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I.- UN INDISPENSABLE RENFORCEMENT DES CONTRÔLES

Votre Rapporteur appelle de ses vœux un renforcement des contrôles sur la sécurité aérienne tant au niveau international qu'au niveau européen.

A.- L'UNION EUROPÉENNE DOIT ASSUMER SON RÔLE

Tout d'abord, il faut que l'Union européenne consolide son dispositif de sécurité par la prise de responsabilités progressive de l'AESA, notamment grâce au renforcement des contrôles sur les avions de compagnies des pays tiers.

1.- La montée en puissance de l'AESA

Comme votre Rapporteur l'a souligné, l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) n'est actuellement compétente que pour la certification de la navigabilité des avions et leur maintenance (supervision des règles de maintenance, certifications des ateliers de maintenance). Elle propose maintenant d'étendre ses compétences à l'exploitation des avions et aux licences des pilotes et souhaite se voir accorder des pouvoirs en matière de surveillance des aéronefs étrangers. La prochaine étape sera la gestion du trafic aérien et des aéroports...

L'AESA a déjà le pouvoir de procéder à des inspections dans les Etats membres pour contrôler la façon dont ils exercent leur fonction de supervision de la sécurité. Elle doit intensifier ses contrôles dans les 10 nouveaux Etats membres, afin de s'assurer qu'ils s'orientent vers le même niveau de sécurité que les autres.

Cette montée en puissance de l'AESA ne pourra se faire que grâce à une augmentation de ses effectifs, à hauteur de 300 personnes en 2006. L'avancement de ce processus pourrait entraîner à terme une représentation unique de l'Europe à l'OACI par l'AESA. La Commission européenne propose parallèlement que l'Union européenne devienne membre à part entière de l'OACI.

La question est posée : l'Europe, aujourd'hui représentée par 25 voix, sera-t-elle plus forte avec une seule voix qui parlerait au nom des 25 ?

2.- Un contrôle renforcé sur les avions et compagnies aériennes des pays tiers

Les première et deuxième parties du rapport ont démontré qu'une des priorités d'action en matière de sécurité aérienne concerne les avions et compagnies des pays tiers. La demande réitérée d'un renforcement des contrôles dans ces pays, telle qu'elle a été exprimée au cours des auditions de la mission d'information, relève du même souci que celui qui a déjà inspiré plusieurs programmes internationaux.

La CEAC a lancé en décembre 2001 un programme dit SOI160 conçu à partir des rapports sommaires de l'OACI sur les pays non-membres de la CEAC.

En mars 2004, 37 pays seulement, dont les compagnies aériennes empruntant les aéroports européens, avaient été analysés. L'objectif est d'élaborer, sur des critères compatibles avec ceux des rapports USOAP, une base d'informations permettant d'apprécier la capacité de supervision des pays et d'essayer d'en faire un critère de sélection pour les inspections SAFA.

La méthodologie a permis de couvrir cinq domaines : la réglementation de base, l'organisation de l'aviation civile, la certification et la surveillance de l'exploitation des aéronefs, la navigabilité des aéronefs et les licences de personnel.

Les résultats de chaque audit USOAP sont classés sur une échelle de 1 à 3 : constatation mineure (non-conformité avec les SARPs mais sans mise en cause de la sécurité), constatation significative (non-conformité significative affectant la sécurité) et constatation majeure (non-conformité majeure ayant pour conséquence une dégradation sérieuse de la capacité de l'Etat à assurer la sécurité).

Ces classements permettent, pour chacun des cinq domaines, de mesurer la capacité de l'Etat à garantir la mise en œuvre effective des SARPs sur une échelle à 3 niveaux également : l'Etat est capable de garantir la sécurité ; la capacité de l'Etat est sérieusement affectée par des constatations significatives ; l'Etat n'est pas capable de garantir la mise en oeuvre effective des SARPs dans le domaine respectif.

Les résultats des analyses pourraient être utilisés pour des actions collectives de la CEAC à l'égard des pays non-CEAC, ainsi que pour les pays CEAC dans leurs relations bilatérales. Votre Rapporteur estime également qu'ils pourraient être utilisés systématiquement dans le programme SAFA pour mieux cibler les contrôles, et le cas échéant prendre des mesures de restriction ou de suppression des droits de trafic.

Votre Rapporteur estime qu'il s'agit là d'une excellente initiative, qui aurait dû être prise plus tôt et qui devrait être mise en application plus rapidement, avec des moyens humains plus importants.

a) La pratique actuelle des Etats-Unis

Les Etats-Unis ont mis en place, depuis longtemps, un système de contrôle spécifique sur les avions et les compagnies aériennes des pays étrangers. Ce sujet a longuement été abordé lors du déplacement de la mission à Washington. Votre Rapporteur note que ni la Part 129 ni le programme IASA n'ont jamais été contestés par l'OACI.

● La « Part 129 » du code fédéral relative aux compagnies aériennes étrangères

La « Part 129 » du titre 14 du code fédéral américain161, qui reprend les dispositions de la loi fédérale sur l'aviation162 relatives aux compagnies aériennes étrangères163, institue un véritable contrôle des compagnies aériennes étrangères opérant aux Etats-Unis.

Les règles sont très strictes. Un nouveau certificat de transporteur aérien est exigé de toute compagnie aérienne étrangère souhaitant opérer aux Etats-Unis. Chacune des quelques 500 compagnies aériennes étrangères doit donc demander une autorisation préalable sous la forme d'un questionnaire très complet incluant les principaux éléments du certificat de transporteur aérien américain. La délivrance de ce certificat vaut surveillance permanente de la compagnie aérienne par la FAA et s'ajoute à celle de l'autorité du pays d'immatriculation de la compagnie.

La Part 129, dont le texte a été remis à la mission, décrit en détail toutes les conditions que doivent respecter les compagnies étrangères qui veulent opérer aux Etats-Unis. Ces conditions sont adaptées à chaque compagnie aérienne, en fonction de ses particularités, ce qui permet à la FAA de procéder régulièrement à un audit poussé des compagnies aériennes étrangères.

Les administrateurs de la FAA ont confirmé à votre Rapporteur que ces vérifications respectent les règles de l'OACI en matière d'exploitation des aéronefs. Mais elles incluent également des exigences supplémentaires spécifiques au CTA américain, telle que l'interdiction générale de fumer sur tous les vols. L'obligation d'installer une porte blindée du cockpit, pour prévenir les actes de piraterie aérienne, et l'obligation d'embarquer un système anti-collision avaient ainsi été rendues obligatoires avant d'avoir été formellement imposées par l'OACI.

Un programme de maintenance des avions doit également être déposé et approuvé par la FAA. Une liste minimale d'équipements164 embarquée est imposée. Les consignes de navigabilité de la FAA doivent être respectées et le document dresse la liste précise des activités commerciales que peut et ne peut faire chaque compagnie. Les personnels navigants techniques doivent savoir parler anglais. Les aéronefs âgés de plus de 14 ans ou 24 ans doivent subir des contrôles renforcés...

Malgré ces règles très strictes, les inspections au sol pratiquées sur les appareils aux Etats-Unis ne sont pas différentes de celles pratiquées en Europe dans le cadre du programme SAFA. Là-bas, comme ici, on touche à la limite intrinsèque de l'exercice. La valeur ajoutée de la Part 129 se situe donc dans une surveillance continue du fonctionnement des compagnies aériennes étrangères.

Par ailleurs, les administrateurs de la FAA ont insisté sur le fait que la responsabilité du contrôle de la sécurité des compagnies aériennes incombe aux autorités nationales dont elles dépendent et que la FAA ne s'y substitue pas. Ce serait une erreur de croire que la FAA, ou toute autre autorité, pourrait le faire.

● Le programme IASA de contrôle des autorités nationales de l'aviation civile

Lancé en 1992, le programme IASA165 a pour objet de vérifier si une autorité de l'aviation civile étrangère se conforme bien aux normes OACI en matière de surveillance de la sécurité aérienne. Les administrateurs de la FAA ont assuré à votre Rapporteur, lors du déplacement à Washington, que le programme ne contrôle que la stricte observation des annexes 1, 6 et 8 de la convention de Chicago.

Cette analyse sert de fondement aux recommandations de la FAA concernant la mise en place, la poursuite ou le développement de droits de trafic à destination des Etats-Unis. Le programme IASA s'applique à tous les pays étrangers dont les transporteurs aériens proposent des services aériens à destination des Etats-Unis, ou disposent de tels services, après obtention d'une autorisation délivrée par le ministère des Transports.

On observera que dans le programme IASA, la FAA évalue le système de surveillance de la sécurité de chaque pays, mais pas la sécurité des compagnies aériennes individuelles.

En mai 2000, la FAA a décidé de ne plus utiliser que deux catégories de classement : la catégorie 1 (conformité aux normes internationales minimales de sécurité aérienne) et la catégorie 2 (non-conformité aux normes internationales minimales de sécurité aérienne). Les transporteurs des pays de la catégorie 1 sont autorisés à exploiter normalement leurs services à destination des Etats-Unis. La catégorie 2 comprend deux groupes de pays :

- le premier regroupe les pays dont les transporteurs aériens exploitent déjà des services à destination des Etats-Unis au moment de l'évaluation. Ceux-ci sont autorisés à poursuivre leurs activités au niveau actuel, mais sous surveillance renforcée de la FAA. Tant qu'ils sont dans la catégorie 2, leurs opérations sont « gelées » (interdiction de modifier ou d'étendre les services) ;

- le second regroupe les pays dont les transporteurs aériens n'exploitent pas encore de services à destination des Etats-Unis au moment de l'évaluation. Les transporteurs de ces pays ne sont pas autorisés à commencer l'exploitation de services à destination des Etats-Unis tant qu'ils sont dans la catégorie 2.

Les résultats du programme indiquent que plus de 40 % des pays évalués jusqu'à présent n'ont pas un niveau de supervision suffisant pour garantir le respect des normes internationales minimales. La « liste noire » des 26 pays de la catégorie 2 a été présentée dans les développements du présent rapport concernant le programme USOAP de l'OACI.

Les échanges de la mission avec la FAA permettent de penser que ce pays soutient sincèrement le programme USOAP de l'OACI. Toutefois, la FAA estime légitime de poursuivre son propre programme d'audit en raison de l'insuffisance actuelle des audits USOAP. Elle admet que le jour où le programme USOAP de l'OACI sera pleinement satisfaisant, elle pourra arrêter son programme.

Les audits USOAP et IASA portent sur les mêmes éléments et sont complémentaires. Mais les moyens sont différents. Les audits IASA interviennent tous les deux ans, alors qu'un cycle d'audit USOAP dure 6 ans. La FAA dispose d'un budget de 10 millions de dollars US par an pour le programme IASA, alors que le cycle d'audit USOAP représente un coût de 7 millions de dollars sur trois ans. Pour le programme USOAP, le secrétariat de l'OACI ne dispose que de 5 auditeurs et de 4 superviseurs - la CEAC détachant également, à la demande, des experts -, alors que la FAA dispose de 40 inspecteurs.

On notera que le programme IASA est bien conforme aux règles de l'OACI relatives au principe de la souveraineté des Etats, telles qu'elles résultent de l'article premier de la convention de Chicago. Cet article, loin d'interdire les audits des pays tiers, est actuellement interprété comme laissant chaque pays responsable de la sécurité de son ciel, ce qui lui permet de s'assurer, par tous les moyens possibles, que les avions étrangers volant dans son ciel sont suffisamment surveillés.

b) La nécessité de renforcer le dispositif européen

Votre Rapporteur note que la problématique de la qualité du contrôle de la sécurité aérienne dans les différents pays du monde n'est pas sans lien avec celle du transport maritime.

Les accidents de l'Erika et du Prestige ont fait l'objet de deux commissions d'enquêtes de l'Assemblée nationale166. Le premier rapport soulignait qu'« il doit être clairement affiché que si les propositions françaises auprès de l'OMI ne sont pas adoptées dans le cadre d'un processus accéléré, la France se battra pour que l'Union européenne les adopte unilatéralement, à l'image de ce qu'ont fait les Etats-Unis en promulguant l'Oil polution Act. Une telle détermination est indispensable pour que les choses changent enfin. ».

Trois ans après le second rapport se félicitait que la Commission européenne ait proposé deux séries de mesures dénommée « paquets Erika I et II » et prévoyant un renforcement du contrôle de l'Etat du port, un encadrement plus rigoureux des activités des sociétés de classification, une accélération du retrait des pétroliers à simple coque, un renforcement de la surveillance du trafic dans les eaux européennes et la problématique des lieux de refuge et un renforcement de la lutte contre les dégazages et déballastages.

De la même façon, l'Union européenne est maintenant à la croisée des chemins s'agissant du transport aérien et de la protection dont elle entend se doter contre les avions et les compagnies aériennes des pays tiers qui n'auraient pas atteint un niveau suffisant de sécurité.

● Un contrôle des compagnies aériennes des pays tiers

On a vu que l'AESA se prépare à proposer à la Commission européenne, puis aux Etats membres, une extension de ses compétences aux aéronefs des pays tiers qui empruntent les aéroports communautaires. Dans ce but, et en raison des enjeux, l'AESA a lancé un large débat politique : chaque compagnie, chaque industriel, chaque citoyen européen peut développer ses arguments - pour ou contre - et les adresser à l'Agence, par un formulaire internet167. En raison du délai des procédures communautaires, une telle extension pourrait entrer en vigueur en 2006, une fois la proposition de la Commission européenne présentée, vraisemblablement avant la fin 2004, et après un débat d'environ 18 mois au Parlement et au Conseil.

La question est posée depuis longtemps dans le cadre des JAA. M. Georges Rebender, directeur de l'exploitation aux JAA, déclarait ceci devant la mission168 : « Nous avons évoqué la nécessité, pour les autorités de surveiller de façon continue leurs exploitants. Il y a trois façons de faire. La première est de faire pleinement confiance à l'OACI qui a un programme annuel. En effet, elle audite les différents Etats membres mais les résultats de ces audits ne sont pas publics. Seul un rapport résumé est publié.

Mon expérience personnelle, pour avoir, au sein des JAA, visité des pays JAA audités par l'OACI, m'a prouvé que l'on pouvait trouver des situations très correctes sur le papier. Toutefois, au sein de ces audits, la culture sécurité de tous les exploitants est difficile à établir car l'audit se concentre sur deux ou trois exploitants jugés représentatifs. Au titre de la souveraineté inscrite dans la convention de Chicago, la première attitude possible consiste à dire que l'OACI ayant un processus, il faut la laisser faire et essayer d'améliorer ce processus.

La deuxième attitude possible est celle des Américains. Le système américain a un double effet. Le premier se concentre sur l'exploitant. Pour obtenir une licence d'exploitation aux Etats-Unis, il faut passer à travers les fourches caudines de la FAR 129, qui se traduit, dans les faits, par une spécification opérationnelle. [...] Le deuxième effet est que les Etats-Unis inspectent individuellement chaque Etat membre ayant le droit d'assurer un transport régulier sur leur territoire. [...] Le système américain consiste à appliquer au titre de leur souveraineté sur leur territoire, les Etats-Unis ont le droit d'appliquer une procédure technique de qualification de l'exploitant et de l'Etat membre. En fait, les inspecteurs FAA refont la visite OACI pour voir comment les Etats membres délivrent les CTA et exercent leurs responsabilités en matière de surveillance continue.

La voie européenne est originale. Elle s'appuie essentiellement sur l'OACI, complété par les contrôles SAFA. Le programme SAFA, inscrit dans un protocole établi entre l'OACI et le SAFA, se concentre sur l'avion lui-même. [...] Malheureusement, vérifier les pales de fan ne signifie pas que le moteur a une marge d'EGT169 correcte, c'est-à-dire permettant au moteur de fonctionner sur terrain chaud. Je suis très heureux d'apprendre que la Commission européenne semble s'orienter vers une proposition dont j'étais à l'origine en 1994. Il s'agit d'une problématique à dimension politique, mais je pense que dans le monde de l'aviation, nous sommes plusieurs à être convaincus que le principe si vis pacem para bellum est finalement un de ceux qui marchent encore le mieux. ».

Pour M. Claude Probst, de l'AESA, rencontré par votre Rapporteur lors de son déplacement à Bruxelles, il ne s'agit pas de se défier de l'OACI, mais au contraire de pousser cette organisation à renforcer son programme d'audit.

L'idée est que l'AESA puisse contrôler les compagnies aériennes des pays tiers, en se réservant la possibilité de réduire ou de retirer les droits de trafic en cas de manquement grave à la sécurité. L'AESA sait parfaitement que si l'Europe procédait ainsi, elle serait sujette à des mesures de rétorsion de la part de pays tiers qui pourraient réduire ou retirer les droits de trafic des compagnies européennes (Chine...). Ce risque est d'ailleurs souligné par plusieurs Etats membres qui font remarquer que l'Europe est exportatrice nette de services de transports aériens, à la différence notable des Etats-Unis et que l'on pourrait subir des contrôles renforcés des pays tiers sur les avions européens.

Ces critiques sont fondées mais votre Rapporteur estime que la complexité de la situation conduirait paradoxalement à un recours renforcé aux pouvoirs de contrôle de l'OACI ... ce qui était le but poursuivi !

M. François Lamoureux, directeur général « transports et énergie » de la Commission européenne, qui a été entendu lors du déplacement à Bruxelles de la mission, a émis des doutes sérieux sur un contrôle de l'AESA sur les compagnies des pays tiers, en arguant qu'il s'agissait d'une démarche contraire aux règles de l'OACI. Pour lui un Etat de l'OACI ne peut étendre ses contrôles à des compagnies immatriculées dans des pays tiers ; la seule solution pour améliorer la surveillance de ces avions passe par un renforcement des pouvoirs de l'OACI.

Mais l'AESA motive ainsi sa proposition. L'accident de Charm el-Cheikh et d'autres événements tragiques impliquant des compagnies aériennes de pays tiers justifient le contrôle par l'AESA des opérations commerciales dans l'Union européenne des compagnies aériennes de pays tiers, d'autant que les compagnies et les avions de certaines régions du monde (Afrique, Asie, Amérique latine) présentent un taux d'accident beaucoup plus élevé qu'en Europe ou en Amérique du Nord. On a vu que ce type de contrôle n'est pas contraire au principe de souveraineté des Etats

L'AESA propose que la Commission européenne puisse adopter des règles permettant d'assurer la sécurité des avions des pays tiers volant au-dessus du territoire communautaire. Elle propose également de se voir doter de pouvoirs lui permettant de vérifier que les avions des pays tiers ne disposant pas d'un certificat de navigabilité conforme aux règles de l'OACI respectent bien un niveau suffisant de sécurité pour voler au-dessus du territoire communautaire. Enfin, l'AESA, dans sa consultation publique, s'interroge sur le point de savoir si ces contrôles doivent s'appuyer sur la directive SAFA pour l'améliorer, ou bien s'il faut concevoir un dispositif entièrement nouveau ; sa préférence semble aller nettement à la deuxième solution.

S'agissant de l'exploitation des compagnies aériennes, l'AESA tient le même raisonnement. Quand la compagnie aérienne d'un pays tiers dispose d'un certificat de transporteur aérien, rien n'interdit à l'Union européenne de vérifier qu'il remplit les règles de l'OACI. A fortiori quand les dispositions des annexes de l'OACI sont muettes, l'Union européenne est en droit de soumettre les compagnies aériennes des pays tiers aux mêmes exigences que les compagnies européennes. L'AESA propose donc que la Commission européenne puisse adopter des règles concernant l'exploitation des avions de pays tiers volant au-dessus du territoire communautaire. Elle propose également que l'AESA se voie doter de pouvoirs lui permettant d'émettre les autorisations appropriées pour les compagnies aériennes des pays tiers. Cette démarche serait équivalente à la PART 129 américaine qui subordonne, comme on l'a vu, l'exploitation des compagnies aériennes étrangères à une autorisation préalable et au respect préalable de spécifications.

Les responsables de l'AESA, entendus par votre Rapporteur lors de son déplacement à Bruxelles, estiment que ces contrôles pourraient se faire avec un déploiement raisonnable de ressources administratives, le dispositif n'étant pas nécessairement centralisé à l'Agence. Les effectifs actuellement utilisés pour les contrôles SAFA pourraient être redéployés à cet effet. On pourrait également demander aux compagnies des pays tiers la perception de redevances pour financer la certification de leurs avions ou de leur propre certificat. Les administrations nationales et les compagnies de ces pays pourraient aussi accepter de supporter une partie de la charge des vérifications, sous la surveillance des contrôleurs européens.

Accessoirement, un contrôle des compagnies aériennes des pays tiers permettrait de contrôler également les compagnies américaines. En effets la FAA applique la Part 129 aux compagnies de tous les pays étrangers, Europe y compris, ce qui comporte un coût administratif important pour les compagnies européennes, qui doivent se conformer aux JAR OPS en sollicitant leur certificat de transporteur aérien, puis répondre aux exigences américaines. L'inverse n'est pas vrai, les compagnies aériennes américaines certifiées dans leur pays étant automatiquement acceptées en Europe...

Au terme de six mois d'investigation sur la sécurité aérienne, votre Rapporteur est convaincu du bien fondé des propositions de l'AESA en matière de contrôle des avions et des compagnies aériennes des pays tiers.

Proposition : Conférer à l'AESA un pouvoir de surveillance des compagnies aériennes des pays tiers ayant des liaisons aériennes avec l'Europe, à l'instar de la « Part 129 » retenue dans la législation américaine.

● Vers un audit ciblé des autorités de l'aviation civile des pays tiers

Une fois acceptée l'idée de renforcer les contrôles européens sur les aéronefs et les compagnies aériennes des pays tiers, la question se pose de savoir si l'on doit effectuer une forme de contre-expertise de la qualité des autorités de l'aviation civile des pays tiers.

Votre Rapporteur estime qu'il serait dommage que l'Europe s'interdise d'engager une action contre tel ou tel pays tiers pour lequel des éléments concordant laisseraient planer un doute sérieux sur la qualité de son autorité de contrôle de sécurité. Il y a d'abord les pays ou le taux d'accident aériens est très fort. Ensuite l'exploitation des rapports USOAP peut faire apparaître des manquements graves liés au non respect des règles de l'OACI. Par ailleurs, une analyse systématique des inspections SAFA peut identifier des problèmes relatifs aux compagnies ou aux avions d'un pays tiers. L'échange d'informations entre la FAA et l'AESA peut évidemment se révéler extrêmement utile également.

Une autre raison réside dans le fait que les audits IASA ne concernent que les pays ayant des liaisons aériennes avec les Etats-Unis. Cela exclut, de fait, la très grande majorité des pays africains et une grande partie des pays méditerranéens et de l'Europe de l'est, qui sont, au contraire, des destinations naturelles pour les vols européens. L'Europe pourrait ainsi compléter les audits des Etats-Unis par un contrôle des pays douteux dans ces zones.

Au-delà, les Etats-Unis et l'Europe pourraient développer leur coopération en échangeant leurs informations sur les manquements éventuels des autorités de l'aviation civile des pays tiers.

Il s'agit d'envisager la possibilité d'actions ciblées sur un nombre limité de pays pour lesquels les risques sont les plus importants et non la généralisation, en Europe, d'une démarche sur le modèle du programme d'audit IASA des Etats-Unis. Une telle démarche ne serait sans doute pas possible pour des raisons financières, ni souhaitable sans une dynamique politique suffisante parmi les Etats membres. Il faut également éviter la tentation d'un unilatéralisme qui nous déconnecterait des procédures multilatérales de l'OACI.

En cas de doute sérieux, un mécanisme d'alerte pourrait être institué au niveau européen pour comprendre pourquoi l'autorité de tutelle d'un pays n'a pas su faire face à des problèmes de sécurité avérés. L'action entreprise collectivement par l'Europe pourrait consister à demander à l'OACI d'effectuer un audit particulier et immédiat. Ou bien, elle pourrait proposer l'envoi d'une équipe d'experts de l'AESA pour effectuer cet audit. Ce pays resterait évidemment souverain et libre d'accepter ou pas cette démarche. Mais une compréhension intelligente de son intérêt pourrait l'amener à accepter car une telle mission d'audit, financée sur les crédits et moyens européens, lui permettait de bénéficier de notre expertise pour identifier précisément ses lacunes. L'Europe devrait parallèlement proposer une assistance et une coopération, avec une aide financière adaptée, pour montrer qu'il ne s'agit pas d'une sanction.

Mais la gestion du risque étant, selon le principe de souveraineté de la convention de Chicago, de la responsabilité de chaque Etat, les pays d'Europe pourraient indiquer à cet Etat que s'il refusait une telle démarche, ses droits de trafic pourraient être gelés, réduits ou même supprimés.

Proposition : Donner pouvoir à l'AESA pour que l'Union européenne puisse auditer, de façon ciblée, les autorités de l'aviation civile des pays tiers qui soulèveraient des doutes sérieux s'agissant de la qualité de leur système de surveillance de la sécurité.

3.- La labellisation des compagnies aériennes des pays tiers ?

Le renforcement des contrôles communautaires que votre Rapporteur appelle de ses vœux, devrait être utilement complété par la labellisation des compagnies aériennes, annoncée le 7 juin dernier, par M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

A la suite du drame de Charm el-Cheikh, à l'origine du décès de 148 passagers, dont 135 français, le gouvernement a, en effet, créé, le 7 janvier dernier, un « groupe de travail », associant des professionnels du voyage, les administrations du tourisme et de l'aviation civile, dont la mission était de définir les modalités d'un label de sécurité applicable aux compagnies aériennes et de proposer des solutions en vue d'améliorer l'information apportée aux passagers.

Lors de son audition170, le ministre a rappelé, en ces termes, la mission impartie au groupe de travail « label » : « Comme vous le savez, j'ai, à la suite de cet accident, pris immédiatement un certain nombre de décisions.

La première a été la création d'un groupe de travail sur le label et la transparence dont l'objectif est de répondre à deux questions précises : la première question porte sur le sentiment des passagers qu'il existe de fortes disparités dans la manière dont les Etats et les compagnies s'acquittent des règles de sécurité et de leurs contrôles. Les règles de la convention de Chicago, les fameuses « normes et pratiques recommandées internationales en matière de sécurité », sont inégalement appliquées par les compagnies et inégalement contrôlées par les Etats.

La seconde question, porte sur les moyens d'améliorer l'information des passagers aériens français qui ont acheté leur billet à un voyagiste français, et qui empruntent des compagnies aériennes, parfois sans en connaître l'identité ».

Sur la base des conclusions de ce groupe de travail, M. Gilles de Robien a annoncé le 7 juin 2004, dans le cadre d'une communication en Conseil des ministres, plusieurs décisions permettant l'amélioration des conditions de sécurité, de qualité et de transparence des voyages aériens.

a) Un double objectif : améliorer la sécurité des vols et renforcer l'information des passagers

● Améliorer la sécurité des vols

Afin de répondre au sentiment des usagers d'une sécurité « à géométrie variable » selon les compagnies et selon les pays, le ministre a proposé la mise en place, dès 2005, d'un label des compagnies. Ce label permettra de signaler les compagnies aériennes, régulières ou charter, qui offrent les meilleures garanties en termes de sécurité et de professionnalisme et débouchera sur une « liste bleue » des compagnies aériennes.

Lors de son audition par la mission, le ministre a souligné la « valeur ajoutée » de ce label, notamment au regard de l'établissement d'une « liste noire » des compagnies : « [Une liste noire] telle qu'elle est conçue dans certains pays, [...] ne répond pas exactement aux attentes des passagers. Elles comportent des noms de compagnies qui ne sont pas recommandées pour des raisons autres que la sécurité. Or si nous faisions de même, nous exclurions certaines compagnies définitivement.

Le label, lui, est une certification ; les avions doivent répondre à un certain nombre de critères et renouveler leur label tous les deux ans. Il me semble qu'il s'agit d'une exigence positive supplémentaire - j'ai parlé tout à l'heure de valeur ajoutée. Je rappelle aussi que le label s'adressera non pas seulement aux compagnies charters, mais également aux compagnies régulières ».

Le label sera délivré par des organismes de certification agréés - il existerait, selon le ministre, 40 cabinets mondiaux susceptibles de répondre à cette mission - sur la base d'un « référentiel » de certification réalisé par un organisme indépendant et agréé de contrôle.

L'élaboration de ce référentiel sera effectuée de la manière suivante, comme l'a indiqué le ministre devant la mission :

« Un organisme indépendant et agréé de contrôle sera chargé de proposer, avant la fin de cette année 2004, un référentiel de certification portant sur la sécurité et la qualité des compagnies aériennes. Sur la base des principaux standards déjà utilisés, le référentiel intégrera les audits et les certifications qui existent déjà, de manière à simplifier et assurer la réussite de cette démarche. Ce référentiel, dont nous financerons la création, sera public et accessible à tous.

La partie sécurité du référentiel s'appuiera évidemment sur les annexes 6 et 1 de la convention de l'OACI. Pour les Etats de l'Union européenne et pour les transporteurs, dont le certificat a été délivré par des Etats ayant des accords techniques bilatéraux avec la France, l'aspect sécurité du label sera considéré comme acquis.

La partie qualité du référentiel, devra, elle, être centrée sur des éléments de nature à rassurer les passagers sur l'état général de l'appareil, la qualité de service et d'accueil, et les procédures de gestion d'incidents, de crise. Le référentiel qualité doit aussi permettre également de vérifier que les transporteurs aériens sont assurés, conformément à leurs obligations.

Ce référentiel, une fois connu et publié au Journal officiel, au plus tard au premier trimestre 2005, permettra à chaque voyagiste de demander à ses compagnies partenaires de se faire auditer par un cabinet accrédité pour obtenir la certification et donc le label ».

Le label, valable deux ans, sera à la charge des compagnies aériennes et répondra à une démarche volontaire. Le ministre a considéré, lors de son audition par la mission, que le caractère volontaire du label ne constituait pas un obstacle à la démarche : « Je suis convaincu que les compagnies qui feront cette démarche seront rapidement suivies par de nombreuses autres, compte tenu de l'impact commercial positif de ce label à l'égard du public ».

La labellisation des compagnies aériennes est appelée à déboucher sur une « liste bleue » des compagnies. Celle-ci sera établie annuellement par l'organisme certificateur, sur la base des rapports d'audits et au fur et à mesure des certifications. L'organisme certificateur sera donc responsable, à la fois, de l'élaboration du référentiel « sécurité et qualité de service » et de la délivrance du label. Cette liste bleue sera rendue publique et accessible sur Internet.

Interrogé sur cette question par votre Rapporteur, le ministre a précisé que la question de la publication des audits à l'origine de la délivrance ou non du label n'était pas tranchée.

Cette démarche de labellisation - pour l'instant purement française - est appelée, selon le ministre, à être reprise au niveau européen. A cette fin, la France présentera son projet lors du conseil informel des transports d'Amsterdam début juillet 2004. Le ministre entend bien que « cette démarche [française] de certification puisse aboutir un jour sur une norme européenne ».

● Renforcer l'information des clients

Afin de répondre au second sujet de préoccupation mis en exergue par le drame de Charm el-Cheikh, qui est le manque d'information des passagers sur les compagnies utilisées, le Gouvernement a obtenu des professionnels du secteur du tourisme l'engagement de communiquer à leurs clients, au moment de l'achat d'un produit, le nom et l'origine des compagnies qui vont les transporter, ainsi que la certification éventuelle dont elles auront fait l'objet. Ces éléments d'information devraient figurer dans les catalogues de vente des voyagistes.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme, a précisé devant la mission171 que : « L'engagement des voyagistes ou des compagnies devra aussi couvrir le cas particulier des partages de code, des affrètements ou des modifications de dernière minute ; tout devra être mis en œuvre pour que le client soit informé de ce changement et du nom de la nouvelle compagnie le transportant ».

Cette politique de transparence accrue à l'égard des passagers relèvera, dans un premier temps, du domaine de la recommandation. Les professionnels français du tourisme ont, à cet égard, pris l'engagement de faire figurer, dès l'automne prochain, dans leurs brochures, la liste des compagnies aériennes avec lesquelles ils travaillent, et de porter à la connaissance du client le nom de la compagnie qui le transportera, notamment dans le cadre des voyages à forfait.

Au-delà d'une période maximum de deux ans, cette recommandation constituera une obligation juridique pour le voyagiste, comme pour l'agent de voyages.

Cette démarche d'informations du client est également appelée, dans l'esprit du gouvernement, à être étendue à l'ensemble de l'Union européenne. Comme l'a indiqué M. Léon Bertrand, lors de son audition, « la France ne peut, à terme, être le seul pays à mettre en place un dispositif de cette nature, si l'on veut éviter des distorsions de concurrence préjudiciables à nos professionnels. Il convient donc que le plus rapidement possible une démarche européenne d'ensemble vienne traduire, par une directive, un niveau d'exigence commun pour l'ensemble des pays de l'Union, voire de façon internationale ».

Votre Rapporteur se félicite de la démarche de labellisation des compagnies aériennes entreprise par le gouvernement.

b) Une plus-value indéniable en terme de transparence

Le label constitue, très clairement, une « valeur ajoutée » en termes de transparence pour l'usager, comme l'a souligné M. Gilles de Robien lors de son audition par la mission : « Le rapport prévoit que les voyagistes s'engagent à améliorer cette transparence, concernant notamment les conditions pratiques, les composantes du voyage, l'information sur le nom et l'origine du transporteur effectif, y compris s'il y a un partage de code, un affrètement ou un changement de compagnie - que ce soit la veille ou 15 jours avant le départ ».

Le label apportera à l'usager une information sur le nom de la compagnie qui le transporte, sa nationalité et sa certification, information dont il ne dispose pas actuellement, notamment en cas d'affrètement d'une compagnie étrangère par un tour opérateur.

Il est en effet extrêmement facile pour un tour-opérateur d'affréter une compagnie de pays tiers et cela, sans même que les passagers soient informés des risques qu'ils encourent pour leur sécurité. A la différence des compagnies aériennes172, un tour-opérateur a la faculté d'affréter une compagnie de pays tiers, sans avoir à respecter des critères techniques précis. Seuls des critères commerciaux s'imposent à lui.

Or, pour certaines destinations « exotiques », les tour-opérateurs affrètent essentiellement des compagnies locales. Selon M. Serge Martinez, membre du SNPL173, 70 % des passagers français à destination de l'étranger auraient recours à des compagnies étrangères, dont la moitié relèveraient de l'espace et donc des normes JAA. Autrement dit, 35 % des Français voyageraient sur des compagnies de pays tiers. Votre Rapporteur ne connaît toutefois pas l'importance des vols affrétés par des tours opérateurs au sein des vols relevant des compagnies de pays tiers.

Désormais, grâce au label, le client sera informé du nom de la compagnie utilisée et - théoriquement - du degré de sécurité qu'elle offre.

c) Un apport incertain en terme de sécurité

La « plus-value » du label en terme de sécurité des vols suscite, en revanche, quelques interrogations :

● Les compagnies des pays tiers accepteront-elles de se faire labelliser pour avoir accès au marché français ?

En théorie, chaque voyagiste français pourra demander aux compagnies aériennes partenaires de se faire auditer, en vue d'obtenir le « label sécurité ». Cet audit étant à leur charge, les compagnies accepteront-elles « de jouer le jeu » ? Cela suppose que le poids des touristes français à l'étranger soit tel pour la compagnie concernée que la perte de ce débouché hypothèque la vie économique du pays concerné...

Or, seulement 10 % de la population française part à l'étranger par le biais d'un agent de voyage et les tours opérateurs français sont d'un faible poids au regard des tours opérateurs allemands, anglais, hollandais ou scandinaves.

Cette critique a d'ailleurs été acceptée par M. Bruno Fareniaux, directeur du tourisme, lors de son audition par la mission174, qui a admis que : « sur un certain nombre de destinations, notre poids économique en terme de clientèle ne serait pas suffisant pour modifier de façon extrêmement efficace la position, soit des Etats, soit des compagnies pour les inciter à accepter ce principe de labellisation et d'audit à leur frais. [...] Une pression doit aussi être exercée sur les compagnies elles-mêmes en arguant du nombre de clients, lequel peut justifier le recours à un audit. Mais il est vrai que, si nous prenons le marché de l'Afrique ou du Moyen-Orient, nous ne sommes pas les premiers sur ces destinations, parce que le Français n'est pas un aussi grand voyageur que l'Allemand, le Britannique ou le Scandinave ».

Compte tenu du poids économique des tour-opérateurs d'Europe du Nord, un label des compagnies de pays tiers ne sera donc réellement applicable et appliqué que s'il s'inscrit dans un contexte européen.

La dimension européenne de la question du label a également été soulignée par M. Bruno Fareniaux, lors de son audition par la mission :

« Il me semble possible d'améliorer clairement la sécurité au travers de ce système d'audit, à une condition : que la France ne soit pas isolée. Nous n'avons pas les moyens d'être arrogants vis-à-vis des compagnies de « bout de ligne » c'est-à-dire, par exemple, la compagnie qui assure la liaison Louxor/Abou Simbel. A défaut d'une volonté unanime des professionnels étrangers, qui sont les leaders européens ou mondiaux des tour-opérateurs, de nous accompagner dans notre démarche, notre poids économique sera insuffisant pour exiger le respect des règles incombant aux Etats chargés d'organiser ces contrôles et des règles commerciales. [...] C'est pourquoi, au-delà du label qui est un outil pédagogique, il faut surtout établir ces listes et faire jouer deux moyens de pression : un moyen de pression entre Etats, qui ne sera pas facile à mettre en œuvre, et une pression économique nouvelle qui imposerait aux compagnies de se mettre en conformité et d'accepter des audits pour travailler avec la clientèle européenne. Ces audits seraient conduits par des compagnies externes, sur la base d'une liste d'entreprises agréées par les gouvernements européens ».

● Quelle sera la plus value du label en terme de sécurité ?

Les critères retenus pour la labellisation seront les normes édictées par les annexes 1 et 6 de l'OACI. Comme le ministre Gilles de Robien l'a souligné lors de son audition par la mission175 :

« Que trouvera-t-on dans ce référentiel ? L'OACI, tout l'OACI, mais également des aspects qualitatifs et la nécessité d'une complète transparence ».

Les annexes 1 et 6 de l'OACI sont d'ores et déjà supposées être appliquées, chaque autorité de l'aviation civile devant veiller au respect de ces normes.

Certes, les travaux de la mission ont permis de constater que l'application effective des normes OACI est loin d'être satisfaisante. Mais un renforcement de la sécurité dans le transport aérien passe-t-il par une surveillance accrue des compagnies ou par un renforcement des contrôles sur les autorités de l'aviation civile concernées ? Si les annexes 1 et 6 de l'OACI ne sont pas, dans tel ou tel pays, respectées, la responsabilité en incombe-t-elle à la compagnie ou à l'autorité de l'aviation civile concernée ? N'est-il pas plus efficace, en terme de sécurité, de contrôler les autorités de l'aviation civile, afin de mesurer le degré de transposition effective des normes de l'OACI plutôt que les compagnies ?

Il convient de souligner, à cet égard, que la délivrance du label n'aura de valeur qu'à l'instant précis de sa délivrance, et ce, tout particulièrement si les autorités de l'aviation civile sont défaillantes pour veiller au respect des normes édictées par l'OACI.

● Que se passera-t-il en cas d'accident d'une compagnie relevant de la liste bleue ?

La convention de Montréal176 du 28 mai 1999, en vigueur depuis le 4 novembre 2003, a posé le principe d'une responsabilité illimitée du transporteur et renforcé les niveaux d'indemnisation fixés par la convention de Varsovie de 1929, modifiée par le protocole de La Haye de 1955.

Un transporteur aérien ne peut donc s'exonérer de sa responsabilité, sauf à prouver soit que le dommage n'est pas dû à sa négligence ou autre acte ou omission préjudiciable, soit que le dommage résulte uniquement de la négligence ou d'un acte ou omission préjudiciable d'un tiers.

En cas d'accidents d'une compagnie labellisée, celle-ci ne sera-t-elle pas tentée de s'exonérer de sa responsabilité juridique, en mettant en avant celle de l'organisme qui aura délivré le label ?

Le problème de la responsabilité en cas d'accident constitue d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles M. François Lamoureux, directeur général « transports et énergie » de la Commission européenne, a fait part à votre Rapporteur de ses réticences à l'égard d'une « liste bleue », lui préférant celle d'une « liste noire ».

Interrogé sur cette question lors de son audition par la mission177, M. Gilles de Robien, a souligné au contraire, qu' « en ce qui concerne la responsabilité, le groupe de travail a procédé à des consultations juridiques. Il en ressort que l'obtention du label par une compagnie aérienne ne paraît pas pouvoir constituer en cas d'accident une cause exonératoire en matière de responsabilité, quand bien même l'ensemble des critères nécessaires à son obtention aurait été respecté. En revanche, le non-respect par une compagnie titulaire du label d'une obligation contenue dans le référentiel pourrait constituer un facteur aggravant ».

Au-delà même de la question de la responsabilité juridique du transporteur aérien, il y a fort à parier qu'un accident sur une compagnie labellisée, dont on ne peut rejeter l'éventualité, ruinerait définitivement la crédibilité de cette démarche.

B.-  L'OACI DOIT AFFIRMER SA FONCTION DE SUPERVISION GLOBALE DE LA SÉCURITÉ AÉRIENNE

1.- Le renforcement permanent des normes internationales

L'OACI est engagée dans un processus permanent de renforcement de ses règles de sécurité, au fur et à mesure de l'apparition de problèmes nouveaux et surtout de l'évolution de la technologie. On a vu que l'adaptation de ces règles ne pose pas de problème, un consensus ayant été réuni pour les faire évoluer.

Votre Rapporteur rappelle cependant que les règles de l'OACI sont toujours des minima, et que les règles américaines et européennes vont largement au-delà. Il y a donc peut-être, à terme, un changement structurel à apporter en fixant le niveau effectif de sécurité auquel tous les Etats devraient réellement se conformer. La plupart des organismes internationaux ayant un rôle de normalisation fonctionnent de cette façon. Il y va de l'harmonisation des règles au niveau international...

Vote Rapporteur estime par ailleurs que le processus habituel d'adoption des normes à l'OACI est trop long - de l'ordre de 5 ans entre la proposition initiale et l'adoption -, d'autant que dans certains cas l'OACI a su réagir plus vite. Ainsi, après l'accident du Mont Sainte-Odile, les appareils d'indication de proximité au sol ont été rendus obligatoires en moins d'un an. Le même délai suffit pour rendre obligatoire les portes blindées des cockpits, après les attentats du 11 septembre 2001.

Un groupe de travail fonctionne actuellement sur la question, délicate mais essentielle, des temps de vol. Le sujet fait l'objet d'oppositions multiples et de rivalités entre les Etats et les compagnies aériennes, qui s'y opposent. Mais, les contacts de votre Rapporteur avec le secrétariat de l'OACI, lors du déplacement à Montréal, permettent de penser que la situation pourrait se débloquer à l'échéance d'un an. Il y va de la crédibilité de l'organisation.

2.- Une meilleure mise en œuvre des normes internationales

● Le problème des moyens financiers

Le secrétaire général de l'OACI, rencontré lors du déplacement de la mission à Montréal, a indiqué que le budget triennal de l'OACI est d'un peu moins de 200 millions de dollars US. Votre Rapporteur estime qu'il s'agit d'un montant très modeste eu égard aux responsabilités de cette organisation. En outre le budget est établi en dollars US, alors que la plus grande partie des dépenses sont payées en dollars canadiens, ce qui, avec la baisse actuelle du dollar US, entraîne un déficit important.

La Commission européenne, dans sa communication de 2001, faisait un constat sans appel sur la relation directe entre l'efficacité de l'OACI et les moyens dont elle dispose : « l'OACI intensifiera et élargira ses activités de vérification du degré d'application des SARPs. Toutefois, les décisions prises jusqu'ici n'ont pas permis d'établir un cadre efficace pour veiller à ce que les Etats se conforment réellement et de manière uniforme aux engagements qu'ils ont pris au sein de l'OACI. Bien que l'OACI soit obligée de mettre en place une évaluation obligatoire de la façon dont les Etats contractants appliquent les SARPs, comme ils se sont engagés à le faire, elle n'a aucun pouvoir juridique pour les obliger à accepter les contrôles et les inspections nécessaires. Elle doit donc conclure avec chaque Etat un accord bilatéral sur une base volontaire ; par conséquent, l'USOAP reste véritablement un programme à caractère volontaire. » La Commission reconnaît également qu' « il est envisagé de développer USOAP pour couvrir toutes les SARP en matière de sécurité [...] mais cela se fera en temps voulu et sous réserve des contraintes budgétaires ».

● Le problème du pouvoir d'injonction

L'OACI est une organisation internationale qui n'a pas le pouvoir d'imposer à ses pays membres le respect des règles qu'elle édicte. Même si cette situation est plutôt classique dans le cadre des organisations de l'ONU, elle pose le problème de la crédibilité de l'organisation, alors que son principe de fonctionnement est celui de la responsabilité des Etats et de la reconnaissance mutuelle.

Les instances de l'OACI se sont penchées à plusieurs reprises sur cette question, qui a toujours buté sur l'opposition des pays en développement à tout système de sanction, au motif qu'ils seraient pénalisés pour le non respect de règles qu'ils n'ont pas les moyens d'appliquer. Là réside la faiblesse du programme USOAP de l'OACI par rapport au programme IASA des Etats-Unis, qui utilise en permanence la pression du retrait des droits de trafic.

● L'aide et l'incitation

Par contre, la démarche du programme d'audit USOAP repose sur une dynamique volontaire et participative qui pourrait permettre une avancée en la matière. Le secrétariat de l'OACI, en liaison avec les commissions compétentes composées de représentants de pays membres, prépare actuellement une « stratégie unifiée pour résoudre les carences en matière de sécurité » ; l'objectif, soutenu par le gouvernement français, est d'aboutir à une adoption de cette mesure lors de la prochaine assemblée de l'OACI, en septembre 2004.

Il s'agit d'une démarche d'aide et d'incitation. Le secrétariat de l'OACI constate que les 134 rapports de suivi font apparaître une nette progression des Etats dans la mise en œuvre de leurs plans d'action correctrice. Cependant, il note avec préoccupation que certains pays audités n'ont pas avancé de façon satisfaisante. Près de 25 % des pays audités éprouvent des difficultés en ce qui concerne les règlements d'exploitation, le personnel qualifié technique, et la résolution des problèmes de sécurité. Encore plus grave, 8 pays n'ont pas soumis de plan d'action correctrice depuis leur premier audit.

● Une meilleure transparence

Dans le projet de résolution adopté en juin 2004 par le conseil de l'OACI sur la « stratégie unifiée de résolution des carences en matière de sécurité », il est proposé qu'une « plus grande transparence et une divulgation accrue soient assurés dans la communication des résultats des audits ». A la communication des rapports sommaires non confidentiels aux Etats membres s'ajouterait la diffusion, par un site Internet sécurisé, de renseignements supplémentaires (visites sur aire de trafic ou comptes-rendus d'accidents ou d'incidents). Le secrétariat de l'OACI note que l'on pourrait ainsi détecter les carences en matière de sécurité et prendre des mesures appropriées à l'égard de certaines compagnies aériennes, par exemple en limitant l'accès à leur espace aérien. La transparence est un élément essentiel pour assurer la sécurité des vols, partout dans le monde.

Votre Rapporteur soutient évidemment ces efforts vers plus de transparence. Il estime que cette démarche doit aboutir, à terme rapproché, à une diffusion plus large des rapports sommaires USOAP et des informations contenues dans les rapports détaillés, sous une forme qui reste à déterminer. On pourrait ainsi, comme le propose le projet de résolution, publier des informations relatives à la sécurité sur Internet, ainsi les relevés de différences par rapport aux normes de l'OACI. On pourrait également publier tous les rapports sommaires USOAP, et communiquer aux gouvernements les rapports complets.

● Pour un système d'alerte

Certains pays de l'OACI, dont la France, souhaitent davantage qu'une meilleure transparence. Le Royaume-Uni a récemment suggéré que l'OACI puisse suspendre l'activité des compagnies aériennes des pays qui ne parviennent pas à atteindre un niveau acceptable de conformité aux règles de l'OACI. Des pays comme l'Ethiopie et l'Afrique du Sud ont réagi violemment à ces propositions et à toute mesure de stigmatisation des pays, comme l'établissement d'une liste noire ou la suspension des vols.

Le système permettrait pourtant au conseil de lancer un avertissement solennel et public aux pays qui tarderaient à améliorer leur situation. Chaque Etat de l'OACI pourrait en tirer les conséquences pour son propre compte, éventuellement en réduisant ou supprimant les droits de trafic de ce pays. Ce sujet est bien entendu extrêmement sensible, les pays en développement ayant accepté les audits sous la double condition qu'ils ne débouchent en aucune manière sur des sanctions et qu'ils bénéficient de l'assistance des autres pays, sous forme de coopération technique ou de financements.

Votre Rapporteur est favorable à la création d'une procédure d'alerte par le biais d'une action diplomatique collective contre le ou les Etats qui n'auraient pas pris les mesures correctrices. Faute de réaction dans un délai raisonnable, le conseil de l'OACI pourrait envisager de publier le rapport complet du pays concerné.

Pour être acceptable par les pays en développement, cette démarche devrait toutefois s'accompagner d'actions de coopération et d'assistance.

Proposition : Veiller à une application effective des règles de l'OACI :

- en instaurant une plus grande transparence des rapports d'audits sommaires et des rapports complets de l'OACI relatifs à la supervision de la sécurité aérienne, l'OACI devant faire l'objet d'une augmentation de ses moyens afin d'être en mesure d'effectuer un suivi plus rapide de l'évolution de cette question ;

- en introduisant un mécanisme d'alerte à l'encontre de tout pays en situation de manquement grave ;

- en engageant une réflexion en vue de réviser la convention de Chicago, afin de permettre l'utilisation et le renforcement de dispositifs visant à assurer une application effective des règles de l'OACI.

3.- Pour une coopération et une assistance renforcées

On ne peut se montrer plus sévère que si l'on se donne les moyens d'être plus généreux.

Votre Rapporteur souligne - pour le regretter - le refus, presque avoué, des Etats-Unis de s'investir financièrement dans des actions de coopération en matière d'aviation civile. Le représentant du Congrès que la mission d'information a rencontré à Washington s'est montré favorable à une coopération technique, mais pas financière.

On notera que certains pays en développement, comme l'Inde, ont suggéré une concertation avec les institutions financières internationales visant à l'octroi de prêts à taux d'intérêt réduit. Par ailleurs, les pays du Sud indiquent qu'ils n'accepteront une plus grande transparence que si le volet assistance est sensiblement renforcé.

a) L'effort de coopération de l'OACI

La coopération technique de l'OACI a débuté, dès après sa création, en 1949, avec un programme d'assistance technique amplifiée (TAAP). En 1965, l'assemblée générale des Nations unies a créé le PNUD (programme des Nations Unies pour le développement) en y incorporant le TAAP, avec un fonds spécial affecté. A la suite de critiques relatives à l'efficacité des fonds ainsi presque totalement dépensés, l'action de coopération a été reformulée et le PNUD s'est retiré presque totalement de cette action.

Les actions de coopération s'articulent maintenant autour du renforcement des institutions (organisation administrative), des transferts de technologie et des infrastructures et services (aéroports, industrie aéronautique, entretien préventif). Les missions d'expertise sont de durée très variable, de deux semaines à deux ans...

Parallèlement au programme USOAP, l'OACI a été chargée de la mise en place de projets d'assistance technique contribuant à apporter des solutions aux carences ainsi identifiées par des audits, les COSCAP178. De nombreux programmes COSAP ont été lancés dans des pays de la CEI, d'Amérique latine, d'Afrique, d'Asie... Il s'agit d'une démarche participative associant les Etats fournisseurs d'assistance et les Etats bénéficiaires, avec une dimension régionale ou sous-régionale.

Actuellement, du fait de l'insuffisance des fonds de l'OACI, les Etats demandeurs doivent en grande partie financer leurs missions. La Banque mondiale et les banques régionales participent au financement, mais le PNUD, qui finançait jusqu'à 50 % de la coopération de l'OACI, n'en finance plus que 5 %.

Le budget de coopération de l'OACI est de l'ordre de 200 millions de dollars US en 2004. Il et ne s'impute pas sur le budget ordinaire de l'organisation.

Créé en 2002 par l'OACI, le Fonds international de facilitation pour la sécurité de l'aviation civile (IFFAS179) a pour objectif d'aider les Etats qui en ont le plus besoin à pallier les carences mises en évidence lors des audits de supervision.

Les moyens financiers sont toutefois limités. Les contributions reçues au titre de l'IFFAS à la fin de l'année 2003 s'élevaient à 1,6 million de dollars US... à comparer aux 200 millions du budget de coopération annuel de l'OACI. On notera toutefois avec satisfaction que c'est le gouvernement français qui apporte la contribution la plus importante à l'IFFAS.

Une recommandation, en cours de négociation, sera présentée à la prochaine assemblée de l'OACI en septembre 2004, qui « demande instamment aux Etats d'envisager de participer à l'IFFAS en accordant volontairement à cette facilité des contributions financières ou autres. » Elle « encourage fortement les organisations internationales privées ou publiques qui sont reliées à l'aviation internationale, les compagnies aériennes, les aéroports, les fournisseurs de service de navigation aérienne, les constructeurs de cellules, de moteurs et d'avionique, les autres membres de l'industrie aérospatiale et la société civile à faire volontairement des contributions financières ou autres à, l'IFFAS. ».

Il a été question de financer l'IFFAS par une taxe d'1 dollar US par passager, mais cette initiative s'est heurtée à la ferme opposition de bon nombre de pays industrialisés, Etats-Unis en tête. Ces Etats n'ont en effet accepté la création de l'IFFAS qu'à la condition que son financement soit volontaire et indépendant du budget général de l'OACI. Votre Rapporteur estime que le projet pourrait mûrir et revenir utilement sur la table des négociations.

Proposition : Renforcer la coopération technique en faveur des pays qui présentent, en raison de l'insuffisance de leurs moyens, des carences en matière de sécurité aérienne et poursuivre la réflexion engagée en vue d'accroître les moyens financiers de l'OACI, afin de lui permettre d'amplifier son programme de coopération et d'assistance technique.

b) La piste prometteuse du renforcement de la coopération régionale

Le recours à la coopération technique dans un cadre régional constitue certainement une voix prometteuse.

Partant du constat que de nombreux pays en développement n'ont pas les ressources ni les moyens pour constituer des organes de supervision de la sécurité, l'OACI s'engage actuellement vers un soutien aux initiatives régionales, dénommées COSCAPs. Dans ce cadre, la préférence devrait être donnée aux programmes de coopération au niveau régional ou sous-régional.

Créée par le Général de Gaulle en 1959, l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) regroupe 16 pays africains francophones, plus la France. Elle assure la circulation aérienne pour le compte de ces Etats. Une Ecole africaine et malgache de l'aviation civile (EAMAC) a été constituée à Niamey.

La compétence de l'ASECNA se limite actuellement à la gestion du trafic aérien mais le directeur de l'ASECNA a informé votre Rapporteur des projets d'extension de ses pouvoirs au sein d'une « Autorité africaine et malgache de l'aviation civile » (AAMAC), créée en décembre 2001. La DGAC collabore aux travaux des autorités africaines et malgaches de l'aviation civile qui ont pour vocation d'adopter et de faire appliquer une réglementation cohérente en matière de sécurité au sein des 15 Etats membres africains. Cinq groupes de travail ont été mis en place en 2002, animés, pour deux d'entre eux, par des experts de la DGAC.

La libéralisation du transport aérien en Afrique a entraîné une baisse du niveau de sécurité, comme le montre le taux d'accidents qui est le plus élevé du monde : avions récupérés du bloc soviétique, administrations corrompues qui ne font pas leur travail de contrôle de la sécurité. L'existence de l'ASECNA a permis de conserver une qualité de gestion du trafic aérien qui est nettement supérieure à ce qui se fait dans les autres parties de l'Afrique.

D'autres initiatives régionales sont en cours, comme :

- le Système régional de coopération pour la supervision de la sécurité opérationnelle (SRVSOP) de la Commission latino-américaine de l'aviation civile ;

- le Système régional de supervision de la sécurité de l'aviation (RASOS) des Caraïbes ;

- l'Agence pour la sécurité aéronautique en Amérique centrale (ACSA). Dans ce dernier cas, des règlements communs ont été adoptés et un groupe régional restreint d'inspecteurs qualifiés dans le domaine des opérations aériennes et de la navigabilité exécute les fonctions d'inspection de la sécurité des vols au nom des Etats.

Proposition : Encourager les regroupements régionaux de supervision de la sécurité aérienne, afin de permettre la mise en commun des moyens consacrés à la sécurité, en particulier dans les pays en développement qui connaissent des difficultés de ressources, à l'instar de l'ASECNA (Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar) et de l'AAMAC (Autorité Africaine et Malgache pour l'Aviation Civile) en Afrique.

c) Des efforts de coopération qui doivent être relayés à tous les niveaux

● Les programmes de coopération gérés par la Commission européenne au nom de l'Union européenne

La Commission européenne reconnaît, dans sa communication de 2001 sur la sécurité aérienne, que « le retour des Etats à la conformité complète avec les normes internationales est un exercice beaucoup plus coûteux que l'évaluation, et une assistance financière et technique internationale est presque toujours nécessaire pour atteindre cet objectif. [...] La Commission estime par conséquent que la Communauté et ses Etats membres devraient eux-mêmes jouer un rôle beaucoup plus actif et utiliser une partie des importantes ressources qu'ils allouent à l'assistance technique aux pays en développement pour soutenir l'amélioration de la sécurité aérienne. [...] La Commission envisage une nouvelle approche pour veiller à ce que les fonds soient utilisés efficacement pour assurer la complémentarité de différentes actions menées dans le même but par toutes les parties intéressées. ».

L'objectif est donc d'augmenter les moyens et de s'assurer d'une meilleure coordination des actions d'assistance et de coopération à tous les niveaux (international, européen, national, industrie...).

Lors du déplacement de la mission à Bruxelles, M. François Lamoureux, directeur général « transports et énergie », a présenté l'action de la Commission européenne en matière de coopération aérienne, en soulignant son objectif général : apporter une assistance technique à certains pays tiers rencontrant des difficultés particulières pour appliquer les normes et pratiques définies dans le cadre de l'OACI.

L'objectif principal est, bien sûr, la protection des passagers transportés et celle des populations survolées. Mais ces actions ont aussi un impact positif sur l'expansion du transport aérien et, par ce biais, sur la croissance et l'intégration économique des pays en développement qui en bénéficient.

Pour la Commission européenne, la réglementation en matière de sécurité aérienne a en outre des implications directes sur la compétitivité de l'industrie aéronautique. L'utilisation des normes européennes, particulièrement strictes, évite que l'industrie de l'Union soit placée dans une situation défavorable. En outre, la coopération internationale prépare et facilite la conclusion d'accords de reconnaissance mutuelle des mesures liés à la réglementation de la sécurité aérienne.

Un premier axe d'intervention de la Commission européenne vise à renforcer le rôle central de l'OACI en contrôlant l'application des règles de sécurité édictées par cette organisation. La Commission apporte un soutien technique et financier - à ce jour, de près de 3 millions d'euros - à ces projets en Asie du Sud, Asie du Sud Est et Asie du Nord et, plus récemment, en Afrique occidentale et australe et en Amérique du Sud.

Au-delà, les projets doivent permettre une véritable harmonisation réglementaire et le partage des ressources en matière d'inspection grâce à la création de structures communes pour les activités de surveillance aérienne au niveau régional.

On notera que, dans le cadre de ces actions coordonnées par l'OACI, la Commission a jusqu'à présent activement collaboré avec les JAA pour faire prévaloir l'interprétation européenne des SARP et promouvoir ses propres normes, standards et procédures.

La Commission soutient enfin l'OACI dans ses efforts pour élargir le nombre de pays bénéficiaires mais aussi pour étendre les secteurs d'activités couverts (la certification des aéronefs, l'agrément des organismes chargés de la maintenance et des exploitants, l'octroi des licences du personnel mais également d'autres domaines comme la sécurité du contrôle aérien et des infrastructures aéroportuaires).

Si la Commission européenne reconnaît à l'OACI une expertise et une légitimité particulières en matière d'assistance technique, elle considère que, pour les pays tiers qui se sont engagés à appliquer des normes européennes plus strictes ou qui souhaitent développer des liens privilégiés avec l'Union européenne, elle a vocation à intervenir directement. Sur ce point, elle bénéficie de l'appui des JAA et d'Eurocontrol et disposera bientôt de compétences techniques renforcées, grâce à l'AESA.

La Commission a ainsi apporté une assistance technique importante à l'ensemble des pays candidats à l'adhésion dans leurs efforts de reprise de l'acquis communautaire (en particulier en matière d'organisation des autorités de l'aviation civile, d'inspection et d'octroi des licences et agréments). Des projets transnationaux, dont certains centrés sur des Etats rencontrant des difficultés particulières (comme Chypre ou l'Estonie), ont été récemment financés par le programme communautaire PHARE (aide économique de pré-adhésion aux pays d'Europe centrale et orientale).

De la même façon, la Commission a soutenu un projet en faveur de l'autorité de l'aviation civile de Bosnie-Herzégovine et lance actuellement un programme d'assistance technique couvrant à la fois la surveillance de la sécurité des aéronefs et de leur exploitation et la gestion du trafic aérien en faveur de l'ensemble des cinq Etats des Balkans (5 millions d'euros).

La Commission alloue également une partie des importantes ressources financières qu'elle consacre à l'assistance technique aux pays en développement à des projets bilatéraux en matière de sécurité aérienne. La mise en place de ces projets ne peut cependant intervenir que dans le cadre des priorités définies en partenariat avec les pays bénéficiaires eux-mêmes. Or, le secteur de l'aviation civile n'apparaît pas comme un domaine prioritaire en matière de coopération, ni pour l'Union ni pour les pays bénéficiaires de son aide, l'objectif prioritaire étant la réduction de la pauvreté. Les ressources disponibles sont donc limitées.

Cependant, dans certains pays extra européens, des fonds communautaires contribuent à la restructuration des autorités nationales de l'aviation civile. C'est par exemple le cas, parmi les pays tiers méditerranéens, du Liban (2 millions d'euros) et de la Jordanie (2,65 millions d'euros). La Commission apporte une assistance technique par le biais des JAA (1,5 millions d'euros) à l'Agence centre-américaine pour la sécurité aérienne, lui permettant de mettre à niveau sa réglementation régionale sur la base des JAR. En Afrique, la Commission soutient également fortement l'Agence africaine et malgache pour la sécurité de la navigation aérienne (ASECNA) dans le développement de ses activités de formation (14,2 millions d'euros viennent ainsi d'être octroyés par le Fonds européen de développement).

En Asie, des montants très importants ont été consacrés ces cinq dernières années à des projets en matière d'aviation civile en Chine, en Inde et en Asie du Sud et du Sud-est (plus de 45 millions d'euros au total). S'ils comportent un volet réglementaire et d'appui aux administrations publiques non négligeable, ces projets visent essentiellement à favoriser la coopération industrielle entre l'Europe et ces régions d'Asie dans le domaine aéronautique.

La Commission européenne entend poursuivre et amplifier ses activités de coopération internationale en s'appuyant sur leurs complémentarités avec ses initiatives au niveau intra européen. De nouvelles actions sont d'ores et déjà en préparation avec la Russie (les activités de coopération avaient été suspendues en raison du différend sur les droits de survol de la Sibérie).

● Une implication de la France qu'il faut maintenir malgré le contexte actuel de forte contrainte budgétaire

M. Paul-Louis Arslanian, directeur du BEA, déclarait lors de son audition devant la mission180 : « il y a deux façons d'évoluer : soit on se barricade derrière les frontières d'ensembles régionaux relativement développés et on accepte que tout s'effondre dans le reste du monde ; soit on essaye d'éviter ce décrochage ». La façon de l'éviter est d'aider les pays qui ont besoin de notre assistance pour améliorer leur sécurité.

Votre Rapporteur a entendu le directeur général du ministère des affaires étrangères en charge de la coopération au développement. Il ressort de cet entretien que les actions de coopération de la France en matière de sécurité aérienne pour les pays africains, pays traditionnellement bénéficiaires de notre assistance, ont été réduites pour des raisons de contraintes budgétaires.

Ainsi, la France subventionne l'ASECNA pour un montant de 1,5 millions d'euros (un tiers du budget) ; elle assure le paiement de son président, du directeur général de la sécurité et de quatre assistants techniques. La France finance par ailleurs 3 experts auprès de l'OACI, pour faire la liaison avec les pays africains de l'ASECNA. A titre de comparaison, le Fonds européen de développement de la Commission européenne (FED) a annoncé en février dernier le versement de 14,2 millions d'euros pour renforcer les capacités en ressources humaines de l'ASECNA.

La France prévoit la création d'un fonds de solidarité prioritaire destiné à trois regroupements régionaux d'Afrique pour un montant prévu de 3 millions d'euros (coopération régionale pour la sécurité de l'aviation civile en Afrique de l'Ouest, du Centre et à Madagascar). Ce projet, porté en commun avec la Banque mondiale et l'Union européenne, est mis en œuvre par l'OACI auprès de trois groupes de pays. L'objectif du programme est la mise à niveau règlementaire de ces Etats (textes législatifs et réglementaires, manuels de procédures, formation). Le projet doit déboucher sur la création d'une ou plusieurs agences sur le modèle de l'AESA.

La France projette aussi un programme de 650 000 euros par an pour financer des pays d'Afrique de l'Ouest et centrale en matière de formation et d'assistance technique pour la recherche et le sauvetage.

Votre Rapporteur comprend les contraintes actuelles du gouvernement en matière budgétaire, mais souligne la priorité que constitue à ses yeux ce type de coopération et d'assistance en matière de sécurité. Il est de notre responsabilité d'aider les pays africains avec qui nous sommes liés par l'histoire, la culture et la langue.

Air France, qui réalise un tiers de son bénéfice sur l'Afrique, pourrait aussi participer à l'effort de coopération et d'assistance envers ses consœurs du continent africain. Le directeur de l'ASECNA, auditionné par votre Rapporteur, a estimé que les besoins sont immenses et que la contribution de la France baisse régulièrement.

II.- UNE POLITIQUE DE RETOUR D'EXPERIENCE EFFICACE, POUR DÉVELOPPER UNE VÉRITABLE CULTURE DE LA SÉCURITÉ DANS LE TRANSPORT AÉRIEN

Le contrôle - aussi poussé soit-il - du respect des normes de sécurité dans le transport aérien ne saurait à lui seul diminuer les risques de façon significative, même s'il est indispensable, y compris dans les pays où le souci de sécurité est déjà bien implanté. Ainsi, le respect d'un niveau de normes exigeantes en Europe ne peut que renforcer la sécurité du transport aérien si elles sont appliquées de manière uniforme sur l'ensemble de l'espace aérien communautaire, y compris à l'égard des pays tiers dont les avions survolent ou se posent sur les territoires des Etats membres.

Mais l'étude des accidents aériens indique clairement que si le « risque zéro » n'existe pas, la sécurité peut également être améliorée par une véritable « culture de la sécurité », dont devrait s'imprégner chaque opérateur. Une analyse menée par Boeing et citée dans une étude relative au retour d'expérience au sein d'Air France181 montre que chacun des accidents survenus en Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest « aurait pu, en moyenne, être évité de trois ou quatre manières différentes. Autrement dit, dans chaque cas, trois ou quatre opportunités de prévention ont été manquées ».

L'amélioration de la sécurité dans le transport aérien suppose donc de bien comprendre les facteurs d'insécurité des vols et d'analyser tous les événements susceptibles de conduire à des problèmes de sécurité.

Cette réflexion est désormais menée de manière systématique en cas d'accident ou d'incident grave, ce que l'on pourrait appeler la « partie émergée » des sources d'insécurité.

Mais elle soulève davantage de difficultés lorsqu'il s'agit d'analyser les multiples incidents qui se produisent de manière systématique au cours d'un vol. Ces événements ne mettent pas en cause, à eux seuls, la sécurité d'un vol, mais ils peuvent - combinés à d'autres - déboucher sur un accident. L'enjeu de la sécurité dans le transport aérien reposera donc à l'avenir sur la collecte et l'analyse de ces multiples événements, plus ou moins anodins, qui constituent « la face immergée » des sources d'insécurité dans le transport aérien.

A.- LA PARTIE ÉMERGÉE DE L'ICEBERG : LES ACCIDENTS ET LES INCIDENTS GRAVES

1.- Comprendre les causes des accidents pour prévenir de nouvelles catastrophes

Les enquêtes sur les accidents aériens sont extrêmement réglementées sur le plan international, et depuis longtemps.

Comme le souligne M. Paul-Louis Arslanian, directeur du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) lors de son audition182 par la mission, « après la guerre, dans les pays développés, apparaît l'idée selon laquelle l'examen détaillé des catastrophes aériennes et des autres accidents est de nature à apporter les enseignements qui permettent d'éviter de nouveaux accidents ».

A cette fin, l'article 26 de la convention relative à l'Aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944 oblige l'Etat sur le territoire duquel s'est produit un accident d'aviation à ouvrir une enquête. Les règles édictées par la convention de Chicago seront ensuite précisées dans son annexe 13, adoptée le 11 avril 1951, qui définit des procédures identiques d'enquête sur les accidents pour les 188 Etats signataires.

Article 26 de la convention de Chicago
relatif aux enquêtes sur les accidents

« En cas d'accident survenu à un aéronef d'un Etat contractant sur le territoire d'un autre Etat contractant et ayant entraîné mort ou lésion grave ou révélé de graves défectuosités techniques de l'aéronef ou des installations et services de navigation aérienne, l'Etat dans lequel l'accident s'est produit ouvrira une enquête sur les circonstances de l'accident, en se conformant, dans la mesure où ses lois le permettent, à la procédure qui pourra être recommandée par l'Organisation de l'aviation civile internationale. Il est donné à l'Etat dans lequel l'aéronef est immatriculé la possibilité de nommer des observateurs pour assister à l'enquête et l'Etat procédant à l'enquête lui communique le rapport et les constatations en la matière ».

La France sera, dès l'origine, un pays leader en matière d'enquête accident. Dès 1946, l'inspection générale de l'aviation civile est chargée de cette tâche. Un bureau est créé à cet effet en son sein en 1952, qui deviendra officiellement en 1963, le Bureau d'enquêtes et d'accidents (BEA), rebaptisé récemment Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile.

Le BEA est donc aujourd'hui l'organisme officiel chargé des enquêtes techniques sur les accidents d'aviation civile survenus sur le territoire français.

Précisons, à cet égard, qu'un accident se définit, en application de l'article 3 de la directive 94/56/CE du Conseil du 21 novembre 1994 établissant les principaux fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile, comme « un événement, lié à l'utilisation d'un aéronef, qui se produit entre le moment où une personne monte à bord avec l'intention d'effectuer un vol et le moment où toutes les personnes qui sont montées dans cette intention sont descendues, et au cours duquel [soit] une personne est mortellement ou grièvement blessée, [...], ou [soit] l'aéronef subit des dommages ou une rupture structurelle [...] ou [soit] l'aéronef a disparu ou est totalement inaccessible ».

Comme le prévoit l'article premier de la loi n° 99-243 du 29 mars 1999, les enquêtes techniques menées par le BEA ont pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les causes de cet accident. Ces enquêtes peuvent éventuellement déboucher sur des recommandations de sécurité.

Depuis 2000, le BEA a mené entre 274 et 333 enquêtes-accidents par an en France et participé entre 12 à 21 enquêtes accidents par an à l'étranger, lorsque l'accident impliquait un aéronef de conception française ou une compagnie immatriculée en France.

2000

2001

2002

2003

Enquêtes accidents menées en France

274

326

335

333

Dont enquêtes accidents dans le transport public

7

9

2

4

Enquêtes accidents menées à l'étranger

- Enquêtes sur des aéronefs exploités en France

8

13

10

8

- Enquêtes sur des aéronefs de construction européenne

5

8

8

4

Source : BEA.

a) Des modalités de fonctionnement souples

Les modalités de fonctionnement du BEA ont été conçues pour permettre à cet organisme de mener à bien sa mission dans les meilleures conditions.

● La saisine du BEA

Ainsi, la saisine du BEA est automatique en cas d'accident. Par ailleurs, le champ d'application de cette saisine est large puisqu'elle concerne les accidents survenant sur le territoire ou dans l'espace aérien français mais également, en application de l'annexe 13 précitée, ceux qui se sont produits à l'étranger lorsque l'accident implique un aéronef de conception et/ou de construction française ou un exploitant immatriculé en France.

Comme l'a précisé le directeur Paul-Louis Arslanian,183 le BEA est, dans ces deux dernières hypothèses, associé à l'enquête :

« Sur le plan international, la règle du jeu est la suivante. Quand un accident se produit dans un pays, celui-ci est responsable de l'enquête aéronautique et de sécurité. Il associe à l'enquête le pays responsable de la conception de l'avion et le pays responsable de la tutelle de la compagnie aérienne. Ces deux pays ont un droit naturel à participer à l'enquête et à avoir accès à toutes les informations. Cela ne signifie pas que l'enquête soit cogérée, elle reste de la responsabilité du pays d'occurrence : c'est ce pays qui la conduit, qui établit le rapport et qui définit les règles de communication. L'annexe 13 prévoit que les pays associés à l'enquête sont consultés sur le rapport et ont le droit de formuler des observations, lesquelles sont annexées au rapport ».

Précisons, enfin, que le BEA peut participer à une enquête-accidents menée à l'étranger en qualité d'observateur lorsque cet accident implique des victimes françaises. C'est notamment le cas dans le cadre de l'enquête menée sur l'accident de Charm el-Cheikh. La participation de plusieurs Etats à une même enquête peut en effet améliorer son efficacité.

Comme l'a souligné le directeur Paul-Louis Arslanian, avec les pays dotés d'un service enquête sur les accidents « la confiance existe, nous travaillons dans la même configuration ; très souvent, nous travaillons ensemble sur les mêmes événements, ce qui constitue un autre élément d'efficacité et d'indépendance de l'enquête. Quand plusieurs pays, plusieurs services travaillent sur le même événement parce qu'ils sont associés, leur travail est plus efficace ».

● L'association de conseillers

Comme le prévoit l'annexe 13 de l'OACI, lors du déroulement des enquêtes-accidents, le BEA peut faire appel à l'exploitant, au constructeur, voire à la DGAC, comme conseillers184.

Les conditions sont donc réunies pour permettre au BEA d'analyser de manière rigoureuse les causes d'un accident. La participation active de l'exploitant et du constructeur à cette mission permet d'ailleurs à ceux-ci d'identifier également, à leur niveau, les défaillances qui sont à l'origine de l'accident, et ainsi d'accélérer « un retour d'expérience ».

Lors de son audition185, le directeur Paul-Louis Arslanian a précisé que « les enquêtes accidents sont menées par les Etats. Dans l'organisation internationale [...], ils font appel à des experts, à des conseillers qui sont normalement de la responsabilité des Etats. Quand le BEA travaille en tant qu'Etat constructeur, certificateur d'avions, nous avons avec nous des conseillers d'Airbus ou des équipementiers. Quand nous travaillons en tant qu'Etat responsable d'une compagnie aérienne française, nous sommes entourés de conseillers de la compagnie aérienne, éventuellement de l'administration, de l'aéroport, toutes sortes de conseillers. Ils travaillent dans le cadre de l'enquête sous le contrôle et sous l'autorité de l'enquêteur désigné. Ce ne sont pas des parties à une enquête. Ils sont supposés apporter leurs connaissances et leurs compétences. C'est aussi un moyen de retour d'expérience et de retour d'informations. Il est exact que le constructeur a souvent des moyens de simulation extrêmement précieux, mais en faisant ce travail, en même temps, il arrive à la même conclusion ».

Pour autant, le rôle du BEA en matière d'enquêtes-accidents est-il exempt de toute critique ? Les travaux menés par la mission semblent indiquer que les enquêtes menées par le BEA souffrent à la fois d'un manque de moyens et d'un défaut de transparence.

b) Des possibilités d'amélioration

● Consacrer l'indépendance institutionnelle du BEA

Bien que placé sous l'autorité du chef de l'inspection générale de l'aviation civile, le BEA jouit d'une indépendance fonctionnelle.

Cette indépendance fonctionnelle est prévue à l'article 6 de la directive 94/56 précitée et a été introduite en droit interne par la loi n° 99-243. Le BEA enquête donc de manière totalement indépendante et ne peut recevoir d'instruction, y compris pour « des raisons d'Etat ».

Article L711-2 du code de l'aviation civile

« L'enquête technique est effectuée par un organisme permanent spécialisé ou sous son contrôle, assisté, le cas échéant, pour un accident déterminé, par une commission d'enquête instituée par le ministre chargé de l'aviation civile. Dans le cadre de l'enquête, l'organisme permanent et les membres de la commission d'enquête agissent en toute indépendance et ne reçoivent ni ne sollicitent d'instructions d'aucune autorité, ni d'aucun organisme dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission qui leur est confiée ».

Ce souci d'indépendance a été évoqué par le directeur Paul-Louis Arslanian lors de son audition par la mission186 : « Personne n'empêche le BEA de travailler, que ce soit sur un accident ou sur un incident. Quand nous voulons savoir quelque chose, nous y parvenons ».

Le fait, pour le BEA, d'appartenir à une administration, le mettrait, selon son directeur, à l'abri des pressions médiatiques et faciliterait le dialogue avec la DGAC, responsable, in fine, des mesures correctrices prises à la suite d'un accident. Cette indépendance fonctionnelle permettrait également au BEA d'analyser les causes d'un accident en toute autonomie, indépendamment des pressions politiques.

Comme l'a indiqué le directeur Paul-Louis Arslanian à la mission, « sur le fait de savoir si les enquêtes peuvent être modifiées pour raison d'Etat, la réponse, bien sûr, est non. La loi l'interdit et, sous mon autorité, ce qui est prescrit par la loi s'exécute. Par ailleurs, une telle modification sera « la pire des âneries possibles ». En effet, une « enquête accident » doit permettre, dès son origine, un retour d'expérience. Cette mission demeure, même si elle s'est légèrement développée avec les évolutions de la société ».

Votre Rapporteur ne partage pas totalement le point de vue exprimé par le directeur du BEA. Sans nier le travail considérable effectué, on peut se demander si les liens « organiques » entre le BEA et le ministère du transport n'aboutissent pas à un risque de « consanguinité » préjudiciable au souci de transparence de l'opinion publique. A l'instar du NTSB187 américain, ne faudrait-il pas « couper le cordon ombilical » liant le BEA à la DGAC, en conférant à ce dernier une indépendance institutionnelle, assortie d'un budget autonome ? Votre Rapporteur présentera une proposition en ce sens.

Ce souci de transparence guiderait également les organismes d'enquête des pays tiers. Comme l'a fait observer le directeur Paul-Louis Arslanian188, « aucun pays qui veut être accepté, reconnu [dans le transport aérien] ne peut prendre le risque d'être accusé de cacher des éléments de nature à améliorer la sécurité. Ce n'est certainement pas le cas de l'Egypte. L'Egypte ne peut pas courir le risque d'être prise en flagrant délit de cachotterie ou de mensonge, dans un domaine où la sécurité est en cause ».

Votre Rapporteur ne partage pas non plus complètement cette analyse. Selon les informations recueillies auprès du NTSB aux Etats-unis, seuls huit Etats ont une réelle capacité d'expertise lors des enquêtes menées à la suite des accidents. Il s'agirait de l'Allemagne, de l'Australie, du Canada, de la France, de la Grande-Bretagne, d'Israël, du Japon et de la Russie. Un manque éventuel d'expertise au sein des organismes chargés des enquêtes sur les accidents dans les autres Etats ne remet nullement en cause leur souci de transparence, mais peut avoir des conséquences sur les délais des enquêtes menées.

● Raccourcir les délais d'enquête

Comme l'a noté le directeur Paul-Louis Arslanian, « tout accident s'explique ». Certes. Mais, selon lui, il est rare que l'enquête dure moins d'un an et il est plus fréquent que la durée soit d'un an et demi ou de deux ans.

Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, ce délai serait en moyenne de deux ans et demi pour les enquêtes menées sur les accidents les plus graves.

Pourtant, l'article 7 de la directive 94/56 prescrit la publication du rapport d'accident final dans les meilleurs délais, « et, si possible, dans les douze mois suivant la date de l'accident ».

Votre Rapporteur estime que les délais requis pour publier les résultats techniques des enquêtes susceptibles de prévenir de nouveaux accidents sont excessifs. Ces délais s'expliquent en partie par la technicité croissante du transport aérien et ne remettent nullement en cause, ni le professionnalisme, ni la diligence des enquêteurs du BEA. Mais, ils vont à l'encontre du souci de transparence de notre société et de la volonté bien légitime des familles d'obtenir tous les éclaircissements sur un drame qui les touche cruellement.

● Accroître les effectifs du BEA

Afin d'accélérer les travaux du BEA, les travaux de la mission ont fait apparaître la nécessité d'accroître ses effectifs.

Le BEA dispose de moyens humains importants, 106 personnes travaillant en son sein, mais le nombre des enquêteurs du BEA est limité à 42.

Selon le directeur Paul-Louis Arslanian, « le BEA représente aujourd'hui un peu plus de cent personnes. Nous étions une quinzaine à ma prise de fonctions en 1985. Il s'agit d'un développement rapide, qui n'est pas sans avoir suscité des difficultés, notamment en raison d'une rotation importante des personnels. Nous avons du mal à conserver longtemps les enquêteurs car le métier est pénible au plan personnel. Nous sommes en contact permanent avec l'échec et la mort, sans avoir la certitude de contribuer à améliorer la situation. Nous travaillons par vœux, souhaits et propositions. De l'accident évité, nous n'avons pas la preuve. D'où une usure assez rapide. Pour passer de 15 à 106, il a fallu « consommer des personnes », chacune apportant sa pierre. [...] Parallèlement, la nécessité de plus en plus forte de transparence s'est traduite par la mise en place de structures de communication [qui] explique l'évolution du chiffre du personnel. Nous ne sommes pas passés de 15 à 106 personnes en recrutant uniquement des enquêteurs ; mon service compte actuellement un nombre assez important de non enquêteurs ».

Interrogé sur le point de savoir si un effectif de 106 personnes permettait au BEA de remplir correctement sa mission, le directeur Paul-Louis Arslanian a fait valoir qu'il « saurait facilement utiliser une vingtaine de personnes de plus et atteindre un effectif de 130 à 150 personnes ».

Compte tenu du rôle que le BEA est appelé à jouer dans l'analyse des incidents les plus graves, sur lequel votre Rapporteur reviendra, il semble nécessaire d'accroître d'au moins 20% les effectifs du BEA.

Proposition : Accroître de 20% les effectifs du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA), afin de lui permettre de présenter, au terme d'un délai d'un an, les premiers résultats des enquêtes menées suite à un accident et d'analyser systématiquement les incidents les plus graves survenant dans le transport aérien dont il est saisi en application de la directive 94/56 et de l'arrêté du 4 avril 2003.

● Améliorer les moyens techniques du BEA

Les sources d'information du BEA pourraient être également élargies. L'article L721-2 du code de l'aviation civile prévoit que les enquêteurs du BEA ont accès aux enregistreurs de bord et à tout autre enregistrement.

Les enregistreurs de bord, communément appelés « boîtes noires » sont des équipements de sécurité obligatoires au plan international sur les avions de transport. Il existe actuellement deux types d'enregistreurs réglementaires :

- le CVR189, enregistreur phonique, qui enregistre en boucle, sur 30 ou 120 minutes, l'environnement acoustique du poste de pilotage (échanges entre les pilotes ou avec les contrôleurs, bruits ou alarmes sonores) ;

- le FDR190, enregistreur de paramètres, qui enregistre en boucle, sur 25 heures, les valeurs de certains paramètres significatifs (vitesse, altitude, fonctionnement des moteurs, pilote automatique, position des gouvernes, des commandes de vol).

Ces deux instruments sont aujourd'hui insuffisants pour analyser le plus rapidement possible les causes d'un accident. En effet, leur durée d'enregistrement est limitée à 30 ou 120 minutes pour le CVR et à 25 heures pour le FDR. Autrement dit, au-delà de ces durées, les données enregistrées disparaissent automatiquement.

Comme l'a relevé M. François Grangier, expert auprès de la Cour de cassation, lors de son audition par la mission191 : « Il existe deux types principaux d'enregistreurs de vol à bord des avions : les enregistreurs d'enquêtes, que tout le monde appelle « les boîtes noires », et les enregistreurs des constructeurs ou des opérateurs qui sont des enregistreurs d'analyse de vol. La particularité des enregistreurs d'enquête réside dans le fait qu'il s'agit de boucles en circuit fermé : de 2 heures pour les enregistreurs modernes de conversation et 25 heures pour les enregistreurs de paramètres. 25 heures représentent deux allers-retours d'un long courrier. C'est dire que si l'on n'a pas été alerté de l'événement dans les deux jours qui suivent, les données d'enquête sont perdues ».

Pourtant, l'enregistrement systématique des données d'un vol est techniquement possible. Des enregistreurs à accès rapide192, introduits à l'origine pour la maintenance, permettent d'enregistrer, en continu, et sans perte d'informations, les paramètres d'un vol. Ces données sont donc à la fois enregistrées et conservées.

Une des difficultés auxquelles se heurte le BEA dans ses enquêtes-accidents réside dans le fait que ces enregistreurs à accès rapide ne sont pas encore généralisés au plan international.

En France, tous les appareils de plus de 10 tonnes doivent obligatoirement être dotés d'un enregistreur de vol à accès rapide depuis le 1er janvier 2000. Depuis le 1er janvier 2004, cette mesure est applicable au niveau des JAA, sous réserve de sa transposition en droit interne par les Etats concernés. Au niveau international, cette obligation ne sera applicable qu'à compter du 1er janvier 2005 pour aéronefs neufs et du 1er janvier 2007 pour les anciens aéronefs.

La plupart des compagnies occidentales disposent d'enregistreurs de vol à accès rapide. Mais ce n'est pas le cas des pays tiers. Ainsi, comme l'a indiqué M. Thierry Le Floc'h, pilote, lors de son audition par la mission193, « s'agissant de l'avion égyptien qui a atterri à Nantes194, il faut dire qu'on n'a pas retrouvé de paramètres principaux dans cet avion, il n'y avait que des boîtes d'enquêtes ». Les enregistrements des deux boîtes noires n'ont pu être préservés en raison du dépassement des délais.

Le directeur Paul-Louis Arslanian a également souligné l'intérêt que présentaient les enregistreurs de vol à accès rapide dans l'analyse des causes d'un accident.

« Il n'y a pas d'accidents répétitifs en transport aérien. L'accident, en général, survient et permet d'éviter qu'un accident identique ne se reproduise. Il existe un exemple cependant, celui du Boeing 737, qui posait un problème de gouverne de direction. Un accident survenu à Colorado Spring n'avait pas été compris et un nouvel accident s'est produit à Pittsburgh. C'est le résultat du travail sur les deux accidents qui a permis d'en comprendre les causes. Mes collègues américains, à l'époque, ont déclaré qu'ils n'avaient pas suffisamment d'informations. On disposait de peu de données enregistrées. Si l'accident s'était produit en Europe, les données enregistrées auraient été plus nombreuses et il est possible, voire probable, que nous n'aurions pas eu besoin de deux accidents pour comprendre ce qui s'était passé ».

Par ailleurs, les « boîtes noires », actuellement prévues par la réglementation, pourraient être utilement complétées par l'installation dans le cockpit d'une troisième boîte noire, inviolable, incluant une caméra vidéo, qui permettrait de filmer le tableau de bord.

Cette proposition ne vise nullement à porter atteinte à la vie privée du personnel navigant. Les informations recueillies par ce biais ne sauraient être utilisées par l'exploitant à l'encontre de son personnel. L'exploitation des données filmées serait donc autorisée dans le cadre des enquêtes menées à la suite d'un accident, à l'exclusion de tout autre usage.

L'installation d'une caméra dans le cockpit devrait en effet se révéler particulièrement utile en cas de catastrophe aérienne. Dans le cas du drame de Charm el-Cheikh, il semblerait, en l'état actuel des informations parues dans la presse, qu'une anomalie dans le fonctionnement du pilotage automatique du Boeing 737 puisse être à l'origine de la catastrophe. L'enregistrement de l'environnement acoustique du cockpit indiquerait que le pilotage automatique avait été enclenché. Sur cette question - cruciale pour déterminer les causes de l'accident - l'installation d'une caméra aurait apporté un complément d'information extrêmement utile au déroulement de l'enquête.

Proposition : Anticiper l'obligation prévue au niveau de l'OACI, à compter du 1er janvier 2007, d'installer dans les aéronefs de plus de dix tonnes des enregistreurs de vol à accès rapide et introduire, en liaison avec les constructeurs, l'obligation d'installer dans le cockpit une troisième boite noire, inviolable, abritant une caméra vidéo pour filmer le tableau de bord et dont les enregistrements ne seraient analysés qu'en cas d'accident, à l'exclusion de toute autre utilisation par les exploitants.

Accroître les moyens humains du BEA et améliorer ses moyens techniques permettront d'accélérer les enquêtes techniques menées à la suite d'un accident. Mais l'enjeu de ces enquêtes réside dans l'élaboration de recommandations de sécurité qui permettent d'améliorer effectivement la sécurité dans le transport aérien.

● Améliorer la transparence des mesures de sécurité prises à la suite d'un accident

Les rapports du BEA sont publics. Ils permettent d'analyser les causes d'accident et de prendre connaissance des recommandations de sécurité éventuellement émises par ce dernier. Mais, ces recommandations de sécurité peuvent s'écarter des mesures de sécurité décidées in fine par la DGAC.

Cet « écart » entre les mesures de sécurité préconisées par le BEA et celles effectivement mises en œuvre par les pouvoirs publics ne résulte en aucune manière d'une volonté délibérée de laisser voler des aéronefs dangereux.

Comme l'a indiqué M. Paul-Louis Arslanian, il n'y a pas de « vols avec précaution [...]. En aviation civile, lors de la certification, les probabilités de survenance des défaillances sont rapprochées de l'évaluation de leurs conséquences possibles. Un élément nouveau est apprécié aussi au regard de ces règles. Ainsi, après l'accident du Concorde, il est apparu que la probabilité de déclencher le cycle, qui était celle d'un éclatement de pneu, s'avérait assez forte et s'accompagnait d'une conséquence possible qui n'était pas un événement mineur, mais une catastrophe aérienne. C'est ce couple - catastrophe potentielle et probabilité importante de déclencheur - qui s'est retrouvé au-delà de ce qui pouvait être accepté et c'est ce qui a conduit à l'arrêt de l'avion. Dans ce cas, il n'y a pas eu de vols "avec précautions", car il n'y avait pas de précautions à prendre ».

En revanche, un aéronef peut être autorisé à poursuivre son activité, moyennant des mesures correctrices et une surveillance accrue. Ces mesures correctrices, lorsqu'elles s'écartent des recommandations de sécurité préconisées par le BEA, font l'objet d'un dialogue interne au sein de l'administration entre le BEA et la DGAC. Les pouvoirs publics peuvent, en effet, s'écarter des positions du BEA pour des raisons liées à la gestion du risque, mais sans pour autant compromettre la sécurité des vols.

Il est cependant regrettable que les mesures de sécurité décidées par les pouvoirs publics ne fassent l'objet, contrairement aux recommandations de sécurité du BEA, d'aucune publicité. Ce défaut de transparence est susceptible d'alimenter les spéculations sur le manque de fiabilité des aéronefs, que l'on autoriserait à poursuivre leur activité pour des raisons liées au maintien de l'activité économique. Il serait donc souhaitable que la DGAC publie systématiquement les mesures de sécurité prises à la suite d'un accident ou d'un incident grave, en indiquant et en justifiant les différences observées par rapport aux recommandations de sécurité préconisées par le BEA.

Cette proposition pourrait être utilement reprise au niveau des JAA et de l'OACI.

Proposition : Accroître la transparence des mesures prises suite à un accident ou à un incident grave, d'une part, en publiant systématiquement les résultats des enquêtes menées par le BEA, assortis des recommandations de sécurité préconisées, et, d'autre part, en informant l'opinion publique des mesures correctrices mises en œuvre par la DGAC, tout écart avec les recommandations de sécurité préconisées par le BEA devant être justifié.

2.- Analyser les incidents graves pour éviter de nouveaux accidents

Les enquêtes sur les accidents sont une obligation juridique et morale. Toutefois, un incident, tout particulièrement lorsqu'il est grave, peut être porteur de davantage d'enseignements qu'un accident. C'est pourquoi le BEA s'est vu assigner la tâche d'analyser les causes des incidents les plus graves, afin de prévenir d'éventuels nouveaux accidents et de préconiser les mesures de sécurité qui s'imposent.

a) Donner au BEA les moyens d'analyser les incidents graves

● Une saisine du BEA complexe

En application de la loi, le BEA est automatiquement saisi de tous les incidents graves survenant dans le transport aérien. Une obligation d'information du BEA s'impose à tous les acteurs du transport aérien, qu'il s'agisse du commandant de bord195, de l'exploitant1, de l'atelier de maintenance2, du constructeur196, ou des services de contrôle de la circulation aérienne197.

Se pose, dès lors, la question de la définition de l'incident grave.

La notion d'incident grave est définie à l'article 3 de la directive 94/56 du conseil, qui reprend en termes identiques la définition retenue à l'annexe 13 de l'OACI. Un incident grave est « un incident dont les circonstances indiquent qu'un accident a failli se produire ». La directive 94/56 évoque, en annexe, une liste d'incidents graves (voir annexe 2).

La définition de l'incident grave est donc particulièrement vague et la liste étant jugée insuffisante, les pouvoirs publics français ont prévu, en application du décret n° 2001-1043 du 8 novembre 2001198, d'établir une liste des incidents qui, en raison de leur gravité, doivent être portés à la connaissance du BEA. Cette définition comprend, d'une part, les incidents graves au sens de la directive 94/56 et, d'autre part, deux listes d'incidents, tels que définis par l'arrêté du 4 avril 2003199 (voir annexe 3).

Comme l'a indiqué le directeur Paul-Louis Arslanian, lors de son audition par la mission200, « nous ne pouvons pas définir des critères de gravité d'un incident - c'est impossible. Il fallait établir une liste qui englobe de la façon la plus précise possible les événements sur lesquels nous jugerions utile d'enquêter ».

Précisons qu'en application de l'article 3 de l'arrêté du 4 avril 2003, un commandant de bord, un exploitant, un atelier de maintenance, un constructeur ou un agent de la circulation aérienne a également la faculté de porter à la connaissance du BEA tout autre événement jugé « utile pour l'amélioration de la sécurité ». Autrement dit, tout incident « listé » comme incident grave doit être rapporté au BEA mais également tout autre incident s'il est jugé comme tel.

La notion d'incident grave reste donc problématique et repose, pour une grande part, sur l'appréciation des différents opérateurs du transport aérien... à moins que chaque opérateur soit en mesure de mémoriser les dispositions de l'arrêté du 4 avril 2003 établissant la liste des incidents graves !

● Développer les analyses du BEA sur les incidents graves

L'obligation d'enquêter sur les incidents graves a été retenue au niveau de l'OACI dès 1992, à l'occasion de la refonte de l'annexe 13. Elle est entrée en vigueur en 1994.

Les annexes à la convention de Chicago n'ayant pas de valeur juridique sauf si elles sont transposées en droit interne, il a fallu attendre l'adoption de la directive 94/56 pour que les enquêtes sur les incidents graves constituent une obligation juridique. L'article 4 de la directive 94/56 prévoit, en effet, que tout incident grave, au sens de la directive, doit faire l'objet d'une enquête. Celle-ci s'effectue d'une manière analogue aux enquêtes sur les accidents.

Soulignons, toutefois, que cette directive n'a été transposée en droit interne qu'en 1999201, alors que les Etats membres de l'Union européenne devaient se conformer aux dispositions de la directive au plus tard le 21 novembre 1996. La France a donc mis trois ans pour se conformer à cette obligation !

Tout incident grave au sens de la directive 94/56 doit faire l'objet d'une enquête du BEA, dans le but de prévenir de futurs accidents. En revanche, s'agissant des incidents dont la liste est établie par l'arrêté du 4 avril 2003 et des incidents jugés graves, le BEA dispose d'un pouvoir d'appréciation sur l'opportunité d'ouvrir une enquête. Cette décision est prise au vu des enseignements susceptibles d'être tirés de l'incident dont il est saisi.

C'est un fait avéré que les enquêtes du BEA sur les incidents graves se développent. Comme l'a indiqué M. Olivier Jouniaux, enquêteur technique au BEA, lors de son audition202 par la mission, « dans un premier temps, les enquêtes portaient essentiellement sur les accidents ; progressivement, nous nous sommes orientés vers des enquêtes plus systémiques des accidents mais aussi des incidents [...] ».

Les enquêtes sur les incidents graves sont menées selon les méthodes retenues pour les enquêtes sur les accidents. Lors de son audition, M. Olivier Jouniaux a précisé que « le BEA travaille ponctuellement à partir d'événements spécifiques dans une approche clinique. Nous recherchons globalement et transversalement toutes les informations pour mettre à jour les causes profondes d'un événement. L'idée consiste à transposer aux incidents les règles d'investigation qui prévalent pour l'enquête accident ».

Les enquêtes sur les incidents sont menées dans un objectif de prévention. Selon M. Olivier Jouniaux, « il s'agit de déceler des défaillances qui peuvent être systémiques pour introduire un ordre correcteur et, là aussi, procéder au retour d'expérience parce qu'il faut informer les acteurs et maintenir un niveau important de conscience du risque. Ces deux objectifs cohabitent dans l'enquête technique ».

Les analyses du BEA peuvent déboucher sur la publication d'un rapport public, assorti éventuellement de recommandations de sécurité. Toutefois, selon les informations recueillies par votre Rapporteur, les enquêtes du BEA à la suite d'incidents graves ne font pas nécessairement l'objet d'un rapport public, même s'ils sont systématiquement analysés. Comme dans le cas des enquêtes sur les accidents, la législation ne prévoit pas la publication des mesures correctrices effectivement mises en œuvre par les pouvoirs publics, en les comparant avec les recommandations de sécurité préconisées par le BEA.

Votre Rapporteur présentera une proposition dans ce sens.

Globalement, le nombre d'enquêtes du BEA sur les incidents graves semble se développer, notamment depuis le 1er janvier 2004, comme en témoignent les informations recueillies par votre Rapporteur.

Incidents analysés par le BEA de 2000 à 2004

2000

2001

2002

2003

2004
(au 8 juin)

Incidents graves notifiés au BEA

10

7

21

9

19

Incidents mineurs notifiés au BEA

93

70

46

46

93

Total des incidents notifiés au BEA

103

77

67

55

112

Incidents graves ayant fait l'objet d'une enquête

10

7

21

9

19

Incidents mineurs ayant fait l'objet d'une enquête

nd

nd

nd

nd

42

Source : BEA.

Toutefois, les enquêtes du BEA sur les incidents graves demeurent encore largement insuffisantes.

Cette question renvoie au manque d'effectifs du BEA, déjà souligné. Comme l'a indiqué le directeur Paul-Louis Arslanian203 devant la mission, « je déplore de ne pas avoir réussi à atteindre la taille critique qui permettrait d'être capable de faire face à tous les événements. Si, après nous avoir informés, il n'y a pas de réaction de notre part, le système se mettra à patiner ».

Il semblerait que ce soit déjà le cas. Des commandants de bord entendus par la mission ont déclaré ne pas avoir reçu d'accusé-réception à certains rapports transmis au BEA204. Or, cet accusé-réception constitue une réponse a minima vis-à-vis des acteurs du transport aérien. Il s'agit de les convaincre que les informations qu'ils transmettent au BEA « ne tombent pas dans un puits sans fond » et peuvent faire l'objet, si nécessaire, d'un traitement. Faute de réponse du BEA, c'est la confiance des acteurs impliqués dans la sécurité du transport aérien qui pourrait être mise en cause. La communication systématique au BEA des incidents graves serait alors compromise.

Votre Rapporteur présentera une proposition visant à accroître les effectifs du BEA, afin de lui permettre d'analyser systématiquement les incidents les plus graves dont il est saisi en application de la directive 94/56 et de l'arrêté du 4 avril 2003.

b) Renforcer le rôle de la DGAC, en coordination avec ses homologues communautaires

Les difficultés auxquelles se heurte la DGAC dans la gestion des incidents graves sont sensiblement différentes de celles rencontrées par le BEA. La DGAC n'est pas chargée d'enquêter sur la cause d'un incident grave, mais elle peut être amenée à imposer des obligations en terme de sécurité. Encore faut-il qu'elle soit saisie.

● Améliorer les procédures de saisine de la DGAC

En application de l'article R722-2 du code de l'aviation civile, un commandant de bord a l'obligation d'informer de tout incident grave, au sens de la directive 94/56 et de l'arrêté du 4 avril 2003, l'organisme de la circulation aérienne.

Cette obligation de reporting205, selon le terme anglais consacré, du commandant de bord passe soit par un airprox, c'est-à-dire par le dépôt d'une plainte sur fréquence pour risque de collision, conformément aux procédures définies au niveau de l'OACI, soit par un ASR206, c'est-à-dire par le dépôt d'un compte rendu d'événement auprès des organismes de la circulation aérienne. Cet ASR garantit, dans l'hypothèse où ni les systèmes automatisés utilisés dans la circulation aérienne, ni les contrôleurs n'auraient décelé un incident grave, que celui-ci est bien « rapporté » aux autorités de la navigation aérienne.

Les procédures de l'airprox et de l'ASR sont toutes deux définies au niveau de l'OACI et constituent une obligation pour le commandant de bord. Elles ont toutes deux été reprises au niveau des JAA et transposées en droit interne.

De son côté, en application du règlement ESARR/2207 adopté par Eurocontrol, le contrôleur aérien a une obligation de compte rendu de tout accident, incident grave, incident ou plus généralement de tout dysfonctionnement observé lors de la gestion du trafic aérien. De fait, le contrôleur aérien a également une obligation de compte-rendu des incidents graves.

En revanche, en dehors du domaine de la navigation aérienne, il n'existe pas juridiquement de saisie automatique de la DGAC - en l'occurrence le SFACT - en cas d'incident d'exploitation grave.

Les compagnies aériennes, les constructeurs et les organismes de maintenance français ont l'obligation d'informer la DGAC des incidents graves dont ils ont connaissance. Mais, juridiquement, cette obligation s'applique exclusivement lors des rencontres organisées régulièrement entre ces opérateurs et la DGAC.

Par ailleurs, il convient de souligner que, dans l'hypothèse d'un incident grave survenant dans l'espace aérien français, mais sur un aéronef étranger, le SFACT n'est pas officiellement saisi de cet incident, le commandant de bord étranger ayant pour seule obligation, en terme de compte-rendu, d'informer le BEA et les services de contrôle aérien français.

Certes, il convient de relativiser cette lacune juridique. En pratique, Airbus, Air France, ainsi que les ateliers de maintenance, informent la DGAC des incidents graves dès qu'ils en ont connaissance. Mais, il ne s'agit pas d'une obligation légale.

Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, le SFACT ne serait pas certain de recueillir systématiquement les incidents graves dont les ateliers de maintenance ont connaissance. Par ailleurs, depuis le 29 septembre 2003, l'obligation de compte-rendu des incidents constatés par Airbus s'adresse à l'AESA. Aucune disposition ne garantit que le constructeur national continuera d'informer la DGAC des incidents graves dont il a connaissance, même si, en pratique, il continue de rapporter à l'autorité nationale.

Afin de combler cette lacune juridique, votre Rapporteur estime nécessaire d'instaurer une procédure d'alerte automatique de la DGAC par l'intermédiaire du BEA, cet organisme étant d'ores et déjà saisi automatiquement de tout incident grave. Le BEA pourrait, à cette occasion, informer officiellement la DGAC de sa décision d'ouvrir ou non une enquête sur les causes de l'incident dont il est saisi.

Proposition : En cas d'incident grave, afin d'accélérer la mise en œuvre des mesures de sécurité requises, instaurer une procédure de saisie automatique de la DGAC par le BEA, ce dernier devant l'informer à cette occasion de sa décision d'ouvrir ou non une enquête sur l'incident en cause.

Cette procédure de saisie automatique de la DGAC en cas d'incident grave est d'autant plus importante que les travaux de la mission ont mis en exergue les pressions que subissent les commandants de bord pour ne pas bloquer les appareils au sol, y compris dans l'hypothèse où survient un incident ayant un impact en terme de sécurité.

Lors de son audition par la mission208, M. Nicolas Loukakos, ancien commandant et bord et spécialiste du droit de l'aéronautique, a évoqué en ces termes le licenciement d'un commandant de bord :

« Je puis narrer l'expérience d'un commandant de bord d'AirLib qui vient pour prendre un avion ayant avalé des oiseaux au décollage de la Réunion et qui, en principe, aurait dû être réparé selon les prescriptions du constructeur, c'est-à-dire subir une inspection des réacteurs par un système de fibres optiques. Cette opération n'a pas eu lieu. Le pilote refuse l'avion et entre en conflit ouvert avec sa direction et son bouillant président de l'époque. Il est finalement licencié sans être défendu ni par le BEA ni par la DGAC, informés de l'incident. Le licenciement est sans préavis ni indemnités. Le pilote a pris la peine d'avertir Air France car c'était un vol en partage de code avec Air France qui comptait des passagers de cette compagnie à bord, mais n'a pas davantage été défendu par Air France. ».

La saisie automatique de la DGAC en cas d'incident grave susceptible d'avoir un impact sur la sécurité des passagers constituerait un rempart contre la pression économique exercée sur le commandant de bord pour qu'il n'immobilise pas un aéronef.

● Renforcer la coordination des autorités de l'aviation civile communautaire en cas d'incidents graves

Votre Rapporteur relève, également, s'agissant de la saisie de la DGAC en cas d'incident grave, qu'il n'existe aucune procédure au plan communautaire permettant d'alerter les autorités nationales de l'aviation civile des Etats membres de l'Union européenne dans un tel cas, ni des mesures de sécurité adoptées. La mise en place de l'AESA pourrait être l'occasion d'instaurer une telle procédure.

Proposition : Informer, automatiquement et dans les plus brefs délais, l'AESA de la survenance de tout incident grave au sens de la directive 94/56, ainsi que des mesures de sécurité adoptées, l'AESA étant chargée, d'une part, de répercuter ces informations auprès des autorités nationales de l'aviation civile des autres Etats membres et, d'autre part, en cas d'interdiction d'un aéronef ou d'un exploitant, de veiller à l'application de cette interdiction sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.

● Octroyer des pouvoirs d'enquête identiques aux autorités de l'aviation civile communautaire pour les aéronefs immatriculés en Europe

Dès lors qu'elle est informée d'un incident grave survenu dans l'espace aérien français, la DGAC procède à une enquête, indépendamment des investigations menées par le BEA. L'analyse de la DGAC ne vise pas à rechercher les causes de l'incident survenu - cette tâche étant impartie au BEA -, mais à définir les mesures de sécurité qu'impose cet incident.

Celles-ci peuvent prendre la forme d'une consigne opérationnelle pour les compagnies nationales ou d'une consigne de navigabilité pour les constructeurs nationaux, applicable via l'AESA. Elles peuvent aller jusqu'à l'interdiction de décollage d'un aéronef français ou étranger lorsque la sécurité est en jeu, en application de l'article L123-3 du code de l'aviation civile. La DGAC est donc parfaitement en mesure d'interdire de vol un aéronef dangereux pour la sécurité, à la suite d'un incident grave.

Le pouvoir d'enquête de la DGAC en cas d'incident grave se heurte cependant à des difficultés.

Ce pouvoir d'enquête s'exerce exclusivement sur les compagnies françaises et les aéronefs immatriculés en France209. En cas d'incident grave survenu dans l'espace aérien français, la DGAC n'a donc aucun pouvoir d'enquête sur la navigabilité d'un aéronef immatriculé à l'étranger.

En application de l'article 16 de la convention de Chicago, elle pourra toutefois procéder à des vérifications lorsque cet aéronef stationne sur le territoire national.

Cette réglementation, qui résulte du principe de souveraineté nationale, trouve cependant peu de justifications au sein de l'espace communautaire. Une vie humaine a la même valeur, quel que soit l'Etat membre où se situe cette personne. Dès lors, les autorités nationales de l'aviation civile des Etats membres de l'Union européenne devraient disposer de pouvoirs d'enquêtes applicables sur l'ensemble des compagnies et des aéronefs immatriculés dans un Etat membre de l'Union européenne. Ce pouvoir d'enquête constituerait, en quelque sorte, un « principe de précaution ».

Proposition : En cas d'incident grave au sens de la directive 94/56 survenant dans un aéronef immatriculé dans l'un des Etats membres, reconnaître aux différentes autorités de l'aviation civile des Etats membres des pouvoirs d'enquête identiques, susceptibles de déboucher sur l'interdiction de la compagnie ou de l'aéronef en cause.

B.- LA PARTIE IMMERGÉE DE L'ICEBERG : LES INCIDENTS MINEURS

Les accidents et les incidents graves ne constituent que la face « émergée » des événements ayant un impact sur la sécurité dans le transport aérien.

On estime, en effet, qu'au moins un incident se produit en moyenne sur chaque vol. Pour la France, 30 000 incidents interviendraient en moyenne par an, dont 17 000 seulement seraient actuellement portés à la connaissance de la DGAC.

La directive 94/56/CE définit un incident comme « un événement, autre qu'un accident, lié à l'utilisation d'un aéronef, qui compromet ou pourrait compromettre la sécurité de l'exploitation ».

En réalité, la plupart des incidents ne mettent pas en danger la sécurité des passagers. Il serait donc plus approprié d'évoquer un « événement », au sens de la directive 2003/42/CE, c'est-à-dire « tout type d'interruption, d'anomalie ou de défaillance opérationnelle, ou autre circonstance inhabituelle, ayant eu, ou susceptible d'avoir eu une incidence sur la sécurité aérienne et qui n'a pas donné lieu à un accident ou à un incident grave d'aéronef [...] ». Airbus et Air France raisonnent d'ailleurs en termes d'événement, et non d'incident.

L'identification des événements constitue un enjeu majeur pour la sécurité dans le transport aérien. Le degré de sécurité atteint aujourd'hui dans le transport aérien, grâce notamment au progrès technologique des aéronefs, implique que l'on ne pourra désormais améliorer le degré de sécurité des vols qu'à la marge, d'une part, en renforçant la « culture de la sécurité » au sein des différents opérateurs et, d'autre part, en tentant de déceler et d'analyser tout événement « précurseur » d'un accident.

En effet, un accident résulte la plupart du temps de la conjonction de plusieurs événements, dont chacun en lui-même était improbable. L'accident de Gonesse du 25 juillet 2000 survenu sur un Concorde aurait ainsi été précédé de 57 incidents, selon l'annexe 5 du rapport d'enquête établi par le BEA.

Identifier les précurseurs d'un accident, afin de prévenir toute nouvelle catastrophe, tel est donc l'enjeu de l'analyse des événements liés à la sécurité du transport aérien.

C'est pourquoi, une politique de « retour d'expérience » s'est progressivement mise en place dans les pays occidentaux.

Comme l'a résumé très justement M. Guillaume Adam, responsable de la cellule « retour d'expérience » du SFACT au sein de la DGAC, lors de son audition par la mission210, « le but du retour d'expérience consiste à collecter l'information et à l'analyser en vue de prévenir les accidents. L'expérience prouve que les accidents ont des précurseurs et que des incidents de nature semblable à l'accident ont souvent eu lieu avant que l'accident ne se produise. L'étude systématique de ces incidents permet d'arrêter des mesures préventives afin qu'ils ne dégénèrent pas en accident ».

1.- Le compte-rendu (reporting) se heurte encore à des obstacles malgré une réglementation poussée et des expériences exemplaires

a) Les obligations de compte-rendu

Le compte-rendu des événements est extrêmement réglementé au plan international, qu'il s'agisse du compte-rendu interne ou du compte-rendu vers l'autorité nationale de l'aviation civile.

● Les obligations de compte-rendu interne

Une obligation de compte-rendu interne est prévue au niveau de l'OACI pour les constructeurs (en application de l'annexe 8), pour les exploitants (en application de l'annexe 6), mais par pour les ateliers de maintenance.

Les normes JAA sont, en revanche, plus exigeantes : tout titulaire d'un agrément délivré par l'autorité nationale de l'aviation civile doit mettre en place un « système qualité » lui permettant de vérifier la conformité de ses procédures aux règles de sécurité édictées en matière de transport aérien. Un système qualité suppose donc l'existence d'une procédure de compte-rendu interne.

Au niveau des JAA, les constructeurs et exploitants ont donc l'obligation d'introduire un système de recueil et d'analyse des comptes rendus d'incidents. Au sein des ateliers de maintenance, des procédures doivent également être mises en œuvre pour recueillir toute information relative à des pièces défaillantes.

les obligations de compte-rendu interne

OACI

JAA

France

Constructeur

oui

oui

oui

Exploitant

Analyse systématique des données de vol obligatoire à compter du 1er janvier 2005 pour les aéronefs de plus de 27 tonnes

oui

oui

Maintenance

non

oui

oui

Les normes JAA ont été transposées en droit interne, la France ayant été à cet égard leader s'agissant du compte-rendu interne aux exploitants, puisque l'analyse systématique des données de vol est obligatoire depuis le 1er janvier 2000 pour les aéronefs de plus de 10 tonnes.

En revanche, tel n'est pas le cas de l'ensemble des Etats membres. Cette information, réputée connue de la Commission européenne, n'est pas portée à la connaissance des Etats membres.

Votre Rapporteur présentera une proposition visant à établir et à publier, pour chaque Etat membre de l'Union européenne, un bilan des procédures de compte-rendu interne à l'exploitant et au constructeur.

● Les obligations de compte-rendu externe

Les obligations de compte-rendu à l'autorité de l'aviation civile sont distinctes, selon qu'il s'agit d'incidents liés à la circulation aérienne ou à l'exploitation des aéronefs.

¬ Le compte-rendu des incidents liés à la circulation aérienne

En application du règlement ESARR/2 du 12 novembre 1999 édicté par Eurocontrol et transposé en droit interne par l'arrêté du 26 mars 2004, tous les incidents relevés par les contrôleurs sont rapportés à l'autorité de l'aviation civile et automatiquement enregistrés dans une base informatique « INCA », à laquelle le BEA a également accès. Précisons également qu'en application du règlement JAR-OPS, tout commandant de bord doit notifier aux services de la circulation aérienne les événements dont il a connaissance.

Ces différents incidents font l'objet d'une analyse en fonction de leur gravité et sont transmis ensuite à Eurocontrol. Ils font alors l'objet d'une saisie dans une base propre à Eurocontrol, dénommée ECCAIRS, selon une typologie définie par Eurocontrol, distincte de la base INCA.

Les contrôleurs aériens ont donc d'ores et déjà une obligation de compte-rendu de tout événement lié à la sécurité dans le transport aérien. Actuellement, 16 000 incidents seraient rapportés en France.

Sur ces 16 000 événements, 30 à 50 sont d'une gravité certaine et font à ce titre l'objet d'une notification au BEA. Entre 200 et 250 événements sont considérés comme ayant un impact sur la sécurité aérienne et sont à ce titre analysés. Ils font alors l'objet d'un retour d'expérience vers les contrôleurs et les exploitants. Ces travaux sont cependant confidentiels et ne font l'objet d'aucune publication officielle.

Au niveau communautaire, selon les informations recueillies par votre Rapporteur, le degré de transposition du règlement ESARR/2 serait extrêmement inégal selon les pays concernés.

Des Etats membres auraient ainsi tardé à transposer ce règlement, voire ne l'ont pas encore transposé. La France figure dans le peloton des « mauvais élèves », puisque l'arrêté de transposition date du 26 mars 2004.

Parmi les Etats membres ayant transposé ESARR/2, le compte-rendu reste encore trop faible et non fiable. A titre d'illustration, en 2003, la France a notifié à Eurocontrol 2 500 événements, contre 61 pour la Grande-Bretagne et 16 pour l'Italie. Chaque Etat membre a, en effet, conservé sa propre définition des événements à notifier à Eurocontrol. Ainsi, la Grande-Bretagne ne transmet que les airprox, c'est-à-dire les plaintes déposées par les pilotes à la suite d'un risque de collision.

Eurocontrol aurait pu favoriser une harmonisation du compte-rendu dans le contrôle aérien en publiant les noms des pays « retardataires ». Mais tel n'est pas le cas. Les statistiques publiées par Eurocontrol sur le compte-rendu dans le contrôle de la circulation aérienne sont placées sous le sceau de « l'anonymat », chaque pays apparaissant sous forme de numéro.

Votre Rapporteur estime urgent de mettre fin à cette situation d'opacité et présentera une proposition dans ce sens.

¬ Le compte-rendu des incidents d'exploitation

Le compte-rendu des incidents d'exploitation est nettement moins développé que celui des incidents observés dans la navigation aérienne.

Sur le plan juridique, l'obligation, telle que définie au niveau de l'OACI, de compte-rendu des événements vers l'autorité de l'aviation civile, ne concerne que le constructeur.

Les recommandations établies au niveau des JAA211 vont cependant au-delà des normes de l'OACI, les exploitants et les ateliers de maintenance ayant également une obligation de compte-rendu dans ce cas. Précisons que la France a transposé en droit interne les recommandations établies au niveau des JAA.

Ces obligations peuvent être résumées au travers du schéma suivant :

compte-rendu vers l'autorité nationale de l'aviation civile

OACI
(Annexe 6)

JAA

France

Constructeur

tous les incidents

tous les incidents

les incidents majeurs (1) (2)

Exploitant

Depuis le 1er janvier 2002, l'OACI recommande une analyse systématique des données de vol applicable aux incidents d'exploitation. Cette recommandation sera obligatoire à compter du 1er janvier 2005 pour les nouveaux aéronefs de plus de 27 tonnes.

tous les incidents

les incidents graves (1)

Maintenance

non

tous les événements

tous les événements

(1) La DGAC a souhaité introduire une procédure de sélection des incidents auprès du constructeur et de l'exploitant, afin de recevoir notification des seuls incidents majeurs ou graves.

(2) Depuis le 29 septembre 2003, les constructeurs JAA ont une obligation de compte-rendu envers l'AESA. Toutefois, la DGAC continue de recevoir notification des incidents majeurs.

Tel n'est pas le cas de l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne. Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, la Commission européenne aurait connaissance de la liste des Etats membres dont le compte-rendu à l'autorité nationale de l'aviation civile est inexistant ou défaillant, mais ces informations ne sont pas portées à la connaissance des Etats membres.

Votre Rapporteur estime opportun de mettre fin à cette situation d'opacité et propose l'élaboration et la publication d'un bilan des modalités de compte-rendu aux autorités de l'aviation civile au sein de l'Union européenne.

Proposition : Etablir et publier, pour chaque Etat membre de l'Union européenne, un bilan des procédures de compte-rendu interne à l'exploitant et au constructeur et de compte-rendu externe à l'autorité de l'aviation civile des incidents survenant dans le transport aérien, ce bilan devant notamment analyser les procédures de compte-rendu des événements notifiés par les services de la circulation aérienne à Eurocontrol.

S'agissant du compte-rendu des incidents d'exploitation, il convient de souligner les spécificités françaises du dispositif retenu.

Le SFACT n'a, en effet, pas souhaité recevoir notification de l'ensemble des incidents relevés par les constructeurs, exploitants ou ateliers de maintenance. Le SFACT reçoit donc actuellement notification d'environ 1 000 incidents par an. Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, ce chiffre devrait normalement s'élever à 3 000 incidents par an, si les compagnies nationales effectuaient un compte-rendu exhaustif. Les constructeurs sont à l'origine de 80 % du millier d'incidents rapportés au SFACT.

A cet effet, des procédures ont été mises en place entre la DGAC et Airbus, d'une part, et la DGAC et les exploitants, d'autre part, afin que seuls les incidents « majeurs » ou les incidents « graves » soient rapportés à la DGAC.

Au-delà des problèmes d'effectifs qui ne permettent pas au SFACT d'analyser les 15 000 incidents potentiels existants, ces procédures visaient à permettre l'émergence chez les opérateurs d'une véritable culture de la sécurité, ces derniers ayant la responsabilité de sélectionner les incidents au regard de leur gravité et d'adopter les mesures correctrices requises.

Le compte-rendu des incidents à l'autorité de l'aviation civile constitue donc, en France, un élément « extérieur » à la chaîne du retour d'expérience, celle-ci devant reposer fondamentalement sur le constructeur et les exploitants.

Le rôle de la DGAC vise donc actuellement à enquêter sur les incidents graves qui lui sont notifiés, en adoptant les mesures de sécurité requises, et, s'agissant des incidents mineurs, à contrôler la qualité des procédures de retour d'expérience introduites chez les opérateurs. La DGAC procède ainsi, périodiquement, à un bilan des procédures de sélection et d'analyse des incidents mineurs, afin d'examiner les mesures correctrices retenues.

Le rôle de la DGAC a été évoqué par M. Pascal Sénard, chef de la division réglementation du SFACT de la DGAC, lors de son audition par la mission212 : « Un certificat de transporteur aérien est délivré pour une période maximum de trois ans. Au minimum, un audit du système d'analyse d'expérience est effectué tous les trois ans avec les responsables du système qualité, ce qui nous permet de nous assurer que l'exploitant a bien mis en place les procédures permettant la réactivité recherchée. Des réunions périodiques sont planifiées dans le cadre de la surveillance continue. Néanmoins, nous rencontrons les gestionnaires du système d'analyse du vol et de sécurité des vols chaque fois que nous jugeons nécessaire de le faire compte tenu de l'incident rapporté.

Nous avons demandé aux responsables d'Airbus d'établir un système de retour d'expérience avec ses clients et nous les rencontrons chaque trimestre pour dresser le bilan qu'ils ont tiré des événements. Peut-être que nous-mêmes aurons eu connaissance, par un autre canal, des mêmes événements. Nous allons confronter nos informations à partir du tri qu'ils auront opéré. Dans ce but, nous avons, ensemble, mis au point une procédure qui nous assure que le tri qu'ils ont fait nous intéressera.

Nous ne laissons pas le constructeur ou l'exploitant établir son propre tri, nous lui indiquons l'objet précis de ces réunions périodiques. Dès lors, il nous revient de repréciser nos attentes, en fonction de l'actualité. Plusieurs boucles de retour d'expérience se superposent, chacun a la sienne. La boucle de l'administration, est dite une grande boucle car elle prend du temps, d'autant que la DGAC n'a pas à traiter des incidents graves et des accidents. Nous en sommes seulement informés après le BEA ».

Soulignons, cependant, que le rôle de la DGAC devrait sensiblement évoluer avec la mise en œuvre de la directive 2003/42, sur laquelle votre Rapporteur reviendra.

b) Des procédures exemplaires de compte-rendu

Les travaux de la mission ont permis d'analyser de manière plus approfondie les procédures de compte-rendu effectivement mises en œuvre au sein d'Airbus industrie et d'Air France, tous deux leaders en la matière.

● Le compte-rendu au sein d'Airbus

En application de l'annexe 8 de l'OACI, les constructeurs ont l'obligation de recueillir et d'analyser les incidents mettant en cause la sécurité dans le transport aérien. Pour les constructeurs de l'Union européenne, cette obligation est détaillée dans le règlement JAR 21 de l'AESA.

En tant que concepteur, Airbus doit donc collecter auprès de ses opérateurs (exploitant, atelier), tout événement ayant un impact pour la sécurité. Cette collecte est exercée à travers le monde entier, permettant ainsi à Airbus d'assurer indirectement un suivi commercial de sa flotte.

Lors de son audition par la mission213, M. Bernard Catteeuw, responsable du département sécurité aérienne de Airbus Industrie, a précisé que « réglementairement, les opérateurs doivent effectivement nous rapporter tout incident, qu'il s'agisse d'un défaut de comportement de la machine, principalement rapporté par les pilotes, ou d'un défaut constaté lors d'une visite au sol. Ce sont alors les stations de réparation ou la maintenance de la compagnie qui nous rapporte les faits ».

Les constructeurs doivent réglementairement disposer d'un système d'analyse des événements qui leur sont rapportés. Les constructeurs mènent en général une politique très pro active dans le domaine du traitement des incidents.

Selon M. Bernard Catteeuw, Airbus « [essaie] en permanence de déterminer si, combinés à d'autres incidents, [un incident] n'aurait pas pu conduire à un accident ou à un incident majeur. C'est un travail considérable que des équipes réalisent en permanence et qui s'inscrit dans un processus de suivi bien connu des autorités ».

En cas de défaillance technique avérée, il revient à Airbus de proposer à la DGAC des mesures correctrices.

Selon M. Bernard Catteeuw, « Airbus lance des actions qui dépassent les exigences réglementaires, car, pour nous, la sécurité n'est pas une question de règlement, mais d'éthique. Dès lors que des personnes montent dans un Airbus, elles nous font confiance. Nous nous devons par conséquent de faire le maximum pour éviter les accidents. ».

Selon les informations recueillies par votre Rapporteur auprès d'Airbus industrie, « durant les douze derniers mois, la flotte Airbus a effectué environ 3,8 millions de décollages et 9 millions d'heures de vol au cours desquels 750 « incidents » ont été déclarés à la DGAC. Après analyse, environ 80 incidents feront l'objet de propositions d'améliorations (modification de l'avion ou de la documentation de maintenance ou opérationnelle ou d'entraînement des équipages) ».

Lorsque ces mesures correctrices se révèlent nécessaires, l'autorité de l'aviation civile, à savoir la DGAC et, depuis le 29 septembre 2003, l'AESA sur proposition de la DGAC, peut émettre une consigne de navigabilité. Ces consignes de navigabilité s'appliquent à tous les opérateurs de l'Union européenne utilisant l'aéronef concerné et ont valeur de recommandation pour les Etats membres de l'OACI, qui en général les applique immédiatement et automatiquement.

Les consignes de navigabilité émises sur un appareil d'Airbus ont donc vocation à s'appliquer dans le monde entier. Toutefois, si un Etat refusait de mettre en œuvre cette mesure, aucune disposition ne permet de s'y opposer.

● Le compte-rendu au sein d'Air France

La réglementation JAA impose aux exploitants, quel que soit leur statut juridique ou leur taille, de mettre en œuvre un système de recueil et d'analyse de comptes rendus d'incidents. Cette réglementation a été transposée en droit interne par l'OPS1 pour les avions exploités en transport public.

La politique mise en œuvre au sein d'Air France vise à développer « une culture de la sécurité » impliquant l'ensemble de son personnel. Le retour d'expérience est au cœur de cette culture de la sécurité.

Comme l'a indiqué M. Bertrand de Courville, chef du service Prévention et Sécurité des vols chez Air France devant la mission214, « il est important d'informer, de créer au sein de l'entreprise une réelle transparence et d'encourager celle-ci, afin que le niveau d'information de l'ensemble des acteurs de l'entreprise soit le meilleur possible, pour, précisément, avoir et faire vivre cette préoccupation de sécurité. L'animation et le soutien d'une politique de prévention au sein d'une compagnie sont essentiellement fondés sur cette culture : faire en sorte que tout ce qui peut être tiré de l'exploitation quotidienne en matière de leçons, d'amélioration continue de l'exploitation au sein de l'organisation ou au niveau des individus, soit mis en place. Nous encourageons donc vivement le retour d'expérience et, dans ce but, nous avons mis en place des canaux de retour d'expérience, permettant la circulation de l'information au sein de l'entreprise ».

Le retour d'expérience vise donc à recueillir l'information, à la trier et à l'analyser, comme l'a parfaitement expliqué M. Laurent Barthélémy, directeur qualité à Air France, devant la mission : « Le retour d'expérience repose sur l'idée que pour progresser, il faut avoir connaissance des incidents que rencontre une compagnie à tout moment de l'exploitation - au sol, en vol, après le vol, lors de la maintenance, etc. Il faut connaître ces très nombreux événements, savoir trier ceux qui sont pertinents, intéressants, récurrents, les analyser, y apporter des solutions, et vérifier que ces dernières sont pertinentes et résolvent bien le cas. Bref, il faut fonctionner dans le cadre d'une boucle qualité de type très classique pour ceux qui ont fait un peu de qualité. Il s'agit de viser une amélioration continue grâce à la connaissance des événements et l'élaboration de solutions qui rendent impossible leur renouvellement. ».

Concrètement, le compte-rendu au sein d'Air France intervient par les canaux suivants :

- l'analyse systématique des données de vol, mise en œuvre depuis 1975. Air France a donc été pionnière en la matière, l'analyse systématique des données de vol n'étant devenue une obligation pour les compagnies françaises qu'en 2000. Les anomalies opérationnelles les plus significatives sont automatiquement détectées et restituées. Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, « une centaine d'événements sont examinés dans le détail chaque année. Les autres sont traités de manière statistique » ;

- les comptes rendus d'événements ou ASR, qui permettent à tout membre d'équipage technique de rapporter un événement ayant un impact en terme de sécurité. Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, environ 350 ASR sont recueillis et traités chaque mois au sein d'Air France ;

- les rapports spontanés confidentiels (REX), afin de permettre un retour d'expérience spontané et confidentiel pour tout membre d'équipage. Environ 80 rapports de ce type seraient reçus chaque année.

Ces événements sont analysés, dans le but de mettre en place des mesures correctrices préventives.

La politique proactive de Air France a été décrite par M. Laurent Barthélémy, directeur qualité à Air France, devant la mission215 : « Pour illustrer de façon très concrète la notion de retour d'expérience, je préside tous les mardis après-midi une réunion au cours de laquelle une vingtaine de représentants qui ont analysé, chacun dans leur domaine, les événements pertinents et significatifs de la semaine précédente et les ont triés, viennent les présenter, étudier la réponse à y apporter et en discuter, éventuellement, avec d'autres composantes de l'entreprise, car ces événements peuvent avoir des applications transversales. Au vu des rapports présentés au cours de cette réunion, soit des actions mineures sont décidées, soit l'événement est mis en exergue et donne lieu à une enquête extrêmement détaillée avec un rapport communiqué à notre autorité qui débouche sur des actions correctives enregistrées dans notre système de suivi et dont nous vérifions, bien évidemment, la mise en œuvre dans des délais impartis, avec une « revue » régulière auprès du dirigeant responsable pour lui dire à quel rythme nous clôturons nos actions correctives. ».

● Le compte-rendu au sein des ateliers de maintenance

Un atelier de maintenance agréé JAA a une obligation de compte-rendu à l'égard du constructeur des aéronefs et de son autorité d'aviation civile. S'il s'agit d'un atelier de maintenance appartenant à un exploitant, s'y ajoute une obligation de compte-rendu interne à cet exploitant.

Le retour d'expérience dans le domaine de la maintenance vise à améliorer les conditions de navigabilité des aéronefs.

Comme l'a indiqué M. Claude Labbé, chef de la division exploitation du SFACT au sein de la DGAC lors de son audition216, « il s'agit de tirer partie de l'expérience acquise tout au long de la vie de l'avion. Une flotte d'aéronefs, tout au long de sa vie, va connaître un certain nombre de problèmes qui, sans être générateurs d'accidents ou d'incidents, sont les indices d'une détérioration du matériel. Il est donc important de tirer partie de cette expérience pour améliorer à la fois les procédures de maintenance, mais également le matériel, c'est ce qui est appelé le retour d'expérience. ».

Concrètement, un atelier de maintenance se doit d'entretenir un aéronef conformément aux instructions techniques délivrées par le constructeur, sachant que celles-ci évoluent dans le temps.

Dans l'hypothèse d'une panne sur un équipement signalé pour un commandant de bord, l'atelier de maintenance a donc pour obligation de procéder aux opérations de maintenance prévues, en indiquant cette opération sur le compte rendu matériel attaché (CRM) à l'aéronef. Ce CRM doit théoriquement être analysé par le système qualité de l'atelier de maintenance, afin de déterminer si le problème est récurrent. Dans l'affirmative, l'atelier de maintenance a obligation de rapporter l'information au constructeur et à l'autorité de l'aviation civile.

c) Pour une véritable culture du compte-rendu

Cette présentation succincte, au travers d'exemples concrets, est exemplaire de ce que devrait être une véritable culture du compte-rendu.

Votre Rapporteur s'est ainsi interrogé, lors des auditions de la mission consacrée au retour d'expérience du 4 mai dernier, sur les modalités de compte-rendu pour un Boeing d'Air France effectuant un vol long courrier Paris/Miami/Rio de Janeiro. Entre Paris et Miami, un incident se serait produit. A son arrivée à Rio de Janeiro, l'avion ferait l'objet d'un incident grave, frôlerait la collision avec un autre aéronef.

En réponse à ces interrogations, M. Bertrand de Courville, chef du service Prévention et Sécurité des vols chez Air France, a apporté les précisions suivantes : « A Miami, l'équipe qui constate l'incident de voyants a l'obligation, en temps réel, de consigner l'information sur le compte rendu mécanique de l'avion, puisqu'il s'agit d'une information technique. Ce compte rendu reste attaché à l'avion. Il permettra de communiquer avec le mécanicien au sol à Miami ; il servira également à l'équipage qui reprend l'avion en compte, après traitement de la panne à l'escale, de prendre connaissance de ce qui a été rapporté. Le retour d'expérience sera effectué en temps réel à l'équipage suivant. Cet événement est transmis directement à la compagnie et à la maintenance de la compagnie. Le constructeur Boeing compte des représentants permanents dans nos services d'entretien ; il aura donc connaissance de cette anomalie et pourra, dans le processus de navigabilité continue, traiter cet événement, éventuellement l'associer à d'autres qui pourraient être similaires et voir si des mesures sont à prendre au niveau du constructeur. [...]

Si l'événement est considéré comme significatif et important, la DGAC sera informée par la maintenance.

Si l'équipage constate une difficulté d'interprétation de l'alarme, la perception de l'événement, la difficulté qu'il aurait pu rencontrer dans le traitement de cet événement fait aussi l'objet d'un canal de retour d'expérience. C'est là un canal complémentaire. L'équipage remplit un support d'information dédié aux questions de sécurité, que l'on appelle un Air safety report. C'est un flux d'informations, parallèle à la description purement technique et très formelle de l'événement. Là, l'équipage s'exprime de façon plus suggestive, mais tout aussi importante, car les décisions qu'il prendra seront liées à la perception qu'il aura eue de l'événement. Eventuellement, les difficultés qu'il aura rencontrées pourront être rapportées au travers du document. [...]

L'autorité américaine sera informée de tout incident de maintenance à travers l'antenne Boeing d'Air France et Boeing devra informer son autorité de tutelle si l'événement est considéré comme significatif. 

[Si l'aéronef subit un incident de type perte de séparation avec un autre avion], l'événement entre dans le cadre des règles de l'OACI. L'équipage doit donc rapporter, selon un format de transmission radio bien précis, ce que nous appelons un airprox, antérieurement un airmiss. L'information est donc transmise au contrôle qui doit enregistrer l'information ou la plainte. Elle sera traitée par les autorités brésiliennes qui s'occupent du contrôle et cela revient vers la DGAC et le BEA par un air safety report qui est le canal utilisé dans ce cas. ».

Les travaux de la mission ont démontré que cette vision qualifiée d'idyllique du compte-rendu dans le transport aérien, sans doute à la portée des grandes compagnies occidentales, était loin d'être généralisée.

Des obstacles d'ordre culturel, économique et technique s'opposent encore à un compte-rendu exhaustif des incidents.

● Les obstacles de nature culturelle

Plusieurs intervenants ont souligné la réticence des compagnies aériennes à divulguer les incidents dont elles avaient connaissance.

Lors de son audition par la mission217, M. Claude Guibert, expert auprès de la Cour de cassation, a constaté que « le problème - c'est pourquoi je disais que c'était d'ordre éthique et culturel -, c'est que les compagnies ne veulent pas rendre compte. Elles ne veulent pas que ces informations soient transmises hors de la compagnie parce que cela ne fait pas bien de dire qu'il y a eu des incidents. [...] En tant qu'expert judiciaire disposant d'un certain pouvoir d'investigation, je peux vous dire qu'à la DGAC ou chez le constructeur, on ne trouve quasiment rien. Cela ne « sort » donc pas et on peut aisément le vérifier de manière factuelle. Je n'invente rien. Je suis en train d'enquêter sur un incident récent et je peux vous dire que les événements antérieurs similaires existaient et ne sont pas « sortis » hors d'un petit cercle d'initiés interne à la compagnie. Et cela pour de nombreuses raisons d'ordre culturel [...] ».

Les pilotes seraient également réticents à faire part de leurs erreurs, si bien que des informations resteraient confinées dans le cockpit. M. Claude Guibert a ainsi déclaré « qu'il [avait] beaucoup de mal à faire parler certains équipages après coup et qu'[il en apprenait] plus par les on-dit ou des recherches personnelles que par un système établi de comptes-rendus d'incidents ».

Cette difficulté à faire part des erreurs commises n'est pas sans lien avec la culture judéo-chrétienne. Celle-ci différencie peu l'erreur de la faute, si bien que les erreurs ne sont pas considérées comme un moyen d'acquérir de l'expérience et de progresser. Les pays de culture latine seraient particulièrement marqués par ce souci de l'échec.

Comme l'a fait remarquer M. Serge Martinez, pilote chez Star Airline et membre du SNPL, lors de son audition par la mission1, « Pour être honnête, oui, il y a un problème de culture. [...] Les Anglo-saxons ont une culture de l'échec différente de celle des Latins et des Asiatiques. C'est un problème fondamental [...]. Que peut-on faire pour améliorer la situation ? Pour ce qui concerne les pays occidentaux, nous améliorerons tout doucement les problèmes de cultures propres à chaque nation parce que la culture évolue et qu'elle se mondialise ».

Cette peur de l'échec serait particulièrement sensible chez les pilotes, expliquant ainsi que les informations restes confinées au sein du cockpit. Devant un problème de fonctionnement douteux, un pilote sera davantage tenté de se remettre en cause et d'invoquer intérieurement son incapacité à appréhender des mécanismes de plus en plus complexes, plutôt que d'évoquer, de manière officielle, un vice de fabrication d'Airbus. En cas d'erreur professionnelle de sa part, l'absence d'impunité pénale - sur laquelle votre Rapporteur reviendra - s'ajoutera à sa réticence à divulguer les incidents survenus au sein du cockpit.

● Les obstacles de nature économique

Le compte-rendu des incidents dans les grandes compagnies occidentales semble nettement plus développé qu'au sein des petites compagnies. Non pas que celles-ci soient dépourvues de procédure de compte-rendu puisque l'analyse systématique des données de vol est une obligation qui s'impose à toutes les compagnies françaises, qu'il s'agisse de compagnie régulière, de compagnie charter ou de compagnies à bas coûts.

M. Philippe Pilloud, responsable de la sécurité pour easyJet, a ainsi détaillé devant la mission218 les diverses modalités de compte-rendu des incidents au sein d'Easyjet : enregistrement systématique des données de vol, rapport confidentiel à l'usage des équipages, introduction prochaine en collaboration avec Airbus d'un programme d'observations régulières des procédures de vol en ligne...

Ce n'est donc pas le statut juridique de la compagnie qui est en cause, mais plutôt la situation économique à laquelle elle est confrontée.

M. Yves Roger, pilote chez Corsair et secrétaire général de la branche transport du syndicat national du personnel navigant de l'aviation civile (SNPNAC) a rappelé, lors de son audition par la mission1, que dans le transport aérien, « les marges sont très faibles. Pour une compagnie aérienne, elles sont au grand maximum de 5% ».

Un commandant de bord peut-il, dans ces circonstances, rapporter un incident qui, sans avoir d'impact sur la sécurité des passagers, pourrait se traduire par le maintien au sol de l'aéronef ?

Lors de son audition par la mission219, M. Thierry le Floc'h, pilote et membre du SNPL, a ainsi évoqué le cas de figure soulevé par un défaut d'équipement, défini réglementairement par la MEL. Le silence du commandant de bord a permis à la compagnie d'économiser un dépannage et un arrêt.

« Aujourd'hui, des espaces aériens obéissent à des règles opérationnelles très précises, qui nécessitent des emports de matériels sophistiqués. Pour accéder à ces espaces, [...] nous avons diminué les écarts altitudes séparant deux avions en vol, et pour cela, nous avons mis en œuvre des technologies, tel le RVSM.

Pour recourir au RVSM, il faut deux centrales anémométriques ; s'il en perd une, l'avion continue parfaitement à voler. [...] Pourtant l'équipement est défectueux, voire inopérant à bord. Personne ne s'en rendra compte, si ce n'est le commandant de bord ou l'équipage qui a le niveau d'expertise pour constater qu'il n'a plus accès à cet espace. [...]

La pression économique est telle que le commandant de bord qui ne veut pas décoller, faute d'une centrale anémométrique alors que l'avion peut voler, que les sièges passagers sont confortables et que la projection du film est assurée, se retrouve seul. Pourquoi le commandant voudrait-il laisser à terre 450 passagers ? C'est là que la pression économique se fait sentir. [...] Bien sûr, l'avion peut voler, mais avec une seule centrale anémométrique, quand il arrivera dans l'espace RVSM, il devra descendre, donc consommer davantage, d'où une étape supplémentaire. Le commandant peut être tenté de garder son emploi en restant dans l'espace RVSM. Bien entendu, les systèmes qualité et les dispositifs de retour d'expérience existent, mais si le pilote ne dit rien et simplement informe, à l'atterrissage, qu'il a perdu son ADC, il faut économiser à son entreprise un dépannage au loin et évite un arrêt sur le chemin du retour ».

D'une manière générale, il est à craindre que le retour d'expérience ne puisse fonctionner correctement dès lors qu'une compagnie connaît des difficultés financières et que ses pilotes peuvent à tout moment être mis au chômage. Dans ces circonstances, ils peuvent choisir de se taire plutôt que de révéler leurs erreurs et de faire subir à leur compagnie des démarches coûteuses dont ils pourraient subir les conséquences.

● Les obstacles de nature technique

Les obstacles au compte-rendu de nature technique sont plus faciles à identifier.

Comme l'a fait remarquer M. Serge Martinez, au nom du SNPL, « pour être efficace, la sécurité doit être au cœur de toute décision. Encore faut-il s'en donner les moyens humains, techniques ou financiers. En effet, l'analyse des incidents ne peut s'effectuer à la seule vue de rapports rédigés par des personnes. L'analyse systématique des vols au moyen du système d'enregistrement de paramètres, en plus des conventionnelles et réglementaires boîtes noires, permet seule de se faire une idée réelle sur l'utilisation des avions au sein d'une exploitation. Or ces systèmes ne sont pas obligatoires partout dans le monde [...] ».

La généralisation de l'analyse systématique des données de vol constitue donc un impératif, comme votre Rapporteur l'a déjà souligné.

Toutefois, la réglementation actuelle donne à l'exploitant la faculté de définir les seuils de paramètre, dont le franchissement constitue une anomalie. Il suffit donc à un exploitant de placer les curseurs aux limites du domaine de vol pour qu'un certain nombre d'incidents n'apparaissent plus.

Cette difficulté a été évoquée par M. Thierry le Floc'h, pilote dans l'aviation d'affaires et membre du SNPL, lors de son audition par la mission220 : « Ce sont les opérateurs qui décident des paramètres qu'ils estiment devoir surveiller, ceux qu'ils estiment dangereux et ce sont eux qui les définissent. Les données sont entrées dans des ordinateurs ; elles sont recueillies, analysées, permettant de mettre à jour tel problème sur tel vol. [...]

Les pilotes de ligne, culturellement, doivent à leurs passagers - c'est transmis dans les formations à tous les niveaux - 30% du domaine de vol de l'avion. C'est la marge que l'on donne à nos passagers pour assurer les vols en toute sécurité. Pour éviter tout problème d'analyse des vols, l'ensemble des compagnies d'avions d'affaires a positionné ses index aux limites du domaine de vol, c'est-à-dire que les incidents n'apparaissent que si les pilotes sortent du domaine de vol [...]. A aucun moment, l'administration ne vient contrôler les définitions des index. [...]

Prenons un exemple. Chez Dassault, la recommandation est fixée à 180 nœuds, la limitation du constructeur l'est à 220 nœuds, soit 40 nœuds au-dessus. Si je positionne le curseur à 180 nœuds, je connaîtrai un nombre d'incidents élevé, mais cela n'aura aucune incidence sur la sécurité des vols, puisque le constructeur a prévu une limite à 220 nœuds. Si je ne veux pas que des incidents apparaissent, si le contexte est idéal, si je ne subis pas de pression économique, je positionnerai le curseur à 220 nœuds et je ne connaîtrai plus aucun problème ».

Proposition : Harmoniser, au plan communautaire, les seuils des paramètres des systèmes d'analyse automatique des données de vol, dont le franchissement constitue une anomalie et doit, à ce titre, faire l'objet d'un compte-rendu.

De manière plus générale, les travaux de la mission ont fait ressortir que le développement du retour d'expérience suppose l'existence d'une véritable culture de la sécurité, afin d'impliquer l'ensemble des personnels. Il s'agit donc là d'une démarche qui ne portera ses fruits qu'à long terme.

La directive 2003/42/CE du Parlement européen et du Conseil concernant les comptes rendus d'événements dans l'aviation civile, adoptée le 13 juin 2003, pourrait constituer une initiative opportune et efficace pour renforcer cette culture de la sécurité que votre Rapporteur appelle de ses voeux.

En effet, cette directive élargit sensiblement les obligations de compte-rendu aux autorités nationales de l'aviation civile et ouvre la voie à une véritable identification des événements précurseurs d'accidents dans le transport aérien.

2.- La directive 2003/42 introduit une obligation de compte-rendu systématique et exhaustif des événements liés à la sécurité dans le transport aérien

a) L'apport indéniable de la directive

● Un compte-rendu exhaustif

La directive 2003/42 constitue une avancée sensible au regard de la législation retenue au niveau de l'OACI et des JAA. Elle introduit, en effet, une obligation de compte rendu d'événement, et non plus d'incident, qui sera applicable aux différents intervenants du transport aérien.

Il ne s'agira donc plus de rendre compte des incidents observés, mais des « événements qui mettent en danger ou qui, s'ils ne sont pas corrigés, mettraient en danger un aéronef, ses occupants ou toute autre personne » (article 3 de la directive). Une liste d'événements susceptibles d'être rapportés figure en annexe de la directive (voir annexe 4).

Ces événements sont susceptibles d'avoir eu une incidence sur la sécurité aérienne et doivent, à ce titre, faire l'objet d'un compte-rendu aux autorités compétentes des Etats membres de l'Union européenne. Les accidents et les incidents graves au sens de la directive 94/56 ne constituent pas des événements.

L'information recueillie par le biais du compte-rendu des événements devrait être exhaustive. En effet, l'obligation de compte-rendu pèsera sur l'ensemble des intervenants du transport aérien. Elle concernera, comme c'est le cas actuellement, les exploitants ou le commandant de bord d'un aéronef, les constructeurs, les ateliers de maintenance, les contrôleurs, mais également - fait nouveau - les directeurs d'aéroports et les personnes ayant la charge de la vérification en vol des aéronefs. Le champ d'application du compte-rendu est donc largement étendu.

Par ailleurs, les obligations de compte-rendu aux autorités nationales sont élargies, puisqu'elles ne se limiteront plus légalement au compte-rendu des incidents graves. Les difficultés liées à l'identification des incidents graves et à la saisine de la DGAC seront donc levées.

obligations de compte-rendu À la dgac

Législation en vigueur
en France

Directive 2003/42

Exploitant

Incident grave

Tout événement

Constructeur

Incident majeur

Tout événement

Organisme d'entretien

Tout événement

Tout événement

Contrôleur

Tout événement

Tout événement

directeur d'aéroport

Rien

Tout événement

Vérificateur en vol

rien

Tout événement

Les comptes rendus d'événements seront adressés à l'autorité nationale de l'aviation civile et/ou à l'organisme en charge des enquêtes-accidents (article 5 de la directive).

La directive 2003/42 a donc pour objet d'élargir le compte-rendu « externe » vers l'autorité nationale compétente, et non d'améliorer le compte-rendu interne à l'exploitant et au constructeur. Toutefois, l'impact de la directive sur le compte-rendu interne sera inéluctable, les compagnies devant rapporter l'ensemble des événements ayant un impact sur la sécurité des aéronefs et donc récolter préalablement ces informations.

La directive 2003/42 ajoute au compte rendu d'événements obligatoire, un mécanisme de compte rendu volontaire (article 9). Les informations recueillies par ce biais seraient anonymes.

L'obligation de rapporter tout événement lié à la sécurité dans le transport aérien aura, en France, un impact considérable.

Comme votre Rapporteur l'a déjà indiqué, la DGAC se voit actuellement notifier 17 000 événements, dont 16 000 au titre du contrôle de la circulation aérienne. A compter de 2007, la DGAC estime à 30 000 le nombre d'événements dont elle devrait être informée, dont la moitié serait rapportée au niveau du contrôle aérien. Concrètement, le SFACT verrait donc le nombre d'événements rapportés passer de 1 000 à 15 000. Certains de ces événements seront probablement redondants puisque rapportés à la fois par le constructeur, l'exploitant ou l'atelier de maintenance. Néanmoins, le risque d'une « explosion » du nombre d'événements rapportés à la DGAC est indéniable.

Cette « explosion » du compte-rendu devrait également être ressentie dans tous les Etats membres de l'Union européenne, puisque la directive va introduire un même niveau d'exigence en termes de compte-rendu pour tous les Etats membres.

Il est malheureusement difficile d'évaluer cette perspective, le niveau de compte-rendu aux autorités de l'aviation civile au sein de l'Union européenne souffrant d'un manque notoire de transparence.

Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, il n'existe en effet actuellement aucun bilan des modalités de compte-rendu des incidents graves aux autorités de l'aviation civile nationale.

Les audits menés dans le cadre de l'OACI ne portent pas sur la mise en œuvre de l'annexe 13 à la convention de Chicago relative aux enquêtes sur les accidents et les incidents graves. Cette lacune devrait être comblée, les audits prévus pour la période 2004-2007 devant s'intéresser à cette question. Il n'existerait, par ailleurs, aucun bilan officiel du compte-rendu des incidents graves au sein de l'Union européenne, alors que cette obligation, prévue au titre de la directive 96/54, doit théoriquement être mise en œuvre depuis 1996.

Afin de veiller à l'application effective des dispositions de la directive 2003/42, votre Rapporteur estime souhaitable que la Commission européenne établisse dès 2006 un bilan de sa mise en œuvre, précisant le nombre d'événements faisant l'objet d'un compte-rendu par Etat membre et le traitement auquel il donne lieu.

Proposition : Publier, dès 2006, un bilan, pour chaque Etat membre, de la mise en œuvre effective des nouvelles obligations introduites par la directive 2003/42 de compte-rendu aux autorités de l'aviation civile de tout événement ayant un impact sur la sécurité des vols.

b) Des incertitudes à lever

● Le compte-rendu systématique des événements observés dans le transport aérien suppose une protection juridique des différents acteurs impliqués

Une protection du notifiant est prévue pour le compte-rendu des incidents graves au BEA, en application de la loi n° 99-243 du 29 mars 1999.

L'article L722.2 du code de l'aviation civile prévoit ainsi que « toute personne impliquée, de par sa fonction, dans un incident qu'elle a spontanément et sans délai signalé à l'organisme permanent et, le cas échéant, à son employeur ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire ou administrative, sauf en cas de manquement délibéré ou répété aux règles de sécurité ».

Les exploitants peuvent également, dans leur règlement intérieur, établir une absence de sanction disciplinaire en cas de compte-rendu d'événements. La charte relative au retour d'expérience d'Air France prévoit ainsi qu'aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée à l'encontre de l'agent qui aurait révélé un manquement aux règles de sécurité, sauf en cas de manquement délibéré ou répété aux règles de sécurité.

Charte « retour d'expérience sécurité exploitation »
du 17 juin 2001 en vigueur à Air France

« La sécurité de l'exploitation doit être la préoccupation première et permanente d'une compagnie aérienne.

Le développement d'une compagnie sûre, inspirant confiance à ses clients, se fonde sur l'expérience tirée, jour après jour, vol après vol, des événements pouvant affecter la sécurité de ses opérations.

Le souci d'Air Fronce est d'améliorer la visibilité sur ceux-ci afin d'entretenir la conscience des risques liés à notre activité aérienne et d'apporter des mesures correctives lorsqu'elles s'avèrent nécessaires.

Dans ce cadre, il est de la responsabilité de chaque agent de communiquer spontanément et sans délai toute information sur des événements de cette nature. Un manquement à cette règle peut compromettre l'ensemble de la démarche de prévention conduite par ta Compagnie.

Pour favoriser ce retour d'expérience, je m'engage à ce qu'Air France n'entame pas de procédure disciplinaire è l'encontre d'un agent qui aura spontanément et sans délai révélé un manquement aux règles de sécurité dans lequel il est impliqué et dont Air France n'aurait pas eu connaissance autrement.

Toutefois, ce principe ne peut s'appliquer en cas de manquement délibéré ou répété aux règles de sécurité.

J'insiste pour que chaque agent, quelle que soit sa fonction dans l'entreprise, s'implique dans cette logique qui contribue à notre recherche permanente du plus haut niveau de sécurité de notre exploitation. »

Source : Air France.

L'article 8 de la directive 2003/42 imposera d'aller au-delà de cette protection contre toute sanction disciplinaire.

Il est, en effet, prévu :

- de garantir une confidentialité des informations contenues dans les comptes rendus volontaires ;

- que « sans préjudice des règles du droit pénal applicables, les Etats membres s'abstiennent d'intenter une action en ce qui concerne les infractions à la loi non préméditées ou réalisées par inadvertance, qu'ils viendraient à connaître seulement parce qu'elles ont été signalées dans le cadre du système national de comptes rendus obligatoires d'événements, sauf dans les cas de négligence grave » ;

- et, enfin, que « conformément aux procédures définies par leur législation et leurs pratiques nationales, les Etats membres veillent à ce que les travailleurs qui rendent compte d'incidents dont ils peuvent avoir connaissance ne subissent aucun préjudice de la part de leur employeur ».

Afin de garantir la confidentialité des comptes rendus obligatoires, la DGAC envisage que ceux-ci ne mentionnent pas le nom du notifiant. Toutefois, il est d'ores et déjà évident que les caractéristiques de l'événement (numéro et heure du vol) permettront aisément aux autorités d'être en mesure de lever, si elles le souhaitent, l'anonymat du notifiant.

Comme l'a indiqué M. François Grangier, expert, devant la mission221, « la solution communément admise est de chercher à établir un système [de compte-rendu] anonyme. Oui, mais l'aspect humain et l'aspect technique sont deux aspects dont l'intersection n'est pas vide. Pour traiter une information, il faut disposer de la totalité des éléments. Aucune chaîne de retour d'expérience ne peut être totalement anonyme dans les phases de départ. L'entité qui traite l'accident doit pouvoir contacter la personne qui a fait le compte rendu, dans le cas où il manquerait certains éléments dont l'intérêt paraît capital pour l'analyse. Il faut donc pouvoir établir un lien de confiance avec les personnes qui effectuent ces comptes rendus et dont on doit tenir compte dans l'analyse du problème ».

Un compte-rendu anonyme des événements ne semble donc guère réaliste. Afin de préserver la confidentialité des informations réunies, il semblerait plus approprié de restreindre l'accès aux comptes rendus d'événements. La DGAC mènerait actuellement une réflexion sur ce sujet, afin de circonscrire l'accès aux informations contenues dans la base nationale aux constructeurs, exploitants ou ateliers de maintenance qui procéderaient à une analyse statistique de l'information, dans le but de définir des mesures de prévention, et non de mettre en exergue les défaillances de telle compagnie ou de tel pilote. L'accès à la base de données serait autorisé dans la mesure où il se traduirait par une amélioration de la sécurité.

Proposition : Restreindre l'accès à la base d'informations regroupant, en application de la directive 2003/42, tous les événements survenus dans le transport aérien et ayant un impact sur la sécurité des vols, aux seuls opérateurs désireux de procéder à des analyses statistiques de cette base de données en vue de définir des mesures de prévention et garantir le caractère anonyme des données accessibles, afin qu'elles conservent leur confidentialité.

Demeure la question cruciale - et vivement débattue au sein de la mission - de la protection juridique du notifiant.

Une protection du notifiant à l'égard de toute sanction administrative et disciplinaire semble inéluctables du fait des dispositions de la directive. Reste en suspens la question de l'impunité pénale du notifiant.

Aux Etats-unis, la NASA est chargée, depuis 1975, de collecter et d'analyser les rapports confidentiels que lui transmettent, sur une base volontaire, les différents opérateurs du transport aérien. Cette procédure est connue sous le nom d'ASRS222. Depuis 1975, la NASA s'est ainsi vu notifiée 300 000 rapports confidentiels.

A ce titre, les informations rapportées par le notifiant ne peuvent être utilisées à son encontre dans le cadre de mesures coercitives223 décidées par la FAA. Il s'agit notamment là de mesures disciplinaires. Sous certaines conditions, les amendes ou pénalités auxquelles il serait soumis en application de la réglementation relevant de la FAA peuvent également être levées Cette politique d'impunité224 a été instaurée afin d'éviter « la loi du silence ». Les notifiants ne bénéficient donc pas d'une impunité pénale, les délits225 faisant l'objet de sanctions.

Sans pour autant s'inspirer du modèle américain, une protection du notifiant semble indispensable.

Comme l'a relevé Mme Catherine Hennequin lors de son audition226, « le retour d'expérience doit viser une prévention réelle du risque. [...] Si nous ne gérons pas le risque, il n'y aura plus de transports aériens à l'avenir. Cela dit, le problème se pose de la protection de l'opérateur, c'est-à-dire du personnel navigant. C'est lui qui est en bout de chaîne du retour d'expérience. [...] Les pilotes qui sont juridiquement les opérateurs finaux ont la responsabilité de l'information et de la communication de l'information. [...] On fait peser sur les pilotes la question de la prévention des risques, sur le personnel commercial ou sur toute personne qui procédera à un retour d'expérience, mais principalement sur les pilotes, car on sait qu'ils ont une obligation. On fait peser sur toux ceux qui procèdent à un retour d'expérience - et principalement sur les pilotes, car on sait qu'ils ont une obligation - la prévention des risques dans le transport aérien. Si une protection forte n'est pas instaurée corrélativement, le système se verrouillera très rapidement. »

Une impunité pénale totale serait toutefois socialement et juridiquement inacceptable. Elle irait à l'encontre de la sécurité dans le transport aérien et conduirait à une déresponsabilisation du notifiant. Par ailleurs, l'introduction d'une forme d'impunité pénale imposerait de distinguer la faute de l'erreur, ce qui, en matière de transport aérien, ne manquerait pas de soulever des difficultés.

Compte tenu des enjeux liés à la question de l'impunité pénale - partielle ou totale - des pilotes et contrôleurs aériens, votre Rapporteur estime préférable de ne pas trancher cette question pour l'instant, celle-ci devant être abordée dans le cadre d'une réflexion approfondie, menée sur le plan interministériel.

Proposition : Favoriser le compte-rendu aux autorités de l'aviation civile des Etats membres des événements ayant un impact sur la sécurité des vols, en introduisant une protection contre toute sanction administrative et disciplinaire du notifiant qui rend compte spontanément et sans délai d'un événement relatif à la sécurité dans le transport aérien, sauf en cas de manquement délibéré ou répété aux règles de sécurité.

● Au-delà de la protection juridique du notifiant, se pose la question du choix de l'autorité nationale chargée de collecter et de traiter les événements recueillis en application de la directive

L'article 5 de la directive laisse une grande marge de manœuvre aux Etats membres, en les autorisant à désigner l'autorité nationale de l'aviation civile et/ou l'organisme chargé des enquêtes sur les accidents et les incidents graves. Ce débat oppose d'ores et déjà la DGAC et le BEA.

Selon votre Rapporteur, ce débat doit être tranché au regard des objectifs du traitement des données collectées. Compte tenu de la masse des informations réunies, il ne peut en aucun cas s'agir d'analyser les causes des événements rapportés.

En revanche, la faculté désormais offerte aux autorités de disposer d'une information fiable et exhaustive peut être l'occasion de se livrer à une recherche des précurseurs d'accidents, susceptible de déboucher sur de nouvelles consignes opérationnelles et de navigabilité. Il s'agit là d'un défi énorme et d'une tâche de grande ampleur dont les résultats seront appréciés sur le long terme. Précisons que cette tâche ne constitue nullement une obligation, la directive ne précisant pas les modalités de traitement des données recueillies par chaque Etat membre.

La base de données communautaires ouvre la voie à une forme nouvelle de traitement des événements observés dans le transport aérien. Compte tenu de l'incidence de ces travaux sur la sécurité dans le transport aérien, il semble exclu que la France ne procède pas à une analyse des éléments précurseurs d'accidents et d'incidents graves. Ces recherches constituent la seule véritable marge de manœuvre pour améliorer la sécurité du transport aérien dans les pays occidentaux.

La tâche à mener, fondée sur une analyse statistique de la gestion du risque, s'écarte donc sensiblement des fonctions exercées par le BEA. C'est pourquoi, il semblerait opportun que la DGAC soit l'autorité chargée de collecter et de traiter les événements rapportés en application de l'article 5 de la directive 2003/42. Ses moyens humains et techniques devront être accrus en conséquence.

Proposition : Accroître les moyens humains et techniques de la DGAC, afin de lui permettre, en application de la directive 2003/42, d'être en mesure de collecter toute information liée à un événement ayant un impact sur la sécurité des vols et de traiter l'information ainsi collectée, en vue de détecter les incidents précurseurs d'accidents.

● Se pose, enfin, la question du traitement de l'information et du retour d'expérience au niveau communautaire

L'article 6 de la directive prévoit un échange d'informations, sur la base du volontariat, entre Etats membres. Chaque autorité nationale mettrait ainsi à la disposition de ses homologues les informations stockées dans sa base.

Ce dispositif peut sembler - ne serait-ce que pour des raisons informatiques - raisonnable. Il permettra également de protéger les intérêts commerciaux propres à chaque grande compagnie nationale.

Pour autant, dans la mesure où les événements recueillis ont vocation à être analysés afin de mettre en lumière les précurseurs d'accidents ou d'incidents graves, votre Rapporteur s'interroge sur la pertinence d'un cloisonnement de chaque réseau national. Une interconnexion de ces réseaux permettrait au contraire d'étendre sensiblement le champ d'investigation de l'analyse des précurseurs d'accidents.

Sans doute est-il politiquement prématuré d'émettre le vœu que l'AESA puisse avoir accès à l'ensemble des fichiers de comptes rendus volontaires des Etats membres et traiter l'information ainsi recueillie. A terme, cette évolution semble cependant inéluctable, tant la sécurité dans le transport aérien est devenue un enjeu pour tout citoyen de l'Union européenne, indépendamment de sa nationalité.

Préalablement à cette étape, il semble toutefois possible d'aménager les modalités de connexion des réseaux nationaux. Les accidents et les incidents graves devant être enregistrés dans la base de chaque Etat membre, il serait souhaitable d'introduire un mécanisme de « repérage » des incidents, assorti d'un système d'alerte.

A titre d'illustration, ces incidents graves pourraient être automatiquement notifiés à L'AESA, chaque Etat membre précisant les mesures correctrices adoptées, à charge pour l'AESA de diffuser les informations ainsi recueillies aux autres Etats membres. En cas d'interdiction d'un aéronef ou d'un exploitant décidée suite à un incident grave, une procédure d'alerte automatique serait mise en place sous l'égide de l'AESA, afin d'appliquer cette interdiction sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.

Votre Rapporteur présentera une proposition dans ce sens.

160 « Safety oversight issues » (Questions de supervision de la sécurité).

161 « Code of federal regulations » (CFR) en anglais.

162 « Federal aviation act » en anglais.

163 « Foreign air carriers » en anglais.

164 « Minimum equipment list » (MEL) en anglais.

165 « International aviation safety assessment » (Evaluation de la sécurité dans l'aviation internationale).

166 Rapport (n° 2535) « Après l'Erika, l'urgence » présenté le 5 juillet 2000 par Jean-Yves Le Drian et rapport (n° 1018) « De l'Erika au Prestige : la mer de tous les vices » présenté le 10 juillet 2003 par M. Christophe Priou.

167 http://www.easa.eu.int/ rulemaking_en.html.

168 Audition du 14 avril 2004.

169 « Exhaust gas turbine » en anglais.

170 Audition du 8 juin 2004.

171 Audition du 8 juin 2004.

172 Lorsqu'une compagnie de l'espace JAA affrète une compagnie d'un pays tiers, elle se doit de vérifier que cette compagnie répond à des critères opérationnels précis.

173 Audition du 18 mai 2004 par la Présidente et votre Rapporteur.

174 Audition du 2 mars 2004.

175 Audition du 8 juin 2004.

176 Pour les transports aériens effectués par un transporteur communautaire, le régime de responsabilité du transporteur est prévu par le règlement (CE) n° 2027/97 du Conseil du 9 octobre 1997 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d'accident. Toutefois, à compter du 28 juin 2004, le règlement (CE) n° 889/2002 du Parlement européen et du Conseil du 13 mai 2002 modifiant le règlement (CE) n° 2027/97 du Conseil relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d'accident, prévoit l'application de la convention de Montréal à tous les transporteurs aériens communautaires.

177 Audition du 8 juin 2004.

178 « Cooperative development of operational safety and continuing airworthiness program » (Développement coopératif de la sécurité de l'exploitation et du programme de suivi de navigabilité).

179 « International finantial facility for aviation safety » en anglais.

180 Audition du 2 mars 2004.

181 Etude publiée dans les annales des Ponts et Chaussées.

182 Audition du 2 mars 2004.

183 Audition du 2 mars 2004.

184 Ce dispositif a été introduit en droit interne par le décret n° 2001-1043 du 8 novembre 2001 relatif aux enquêtes techniques dans l'aviation civile et modifiant le code de l'aviation civile. Il est codifié à l'article R.711-5 du code de l'aviation civile.

185 Audition du 2 mars 2004.

186 Audition du 2 mars 2004.

187 « National transportation safety board » en anglais.

188 Audition du 2 mars 2004.

189 « Cockpit voice recorder » en anglais.

190 « Flight data recorder » en anglais.

191 Audition du 4 mai 2004.

192 « Quick access recorder » (QAR) en anglais.

193 Audition du 4 mai 2004.

194 Dans la nuit du 20 au 21 mars 2004, un avion MD 83 de la compagnie Louxor Air s'est écarté de la trajectoire réglementaire, survolant l'agglomération nantaise.

195 Article R722-3 du code de l'aviation civile.

196 Article R722-5 du code de l'aviation civile.

197 Article R722-4 du code de l'aviation civile.

198 Décret n° 2001-1043 du 8 novembre 2001 relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile et modifiant le code de l'aviation civile.

199 Arrêté du 4 avril 2003 fixant la liste des incidents d'aviation civile devant être portés à la connaissance du bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile.

200 Audition du 2 mars 2004.

201 Par le biais de la loi n° 99-243 du 29 mars 1999 précitée.

202 Audition du 4 mai 2004.

203 Audition du 2 mars 2004.

204 Déclaration de M. Thierry le Floc'h lors de son audition du 4 mai 2004.

205 Compte-rendu, signalement ou déclaration.

206 « Air safety report » (Rapport de sécurité aérienne).

207 Décision du Conseil d'Eurocontrol du 12 novembre 1999 relative à l'exigence réglementaire de sécurité de l'organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, relative à la notification et à l'analyse des événements liés à la sécurité dans le domaine de la gestion du trafic aérien. Cette décision a été transposée en droit interne par l'arrêté du 26 mars 2004 relatif à la notification et à l'analyse des événements liés à la sécurité dans le domaine de la gestion du trafic aérien.

208 Audition du 4 mai 2004.

209 En application de l'article L. 330-6 du code de l'aviation civile.

210 Audition du 4 mai 2004.

211 Ces normes sont définies pour les constructeurs par le JAR 21, auquel s'est substitué depuis 2003 le règlement 1702/2003, pour les exploitants par l'OPS 1.1420 et pour les ateliers de maintenance par le JAR 145, auquel s'est substitué depuis 2003 le règlement 2042/2003.

212 Audition du 4 mai 2004.

213 Audition du 31 mars 2004.

214 Audition du 7 avril 2004.

215 Audition du 7 avril 2004.

216 Audition du 14 avril 2004.

217 Audition du 13 avril 2004.

218 Audition du 13 avril 2004.

219 Audition du 4 mai 2004.

220 Audition du 4 mai 2004.

221 Audition du 4 mai 2004.

222 « Aviation Safety Reporting System » en anglais.

223 « Enforcement actions » en anglais.

224 « Non punitive policy » en anglais.

225 « Criminal offenses » en anglais.

226 Audition du 4 mai 2004.