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le 3 février 2003

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N° 572

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 janvier 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE SUR LE PROJET DE LOI pour l'initiative économique (n° 507 rectifié),

TOME I

Articles non fiscaux.

1ère Partie : Préface, Introduction, Auditions

[ 2ème Partie : Examen des articles ]

______

Président,

M. Hervé NOVELLI,

Rapporteure,

Mme Catherine VAUTRIN,

Députés.

--

Politique économique.

PRÉFACE DE M. HERVÉ NOVELLI, PRÉSIDENT 7

INTRODUCTION 9

I. - LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE RÉSOLUE EN FAVEUR DE LA CRÉATION ET DE LA REPRISE D'ENTREPRISE 11

A. UN CONTEXTE PRÉOCCUPANT 11

B. LES ENJEUX DE LA CRÉATION D'ENTREPRISE 13

C. UNE DÉMARCHE RÉSOLUE 14

II.- UN PROJET DE LOI CONCRET ET COHÉRENT 15

A. UN PROJET CONSTRUIT AUTOUR DE TROIS SÉRIES DE MESURES 16

1. La simplification de la création d'entreprise (Titre I) 16

2. La transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur (Titre II) 17

3. L'accompagnement social des projets (Titre IV) 18

B. DES COMPLÉMENTS COHÉRENTS QUI RENFORCENT LA PORTÉE DU PROJET DE LOI 19

AUDITIONS 23

- Audition de M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation 23

- Audition de M. Christian Sautter, vice-président de la Fédération des organisations contribuant à la création des entreprises et à leur reprise (FORCE) 38

- Audition de M. François Hurel, délégué général de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE) 44

- Audition de M. Pierre Fonlupt, membre du Conseil exécutif du MEDEF 50

- Audition de MM. Alain Griset, président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) et Jean François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie 55

- Audition de M. Albert Ollivier, directeur de la Direction du programme PME-Emploi à la Caisse des dépôts et consignations 64

- Audition de M. Robert Buguet, président de l'Union des professions artisanales (UPA) et de M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) 70

- Audition de M. Philippe Dupont, vice-président de la Fédération bancaire française 74

- Audition de MM. Michel Tudel, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat, de Mme Eglantine Granvilliers, au titre du Conseil de l'Ordre des avocats et de MM. Jacques-Philippe Gunther, Pierre Lafon et Michel Pitron au titre du Conseil national des barreaux 78

EXAMEN DES ARTICLES  

PRÉFACE DE M. HERVÉ NOVELLI, PRÉSIDENT

Aujourd'hui, avec environ 175 000 nouvelles entreprises chaque année, la France ne peut s'enorgueillir d'une politique ambitieuse pour favoriser la création d'entreprises.

Après sans doute quelques années de perplexité sur la place à accorder à l'initiative créatrice des Français, l'idée qu'elle est l'un des éléments moteurs d'une économie forte et moderne est pourtant aujourd'hui acquise.

Les vertus sociales de l'entrepreneuriat ne sont plus à confirmer puisque près de 300 000 emplois nouveaux sont chaque année le fruit des créations d'entreprises et que leur valeur ajoutée représente à elle seule près de 20 milliards d'euros chaque année.

Or, la France accuse, depuis ces cinq dernières années, un double retard :

- un retard par rapport à ses voisins européens puisque l'Espagne et l'Italie, pour ne citer que ces exemples, créent deux fois plus d'entreprises que la France chaque année, à population active comparée,

- un retard, aggravé chaque année, entre les Français qui manifestent un intérêt pour l'initiative et le nombre de ceux qui passent effectivement à l'acte.

Au vu de ces quelques éléments, la commission spéciale s'est félicitée de l'initiative du Gouvernement qui, en proposant un projet de loi en faveur de la création d'entreprises, souhaite aussi rendre plus accessible à chacun l'entrepreneuriat et accroître ainsi très sensiblement le nombre de créations pour le porter à 200 000 chaque année.

Le projet propose un large éventail de mesures pour simplifier les conditions d'accès à l'entrepreneuriat et les formalités administratives s'y rapportant.

Il propose également de rendre plus aisé le passage du statut de salarié à celui d'entrepreneur, en allégeant les cotisations sociales de ces derniers.

En prévoyant l'insaisissabilité du patrimoine familial du créateur, le projet de loi se propose d'éviter d'additionner un éventuel échec familial à l'insuccès du projet de ceux qui en prennent l'initiative.

Afin de répondre à la délicate question du financement des nouvelles entreprises et de mieux prendre en compte leur capacité de développement, le projet présenté envisage d'attirer l'épargne de proximité dans des fonds communs d'investissement en prévoyant un avantage fiscal conséquent.

Il convient également de souligner l'avantage fiscal prévu au bénéfice de ceux qui investiront directement au capital de sociétés nouvelles.

Enfin, prenant mieux en compte la dimension temporelle globale et territoriale d'une politique en faveur de l'entreprise et des plus petites d'entre elles, le projet de loi propose une série de dispositions fiscales en faveur de la transmission et de la reprise d'entreprises.

Tous ces éléments concourront donc tout à la fois, à faire de la création d'entreprises un axe majeur de l'économie française et à rendre plus attractive l'implantation de nouvelles entreprises dans les territoires.

A l'occasion de l'examen de ce projet de loi, la commission a très largement auditionné tant les acteurs économiques que les représentants des structures d'appui à la création d'entreprises en France. La commission a également auditionné de nombreuses personnalités et a entendu parfaire sa connaissance du sujet de la création d'entreprises par l'audition de représentants des entreprises.

Ces auditions ont conduit la commission spéciale à adopter une série d'amendements qui viennent s'inscrire dans le droit fil du projet de loi en prévoyant également d'améliorer quelques dispositifs.

- en matière de simplification, la majorité de la commission a estimé que sans attendre les ordonnances prévues en ce domaine par le gouvernement, il convenait d'ajouter dès maintenant, notamment en matière sociale et administrative, des amendements s'y rapportant ;

- la majorité de la commission spéciale a adopté également une série d'amendements tendant à favoriser plus encore l'investissement dans la création et le développement des petites et moyennes entreprises.

Au total, ce projet consacre la place centrale de l'entrepreneur au cœur de la création de richesse et donc d'emplois. Ce texte exprime ainsi une philosophie et des actions concrètes pour donner à notre pays toutes ses chances dans la bataille pour l'emploi.

Hervé Novelli

________

MESDAMES, MESSIEURS,

Au cours des dernières années, les rapports et études diverses sur la création ou la reprise d'entreprise se sont multipliés et entassés sur les rayons des bibliothèques. Le temps de l'analyse est révolu - les mesures à prendre sont à présent bien identifiées -, arrive désormais celui de l'action.

Le Gouvernement l'a bien compris qui, au terme d'un calendrier serré, a déposé le présent projet de loi pour l'initiative économique. D'aucuns trouveront son ampleur trop réduite, soulignant que les questions du développement des petites et moyennes entreprises et du soutien au commerce et à l'artisanat constituent des dossiers qui n'ont que trop été laissés en souffrance.

Pourtant, il ne s'agit pas là d'un manque d'ambition, mais d'un souci d'efficacité immédiate. Tous les problèmes ne peuvent être résolus en une fois et il convient d'être reconnaissant à l'égard du Gouvernement de n'avoir pas cédé au mythe de la « Grande Loi Définitive », immense fourre-tout où disparaîtrait toute ligne de force.

La méthode consistant, parallèlement au dépôt du présent projet de loi, à annoncer d'autres rendez-vous avec le Parlement d'ici à la fin de l'année, est donc la bonne. Les mesures prévues par le texte, par leur caractère concret et cohérent, peuvent être mises en œuvre sans attendre et sont de nature à enclencher une dynamique favorable au renouvellement de notre tissu économique.

Le projet de loi témoigne aussi, c'est la rupture essentielle avec la politique précédente, d'un changement radical de philosophie. Les mesures proposées s'inscrivent dans le respect des valeurs de responsabilité du monde de l'entreprise et s'appuient sur l'initiative, l'autonomie, la prise de risque et la volonté de réussite. Il ne s'agit plus de tomber dans l'écueil de l'économie mixte par la multiplication des aides et des subventions. Pour le Gouvernement, il s'agit, désormais, moins d'aider que de faciliter, moins d'intervenir que d'accompagner.

I. - LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE RÉSOLUE EN FAVEUR DE LA CRÉATION ET DE LA REPRISE D'ENTREPRISE

Alors que notre pays a connu une période de croissance soutenue au cours des dernières années, la création d'entreprises est atone. C'est le paradoxe qui distingue malheureusement la France de ses principaux partenaires et voisins. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les entreprises nouvelles apportent une contribution primordiale à l'emploi et à l'aménagement du territoire. Elle est d'autant plus malvenue que la France va se trouver rapidement confrontée au départ de toute une génération de chefs d'entreprise qui ont apporté une contribution décisive au développement de notre pays.

A. UN CONTEXTE PRÉOCCUPANT

La création d'entreprises stagne en France depuis plusieurs années. Alors que jusqu'à la fin des années 1980, il se créait annuellement près de 200 000 entreprises nouvelles, ce nombre s'est réduit pour s'établir à un niveau légèrement inférieur à 180 000.

L'INSEE a récemment publié les chiffres de la création d'entreprises en 2002, chiffres qui témoignent d'une légère diminution par rapport à 2000 et 2001 (1).

En 2002, ce sont ainsi 270 000 entreprises qui ont été créées dans l'industrie et dans le tertiaire marchand non financier. Les deux tiers sont des entreprises vraiment nouvelles, les autres étant réactivées après une interruption (20 %) ou reprises s'effectuant par achat, prise en location-gérance d'un fonds de commerce, donation ou héritage (15 %).

Au cours des cinq dernières années, le nombre total des créations d'entreprises n'a guère évolué, restant proche de 270 000. Néanmoins, on constate que, après un point haut en 2000, ce chiffre est en légère diminution depuis les deux dernières années.

Sur une période plus longue, depuis 1997, l'évolution des créations d'entreprises a connu l'évolution récapitulée dans le tableau ci-dessous. Globalement, le recul est de 0,3 % entre 1997 et 2002.

ÉVOLUTION DES CRÉATIONS D'ENTREPRISES

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Créations pures

166 837

166 174

169 659

176 754

177 029

178 001

Reprises

46 385

44 480

43 159

41 652

41 560

40 125

Réactivations

57 853

55 775

56 085

53 666

51 995

52 055

Ensemble

271 075

266 429

268 903

272 072

270 584

270 181

Source : INSEE

Le nombre de reprises connaît une baisse constante depuis 1997 (- 13 %). Le nombre de réactivations diminue également, de 10 % sur la même période. Le nombre de créations pures est, en revanche, en légère hausse en 2002 et atteint son niveau le plus élevé (178 000 environ) depuis 1997. Mais cette dernière augmentation n'a pas pu compenser, comme en 2001, le recul des reprises et des réactivations. Il y a quasiment autant de créations que de cessations.

La situation de chaque secteur de l'économie au regard de la création d'entreprises est variable. Les secteurs les plus dynamiques sont l'immobilier (+ 29 % depuis 1997), les services aux entreprises (+ 12 %), la construction (+ 12 %) et l'éducation, santé, action sociale (+ 11 %). En revanche, le nombre de créations d'entreprises baisse chaque année depuis 1997 dans le commerce (- 12 %), qui concentre encore un quart des créations. La diminution pour le commerce de détail est plus faible (- 9 %) que pour le commerce de gros (- 17 %). Dans l'industrie, le recul est plus marqué (- 15 %). Il est plus élevé dans l'industrie des biens de consommation (- 20 %) et dans les industries des biens intermédiaires (- 19 %) que dans les industries des biens d'équipement (- 10 %).

Le fait que cette stagnation globale ait coïncidé avec une période de croissance plutôt soutenue constitue un important motif d'inquiétude.

Par ailleurs, les comparaisons internationales montrent le retard de notre pays par rapport à nos principaux partenaires. Ce retard peut se constater aussi bien en termes de flux (au travers du nombre de créations pour 10 000 habitants) qu'en termes de stock (au travers de la densité entrepreneuriale, c'est-à-dire le nombre d'entreprises rapporté à la population), comme le montre le tableau ci-dessous.

COMPARAISONS INTERNATIONALES

Nombre d'entreprises

Nombre de créations d'entreprises

Taux de création

(pour 10.000 habitants)

Densité entrepreneuriale

(nombre d'entreprises par million d'habitants)

Espagne

2 650 000

350 000

88

0,067

Etats-Unis

21 300 000

1 715 000

62,5

0,078

France

2 400 000

177 000

44

0,041

Italie

4 650 000

370 000

64

0,081

Royaume-Uni

3 500 000

393 000

66

0,059

Source : d'après rapport Hurel (données 2000).

Si la France connaissait une densité entrepreneuriale équivalente à celle du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, elle compterait respectivement 3,4 millions d'entreprises (soit 40 % de plus qu'aujourd'hui) ou 4,4 (soit 83 % de plus qu'aujourd'hui).

Comme le montrent plusieurs études internationales, la France figure parmi les pays dans lesquels la création d'entreprise est le choix professionnel le moins spontanément envisagé.

Or, notre pays est confronté à un contexte démographique particulièrement préoccupant. Toute une génération de chefs d'entreprise va atteindre l'âge de la retraite. On estime que, d'ici dix ans, 500 000 entreprises (soit plus de 20 % d'entre elles) devront changer de mains. C'est dire que la reprise doit désormais être traitée de la même manière que la création ex nihilo, tant les difficultés rencontrées par les créateurs ou les repreneurs sont similaires. Il convient de faire cesser la situation actuelle qui voit près de 20 % des entreprises dont le dirigeant prend sa retraite ne pas faire finalement l'objet d'une reprise, avec toutes les conséquences économiques et sociales que présente une cessation définitive d'activité.

B. LES ENJEUX DE LA CRÉATION D'ENTREPRISE

Parce qu'elle permet le renouvellement du tissu économique de notre pays, la création d'entreprise constitue une indispensable contribution à l'emploi et une nécessité pour l'aménagement du territoire et la sauvegarde des zones fragiles.

Le poids des petites et moyennes entreprises dans l'emploi salarié est bien connu. Les 2 250 000 entreprises de moins de 10 salariés, qui représentent 93 % de toutes les entreprises, emploient près du quart des salariés du pays. Jusqu'au seuil de 200 salariés, ce sont au total 2 400 000 entreprises qui emploient près de 57 % des salariés. Si l'on tient compte du fait que ces entreprises emploient leur chef d'entreprise et bien souvent son conjoint, on estime que les entreprises de moins de 200 salariés accueillent près des deux tiers des emplois du secteur privé.

L'évolution de l'emploi au sein de ces entreprises est également positive. Une étude d'un cabinet privé, PH Group, citée par le document de consultation et d'orientation publié par le Secrétariat d'État, est particulièrement éclairante à cet égard.

C'est grâce à l'évolution de l'emploi dans les entreprises de moins de 10 salariés que l'emploi global a progressé entre 1991 et 1998. Comme le montre le tableau ci-après, le nombre d'emplois créés, entre 1991 et 1998, grâce à la création d'entreprises de cette taille (2,4 millions) est près de deux fois supérieur aux emplois perdus dans les entreprises de plus de 100 salariés (1,2 million).

ÉVOLUTION DU NOMBRE D'EMPLOIS ENTRE 1991 ET 1998

(en milliers de salariés)

entreprises de moins de dix salariés

entreprises de 11 à 100 salariés

entreprises de plus de 100 salariés

total

Emplois perdus dans les disparitions

- 1 720

- 1 143

- 1 086

- 3 949

Évolution de l'emploi dans les entreprises pérennes

+ 1 230

+ 76

- 488

+ 818

Emplois créés par les entreprises créées

+ 2 377

+ 540

+ 345

+ 3 262

Solde

+ 1 887

- 527

- 1 229

+ 131

Source : d'après PH Group

La contribution des entreprises nouvelles à l'animation des territoires est indéniable et la vitalité de ceux-ci dépend de la vitalité de leur tissu économique. Aidés par des mécanismes d'aides ou d'incitation ciblés, la création et le maintien des entreprises dans les zones économiquement fragiles sont indispensables pour conjurer le déséquilibre de notre territoire et la désertification de régions entières.

C. UNE DÉMARCHE RÉSOLUE

L'objectif poursuivi par le Gouvernement est clair : permettre la création de plus d'un million d'entreprises nouvelles à l'horizon de cinq années. Représentant une progression de plus de 10 % des chiffres constatés aujourd'hui, il s'agit d'inverser durablement la tendance observée depuis de trop nombreuses années.

Parce que l'entreprise favorise l'expression des talents et de l'esprit d'initiative, parce qu'elle conditionne la création de richesse et d'emplois, parce qu'elle irrigue les territoires et diffuse l'innovation, parce qu'elle est un vecteur d'intégration sociale et une chance de réussite, le Gouvernement a placé la création d'entreprise au cœur de son projet économique.

Le calendrier serré qu'il a adopté pour élaborer et finaliser le présent projet de loi témoigne de sa résolution. Dès la fin du mois de mai 2002, le Premier ministre a chargé M. François Hurel, délégué général de l'Agence pour la création d'entreprise (APCE), de lui présenter un premier ensemble de mesures pour favoriser la création d'entreprise dans notre pays.

Remis dès le mois de juillet, ce rapport dressait un état des lieux de la création d'entreprises et présentait un ensemble de 60 propositions sur le développement de l'initiative économique classées en 6 thématiques : l'accès au financement, le cadre social de l'entrepreneur, l'amélioration du statut de l'entrepreneur, la simplification et l'allègement des formalités des entreprises, le rôle de l'accompagnement et du parrainage des jeunes entrepreneurs et la question de l'esprit d'entreprise.

Sur cette base, le Secrétariat d'État lançait une consultation nationale sur le thème de l'encouragement et du développement de la création d'entreprise auprès de plus de 3 000 acteurs de la création d'entreprise, dont les résultats étaient présentés lors d'un colloque organisé à Lyon en octobre dernier, en présence du Premier ministre. Les grandes lignes du présent projet de loi y étaient dévoilées avant son adoption définitive en conseil des ministres à la fin de l'année dernière.

Par ailleurs, ce projet s'inscrit dans un ensemble de réformes plus vaste qui comprendra un projet d'habilitation en vue d'édicter des ordonnances sur la simplification et la réforme administratives, le « Plan innovation et recherche » et un futur projet de loi sur le développement de l'entreprise qui traitera des problèmes du statut de l'entrepreneur et de son conjoint, de la protection financière et de l'accès aux financements, de la formation et de l'apprentissage et de l'accès aux marchés et comprendra de nouvelles mesures fiscales en faveur de l'entreprenariat et de son financement.

Ce programme ambitieux tranche, hélas, avec les atermoiements du précédent Gouvernement qui avait attendu les tous derniers mois de la précédente législature, pour déposer et faire discuter en première lecture à l'Assemblée nationale un projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il avait laissé les milieux concernés largement sur leur faim !

II.- UN PROJET DE LOI CONCRET ET COHÉRENT

Le présent tome du rapport ne traite pas des dispositions fiscales figurant dans le projet de loi au titre III relatif au financement de l'activité économique et au titre V relatif à la transmission des entreprises qui font l'objet d'un examen distinct, dans le tome II du rapport, par M. Gilles Carrez, rapporteur sur ces dispositions fiscales.

S'agissant des aspects économiques et sociaux, il est possible de distinguer entre les thèmes initialement inclus dans le projet de loi et ceux introduits dans le texte lors de l'examen en Commission.

En effet, aux dispositions initiales des titres I, II et IV (à l'exception de l'article 21 examiné dans le tome II), ainsi qu'à celles de l'article 17 du titre III rattaché au présent tome, enrichies lors de l'examen en Commission, il convient d'ajouter les nouveaux thèmes introduits par voie d'amendement qui n'altèrent en rien la cohérence du projet.

A. UN PROJET CONSTRUIT AUTOUR DE TROIS SÉRIES DE MESURES

1. La simplification de la création d'entreprise (Titre I)

Beaucoup a été fait, depuis une vingtaine d'années, pour simplifier les formalités entourant la création d'entreprises. À ce titre, la mise en place des centres de formalités des entreprises (CFE) a constitué une étape majeure de ce processus. Pourtant, toutes les enquêtes le montrent, un grand nombre de candidats à la création d'entreprise restent rebutés par un formalisme et une lourdeur administratives largement mythologiques. Sans doute, comme le fait remarquer le rapport Hurel, les créateurs ne font-ils aucune différence entre l'amont de la création et les premiers jours de leur début d'activité.

C'est pour mettre un terme à ce faux débat que le projet de loi prévoit de nouvelles mesures de simplification de l'acte de création lui-même. Ainsi, l'article 2 institue le récépissé de création d'entreprise, document qui permettra au créateur d'entamer immédiatement ses démarches auprès des administrations, des services publics ou des organismes de sécurité sociale et de retirer les fonds constitutifs du capital de la société qu'il vient de créer, sans attendre son immatriculation effective. La Commission a estimé que la délivrance du récépissé par le greffier du tribunal, comme le prévoyait le texte initial, n'était pas de nature à donner tout son sens à la mesure proposée, puisque la réglementation actuelle centralise normalement le dépôt des dossiers aux CFE. C'est pourquoi elle a adopté un amendement prévoyant que le récépissé serait délivré par l'organisme auprès duquel le dossier complet est déposé en premier, c'est-à-dire le CFE dans la plupart des cas ou le greffe dans quelques autres prévus par la réglementation actuelle.

De même, l'article 3 tire toutes les conséquences du développement des nouvelles technologies en autorisant la création d'une entreprise par Internet.

L'article 4 clarifie les règles de domiciliation des entreprises individuelles, la rédaction des dispositions actuelles du code du commerce étant plutôt adaptées à la situation des sociétés. Ce faisant, il assouplit les conditions de domiciliation d'une entreprise, individuelle ou sous forme sociétale, dans l'habitation de son dirigeant lorsqu'aucune disposition législative ou stipulation contractuelle ne s'y oppose, en l'autorisant de manière permanente. Dans le cas contraire, la possibilité pour une société d'installer provisoirement son siège social au domicile de son dirigeant est portée de 2 à 5 ans.

L'article 5 étend aux personnes morales la dérogation ouverte, en région parisienne et dans les villes, aux entreprises individuelles d'exercer leur activité au domicile de leur dirigeant lorsque cette activité ne suppose pas réception de clientèle ni de marchandises. Alors que le projet de loi ne prévoyait qu'une dérogation temporaire limitée à 5 ans, la Commission a supprimé cette limitation dans le temps, souhaitant que, sur ce plan, sociétés et entreprises individuelles soient soumises aux mêmes règles.

Dépassant le strict cadre de la simplification, l'article premier supprime toute exigence de capital minimum légal pour les SARL. Ce faisant, il tire les conséquences de l'évolution juridique et économique, qui a largement ôté beaucoup de sa signification au capital social, notamment pour les plus petites entreprises, afin de déconnecter l'acte de création lui-même, de la recherche des fonds nécessaires au financement de l'activité de l'entreprise.

Enfin, l'article 6 tente d'apporter une réponse à la question lancinante de la protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel. Il prévoit donc la possibilité pour celui-ci de protéger sa résidence principale contre les créances nées postérieurement à l'occasion de son activité professionnelle. Pour de légitimes raisons de sécurité juridique et de correcte information des tiers, cette déclaration est soumise à un formalisme particulier (exigence d'un acte authentique) et à des règles de publicité particulières (publication au registre des hypothèques, mention au registre du commerce et des sociétés - ou au répertoire des métiers - ou publication dans un journal d'annonces légales).

La Commission est bien consciente que la solution proposée est moins ambitieuse que les suggestions passées d'instituer un véritable patrimoine d'affectation, distinct du patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel qui serait ipso facto protégé des risques de l'entreprise. Néanmoins, elle a dû reconnaître, en repoussant des amendements allant en ce sens, la complexité de l'exercice. La solution proposée constitue une avancée considérable pour les familles de petits entrepreneurs individuels ne disposant que d'un patrimoine réduit, qui sont particulièrement visées par le projet de loi, et permettra, à n'en pas douter, d'éviter un certain nombre de drames familiaux.

Afin de réduire le coût de la procédure, la Commission a souhaité encadrer la rémunération des notaires, en prévoyant que leurs émoluments pour cet acte obéiront à un tarif fixe dans la limite d'un plafond fixé par décret.

2. La transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur (Titre II)

Ce titre comprend des mesures destinées à faciliter le passage du statut de salarié à celui de créateur d'entreprise en ménageant notamment la possibilité d'une période transitoire de bi-activité pendant laquelle le créateur reste salarié. Pour ce faire, il comporte des mesures destinées à aménager la relation de travail du salarié créateur avec son employeur (articles 7, 9, 10 et 11) et d'autres destinées à aider le salarié créateur (articles 8 et 12).

·  L'article 7 vise à rendre inopposables au salarié créateur ou repreneur d'entreprise - à l'exception des VRP - les clauses d'exclusivité qui s'imposeraient à lui du fait de dispositions conventionnelles ou contractuelles et à lui permettre ainsi l'exercice d'une activité indépendante.

Lors des auditions, certains des commissaires et des personnes auditionnées ont manifesté des craintes quant à la possibilité d'une concurrence déloyale par le salarié créateur au détriment de son employeur. Le choix fait par le projet est de favoriser la création d'entreprise et la nécessité de l'article 7 est de ce point de vue indéniable. On peut d'ailleurs relever qu'il ne fait que permettre à l'ensemble des salariés d'exercer le principe de liberté du travail et le droit au cumul d'emplois reconnus par le code du travail.

Toutefois, tenant compte des craintes exprimées, la Commission, outre un amendement étendant le dispositif à la totalité de la durée du congé pour création d'entreprise, a adopté un amendement affirmant solennellement la soumission du salarié créateur à l'obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur.

L'article 9 crée, à côté du congé pour la création d'entreprise, un droit au passage à temps partiel dans le même but. La Commission a souhaité préciser le régime propre à cette modalité particulière de bi-activité afin d'éviter toute ambiguïté ou litige dans sa mise en œuvre et permettre une application de ce droit respectueuse de la bonne marche des entreprises existantes. Par l'adoption de quinze amendements, elle a ainsi précisé la procédure encadrant la demande du salarié, la réponse de l'employeur et les conditions dans lesquelles celui-ci peut différer ou refuser le passage à temps partiel.

En complément de cet article, la Commission a ouvert le recours au contrat à durée déterminée pour le remplacement des salariés passés à temps partiel.

L'article 10 crée un contrat d'accompagnement à la création d'entreprise par lequel une entreprise accompagnante aide un porteur de projet, l'article 11 prévoyant, quant à lui, que ce contrat ouvre droit à des aides publiques ainsi qu'à une couverture sociale du porteur de projet. Les articles 10 et 11 donnent ainsi une base juridique solide à la pratique dite des « couveuses » d'entreprises ou d'activités.

La Commission a adopté deux amendements à l'article 10 destinés à éviter une co-responsabilité inconditionnelle de l'entreprise accompagnante face aux agissements du bénéficiaire du seul fait de la conclusion d'un contrat d'accompagnement. A la co-responsabilité systématique prévue par le projet, la commission a préféré renvoyer au contrat la faculté de prévoir les modalités d'une éventuelle co-responsabilité à l'égard des tiers. Il appartient aux parties de s'accorder sur l'ampleur de leur engagement respectif.

·  L'article 8 prévoit une exonération plafonnée des cotisations d'assurances sociales en faveur des salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise pendant la première année d'activité de cette activité s'ils restent salariés. Il s'agit de leur éviter ainsi une double cotisation. La Commission a adopté un amendement étendant le bénéfice de cet article à certaines catégories d'ayant-droit d'assurés.

Enfin, l'article 12 aménage les modalités de calcul des cotisations sociales minimales applicables aux entrepreneurs occasionnels afin qu'ils ne soient plus pénalisés et d'encourager la déclaration de ce type d'activité

3. L'accompagnement social des projets (Titre IV)

·  Il convient avant la présentation de ce titre d'évoquer les dispositions contenues juste avant, au titre III relatif au financement de l'initiative économique, dans l'article 17. Cet article visait à assouplir les conditions de prêt aux entreprises, par un relèvement du taux de l'usure pour les seules personnes morales effectuant une activité économique.

Les arguments avancés à l'appui de cet article reposaient sur l'idée que le taux de l'usure actuel excluait l'accès au crédit des entreprises présentant les niveaux de risque les plus élevés. Le relèvement du taux de l'usure était donc censé permettre aux banques d'accepter de financer des projets plus risqués. Cette argumentation n'a pas convaincu la Commission : l'efficacité difficile à mesurer de la disposition n'a pas semblé suffisamment probante au regard du risque qu'elle crée de relèvement des taux pratiqués à l'encontre des entreprises existantes. La Commission a donc adopté un amendement de suppression de l'article.

·  Le titre IV met en place (articles 18 à 20) un certain nombre de mesures destinées à accompagner socialement les créateurs ou repreneurs d'entreprises.

Ainsi, l'article 18 vise à permettre à l'employeur ou au travailleur non salarié créateur d'une entreprise de bénéficier d'un report des charges sociales exigibles au titre de la première année d'activité et d'un étalement du paiement reporté sur une période de cinq années afin d'aider au démarrage de l'entreprise sans les phénomènes de régularisation brutale des cotisations observés jusqu'à présent.

La Commission a souhaité préciser les conditions de cet étalement afin d'éviter une régularisation plus brutale encore au terme des cinq ans d'étalement. Elle a en outre mis en place, pas uniquement pour la première année d'activité mais de façon permanente un système optionnel de calcul des cotisations sociales dit « de forfaitisation ». Son objet est d'asseoir le calcul sur une assiette la plus proche possible des revenus réels et de supprimer les décalages dans le temps liés au système actuel.

L'article 19 a pour objet d'étendre le dispositif d'aide à la création et à la reprise d'entreprise par les personnes en difficulté aux demandeurs d'emploi de plus de 50 ans et de transformer le système actuel de primes en avances remboursables.

L'article 20 a pour objet d'étendre de six mois à un an la période de maintien de l'allocation spécifique de solidarité et de l'allocation veuvage pour les bénéficiaires qui créent une entreprise afin de permettre une meilleure protection des populations en difficulté désireuses de s'investir dans une activité économique.

B. DES COMPLÉMENTS COHÉRENTS QUI RENFORCENT LA PORTÉE DU PROJET DE LOI

La Commission n'a pas souhaité altérer la cohérence du texte, raison pour laquelle elle a notamment rejeté divers amendements portant notamment sur les conjoints collaborateurs ou la qualification des artisans, estimant que ces questions relèvent à l'évidence des projets de loi annoncés par ailleurs par le Gouvernement.

·  Dans le souci de renforcer la protection des entrepreneurs individuels, la Commission a souhaité renforcer la protection des personnes qui se portent caution. En effet, il n'est pas rare que des proches de l'entrepreneur se retrouvent dans une situation critique à la suite d'une défaillance en raison d'engagements dont ils n'avaient pas toujours mesuré la portée. L'amendement qu'elle a adopté, après l'article 6, élargit le champ de compétence des commissions de surendettement aux dettes nées du cautionnement et prévoit la présence sur le contrat de cautionnement de mentions manuscrites attestant que la personne est parfaitement informée des conséquences susceptibles de résulter pour elle du défaut du débiteur principal.

Dans le même esprit, la Commission a également adopté, à l'article 6, un amendement de M. Charles de Courson, exigeant l'accord des deux conjoints mariés sous un régime de communauté pour créer une entreprise individuelle et engager ainsi le patrimoine commun.

·  Reprenant le texte d'une proposition de loi signée par près de 160 de nos collègues, la Commission a adopté, après l'article 6, un amendement défendu par son président prévoyant le dépôt annuel d'un projet de loi de simplification administrative.

·  S'inscrivant dans la logique de simplification affirmée dès le titre Ier, la Commission a adopté trois amendements visant à simplifier la vie des entreprises.

Elle a d'abord créé, après l'article 6, un chèque-emploi entreprises inspiré du dispositif du chèque-emploi service ouvert aux particuliers. Grâce à ce chèque, l'employeur pourra s'acquitter d'un certain nombre d'obligations (rédaction d'un contrat de travail, remise de bulletins de paie, tenue du registre d'embauche) et verra les déclarations, le calcul et le paiement des charges sociales simplifiés. Il sera utilisable par les entreprises comptant au plus trois salariés et par toutes les entreprises, sans condition d'effectifs, pour leurs salariés employés moins de cent jours par an.

Il est à mettre en rapport avec le deuxième amendement, après l'article 6, instaurant une centralisation dans un guichet unique du recouvrement des charges sociales liées à l'emploi de salariés. Ce guichet assurera pour les employeurs concernés la plupart des obligations déclaratives liées à la conclusion du contrat de travail. Il calculera en outre les charges sociales qui feront l'objet d'un versement unique.

De façon cohérente, le troisième amendement, après l'article 18, met en place un guichet unique pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales applicables aux travailleurs non salariés.

·  Dans la logique du titre II, la Commission a encouragé le passage du statut de salarié à celui de créateur d'entreprise par l'adoption de trois amendements.

Le premier autorise à l'article 9 le passage à temps partiel des agents publics qui souhaiteraient créer leur entreprise. Le deuxième, après l'article 11 donne une base juridique au portage salarial, pratique jusqu'à présent exposée à des condamnations au motif qu'elle constituerait un prêt de main-d'œuvre illicite. Enfin, le troisième, après l'article 12, permet de revenir sur une modification apportée par la loi Aubry II : il s'agit de revenir à la présomption de non salariat pour les travailleurs indépendants. La suppression de cette présomption, créée par la loi « Madelin » de 1994, avait conduit de façon fréquente le juge à requalifier la relation contractuelle entre une entreprise et un travailleur indépendant en contrat de travail. Les conséquences induites par cette jurisprudence militaient pour un rétablissement de la présomption de non salariat qui offre aux deux parties la sécurité juridique dont elles ont besoin.

Ce souci caractérise l'ensemble des dispositions de nature économique et sociale contenues dans le projet de loi. Loin d'un repli sur des textes juridiques faussement protecteurs des salariés et réellement préjudiciables au dynamisme économique, les dispositions du projet telles qu'enrichies par l'examen en commission sont marquées par le pragmatisme, la volonté d'offrir aux employeurs, aux salariés, à ceux qui aspirent à passer d'une catégorie à l'autre, un cadre juridique souple, efficace et sûr qui permette à chacun de contribuer à la prospérité de tous.

AUDITIONS

Le mardi 21 janvier 2003, la Commission spéciale a procédé à l'audition de M. Renaud Dutreil, Secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation sur le projet de loi relatif à l'initiative économique (n° 507 rectifié).

Le Président Hervé Novelli a porté un jugement positif sur le projet de loi qui s'appuie, à raison, sur l'économie nationale, qui constitue l'une des deux dimensions de la croissance économique, dans une période de forte incertitude pesant sur la seconde dimension liée, elle, à la conjoncture internationale. Il s'est félicité de la philosophie générale de ce projet de loi qui redonne une place centrale au créateur ou au repreneur d'entreprise dans le jeu économique. Il appartiendra aux membres de la Commission spéciale de prolonger, voire d'élargir le dispositif législatif proposé.

Rappelant que le présent projet constitue l'un des axes essentiels de l'action du Gouvernement en faveur d'une politique de croissance active, M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, a indiqué que l'objectif  visé était double : d'une part, redonner à l'entreprise sa véritable place et stimuler l'initiative économique et, d'autre part, soutenir efficacement la création, le développement et la transmission de l'entreprise. Cet objectif, ambitieux, est à la mesure de celui assigné par le Président de la République de créer, dans les cinq ans à venir, au moins un million d'entreprises nouvelles. Il correspond aussi à la nécessité d'assurer, dans les dix ans à venir, la transmission de près de 500 000 entreprises avec le départ à la retraite d'une génération nombreuse d'entrepreneurs.

Le projet de loi a également pour objet d'améliorer l'accès aux sources de financement, en développant un financement direct en complément des prêts bancaires, et tend à alléger les charges pesant sur les entreprises pour un montant estimé, en année pleine, à au moins 350 millions d'euros.

Le Ministre a souligné ensuite l'urgence à agir devant le retard accusé par la France en matière de création d'entreprises : notre pays compte aujourd'hui 2 400 000 entreprises contre 3 400 000 en Grande-Bretagne ; en outre, le nombre annuel de créations d'entreprises en France s'élève à 175 000 aujourd'hui, c'est-à-dire, par exemple, deux fois moins qu'en Espagne, et accuse une diminution de l'ordre de 25 000 par rapport aux créations annuelles dans notre pays dans les années quatre-vingt.

Le présent projet de loi s'inscrit dans un ensemble de réformes plus vaste qui comprendra un projet d'habilitation en vue d'édicter des ordonnances sur la simplification et la réforme administratives, le « Plan Innovation et recherche » et un futur projet de loi sur le développement de l'entreprise qui traitera des problèmes du statut de l'entrepreneur et de son conjoint, de la protection financière et de l'accès aux financements, de la formation et de l'apprentissage et de l'accès aux marchés et comprendra de nouvelles mesures fiscales en faveur de l'entreprenariat et de son financement.

Le Ministre a ensuite présenté les mesures proposées par le projet de loi.

Le titre I a pour objectif de faire de la création d'entreprise un acte accessible à tous, simple et rapide. Les articles 1, 2 et 3 permettront ainsi de créer en un jour, éventuellement en ligne, une société au capital librement fixé, à l'instar de ce qui se pratique chez nos partenaires les plus performants tels que les Etats-Unis, le Canada et le Royaume-Uni. Chaque projet est en effet spécifique et nécessite le libre-choix du capital social afin de déterminer le meilleur niveau de celui-ci en fonction de la réalité économique. Les articles 4 et 5 tendent à permettre de domicilier son entreprise chez soi pour les cinq premières années, dès lors que cela ne conduit pas à y recevoir des clients, des salariés ou des marchandises. Enfin, l'article 6, dans un souci d'équité quant au choix de la forme individuelle ou sociétaire de l'entreprise, permettra aux entrepreneurs indépendants de protéger leur résidence principale.

Le titre II a pour objet d'ouvrir de nouvelles passerelles vers l'entreprise en facilitant la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur. Les articles 7, 8 et 9, en aménageant une période transitoire mixte de douze mois, autoriseront la pluriactivité du salarié-créateur, afin qu'il puisse expérimenter « sur le terrain » son projet. Les clauses d'exclusivité lui seront inopposables sans que cela remette en cause son obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur. Pendant cette période de biactivité, le salarié employeur sera exonéré de charges sociales en tant qu'entrepreneur, afin d'éviter un phénomène de doubles cotisations totalement injustifié. Ces mesures devraient permettre de soutenir la création d'entreprises par des salariés qui sont à l'origine aujourd'hui de 70 % des créations. Par ailleurs, les articles 10 et 11 tendent à instituer un contrat d'accompagnement à la création d'une activité économique afin de conforter le rôle des différents acteurs accompagnant les créateurs d'entreprise, notamment dans les dispositifs dit d'essaimage ou de « couveuse ». Enfin, l'article 12 substituera à la règle du forfait annuel qui s'applique aux activités occasionnelles, notamment saisonnières, celle de la proratisation des cotisations sociales, moins dissuasive et moins lourde.

Le titre III tend à améliorer le financement des projets d'entreprise. Les articles 13 et 14 permettent de créer les fonds d'investissements de proximité (FIP), rattachés à un territoire, qui auront pour tâche de drainer l'épargne des particuliers vers l'investissement dans les PME locales. En contrepartie, les particuliers bénéficieront d'un double avantage fiscal sous la forme d'une réduction d'impôt de 25 % des souscriptions réalisées dans un FIP dans la limite, pour un couple, de 20 000 euros d'investissement, soit une réduction d'impôt maximale de 5 000 euros, et d'une exonération des plus-values à la sortie du fonds, à l'issue de cinq ans. Ce nouvel outil financier devrait permettre d'offrir aux entreprises une nouvelle source de capitaux propres qui complètera les circuits de financement traditionnels, actuellement insuffisants.

Les articles 15 et 16 visent à favoriser l'investissement direct dans les entreprises en améliorant deux dispositifs existants. Il s'agit, en premier lieu, d'élever, pour un couple, à 40 000 euros d'investissement le plafond des souscriptions dans une entreprise non cotée ouvrant droit à une réduction d'impôt de 25 %, ce qui portera à 10 000 euros la réduction d'impôt maximale pour un couple. En second lieu, il s'agit de porter à 60.000 euros le montant maximum de pertes en capital qui peut être déduit pour un couple de l'assiette de son impôt sur le revenu, l'Etat assurant ainsi un rôle d'assureur du risque entrepreneurial, à l'instar de ce qui se pratique avec succès aux Etats-Unis.

L'article 17 poursuit, quant à lui, l'objectif d'assouplir les conditions de prêts aux entreprises dans des conditions certes plus rigoureuses mais plus réalistes, afin d'ouvrir l'accès aux prêts bancaires aux petites entreprises et aux entreprises en difficulté.

Le titre IV traite de l'accompagnement social des projets d'entreprise dans un souci constant d'accompagnement du créateur, en allégeant ses contraintes administratives ou fiscales. L'article 18 permettra ainsi de reporter les charges sociales de l'entrepreneur dues pour ses douze premiers mois d'activité sur les cinq années suivantes. Cet avantage de trésorerie devrait permettre aux nouvelles entreprises de passer le cap de la troisième année, qui leur est aujourd'hui souvent fatal. L'article 19 propose d'étendre le dispositif d'encouragement au développement d'entreprises (EDEN) aux chômeurs de plus de cinquante ans dont la grande expérience peut trouver là l'occasion d'être valorisée. L'article 20 permettra de maintenir certaines allocations sociales (allocation spécifique de solidarité, allocation de parent isolé et allocation veuvage) et le RMI en faveur des créateurs d'entreprise en alignant la période de ce maintien sur le délai le plus favorable, soit douze mois. Enfin, l'article 21 vise à développer le mécénat d'entreprise en direction des réseaux d'accompagnement à la création et à la reprise d'entreprises.

Le titre V du projet de loi concerne la reprise et la transmission des entreprises en mettant l'accent sur les plus petites d'entre elles. L'article 22 propose de relever le seuil d'exonération des plus-values de cession, ce qui permettrait d'exonérer près de 80 % des fonds de commerce ; cette mesure sera favorable non seulement au vendeur mais aussi au repreneur, dont le coût de rachat se trouvera diminué. L'article 23 permettra d'alléger la reprise d'une société financée par un prêt en mettant en place une réduction d'impôt. L'article 24 propose d'exonérer des droits de mutation les donations d'entreprises à des salariés au dessous d'un certain plafond, ce qui devrait permettre d'éviter que de nombreuses entreprises disparaissent en raison du coût prohibitif de ces droits. L'article 25 permet d'encourager la transmission anticipée de l'entreprise qui fait l'objet d'un engagement de conservation collectif entre associés. Enfin, l'article 26 réduit les droits d'enregistrement sur les cessions de sociétés non cotées.

Le Ministre a conclu en soulignant la nécessité de promouvoir un environnement général favorable à l'entreprise, ce qui passe par la nécessité de stimuler, dès l'école, l'esprit d'entreprise au lieu de se contenter de visions purement idéologiques ou macroéconomiques. Chacun doit comprendre que le développement de nos services publics et le succès du pacte républicain sont conditionnés par la réussite de toutes les entreprises françaises.

Le Président Hervé Novelli a précisé les deux axes d'élargissement et d'amélioration du projet de loi sur lesquels devrait porter notamment le travail de la Commission spéciale : la simplification de la vie des entreprises, point sur lequel le projet apparaît un peu timide, d'une part, et les aspects financiers, d'autre part. S'agissant du premier point, il convient de noter l'absence de forfaitisation des charges, de création d'un guichet social unique et d'engagement annuel de simplification législative. En ce qui concerne le second point, il serait opportun d'élargir l'accès au crédit puisque l'accès au capital est amélioré et de renforcer les mesures fiscales en faveur de l'épargne investie dans le soutien à l'initiative.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a tenu à remercier le ministre pour sa présentation de ce texte attendu par les professionnels. Le calendrier et les objectifs du projet sont ambitieux et son approche est claire : il s'agit moins de subventionner que d'intervenir pour accompagner. L'urgence d'une telle démarche n'est plus à démontrer. En effet, le nombre de créations d'entreprises est en diminution. Or la création est nécessaire à la vitalité du territoire. En 2002, quatre régions ont regroupé à elles seules la moitié des créations d'entreprises. Le contexte démographique est également inquiétant puisque 20 % des entreprises dont le dirigeant part en retraite ne font pas l'objet d'une reprise et que, d'ici dix ans, 500 000 entreprises changeront de mains.

Les vingt-sept articles du projet de loi pour l'initiative économique, regroupés en cinq thèmes, permettent d'aller à l'essentiel. De nombreuses avancées doivent être saluées comme la simplification des démarches de création d'entreprise. Ainsi, le montant du capital social de la société pourra être fixé librement par les actionnaires ; l'idée du « récépissé de création d'entreprise » (RCE) est également intéressante (bien que les conditions de sa délivrance semblent devoir être précisées) et la protection du patrimoine social constitue une excellente initiative permettant de protéger l'entrepreneur individuel. Sur ce dernier point, plusieurs améliorations peuvent être proposées : ne conviendrait-il pas d'étendre le patrimoine protégé, par exemple, au véhicule de la famille, de permettre à l'entrepreneur d'établir un ordre de priorité sur les biens personnels susceptibles d'être saisis ou encore de simplifier les formalités de publicité de cette protection du patrimoine ?

Par ailleurs, le projet de loi pourrait être complété par deux propositions visant à faciliter la vie du créateur d'entreprise. Le chèque-emploi « premier salarié » simplifierait les formalités liées à l'emploi d'un salarié, à la déclaration et au calcul des cotisations sociales. Ainsi, les très petites entreprises pourraient-elles devenir des acteurs majeurs de la création d'emplois si elles embauchaient un premier salarié. La seconde proposition consiste en la concentration des interlocuteurs sociaux des créateurs d'entreprise.

Il convient également de saluer la création d'un régime adapté au salarié futur créateur. Pour autant, le dispositif peut être amélioré. Il faudrait préciser explicitement dans le texte le respect de l'obligation de loyauté et de réserve. En outre, si un salarié décide de se mettre en congé pour créer une entreprise, l'employeur peut le remplacer par un salarié employé pour une durée déterminée. Ne serait-il pas opportun de permettre à l'employeur d'en faire autant dans le cas du passage à temps partiel d'un salarié ? Il apparaîtrait également nécessaire de laisser le soin aux intéressés de définir les relations entre accompagnant et accompagné et de supprimer ainsi la clause de coresponsabilité.

Dans l'article 18, l'idée du report du paiement des charges sociales dues par le créateur d'entreprises est incitative mais il faut que le chef d'entreprise mesure bien l'importance des charges réelles et il conviendrait de préciser que le remboursement sera étalé annuellement dès la deuxième année et jusqu'au terme de la période de cinq ans.

La création et la reprise d'entreprise par des personnes en difficulté doivent être encouragées. A cet égard, le renforcement du dispositif EDEN constitue l'une des dimensions sociales importantes du projet de loi.

En ce qui concerne l'accompagnement du jeune créateur dans une meilleure définition de son projet, ce qui est un gage de succès, il serait souhaitable d'étendre l'article 21 à tous les réseaux d'accompagnement agréés par l'Etat. En outre, le dispositif du chèque-conseil devrait être ouvert à tous les porteurs de projet afin d'en faire un outil performant du parcours d'accompagnement.

Il serait également intéressant de créer une option « entreprise » dans le régime des CODEVI ainsi que des aménagements fiscaux afin que les titulaires de PEA aient la possibilité d'orienter leur plan d'épargne vers les investissements de proximité dans les créations d'entreprises.

S'agissant de la transmission, de nombreux chefs d'entreprises renoncent, quelques années avant leur retraite, à certains investissements, tels que les mises aux normes, et arrêtent leur activité plutôt que de la transmettre. Il conviendrait de modifier cet état de fait.

En conclusion, il faut souligner combien ce projet de loi répond aux attentes des professionnels et souhaiter que l'examen du texte permette d'apporter les aménagements permettant d'aller plus loin dans cette démarche de stimulation de l'esprit d'entreprise.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a indiqué que parmi les nombreuses mesures fiscales du texte, certaines avaient été discutées lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003. Malgré les contraintes budgétaires, le coût des mesures fiscales présentées dans ce projet de loi peut être évalué au minimum à 350 millions d'euros. Le champ des entreprises concernées est vaste puisqu'il regroupe les entreprises commerciales, industrielles, libérales, artisanales et agricoles. La mesure la plus « coûteuse » concerne l'augmentation du seuil d'exonération des plus-values professionnelles en cas de cession qui permettra d'exonérer la majeure partie des cessions.

Les entreprises constituées sous forme de société sont aidées par un ensemble de mesures fiscales, en particulier la création des fonds d'investissement de proximité, dont l'idée est très intéressante mais nécessitera vraisemblablement un temps d'expérimentation ; le relèvement du plafond du dispositif dit « Madelin » de réduction d'impôt pour les souscriptions au capital de sociétés non cotées et l'augmentation du plafond de l'imputation des pertes en capital sur le revenu global, qui constitue une aide à la sortie.

Une autre disposition concerne l'ensemble des entreprises puisque le dispositif d'exonération de la moitié des droits de succession en cas de décès, sous réserve de l'existence d'un engagement collectif de conservation portant sur un nombre minimum de parts ou d'actions, pourrait désormais s'appliquer aux donations entre vifs.

Par ailleurs, deux points doivent faire l'objet d'une réflexion approfondie. En premier lieu, en dehors des mesures relatives aux plus-values professionnelles et aux donations entre vifs, les mesures fiscales consistent en des incitations à l'apport de fonds propres et concernent donc les sociétés. Il conviendrait donc d'améliorer les dispositifs de prêts aux entreprises individuelles. Cependant, il faut être réservé sur l'extension d'avantages fiscaux prévus pour favoriser les apports en capital de particuliers aux prêts consentis par les particuliers à des entrepreneurs individuels. En effet, prêter est un métier réglementé et de fortes garanties doivent pouvoir être apportées. En conséquence, il semblerait plus approprié de réfléchir à l'amélioration des modalités de garanties et de cautions au titre des prêts professionnels.

En second lieu, le projet de loi ne comporte aucune disposition sur l'impôt de solidarité sur la fortune dont certains aspects ont des effets destructeurs pour l'emploi. Afin de favoriser le maintien et le développement de l'emploi sur le territoire national, au-delà du débat idéologique et en suivant une démarche pragmatique, il faut reconnaître que certains aspects de l'ISF ont des effets pervers. L'attractivité de notre territoire et la pérennité des entreprises nécessitent d'envisager des mesures en faveur de l'actionnariat minoritaire. En effet, l'actionnaire minoritaire dont le patrimoine dans l'entreprise n'est pas considéré comme un bien professionnel peut être soumis à l'ISF au titre de sa participation ; or, l'entreprise versant le plus souvent peu de dividendes, le montant de l'ISF peut être supérieur à celui des dividendes reçus, ce qui peut conduire l'actionnaire à céder ses parts et donc à mettre en péril l'actionnariat stratégique de l'entreprise.

Répondant au Président et aux rapporteurs, le Ministre s'est réjoui de l'intérêt suscité par le projet de loi et s'est dit attentif aux nombreuses propositions d'amélioration formulées, toutes les suggestions pouvant renforcer son efficacité et allant dans le sens de la stimulation de l'initiative et de la création d'emplois lui apparaissant bienvenues, sans qu'il faille perdre de vue l'effort budgétaire significatif qu'il représente déjà.

S'agissant de la simplification des démarches pesant sur les petites entreprises, il convient de souligner que deux mesures importantes seront présentes dans l'ordonnance de simplification. Le guichet social unique, qui est demandé par les artisans et commerçants depuis plus de vingt ans mais n'a jamais pu aboutir, allégera considérablement les charges pesant sur les entrepreneurs individuels qui sont confrontés à plusieurs organismes sociaux et à des appels à cotisations variables. En outre, en ce qui concerne le chèque-emploi salarié, un projet de « titre emploi salarié entreprise » (TESE) est à l'étude. Celui-ci pourrait prendre la forme d'un régime spécifique aux contrats d'une durée inférieure à trois mois pour les besoins de main-d'œuvre ponctuels ou bien celle d'un régime réservé au premier salarié, voire aux trois premiers, les premières embauches représentant une charge administrative importante pour l'entreprise. Le titre emploi qui serait créé tiendrait lieu de bulletin de paie et de formalités d'embauche.

M. Renaud Dutreil a indiqué que le projet de loi favorisait davantage les entrepreneurs individuels que les sociétés, notamment par le biais de l'augmentation du seuil d'exonération des plus-values professionnelles.

Les fonds d'investissement de proximité se prêtent difficilement au financement de la création d'entreprise par les entrepreneurs individuels, car le prêt aux petites unités économiques comporte de grands risques et suppose donc la garantie de personnes publiques. Par ailleurs, dans la mesure où les fonds d'investissement de proximité font appel à l'épargne publique, il est difficile d'envisager qu'ils servent à financer les unités économiques les plus risquées sans compromettre l'attrait des investisseurs pour cette nouvelle structure.

En revanche, l'accès des entrepreneurs individuels au crédit peut être amélioré par une meilleure utilisation des dispositifs des prêts à la création d'entreprises (PCE) ou des prêts à la reprise d'entreprise (PRE) déjà existants. Ces prêts nécessitent cependant un investissement important de l'État, puisqu'il s'agit de sécuriser des secteurs à haut risque.

Par ailleurs, la Société Française de garantie des financements des petites et moyennes entreprises (SOFARIS) garantit le prêteur contre un risque de défaillance de l'emprunteur. Il peut donc également être envisagé d'améliorer le fonctionnement du dispositif pour financer les petites structures, sans que ce rôle soit dévolu aux fonds d'investissement de proximité, dont l'objet est davantage d'aider au financement des sociétés. En outre, une garantie des collectivités locales sur les secteurs à risque peut être envisagée, par exemple dans le cadre d'une convention.

M. Eric Besson a tenu à souligner que le projet de loi comportait des éléments intéressants, mais qu'il suscitait également des interrogations dont il voulait faire part au ministre au nom du groupe socialiste. Certaines dispositions positives du projet poursuivent les actions engagées par le précédent Gouvernement. Ces actions ont d'ailleurs commencé à porter leurs fruits si l'on considère qu'entre 1987 et 1997, le nombre de créations d'entreprises est passé de 205 000 à 165 000 par an pour remonter à 175 000 aujourd'hui.

Cependant, ce projet est limité au champ réduit de la création de l'entreprise. Il n'aborde pas le problème connexe du développement de l'entreprise déjà créée, que le Gouvernement entend traiter par une loi différente annoncée pour la fin de l'année 2003. Par ailleurs, en septembre 2002 une loi sur l'attractivité économique du territoire français a été annoncée, sans que l'on puisse savoir si les mesures concrètes sont inscrites dans le présent projet, dans celui annoncé pour la fin de l'année, ou éventuellement dans la future loi de finances pour 2004. Il aurait été préférable de rassembler toutes les mesures dans un texte cohérent, limitant le risque de voir le Gouvernement éluder les questions des députés en les renvoyant au projet de loi prévu pour la fin de l'année 2003.

Le présent projet est par ailleurs insuffisant dans les domaines de la formation et de la protection de l'entrepreneur. Il ne comporte pas d'innovation notable, à l'exception du dispositif de réduction d'impôt immédiatement applicable. Par ailleurs, le projet ne traite pas des réseaux d'accompagnement à la création d'entreprise qui ont un rôle essentiel dans la pérennisation de l'entreprise et qui méritent d'être rationalisés, ni du titre emploi-service. Le Gouvernement n'a pas inscrit dans le projet de mesure favorisant l'accès au financement des entrepreneurs individuels, laissant au Parlement le soin d'améliorer le dispositif existant des prêts à la création d'entreprise. En outre, l'assouplissement des conditions de prêts aux entreprises par un aménagement du taux de l'usure suscite également certaines réserves. Enfin, si le dispositif EDEN est étendu aux personnes de plus de 50 ans créant ou reprenant une entreprise, cette extension dissimule aussi la transformation de cette aide en avance remboursable, alors qu'il est vital pour les petites entreprises d'obtenir un minimum de fonds propres.

Lors d'une conférence de presse récente, le ministre a indiqué que la simplification administrative serait opérée par voie d'ordonnances sans bouleverser le code du travail. Dans la mesure où il s'agit d'un sujet très proche de ceux abordés dans ce projet, on peut s'interroger sur l'opportunité de ce procédé. Enfin, si le débat sur l'impôt sur la fortune est légitime, il serait intéressant de savoir quelles sont les intentions réelles du Gouvernement.

S'associant à l'accueil favorable reçu par le projet de loi, M. Philippe Houillon a estimé qu'il présentait, sur bien des points, des avancées sans précédent, notamment en ce qui concerne la transmission d'entreprises rarement traitée dans le passé. Les critiques de l'opposition sur le calendrier et sur l'existence de plusieurs projets de loi sont malvenues, dès lors qu'elle a exercé le pouvoir au cours des cinq dernières années et n'a rien proposé en ce sens.

La principale cause de mortalité des entreprises - 65 % d'entre elles disparaissent au cours des cinq premières années de leur existence - réside dans leur sous-capitalisation et leur difficulté d'accès au crédit. En effet, les banques se comportent comme de véritables prêteurs sur gage, exigeant un gage au moins équivalent aux sommes prêtées, voire, dans la plupart des cas, supérieur. Certes, le projet de loi comporte des dispositions défensives sur ce point, mais il convient de travailler sur de véritables mesures offensives destinées à développer une culture du capital-risque trop peu développée dans notre pays.

Il faudra également oser enfin s'atteler à la simplification du droit du travail, notamment pour les petites entreprises, d'autant plus que la jurisprudence, en allant bien souvent au-delà des textes, a fortement accru sa complexité et les contraintes qui en résultent.

Le contenu du projet de loi appelle certaines observations : alors que l'article premier figure dans un titre consacré à la simplification, la disposition relative à la réduction du capital social apparaît particulièrement obscure et nécessiterait un effort de réécriture et de simplification.

L'insaisissabilité du domicile, prévue à l'article 6, est une disposition d'une grande portée qui aura des conséquences importantes sur la politique de crédit des banques, puisqu'elle aboutit à faire disparaître un gage. Qu'en sera-t-il en cas de liquidation judiciaire de l'entreprise, alors que les dispositions générales en la matière font de l'ensemble du patrimoine de l'entrepreneur le gage des créanciers ? Est-il envisagé d'accorder une protection identique aux dirigeants des petites structures sociétales ?

Si l'article 7 répond à un objectif louable, il importe de bien en mesurer les conséquences. Même si la clause d'exclusivité se distingue de la clause de non-concurrence, il ne faudrait pas que l'on porte préjudice à l'entreprise qui emploie le salarié et accepte de le laisser débuter une activité indépendante.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à renoncer à retenir la notion de patrimoine d'affectation pour les entreprises individuelles. Ce renoncement fait donc perdurer le déséquilibre qui existe dans le projet de loi entre entreprises individuelles et sociétés, comme cela a été le cas dans toutes les réformes intervenues au cours des dernières années.

En ce qui concerne l'ISF, il a estimé qu'aucune avancée ne serait possible tant que le plafonnement du plafonnement n'aurait pas été supprimé, que le dispositif des pactes familiaux n'aura pas été aménagé et la situation des veuves résolue.

Il s'est étonné qu'aucune des mesures prévues dans le projet de loi ne soit territorialisée et s'est interrogé sur les intentions du Gouvernement vis-à-vis de propositions éventuelles en ce sens.

Constatant que les petites entreprises sont victimes d'un effet d'éviction en matière d'accès au crédit, il a jugé que la proposition du Gouvernement de relever le taux d'usure pouvait être une réponse dans certains cas, tout en se demandant si le dispositif envisagé n'était pas excessif et ne conduisait pas à des taux d'intérêt trop élevés. Dans la mesure où elle est destinée essentiellement aux petites entreprises, cette disposition risque en effet d'être mal comprise et devra donc faire l'objet d'un important travail d'explication.

Mme Arlette Grosskost a demandé une amélioration des conditions de déductibilité fiscale des intérêts, notamment en cas d'emprunt réalisé pour l'achat d'un fonds de commerce. Elle s'est interrogée sur les conditions pratiques de l'application de l'article 25 du projet de loi qui propose une exonération de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de la fraction de la valeur des titres représentative du fonds de commerce ou de la clientèle. Enfin, elle a souhaité une extension de la mise en œuvre du titre emploi service.

M. Jean-Michel Fourgous a salué la bonne orientation du projet de loi, tout en souhaitant insister sur les demandes émanant des créateurs d'entreprise. Il a en particulier évoqué les questions du revenu insaisissable des entrepreneurs, du statut du conjoint collaborateur, notamment sur le terrain de sa couverture sociale, de l'extension du dispositif des chèques conseils. Il a insisté sur l'intérêt du bureau unique pour la création d'entreprise. Il a souhaité une exonération des charges sociales la première année d'activité plutôt que le report de leur paiement. Il a déploré l'existence de l'impôt de solidarité sur la fortune qui a fait fuir un nombre très important de redevables pour un faible rendement et estimé nécessaire de supprimer de l'assiette de cet impôt tous les éléments pouvant contrecarrer l'investissement. Il convient également d'alléger la taxation des plus-values ordinaires au regard de celle des plus-values spéculatives. Il importe d'exonérer de droits d'enregistrement les augmentations de capital, d'exonérer d'impôt sur les sociétés les bénéfices incorporés aux fonds propres. L'épargne doit être davantage orientée vers le financement des entreprises que mobilisée pour la dette de l'Etat. Il convient enfin d'instaurer un préavis de dénonciation des crédits bancaires.

M. François Sauvadet a considéré que le projet de loi était d'un grand intérêt, notamment dans sa partie fiscale.

Il a estimé indispensable d'améliorer la formation du créateur d'entreprise et l'accompagnement de l'entreprise nouvelle, tant l'acte d'entreprendre est difficile. Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- le dispositif de proximité proposé en matière de financement des entreprises est judicieux, mais les modalités de son fonctionnement méritent d'être précisées. En effet, la situation d'une entreprise est très différente selon l'importance des fonds propres. Il conviendrait d'autoriser la déduction fiscale d'un prêt direct de proximité pour la reprise des petits commerces.

- les relations juridiques du créateur d'entreprise salarié et de son employeur doivent être précisées de façon à éviter la création d'une insécurité juridique.

- les simplifications proposées doivent faire l'objet d'une évaluation. La création ou le développement de différents organismes de financement (fonds d'investissement de proximité, prêt à la création d'entreprise, dispositif SOFARIS) doit être accompagné d'éclaircissements sur la combinaison des interventions en faveur des entreprises.

- enfin, l'amélioration de la situation fiscale des entrepreneurs mérite de faire l'objet d'une attention constante à tous points de vue, en évitant de susciter des espérances qui ne pourraient être satisfaites.

M. Michel Vergnier a souhaité la déclinaison territoriale des mesures proposées par le projet de loi dans le cadre d'une perspective d'aménagement du territoire. S'agissant de la reprise d'une entreprise par un salarié, il a estimé important de prévoir une formation spécifique dans la mesure où le métier de chef d'entreprise est particulièrement difficile. Il conviendrait donc de reprendre les incitations proposées lors de la précédente législature par le projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat. La mobilisation de l'épargne populaire doit être recherchée, en particulier dans le cadre des plans d'épargne logement (PEL) et des comptes pour le développement industriel (CODEVI). Enfin, une large place doit être accordée à l'économie sociale et solidaire.

M. Jean-Jacques Descamps a souhaité une mesure spécifique destinée à encourager la création d'entreprise par les mères de famille élevant leurs enfants mineurs. Il a considéré que l'enveloppe financière du projet de loi devait être appréciée au regard des stimulations qu'il induirait sur l'économie, ce qui serait une source de recettes fiscales nouvelles. Il a jugé également souhaitable de mettre en place un dispositif permettant de donner une seconde chance aux créateurs d'entreprise après un premier échec et nécessaire de maintenir le système des avances remboursables dans le cadre des plates-formes d'initiative locale.

M. Daniel Garrigue a demandé des précisions sur l'application du projet de loi à l'agriculture, et particulièrement à la viticulture ainsi que sur l'application aux bénéfices agricoles de la mesure améliorant l'exonération des plus-values professionnelles prévue à l'article 22.

M. Luc-Marie Chatel a estimé que les fonds d'investissement de proximité (FIP) constituaient une mesure intéressante, à la fois pour le développement de l'épargne de proximité et la création de nouvelles sources de financement. Il pose néanmoins plusieurs questions : qui sera chargé de leur pilotage, les banques ou les collectivités locales ? Qui les commercialisera ? Enfin, quel sera le rôle du comité d'engagement ? Par ailleurs, si l'argumentation du Ministre sur la nécessité de protéger l'épargne publique est compréhensible, il faut cependant que les fonds d'investissement de proximité prennent des risques afin de compenser la frilosité des financeurs traditionnels.

M. Gérard Bapt s'est interrogé sur les points suivants :

- compte tenu des arguments développés par le Ministre, n'est-il pas opportun de supprimer purement et simplement l'article 17 relatif au taux d'usuraire ?

- l'extension du dispositif EDEN aux plus de 50 ans est présentée comme une avancée mais elle s'accompagne d'un recul dans la mesure où l'on substitue aux subventions antérieures un système d'avances remboursables ; une telle mesure n'est pas de nature à stimuler les allocataires ;

- s'agissant de l'aide aux réseaux, il convient de rappeler que certains sont spécifiquement dédiés à la création d'entreprises mais qu'il en existe d'autres, tels les comités de bassins d'emplois, qui jouent un rôle en la matière et pourraient, sous réserve d'un agrément, bénéficier des mêmes dispositifs d'appui.

M. Léonce Deprez a relevé que le développement économique constitue de plus en plus une compétence des communautés de communes qui ont souvent la charge de l'acquisition de terrains destinés à l'implantation d'entreprises. Des mesures sont-elles prévues pour les aider à traiter le problème du foncier ?

M. Daniel Paul a demandé si des actions étaient envisagées en faveur des petites mais également des moyennes entreprises inféodées aux donneurs d'ordres, comme par exemple les hypermarchés. Serait-il par ailleurs possible d'avoir des précisions sur le dispositif de guichet unique ? La décision est-elle prise ou non ? Quelles en seront les conséquences pour les organismes de recouvrement ? Quel crédit faut-il accorder au chiffre de 1 500 suppressions d'emplois dans les URSAFF parfois évoqué ?

M. Dominique Tian a relevé les effets de cascade que provoquent les défaillances d'entreprises dans la chaîne des sous-traitants et proposé que l'Etat ne soit plus un créancier prioritaire sur les partenaires commerciaux en cas de faillite. Il convient par ailleurs de préciser la notion de soutien abusif qui est un facteur de frilosité du secteur bancaire ; ceci pourrait passer par la création d'une procédure d'alerte.

Mme Marie-Anne Montchamp a signalé que la notion de risque est souvent appréciée pour les petites structures sur la base du projet présenté, voire sur le profil du créateur. Dans ces conditions, la notion de territorialité prend tout son sens. Il existe aujourd'hui un dispositif qui n'est pas étendu au plan national, celui des plates-formes d'initiative locale, qui permet à la fois de réunir des financements, de mieux juger de la pertinence d'un projet et de rapprocher les divers interlocuteurs. Ne peut-on s'en inspirer pour soutenir les petites entreprises ?

M. Jean-Louis Dumont a formulé les remarques suivantes :

- en dépit de leur rôle essentiel, les chambres consulaires sont absentes du présent texte ;

- la diversité des statuts applicables aux sociétés de personnes et à l'économie sociale en fait un terrain particulièrement propice à la création d'entreprises. Il faut en tenir compte ;

- il faut également prendre garde à la concurrence induite par la création d'entreprises par d'anciens salariés ;

- il faut également faire attention aux effets d'aubaines et garder présent à l'esprit l'exemple des bûcherons salariés qui avaient été incités à adopter le statut d'indépendant en raison des taux de cotisations d'accidents du travail trop élevés pratiqués par la mutualité sociale agricole.

En réponse aux différents intervenants, M. Renaud Dutreil a apporté les précisions suivantes :

- le Gouvernement a renoncé à la notion de patrimoine d'affectation en raison de l'extrême complexité de sa mise en œuvre ; l'article 6 du projet de loi parvient au même résultat et répond aux attentes des petits entrepreneurs qui souhaitent, avant tout, concilier la souplesse de l'entreprise individuelle et la protection de l'élément essentiel de leur patrimoine personnel ou familial qu'est leur domicile ; s'ils souhaitent protéger un patrimoine plus large, ils conservent naturellement la liberté de choisir le statut de société ;

- en matière d'ISF, le Gouvernement est parfaitement serein ; l'objectif du projet de loi est de stimuler l'investissement dans notre pays, en particulier chez les petites et moyennes entreprises, alors qu'il a stagné au cours des trois dernières années ; les propositions qui seront faites seront jugées en fonction de cet objectif ; si elles y répondent, le Gouvernement est tout à fait disposé à les examiner dans un esprit ouvert ;

- notre pays a la fâcheuse tendance de multiplier les niches et les dispositions particulières ; ce travers a conduit à la mise en place d'un droit économique en miettes ; l'orientation majeure de ce projet de loi est de proposer des mesures de portée universelle, d'autant plus qu'un autre projet de loi est en préparation en ce qui concerne les zones rurales et qu'une réflexion est en cours à propos des zones franches urbaines ;

- le dossier du taux de l'usure est un sujet très sensible : cependant, il convient de noter que nos principaux voisins européens ignorent cette notion et que, contrairement à la France, on ne note pas pour autant une difficulté particulière d'accès des petites entreprises au crédit ; en économie de marché, le taux du crédit est un prix comme un autre et il obéit au jeu de l'offre et de la demande : si on limite ce prix, on limite la quantité de crédit distribuée ; le nouveau taux maximum défini par le projet de loi est la traduction du plus grand risque présenté par un certain nombre de petites entreprises ; le relèvement du taux de l'usure est d'ailleurs demandé par un certain nombre de structures intervenant même dans un secteur très social, tel que l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE) qui plaide même pour l'extension de cette mesure aux personnes physiques, ce à quoi le projet de loi se refuse ;

- le projet de loi et, plus généralement, la politique du Gouvernement marque une rupture avec la politique menée par l'ancienne majorité, puisqu'il entend résoudre ce paradoxe français qui a vu la création d'entreprises reculer malgré une conjoncture économique favorable entre 1997 et 2002 ;

- le Gouvernement a choisi de présenter un second texte sur le développement des entreprises, car un certain nombre de sujets qui y seront abordés font l'objet d'une réflexion qui n'est pas terminée ; comment pourrait-on traiter dès maintenant de l'apprentissage, alors que les partenaires sociaux viennent d'engager une vaste négociation sur la formation professionnelle ; de même, le dossier de l'accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics est indissociable de l'élaboration en cours d'un livre vert communautaire sur une éventuelle transposition d'un dispositif analogue au small business act américain ; le dossier de la protection sociale de l'entrepreneur ne peut non plus préjuger du grand débat sur les retraites ;

- les réseaux d'accompagnement ne sont ni négligés ni oubliés par le Gouvernement ; les crédits qui leur sont consacrés dans le budget du secrétariat d'État ont été augmentés de 25 % en 2003 et, dans le projet de loi, ils bénéficient de la mesure fiscale relative au mécénat des entreprises ;

- le Gouvernement a choisi la procédure des ordonnances pour les mesures de simplification qu'il envisage, car ce serait faire un mauvais usage du temps du Parlement que de lui faire discuter de simples dispositions de toilettage ne présentant aucun enjeu politique, le Premier ministre ayant annoncé qu'aucun sujet sensible n'y sera abordé, notamment en ce qui concerne le droit du travail ;

- les règles d'intervention du fonds d'indemnisation pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) viennent d'être améliorées au profit des secteurs ruraux ;

- le Gouvernement est soucieux de veiller à une bonne formation et à un accompagnement pertinent des créateurs d'entreprise, notamment dans le cadre des réseaux consulaires et des réseaux d'accompagnement ;

- l'économie sociale et solidaire n'est pas oubliée par le projet de loi, qu'il s'agisse des mesures de simplification, de l'extension du dispositif EDEN, ou du décalage de douze mois pour le paiement des cotisations sociales ;

- les FIP constitueront des sociétés privées de gestion sur la base d'appels d'offres probablement lancés à l'initiative des collectivités territoriales. On ne peut préjuger aujourd'hui de leur capacité à prendre des risques. Toutefois, le dispositif prévu les y aide puisque les risques supérieurs à un certain seuil bénéficieront d'une garantie ou d'une aide au montage du dossier par les collectivités territoriales ;

- le texte est naturellement applicable aux entreprises agricoles ;

- une aide aux réseaux non spécifiquement dédiés à la création d'entreprises mais concourant à celle-ci est tout à fait envisageable ;

- s'agissant de la transformation d'EDEN en système d'avances, le projet ne fait que répondre à la demande de la plupart des interlocuteurs de ne pas fausser les conditions de la concurrence. Certes, la mesure est moins attractive mais elle aura un effet de levier plus important ;

- en ce qui concerne la création du guichet unique et ses conséquences, il faut rappeler que les cotisations des entrepreneurs individuels ne représentent que 3 % du volume financier traité par les URSSAF. Il ne faut donc pas surestimer l'impact de sa mise en place ;

- la question des relations entre distributeurs et fournisseurs est cruciale mais n'entre pas dans le champ du présent texte ; une circulaire est d'ailleurs en cours de rédaction sur ce sujet ;

- n'entre pas non plus dans le champ du projet de loi, la réforme de la loi sur les faillites de 1985 actuellement à l'étude au sein du ministère de la Justice ;

- il existe effectivement de multiples réseaux d'aides à la création d'entreprises réunis au sein de la confédération FORCE qui a été étroitement associée à l'élaboration du projet de loi. Certains d'entre eux ont déjà fait part de leur volonté de créer des FIP ;

- la première initiative prise par le Gouvernement à l'égard des chambres de commerce et des métiers a consisté à restaurer leur capacité, longtemps bridée, à financer l'aide aux créateurs. Il s'agit de nouer avec elles un véritable contrat de confiance. L'appui qu'elles apportent aux créateurs doit pouvoir être plus fréquent et plus souvent gratuit ;

- enfin, le Gouvernement est extrêmement vigilant quant aux effets pervers qui pourraient découler des mesures proposées, raison pour laquelle il préfère recourir à des mécanismes d'incitation plutôt qu'à des subventions.

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Le jeudi 23 janvier 2003, la Commission spéciale a procédé à l'audition de M. Christian Sautter, vice-président de la Fédération des organisations contribuant à la création des entreprises et à leur reprise (FORCE).

M. Christian Sautter a tout d'abord rappelé que le réseau FORCE, créé le 11 mai 2001, était composé de 8 membres : l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM), l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE), France Active, présidée par lui-même, France Initiative Réseau (FIR), le Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables (CSOEC), le Réseau des boutiques de gestion (RBG) et le Réseau Entreprendre ; il a en outre signalé que la Caisse des dépôts et consignations était membre associé du réseau FORCE.

Puis, M. Christian Sautter a présenté les trois objectifs majeurs de la Fédération. Il a indiqué qu'il s'agissait tout d'abord de promouvoir au niveau local et national la lisibilité des réseaux et des dispositifs d'accueil et d'accompagnement des créateurs ou repreneurs d'entreprises, grâce à leur suivi et leur orientation auprès des 8 membres du réseau FORCE. Il a par ailleurs fait observer que la Fédération visait également à faciliter l'accès des porteurs de projets au dispositif de soutien financier et à les accompagner avant, pendant et après la création d'entreprises. Il a enfin indiqué que le réseau FORCE souhaitait devenir un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et s'est félicité de son audition par la Commission spéciale. Ainsi, a-t-il souligné, la Fédération accueille environ 1 million de porteurs de projets par an et accompagne 30 000 d'entre eux jusqu'à la création définitive de leur entreprise ; ce sont donc près de 15 % des créations d'entreprises qui sont suivies par le réseau FORCE.

M. Christian Sautter a ensuite abordé le projet de loi pour l'initiative économique en signalant que la Fédération, à l'issue d'un entretien avec M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, avait émis le 20 décembre 2002 un communiqué faisant état de l'adhésion du réseau FORCE aux principes essentiels du projet de loi. Il s'est ainsi réjoui que ce dernier reconnaisse l'importance des créations d'entreprises en termes de gisements de croissance et d'emplois. Puis, il a évoqué quatre points qui, selon le réseau FORCE, mériteraient d'être amendés.

En premier lieu, M. Christian Sautter a noté que les articles 10 et 11 du projet de loi, relatifs aux entreprises en « couveuses », faisaient référence à « l'accompagnement de ces entreprises », terme qu'il a jugé peu adapté car trop général pour définir le contrat particulier prévu dans ces articles. Il a estimé qu'il serait donc préférable de substituer au terme « accompagnement » le terme « tutorat » et a observé qu'il serait alors nécessaire de modifier en conséquence l'exposé des motifs du projet de loi.

En deuxième lieu, évoquant l'article 13, il s'est félicité que celui-ci institue les Fonds d'investissement de proximité (FIP), qui permettront de mobiliser une épargne de proximité en faveur des créations d'entreprises locales. Notant que l'entreprise individuelle continuait d'être le modèle de référence de la majorité des créateurs d'entreprises, il a précisé que le réseau FORCE estimait souhaitable que ces fonds puissent accorder des concours, sous forme de prêts, aux entreprises individuelles nouvellement créées ou reprises ; il a estimé qu'un tel soutien financier local irait pleinement dans le sens de l'intérêt général.

Après avoir rappelé que l'article 18 du projet de loi prévoyait que les cotisations provisionnelles ou définitives dues au titre des 12 premiers mois d'activité pouvaient être reportées l'année suivante, M. Christian Sautter a alerté les commissaires sur les risques que comporte une telle disposition. En effet, a-t-il estimé, le report des cotisations sur la deuxième année d'activité pourrait être fatal aux entreprises dégageant un revenu trop faible. Il a donc proposé de modifier ce dispositif afin de distinguer deux cas :

- lorsque les revenus de l'entreprise dégagés lors de la première année d'activité sont inférieurs au revenu minimum d'insertion (RMI), les cotisations dues au titre de la première année d'activité ne sont pas reportés mais font l'objet d'une exonération pure et simple ;

- lorsque ces revenus sont compris entre le RMI et le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), seule la moitié des cotisations est reportée.

Il a souligné qu'un tel dispositif éviterait d'handicaper trop lourdement les entreprises dont le démarrage est particulièrement lent.

Enfin, abordant l'article 21 du projet de loi relatif au mécénat des entreprises, M. Christian Sautter a souhaité que ces pratiques soient encore plus tournées vers la création d'entreprises et a proposé en conséquence, que les entreprises puissent déduire 50 % de leurs apports en dons, dans la limite inchangée de 3,25 pour 1 000 fixée par l'article 238 bis du Code général des impôts.

Le président Hervé Novelli a alors salué la qualité des propositions concrètes émises par M. Christian Sautter ainsi que la connaissance dont celui-ci faisait preuve en matière de création et de développement d'entreprises. Après avoir souscrit à la nécessité d'un changement sémantique afin de faire désormais référence à des contrats de tutorat, il a estimé intéressantes les propositions émises par M. Christian Sautter relatives aux articles 13, 18 et 21.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, s'est déclarée plus réservée s'agissant de la notion de tutorat, dont elle a craint qu'elle ne soit source de confusion en raison de son lien avec la notion de formation. Concernant l'article 18, elle a rappelé que le projet de loi prévoyait la possibilité d'étaler sur cinq ans le paiement des cotisations dues au titre de la première année d'activité et qu'un amendement préciserait que ce règlement serait effectué par cinquième, à compter de la deuxième année d'activité. Elle s'est déclarée défavorable à la mise en place d'un dispositif d'exonération totale et a insisté sur la nécessité, pour les chefs d'entreprise, de faire immédiatement face à leurs responsabilités. De ce point de vue, a-t-elle observé, une exonération des cotisations dues ne serait qu'une aisance illusoire et néfaste à la gestion, à moyen terme, de l'entreprise.

Par ailleurs, la rapporteure a souhaité connaître la position du réseau FORCE sur l'article 2, relatif à la délivrance d'un récépissé de création d'entreprise par le greffier du tribunal de commerce, ainsi que sur la distinction opérée entre le patrimoine privé de l'entrepreneur et le patrimoine de l'entreprise.

Après avoir salué la clarté et la précision des propos de M. Christian Sautter, M. Gilles Carrez, rapporteur, s'est interrogé sur le souci sémantique qui animait ce dernier concernant la référence à un contrat de tutorat ; il a jugé l'emploi d'un tel terme peu compatible avec la nécessaire prise de risque qui accompagne les créations d'entreprises.

Evoquant la proposition de modification de l'article 13, il a souligné que les FIP auraient à exercer un métier de banquier, qui est très particulier et est soumis à des règles spécifiques. Reconnaissant qu'il existait un problème concernant le financement des très petites entreprises, il a estimé qu'il serait probablement plus pertinent d'améliorer les dispositifs existants, tels que le prêt à la création d'entreprises ou les procédures mises en œuvre par la Société française de garantie des financements des petites et moyennes entreprises (SOFARIS).

Puis, le rapporteur a évoqué la possibilité, prévue par l'article 18 du projet de loi, d'étaler sur cinq ans le paiement des cotisations dues au titre de la première année d'activité et n'a pas jugé sain de prévoir une exonération totale. Il a, sur ce point, cité les effets pervers de précédentes subventions, telle l'aide régionale à la création d'entreprise (ACCRE), qui avait profondément déstabilisé le secteur du bâtiment. Enfin, il a souligné que la proposition relative au mécénat aurait pour effet de créer une dépense fiscale supplémentaire.

Après avoir relativisé l'importance de l'opposition purement sémantique entre les termes d'accompagnement et de tutorat, M. Christian Sautter a néanmoins souligné que le terme d'accompagnement pouvait sembler trop général. Il a ensuite rappelé qu'au-delà des mots, c'était bien le principe d'un soutien personnalisé aux créateurs d'entreprise qui était essentiel, l'expérience montrant que le taux de survie des entreprises nouvelles bénéficiant d'un tel soutien était, après cinq ans, de 80 % contre 46 % pour la moyenne des entreprises nouvelles. Après avoir réaffirmé l'intérêt du dispositif des « couveuses d'entreprises », peu connu mais fonctionnant très bien, M. Christian Sautter a estimé qu'une troisième dénomination, distincte de celle d'accompagnement et de tutorat pourrait être utilement recherchée.

Ayant mis l'accent sur le besoin de prêt qu'éprouvent les entrepreneurs, M. Christian Sautter a jugé qu'à défaut d'une intervention directe en la matière des fonds d'investissement de proximité, leur intervention indirecte par un financement de fonds de garantie localisés était envisageable. Il a rappelé, à titre d'exemple, l'activité de garantie de France Active qui a concerné 2 000 créateurs d'entreprise, relevant en majorité de situations sociales difficiles.

En matière de cotisations sociales, M. Christian Sautter n'a pas souhaité entrer dans une discussion de principe mais a rappelé les difficultés que rencontrent sur le terrain des entrepreneurs dont le revenu peut, pendant des années, être voisin du revenu minimum d'insertion. Il a estimé qu'un étalement sur cinq ans de la perception des cotisations ne permettrait pas de régler tous les problèmes.

Enfin, M. Christian Sautter a indiqué que les organismes membres de FORCE n'avaient pas de commentaires à formuler sur la délivrance par le greffier du tribunal de commerce du récépissé de création d'entreprise que le projet de loi propose d'instituer, ni sur les dispositions de celui-ci relatives à la protection du patrimoine des entrepreneurs.

M. Alain Madelin a tout d'abord noté que si le réseau FORCE ne présentait que quatre amendements au projet de loi, ses membres avaient commenté de manière approfondie le projet de loi et a jugé souhaitable que les membres de la commission spéciale puissent obtenir communication de ces analyses.

En ce qui concerne les « couveuses d'entreprises », il a estimé que le principal problème était une éventuelle responsabilité juridique du « couveur » par rapport au « couvé ».

Rappelant le formidable appétit d'entreprendre des Français et sa traduction fréquente en projets de petite taille, il a jugé nécessaire de prévoir des dispositifs de financement adaptés. Il a estimé que les Fonds d'investissement de proximité devraient pouvoir, à cet égard, soit consentir eux-mêmes des prêts, solution préférable car elle a le mérite de la simplicité malgré les difficultés juridiques qu'elle soulève, soit participer au financement de fonds locaux de garantie, ce qui permettrait de bénéficier d'un important effet de levier puisque 85 % des prêts à la création d'entreprise sont remboursés. En tout état de cause, il a estimé absolument indispensable de trouver un dispositif pour les prêts de faible montant.

Estimant que les dispositifs de report des cotisations sociales présentaient des inconvénients, il s'est néanmoins déclaré défavorable à un système d'exonération complète et a indiqué que le mécanisme le plus efficace lui paraissait être l'institution d'un forfait de cotisations sociales payable à trimestre échu et calculé, par exemple, en proportion du chiffre d'affaires réalisé.

Enfin, M. Alain Madelin a regretté qu'en matière de protection du patrimoine personnel des entrepreneurs, le projet de loi retienne un système de patrimoine familial garanti qui se caractérise par de nombreuses lourdeurs au lieu d'instituer un patrimoine professionnel affecté qui répondrait davantage aux attentes des entrepreneurs.

Après avoir déclaré partager les analyses de M. Alain Madelin et souligné la nécessité d'aboutir à des solutions concrètes, M. François Sauvadet a fait part de sa réserve quant à l'expression de tutorat tout en soulignant la nécessité d'un accompagnement des créateurs d'entreprise qui sont confrontés à de très nombreuses difficultés. Il a, à cet égard, estimé utile qu'un inventaire de ces difficultés soit réalisé.

Regrettant que le projet de loi n'apporte pas véritablement de solution pour stimuler les prêts de faible montant, il a jugé indispensable de l'améliorer sur ce point en recherchant un mécanisme limitant les effets de seuil et les complexités administratives.

Estimant qu'il serait en pratique difficile pour un créateur d'entreprise de ne pas mobiliser son patrimoine personnel en garantie de ses emprunts à l'amorce de son projet, M. François Sauvadet a indiqué que la protection du patrimoine devrait surtout s'appliquer à l'hypothèse de la défaillance d'entreprise.

Rappelant que beaucoup d'entreprises connaissent un développement progressif et que des entrepreneurs peuvent donc avoir durablement des revenus faibles, il a estimé qu'un lissage dans la durée de la perception des cotisations sociales tenant compte des réalités de l'entreprise lui paraissait préférable à un dispositif d'exonération. Il a à cet égard indiqué son intérêt pour le système proposé par M. Alain Madelin.

M. Gérard Bapt a déclaré ne pas être choqué par le terme de tutorat déjà couramment employé. Puis, il s'est étonné que M. Christian Sautter n'ait pas évoqué la transformation en avances remboursables des primes attribuées dans le cadre du dispositif d'encouragement au développement des entreprises nouvelles (EDEN).

En ce qui concerne le mécénat, après avoir rappelé que le projet de loi ne concernait que les dons aux réseaux d'aide à la création d'entreprises, M. Gérard Bapt a jugé souhaitable d'élargir le champ du dispositif aux comités de bassin d'emploi, structures locales expérimentées et connues des entrepreneurs.

Enfin, rappelant la frilosité des banques à financer des créations d'entreprise et l'efficacité du prêt à la création d'entreprise, il a reconnu les spécificités du métier de prêteur et a évoqué les possibilités de mobilisation pour la création d'entreprise d'autres formes d'épargne, et notamment celle constituée dans le cadre des plans d'épargne logement.

M. Eric Besson a exprimé sa surprise face à la modestie des amendements proposés par M. Christian Sautter qu'il a supposés être une sorte de plus petit dénominateur commun entre les différents membres de la fédération. Il a en conséquence regretté que le présent projet ne se soit pas attaché à simplifier et à réorganiser la structure de ces réseaux.

Il a souhaité ensuite avoir des précisions sur les questions suivantes :

- quelle est la position de FORCE sur « le récépissé de création d'entreprise » (RCE), prévu à l'article 2 du projet, et notamment sur le fait qu'il soit délivré par le greffier du tribunal ?

- quel est son avis sur la transformation du dispositif EDEN en avance remboursable, et sur l'aménagement du taux de l'usure pour les prêts aux entreprises ?

M. Michel Vergnier faisant état de son expérience du monde agricole a estimé que la pérennité de l'entreprise était un problème essentiel et que les dispositifs de réduction d'impôts et de report de charges sociales ne remplacaient pas l'efficacité d'un système d'accompagnement par le biais d'un tutorat, quel que soit le nom qu'on lui donne.

Mme Chantal Brunel a souligné le fait que les entreprises nouvellement créées ont essentiellement besoin de réponses rapides et de formalités simples.

En réponse aux différents intervenants, M. Christian Sautter a tenu à apporter les précisions suivantes :

- les propositions d'amendements sont effectivement le fruit d'un consensus entre les huit membres qui constituent le réseau FORCE. Ils peuvent néanmoins fournir leurs points de vue spécifiques aux députés, à l'instar de France Active qui a une position particulière sur le problème de l'articulation entre les fonds d'investissement de proximité et les fonds de garantie locaux ;

- le terme de « tutorat » a effectivement une connotation condescendante mais il présente l'avantage d'avoir un sens juridique précis qui correspond à ce qui est prévu par le projet ;

- s'agissant des fonds d'investissement de proximité, France Active a envisagé un financement d'un montant de 20 000 euros. Le réseau Entreprendre s'occupe, pour sa part, de crédits plus modestes et les autres réseaux de crédits plus significatifs ;

- l'idée d'une forfaitisation trimestrielle des charges sociales, à hauteur de 20 à 25 % du chiffre d'affaires de l'entreprise, semble difficile à mettre en œuvre dans la mesure où le chiffre d'affaires n'est pas encore connu la première année ;

- il est important de rappeler aux élus locaux que les collectivités locales ont une importance considérable dans le financement des créations d'entreprises ;

- le réseau FORCE ne s'est pas prononcé sur la modification du dispositif EDEN mais il faut souligner que les modifications périodiquement apportées à ce type de dispositif sont sources de complexité pour les entreprises et qu'une certaine stabilité serait souhaitable ;

- toute mesure permettant de développer le mécénat en France est bonne mais il est peut-être dangereux de diluer le nombre des acteurs susceptibles d'intervenir en y incluant d'éventuels organismes agréés ;

- s'agissant de l'accès au crédit, toutes les banques n'ont pas le même comportement ; à cet égard le crédit coopératif des réseaux mutualistes permet déjà de prendre convenablement en charge le risque de défaillance de certaines entreprises en création. Par ailleurs, les systèmes de garantie sont très incitatifs pour les banques. En revanche, l'utilisation éventuelle des fonds du Compte pour le Développement Industriel (CODEVI) ou du Plan Epargne Logement (PEL) renvoie à un débat qui ne concerne pas le réseau FORCE ;

- s'agissant de la simplification des réseaux, FORCE expérimente déjà la possibilité d'un guichet commun à tous ses membres dans les régions Rhône-Alpes, Bretagne et Alsace, permettant ensuite une orientation vers l'organisme compétent ;

- l'impératif de rapidité et de simplicité de l'action administrative ne doit pas prévaloir sur celui de sa qualité, dans la mesure où l'échec de la création d'une entreprise par un chômeur est souvent vécu comme un ultime drame personnel.

M. Gilles Carrez, rapporteur, après avoir rappelé que M. Christian Sautter avait soutenu un taux marginal de l'Impôt sur la fortune (ISF) à 1,8 % lorsqu'il était ministre du Budget, s'est interrogé sur le point de savoir si cet impôt n'avait pas un caractère dissuasif sur l'investissement productif dans les PME et sur la stabilité de l'actionnariat dans les entreprises familiales.

M. Christian Sautter a répondu qu'en tant que Président de France Active, il considérait que la question de l'ISF n'était pas primordiale pour les créateurs d'entreprise tels que ceux ayant recours à cet organisme, rarement imposables à l'ISF.

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La Commission spéciale a procédé à l'audition de M. François Hurel, délégué général de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE).

M. François Hurel a dressé un tableau d'ensemble de l'initiative en France. En 2002, 177 000 nouvelles entreprises ont été créées, chiffre stable depuis cinq ans, mais en baisse par rapport à l'année 1990 au cours de laquelle on a pu dénombrer 205 000 nouvelles entreprises. Il faut souligner l'écart croissant en France entre le nombre de personnes déclarant vouloir créer une entreprise et le nombre d'entre elles qui concrétisent ce souhait. 12 millions de Français annoncent en effet avoir l'intention de créer une entreprise dans leur vie. Trois difficultés majeures peuvent expliquer ce constat, d'après le sondage rendu public le 23 janvier 2003 par l'APCE et le Salon des entrepreneurs : les difficultés de financement pour 70 % des personnes sondées, les difficultés de sécurisation de la création d'entreprise, qui conserve l'image d'une aventure par trop risquée, ainsi que les difficultés administratives pour 10 % des personnes interrogées (contre 20 % il y a trois ans), la complexité administrative étant principalement considérée non pas comme un frein direct à la création proprement dite, mais comme une source d'anxiété pour la vie de l'entreprise.

Le site Internet créé par l'APCE reçoit 400 000 visiteurs chaque mois, ce qui traduit un véritable engouement pour l'entreprenariat. En conséquence, il conviendrait de résoudre ces difficultés et le projet de loi pour l'initiative économique présente plusieurs avancées, notamment sur les problèmes de financement en appelant à la contribution de l'épargne de proximité, les questions de sécurisation du patrimoine personnel et le passage du statut salarial au statut entrepreneurial (57 % des créateurs d'entreprises sont des salariés ou des anciens salariés).

Le financement de la création d'entreprise obéit en France à la règle dite des « 20-20-60 », comme partout ailleurs : 20 % du financement est d'origine publique, 20 % constitué de prêts bancaires traditionnels et 60 % de l'épargne personnelle ou de l'environnement proche. L'épargne de proximité n'avait jamais été soutenue en France et le projet de loi ouvre un nouveau circuit de financement qui présente un intérêt majeur.

En ce qui concerne le passage du statut de salarié à celui d'entrepreneur, une personne pourra demeurer salariée tout en créant une entreprise et cette phase de transition lui permettra de mieux appréhender son projet et, éventuellement, de demeurer dans son entreprise d'origine dans le cas où ce projet n'aboutirait pas.

La dématérialisation des procédures par le transfert électronique des données relatives à la création d'entreprise est également une idée importante.

La protection de l'habitation principale de l'entrepreneur évitera qu'à l'insuccès économique ne s'ajoute une sanction familiale.

Enfin, les perspectives d'allégements fiscaux (transmission d'entreprise et collecte de l'épargne de proximité) vont dans un sens favorable aux créateurs de demain.

Le président Hervé Novelli a souligné que le financement demeure la première difficulté rencontrée par le créateur. Il convient donc de s'interroger sur les aménagements à apporter au texte afin de soutenir plus spécifiquement l'entreprise individuelle et d'améliorer son accès au crédit.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a souhaité avoir des éléments sur les modalités concrètes de la séparation du patrimoine personnel et entrepreneurial. Elle a également demandé l'avis de M. François Hurel sur les centres de formalités des entreprises (CFE) et le « chèque-premier emploi ».

M. Gilles Carrez, rapporteur, a souligné que les fonds d'investissement de proximité (FIP) permettraient de mobiliser l'épargne de proximité pour des apports en fonds propres, mais non pour des prêts aux entreprises individuelles. L'épargne des proches pourrait-elle alors faire l'objet de mesures fiscales incitatives pour être mobilisée au travers de prêts aux entreprises individuelles ?

M. François Hurel a rappelé que la France s'apprête pour la première fois à mettre en place un mécanisme de collecte de l'épargne de proximité par la mutualisation dans les FIP, ce qui devrait dégager des financements importants.

Les Français sont attachés à la notion de petite entreprise et surtout à la notion d'entreprenariat individuel ; il faut donc prévoir des dispositifs en faveur des prêts pour les très petites entreprises. Deux pistes peuvent être évoquées :

- renforcer l'action du prêt à la création d'entreprise, qui ne sert en 2002 qu'un peu plus de 11 000 porteurs de projets. Il faudrait disjoindre ce prêt du prêt bancaire traditionnel qui demeure un préalable obligatoire avant de pouvoir avoir accès au prêt à la création d'entreprise ;

- on constate que les banques prêtent facilement lorsqu'elles ont de solides garanties et le système SOFARIS, notamment, a un effet de levier important (évalué à 1 pour 10). Sans demander aux FIP de devenir des fonds prêteurs, ceux-ci pourraient constituer des mécanismes de garantie au niveau régional.

En ce qui concerne la sécurisation du patrimoine individuel, il convient de souligner que les entreprises individuelles représentent 1 700 000 entreprises et 55 % des nouvelles entreprises créées. Il ne serait pas opportun de créer un mécanisme si complexe ou coûteux qu'il en deviendrait contreproductif. Déclarer, par exemple, au Registre du commerce les biens que l'entrepreneur souhaite affecter à son activité professionnelle semble une bonne solution.

S'agissant des centres de formalités des entreprises, il faut saluer l'effort fait par la France dès 1981 et en 1984 pour favoriser la création d'entreprises à travers les CFE. Une démarche simple permet d'avertir simultanément les onze administrations concernées par la création. Un récépissé est ensuite communiqué dans les jours suivants. Mais des vérifications sont nécessaires qui demandent un certain temps. Une amélioration pourrait être apportée par un dispositif d'inscription par Internet.

M. François Hurel a ensuite évoqué les pistes à explorer, s'agissant des charges sociales pesant sur les petits entrepreneurs : il paraît indispensable de mettre en place une forfaitisation de ces charges. En effet, les charges sociales pesant sur les petits entrepreneurs sont devenues extrêmement complexes, notamment en raison du décalage de deux ans existant entre le fait générateur de ces charges et leur perception. Ce décalage de deux ans entraîne des effets pervers, tels que l'obligation de régulariser les charges sociales à la fin de la deuxième année d'activité, voire débouche sur des effets de ressaut ou de guillotine. Il oblige aussi à acquitter des charges sociales deux ans et demi après la cessation d'activité d'un entrepreneur.

On pourrait remédier à ces inconvénients en introduisant une forfaitisation trimestrielle ou semestrielle des charges sociales assises sur le chiffre d'affaires. Cette mesure permettrait d'accéder au statut d'entrepreneur ou de le quitter sans ce long processus de régularisation et en faisant disparaître les effets de ressaut et de guillotine précités. Elle suppose toutefois de mettre un place un collecteur unique des charges sociales.

Après avoir salué la qualité du rapport remis par M. François Hurel au Premier ministre, M. Alain Madelin a exprimé le souhait que les travaux conjoints du Gouvernement et du Parlement débouchent sur des mesures permettant une création plus simple des entreprises, permettant aussi de mieux accompagner les projets et de faciliter le financement des nouvelles entreprises.

S'agissant de la création des entreprises, M. Alain Madelin a fait remarquer que les dispositions de l'article 2 n'auraient véritablement de signification que si l'inscription en ligne des nouveaux entrepreneurs était introduite. Cette inscription devra déboucher sur un récépissé permettant de garantir que l'ensemble des formalités à accomplir auprès des différentes administrations sont automatiquement satisfaites. Afin que le statut de petit entrepreneur soit plus facile à vivre, il est également nécessaire d'introduire le guichet unique social. Ce dispositif était déjà prévu par la loi de 1994, pour être concrétisé dans un délai de deux ans. Cet engagement n'est toujours pas concrétisé : il importe désormais de le faire.

M. Alain Madelin a également fait part de son accord sur la nécessité de supprimer le décalage de deux ans en matière de charges sociales, en introduisant une forfaitisation optionnelle ou simplement en faveur des micro entreprises.

L'ensemble de ce dispositif permettrait d'aboutir à un enchaînement vertueux de formalités : le statut d'entrepreneur serait accessible directement en ligne ; l'entreprise obtiendrait un carnet de facturation ; au bout de trois mois, elle serait en mesure de verser des charges sociales forfaitisées ; les banques auraient un intérêt certain à délivrer à la nouvelle entreprise ainsi créée des moyens de financement, devenant ainsi un auxiliaire de la politique de création des entreprises. En introduisant un statut de démarrage de l'activité d'entrepreneur, éventuellement cumulable avec d'autres activités et en permettant aux banques d'accompagner les prêts à la création d'entreprise distribués par les FIP ou par des structures locales garanties par le FIP, le financement des petites entreprises serait ainsi considérablement simplifié.

Abordant la question de la sécurisation des petites entreprises, M. Alain Madelin a fait part de sa préférence en faveur d'un patrimoine professionnel affecté, qui lui apparaît plus simple. Il est également important d'améliorer la sécurité entourant le statut de travailleur indépendant, qui aujourd'hui fait parfois l'objet d'une requalification sous forme de contrat salarial en raison de la simple existence d'un client dominant. Afin de remédier à cette situation, il conviendrait d'introduire une présomption quant à l'existence du statut de travailleur indépendant, sauf à ce que l'administration soit en mesure de prouver le contraire. Il est vrai qu'une telle mesure se heurte à la méfiance, historique, à l'égard du statut de travailleur indépendant, méfiance qui s'expliquait à l'époque par le refus du tâcheronnage. Mais ces préjugés sont aujourd'hui dépassés : le travailleur indépendant a la même protection qu'un travailleur salarié ; le travailleur indépendant occupe souvent des missions prestigieuses ; on voit se développer, à l'intérieur même du salariat, une obligation de résultat qui se substitue à une obligation de présence dans l'entreprise, et qui rappelle le contrat commercial.

M. Alain Madelin a enfin demandé le pourcentage des prêts à la création d'entreprise faisant l'objet d'un remboursement et le montant moyen nécessaire pour une création d'entreprise.

Après avoir remercié M. François Hurel d'avoir rappelé sans ambiguïté les progrès qui ont été faits dans la simplification des formalités de la création d'entreprise, M. Eric Besson a souligné la nécessité de « tordre le cou » à ce mythe durable selon lequel la création d'entreprise en France serait rendue difficile par la complexité des formalités administratives à accomplir. Il a également fait remarquer que la proposition consistant à permettre la création, en une heure, d'une entreprise dotée d'un euro de capital risque de susciter des vocations dont l'avenir n'était guère assuré.

Il s'est déclaré surpris de la suggestion faite par M. François Hurel de disjoindre le prêt bancaire obligatoire du prêt à la création d'entreprise. En effet, les prêts à la création d'entreprise se heurtent à certains obstacles qu'il importe de lever et, par ailleurs, les banques sont d'autant plus incitées à accorder des prêts bancaires que ceux-ci sont mieux garantis. M. Eric Besson a jugé primordial d'accroître les liens entre les créateurs d'entreprise et les réseaux bancaires, en évitant la création d'un réseau bancaire parallèle spécialisé dans le financement de la création d'entreprise, qui ne manquerait pas d'être source de gaspillage.

Le président Hervé Novelli s'est interrogé sur la portée des dispositions de l'article 2 qui introduit un nouveau récépissé préalablement au récépissé final : ne va-t-on pas seulement rendre plus complexe la procédure d'octroi du récépissé ? Il a souhaité également connaître l'appréciation de M. François Hurel, s'agissant de l'article 17 relatif au déplafonnement du taux de l'usure.

S'agissant du taux d'échec des entreprises nouvellement créées, M. François Hurel a indiqué que seulement 15 % des nouvelles entreprises subissent un échec économique dans les trois à cinq années qui suivent leur création, ce qui signifie que 85 % des entreprises sont en mesure de s'acquitter de leur dette. Pour sa part, le montant moyen investi dans la création d'une entreprise serait, pour 85 % des entreprises nouvellement créées, de moins de 7 500 euros : la France créée donc des entreprises, mais il s'agit de petites entreprises. Les besoins en trésorerie et en prêts des entreprises nouvellement créées sont donc considérables.

M. Eric Besson a fait valoir que la valorisation des biens apportés par un entrepreneur lors de la création d'une entreprise était généralement sous-estimée en France, même s'il est vrai que les entreprises sont créées avec peu de liquidités.

M. François Hurel a souligné la nécessité de créer un guichet social unique, ce qui nécessite notamment d'introduire un collecteur unique. S'agissant des prêts à la création d'entreprise, il a indiqué qu'il ne préconisait pas de disjoindre systématiquement ce prêt du prêt bancaire, mais qu'il estimait souhaitable d'atténuer le lien fait de façon automatique et, en pratique, égalitaire entre ces deux types de prêt. Il convient donc de mener une réflexion approfondie pour améliorer le dispositif du prêt à la création d'entreprise (alors que le prêt à la création d'entreprise pourrait concerner potentiellement 30 000 porteurs de projet, seulement 11 000 d'entre eux y recourent), tout en l'accordant mieux avec la nécessaire bancarisation des nouveaux entrepreneurs.

S'agissant des modalités d'obtention du récépissé actuel, qui sanctionne de façon formelle la création d'une entreprise suite au dépôt de l'ensemble des pièces nécessaires à cette création et qui permet ainsi le démarrage effectif de l'activité entrepreneuriale, M. François Hurel a relevé que des difficultés tenant au délai permettant cette obtention sont rares et apparaissent uniquement dans des cas très spécifiques. Dans ce contexte, l'introduction d'un nouveau récépissé, délivré plus tôt lors du processus de la création d'entreprise et qui constituerait à la fois la fiche signalétique de l'entreprise nouvelle et l'amorce du récépissé en bonne et due forme tel qu'il existe actuellement, ne relève peut-être pas de l'urgence absolue. Par contre, cette introduction apparaîtra sans doute nécessaire dès lors qu'elle sera liée à un signalement immédiat et en ligne de la création de l'entreprise à toutes les administrations intéressées.

Abordant la proposition tendant au déplafonnement du taux de l'usure, M. François Hurel a noté qu'il s'agissait de tenir compte du fait que les banques ne souhaitent pas, le cas échéant, prêter à un nouvel entrepreneur parce qu'elles ne peuvent pas retirer de l'opération de prêt un prix convenable. Or, il apparaît que le taux d'intérêt moyen appliqué à un prêt bancaire destiné à la création d'une entreprise s'élève aujourd'hui à environ 6,7 %, soit un niveau inférieur de deux points au niveau actuel du taux de l'usure s'agissant de cette catégorie de prêts bancaires. Cependant, il faut noter que les créateurs d'entreprise qui ne parviennent pas à bénéficier d'un prêt bancaire, financent, le cas échéant, leur projet par le recours à des prêts à la consommation, catégorie de prêts pour lesquels le taux d'usure est supérieur à 18 %. On peut donc penser que le recours à cette pratique, courante dans les pays anglo-saxons, pourrait être légitimement évité par un relèvement du taux de l'usure s'agissant des prêts bancaires permettant le financement d'un projet entrepreneurial. Il n'en demeure pas moins que les taux d'intérêt appliqués précisément à ces prêts se situent aujourd'hui en moyenne à un niveau nettement inférieur à ce taux de l'usure. Il serait peut-être nécessaire de clarifier le contexte de cette proposition, en tentant de comprendre de façon très précise pourquoi les banques militent en sa faveur avec une telle conviction.

M. Alain Madelin a précisé qu'il n'était pas prêt, à titre personnel, à adopter cette proposition sans que soient apportées certaines précisions relatives à son sens et à sa portée. Il apparaît nécessaire que les banques précisent l'utilisation qu'elles feront, le cas échéant, du relèvement du taux de l'usure. Il est en effet à craindre que ce relèvement permettrait, certes, d'une part, d'ouvrir le bénéfice du crédit à des entrepreneurs qui en étaient exclus jusqu'alors du fait du niveau actuel du taux de l'usure, mais qu'il relèverait, d'autre part, de façon substantielle le coût des crédits courts accordés aux entreprises et qui leur permettent, au quotidien, de couvrir leurs besoins de trésorerie. Il est probable que les gains faits par les banques à ce dernier titre seraient nettement supérieurs aux montants supplémentaires des crédits distribués à raison du premier effet.

S'agissant du statut de « travailleur indépendant » des petits entrepreneurs, M. François Hurel a noté qu'il n'était pas rare que ceux-ci, au début de leur activité, prêtent leurs services uniquement à un ou deux clients. Il est vrai que les dispositions légales actuelles peuvent aboutir à ce que de telles situations soient requalifiées par le juge comme relevant du salariat et non plus d'une relation d'entreprise à entreprise. Une telle requalification peut, bien sûr, avoir des conséquences négatives pour le travailleur indépendant mais, bien plus encore, pour son client. Il apparaît donc opportun d'établir légalement qu'il existe une présomption juridique simple de l'existence de l'activité entrepreneuriale, dès lors que celle-ci a été considérée initialement comme telle par les intéressés. A tout le moins, il apparaît nécessaire d'offrir à chacun de ces intéressés la faculté d'interroger l'administration, quant à sa perception de la nature du contrat qui lie lesdits intéressés.

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La Commission spéciale a procédé à l'audition de M. Pierre Fonlupt, membre du Conseil exécutif du MEDEF.

Précisant qu'il était lui-même chef d'entreprise, M. Pierre Fonlupt a indiqué qu'il ne s'exprimerait donc pas en tant que juriste ou technicien chevronné. Rappelant que 95 % des adhérents du MEDEF employaient moins de 50 salariés et 25 % (soit environ 200 000) moins de 10, il a indiqué que celui-ci se félicitait de ce que les entreprises de terrain aient été entendues et que le Gouvernement présente un plan novateur et cohérent pour favoriser la création d'entreprises.

Il s'agit d'un enjeu majeur car le nombre de créations plafonne à un niveau inférieur à celui observé au cours des années 1980. Les conséquences en sont un non-renouvellement du tissu économique d'autant plus grave que le nombre des faillites augmente et que beaucoup d'entreprises disparaissent faute de repreneur lorsque leur propriétaire prend sa retraite. Or, toute une génération d'entrepreneurs arrive aujourd'hui à l'âge de la retraite et il existe donc un risque majeur pour l'emploi et la vitalité économique de certaines régions.

Si le projet de loi représente un net progrès, il ne résout pas tous les problèmes de la création d'entreprise en France. Dès lors, les observations formulées par le MEDEF n'ont pas pour objet d'en réduire la portée, mais au contraire de la consolider en en facilitant l'application.

Une première série d'observations ont pour objet d'améliorer certaines des dispositions présentes dans le projet de loi.

Le MEDEF approuve l'article premier permettant la constitution d'une SARL à un euro mais considère que cela ne dispense pas le créateur de constituer ses fonds propres. A cet égard, pour l'y inciter, il serait souhaitable de réduire le coût des augmentations de capital en les exonérant de droits de timbre et d'enregistrement jusqu'à atteindre un niveau de capital de 7 500 euros et d'exonérer d'impôt sur les sociétés la part des bénéfices réincorporés pendant les cinq premières années d'existence de l'entreprise.

Le MEDEF privilégie la contractualisation pour les rapports entre les salariés et leurs employeurs et préfèreraient donc que les dispositions de l'article 7, qui rendent les clauses d'exclusivité inopposables au salarié créateur, se fassent par accord entre les parties. Par ailleurs, le fait qu'elles soient applicables aux contrats en cours et aient donc un effet rétroactif constitue une source d'insécurité juridique pour les entreprises. En accord avec sa position générale hostile à toute rétroactivité, le MEDEF souhaite qu'elles soient limitées aux contrats conclus après la promulgation de la loi.

En ce qui concerne l'article 9, relatif au congé et au temps partiel pour la création d'entreprise, le MEDEF privilégie aussi la voie contractuelle, mieux à même de préserver les bonnes relations entre l'employeur et ses salariés.

Le MEDEF souhaiterait, à l'article 14, que la fiscalité des fonds d'investissement de proximité (FIP) soit alignée sur celle des fonds de commun de placement pour l'innovation et que, à l'article 15, la réduction d'impôt sur le revenu pour souscription au capital d'une société soit doublée. De même, afin de réduire le coût des pertes subies à la suite d'une souscription au capital d'une société nouvelle, il demande une déduction totale de celles-ci. Même si le MEDEF privilégie la forme sociétale, force est de constater que l'article 15 ne bénéficiera pas aux entreprises individuelles.

Le MEDEF est favorable au relèvement du taux de l'usure prévu par l'article 17, qui est destiné à favoriser l'accès des PME au crédit, surtout dans le contexte du renforcement des ratios de fonds propres des banques.

S'il se félicite que le sujet de la transmission des entreprises soient enfin abordé, il s'interroge néanmoins sur la pertinence des critères mentionnés à l'article 22 et, plus précisément, sur le lien entre le chiffre d'affaires réalisé et l'imposition des plus-values. La détermination de l'année de référence et la prise en compte des recettes de toutes les entreprises exploitées par le contribuable sont également discutables.

Le MEDEF est favorable à la réduction d'impôt pour le repreneur qui s'endette pour acquérir des actions ou des parts de sociétés, prévue à l'article 23, mais souhaiterait le rétablissement du dispositif de rachat d'une entreprise par ses salariés disparu en 2000.

Enfin, les dispositions de l'article 4 relatives à la domiciliation des entreprises posent des problèmes juridiques et paraissent marquer un recul pour les personnes physiques.

Outre ces observations, le MEDEF souhaite soutenir des mesures qui devraient être intégrées au projet de loi, afin d'en renforcer l'efficacité. En effet, la question de la transmission des entreprises ne sera pas pleinement résolue tant que le sujet de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), longtemps tabou, ne sera pas abordé et que ne sera pas mis un terme à la véritable mécanique infernale déclenchée par cet impôt. Ce sujet ne doit pas être abordé sous l'angle patrimonial, mais sous celui de ses conséquences sur le développement et la pérennité des entreprises.

Il est aujourd'hui urgent d'agir, d'abord pour mettre fin au traitement inéquitable des actionnaires, puisque seul l'actionnaire majoritaire ou celui qui est également mandataire social bénéficie de l'exonération. Cette inégalité conduit les entreprises à distribuer plus de dividendes qu'il ne serait souhaitable pour le développement de l'entreprise, pour permettre aux actionnaires minoritaires d'acquitter l'impôt. Outre qu'elle entraîne un appauvrissement de l'entreprise, cette situation conduit bien souvent à sa mise en vente, notamment quand il s'agit d'entreprises familiales, à des repreneurs étrangers qui, progressivement, délocalisent le siège de l'entreprise puis ses unités de production. De même, les règles en vigueur s'avèrent inadaptées à la configuration actuelle du capital des entreprises, souvent éparpillé, et sont un obstacle au renouvellement de leurs cadres dirigeants. Enfin, elles conduisent à la mise en place de montages complexes inutiles.

C'est pourquoi, le MEDEF propose, pour remédier aux conséquences les plus négatives, de modifier l'ISF afin d'exonérer les investissements dans les sociétés non cotées, et d'aider les actionnaires minoritaires à conserver leurs titres.

Le président Hervé Novelli a précisé que le Gouvernement était déjà revenu, dans sa version finale du projet de loi, sur la formule très efficace médiatiquement de la « société à un euro », car elle prêtait par trop à confusion. Il a indiqué qu'il percevait bien les raisons qui militaient contre l'usage de la rétroactivité dans le domaine du droit des entreprises, mais a souligné qu'il fallait néanmoins concilier cette préoccupation avec l'ambition de produire des lois ayant des effets sur la réalité. Il a signalé qu'en ce qui concerne le niveau du taux d'usure, la position de la commission restait encore très ouverte.

Mme Catherine Vautrin a approuvé les analyses du MEDEF s'agissant des modifications à apporter aux articles 7 et 4, en souhaitant que ces aménagements permettent aussi, en ce qui concerne l'article 7, de prévoir plus spécifiquement le cas d'une externalisation, qui peut apporter un soutien au chef d'entreprise, et s'agissant de l'article 4, que le cas du changement de domiciliation soit précisé. Elle a par ailleurs émis le vœu d'entendre le commentaire du MEDEF sur les articles 6 et 18, à propos respectivement de la sécurisation du patrimoine personnel du chef d'entreprise et de la fixation de règles en matière de report du paiement des charges sociales.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a indiqué que les propos de M. Pierre Fonlupt reprenaient un certain nombre de propositions du MEDEF connues de longue date, s'agissant en particulier de l'exonération fiscale pour la part des bénéfices réinvestis, de l'augmentation de 25 % à 50 % de la réduction d'impôt sur le revenu pour souscription au capital d'une société, ou de la déduction totale de l'impôt sur les sociétés des pertes subies à la suite d'une souscription au capital d'une société nouvelle. Revenant sur l'idée d'un alignement de la fiscalité des FIP sur celle des FCPI, il a rappelé qu'elle se heurtait généralement à l'argument selon lequel cette différence se justifiait par des niveaux différents de risque. Il s'est déclaré en plein accord avec l'approche consistant à aborder la question « tabou » de la réforme de l'ISF en rappelant que l'entreprise était avant tout un outil, qu'il fallait essayer de garder sur le sol national. Il s'est enfin interrogé sur la pertinence de la distinction entre les sociétés cotées et non cotées pour ce qui concerne l'encouragement au réinvestissement des bénéfices en fonds propres, la politique de réorientation de l'épargne devant s'effectuer selon lui à l'échelle de l'ensemble des entreprises.

M. Pierre Fonlupt a reconnu qu'une limitation de la rétroactivité des textes était une affaire complexe, mais que, derrière sa remarque générale sur la rétroactivité, il avait souhaité en fait que l'application de l'article 7 ne conduisît pas à ce que des chefs d'entreprise fussent obligés d'aider d'anciens salariés devenus leurs concurrents après les avoir quitté pour s'installer à leur compte. S'agissant de la rétroactivité, il a indiqué qu'il refusait personnellement de l'appliquer, en tant que chef d'entreprise, même dans le cadre des relations avec ses partenaires commerciaux, arguant du fait qu'il ne pouvait modifier a posteriori des données, de prix par exemple, sur lesquelles il avait fondé sa stratégie. S'agissant du relèvement du taux d'usure, il a expliqué que cette suggestion visait à encourager le développement des entreprises, conformément à l'esprit du projet de loi, en leur ouvrant un plus large accès au crédit, sachant d'une part que les banques peuvent être tentées de refuser les prêts lorsqu'elles ne peuvent pas prendre une prime de risque suffisante, et que d'autre part, le taux d'usure est maintenu mécaniquement bas par le faible niveau de l'inflation, puisqu'il se calcule à partir des taux courants. En ce qui concerne la sécurisation du patrimoine personnel du chef d'entreprise prévue à l'article 6, et en particulier la préservation de l'habitation principale, il a souligné combien elle était importante pour entretenir l'incitation à la création d'entreprise dans le pays, le spectacle de la catastrophe humaine et financière d'un chef d'entreprise qui a échoué pouvant conduire ses descendants pendant plusieurs générations à se détourner de la prise de risque. Il s'est déclaré également favorable au dispositif de report de charges prévu à l'article 18, tout en soulignant que cette possibilité devait être enfermée dans des règles rigoureuses, afin qu'elle ne se transformât pas en piège pour les bénéficiaires. Il a en effet expliqué que certains chefs d'entreprise pourraient se laisser tenter de profiter du soulagement temporaire ainsi procuré, sans se préparer suffisamment, par des provisions, à un retour à la situation normale. Il a indiqué qu'à titre personnel il s'était toujours refusé, dans le cadre de la direction de son entreprise, à profiter des effets d'aubaine, afin d'éviter d'avoir à gérer les éventuelles conséquences de leur suppression. Il s'est ensuite inscrit en faux contre l'argument d'une éventuelle différence de niveau de risque entre les FCPI et les FIP, en insistant sur le fait que les entreprises du secteur traditionnel étaient confrontées au même niveau de risque que celles du secteur technologique, et qu'il serait dommageable pour l'économie de les désavantager. Concernant l'idée d'un traitement différencié des réinvestissements des bénéfices entre sociétés cotées et non cotées, il l'a justifié par le lien plus fort que tissait l'apporteur en capital avec une société non cotée, en choisissant de s'associer à un projet industriel, situation qu'il convenait d'encourager, tandis que le propriétaire d'un titre coté en bourse pouvait être tenté de revendre sur la seule considération de l'évolution du cours.

M. Alain Madelin s'est félicité de l'économie du projet de loi, qui a abaissé le seuil financier de constitution d'une SARL, tout en créant une incitation à ce que le capital soit ultérieurement renforcé pour assurer la consolidation de la situation de l'entreprise. Il s'est déclaré peu convaincu de l'effet globalement favorable pour les petites entreprises d'un relèvement du taux de l'usure, et a souhaité que le MEDEF utilisât ses moyens économétriques pour construire une prévision chiffrée de l'impact d'une telle mesure. Il a expliqué en effet que si l'inflation restait effectivement basse, la situation économique actuelle, assez défavorable, créait les conditions d'un resserrement de la distribution du crédit lié à la baisse de la valeur des gages (« Credit Crunch »), qu'un tel resserrement favorisait une hausse du coût du crédit devenu plus rare, et que le relèvement du taux d'usure ne pourrait qu'encourager ce mouvement à la hausse des taux imposés aux entreprises. Il a rappelé que les encours des découverts des entreprises atteignant environ 54 milliards d'euros, et les prêts courts de moins de deux ans représentant 110 milliards d'euros, un relèvement de 2 à 3 points du taux d'usure, s'il était suivi d'un relèvement parallèle des taux débiteurs, pourrait avoir un effet de prélèvement non négligeable sur les entreprises, pouvant contrebalancer l'effet positif d'augmentation de la distribution de crédit.

M. Eric Besson a formulé les interrogations suivantes :

- quelles sont les raisons conduisant le MEDEF à approuver les dispositions permettant de créer une entreprise au capital d'un euro ?

- dispose-t-on d'éléments concrets sur les problèmes posés par l'ISF ? Combien de personnes sont-elles concernées ? Quels sont les enjeux ? A-t-on des données sur les conséquences attribuées à cet impôt en termes d'expatriations, de délocalisations, d'investissement ? Ces éléments peuvent seuls permettre de mener la réflexion sur une base objective.

Il a demandé si, de façon plus générale, la commission spéciale disposait d'éléments techniques sur l'ensemble des incitations fiscales supplémentaires envisagées.

Le président Hervé Novelli a souscrit à l'idée que la commission devait statuer sur des données précises.

M. Gilles Carrez, rapporteur, après avoir relevé la difficulté que représente la ventilation entre les différents éléments constitutifs de l'assiette de l'ISF, a indiqué que les informations sur ses effets pervers étaient nombreuses.

M. Pierre Fonlupt a apporté les précisions suivantes :

- la position favorable du MEDEF sur les dispositions relatives au taux de l'usure découle de la nécessité de ne pas priver certaines entreprises de toute possibilité de crédit ; d'autres pistes de nature à aider ces entreprises à obtenir un crédit peuvent être explorées, comme celle de la garantie SOFARIS ;

- la possibilité de créer une entreprise au capital d'un euro, outre son efficacité, revêt une portée symbolique essentielle. Créer une entreprise suppose d'abord l'existence d'un projet et un bon accompagnement du créateur. La question financière n'intervient qu'en second lieu même si les outils concrets permettant d'y répondre doivent exister. Le succès repose avant tout sur l'existence d'un esprit entrepreneurial.

M. Jean-Charles Taugourdeau, après avoir relevé l'absence de dispositions sur le statut du chef d'entreprise, a formulé les observations suivantes :

- il faut mettre fin à l'idée reçue selon laquelle créer une entreprise en France serait une folie ;

- la perception de l'entreprise doit changer : la notion d'entreprise doit reposer sur une déontologie et sur l'existence d'un projet social. La démarche entrepreneuriale ne saurait être réduite à la seule recherche du profit ; il faut d'ailleurs être conscient que l'employeur s'engage le plus souvent, en créant son entreprise, à ne rien posséder en propre ;

- on ne peut passer sous silence le fait que ce sont les entreprises qui créent la richesse en France, notamment les plus petites d'entre elles. Dans celles-ci, l'employeur a une relation personnelle avec ses salariés et ne procède pas à des licenciements dans un but strictement financier, contrairement à ce qu'avancent couramment certains ;

- il faut effectivement éviter les dispositions rétroactives ;

- l'intérêt de l'entreprise n'est pas de former ses futurs concurrents et il ne faudrait pas, au motif que l'on soutient la création d'entreprise, oublier celles qui existent.

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Le même jour, la Commission spéciale a poursuivi ses auditions et a procédé à celle de MM. Alain Griset, président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) et Jean-François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie.

M. Alain Griset, président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM), a souligné l'intérêt que revêt le projet de loi relatif à l'initiative économique qui aborde deux sujets fondamentaux pour les entreprises artisanales, qui sont aujourd'hui au nombre de 840 000 : d'une part, celui de la transmission, puisque 30 % des artisans ont plus de 50 ans et devront, dans les dix années à venir, trouver des repreneurs, et, d'autre part, celui de la création de passerelles entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur, ce qui devrait permettre, en réduisant le « gouffre » entre ces deux statuts, de favoriser la création d'emplois. Ce projet de loi devra impérativement être prolongé par un autre texte législatif, davantage tourné vers les entreprises existantes, qui devra aborder les questions du statut du conjoint, de l'apprentissage et du financement de ces entreprises afin, en particulier, d'améliorer l'environnement législatif et social de l'artisanat. A l'avenir, il serait opportun d'appliquer systématiquement les dispositifs adoptés en faveur de la création d'entreprises à ceux qui concernent la transmission.

M. Alain Griset a ensuite présenté l'appréciation que porte l'Assemblée permanente des chambres de métiers sur certaines dispositions du projet de loi, regrettant, en premier lieu, que les articles 13, 15 et 16 soient limités aux entreprises sous forme sociétaire. Il serait souhaitable d'étendre les dispositifs prévus par ces articles aux entreprises individuelles, au risque, à défaut, d'accentuer le fossé entre celles-ci et les sociétés. A l'heure actuelle, 60 % des artisans exercent sous forme d'entreprise individuelle mais les 40 % restant, qui ont choisi la forme sociétaire, ne sont en réalité pas gérés comme des sociétés car ce choix répond, le plus souvent, à des contraintes d'optimisation fiscale ou sociale.

Il serait par ailleurs opportun d'adopter une nouvelle mesure qui permettrait aux particuliers, désireux de créer ou de reprendre une entreprise, d'utiliser leur plan d'épargne en actions (PEA) ou leur plan d'épargne logement (PEL) à l'instar de ce que prévoyait le projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale à la fin de la précédente législature.

L'article 22, qui tend à rehausser le seuil de taxation des plus-values professionnelles traduit, certes, un effort louable mais risque, en se basant sur le chiffre d'affaires, d'inciter à réduire l'activité de l'entreprise avant sa transmission afin de ne pas atteindre ce seuil de taxation. Il serait donc préférable de choisir une autre référence de déclenchement qui ne se base pas sur l'activité de l'entreprise. Par ailleurs, il conviendrait de modifier les règles d'évaluation de l'entreprise en adoptant les règles applicables à l'évaluation des biens immobiliers, afin de tenir compte de l'érosion monétaire.

Enfin, il serait opportun de revenir sur la règle de double taxation des artisans qui ont choisi d'exercer sous le régime de la location-gérance, adoptée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Le président Hervé Novelli a indiqué que la question de l'amélioration de l'accès au financement des entreprises individuelles a déjà été longuement abordée par la Commission spéciale et fait l'objet d'un consensus sur cet objectif. Au sujet de la transmission des entreprises, le projet de loi est globalement satisfaisant mais peut encore être amélioré. S'agissant des passerelles ouvertes entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur, il conviendra de veiller à ce que le salarié-entrepreneur n'exerce pas de concurrence déloyale à l'égard de son employeur. Enfin, il a rappelé que le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation a confirmé devant la Commission spéciale, lors de son audition le 21 janvier, qu'un deuxième projet de loi sera déposé, relatif à l'entreprise, avant la fin de l'année 2003.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a souhaité connaître l'appréciation des chambres de métiers sur la partie économique du projet de loi, et notamment l'article 7, et sur l'article 18, qui prévoit le report des charges sociales de la première année suivant la création de l'entreprise, article ayant suscité un débat nourri au sein de la Commission spéciale.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a souligné que la notion d'apport en fonds propres n'étant pas pertinente pour le financement des entreprises individuelles, les avancées très significatives apportées par le texte en la matière se concentrent évidemment sur les entreprises créées sous forme de sociétés. Or, les créations d'entreprises individuelles sont très largement supérieures en nombre aux créations d'entreprises sous forme de sociétés. Ainsi, encourager l'initiative économique implique sans doute de faciliter l'accès aux crédits des créateurs d'entreprises individuelles. S'il n'apparaît pas opportun d'affecter les fonds d'investissement de proximité à des crédits aux entreprises, les décisions de prêt nécessitant une expertise avisée propre au métier de banquier, il serait envisageable de les utiliser pour améliorer l'accès aux cautions. D'ailleurs, les réseaux d'organismes de caution existent déjà et apportent des garanties substantielles élargissant l'accès aux crédits des entrepreneurs individuels.

Abordant l'article 22, le rapporteur a estimé qu'il était difficile d'aller plus loin. Ce seul article concentre les deux tiers du coût budgétaire du projet de loi, avec 350 millions d'euros, et le contexte budgétaire actuel rend impossible un effort plus soutenu. Il convient, par ailleurs, de relever que le projet de loi permet des progrès très réels en élevant le seuil d'imposition des plus-values de 150 000 à 250 000 euros et en introduisant des paliers qui, s'ils n'assurent pas un lissage parfait, améliorent cependant considérablement le dispositif. Le critère du chiffre d'affaires répond au souci de simplicité qui anime le Gouvernement. Certes, d'autres possibilités existent, mais le système doit rester lisible.

En conclusion, le rapporteur a insisté sur le fait que l'augmentation du plafond d'exonération des plus-values constitue un acte politique fort et audacieux. Il a rappelé que sous la précédente législature, ses propositions, pourtant plus modérées, visant à élever le seuil à 200 000 euros s'étaient heurtées à l'opposition du précédent Gouvernement pour des motifs étroitement budgétaires.

En réponse, M. Alain Griset a apporté les précisions suivantes :

- les artisans se félicitent de la proche adoption d'une loi très attendue, et qui répond à des demandes depuis longtemps non satisfaites ;

- en ce qui concerne la concurrence, il est indéniable que l'article 7 qui autorise un salarié encore en activité dans une entreprise à créer sa propre entreprise, recèle des effets pervers importants. A titre d'exemple, est-il concevable qu'un artisan permette à un de ses salariés, qui aurait par ailleurs créé sa propre entreprise dans le même secteur d'activité, de capter sa clientèle ? Il conviendrait donc de ne pas multiplier les situations de concurrence déloyale ;

- en ce qui concerne le report des charges sociales, le décalage est une avancée prometteuse et ce d'autant plus que l'écrasante majorité des entreprises créées dans notre pays comporte lors de leur création un, voire deux employés. Ces petits entrepreneurs ne peuvent dès lors pas acquitter les charges sociales dès le lancement de leur activité, leurs apports initiaux étant par définition modestes. Cependant, il existe un risque évident d'effet d'aubaine pour les entrepreneurs qui seraient tentés de mettre fin à l'activité de leur entreprise un an après leur création, afin de ne pas payer les charges sociales reportées ;

- en ce qui concerne le financement de l'artisanat, il faut relever que depuis la suppression des prêts bonifiés, dont les effets n'ont en réalité pas été compensés par la création de la SOFARIS, les artisans doivent acquitter des taux d'intérêt de 3 à 4 points supérieurs à ceux des très grandes entreprises. Dans ces conditions, la réactivation des prêts bonifiés serait une solution idéale. Une autre solution serait de renforcer le statut des sociétés de caution mutuelle qui jouent un rôle essentiel dans l'accès au crédit des artisans. A titre d'exemple, la société interprofessionnelle artisanale de garantie d'investissement (SIAGI), associée à la SOFARIS, cautionne entre 70 et 80 % du montant des crédits contractés par les petits artisans auprès des banques. Dans ces conditions, il faut veiller à ce que ces mutuelles ne soient pas assimilées à des banques. Il ne faut pas pour autant croire que l'accès au financement des petites entreprises pourra être modifié en quelques mois, dans la mesure où le problème fondamental tient au fait que les banques préfèrent prêter d'importantes sommes d'argent plutôt que de multiplier des petits prêts, en raison de coûts fixes de constitution des dossiers. A cet égard, il convient d'examiner avec attention les solutions de substitution qui se font jour dans les régions, notamment les avances remboursables à taux zéro, ou les apports accordés par les chambres de commerce ;

- concernant les plus-values, le passage du seuil d'imposition de 150 000 à 250 000 euros est un progrès très significatif ; il conviendrait toutefois de lisser encore les effets de seuil ;

- il conviendrait d'insister sur la nécessité de relancer d'autres outils de la transmission d'entreprise dont l'efficacité est remarquable, notamment les stages individualisés formation alternance (SIFA).

Mme Chantal Brunel a, à son tour, exprimé ses inquiétudes quant à l'article 7 qui, s'il encouragera sans aucun doute l'externalisation des services d'une grande entreprise au travers de l'essaimage des activités, n'en comporte pas moins un risque élevé de concurrence déloyale. Un amendement permettrait d'éviter cet effet pervers en précisant qu'en l'absence d'agrément du chef d'entreprise, le salarié décidant de créer une entreprise s'interdit de travailler pendant deux ans avec les clients de l'entreprise de son employeur. Les procédures judiciaires relatives au non-respect des clauses de non-concurrence sont, en effet, extrêmement longues, la survie financière des entreprises qui les intentent étant souvent compromise bien avant leur achèvement.

Le président Hervé Novelli a pris acte du consensus de la Commission sur la nécessité de préciser le contenu de l'article 7.

M. Jean Launay a, comme ses collègues, manifesté son inquiétude quant à la compatibilité entre l'article 7 du projet de loi et la nécessaire loyauté de l'employé envers son employeur. De même, il a évoqué le titre V du projet de loi concernant la transmission d'entreprise, rappelant les préoccupations des artisans qu'il a été amené à rencontrer au sujet de l'étalement du paiement de l'imposition sur les plus-values.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a indiqué que le principe de l'étalement de ce paiement était retenu.

Mme Chantal Brunel a estimé qu'il conviendrait de préciser les modalités de prise en compte des garanties de passif.

M. Michel Vergnier a interrogé M. Alain Griset sur l'opportunité de reprendre certaines dispositions du projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 21 février 2002, notamment la création de titres emplois-salaires ou la sécurisation des dépôts bancaires.

M. Nicolas Forissier a rappelé, en premier lieu, que l'environnement des entreprises fait l'objet de débats depuis plusieurs années. Le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation a d'ailleurs indiqué que d'autres textes législatifs viendraient bientôt compléter le projet de loi sur l'initiative économique, notamment sur les thèmes du développement des entreprises et de la formation. Pour autant, il serait préférable de ne pas avoir à revenir, dans deux ou trois ans, sur les dispositifs qui seront adoptés à l'occasion du projet sur l'initiative économique. Celui-ci donne-t-il aux représentants des organismes consulaires le sentiment qu'il est suffisamment complet ?

Par exemple, il n'y a aucune disposition, dans le projet de loi, qui tendrait à harmoniser le traitement fiscal de la création et celui de la reprise d'entreprise. Or, par exemple, le régime des exonérations d'impôt sur les sociétés au titre de l'article 44 sexies du code général des impôts, est différent du régime d'exonération en cas de reprise d'entreprise en difficulté (article 44 septies), ce qui est source de nombreuses difficultés pour les repreneurs d'entreprises. Il n'est pas rare que, mal conseillés, ceux-ci se fassent « rattraper » par le fisc, deux à trois ans après la décision de reprise rendue par le tribunal de commerce.

En matière de simplification administrative, la plupart des décisions seront prises dans le cadre des ordonnances qui ont d'ores et déjà été annoncées par le Gouvernement. Les artisans et commerçants attendent des mesures concrètes, qui changent, dans le bon sens, leur vie quotidienne. Quelle est l'approche des milieux consulaires sur cette question ?

Enfin, le projet de loi sur l'initiative économique représente une grande avancée en matière de soutien à la création et à la transmission d'entreprises. Cependant, sa pleine réussite suppose un engagement des professionnels au service des entrepreneurs, dans le cadre de réseaux d'accompagnement et de conseil. De quelle façon l'APCM compte-t-elle se mobiliser pour cette cause. Quel message politique veut-elle livrer au Parlement ?

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a souhaité recueillir l'avis de l'APCM sur le chèque emploi-services, sur l'idée, parfois évoquée, d'une forfaitisation des charges et sur l'opportunité de prendre des mesures pour soutenir le financement de la mise aux normes des installations, qui amène trop souvent les artisans et les commerçants à arrêter leur activité et à fermer boutique.

M. Alain Griset a indiqué que le projet de loi étant consacré à la création et à la transmission des entreprises, la problématique du chèque emploi-services n'y trouve pas sa place. Cependant, sur le fond, un travail important a déjà été engagé avec le secrétariat d'Etat, qui devrait se traduire par des propositions dans un texte législatif ultérieur.

En tous domaines, la création et la transmission d'entreprises doivent être traitées de façon équivalente. Ceci implique que l'harmonisation de leur régime juridique, y compris fiscal, doit être recherchée. Si, donc, le Parlement décide de répondre aux préoccupations des organismes consulaires relatives aux entreprises individuelles, la loi qui résultera de ses travaux offrira des outils importants, susceptibles de réduire l'écart entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur individuel et de rendre celui-ci plus attractif. Il faut se donner les moyens de faire passer un message de mobilisation et de valoriser l'esprit d'initiative. Alors, les chambres des métiers diffuseront l'information - répondant ainsi à leur mission de service public - et accompagneront les entrepreneurs.

L'effort d'accompagnement doit être raisonné : créer une entreprise est un acte positif, qui mérite d'être encouragé ; cependant, l'entreprise ne peut durer que si elle s'appuie sur un marché, sur la capacité de ses dirigeants, etc. Il ne s'agit pas de donner de faux espoirs et de fabriquer des chômeurs à une échéance de deux à trois ans. L'objectif des organismes consulaires n'est pas d'accroître le nombre de créations d'entreprises mais le nombre de créations durables, c'est-à-dire, in fine, le nombre d'entreprises existantes. Leur implication devrait donc s'articuler autour d'un conseil avant l'installation, de stages pour les créateurs d'entreprises et d'un suivi pendant deux à trois ans visant à asseoir la solidité de l'entreprise nouvelle et à assurer sa pérennité. La loi sur l'initiative économique doit contenir les mesures nécessaires pour que le développement de l'entreprise individuelle devienne un vrai objectif de politique publique. Si elle y parvient, les chambres de métiers sont disponibles pour prendre leur part de l'effort collectif.

M. Jean-Paul Mingasson, directeur général des entreprises à la Commission européenne, a récemment déclaré que les pouvoirs publics devaient viser à ce que toutes les entreprises se développent pour atteindre un format d'une à quelques centaines de salariés. Mais, en matière d'artisanat, près de 400 000 entreprises n'ont aucun salarié et n'éprouvent pas le besoin d'en embaucher : les coiffeurs, les artisans-taxis, etc. vivent très bien leur statut d'entrepreneur individuel et ne pourraient pas se retrouver dans une politique qui serait faite uniquement pour les entreprises petites ou moyennes. Il faut avant tout créer les conditions permettant que les individus n'hésitent plus à franchir le pas pour créer leur entreprise.

M. Jean-François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), a rappelé que le quotidien des chambres de commerce et d'industrie s'organise autour d'entreprises dont 80 % (soit 1,4 million) ont moins de 10 salariés. Sauf quelques nuances mineures, l'ACFCI est en parfait accord avec les analyses de l'APCM sur les propositions du projet de loi sur l'initiative économique.

Par rapport au projet de loi relatif au développement des petites entreprises de l'artisanat, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale à la fin de la précédente législature, le présent projet évite l'écueil de la segmentation entre grandes et petites entreprises et procède donc d'une meilleure vision de l'acte d'entreprendre. On ne peut pas construire une politique économique efficace sur une approche dichotomique, trop simpliste : les activités des grandes et des petites entreprises sont souvent complémentaires (par exemple, dans le cadre des relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants) et, d'autre part, une entreprise débute rarement avec 200 ou 1 000 salariés. Avant d'être grandes, toutes les entreprises ont été « petites ».

L'ACFCI se réjouit également d'un texte qui entend contribuer à réhabiliter la création d'entreprise, alors que le climat social français n'est pas favorable à l'entrepreneur. Il faut pourtant sortir de ce tiraillement permanent de la société française, qui réclame plus d'emplois mais tient en suspicion ceux-là même qui se donnent pour mission de les créer. Pour autant, les bonnes intentions du législateur sont parfois la cause de sévères difficultés : il faut donc légiférer avec discernement. A cet égard, un certain nombre de textes récents posent des problèmes sérieux, dont l'impact ne peut être surmonté par une quelconque défiscalisation ou réduction de charges sociales. Par exemple, les dispositions actuellement applicables à l'encontre du harcèlement au travail sont incontestables dans leur objectif mais constituent une « bombe sociale » pour la prochaine décennie. De même, la législation relative à la sécurité dans les entreprises, qui constitue la transposition d'une directive européenne, impose que chacune couche par écrit l'ensemble des risques auxquels elle peut exposer ses salariés ainsi que les mesures de prévention et de protection qu'elle met en œuvre. De telles dispositions sont-elles réellement applicables dans les petites entreprises commerciales et industrielles ?

L'ACFCI soutient sans réserve la démarche du secrétaire d'Etat qui entend faciliter l'acte de création et combattre le sentiment trop largement répandu selon lequel cet acte est réservé aux personnes qui peuvent mobiliser des capitaux importants et qui sont bardées de diplômes. D'ailleurs, de trop nombreux exemples montrent - malheureusement - que les diplômes ne peuvent éviter les faillites ou quasi-faillites.

Il faut donc avant tout donner l'envie d'entreprendre. A cet égard, l'idée récurrente qui voudrait que le formalisme juridique soit un frein important à l'initiative économique ne repose sur aucun fondement sérieux. Certes, on peut toujours simplifier le formalisme de la création d'entreprise, mais le cœur du sujet n'est pas là. Dans une version préliminaire du projet, l'article 2, relatif à la délivrance du récépissé de création d'entreprise, prévoyait que celle-ci serait effectuée par les chambres de commerce et d'industrie. Le texte présenté au Parlement prévoit de confier cette responsabilité aux greffes. Cette solution ne rencontre pas les vœux de l'ACFCI, car la procédure de création est justement le moment privilégié où les organismes soucieux de conseiller et d'assister les entrepreneurs peuvent établir les premiers contacts. L'ACFCI souhaite que les formalités de création soient l'occasion d'intégrer les créateurs dans les réseaux d'accompagnement et de conseil. Pour cette raison, des contacts ont été noués avec les greffes et un accord devrait être prochainement conclu avec eux pour analyser le déroulement temporel des procédures - afin de faire apparaître les points de friction - et accélérer l'ensemble des démarches. Il faut rappeler que si la règle selon laquelle le K bis doit être délivré dans les 24 heures n'est pas toujours respectée, c'est, le plus souvent, parce que le dossier présenté par le créateur d'entreprise est incomplet.

Le thème du « créateur salarié » est une idée excellente et intéressante, y compris dans les petites entreprises. Cependant, il faut un accord profond entre le créateur potentiel et le chef d'entreprise, sinon celle-ci risque de pâtir du départ du salarié. De ce fait, instaurer, en réalité, une obligation de soutien à l'essaimage ne paraît pas opportun, sauf, peut-être, dans les entreprises suffisamment importantes en termes de main d'œuvre.

Le financement de la création est un problème récurrent et il faut convenir que la proposition d'autoriser la constitution d'entreprises dotées d'un capital d'un euro comporte à la fois des avantages et des inconvénients. Actuellement, pourtant, personne ne peut prétendre que l'obligation qui pèse sur les SARL - la constitution d'un capital initial de 7 500 euros au minimum qui peut ne pas être libéré en totalité - offre une garantie financière suffisante. D'ailleurs, si l'on avait indexé sur le coût de la vie les valeurs équivalentes fixées en 1945, le capital minimal d'une SARL serait approximativement de 38 000 euros et celui d'une société anonyme de 183 000 euros.

La « société à un euro » donne, de façon bienvenue, le sentiment que la création d'entreprise n'est pas réservée à des personnes aisées. Cela va dans le sens souhaité par le Gouvernement, pour qui il faut donner aux Français l'envie de créer et de prendre des risques.

Pour autant, la prise de risques doit avoir une réelle signification : l'entrepreneur doit rester responsable de ses activités sur la partie de son patrimoine qu'il aura apportée en propre à son entreprise. En ce sens, la « société à un euro » ne favorise pas l'esprit de responsabilité. Il faut expliquer qu'un euro ne suffit pas - non plus, d'ailleurs, que 7 500 actuellement. En matière de création d'entreprise, la plupart des échecs viennent de personnes qui ne se sont pas posé les questions élémentaires ; un apport financier personnel important aide certainement à une plus grande lucidité.

Les chambres de commerce peuvent jouer un rôle important dans l'amélioration du parcours du créateur. L'ACFCI a fait valoir au Premier ministre que de nombreux organismes sont impliqués dans la création d'entreprises, ce qui nuit parfois à la lisibilité du dispositif global et ne facilite pas une bonne gestion des démarches par les entrepreneurs. Il faut donc, à l'occasion du projet de loi sur l'initiative économique, introduire une rupture dans le processus administratif. L'ACFCI propose que le réseau consulaire devienne une porte d'entrée privilégiée - mais pas exclusive - du futur créateur, à charge pour les chambres de commerce et d'industrie d'établir les partenariats nécessaires avec les autres acteurs. L'ACFCI propose une Charte des chambres de commerce et d'industrie pour améliorer l'orientation des futurs créateurs, fondée sur des engagements pratiques et précis.

En matière de fiscalité, l'ACFCI est très favorable à un amendement qui tiendrait compte de l'érosion monétaire pour la taxation des plus-values. En effet, les organismes consulaires sont témoins d'un phénomène social très grave : la paupérisation des commerçants partant en retraite. Chacun sait que la quasi-totalité des commerçants tirent leur revenu, pendant leur vie active, de leur activité professionnelle. A leur départ en retraite, ils vendent leur fonds de commerce et assurent leurs revenus par le loyer des murs commerciaux. Or, malgré la ruine progressive des fonds de commerce en centre-ville, ceux-ci continuent souvent de supporter une plus-value, notamment lorsqu'ils ont été acquis pour un montant symbolique auprès des ascendants. Les chambres de commerce doivent traiter des milliers de dossiers similaires, qui traduisent de graves dégâts sociaux.

On peut, certes, entendre les arguments budgétaires susceptibles d'être avancés par le ministère des finances, mais il ne faut pas négliger la détresse des personnes concernées. Le dispositif proposé est donc bien équilibré et répond à un souci de bonne justice sociale.

Les fonds d'investissement de proximité doivent être compris comme un soutien intéressant, mais pas essentiel, à la nécessaire mobilisation de l'épargne de proximité au service de l'entreprise. En effet, la région n'est pas un bon « lieu » de proximité. La mobilisation de l'épargne locale suppose un certain « patriotisme économique local » et ne peut donc se concevoir à l'échelle du pays ou du bassin d'emploi. Dans ces conditions, les fonds régionaux de proximité ne doivent être perçus que comme des instruments de placement relativement classiques, soumis à des exigences de rentabilité elles aussi classiques.

A propos de l'article 2, Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a estimé que la création du récépissé de création d'entreprise prenait tout son sens dans le cas d'une création par la voie électronique. En revanche, dans un autre contexte, la question de son utilité et de sa véritable valeur juridique peut être discutée.

Mme Chantal Brunel s'est interrogé sur la valeur juridique comparée du récépissé et de l'actuel K bis. La cohérence juridique ne milite-t-elle pas pour sa suppression ?

M. Nicolas Forissier s'est félicité de l'engagement des réseaux consulaires de se mobiliser en faveur de la création d'entreprises. L'idée d'en faire une porte d'entrée pour accéder à l'ensemble des structures d'accompagnement est séduisante. Néanmoins, ces réseaux ne souffrent-ils pas d'un préjugé défavorable ? Ils sont parfois ressentis comme rassemblant des gens en place peu soucieux de voir émerger des entreprises nouvelles susceptibles de les concurrencer.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-François Bernardin a apporté les précisions suivantes :

- la vraie question est celle de la valeur juridique de ce récépissé : même si on lui en confère une, qui prendra le risque de s'engager auprès de l'entreprise sur sa seule base ? Les chambres de commerce n'ont pas le sentiment que les délais de création d'une entreprise soient trop longs dans notre pays et elles entendent lancer un audit, en liaison avec les greffes, pour connaître les délais actuels réels et à qui ils peuvent être imputés ;

- même si elles ont commencé à prendre les dispositions techniques nécessaires pour la mettre en œuvre, les chambres sont très réticentes à l'égard de la création par Internet ; d'une part, elles doutent que les nouveaux créateurs arrivent effectivement au bout des différents écrans nécessaires et les chambres risquent de se retrouver avec des documents incomplets ou irrécupérables ; d'autre part, ces nouveaux créateurs constituent justement un public que les chambres veulent accueillir pour leur prodiguer des conseils ou les accompagner ; en revanche, accepter la voie électronique pour les déclarations modificatives, qui représentent 70 % des formalités faites auprès des CFE des chambres de commerce, est une bonne chose, de nature à décharger les centres et à leur permettre de mieux remplir leur mission d'accueil et de conseil ;

- depuis plusieurs années, on assiste à une formidable mobilisation des réseaux en faveur de la création d'entreprises et on n'a entendu aucun responsable émettre des réticences quelconques à ce sujet ; tous s'accordent à considérer cette tâche comme l'une des responsabilités essentielles des chambres ; plus généralement, le sentiment que la richesse d'un bassin d'activité dépende de la prospérité de chacun des acteurs économiques présents a fait son chemin et l'on ne constate plus aucun sentiment de jalousie mesquine.

M. Alain Griset a fait observer que ceux qui doutent de la mobilisation des réseaux consulaires se sont bien souvent auto-proclamés accompagnateur d'entreprise et n'en accompagnent effectivement qu'un millier chaque année, quand les chambres des métiers accompagnent, dans le même temps, près de 80 000 créateurs.

Enfin, M. Jean-Francois Bernardin a tenu à rappeler qu'être un chef d'entreprise c'était accepter de prendre des risques, s'attacher à réaliser un projet avant d'amasser de l'argent. Cependant, ils devraient pouvoir légitimement profiter des richesses qu'ils ont contribué à créer, notamment au moment de se retirer. A cet égard, l'ISF pose un problème redoutable à bon nombre d'entreprises petites ou moyennes qu'il faudra s'attacher à résoudre.

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La Commission spéciale a procédé à l'audition de M. Albert Ollivier, directeur de la Direction du programme PME-Emploi à la Caisse des dépôts et consignations.

M. Albert Ollivier, directeur du programme PME-Emploi à la Caisse des Dépôts et Consignations, a indiqué qu'il s'occupait plus particulièrement à la Caisse des Dépôts de l'activité de capital-investissement et qu'à ce titre, deux dispositions du projet de loi le concernaient : celles relatives au fonds d'investissement de proximité (FIP) et au relèvement du taux de l'usure pour les entreprises.

En ce qui concerne le taux d'usure, il a précisé que seules quelques milliers d'entreprises en France, contre quelques dizaines de milliers aux Etats-Unis, pouvaient utiliser le mécanisme du capital-investissement : celles qui ont un potentiel de croissance relativement élevé, dont les dirigeants acceptent d'ouvrir le capital, et dont il est possible de rétrocéder les titres en bourse par la suite pour réaliser une plus-value.

Il a donc ajouté que les autres entreprises prenant des risques et ayant un besoin de financement ne le trouveront pas dans le capital-risque, et pas non plus sur le marché du crédit, étroit du fait du nombre important de crédits interentreprises, très encombré en raison de la surbancarisation. Il a précisé qu'un financement risqué par le crédit ne pouvait être acceptable pour une banque que si le taux inclut le « prix du risque ». Il a indiqué que le dispositif de l'article 17 devrait ainsi permettre de consentir des prêts qu'il est aujourd'hui impossible de faire et donc permettre la création et le développement d'entreprises innovantes ou de très petits projets, constituant un mode de financement intermédiaire entre le capital-investissement et le crédit classique, fort utile à l'économie, d'autant que les marchés boursiers concernant les petites entreprises, qu'il s'agisse du second ou du nouveau marché, sont très déprimés.

Il a rappelé par ailleurs que la prise de participation coûtait souvent plus cher à l'entrepreneur qu'un prêt même obtenu à un taux élevé.

Il a souligné qu'il était compréhensible que les entrepreneurs s'inquiètent d'une possible augmentation des tarifs des banquiers, ce qui n'est évidemment pas l'objectif et n'est pas souhaitable. Il a estimé qu'une telle évolution était cependant hautement improbable dans la mesure où, du fait de la concurrence, les banques qui font leurs marges essentiellement sur les produits collatéraux, n'auront pas intérêt à défavoriser leurs bons clients.

Concernant le dispositif du fonds d'investissement de proximité, il a rappelé que la Caisse des Dépôts connaissait bien le capital-investissement de proximité, car elle en est le principal acteur, étant actionnaire d'une soixante de fonds en régions, gérant un milliard d'euros et ayant investi dans 2 000 entreprises.

Il s'est réjoui que ce secteur ne connaisse pas aujourd'hui la même chute que celui des valeurs technologiques, étant encore en légère croissance et bénéficiaire. Il a rappelé que le capital-investissement concernait ces PME « médianes », c'est-à-dire innovantes sans être trop technologiques, avec un chiffre d'affaires de 10 à 50 millions d'euros.

Il a estimé que ce secteur avait encore besoin de financements, car, d'une part les transmissions d'entreprises se multiplient, et d'autre part l'ouverture européenne doit conduire nos PME à se développer pour atteindre une taille critique par rapport à leurs concurrentes européennes, notamment allemandes.

Il a indiqué que le produit proposé avait des avantages et des défauts, avantages en termes notamment fiscaux, mais défauts par ailleurs si l'on ne parvient pas à y intéresser les réseaux bancaires qui peuvent seuls assurer la collecte d'épargne auprès des particuliers car il s'agit d'un véritable métier, supposant de faire appel à des gestionnaires professionnels.

Il a par ailleurs souhaité que ce régime se rapproche le plus possible de celui créé par M. François d'Aubert, le FCPI, car cela permettra aux banquiers d'avoir un référentiel pour expliquer les avantages, notamment fiscaux, du produit.

Il s'est montré en revanche plus sceptique sur l'aspect sociétal et solidariste de ces fonds.

Il a ensuite fait quelques autres remarques sur ce dispositif :

- concernant le quota d'investissement imposé en contrepartie des avantages fiscaux, il convient d'accepter à la fois l'investissement direct et indirect. L'investissement indirect pourrait être réalisé dans un FCPI existant, fonctionnant déjà bien et ayant une politique de placement analogue, ce qui permettrait d'éviter d'opposer les produits entre eux. Un plafond d'un tiers d'investissement dans des parts de fonds communs de placement à risques serait préférable aux 10 % prévus par le projet ;

- concernant la dimension géographique, il convient de ne pas fixer un champ territorial trop réduit aux FIP. La dimension régionale est un minimum, l'interrégionale est souhaitable ;

- concernant la participation des personnes morales à ces fonds, il est nécessaire de la limiter, afin d'éviter une certaine confusion des genres et des contentieux ;

- concernant le rôle des collectivités locales, il a indiqué qu'il convenait d'être très prudent et de très clairement le préciser, ainsi que leurs droits et obligations. Les élus ne doivent pas avoir la responsabilité de l'autorisation ou de l'habilitation à gérer les FIP ;

- il a précisé qu'il ne serait pas raisonnable d'autoriser les FIP à faire des prêts, les banques étant seules compétentes en ce domaine. Le FIP ne saurait donc être un outil pour les très petites entreprises car il devra investir dans des entreprises d'une certaine taille, afin d'obtenir une certaine rentabilité. Dans le cas contraire, aucun gestionnaire ne s'y intéressera.

Le président Hervé Novelli, après avoir salué la clarté des prises de position de l'orateur, a indiqué que la Commission spéciale envisageait d'étudier plus précisément la situation dans deux ou trois régions. Puis, évoquant la possibilité d'affecter une partie des sommes collectées par les fonds d'investissement de proximité (FIP) à des sociétés de caution mutuelle, il a souhaité savoir si un tel système était pertinent aux yeux de M. Albert Ollivier.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, après avoir estimé que l'appréciation portée par ce dernier sur l'article 17 relatif au taux d'usure méritait réflexion, a demandé s'il pourrait être envisagé de réorienter les plans d'épargne en actions (PEA) et les comptes pour le développement industriel (CODEVI) vers les entreprises.

M. Gilles Carrez, rapporteur, s'est associé à cette question ainsi qu'à celle du Président Hervé Novelli concernant les organismes de caution solidaire. Il a par ailleurs souhaité savoir comment les ressources tirées des CODEVI pourraient être mieux orientées vers les très petites entreprises, ce point lui paraissant important puisque les FIP n'auront vocation qu'à intervenir en fonds propres et ne mèneront pas une activité de crédit. Il s'est enfin enquis de l'appréciation portée par M. Albert Ollivier sur les interventions de la banque du développement des petites et moyennes entreprises (BDPME) et de la société française de garantie des financements des petites et moyennes entreprises (SOFARIS) dans le domaine du financement des très petites entreprises.

En réponse aux intervenants, M. Albert Ollivier a précisé les points suivants :

- dans la plupart des pays, les activités de caution et de garantie peuvent donner lieu à des interventions massives de la part des pouvoirs publics ; ainsi, aux Etats-Unis, certains taux de garantie peuvent atteindre 95 %. Ceci semble justifié lorsqu'il s'agit d'accompagner des projets risqués, une telle activité étant nécessairement coûteuse. Elle doit alors être assurée par des fonds publics ; l'appel à l'épargne privée ne semble pas forcément le plus approprié et pourrait se révéler, lui aussi, très coûteux. L'appel à des fonds publics (qu'ils proviennent de l'Etat ou des collectivités locales, comme c'est le cas avec SOFARIS-Régions) est donc préférable. Il n'en demeure pas moins qu'un travail reste à mener afin d'améliorer l'articulation des interventions de la SOFARIS avec celles des sociétés de caution solidaire. Il est également nécessaire de promouvoir la procédure de l'appel d'offres en France, celle-ci étant pour l'instant peu utilisée, sauf dans le cas du prêt à la création d'entreprise (PCE). Le principal problème, s'agissant de l'appel à l'épargne privée, réside dans la nécessaire rentabilité du projet qui est alors attendue des investisseurs ;

- concernant le PEA, il pourrait être utilisé comme « cadre » des divers instruments qui existent aujourd'hui, tels les FIP. Il convient par ailleurs de noter que le capital sert de plus en plus à payer les salaires et les charges sociales, et de moins en moins les investissements en équipements ; le bilan d'un accompagnement pour l'Etat, qui perçoit les charges sociales, doit donc être nuancé ;

- le CODEVI constitue un instrument plus coûteux que le PEA. Il ne permet pas de proposer des prêts à taux zéro, les taux pratiqués étant en réalité proches de ceux du marché financier. Il présente néanmoins un avantage sur le long terme ;

- il est vrai que peu de dispositifs ont été prévus en faveur des très petites entreprises. Mais la croissance du nombre de telles entre prises ne doit pas constituer un objectif en soi ; c'est plutôt l'augmentation du nombre d'entreprises viables qui doit être recherché. Par ailleurs, la plupart des très petites entreprises (TPE) sont fortement dépendantes des conditions économiques locales, comme macro-économiques. Le financement des TPE relève principalement des pouvoirs publics car, pour que les banques interviennent, il faut qu'elles y aient avantage ; or les taux ne le permettent pas, pas plus qu'ils ne couvrent le risque. On compte aujourd'hui entre 30 000 à 40 000 très petites entreprises. Il n'est cependant pas souhaitable de créer artificiellement 40 000 très petites entreprises supplémentaires ; certains chefs de ces entreprises sont en réalité « dos au mur » et perçoivent, un an après la création de l'entreprise, un revenu inférieur au SMIC. On doit également éviter de créer des entreprises qui, si elles ne sont pas un échec, ne sont pas pour autant une réussite et ne se développent pas : le coût de leur accompagnement est alors élevé. En tout état de cause, il ne semble pas pertinent d'intervenir massivement dans ce domaine ; une meilleure utilisation des dispositifs existants devrait permettre de répondre aux attentes des créateurs.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a alors souhaité connaître la position de M. Albert Ollivier sur la question des externalisations.

M. Albert Ollivier, observant la tendance actuelle à une concentration des grands groupes a estimé que l'externalisation était, dans certains cas, justifiée, en raison des compétences des entreprises sous-traitantes. Pour autant, a-t-il jugé, il existe une « externalisation négative » qu'il convient de refuser, consistant à pousser certains salariés à créer leur propre entreprise afin de traiter ultérieurement avec eux, dans le seul but d'éviter un certain nombre de contraintes. Il est donc préférable que l'externalisation soit le fait de grands groupes, dotés d'une direction des ressources humaines et de l'organisation nécessaire pour la gérer.

Mme Chantal Brunel a tout d'abord expliqué qu'elle partageait la position de M. Albert Ollivier qui s'est montré défavorable à la participation des collectivités territoriales au capital des fonds d'investissement de proximité (FIP) mais elle s'est interrogée sur les partenaires financiers qui contribueront au lancement des FIP. Elle a indiqué qu'à ce stade, une intervention des collectivités publiques lui paraissait indispensable même si les modalités de rémunération des apporteurs de capitaux n'étaient pas encore clairement définies.

En réponse, M. Albert Ollivier a précisé que l'intervention des collectivités publiques lui paraissait indispensable pour préparer la création des fonds d'investissement de proximité (étude de faisabilité, recherche de partenaires financiers, soutien logistique) mais qu'en revanche il ne lui paraissait pas souhaitable que les collectivités publiques, notamment les collectivités territoriales, participent directement au capital de ces fonds. Il a ajouté qu'il conviendrait d'étudier avec attention le seuil critique à partir duquel un fonds d'investissement de proximité peut prendre des participations dans des sociétés en cours de création, ce seuil critique étant de 10 à 15 millions d'euros, en deçà le fonds d'investissement de proximité ayant plutôt intérêt à s'adresser à des structures spécialisées de gestion de capital-risque, ce qui le conduira à soutenir indirectement des sociétés innovantes.

Le président Hervé Novelli, tout en prenant acte des observations de M. Albert Ollivier, selon lesquelles les fonds d'investissement de proximité sont destinés à financer des PME de taille médiane dont le chiffre d'affaires devrait être compris entre 10 et 50 millions d'euros et non pas des très petites entreprises, a souligné que ce projet de loi avait une vocation pédagogique ; il manifeste la volonté d'inciter un grand nombre de Français à créer leur propre entreprise et il convient donc de trouver des moyens pratiques pour faciliter le financement des micro-entreprises car elles contribuent à propager le désir d'entreprendre.

M. Nicolas Forissier, rejoignant M. Hervé Novelli, a fait part de son désaccord avec l'analyse de M. Albert Ollivier et a fait remarquer que six millions de Français avaient un projet précis de création d'entreprise, ce qui démontre bien que la création d'entreprise ne concerne pas seulement les chômeurs incapables de retrouver une activité salariée.

Il a estimé que deux niveaux d'intervention devaient être créés pour aider au financement de la création d'entreprise : le niveau régional ou interrégional pour financer des PME de taille médiane et le niveau local organisé autour des bassins d'emploi pour aider à la création de micro-entreprises en s'appuyant sur les réseaux existants comme par exemple les plateformes d'initiative locale. Il a également souligné que la reprise et la transmission d'un commerce pouvait être rendue possible grâce à la mobilisation d'une véritable épargne de proximité.

Mme Chantal Brunel, tout en rejoignant l'analyse de M. Nicolas Forissier sur la nécessité de créer deux types de structure d'aide à la création d'entreprise, une pour les PME et l'autre pour les micro-entreprises, a fait remarquer que M. Albert Ollivier avait une vision réaliste de la difficulté à mener à bien un projet de création d'entreprise et qu'il convenait donc de ne pas inciter exagérément les porteurs de projet à créer leur propre entreprise si leurs qualités entrepreneuriales semblent incertaines.

M. Albert Ollivier a indiqué que beaucoup de créateurs d'entreprise dans le domaine des nouvelles technologies avaient échoué car ils ne possédaient pas assez d'expérience professionnelle pour être capables d'être à la fois innovants et gestionnaires, observant que des cadres plus âgés auraient eu beaucoup plus de chances de mener à bien le développement d'entreprises dans ce secteur. C'est pourquoi il a estimé important de ne pas être trop volontariste en matière de création d'entreprise, l'essentiel étant d'encourager des projets qui auront une certaine pérennité.

Abordant la question de la transmission des commerces et des activités artisanales, qu'il a jugée essentielle, il a indiqué que la difficulté principale était que les commerçants et artisans souhaitaient une valorisation de leur fonds de commerce beaucoup trop forte par rapport aux moyens dont disposent les jeunes repreneurs pour racheter ces activités. Pour le commerce et l'artisanat, le système du prêt participatif paraît beaucoup plus adapté que celui du FIP.

M. Albert Ollivier a conclu en indiquant que les fonds d'investissement de proximité ne pouvaient pas financer les très petites entreprises car les très petites entreprises ont un capital social très modeste, ce qui rend la prise de participation dans de telles entreprises sans aucune signification économique. D'autres structures, telles que les plates-formes d'initiative locale existent pour les TPE.

Il a enfin attiré l'attention des parlementaires sur le fait que la mobilisation d'une épargne de proximité avait un coût de gestion très élevé et qu'il convenait donc soit de créer des fonds d'investissement de proximité ayant une large assise géographique pour amortir les frais de prospection commerciale, soit de déléguer au réseau bancaire le soin de collecter cette épargne de proximité.

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La Commission spéciale a ensuite auditionné M. Robert Buguet, président de l'Union des professions artisanales (UPA) et M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).

M. Robert Buguet, président de l'Union des professions artisanales (UPA), a observé que le projet de loi pour l'initiative économique était attendu depuis longtemps mais qu'il était le fruit d'un cheminement lent, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, ayant annoncé par ailleurs des ordonnances de simplification et un second projet de loi relatif au statut de l'entreprise.

D'une manière générale, l'UPA est satisfaite du projet de loi et propose à la Commission spéciale d'examiner directement les suggestions d'amendements qui lui ont été transmises. L'UPA se félicite de l'institution de la SARL à un euro, elle émet des réserves sur le projet de fonds d'investissement de proximité (FIP) en considérant qu'il serait peut-être souhaitable d'améliorer les dispositifs de financement déjà existants.

Il apparaît que les suggestions d'amendements se heurtent, de la part de l'administration des finances, à l'argument de la perte de recettes fiscales dès que les propositions sont coûteuses.

Les projets d'ordonnances de simplification pourraient comporter des mesures relatives à la question du collecteur unique des cotisations sociales. Il faut considérer que le rôle du collecteur unique doit être précisé dans le sens des dispositions adoptées lors de la précédente législature, en évitant le maintien de pesanteurs administratives. Les textes sont trop complexes et il est indispensable de simplifier la collecte des cotisations sociales. L'UPA avait proposé des mesures concrètes dont seulement un tiers, environ, ont été mises en œuvre. Il faut donc préalablement réaliser les simplifications au lieu de faire de l'institution du collecteur unique une sorte de panacée. Sachant qu'environ 80 % des entreprises ont opté pour le prélèvement automatique des cotisations sociales, l'institution d'un collecteur unique présente moins d'intérêt qu'on ne lui en prête. En revanche, il conviendrait de modifier le régime de liquidation des cotisations sociales qui sont calculées sur la base de l'année n-1 et régularisées en n+1. L'UPA a suggéré d'appliquer à ces cotisations le régime de liquidation de l'impôt sur le revenu afin de simplifier une gestion difficile pour les entreprises de leurs cotisations sociales, une telle complexité ne semblant avoir pour unique objet que de justifier des emplois de gestionnaires au sein des organismes collecteurs.

Un autre exemple de simplification concerne les indemnités journalières qui, lorsqu'elles relèvent de l'assurance maladie sont gérées par la CNAM, mais, lorsqu'elles constituent des prestations d'invalidité, relèvent de la CNAV. Chaque caisse entretient un corps distinct de médecins de contrôle, ce qui oblige à au moins deux visites médicales avec des résultats parfois différents. L'UPA demande depuis quatre ans l'institution d'un corps unique de médecins, ce qui permettrait de simplifier la gestion aussi bien pour les caisses que pour les ayants droit.

M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, a expliqué que la CGPME transmettrait à la commission spéciale un dossier complet comprenant l'analyse de la confédération sur le projet de loi et les améliorations qu'il serait souhaitable d'y apporter. La CGPME exprime son accord avec le Gouvernement sur le projet de loi pour l'initiative économique, particulièrement à propos des dispositions concernant la SARL à un euro, le récépissé de création d'entreprise et la protection juridique de la résidence principale de l'entrepreneur (article 6), même s'il convient, sur ces différents points, d'éviter une trop grande complexité ou un excès de formalisme juridique.

Sur l'article 7, on peut estimer que l'interdiction d'opposer une clause d'exclusivité au salarié créateur est trop rigide et l'on peut envisager d'assouplir le texte.

Il conviendrait également d'améliorer la rédaction de l'article 9 qui facilite le travail à temps partiel du salarié créateur d'entreprise.

Le dispositif des fonds d'investissement de proximité, prévu par l'article 13, doit être amélioré afin que les PME ne soient pas exclues de fait de son champ. Il serait souhaitable de fixer un plafond de chiffre d'affaires de 7 millions d'euros pour définir les entreprises éligibles aux fonds. Il conviendrait de s'inspirer de l'exemple canadien des sociétés locales d'investissement. Enfin, une inquiétude apparaît quant aux conditions de sortie du capital de l'entreprise dans laquelle la participation a été réalisée par l'intermédiaire du FIP, lorsqu'il s'agit d'une entreprise de type patrimonial.

Le relèvement du plafond des taux de l'usure, prévu à l'article 17, supposé permettre un accès plus facile des PME au crédit suscite des réserves. En réalité, les conditions du prêt dépendent principalement de la garantie que peut apporter l'entreprise. On observe également que les petits dossiers sont d'un coût de gestion élevé qui suscite les réticences des banques. La solution consisterait à extraire du calcul du taux effectif global du prêt la fraction correspondant au financement du montage du dossier.

L'article 22 relève les seuils permettant l'exonération des plus-values pour les petites entreprises. La CGPME rappelle sa demande ancienne qui consiste à aligner le régime des plus-values professionnelles sur celui des plus-values immobilières des particuliers, afin de réaliser une exonération complète après un délai de vingt-deux ans. S'agissant de la mesure d'étalement sur trois ans du paiement des plus-values annoncée par le Gouvernement, il conviendrait de porter le délai à cinq ans.

L'article 24 propose d'encourager la transmission anticipée de l'entreprise. Il convient d'observer que le dispositif d'exonération des droits de succession à hauteur de 50 % de la valeur de l'entreprise, en contrepartie de l'engagement de conserver les titres pour une durée de six ans au moins, n'a eu presque aucun effet, en raison de sa complexité. L'extension de ce dispositif aux donations, telle qu'elle est proposée, ne sera viable que si la condition de délai est moins restrictive et s'insère mieux dans un cycle économique plus court.

Enfin, l'article 26 améliore le régime des droits d'enregistrement en matière de cession de parts sociales et de biens immobiliers à usage industriel et commercial. Il conviendrait de doubler l'exonération proposée en la portant à 46 000 euros, compte tenu du montant moyen des transactions.

Par ailleurs, la CGPME suggère l'adoption de trois articles additionnels : il conviendrait d'étendre le dispositif de réduction d'impôt pour investissement dans le capital d'une société non cotée au cas des avances ou des prêts sans intérêt ou à faible taux consentis directement aux entrepreneurs individuels. Il serait souhaitable d'améliorer la situation sociale du conjoint collaborateur. Enfin, il serait nécessaire de proroger après le 31 décembre 2003 la période transitoire pendant laquelle le taux de majoration des heures supplémentaires, en cas de dépassement du temps de travail au-delà de la trente-sixième heure hebdomadaire, est de 10 %.

En ce qui concerne le volet simplification, le président Hervé Novelli a indiqué que la Commission spéciale pourrait compléter le projet de loi. La Commission s'interroge par ailleurs sur la possibilité pour les FIP de faire accéder les entreprises individuelles ou les très petites entreprises au crédit, la prise de participations étant impossible dans une entreprise individuelle et difficile dans les TPE. Ayant bien noté les réserves exprimées par MM. Robert Buguet et Jean-François Roubaud sur le déplafonnement du taux de l'usure, le Président Hervé Novelli a indiqué que d'autres interlocuteurs avaient été d'avis contraire.

M. Robert Buguet a répondu que, s'il existe des PME n'ayant pas la capacité d'offrir de garantie, mais étant prêtes à payer 16 ou 18 % d'intérêts et des banquiers disposés à prendre le risque de prêter sans garantie, il convient pourtant de s'interroger sur les conséquences de l'augmentation du taux de l'usure, alors que l'ancien taux permettait de garantir un niveau d'intérêts raisonnable.

En ce qui concerne l'apport de fonds propres au capital de PME, l'action de la BDPME et de la SOFARIS n'a pas permis de mettre en place des prêts pour les artisans. Il faudrait pourtant offrir une réponse aux petites entreprises qui ont besoin de sommes peu élevées et créent l'essentiel de l'emploi et de la richesse.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a souligné que les avis étaient partagés sur le déplafonnement du taux de l'usure et qu'une étude d'impact serait nécessaire. Peut-être une alternative pourrait-elle être trouvée avec les prêts à la création d'entreprise. Il conviendrait alors de s'interroger sur leur amélioration.

En ce qui concerne l'article 6, portant sur la distinction entre patrimoine professionnel et patrimoine privé, la question de la complexité des démarches et de leur coût doit être étudiée. Un système déclaratif simple semblerait être une meilleure solution.

L'article 7, relatif à l'opposabilité de la clause d'exclusivité au salarié créateur d'une entreprise, devrait être complété par la réaffirmation de l'obligation de loyauté et de réserve du salarié qui figure dans le code du travail. Il faut non seulement accompagner le salarié dans sa démarche mais également veiller à pérenniser les activités existantes.

En outre, le statut du salarié futur créateur d'entreprise nécessiterait un accord entre le salarié et son employeur et leur travail en commun doit être considéré comme un gage de succès.

La mise en place de mesures de simplification peut, par ailleurs, être engagée dans le cadre du projet de loi sans attendre les ordonnances de simplification, notamment en ce qui concerne le « chèque premier emploi » qui pourrait aller jusqu'à concerner trois contrats à durée indéterminée. Beaucoup d'artisans travaillent seuls et s'ils embauchaient des salariés, ils constitueraient un levier d'emploi intéressant. Dans le même esprit, le « chèque premier emploi » pourrait être adapté aux besoins de main-d'œuvre ponctuels.

Enfin, la transmission des entreprises est freinée parce que les entrepreneurs, au moment de la retraite, préfèrent cesser leur activité plutôt que d'engager les investissements liés aux obligations de mise aux nouvelles normes.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a indiqué qu'une partie des propositions d'amendements présentées par MM. Robert Buguet et Jean-François Roubaud était liée au problème de l'accès au prêt. Les FIP pourraient se voir confier une activité de prêt. Cependant, il faut bien considérer que deux métiers différents seraient en cause : la prise d'investissement sous la forme de l'apport de fonds propres, d'une part, et le prêt, d'autre part. Il serait peut-être envisageable de suivre une voie médiane et d'ouvrir aux FIP la possibilité de doter des fonds de garantie. Le Rapporteur a, à cet égard, souhaité avoir l'éclairage des personnes auditionnées sur le fonctionnement des sociétés de caution mutuelle. Le constat selon lequel la SOFARIS n'aurait atteint aucun artisan pose problème car l'épargne de proximité doit aller vers les entreprises individuelles.

En ce qui concerne la proposition visant à instaurer un mécanisme de lissage de l'exonération des plus-values professionnelles, il faut souligner que le relèvement du plafond d'exonération proposé par le projet de loi représente les deux tiers de la dépense fiscale. L'effort fait est considérable, plus de 80 % des cessions de commerces seraient exonérées.

M. Robert Buguet a rappelé la proposition déjà faite d'un crédit d'impôt pour les investissements de mise aux normes qui aurait facilité la transmission des entreprises. Cette suggestion n'a jamais été mise en œuvre.

Si les artisans travaillent le plus souvent seuls, il faut savoir qu'il s'agit d'un choix délibéré de leur part. Cependant, depuis trente ans, le nombre des entreprises artisanales est resté stable (800 000) mais la proportion d'artisans travaillant seuls est passée de 60 % à 40 % et la taille moyenne des entreprises de 1,5 salarié à 4 salariés. Un million d'emplois pourrait être créé dans un délai de dix ans.

M. Robert Buguet a ensuite rappelé son engagement pour simplifier la fiche de paie et souligné que celle-ci comporte sept lignes en Allemagne et six en Grande-Bretagne, contre trente en France. La solution ne consiste pourtant pas à faire la fiche de paie à la place des entrepreneurs qui veulent rester des chefs d'entreprise et assumer les obligations et responsabilités qui leur incombent, mais bien à s'interroger sur la nécessité de conserver, pour les versements effectués auprès de l'URSSAF, des formalités administratives devenues trop complexes.

M. Jean-François Roubaud a plaidé, s'agissant du régime d'exonération des plus-values professionnelles, en faveur d'un alignement sur la fiscalité immobilière, faisant valoir qu'un chef d'entreprise qui, au bout de vingt-deux ans d'activité, cède son fonds de commerce, a le sentiment de subir une double taxation. Par ailleurs, le régime d'imposition des plus-values professionnelles nuit à la transmission des entreprises et entraîne ainsi la perte de 200 000 emplois par an. Un alignement du régime d'exonération des plus-values professionnelles mobilières sur le régime des plus-values immobilières constituerait une mesure simple et équitable.

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La Commission spéciale a auditionné M. Philippe Dupont, vice-président de la Fédération bancaire française.

M. Philippe Dupont, vice-président de la Fédération bancaire française, a considéré que le projet de loi était globalement satisfaisant, tant en ce qui concerne les simplifications administratives qu'en ce qui concerne les allègements de charges sociales et fiscales, ou encore les mesures destinées à faciliter le passage du statut du salarié à celui d'entrepreneur. Il a estimé que le texte présenté répondait aux intérêts et aux attentes des entrepreneurs et devrait, par conséquent, favoriser l'initiative économique.

Il a ensuite souhaité évoquer les dispositions relatives au fonds d'investissement de proximité (FIP) et au déplafonnement du taux d'usure, ainsi que la question de l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises.

Après avoir souligné que sa propre expérience d'entrepreneur, ajoutée à ses activités bancaires actuelles, lui permettait d'envisager ces questions sans partialité, il s'est élevé contre certains préjugés sur l'économie française, considérée comme excessivement réglementée et par conséquent moins attractive que celle d'autres pays, et contre l'idée selon laquelle seules les banques pouvaient apporter des réponses à la démarche entrepreneuriale et étaient les principales responsables du retard français en matière de créations d'entreprise.

Il a rappelé que le groupe Banques Populaires avait soutenu la création de 60 000 entreprises l'année dernière, par le biais de son réseau régional. Il a estimé, que dès lors que le projet du futur entrepreneur s'appuyait sur les relais et les filtres existants, une grande partie des problèmes liés à la création d'entreprise se trouvait résolue. Il a indiqué que les acteurs du secteur bancaire tendaient de plus en plus fréquemment à passer des accords avec ces réseaux pour effectuer la sélection des projets. Il a également rappelé que les professions comptables et juridiques contribuaient aussi au processus de filtrage.

Il a estimé que, lorsque la phase préalable de sélection des projets avait été correctement menée, les banquiers étaient en mesure d'évaluer l'importance du risque caractérisant le projet présenté. Il a ajouté que cette évaluation était d'autant plus indispensable que deux entreprises sur trois connaissaient une faillite au cours des trois années suivant leur création.

Il s'est ensuite interrogé sur les moyens à mettre en œuvre pour faire preuve d'une plus grande audace dans le financement des projets. Il a rappelé que dans le passé des prêts, dont la rémunération était indexée sur des indicateurs de performance, avaient été mis en place avec le CEPME et a estimé que les dispositions du projet sur le taux d'usure, en permettant une indexation de la rémunération sur le risque pris, allaient dans le même sens. Il s'est élevé contre les stéréotypes entourant la notion d'usure et a estimé que les acteurs du secteur bancaire, s'ils n'étaient pas désintéressés, étaient de véritables entrepreneurs.

Il a assuré qu'il était indispensable, pour libérer les énergies, d'indexer la rémunération des prêts sur la performance des entreprises, ce procédé étant le seul moyen de soutenir de bons projets lorsque ceux-ci étaient portés par des personnes morales ne disposant ni des fonds propres ni des garanties nécessaires. Il a jugé que le taux d'usure actuel de 8 % était notoirement insuffisant pour permettre aux banques de s'engager sur certains projets et il estimé que l'article 17 du projet de loi leur permettrait de soutenir davantage de créations, ou de reprises, et donneraient aux entreprises les moyens de faire face à certaine crises conjoncturelles ou de croissance et d'éviter qu'elles ne se transforment en problèmes structurels.

Il a jugé utile le dispositif de fonds d'investissement de proximité tout en s'interrogeant sur la mise en jeu de la responsabilité des banques en tant que conseil, en cas d'échec des produits soutenus par les FIP. Il a enfin indiqué que les modalités selon lesquelles les particuliers pouvaient sortir des fonds d'investissement de proximité ne l'avaient pas entièrement convaincu.

Le président Hervé Novelli après avoir remercié M. Philippe Dupont d'avoir centré son propos sur les deux sujets les plus débattus au sein de la commission, a observé que les dispositions de l'article 17 faisaient l'objet d'une appréciation divergente des banques, d'une part, et des entreprises de l'autre, celles-ci craignant une poussée inflationniste des taux. Il a indiqué que le dispositif des fonds d'investissement de proximité conduisait à s'interroger sur la possibilité d'élargir l'accès au crédit en permettant aux fonds d'investissement d'octroyer des prêts et non plus seulement de procéder à des apports en capital.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a tout d'abord évoqué le problème du financement des PME par les banques qui semblent adopter, depuis le début des années 1990, des pratiques plus restrictives dans ce domaine. Il a indiqué que de nombreux entrepreneurs faisaient part de leurs difficultés à obtenir les crédits qui leur sont nécessaires et que cette situation expliquait le souhait de nombreux professionnels de voir les fonds d'investissement de proximité distribuer des prêts. Compte tenu des spécificités du métier de banquier, il a craint qu'une telle mesure ne mette en péril l'épargne investie par les particuliers dans ces fonds. Il a estimé qu'une solution envisageable pourrait être l'orientation des ressources de ces fonds vers des sociétés de caution mutuelle qui, à leur tour, pourraient garantir des crédits.

M. Philippe Dupont a estimé qu'une contraction du crédit n'était pas constatée dans le secteur des PME. Il a rappelé l'expérience des 43 sociétés de caution mutuelle artisanale (SOCAMA) du groupe des Banques Populaires qui couvre 70 % du marché des cautionnements et dans les instances desquelles un problème d'accès des PME au crédit n'est pas évoqué. Il a, en outre, rappelé que la très vive intensité de la concurrence dans le secteur bancaire favorisait l'accès au crédit dont le développement est attesté par la progression des encours des prêts en 2002.

M. Philippe Dupont a également souligné le niveau extrêmement faible, en raison de l'intensité de la concurrence, de la marge d'intermédiation du secteur bancaire français qui s'établit en 2002 à 1,14 %, niveau très faible par rapport aux autres pays et auquel il a estimé difficile qu'un secteur bancaire puisse longtemps vivre. Il a donc estimé que le problème de l'accès au crédit ne se posait pas pour des projets crédibles et qu'il était de la responsabilité du banquier de refuser de financer ceux qui ne le sont pas, dans l'intérêt des entrepreneurs eux-mêmes.

Evoquant ensuite la modification du taux de l'usure, M. Philippe Dupont a jugé infondées les craintes d'une explosion des taux d'intérêt et des marges des banques, compte tenu de la concurrence. Il a donc estimé opportune cette mesure qui permettra le financement de projets porteurs d'un risque plus grand justifiant une rémunération supplémentaire.

M. Hervé Novelli a estimé qu'un bilan de cette mesure devrait être réalisé 18 à 24 mois après sa mise en œuvre.

Mme Chantal Brunel a déclaré partager les analyses de M. Gilles Carrez et a jugé indéniable que les exigences des banques vis-à-vis des PME s'étaient considérablement accrues depuis 10 ans. Puis, elle a souligné l'importance de la question des délais de paiement qui fragilisent de nombreuses PME. Enfin, notant que le secteur bancaire semblait réservé vis-à-vis des fonds d'investissement de proximité, elle a souhaité savoir à quelles conditions celui-ci pourrait s'y intéresser, ce qui conditionne leur succès.

M. Philippe Dupont a rappelé que les banques mettaient à la disposition de leurs clients des outils comme l'affacturage leur permettant de s'adapter aux délais de paiement.

Il a ensuite jugé essentiel que les fonds d'investissement de proximité se dotent de l'expertise nécessaire à l'étude des dossiers qui leur seront soumis et estimé que les professionnels dont cette activité est le métier étaient les mieux placés pour conseiller les décideurs sur la pertinence d'engager de l'épargne publique dans telle ou telle entreprise. Il a toutefois rappelé que les statistiques disponibles relatives à la survie des très petites entreprises (TPE) conduisaient à s'interroger sur la liquidité et la rentabilité potentielle de l'investissement des fonds d'investissement de proximité dans ces entreprises.

M. Nicolas Forissier a souhaité connaître le sentiment de M. Philippe Dupont sur l'aire géographique couverte par les fonds d'investissement de proximité que le projet de loi prévoit d'étendre au maximum à une ou deux régions, ce qui leur permettrait de bénéficier d'un effet de taille, mais qui pourrait également être beaucoup plus restreinte, ce qui pourrait favoriser la collecte d'une épargne désireuse de s'investir dans les projets de proximité.

Puis, il a déclaré partager pleinement les analyses de M. Gilles Carrez et de Mme Chantal Brunel en estimant qu'il existait un réel problème de financement des TPE et des PME par le secteur bancaire. Il a rappelé à cet égard l'effet négatif de la centralisation de certains réseaux bancaires dont les règles conduisent à dessaisir les directeurs d'agences locales, particulièrement aptes à évaluer la pertinence d'un projet, au profit du niveau régional ou national pour des montants d'engagement faibles.

M. Philippe Dupont a estimé que plus l'aire couverte par les fonds d'investissement de proximité sera grande, plus ils seront à même de procéder à la nécessaire division de leurs risques. Il a ensuite renouvelé ses interrogations quant aux possibilités de garantir la liquidité des sommes investies dans ces fonds.

Après avoir indiqué la diversité des pratiques en vigueur au sein des établissements de crédit membres de la Fédération bancaire française, il a rappelé que le groupe des Banques Populaires était constitué de 22 entités régionales autonomes en matière de crédit et qu'il présentait la spécificité d'être structurellement emprunteur net sur le marché puisqu'il distribue plus de crédit qu'il ne collecte d'épargne. Il a également indiqué que l'action des sociétés de caution mutuelle permettait de faciliter l'octroi de prêts rapides dans les agences du réseau et que des évolutions du régime juridique de ces sociétés, aujourd'hui pénalisées par leur assujettissement à l'impôt sur les sociétés, permettraient d'accroître encore leur efficacité.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a tenu à interroger M. Philippe Dupont sur les conséquences de la modification du ratio Mac Donough sur le coût du crédit aux petites et moyennes entreprises.

M. Philippe Dupont a indiqué que l'ancien ratio Cooke reposait uniquement sur l'exigence quantitative d'affectation de 6 % de fonds propres en contrepartie de risques et d'emplois à servir. Ce taux a ensuite été augmenté à 8 % à la demande des agences de rating, ce qui prouve que les régulateurs ne sont pas les seuls à se préoccuper de la stabilité des marchés financiers. Le système actuellement en cours d'élaboration par le comité de Bâle repose sur une prise en compte des risques en fonction de la notation de l'entreprise à qui est délivré le crédit. Ce risque est ensuite pondéré de manière à déterminer le niveau de fonds propres souhaitable. Ce dispositif présente l'avantage de fournir un outil de prévention du risque systémique qui s'est produit dans certains systèmes bancaires, comme celui de l'Argentine. Le nouveau dispositif, qui entrera en vigueur en 2006, conduira les banques à affecter une quantité de fonds propres dans leur bilan variable en fonction de l'importance du risque pris vis-à-vis d'une entreprise. Les entreprises bénéficiant d'une bonne notation auront accès aux crédits à des taux inférieurs à celle dont la notation est moins bonne alors qu'aujourd'hui les banques ont des marges supérieures sur les grandes entreprises que sur les petites qui présentent pourtant des risques plus importants. Il ne devrait pas pénaliser les petites entreprises, si elles sont financièrement saines.

Il faut rappeler par ailleurs que les banques françaises ont des taux de marge très bas. A titre d'exemple, le « seuil critique Trichet », censé prévenir l'octroi de prêts immobiliers en dessous d'un certain seuil, n'est pas respecté ; 80 % d'entre eux sont actuellement accordés en dessous de ce seuil dans le réseau des Banques Populaires. C'est pourquoi les risques liés au relèvement du taux de l'usure apparaissent dérisoires.

Mme Chantal Brunel a indiqué que le réseau bancaire traditionnel octroyait des crédits sous des conditions très strictes. Pour reprendre une entreprise, il faut par exemple avoir 50 % d'apport personnel. A cet égard, la soustraction de la résidence personnelle des garanties données par l'emprunteur procède d'une bonne intention, mais risque de diminuer encore la propension des banques à prêter.

M. Philippe Dupont a indiqué que les banques ne pouvaient pas être seules à soutenir des projets risqués, qui justifient l'intervention de garanties publiques.

Mme Chantal Brunel a estimé que ce point de vue posait un problème politique. Dans la mesure où l'Etat ne peut pas financer les entreprises privées, pourquoi reviendrait-il aux collectivités locales de se substituer aux banques pour financer la création d'entreprise ?

M. Philippe Dupont a réaffirmé que les taux d'intérêt étaient actuellement très bas et ne permettaient pas aux banques de financer des projets risqués. L'augmentation du taux de l'usure pour les entreprises prévue par l'article 17 est intéressante puisqu'elle permettrait une juste rémunération du risque pris par les établissements de crédit.

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La Commission spéciale a procédé à l'audition de MM. Michel Tudel, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat, de Mme Eglantine Granvilliers, au titre du Conseil de l'Ordre des avocats et de MM. Jacques-Philippe Gunther, Pierre Lafon et Michel Pitron au titre du Conseil national des barreaux.

M. Michel Tudel, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, a relevé que la profession des commissaires aux comptes était globalement satisfaite par les dispositions du projet de loi. Il en était notamment ainsi de son article 6 relatif à l'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur, de ses articles relatifs au statut du travailleur indépendant, même s'il apparaît nécessaire de prêter attention au danger de requalification en relation salariale, de son article 13 relatif à l'épargne de proximité, même s'il apparaît nécessaire que celle-ci puisse avoir pour objet le prêt et non pas seulement la participation au capital, ainsi que de son article 18 relatif à la forfaitisation des cotisations sociales du travailleur non salarié.

M. Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat, a également exprimé la satisfaction de la profession notariale quant à l'appréciation d'ensemble sur le projet de loi. S'agissant de la possibilité de créer des sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL) dotées initialement de peu de capital, il a précisé que l'obligation qui est actuellement faite de reconstituer le capital initial en cas de diminution des capitaux propres au-dessous de la moitié du capital social n'aurait désormais que peu de sens puisque, précisément, ce capital initial serait fixé à un niveau faible. Il s'est ensuite réjoui de la possibilité de la délivrance d'un récépissé au moment de la déclaration initiale de la création de l'entreprise, dès lors que cette déclaration est accompagnée du dépôt de l'ensemble des pièces nécessaires à cette création. Ce dispositif devrait permettre d'éviter des difficultés inhérentes à la période intermédiaire actuellement existante, qui sépare le moment de la déclaration initiale de la création de l'entreprise et la délivrance du récépissé existant. S'agissant de la possibilité offerte à l'entrepreneur de déclarer l'insaisissabilité de son domicile principal au titre de ses activités professionnelles, l'obligation qui lui est faite de publier un extrait de la déclaration correspondante, initialement publiée au bureau des hypothèques, dans un journal d'annonces légales est sans doute superfétatoire, voire inutile. Dans cette matière, en effet, la seule publication effectivement utile est celle qui est réalisée auprès de la conservation des hypothèques.

S'agissant des mesures fiscales, elles sont globalement satisfaisantes. Cependant, la mesure tendant à réduire de moitié le montant des droits d'enregistrement pour transmission anticipée d'entreprise ne devrait sans doute pas concerner les seules donations en pleine propriété. En effet, si l'on prend l'exemple des donations concernant les entreprises familiales de taille moyenne, la pratique montre que ces donations sont en grande partie réalisées en nue-propriété, ce qui permet aux parents de bénéficier, même après que ces donations ont été effectuées, des revenus afférents à l'activité de ces entreprises et du pouvoir de décision attaché au droit de vote en assemblée générale. Enfin, s'agissant des incitations fiscales pour l'investissement dans les entreprises nouvelles, il pourrait être globalement plus efficient de substituer des mesures fiscales tendant à prévoir une exonération des plus-values à venir, à des mesures prévoyant des réductions d'impôt sur le revenu à l'entrée dans le capital.

Au titre du Conseil de l'Ordre des avocats, Mme Eglantine Granvilliers a estimé que le projet de loi était un texte clair, très porteur d'améliorations. S'agissant plus précisément de la possibilité offerte à l'entrepreneur de déclarer l'insaisissabilité de son domicile principal au titre de ses activités professionnelles, l'obligation faite à cet entrepreneur d'enregistrer la déclaration d'insaisissabilité au bureau des hypothèques par l'intermédiaire, sous peine de nullité, d'un notaire, n'apparaît cependant pas adéquate et complexifierait inutilement la procédure d'enregistrement. Cet enregistrement ne constitue en aucun cas un acte de mutation et, en conséquence, il pourrait être réalisé par l'intermédiaire d'un avocat. En tout état de cause, les exigences juridiques et formelles qui sont celles, classiquement, des conservateurs des hypothèques constituent des garanties suffisantes quant à la qualité de la procédure d'enregistrement de l'insaisissabilité.

S'agissant de l'exception aux règles de domiciliation de l'entreprise prévue à l'article 4, il conviendrait de préciser que la possibilité offerte d'établir son entreprise au lieu de son domicile, ne peut être exclusive du respect des dispositions propres à l'exercice des professions réglementées. S'agissant du dispositif de l'article 23 relatif à la réduction d'impôt au titre des intérêts d'emprunts pour l'acquisition d'une fraction du capital de certaines sociétés, il serait opportun que la condition aux termes de laquelle cette acquisition confère à l'acquéreur la majorité des droits de vote attachés aux titres de la société reprise ne concerne pas les opérations réalisées par les personnes exerçant une profession libérale. En effet, l'acquisition par ces personnes de parts du capital de sociétés porte souvent sur une fraction minoritaire de ce capital.

Plus généralement, le projet de loi pour l'initiative économique aurait pu opportunément prévoir la création d'un plan d'épargne spécifiquement dédié à la création d'une entreprise.

Au titre du Conseil national des barreaux, M. Jacques-Philippe Gunther a relevé que si certaines dispositions du projet de loi pour l'initiative économique visaient expressément les professions libérales, d'autres dispositions semblaient, en l'état de leur rédaction, ne pas pouvoir les concerner. Il serait ainsi regrettable que les dispositions relatives au droit au congé ou à une période de travail à temps partiel pour création ou reprise d'entreprise ne puissent pas bénéficier aux personnes exerçant une profession libérale.

S'agissant de la simplification des formalités déclaratives et administratives, il serait opportun que les documents que doit joindre le nouvel entrepreneur en annexe à l'enregistrement de la création de son entreprise puissent aussi faire l'objet d'une transmission par voie électronique sécurisée par un dispositif de signature électronique. En outre, le dispositif relatif à la déclaration en ligne de la création d'une entreprise ne prévoit pas, dans ce cas, de dispositions spécifiques concernant les formalités de publicité légale. La publicité par l'intermédiaire d'un journal d'annonces légales semble, en l'espèce, archaïque. Il pourrait donc être opportun de prévoir la création d'un journal d'annonces légales en ligne.

En ce qui concerne le taux des droits d'enregistrement des cessions de parts sociales, il serait opportun d'étudier un régime unifié pour les cessions de sociétés par actions, qui font l'objet d'un droit de 1 % plafonné à 3 023 euros, et pour les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions, qui font l'objet d'un droit de 4,8 %.

Sur la forme juridique de l'entreprise, le développement des sociétés par actions simplifiées (SAS) gagnerait sans doute à être favorisé en raison de la souplesse que cette forme offre ; il pourrait ainsi être envisagé de supprimer l'obligation de recourir à un commissaire aux comptes et à un commissaire aux apports en dessous d'un certain seuil de chiffre d'affaires à déterminer.

S'agissant de la simplification des démarches auprès des organismes sociaux, les déclarations trimestrielles devraient être privilégiées par rapport aux déclarations mensuelles qui présentent pour l'entreprise un coût supérieur.

A propos de l'encouragement aux structures d'accompagnement qui constitue une excellente initiative, il convient de s'interroger sur le statut de l'accompagnateur. Selon l'article 21 du projet de loi, ce dernier doit être désintéressé mais il serait responsable vis-à-vis des tiers. On pourrait, par ailleurs, confier à la profession d'avocat le soin d'aider ou d'organiser un système de soutien aux réseaux d'accompagnement leur permettant de renforcer leur expertise juridique.

La philosophie générale du projet de loi vise à « désacraliser » la création de petites entreprises, ce dont on peut se féliciter. Toutefois, il ne faudrait pas que cette évolution s'accompagne d'un développement incontrôlé de certaines officines offrant leur aide conceptuelle à la création d'entreprise sans garantir une compétence juridique solide, exercée à titre principal et sans respecter les obligations de confidentialité et d'interdiction de conflits d'intérêt.

Enfin, s'agissant des déclarations d'insaisissabilité des droits détenus sur la résidence principale, il serait opportun de permettre aux avocats, qui interviennent dans la démarche de création d'entreprise, de procéder, comme les notaires, à l'enregistrement de cette déclaration.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a récapitulé plusieurs pistes d'amélioration du projet de loi :

- l'article 6 relatif à la sécurisation du patrimoine pourrait également faire l'objet d'une approche en termes de déclaration du patrimoine professionnel affecté. Il faut également réfléchir aux modalités de publicité les plus adaptées en termes de coût et de simplification ;

- l'article 18 sur le report des cotisations sociales du créateur d'entreprise fait l'objet d'une proposition alternative séduisante de forfaitisation de ces cotisations, car elle offre l'avantage de placer l'entrepreneur devant ses responsabilités le plus rapidement possible ;

- il serait opportun d'étudier la possibilité de retenir, dans le cadre du présent projet, la possibilité qui serait envisagée dans les futures ordonnances de simplification, de créer des chèques-premiers emplois, éventuellement pour les trois premiers contrats à durée indéterminée mais aussi pour des contrats à durée déterminée sous la forme de chèques libellés en heures pour des petites prestations ponctuelles ;

- l'article relatif à la clause d'exclusivité du salarié-entrepreneur pose le problème de la nécessité de préserver l'entreprise existante et de réaffirmer les obligations de loyauté et de réserve du salarié ; il faudra donc veiller à articuler l'ensemble de ces notions ;

- la notion de « contrat d'accompagnement à la création d'une activité économique » entre l'entreprise et son salarié est fondamentale ; en revanche, le principe de co-responsabilité posé à l'article 10 ne devrait pas être retenu, le créateur d'entreprise devant assumer ses responsabilités ;

- la création, à l'article 2, du récépissé de création d'entreprise (RCE) ne semble pas être totalement justifiée sauf dans l'hypothèse de l'inscription en ligne. L'idée d'y ajouter les documents annexes pourrait être étudiée mais par simple référence dans le texte, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin d'en établir la liste, afin de ne pas alourdir le texte ;

- s'agissant de ce qu'on a appelé à tort la « société à un euro », le Gouvernement a, légitimement, souhaité que soit mise en avant la volonté d'entreprendre, mais il serait préférable de le faire en soulignant davantage la liberté donnée aux actionnaires de déterminer le montant du capital social adéquat, sans occulter la prise de risque qui découle nécessairement de cet acte de création et l'effort de préparation qu'il requiert ;

- enfin, le développement de l'accompagnement des porteurs de projet pourrait être favorisé par l'extension du chèque-conseil par renvoi aux actes réglementaires d'application.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a rappelé que l'article 22 relatif à la taxation des plus-values professionnelles mentionnait bien expressément les entreprises ayant une activité libérale.

S'agissant de la question des transmissions en réserve d'usufruit, il semble que deux cas de figure se posent : le premier, pour les entreprises sous forme sociétaire, pour lesquelles l'article 23, dans sa rédaction actuelle, permet de ne transmettre en pleine propriété qu'une partie de ses parts sociales et donc, pour le donateur, de conserver le pouvoir qu'il souhaite au sein de la société, à l'instar des parts de société civile immobilière que l'on peut transmettre progressivement à ses héritiers ; le second cas de figure est celui des entreprises individuelles pour lesquelles, en effet, la donation en usufruit pourrait être opportune.

M. Jean-François Humbert a considéré que le problème se pose quelle que soit la forme de la société avec cependant plus d'acuité pour les entreprises de faible importance, telles que les entreprises artisanales. Le souci de l'enfant donataire est d'avoir l'assurance à terme d'être totalement propriétaire de l'entreprise et la certitude que la valeur ajoutée qu'il aura apportée à l'entreprise depuis la donation lui sera acquise. Ainsi, si la donation était effectuée sur une partie seulement du patrimoine en pleine propriété, l'enfant donataire devra, au décès de ses parents, racheter à ses frères et sœurs les parts dont il n'aura pas hérité, lesquelles comprennent la plus-value qu'il aura apportée à la société, ce qui pose le problème de l'évaluation de cette plus-value.

Par ailleurs, la donation en usufruit donne aux parents donateurs la garantie d'un revenu régulier et du maintien de l'exercice d'un pouvoir de direction.

Le président Hervé Novelli a souligné que la Commission spéciale serait attentive à la question du risque de requalification des contrats évoqué par M. Michel Tudel. De même, la Commission a débattu tout au long de la journée de la possibilité de l'élargissement des fonds d'investissement de proximité à des formes de prêts sous différentes modalités.

M. Pierre Lafon, membre du Conseil national des barreaux, a souhaité attirer l'attention de la Commission spéciale sur l'article 23 dont l'objet est d'accorder une réduction d'impôt aux repreneurs qui s'endettent pour acquérir des actions ou des parts de société. Dans le cadre des professions libérales, la reprise de parts de société de personnes ne pose pas de problème. En revanche, en cas de reprise de parts d'une société de capital, il est à craindre que les actionnaires ne se livrent à des contentieux pour faire reconnaître les revenus qu'ils tirent en leur qualité de gérants.

En outre, le b de l'article 23, qui précise que l'acquisition confère à l'acquéreur la majorité des droits de vote attachés au titre de la société reprise, s'il permet une transmission progressive dans le cadre d'un petit cabinet de un ou deux professionnels, pose des problèmes d'interprétation dans le cas de cabinets constitués de plusieurs associés détenant chacun une part minoritaire du capital. Peut-être serait-il nécessaire d'exclure de cette condition le cas des sociétés d'exercice libéral et des SCP soumises à l'impôt sur les sociétés.

Mme Eglantine Granvilliers a ensuite abordé le problème général de la clause de non-concurrence dans le contrat de travail et de la concurrence déloyale. La jurisprudence de la Cour de cassation, renforcée par un arrêt récent de septembre 2002, ôte, de fait, toute effectivité à ces clauses qui ne sont valables que si le principe de leur rémunération est prévu dans le contrat de travail. Par conséquent, compte tenu des termes de l'article 7 qui visent la seule clause d'exclusivité, le projet de loi sur l'initiative économique semble, en l'état, aller dans le sens de la jurisprudence. Il est d'ailleurs difficile de définir des limites dans l'espace et dans le temps à l'obligation de non-concurrence, la pertinence de ces limites étant propre à chaque secteur d'activité. Les clauses de non-concurrence sont ainsi très difficiles à appliquer et l'on peut considérer aujourd'hui que les seuls garde-fous sont les obligations de loyauté et de réserve qui lient l'employé à son employeur.

Mme Chantal Brunel s'est à son tour inquiétée des dangers de concurrence déloyale que recèle l'article 7 du projet de loi. Les procédures juridiques intentées au titre de l'exercice de la clause de non-concurrence sont extrêmement longues, souvent supérieures à deux ans, et offrent des garanties très fragiles de succès à l'employeur qui les intente. Elle a souhaité connaître l'avis des intervenants sur un éventuel amendement qui préciserait qu'en l'absence d'agrément du chef d'entreprise, le salarié s'interdit de travailler pendant deux ans avec les clients de l'entreprise de son employeur. De manière plus générale, quelle mesure technique serait de nature à prévenir la multiplication de situations de concurrence déloyale ?

M. Jean-Philippe Gunther a rappelé que le problème de la concurrence déloyale revêt deux aspects. Le premier est spécifiquement contractuel : il est loisible aux contractants d'inclure dans le contrat de travail une clause de non-concurrence rémunérée. Le deuxième aspect relève du droit de la responsabilité. Celui-ci trouve à s'appliquer dans le cas où le salarié exercerait une captation de clientèle par « parasitisme », ou en entamant la réputation de son employeur, en utilisant ses fichiers de clients, ou encore en créant une entreprise dont le nom est proche de celui de son ancien employeur. Ces aspects n'ont pas besoin d'être réglés dans le contrat de travail.

Mme Chantal Brunel a mis en doute l'efficacité de cette recherche de responsabilité, les procédures, souvent très longues, étant sans relation avec la durée de vie parfois très courte des entreprises affectées par cette concurrence déloyale.

M. Michel Pitron, au titre du Conseil national des barreaux, a souligné qu'en effet les chances de réussite de ces procédures sont faibles, et ce d'autant plus que le préjudice est souvent extrêmement difficile à évaluer. Il est cependant loisible au législateur de contrarier les développements jurisprudentiels relevés précédemment en assurant l'effectivité des clauses de non-concurrence. Mais cela suppose que soit tranché un débat de fond important qui oppose les principes, d'une part, de protection d'une concurrence loyale et, de l'autre, de libre entreprise. Que faut-il privilégier, l'entreprise existante ou l'entreprise future ?

N° 0572 Tome I - Rapport  sur le projet de loi  pour l'initiative économique : Articles non fiscaux (Mme Catherine Vautrin)

1 () INSEE Première n° 879, janvier 2003.


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