islande

plus

Bosnie-Herzégovine

a) La Conférence européenne de l'aviation civile (CEAC) et les Autorités conjointes de l'aviation (JAA)

A partir de 1979, les autorités nationales de l'aviation civile de 13 membres de la CEAC se sont engagées à accroître leur coopération en matière de sécurité aérienne. Ont alors été conclus les premiers arrangements relatifs à l'adoption de normes communes de navigabilité, les JAR33 (règles communes de navigabilité), d'abord pour les gros aéronefs (JAR 25). Cette politique concertée d'harmonisation ne s'est pas parfaitement accomplie, notamment parce que les JAR reconnaissaient aux Etats la possibilité de durcir les normes communes. Les JAR sont donc des standards minima non impératifs.

Selon les cas, les JAR ont été introduites soit dans le système règlementaire français, par arrêté, soit dans celui de l'Union européenne, par règlement. A titre d'exemple, on peut citer les JAR 21 (procédure de certification des aéronefs et des produits), les JAR 25 (avions lourds), les JAR 39 (consignes de navigabilité), les JAR 145 (organismes d'entretien agréés), les JAR-OPS (exploitation des aéronefs par les compagnies aériennes) et les JAR-JTSO (normes techniques sur les équipements).

En 1987, les 13 Etats ont décidé d'approfondir leur coopération en l'étendant à l'exploitation et à la maintenance. Les JAA34 ont alors été instituées, pour élaborer et suivre en permanence les JAR. Les JAA fonctionnent sur une base volontaire, très informelle, avec prise de décision à l'unanimité et sont dépourvues du pouvoir règlementaire qui leur permettrait d'imposer les codes harmonisés qu'elles arrêtent.

Les JAA se sont vues récemment confier une mission d'expertise et d'enquête des administrations nationales de l'aviation civile des Etats membres. Leur rôle est non seulement de vérifier la conformité aux normes JAR et de prendre les mesures nécessaires en cas de manquement, mais aussi de favoriser les réflexions et les changements qui imposent le maintien et l'amélioration de la sécurité.

Tous les membres des JAA considèrent qu'une meilleure harmonisation technique constitue un complément utile et nécessaire à l'ouverture du marché intérieur européen. Toutefois, malgré les travaux d'harmonisation menés par les administrations nationales de l'aviation civile au sein des JAA, les pratiques nationales présentent des différences considérables. Ainsi, il n'est pas rare qu'un fabricant doive produire des versions différentes du même type d'aéronef ou de son équipement selon les pays, sans parler des disparités entre des compagnies aériennes qui se font concurrence.

b) Le programme SAFA d'inspection des avions des pays étrangers

● Les objectifs

La CEAC a adopté en 1996 le programme SAFA35 visant à améliorer la sécurité du transport aérien. Ce programme prévoit le contrôle au sol des avions des pays étrangers atterrissant sur les aéroports des pays membres, sur la base de l'article 165 de la convention de Chicago, qui reconnaît à chaque Etat « un droit de visiter, à l'atterrissage et au départ, sans causer de retard déraisonnable, les aéronefs des autres Etats contractants et d'examiner les certificats et autres documents ». Ce contrôle porte sur les annexes 1 (licences personnels), 6 (exploitation) et 8 (certificat de navigabilité).

L'information résultant des contrôles au sol36 est partagée par les Etats membres et les JAA ont eu la responsabilité de gérer la base de données recueillant tous les incidents. A partir de ces informations, des inspections ciblées et renforcées peuvent être recommandées. Au-delà, la visite d'évaluation d'une autorité étrangère peut être organisée en coordination avec l'OACI dans le cadre de son programme de supervision. En cas de défaut grave de sécurité, l'autorisation d'entrée peut être suspendue ou retirée.

Etabli par la CEAC et les JAA, avec le soutien de la Commission européenne, ce programme est destiné à fournir aux pays européens un outil de surveillance leur permettant d'être informés des carences prouvées et d'agir en conséquence. Le programme est appliqué à tous les aéronefs étrangers utilisant les aéroports d'un pays de la CEAC, qu'ils soient immatriculés dans un pays de la CEAC ou hors CEAC. Il ne s'agit pas de d'évaluer les capacités de surveillance d'un Etat mais on peut considérer que ce programme peut y contribuer en attirant l'attention sur les éventuelles carences du système de surveillance d'un pays.

● Le bilan pour 2002

Dans le rapport 2002 de la CEAC sur le programme SAFA, on note que depuis 1996, 34 pays de la CEAC ont été à l'origine de plus de 15 000 inspections. En 2002, 25 pays ont effectué 3 234 inspections portant sur 532 compagnies aériennes de 115 pays exploitant 170 différents types d'aéronefs. Ainsi, 34 % des inspections concernaient des pays tiers, et 66 % des pays de la CEAC. Chaque inspection porte systématiquement sur 53 éléments. Ces 3 234 inspections ont ainsi porté sur 93 681 éléments et ont produit 3 064 constatations de défauts, soit environ un défaut (mineur ou majeur) par inspection ou encore 0,03 défaut par élément inspecté. Les constatations sont classées en trois catégories, selon la gravité du défaut, et on dénombre 0,14 constatation de catégorie 3 (majeure) par inspection, soit une constatation majeure sur 6 ou 7 inspections environ.

Les constatations sont beaucoup plus fréquentes sur les avions des pays africains (en moyenne 2 constatations par inspection pour les pays d'Afrique centrale et de l'ouest) et du Moyen-Orient (1,5 constatation par inspection). Les pays d'Asie, d'Amérique (nord, centre et sud) et d'Europe ont des taux de constatation inférieure à la moyenne. Le nombre de constatations par inspection sur les avions des pays de la CEAC (0,78) est inférieur à celui sur les avions extérieurs à la CEAC (1,37).

Les 3 064 inspections SAFA effectuées sur les avions en 2002 ont entraîné 701 informations à l'autorité nationale de contrôle du pays concerné et à la compagnie aérienne, 19 restrictions à l'exploitation, 619 demandes d'actions correctrices avant autorisation de vol, 56 immobilisations au sol et 19 limitations ou suspensions de l'autorisation d'entrer.

Les constatations les plus fréquentes concernent plus particulièrement, par ordre décroissant de fréquence, la sécurité du fret à bord, les marchandises dangereuses, l'équipement du poste de pilotage, les issues de secours, l'état général extérieur de l'aéronef, la préparation de vol, le devis de masse et de centrage, la liste minimale d'équipement, les cartes de navigation et les manuels. Les constatations de catégorie 3 ont concerné en priorité la sécurité du fret à bord (74), l'état général intérieur de la cabine (38), l'état général du compartiment fret (34), les issues de secours (31), les licences des pilotes (25), les roues et freins (21), les certificats de remise en vol (18), l'équipement de la cabine de pilotage (17) et les fuites (16), toujours sur un total de 3 064 constatations.

●Un système de contrôle souvent critiqué

Les inspections SAFA ont été très fréquemment critiquées lors des auditions effectuées par la mission. Trop courtes, elles ne permettent pas d'approfondir le contrôle. Elles se limitent à des contrôles visuels (usure des pneus, fissures, fuites...), elles ne concernent pas les parties moteur ni le fonctionnement des commandes de direction. On a ainsi pu les qualifier de « filtre grossier » car elles ne sont en aucun cas des gages de sécurité. D'autres personnes auditionnées par la mission d'information y ont vu une « pâle réplique » des programmes américains de contrôles sur les avions et compagnies des pays tiers. Ainsi M. Edmond Suchet, expert, qualifiait-il le programme SAFA de programme « a minima ».

En février 2004, l'Inspection générale de l'aviation civile française a présenté un rapport très critique sur les procédures de contrôle SAFA. Selon cette étude, les inspections SAFA sont nécessairement superficielles car elles ne doivent pas retarder le vol et doivent se faire sans démontage ou intervention sur l'avion. Leur fréquence est variable, certains pays pratiquant des contrôles aléatoires, tandis que d'autres se concentrent sur les avions suspects.

Le programme SAFA est inégalement appliqué selon les pays. En 2003, toujours selon cette étude, 27 pays seulement sur 41, ont effectué des contrôles. Cette abstention ne concerne pas seulement les petits pays, puisqu'un pays comme l'Italie ne transmet plus de rapports d'inspection depuis 1998. L'Espagne, quant à elle, n'a effectué que 3 contrôles en 2003. Une demi-douzaine de pays réalise la quasi-totalité des inspections (France, Allemagne, Royaume-Uni, Suisse, Pays-Bas, Belgique), parmi lesquels la France et l'Allemagne en réalisent les deux tiers. La France arrive en tête pour le nombre de contrôles effectués avec plus de 1 000 inspections par an. De plus, les données résultant des inspections, quand elles sont transmises, manquent d'homogénéité : elles sont souvent transmises avec retard, les formulaires sont souvent remplis de façon incomplète.

Les JAA, sensibles à ces disparités, ont mis en place une formation spécifique des inspecteurs SAFA avec échanges d'inspecteurs entre pays et diffusion de manuels de procédures normalisées. Malgré ces efforts, on note encore des écarts importants entre les différents pays : niveau des inspecteurs, approfondissement des éléments de contrôle et surtout interprétation des règles OACI.

Il ressort de ces constatations que la base de données issue des contrôles est très hétérogène. Plus grave, l'examen des résultats des contrôles réalisés sur un même appareil au cours de la même année montre des écarts qui ne peuvent pas s'expliquer par une variation de l'état de l'avion mais qui résultent des pratiques différentes des pays, dans le signalement des anomalies, dans la catégorisation et dans l'interprétation des règles OACI. La base de données des JAA est en conséquence difficile à exploiter. De plus les corrections éventuelles apportées aux avions à la suite d'un contrôle ne figurent pas dans la base.

L'Inspection générale de l'aviation civile française regrette qu'aucun mécanisme d'alerte n'ait été instauré tant au niveau des JAA qu'au niveau national ; un tel mécanisme permettrait, par une exploitation systématique des données, de détecter des anomalies récurrentes donc préoccupantes pour la sécurité. En France, comme semble-t-il dans les autres pays, la base SAFA est peu consultée ; la raison semble en être que les inspecteurs n'ont pas confiance dans les données collectées par les autres administrations, du fait du manque d'homogénéité. Les pays se privent ainsi de données essentielles avant les inspections d'avions qui ont déjà subi plusieurs contrôles.

L'Inspection générale propose plusieurs mesures, dans le cadre de la nouvelle directive communautaire qui communautarise les contrôles SAFA : une plus grande homogénéité des contrôles ; un mécanisme d'alerte appelant l'attention des Etats sur un avion présentant des anomalies dont la correction a été demandée pour s'assurer que ces observations ont été suivies d'effets ; un meilleur ciblage des contrôles ; une meilleure qualité des contrôles plus qu'une augmentation de leur nombre, ainsi qu'un meilleur déploiement des effectifs de contrôle.

L'Inspection générale regrette également que le rapport annuel des JAA sur les contrôles SAFA ne mentionne aucun nom de compagnie aérienne, tout en soulignant la sensibilité de l'information qui serait ainsi révélée au public et les risques de mauvaise interprétation.

Votre Rapporteur souhaite que la reprise du programme SAFA dans la nouvelle directive communautaire soit l'occasion de remédier à ces imperfections et présentera une proposition dans ce sens.

Dans sa contribution écrite à la mission, l'association européenne des pilotes de ligne, l'ECA37, confirme l'insuffisance du contrôle de la sécurité, notamment dans le cas des compagnies ayant des bases permanentes en dehors de leur pays d'origine et pratiquant des opérations transfrontalières de location d'avions avec équipage. Ainsi, une compagnie immatriculée en Irlande et dont la base d'exploitation permanente est située en Belgique ne pourra pas être contrôlée par les autorités irlandaises, d'où un risque d'abus. Selon l'association des pilotes, la solution passe par une plus grande coordination au niveau européen, notamment par l'intermédiaire de la nouvelle Association européenne de sécurité aérienne (AESA). Il faudrait lui donner le pouvoir d'effectuer des inspections et de prendre des mesures obligatoires pour tous.

c) Eurocontrol : la gestion du trafic aérien

L'Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (Eurocontrol), créée en 1960, œuvre à l'édification d'un système paneuropéen de gestion du trafic aérien (GTA)38. Elle répond ainsi au défi de l'augmentation du trafic aérien dans le respect des impératifs de sécurité et de réduction des coûts (redevances des compagnies), et de préservation de l'environnement. La mission d'information s'est rendue au siège d'Eurocontrol, à Bruxelles, et s'est entretenue avec ses principaux dirigeants et cadres. Elle a, en particulier, visité la salle du CFMU39 d'où sont programmés tous les vols européens et paneuropéens.

Eurocontrol élabore, coordonne et planifie la mise en œuvre de stratégies de gestion du trafic aérien paneuropéen ainsi que des plans d'action qui en découlent. Cet effort collectif s'inscrit dans une démarche qui mobilise toutes les parties prenantes : autorités nationales, institutions européennes concernées, prestataires de services de navigation aérienne, usagers civils et militaires de l'espace aérien, le secteur industriel (radars...) et les organisations professionnelles de contrôleurs aériens.

Les services d'Eurocontrol couvrent l'ensemble des activités de services de contrôle aérien, qui vont du contrôle stratégique et tactique des courants aériens au développement de technologies et de procédures à la pointe de l'innovation, en passant par la perception des redevances de navigation aérienne.

Eurocontrol regroupe plus de 2 000 fonctionnaires internationaux affectés à des tâches variées :

- un siège central qui assure la gestion centrale du programme européen de gestion de la circulation aérienne, implanté à Haren, près de Bruxelles ;

- un organisme central de gestion des courants de trafic aérien (CFMU), basé à Bruxelles ; tout mouvement d'avion doit être planifié et coordonné par ce centre ;

- un service central des redevances de route à Haren, près de Bruxelles ;

- un centre de contrôle aérien basé à Maastricht pour le compte de l'Allemagne et du Benelux ; d'autres unités sont prévues dans les pays d'Europe centrale ;

- un institut de formation situé à Luxembourg ;

- un centre de recherche à Brétigny-sur-Orge, en France, dans l'Essonne ;

Outre les centres de Maastricht et ceux des pays d'Europe centrale, le contrôle de la navigation aérienne demeure de la compétence des Etats membres.

Les relations d'Eurocontrol avec la Commission européenne sont régies par un Accord de Coopération signé le 22 décembre 2003. La Communauté européenne est d'ailleurs membre d'Eurocontrol depuis octobre 200240. Elle est représentée par la Commission européenne dans les organes de décision et de consultation d'Eurocontrol.

Eurocontrol est une organisation intergouvernementale chargée d'harmoniser et d'intégrer les services européens de navigation aérienne dans le but de créer, au bénéfice des usagers civils et militaires, un système uniforme de gestion de la circulation aérienne, propre à assurer un écoulement du trafic dans les meilleures conditions de sécurité, d'organisation, de rapidité et de rentabilité à travers toute l'Europe.

En replaçant Eurocontrol dans le contexte de la séparation des fonctions de fourniture de services de celles de régulateur de la sécurité, décidée en 1997 par la CEAC, son rôle dans la sécurité s'articule autour de trois pôles :

- l'harmonisation de la réglementation de la sécurité et la vérification de son application uniforme en Europe. La commission de la réglementation de la sécurité (SRC), indépendante, a été crée en 1998 à cette fin ;

- l'harmonisation des méthodes de travail utilisées par les fournisseurs de services de la circulation aérienne ;

- la mesure des niveaux de sécurité, l'analyse des tendances et la mise en place d'un retour d'expérience au niveau européen en vue de la prévention des risques et de l'amélioration de la sécurité.

La contribution du CFMU en matière de sécurité intervient à plusieurs titres et essentiellement pour :

- le traitement initial de plans de vols (IFPS). Il s'agit de la collecte des plans de vols et de leur redistribution à tous les organismes de contrôle nationaux concernés. Depuis sa mise en œuvre, le taux de plans de vols manquants et d'erreurs dans les plans de vols est devenu marginal. La cohérence des données étant mieux assurée, le transfert des vols entre les différents centres de contrôle nationaux successifs se fait dans de meilleures conditions de sécurité. D'autres fonctions relevant de la sécurité pourraient se fonder sur l'existence d'une base IFPS de plus en plus précise. Par exemple le CFMU pourrait être utilisé pour alerter les Etats membres de cas où un aéronef ou une compagnie, auquel un interdit a été appliqué par certains Etats ou pour lequel des inspections ciblées auraient été décidées, aurait prévu d'atterrir sur un aéroport (vérification de conformité aux exigences SAFA par échange de données sur les résultats d'inspection, par exemple) ;

- la gestion des capacité et des flux de trafic aérien (ATFCM) : une des fonctions principales du CFMU est d'assurer l'équilibre entre la demande de trafic et la capacité des secteurs de contrôle ou des aéroports à absorber ce trafic. Il se fonde sur un système évolué qui fournit des prédictions de trafic à courte et moyenne échéance. En étroite collaboration avec les centres de contrôle, le CFMU organise la gestion de la capacité et des flux de trafic (ouvertures des secteurs adaptées, reroutement de flux de trafic ou de vols individuels, allocation de créneaux41 au départ...). Tout en optimisant la capacité globale, le CFMU travaille à la prévention des surcharges pouvant avoir un impact sur la sécurité. Les fonctions ATFCM, qui continuent de se développer grâces aux améliorations des systèmes et des procédures, contribuent à la sécurité dans le contrôle du trafic aérien.

Le CFMU constitue un instrument unique de la sécurité des vols qui est en mesure de fournir aux Etats la situation réelle du trafic en temps réel et des prévisions à court et moyen termes.

2.- Des faiblesses persistantes chez certains pays européens

Malgré ces efforts communs, l'Europe, communautaire ou paneuropéenne, connaît encore des faiblesses en matière de sécurité aérienne.

a) Dans l'Union européenne à Quinze

On a vu que les JAA avaient des doutes sur la qualité de contrôle de la sécurité aérienne dans certains Etats membres anciens.

La Grèce figure parmi les pays qui connaissent des problèmes récurrents. Depuis la création de l'AESA, la Commission européenne a exercé de fortes pressions sur ce pays pour qu'il apporte les mesures correctrices nécessaires. La Commission s'est même déclarée prête à lancer des procédures d'infraction en cas de délais excessifs de mise en oeuvre de ces mesures.

La Grèce fait également partie des pays classés par la FAA américaine dans la catégorie 2 au motif qu'elle « ne respecte pas les règles de l'OACI » du programme d'audit IASA des Etats-Unis. Cette situation est évidemment très pénalisante pour les compagnies aériennes de ce pays, dans leurs liaisons aériennes vers les Etats-Unis, surtout à la veille des jeux olympiques de l'été 2004... Malgré le souci de transparence exprimé par les administrateurs de la FAA, lors du déplacement de la mission à Washington, il n'a pas été possible d'avoir communication du rapport sur la Grèce (la même réponse a été faite pour les rapports d'audits des autres pays d'Europe ou du monde). Il nous a seulement été indiqué que, malgré de récents progrès notables, la Grèce manquait de volonté politique pour améliorer la sécurité et n'avait pas accordé une priorité suffisante à ce sujet.

La position de l'OACI est différente. Le premier rapport USOAP de l'OACI sur la Grèce relevait un taux de défaut du système de surveillance de la sécurité de 35,04 % ; ce taux est descendu à 4,44 % dans le rapport de suivi. Les deux lacunes résiduelles concernent les règles relatives à l'exploitation des compagnies aériennes et les obligations de maintenance et de suivi de navigabilité. Selon ce dernier rapport, la Grèce a donc fait de grands progrès dans la réglementation de la sécurité, dans l'organisation de l'autorité de l'aviation civile, ainsi que pour les guides techniques, le personnel qualifié, les licences et certifications et les mécanismes de résolution des problèmes de sécurité.

Par ailleurs, le Luxembourg et le Portugal ont fait l'objet de critiques assez sévères dans les rapports d'audit USOAP de l'OACI.

Pour le Luxembourg le rapport initial de l'OACI relevait un taux de défaut de 31 %, avec des manquements dans la législation, le personnel technique qualifié et la surveillance de la maintenance. Le deuxième audit note une nette amélioration (taux de 6,67 %) avec des lacunes résiduelles pour le personnel technique qualifié.

Le premier rapport sur le Portugal relevait un taux de défaut de 27,89 %, avec des manquements importants pour les règles d'exploitation des compagnies aériennes, le personnel technique qualifié la surveillance de la maintenance et les mécanismes de résolution de problèmes de sécurité. Le deuxième rapport note un taux de défaut, encore élevé, de 16,93 %, avec des manquements importants dans l'exploitation des compagnies aériennes, le personnel technique qualifié et la surveillance de la maintenance.

La Norvège, bien que n'appartenant pas à l'Union européenne, est dans une situation semblable. Un premier rapport d'audit avait révélé un taux de défaut de 22,2 %, montrant des déficiences dans la législation, le personnel technique qualifié, les obligations de surveillance continue et les mécanismes de résolution de problèmes de sécurité. Le rapport d'audit de suivi a ramené le taux de défaut à 6,1 % en signalant une lacune persistante en matière de personnel technique qualifié.

b) Au sein des 10 nouveaux Etats membres

On peut légitimement se poser la question du niveau de sécurité aérienne dans les 10 nouveaux Etat membres de l'Union européenne. Toutefois, il faut savoir que ces 10 pays ont préparé leur adhésion à l'Union européenne par un long processus de reprise de l'acquis communautaire. Dans le domaine du transport aérien, les JAA ont aidé les pays candidats jusqu'à leur acceptation au sein de leur « club », même si des différences existent encore dans la qualité de l'autorité nationale de contrôle de la sécurité.

Ainsi les rapports USOAP de l'OACI montrent des difficultés pour Chypre, la Hongrie, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et la Slovaquie. L'ancienne république de Macédoine, qui n'est pas dans l'Union européenne est dans la même situation. Quant à la Bulgarie, qui fait l'objet d'un bon rapport USOAP, elle est classée en catégorie 2 par les Etats-Unis dans leur programme IASA.

Pour Chypre, qui a fait l'objet de deux rapports d'audit USOAP, le taux de défaut était de 60,23 % lors de la mission initiale et n'est redescendu qu'à 46,57 % lors de la mission de suivi. Les éléments les plus critiques de l'organisation du contrôle de la sécurité concernaient la législation, les personnels techniques et les obligations de surveillance continue. La Hongrie a vu ses taux de défaut passer de 41,53 % à 23,73 % entre ses deux audits. Les points faibles restent les matériels techniques, la résolution des problèmes de sécurité et surtout les obligations de surveillance continue. Pour l'ancienne république yougoslave de Macédoine, les taux de défaut sont passés de 31,08 % à 15,2%, avec des points faibles pour les personnels qualifiés et les obligations de surveillance continue. Pour la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et la Slovaquie, les taux sont passés d'environ 30 % à environ 4 %.

On notera que les ateliers de maintenance et les industriels de ces pays travaillaient déjà pour les pays de l'ouest de l'Europe en se conformant aux normes européennes, puisque telle était la condition de l'exercice de leur activité.

Le problème majeur était et reste encore les avions construits dans l'ex-Union soviétique (Tupolev, Antonov, Iliouchine...) ainsi qu'en Tchécoslovaquie et Pologne, qui n'ont jamais été certifiés selon les normes occidentales (européennes ou américaines). Ils n'en étaient pas moins conformes aux règles de l'annexe 8 de l'OACI relatives aux certificats de navigabilité.

De nombreuses réserves ont été émises quant au niveau global de sécurité de ces avions (conception, fabrication, entretien, utilisation...). L'AESA a entrepris un programme de travail spécifique pour déterminer dans quelles conditions ils pourront être acceptés dans l'Union européenne. Un inventaire est en cours d'élaboration. Certains avions sont connus depuis longtemps, d'autres moins. Ces derniers restent pour l'instant sous la responsabilité de leurs administrations nationales, et leur navigabilité est en cours d'examen, avion par avion. Au fur et à mesure de leur acceptation, ces avions pourront être autorisés à voler hors de leurs pays d'origine. Ainsi pour la flotte tchèque, il reste encore 10 % d'avions non encore expertisés (environ 40 avions), pour la plupart de gros avions de l'ex-Union soviétique.

L'AESA a le pouvoir d'évaluer les autorités nationales de l'aviation civile des Etats membres. Il a été convenu, au sein de l'Agence, que ces inspections seraient intensifiées pour les 10 nouveaux Etats membres, dans la période d'adaptation et de transition.

3.- Une harmonisation en cours de communautarisation

a) Une réglementation communautaire de la sécurité aérienne qui a accompagné la libéralisation du transport aérien

La libéralisation du transport aérien communautaire s'est opérée en trois étapes :

- le premier « paquet » de mesures, adopté en décembre 1987, a opéré un premier assouplissement des règles en permettant une plus grande liberté des tarifs et une flexibilité dans le partage des capacités de sièges entre deux compagnies signataires d'un accord bilatéral ;

- en juin 1990 un deuxième « paquet » a poursuivi l'ouverture du marché en autorisant une plus grande flexibilité dans les tarifs et la répartition des capacités. Ces mesures ont été étendues du transport de fret au transport de passagers ;

- le troisième « paquet » a été adopté en juillet 1992 ; il a généralisé la libre prestation de services au sein de l'Union européenne et a abouti à la libéralisation du « cabotage » (exploitation par une compagnie d'un Etat membre d'une liaison dans un autre Etat membre).

Les principales mesures sont la licence communautaire de transporteur aérien (valable dans toute l'Union), la liberté d'accès au marché, la préservation de mesures de sauvegarde pour des obligations de service public (dessertes non rentables) et la liberté tarifaire.

A partir de 1987, date du début de la libéralisation du transport aérien en Europe, et l'assouplissement corrélatif du contrôle des Etats sur les grandes compagnies nationales, on a pu craindre une dégradation de la sécurité. Ainsi la Commission européenne a pris conscience de la nécessité d'une politique commune en matière de sécurité.

La Commission européenne a élaboré deux communications établissant une stratégie en matière de sécurité aérienne :

● Le rapport du groupe à haut niveau définissant une stratégie communautaire de renforcement de la sécurité aérienne42

Cette première communication faisait suite à la résolution du Parlement européen du 6 février 1996 sur l'accident intervenu le 6 février 1996 près de Puerto Plata en République dominicaine, tuant 176 passagers, en grande partie allemands. Ce rapport vise à améliorer la sécurité aérienne, particulièrement pour résoudre le problème des transporteurs présentant un niveau de sécurité inférieur à la normale et opérant à destination ou au départ de l'Union européenne. L'accent a été mis sur des mesures permettant une évaluation de la sécurité des transporteurs étrangers et sur la capacité de leur Etat d'origine à garantir le respect des normes internationales de sécurité. Le rapport envisageait également des actions à plus long terme, parmi lesquelles une incitation de l'OACI à prendre une attitude plus active vis-à-vis de la sécurité, la modification des accords aériens bilatéraux pour y inclure une clause de sécurité et le droit de contrôler les transporteurs étrangers sous contrat des voyagistes européens. Il préconisait déjà la création d'une agence européenne de sécurité aérienne, effectivement instituée en juillet 2002.

● La contribution de la Communauté européenne au renforcement de la sécurité aérienne dans le monde43

Cette deuxième communication fixe les lignes directrices de la politique actuelle de la Commission européenne et il y est fait référence plusieurs fois dans le présent rapport.

Plusieurs règlements et directives communautaires ont été édictés dans le domaine de la sécurité aérienne :

- la directive (CEE) n° 1266/80 du Conseil du 16 décembre 1980 relative à la coopération et l'assistance mutuelle dans les enquêtes accidents, complétée par la directive (CE) n° 56/94 du Conseil du 21 novembre 1994, qui établissent les conditions d'indépendance des organismes chargés des enquêtes, en application des règles de l'OACI ;

- la directive (CEE) du Conseil n° 670/91 du 16 décembre 1991 sur l'acceptation mutuelle des licences du personnel navigant pour exercer des fonctions dans l'aviation civile ;

- le règlement (CEE) n° 3922/91 du Conseil du 16 décembre 1991 relatif à l'harmonisation de règles techniques et de procédures administratives dans le domaine de l'aviation civile.

Le règlement porte sur la fabrication, l'exploitation, l'entretien, ainsi que sur les personnes impliquées dans ces tâches et les organismes publics responsables de la supervision de la sécurité. Il impose l'adhésion des autorités compétentes des Etats membres aux JAA. Les modifications des JAR sont rendues applicables dans les Etats par décision de la Commission prise suivant une procédure de comitologie (consultation des représentants des Etats membres réunis en comité). Le règlement établit enfin une reconnaissance mutuelle des certifications délivrées sur la base des JAR. Le Conseil a ainsi mis en place un mécanisme d'introduction dans le droit communautaire des normes élaborées par les JAA. La Commission européenne propose actuellement de modifier le règlement de 1991, notamment sur les conditions de travail du personnel navigant, et particulièrement les normes minimales relatives au temps de vol et de repos des pilotes, ainsi que certaines exigences pour le personnel de cabine en termes d'âge, d'aptitude médicale et de compétence professionnelle44.

- le règlement (CEE) n° 2407/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant les licences d'exploitation des transporteurs aériens. Ce règlement établit les critères de délivrance et de maintien par les Etats membres des licences d'exploitation aux transporteurs aériens établis dans l'Union européenne. Cette licence est subordonnée à la détention d'un « certificat de transporteur aérien » (CTA)45 en cours de validité. Ce règlement a été transposé en droit français par plusieurs arrêtés en 1993 ;

- la directive (CEE) n° 56/94 du Conseil du 21 novembre 1994, établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile (voir infra la partie sur le retour d'expérience) ;

- le règlement (CE) n° 1592/2002 du Conseil du 15 juillet 2002 concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA). Règlement (CE) n° 1643/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2003 modifiant ce règlement. La Commission européenne a déjà mis en application ce règlement pour la certification de navigabilité et environnementale des aéronefs et produits, pièces et équipements associés, ainsi que pour la certification des organismes de conception et de production ;

- la directive (CE) n° 42/2003 du Conseil concernant les comptes-rendus d'événements dans l'aviation civile (voir infra la partie sur le retour d'expérience) ;

- la décision (n° 2003/425) de la Commission du 11 juin 2003 instituant un groupe d'experts chargé de conseiller la Commission sur la stratégie à suivre en matière d'accidents dans le secteur des transports. Ce groupe, composé d'experts indépendants, devra réfléchir à toutes les questions relatives aux enquêtes accidents et à proposer des améliorations à la législation ;

- le paquet « ciel unique » qui repose sur quatre règlements :

. règlement (CE) n° 549/2004 du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2004 fixant le cadre pour la réalisation du ciel unique européen ;

. règlement (CE) n° 550/2004 du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2004 relatif à la fourniture de services de navigation aérienne dans le ciel unique européen ;

. règlement (CE) n° 551/2004 du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2004 relatif à l'organisation et à l'utilisation de l'espace aérien dans le ciel unique européen ;

. règlement (CE) n° 552/2004 du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2004 concernant l'interopérabilité du réseau européen de gestion du trafic aérien.

Les règlements relatifs au « ciel unique » européen instaurant une gestion commune de l'espace aérien européen, avec une séparation au niveau national des fonctions de régulateurs (autorités de l'aviation civile) et de prestataires de service de navigation aérienne (contrôleurs). Ces prestataires de service sont dans tous les Etats membres des administrations publiques ou des sociétés de droit public, exception faite du Royaume-Uni où la fonction est exercée par une société privée à 50 %, dans le cadre de la privatisation des aéroports britanniques.

b) L'avancée majeure de la création de l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA)

Prévue depuis plusieurs années, l'Agence européenne de sécurité aérienne a été créée le 15 juillet 2002 et est entrée en fonction en septembre 2003, il y a seulement quelques mois. Ses membres sont les 25 Etats membres de l'Union européenne ; la Norvège, l'Islande et la Suisse sont étroitement associées à son fonctionnement. L'AESA maintien des relations de travail avec les JAA, dont elle reprend peu à peu les compétences sur une base communautaire.

Désormais les règles de la sécurité aérienne figurent dans le bloc communautaire et bénéficient en conséquence de l'ordre juridique associé : obligations de mise en œuvre par les Etats membres et contrôle par la Cour de justice des Communautés européennes.

Le siège de l'AESA a été fixé à Cologne par le Conseil européen de décembre 2003 et son installation est en cours. L'agence emploie actuellement 40 personnes, et elle prévoit d'en employer une centaine d'ici la fin 2004, 200 fin 2004 et 300 d'ici 3 ou 4 ans, essentiellement par prélèvement sur les administrations de l'aviation civile des Etats membres. L'AESA comprend quatre divisions : certification, standardisation, recherche et retour d'expérience. L'Agence ne se substituera pas aux administrations nationales pour les tâches opérationnelles d'exécution.

L'AESA est compétente pour la délivrance de certificats de type des aéronefs, des moteurs, des sous-ensembles et des équipements depuis septembre 2003. Elle l'est également pour la maintenance des aéronefs depuis novembre 2003 (surveillance des ateliers de maintenance, sur le territoire communautaire et en dehors, pour les ateliers agréés selon les normes communautaires). L'agence approuve également les modifications des aéronefs et des équipements. Le premier certificat de type a été signé en décembre 2003.

L'agence a chargé les autorités nationales de l'aviation civile d'effectuer le travail préparatoire à la certification de type, mais c'est elle qui signe le certificat final. Les certificats de fabrication, en application d'un certificat de type déterminé, sont accordés par les autorités nationales de l'aviation civile. Le fabricant doit prouver son aptitude et ses moyens de production, normalement en mettant en place un « système qualité » pour garantir la conformité des produits. A terme l'AESA reprendra toutes ces tâches, au fur et à mesure de la croissance de son personnel.

L'AESA a publié le 28 avril dernier, sur son site internet46, une proposition à destination de la Commission européenne pour étendre ses compétences à l'exploitation des aéronefs et aux licences des pilotes, ainsi qu'à la surveillance des aéronefs des pays tiers. Ces compétences étaient prévues dans les considérants du règlement communautaire procédant à sa création. Lors d'une étape ultérieure, elle pourra également proposer une extension de ses compétences à la gestion du trafic aérien et à la surveillance des aéroports.

L'Agence a pour vocation de favoriser l'harmonisation des règles techniques et surtout d'en assurer une application uniforme au sein de l'Union européenne. On a vu précédemment que les recommandations des JAA devaient être retranscrites dans le droit national de chaque Etat membre, avec une grande marge de manœuvre. Il en résultait une grande diversité d'interprétation qui conduisait, par exemple, à des versions différentes de nouveaux avions ou d'équipements aéronautiques.

L'Agence peut prendre des décisions individuelles contraignantes pour délivrer des certificats ou procéder à des mesures de contrôle ou de vérification (elle peut mener des enquêtes ou des inspections auprès des autorités nationales de l'aviation civile nécessaires à l'accomplissement de ses missions). Elle a également pour mission d'assister la Commission européenne par des propositions ou avis techniques dans la préparation des actes réglementaires communautaires.

L'Agence publie un rapport annuel d'information public sur le niveau général de la sécurité.

c) Les accords bilatéraux de droits de trafic

Il faut noter que le transport aérien, en dépit de la libéralisation entreprise depuis les années 80, est encore assujetti aux accords bilatéraux de droit de trafic qui imposent, pour chaque liaison aérienne entre deux pays (sauf liaison intra-communautaires), un traité entre deux pays. Chaque liaison est donc soumise à une autorisation préalable.

Jusqu'à présent il s'agissait d'une compétence des Etats membres de l'Union européenne. Mais dans un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 5 novembre 2002, la Cour a invalidé les accords bilatéraux passés entre 8 Etats membres (Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Allemagne, Luxembourg, Suède et Royaume-Uni) et les Etats-Unis concernant des droits de trafic. La Cour s'est fondée sur la jurisprudence « AETR » qui veut qu'un domaine relevant de la compétence communautaire en interne le soit aussi pour les aspects externes (clauses de propriété et contrôle des compagnies). Elle a toutefois estimé qu'une partie des accords bilatéraux restait encore de la compétence des Etats membres.

La Commission a ensuite défini sa stratégie par une communication intitulée « une politique aérienne de la Communauté envers ses voisins »47. La Commission y a demandé et obtenu du Conseil, le 5 juin 2003, un mandat de négociation pour un accord dit « ciel ouvert », avec les Etats-Unis d'abord, puis les autres pays48. Ces mandats ne sont pas publics. Ensuite le règlement (CE) n° 847/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant la négociation et la mise en œuvre d'accords relatifs à des services aériens entre les Etats membres et les pays tiers a été adopté pour régir la partie des accords bilatéraux de droit de trafic qui restent encore de la compétence des Etats membres.

Des négociations sont en cours. La Commission entend progressivement renégocier, pour le compte de l'Union européenne, les accords bilatéraux avec les autres pays tiers, et elle a sollicité le 9 mars 2004, lors du Conseil « Transports » une autorisation d'ouvrir des négociations avec le Maroc, le Liban, la Jordanie, et les pays des Balkans (Croatie, Albanie...). Ces accords libéraliseraient l'accès au marché du transport aérien avec ces pays et renforceraient la coopération en matière de sécurité aérienne et d'environnement. La Commission envisage également d'ouvrir des négociations avec la Russie, la Chine et le Japon, alors que des discussions se poursuivent avec l'Australie, Singapour et la Nouvelle-Zélande.

Votre Rapporteur note que la reprise par la Commission européenne, pour le compte de l'Union européenne, de la négociation des accords bilatéraux de droit de trafic limite, certes, les marges de manœuvre des Etats membres mais renforce globalement la position de l'Europe face aux pays tiers. Il demande cependant qu'une clause de sécurité soit systématiquement insérée dans chaque nouvel accord conclu avec un pays tiers, afin de s'assurer de la qualité de la supervision de la sécurité et de subordonner ces droits de trafic au respect des règles de sécurité par ce pays. En cas de manquement, l'Union européenne pourrait geler, réduire ou supprimer les droits de trafic ainsi octroyés.

Votre Rapporteur note, par ailleurs, que les accords bilatéraux déjà conclus par la France, soit ne comportent pas une telle clause de sécurité (majorité des accords anciens), soit comportent une clause de ce type, sur le modèle de l'accord conclu avec les Etats-Unis. Selon les informations obtenues auprès de la DGAC, il semble qu'une telle clause n'ait été mise en application en France que dans de très rares cas : les compagnies « Continental wings of Comores » en 2001, et la compagnie Nord Coréenne « Air Koryo » en 2002, sans que l'on puisse déterminer s'il s'agissait d'une réduction des droits de trafics avec les Etats concernés ou de mesures d'interdiction d'une compagnie, prises à la suite de contrôles SAFA négatifs. La DGAC note que les vols charter peuvent, par nature, être acceptés ou refusés de façon discrétionnaire.

Cette clause de sécurité figure néanmoins dans les accords types de droit de trafic, tels que proposés officiellement par l'OACI. Selon les clauses de ces accords, chaque partie reconnaît les certificats de navigabilité et de licence émis par l'autre partie, sous réserve que ceux-ci aient été émis en conformité avec les règles minimales de l'OACI. Néanmoins, chaque partie peut s'assurer auprès de l'autre partie que les règles minimales de sécurité sont respectées. Si l'une des parties estime que tel n'est pas le cas, elle en informera l'autre partie qui devra entreprendre des « actions correctrices appropriées ». Si elle ne le fait pas dans un délai raisonnable, chaque partie pourra refuser, révoquer ou limiter les autorisations d'exploitation octroyées à l'autre partie.

Proposition : Instaurer une clause de sécurité dans les accords bilatéraux de droit de trafic que la Commission européenne négocie avec les pays tiers au nom des Etats membres.

d) Le contrôle des aéronefs des pays tiers

Le point faible de la sécurité aérienne en Europe reste la surveillance des aéronefs des pays tiers qui atterrissent et décollent sur le territoire communautaire ou survolent le ciel communautaire.

Le Parlement européen et le Conseil ont adopté, en avril 2004, une directive49 concernant la sécurité des aéronefs des pays tiers empruntant les aéroports communautaires.

Mme Nelly Maes, députée européenne belge, que la mission a rencontrée lors de son déplacement à Bruxelles, a analysé le 12 juillet 2002 cette directive au nom de la commission de la politique régionale, des transports et du tourisme du Parlement européen50. Elle a beaucoup insisté pour que les contrôles sur les avions étrangers soient effectués de façon systématique et transparente ; plusieurs amendements allant dans ce sens ont été acceptés par la Commission et les Etats membres (contrôles aléatoires possibles, même en l'absence de soupçon sur le niveau de sécurité, procédure d'extension des mesures d'immobilisation à tous les Etats membres, information du public sur les résultats des contrôles...).

Il faut rappeler qu'une précédente proposition de directive avait été proposée par la Commission en 1997, à la suite de l'accident de Puerto del Mar (République Dominicaine), mais qu'un conflit de compétence entre la Grande-Bretagne et l'Espagne sur Gibraltar avait bloqué le processus d'adoption.

Votre Rapporteur rappelle qu'il aura fallu l'accident de Charm el-Cheikh pour que la directive soit enfin adoptée...

La nouvelle directive met en place un système de contrôle des avions des pays tiers, en grande partie issue du programme SAFA de la CEAC.

Les modalités de ces contrôles au sol sont unifiées. Des contrôles inopinés sont possibles, pour autant qu'ils soient conformes aux règles de l'OACI, et en particulier qu'ils soient non discriminatoires à l'encontre des avions des pays tiers par rapports aux avions des Etats membres. Des contrôles renforcés et plus nombreux sont possibles pour les avions sur lesquels existe un doute certain en matière de sécurité. Lorsque les anomalies constatées sont synonymes de danger pour la sécurité, les aéronefs sur lesquels une intervention est nécessaire doivent être immobilisés au sol jusqu'à ce que leur conformité aux normes internationales de sécurité soit établie. Les installations de l'aéroport doivent permettre à l'aéronef de rejoindre un aéroport approprié, dans les conditions de sécurité du transfert. Si un Etat membre décide d'interdire ou de restreindre l'activité d'une compagnie étrangère, il doit notifier cette décision à la Commission européenne. Celle-ci peut proposer son extension aux autres Etats membres dans le cadre d'une procédure de comitologie (la Commission consulte un comité de 25 experts représentants les Etats membres pour prendre sa décision).

La directive instaure également un mécanisme obligatoire d'échange d'informations entre Etats membres (sans préjudice des échanges d'information prévus avec les pays JAA/CEAC) sur les avions inspectés, notamment sur les mesures arrêtées par les Etats à la suite des inspections de sécurité.

La Commission publiera chaque année un rapport analysant les informations fournies par les Etats membres sur la base de leurs inspections. Ce rapport sera mis à la disposition des professionnels du tourisme et du public. La Commissaire européenne en charge des transports, Mme Loyola de Palacio, a déclaré que la Commission avait l'intention de publier un rapport dès cette année.

Mme Loyola de Palacio a également estimé que « l'accident de Charm el-Cheikh n'aurait très probablement pas eu lieu si cette directive avait été mise en place ». En effet, l'avion de Flash Airlines était interdit de vol en Suisse, pour « d'important manquements aux normes de certification internationale ». Ainsi avait-il été relevé que la serrure de la porte de soute était détériorée et que le voyant de contrôle du verrouillage de cette porte n'était pas reporté sur le tableau de bord du commandant. On mesurera l'importance de la fermeture de toutes les portes d'un avion en se rappelant que c'est une ouverture de porte qui avait provoqué l'accident du DC10 à Ermenonville. En outre les rapports d'inspection suisses avaient montré que certaines fuites avaient été colmatées avec un simple ruban adhésif... Votre Rapporteur note que le directeur de la DGAC, M. Wachenheim, auditionné par la mission51, a estimé, au contraire, que les contrôles des autorités suisses n'avaient révélé que des défauts mineurs qui n'auraient pas en France constitué une cause d'immobilisation :

« Le contrôle suisse faisait état d'un certain nombre d'anomalies de niveaux 1, 2, 3. Il faut savoir que la Suisse effectue en moyenne six fois plus de constats d'anomalies de niveau 3 que l'ensemble des autres pays européens. Ceci montre que le système n'est pas parfait et qu'il y a un problème d'appréciation.

Parmi les anomalies de niveau 3 relevées par la Suisse, certaines, selon nous, ne relevaient pas de ce niveau, par exemple, les sièges en mauvais état, les vide-poches déchirés. Pour nous, il s'agit d'une mauvaise qualité de service mais cela ne met pas en jeu la sécurité du vol. Autre exemple, le contrôle suisse relevait un défaut libellé « doute sur la compression des jambes de train ». Après vérification, il a été constaté que cet élément était dans les normes. Ces deux exemples expliquent pourquoi le coordonnateur central des Pays-Bas n'a pas recommandé aux Etats de suivre l'exemple des Suisses en interdisant cette compagnie. Il a simplement conseillé d'adapter les contrôles car des informations émanant de la Suisse méritaient d'être vérifiées et suivies.

Les Suisses ont décidé d'interdire cette compagnie. Mais, je le dis clairement, si nous avions fait les mêmes contrôles en France, nous n'aurions pas interdit la compagnie. Cela prouve que le système doit être amélioré au niveau européen pour que tout le monde ait la même échelle de valeurs ».

Il est tout à fait regrettable que le programme SAFA laisse autant de place à l'interprétation des règles et des critères de mise en œuvre, au détriment d'un contrôle efficace. Il faut que la mise en œuvre de la nouvelle directive marque un pas décisif vers l'harmonisation.

Votre Rapporteur estime en outre que l'on aurait pu aller plus loin en prévoyant l'extension automatique à tous les autres Etats membres de la décision d'immobilisation prise par un Etat membre. Il regrette aussi que la date d'entrée en application de la directive ait été fixée à 2006, deux années après son adoption.

Proposition : Demander l'entrée en vigueur anticipée de la directive « SAFA » relative aux contrôles au sol des aéronefs des pays tiers empruntant les aéroports communautaires et renforcer les mesures de sécurité prévues à ce titre, en prévoyant l'application automatique sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne d'une mesure d'immobilisation prise par un Etat membre en application de cette directive.

C.- LE RÔLE DE LA DGAC

M. Michel Wachenheim, directeur de la DGAC, déclarait devant la mission52 : « 120 compagnies aériennes fonctionnent sous notre autorité, ainsi que 400 centres de maintenance et une soixantaine d'écoles de pilotage dont une dizaine sont des écoles importantes. Je passe sur le contrôle des aéroclubs. Le système de contrôle et de surveillance de l'ensemble du secteur de l'aviation civile emploie environ 500 personnes au sein de la DGAC ».

Sur les effectifs concernant le domaine de la sécurité des aéronefs et des compagnies aériennes, les effectifs du service de la DGAC en charge de ce domaine, c'est-à-dire le service de la formation aéronautique et du contrôle technique (SFACT), sont les suivants, répartis par type de mission :

- réglementation : 20

- exploitants aériens (certificats et surveillance) : 40

- personnels aéronautiques et licences : 95

- certification des aéronefs et équipement et production : 80.

Il faut ajouter les effectifs opérationnels du GSAC (Groupement sur la sécurité de l'aviation civile), soit 60 personnes dans le domaine entretien et 50 dans le domaine production. Il faut également ajouter une partie des effectifs des directions de l'aviation civile (services déconcentrés), soit environ 185 personnes sur le territoire métropolitain.

Chaque aéronef est immatriculé, c'est-à-dire inscrit sur un registre tenu par la DGAC en France. Cette inscription est attestée par la délivrance d'un certificat d'immatriculation qui doit toujours se trouver à bord de l'aéronef lorsque celui-ci est en service. Un aéronef ne peut être utilisé pour la circulation aérienne que :

- s'il est muni d'un certificat de navigabilité,

- s'il est apte au vol, c'est-à-dire s'il répond à tout moment aux conditions techniques de navigabilité,

- si cette utilisation est faite conformément aux règles édictées en vue d'assurer la sécurité.

On notera que les compagnies aériennes peuvent prendre des mesures allant au-delà des minimum règlementaires afin d'assurer un niveau de sécurité supérieur. Plusieurs personnes auditionnées par la mission, tant en France qu'aux Etats-Unis, ont expliqué que la sécurité n'était pas seulement une question de règles, mais aussi une question de culture. C'est le cas, par exemple, du système de retour d'expérience confidentiel des équipages qui peut être mis en place de façon volontaire par certaines compagnies aériennes. M. Laurent Barthélémy, directeur qualité d'Air France, a expliqué devant la mission53 comment ce système était pratiqué. Votre Rapporteur reviendra sur cette question.

Dans le contexte actuel de montée en puissance de l'AESA, la démarche de la DGAC, au cours des dernières années, a été guidée par le double impératif d'éviter toute rupture dans la chaîne de sécurité et de maximiser l'efficacité collective.

Parallèlement à la création de l'AESA, les efforts de consolidation du dispositif JAA se sont intensifiés en 2002. Au sein des JAA, la DGAC a ainsi clos de nombreux dossiers en cours et fait aboutir quelque cinquante évolutions réglementaires, contre dix en 2001. La préparation de la nouvelle convention relative au Groupement pour la sécurité de l'Aviation civile (GSAC), dont la signature est intervenue à la fin de l'année 2003 constituait une autre priorité, l'objectif étant de confirmer cet organisme, en liaison avec le bureau Veritas, dans sa mission de surveillance de la production d'aéronefs et de lui permettre de poursuivre son travail avec plus d'efficacité.

La DGAC travaille actuellement à quatre grands programmes en cours de certification : le futur Airbus A 380, l'A318 (le plus petit de la famille A320), le Falcon 2000EX et le Falcon F7X. Le futur Airbus A380 en version longue pour passagers affichera des dimension hors normes : 73,10 m de longueur, 24 m de hauteur (la taille d'un immeuble de quatre étages) pour une masse maximale de 560 tonnes. Certifié pour une capacité théorique de 1 000 passagers en version haute capacité, il pourra emporter jusqu'à 550 passagers en version normale et 850 passagers. Il disposera d'un rayon d'action de 14 000 km dans la version équipée de moteurs Rolls Royce Trent 900.

Les Airbus A340-500 et 600 se positionnent sur le créneau des long-courriers de 300 à 400 places, pour un marché estimé à 1 500 appareils d'ici 2010. Bien que dérivés de l'A340-300 de base, qui avec l'A330 occupe la première place dans sa catégorie, les A340-500 et 600 s'apparentent à des avions totalement nouveaux sur le plan de leur conception. Ils offrent notamment aux compagnies des gisements d'économies importants en termes de coûts d'exploitation, de formation et de maintenance. Après plusieurs années de travail de l'équipe JAA dédiée à ce projet, à laquelle participaient 12 experts de la DGAC dont le chef de projet et son adjoint, leur certification est intervenue en 2002, le 21 mai pour l'A340-600, le 3 décembre pour l'A340-500. C'est dans un même esprit de coopération internationale qu'a été approuvée une déclaration commune JAA - FAA - Transport Canada sur la qualification de type de ces appareils et leur liste minimale d'équipements de référence.

La DGAC participe au renforcement de l'harmonisation des procédures de contrôle technique appliquées sur tout le territoire, ainsi qu'à l'accompagnement de l'introduction en Europe des minima réduits de séparation verticale entre avions (2 000 à 1 000 pieds).

La DGAC a participé de manière très active à différents groupes de travail accompagnant les premiers pas de l'AESA, en vue d'établir les normes techniques applicables aux différentes catégories de produits. Au-delà de cette implication dans l'élaboration des futurs règlements européens, elle est également concernée au premier chef par la création de l'AESA car il est prévu de confier à celle-ci la plupart des programmes de certification en cours et la responsabilité du suivi de navigabilité des produits déjà certifiés.

Si cela signifie, à terme, le transfert progressif à l'AESA de plusieurs activités de la division aéronefs de la DGAC, il est probable que l'Agence européenne fera appel aux experts de la DGAC pour prendre en charge le suivi de navigabilité des aéronefs français afin d'assurer la nécessaire continuité. De même, en ce qui concerne les produits en cours de certification, il est prévu, dans un premier temps, de maintenir les équipes européennes conjointes des JAA, dont les experts de la DGAC forment l'ossature, pour effectuer, par délégation de l'agence, les tâches de certification.

C'est également la DGAC qui assure la surveillance des compagnies aériennes et des avions. A la demande de votre Rapporteur, la DGAC a indiqué que les compagnies aériennes suivantes faisaient actuellement l'objet d'une interdiction de vol en France :

- Air Koryo (Corée du Nord),

- Continental Wings Comores Airlines (Comores),

- Air Saint Thomas (Etats-Unis),

- Luxor Air (Egypte),

- International Air Service (Libéria).

C'est le code de l'aviation civile qui permet d'immobiliser au sol un avion, en conformité avec la convention de Chicago. L'article 16 de cette dernière prévoit que « les autorités compétentes de chacun des Etats membres ont le droit de visiter, à l'atterrissage et au départ, sans causer de retard déraisonnable, les aéronefs des autres Etats membres et d'examiner les certificats et autres documents prescrits par la présente convention ». Les articles 39 et 40 de la convention stipulent également que lorsqu'un aéronef ou une personne dont le certificat ou la licence ne se conforment pas à la norme internationale, ils ne peuvent pénétrer sur un territoire qu'avec la permission de l'Etat de ce territoire.

Dans le code de l'aviation civile, on se reportera aux articles suivants :

- article L131-1 : « les aéronefs peuvent circuler librement au dessus des territoires français. Toutefois [pour les aéronefs étrangers], ce droit leur est accordé par une convention diplomatique » (ce qui renvoie aux conditions posées par la convention de Chicago) « ou s'ils reçoivent à cet effet une autorisation qui doit être spéciale et temporaire ».

- article L123-3 : « [...] l'autorité publique a le droit de retenir tout aéronef français ou étranger qui ne remplit pas les conditions prévues par le présent livre pour se livrer à la circulation aérienne ou dont le pilote a commis une infraction au sens du présent code ».

Votre Rapporteur estime que, dans ses contrôles sur les aéronefs, la DGAC pourrait faire un usage plus constant et plus systématique des rapports USOAP de l'OACI. Même dans leurs versions sommaires, telles que diffusées aux gouvernements des pays membres, ces rapports sont très utiles pour signaler des manquements à la sécurité. Ces rapports permettraient de mieux cibler les inspections SAFA et une synergie pourrait ainsi être créée.

Proposition : Demander à la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) d'améliorer l'information des professionnels et du public sur la sécurité aérienne et, en particulier, de publier sur internet la liste des compagnies aériennes qui font l'objet de mesures de restriction ou d'interdiction suite à des contrôles

Au cours des auditions, le problème de la « consanguinité » de toutes les activités gravitant autour du transport aérien en France a été évoqué : DGAC, BEA (Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile), Air France, Airbus, voire Aéroports de Paris. Cette situation n'est pas saine. Au-delà de l'indépendance et du statut d'entreprises comme Air France, Airbus et Aéroports de Paris, qui ne sont pas du ressort du présent rapport, votre Rapporteur insiste sur la nécessité d'assurer une séparation fonctionnelle entre les différentes activités de la DGAC. On verra plus loin que le BEA gagnerait à voir son indépendance mieux assurée.

Au sein même des activités de la DGAC, devrait prévaloir l'évolution constatée en Europe et aux Etats-Unis vers une séparation fonctionnelle entre les tâches de régulateur et celles de surveillance. Cette séparation fonctionnelle vient d'être rendue obligatoire par les règlements communautaires « ciel unique » pour la gestion du trafic aérien. Elle entraîne une réorganisation en cours des services de la DGAC affectés au trafic aérien.

Au-delà, les informations reçues par la mission indiquent que cette administration s'oriente vers une réorganisation profonde en trois pôles : les fonctions régaliennes (prospective, réglementation, régulation économique, soutien à l'industrie), la surveillance (surveillance continue, certification, agréments, licences) et les opérateurs (services de navigation aérienne, formation...). Votre Rapporteur soutient fortement la réalisation effective et rapide de cette séparation fonctionnelle qui sera étendue à l'ensemble des activités de la DGAC, au-delà de la gestion du trafic aérien.

Proposition : Séparer fonctionnellement les activités de surveillance de la DGAC de celles liées à son rôle de régulateur, en augmentant les moyens affectés aux tâches de surveillance, au fur et à mesure du développement de l'activité réglementaire de l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA).

DEUXIÈME PARTIE : RELEVER LE RÉFÉRENTIEL DES NORMES

21 « Standards and recommended practices » en anglais.

22 « Prevailing visibility » en anglais.

23 « Federal aviation administration », équivalent de la DGAC aux Etats-Unis.

24 « Joint aviation authorities ». Cet organisme européen, qui émet des recommandations en matière de régulation aérienne, est évoqué plus loin.

25 Audition du 11 février 2004

26 « Universal safety oversight audit programme » (Programme universel d'audit de la supervision de la sécurité).

27 « Safety oversight programme » (Programme de supervision de la sécurité).

28 Conférence européenne de l'aviation civile.

29 www.dgac.fr

30 Agence européenne de sécurité aérienne.

31 Audition du 11 février 2004.

32 « Joint airworthyness requirements » (Exigences communes de navigabilité).

33 « Joint airworthiness requirements » (Exigences communes de navigabilité).

34 « Joint aviation authorities » (Autorités conjointes de l'aviation).

35 « Safety assessment of foreign aircrafts » (Evaluation de la sécurité des aéronefs étrangers).

36 « Ramp inspections » en anglais.

37 « European Cockpit Association ».

38 « Air trafic management » (ATM) en anglais.

39 « Central flow management unit » (Organigramme centrale de gestion des courants de trafic aérien d'Eurocontrol).

40 Voir le rapport (n° 1425) de M. Paul Quilès du 11 février 2004 au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale sur l'adhésion de la Communauté européenne à Eurocontrol.

41 « Slots » en anglais.

42 SEC (96) 1083 du 12 juin 1996.

43 COM(2001) 390 du 16 juillet 2001.

44 COM(2004) 73 du 10 février 2004 et COM(2002) 30 du 4 février 2002.

45 « Air operation certificate » (AOC) en anglais.

46 http://www.easa.eu.int/rulemaking_en.html

47 COM(2004) 74 du 9 février 2004.

48 Communication de la Commission européenne concernant les relations entre la Communauté et les pays tiers dans le domaine de l'aviation civile.

49 Directive (CE) n° 2004/36 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004.

50 Rapport A5-0265/2002 du 12 juillet 2002.

51 Audition du 11 février 2004.

52 Audition du 11 février 2004.

53 Audition du 7 avril 2004.