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le 12 février 2003

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N° 601

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 février 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à la circulation et au séjour en Principauté d'Andorre des ressortissants des Etats tiers,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à l'entrée, à la circulation, au séjour et à l'établissement de leurs ressortissants,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention de sécurité sociale entre la République française et la Principauté d'Andorre signée à Andorre-la-Vieille le 12 décembre 2000,

PAR M. HENRI SICRE,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 280, 281, 363, 383 (2001-2002), 2 et T.A. 8, 9, 11 (2002-2003)

Assemblée nationale : 267, 268, 270

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LA MISE À JOUR DES RELATIONS FRANCO-ANDORRANES
    DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
7

A - DES ÉLÉMENTS FRAPPÉS DE CADUCITÉ EN RAISON DE
      L'ACCESSION D'ANDORRE À LA SOUVERAINETÉ
7

1) Un accord caduque 7

2) Des dispositions lacunaires dérogatoires à la législation française 7

B - UNE CONVENTION CONTENANT UN DISPOSITIF
      TRÈS COMPLET D'ASSURANCE SOCIALE
8

1) Un large champ d'application personnel 8

2) Un champ d'application matériel étendu 9

3) La détermination de la législation applicable 10

C - DES ADAPTATIONS LIÉES À LA SPÉCIFICITÉ D'ANDORRE 10

II - LA CRÉATION D'UN ESPACE DE LIBRE CIRCULATION ET
D'ÉTABLISSEMENT DES PERSONNES ENTRE LA FRANCE,
L'ESPAGNE ET ANDORRE
11

A - DES INCERTITUDES JURIDIQUES DÉFAVORABLES AUX FRANÇAIS 11

1) Une situation déséquilibrée au profit des Andorrans 11

2) Une négociation complexe 12

B - UNE CONVENTION FAVORABLE AUX INTÉRÊTS FRANÇAIS 12

1) Une clarification des conditions de circulation et
    d'établissement de chaque partie
12

2) Le champ restreint d'application de la Convention 14

III - L'INSTAURATION D'UN CONTRÔLE AUX FRONTIÈRES EXTÉRIEURES
      CONFORME AUX EXIGENCES DE LA CONVENTION DE SCHENGEN
15

A - LA MISE EN œUVRE DES PRINCIPES DE CIRCULATION DANS L'ESPACE
SCHENGEN PAR UN ETAT NON MEMBRE DE L'UNION EUROPÉENNE
15

1) Le respect des dispositions régissant la circulation
    dans l'espace Schengen
15

2) Une obligation d'information réciproque 16

B - LE NOMBRE DE PERSONNES CONCERNÉES 16

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

La France et la Principauté d'Andorre ont récemment signé une série d'accords afin de réactualiser certains aspects de leur coopération.

Comme votre Rapporteur le rappelait dans son rapport n° 524 autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et celui d'Andorre, cette Principauté est devenue un Etat souverain le 14 mars 1993 avec l'approbation d'une constitution mettant fin à une situation héritée du 13ème siècle.

Désormais, Andorre siège à l'ONU, depuis juillet 1993 et au Conseil de l'Europe depuis novembre 1994. Renouvelé le 1er janvier 1996, un accord l'associe à l'Union européenne avec d'ailleurs des particularités avantageuses pour la Principauté qui bénéficie de l'union douanière industrielle sauf pour le tabac et du régime de pays tiers pour l'agriculture ainsi que d'un système de franchises touristiques.

Pour tenir compte de ces évolutions, la France a signé avec Andorre, le 12 décembre 2000, une convention de sécurité sociale et le 4 décembre 2000, deux accords avec l'Espagne et Andorre réglementant la circulation, le séjour et l'établissement des ressortissants andorrans ainsi que la circulation et le séjour en Andorre de ceux des Etats tiers.

Le Sénat a approuvé la ratification de ces trois accords le 10 octobre 2002. L'Espagne a ratifié les deux accords trilatéraux le 12 septembre 2001 et la Principauté d'Andorre a fait de même pour les trois accords soumis à l'approbation de l'Assemblée. Ces trois instruments mettent à jour et clarifient les relations franco-andorranes en matière de sécurité sociale, d'établissement et de circulation de leurs ressortissants, et de ceux des Etats tiers.

I - LA MISE À JOUR DES RELATIONS FRANCO-ANDORRANES
DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

La Convention du 12 décembre 2000 se substitue à des arrangements parcellaires directement conclus en 1970 entre les caisses de sécurité sociale andorranes et françaises, et en 1973 pour le régime agricole. Elle s'inspire des mécanismes contenus dans le règlement élaboré par l'Union européenne, adapté aux spécificités de la Principauté : 85 000 habitants pour une superficie de 470 km².

A - Des éléments frappés de caducité en raison de l'accession d'Andorre à la souveraineté

1) Un accord caduque

La coordination des dispositions françaises et andorranes de sécurité sociale résulte d'arrangements signés, côté français, par les présidents des conseils d'administration des Caisses nationales et, côté andorran, par un représentant du Conseil général des vallées, par le Président du Conseil d'administration et le directeur de la caisse de sécurité sociale andorrane.

Ces instruments, signés lorsque Andorre n'était pas encore un Etat indépendant, ont donc perdu, ipso facto, leur validité juridique à l'accession d'Andorre à sa pleine souveraineté. En l'absence de succession d'Etats, ces accords ont été signés par des personnes non compétentes pour signer une convention internationale. De plus, aucune des procédures requises pour l'entrée en vigueur d'un accord international n'a été appliquée.

2) Des dispositions lacunaires dérogatoires à la législation française

Les dispositions contenues dans ces arrangements dérogent à la législation française applicable en matière de sécurité sociale. Les arrangements des années 1970 n'englobent pas tous les risques sociaux, ce qui freine les activités économiques que souhaitent engager les Français sur le territoire andorran où l'expansion des entreprises espagnoles est de plus en plus forte. Aussi, seul un accord international, régulièrement ratifié, pourrait autoriser la mise en œuvre ou le maintien de ces dispositions.

Il en va ainsi de la possibilité pour les entreprises établies en Andorre de cotiser auprès des URSSAF françaises, notamment celle des Pyrénées orientales, permettant un versement des prestations familiales françaises pour les familles résidant en Andorre (article 23 de l'arrangement général), de la prise en compte des périodes effectuées dans le régime andorran, pour l'ouverture du droit en matière d'assurance maladie (articles 7 et 19 de l'arrangement précité) et de pension de vieillesse, ou de la possibilité pour un travailleur andorran détaché par son entreprise en France, de rester affilié au régime andorran sans respecter l'obligation d'affiliation prévue par le code de la sécurité sociale pour toute personne travaillant en France.

Il est nécessaire que les Français travaillant dans la Principauté bénéficient de garanties sociales stables, claires et juridiquement établies. C'est l'objectif de la convention de 2000.

B - Une convention contenant un dispositif très complet d'assurance sociale

Comme le souhaitaient les négociateurs français, la convention franco-andorrane signée le 12 décembre 2000 s'inspire très largement des principes et règles générales contenus dans le règlement communautaire n° 1408/71 de coordination des systèmes de sécurité sociale. Ce rapprochement avec les règles communautaires résulte de la situation spécifique d'Andorre enclavée entre l'Espagne et la France, deux Etats membres de l'Union européenne.

Cependant, certaines particularités dans la convention s'écartent des règles communautaires par souci de simplicité vu le nombre d'assurés concernés, et pour tenir compte du système andorran de sécurité sociale, ainsi que de la situation géographique, sociale ou économique de la Principauté.

1) Un large champ d'application personnel

Le champ personnel d'application instauré par la Convention est plus large que celui du règlement communautaire. Seront désormais concernés les fonctionnaires, les étudiants, les ressortissants d'Etats tiers assurés au régime andorran ou français, et pour la partie française les non-salariés, catégories qui n'étaient pas visées par les arrangements de 1970 et 1973. Des précisions et modifications ont été apportées aux définitions (article 1er). La définition d'un ayant droit et la durée maximale au-delà de laquelle un séjour temporaire se transforme en résidence ou transfert de résidence, à savoir 6 mois, est ainsi précisée.

Cette extension du champ personnel répond à une situation géographique particulière liée à la proximité et aux échanges avec l'Espagne.

2) Un champ d'application matériel étendu

La convention couvre un très large spectre de risques sociaux, assurance vieillesse (chapitre II), assurance maladie et maternité (chapitre III), assurance invalidité (chapitre IV), assurance décès (chapitre V), assurance accidents du travail et maladies professionnelles (chapitre VI) et prestations familiales (chapitre VII). Toutefois le régime andorran ne comporte pas de risque chômage qui n'est pas pris en compte par la convention.

L'égalité de traitement est garantie, permettant à toute personne entrant dans le champ d'application ainsi que ses ayants droit de bénéficier d'un traitement égal à celui qui est accordé aux ressortissants de l'autre Etat contractant. Toutes les périodes de cotisation, dans chacun des deux Etats, seront totalisées pour l'ouverture des droits ; un double calcul déterminera le pourcentage des prestations revenant à la charge des deux Etats, le calcul le plus favorable à l'assuré étant toujours privilégié.

En matière d'assurance vieillesse, les régimes nationaux ne supportent que la part de pension qui correspond aux cotisations qui ont été versées. En effet, si une totalisation des périodes est prévue permettant de tenir compte de l'ensemble de la carrière de l'intéressé notamment pour l'ouverture du droit, la pension ainsi calculée est ramenée en dernier lieu au prorata des périodes accomplies dans chacun des régimes conformément aux dispositions de l'article 8.2 b.

Les régimes spéciaux français tels que le régime des fonctionnaires, pour lesquels aucune totalisation des périodes effectuées dans un autre régime n'est possible pour l'ouverture comme pour le calcul du droit, ne sont pas inclus dans le champ matériel de la convention.

En matière d'invalidité, la totalisation conduit à un partage de la charge de la pension alors que les arrangements de 1970 n'en prévoyaient pas. La réciprocité d'application de cette disposition par Andorre et par la France n'induit pas de charge supplémentaire pour les régimes français. En effet, le partage de la charge conduit les régimes français à assumer une part de pension qu'ils ne versaient pas auparavant, mais ils voient dans le même temps certaines pensions qu'ils assumaient seuls, allégées par la part désormais versée par le régime andorran.

3) La détermination de la législation applicable

Selon la Convention la législation applicable est comme le prévoit la règle générale celle du lieu de travail. Toutefois l'article 4 de l'accord offre la possibilité d'être affilié aux deux régimes andorran et français en cas de double activité. Les autorités administratives de chaque partie à la Convention ont la possibilité de déroger par accord aux règles de détermination de la législation applicable énoncées à l'article 4. Cette faculté est prévue dans l'ensemble des conventions signées par la France ainsi que par le règlement communautaire.

Les dérogations à la règle du lieu de travail pour les travailleurs détachés, les fonctionnaires, le personnel roulant ou navigant correspondent aux dérogations du règlement communautaire. Les salaires des postes diplomatiques ou consulaires sont automatiquement rattachés au régime de l'Etat où ils exercent leur activité. Les étudiants andorrans poursuivant des études en France ont la possibilité de s'affilier à leur régime d'origine.

En outre, la Convention prévoit la possibilité d'un « détachement » d'un an renouvelable une fois. Cette procédure permet à la personne détachée par son entreprise pour exercer son activité sur le territoire de l'autre Etat, de rester affiliée au régime de son Etat d'origine et d'être exemptée d'affiliation au régime de son Etat d'accueil. Il s'agit d'une dérogation à la règle de l'application de la législation du lieu de travail.

C - Des adaptations liées à la spécificité d'Andorre

La convention prévoit la possibilité d'accords tarifaires avec certains hôpitaux français et celle du transfert médical en Espagne, ce qui déroge à la règle selon laquelle les tarifs français s'appliquent.

La Convention prévoit par ailleurs la possibilité d'un transfert vers l'Espagne en cas d'urgence médicale d'un assuré du régime français qui se trouverait en Andorre, afin de tenir compte de l'équipement sanitaire et de la situation géographique d'Andorre (article 24).

Les règles sur l'invalidité tiennent compte des particularités du régime des Andorrans : dans chacun des deux Etats le montant de la pension est indépendant de la durée de l'assurance, aucun partage de la charge intervient. Celle-ci revient à l'Etat où est survenue l'invalidité.

II - LA CRÉATION D'UN ESPACE DE LIBRE CIRCULATION ET D'ÉTABLISSEMENT DES PERSONNES
ENTRE LA FRANCE, L'ESPAGNE ET ANDORRE

A - Des incertitudes juridiques défavorables aux Français

1) Une situation déséquilibrée au profit des Andorrans

a) La situation des Français

D'après l'étude d'impact du projet de loi, la situation des Français en Andorre est assez précaire, dans un contexte général de régression de la présence française en Andorre et en l'absence d'accord fixant les conditions d'entrée, de circulation, de séjour et d'établissement des étrangers dans la Principauté. Les quotas d'immigration ouverts par la loi de juillet 1997 relative aux autorisations de travail accordées aux ressortissants communautaires étant épuisés au 31 mai 1998 (date de cessation de leur validité), les Français et Espagnols désireux de prendre un emploi salarié en Andorre ne peuvent plus se voir attribuer que des permis provisoires de travail et de séjour d'une validité d'un mois.

L'instruction des dossiers d'immigration donnant droit à la délivrance d'autorisation de séjour et travail plus longues, de un à cinq ans, est exclue en l'absence de quotas ouverts par une nouvelle loi sur l'immigration, dont le Gouvernement andorran a décidé de différer l'adoption après la signature de cette convention trilatérale. De plus, les autorités andorranes voulaient conserver cette législation stricte, alors même qu'elles souhaitaient que leurs nationaux soient assimilés aux ressortissants communautaires.

b) La situation des Andorrans

Les modalités d'admission au séjour des ressortissants andorrans en France sont régies par une circulaire du Ministre de l'Intérieur datant du 27 avril 1956. Celle-ci avait institué un titre spécifique, dénommé « document d'identité pour Andorrans ». Cette pièce d'identité délivrée par la France dispense son titulaire de titre de séjour, et l'autorise à séjourner et à travailler en France.

Ainsi les Andorrans bénéficient d'un régime de fait conduisant à les assimiler aux nationaux français, après délivrance de ce titre, ce qui leur ouvre l'accès aux activités professionnelles salariées, commerciales ou indépendantes.

2) Une négociation complexe

Après l'accès d'Andorre à un statut international en 1993 et la conclusion du Traité de bon voisinage, d'amitié et de coopération entre la France, l'Espagne et Andorre, des négociations sur la circulation, le séjour et l'établissement ont été engagées. Compte tenu de la spécificité géographique d'Andorre, de sa petite taille et du déséquilibre entre le nombre d'Andorrans en France (quelques centaines) et de Français en Andorre (environ 4000), il est rapidement apparu qu'une négociation avec ce pays, en se fondant sur un principe de stricte réciprocité, ne pourrait aboutir. En effet, la négociation de cet instrument n'avait pu aboutir en raison d'un désaccord entre les parties espagnole et andorrane sur la notion de service public.

Pour les postes du secteur public, autres que les postes de la fonction publique impliquant l'exercice de la souveraineté et réservés aux nationaux, la partie andorrane estimait que l'accès à ces postes devait être soumis à des critères de nationalité. Cependant l'accès pouvait être ouvert aux ressortissants espagnols et français employés par l'Administration territoriale. La partie espagnole, comme la France, considérait que cette restriction n'était recevable que pour une période transitoire dont la durée devait être fixée, et que ces postes devraient rester ouverts aux ressortissants déjà établis légalement et employés dans le secteur. Ce blocage n'a pu être levé qu'à l'issue d'un quatrième tour de négociations, les Espagnols et les Andorrans ayant, de part et d'autre, fait des concessions.

La délégation française a appliqué un principe de réciprocité pondérée, les négociateurs ayant également à l'esprit l'objectif d'un alignement progressif de la législation andorrane sur les règles communautaires.

B - Une convention favorable aux intérêts français

1) Une clarification des conditions de circulation et d'établissement de chaque partie

a) La pérennisation de la situation des Andorrans

La Convention permet d'inscrire dans un cadre juridique les règles d'admission au séjour et à l'établissement des Andorrans en France. Elle repose sur le principe selon lequel les Andorrans en France et en Espagne doivent être traités selon des modalités au moins aussi favorables que celles que la France et l'Espagne appliquent aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, sous réserve des dispositions particulières prévues par la Convention.

Les Andorrans en France bénéficieront du même régime que celui applicable aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et de l'espace économique européen. Les intéressés pourront donc, comme actuellement, accéder aux emplois salariés et aux activités indépendantes, dans les mêmes conditions que les Français. Les personnes non actives devront, quant à elles, justifier de la possession de ressources suffisantes et d'une couverture sociale.

b) L'amélioration de la situation des Français

Les Français exerçant une activité professionnelle salariée ou non salariée en Andorre bénéficieront désormais, de l'égalité de traitement en matière de conditions de travail. Ils obtiendront, de plein droit, après cinq ans de résidence effective et ininterrompue, un titre de séjour de longue durée.

La Convention prévoit en particulier l'accès libre aux activités non salariées aux Français et Espagnols qui justifient d'une résidence en Andorre ininterrompue d'une durée de dix ans au lieu des vingt ans actuels. Les professions libérales étant très réglementées dans les trois Etats et dans l'Union européenne sont exclues du champ d'application de la Convention.

Les membres d'une même famille ont le droit de s'installer auprès du titulaire du droit de séjour en Andorre. Ils reçoivent un titre de séjour de même nature et de même durée que la personne qu'ils rejoignent et bénéficieront d'un libre accès à une activité professionnelle salariée ou non salariée. Seuls les membres de la famille d'un étudiant ou d'un inactif devront justifier de ressources suffisantes et d'une couverture sociale. Ces dispositions, obtenues très difficilement, marquent une amélioration significative du statut des Français en Andorre.

L'égalité de traitement n'est pas assurée entre Français et Andorrans voulant s'installer et travailler sur le territoire de l'autre partie, mais la Convention offre des perspectives nouvelles permettant à la Principauté d'ouvrir progressivement son territoire et ses activités économiques aux Français. C'est une étape sur la voie d'une réciprocité véritable qui, compte tenu des caractéristiques économiques et géographiques de la Principauté d'Andorre, ne pourra se réaliser que de façon progressive.

L'article 2 de la convention, en définissant les conditions d'accès et de circulation des nationaux des Etats parties sur le territoire de l'autre partie, n'apporte pas de changement par rapport aux modalités en vigueur en la matière. Les nationaux des Etats parties à la convention pourront continuer à séjourner sur le territoire des autres Etats parties durant des périodes maximales de 90 jours sous couvert d'un document d'identité ou d'un passeport, sans qu'un titre de séjour ne soit requis.

2) Le champ restreint d'application de la Convention

Le nombre réduit de Français établis en Andorre varie peu : 1995 : 2138 ; 1996 : 2365 ; 1997 : 2314 ; 1998 : 2477 ; 1999 : 2620 ; 2000 : 2677 ; 2001 : 2717. A ce chiffre s'ajoutent les non-immatriculés, estimés à environ 2000, chiffre stable depuis une dizaine d'années. Le nombre total de Français serait de 4800. Si l'on retient le ratio d'un chef de famille pour trois personnes, on peut estimer à environ 1500 le nombre de titulaires d'un titre de séjour.

On estime qu'une quinzaine de Français et près d'un millier d'Espagnols d'origine qui ont concurremment la nationalité andorrane exerceraient dans le service public de la Principauté, chiffres en recul relatif par rapport aux années quatre-vingt. Il est corrélé à la montée de l'offre andorrane de main d'œuvre. Le « service public » concerne en Andorre les seules administrations centrales d'Etat. Le nombre total de fonctionnaires s'élevait en 2001 à 4508 (1124 en 1988, 1624 en 1990, 2390 en 1992, 3046 en 1994, 3542 en 1996, 3834 en 1998).

Quant aux ressortissants andorrans titulaires d'un document d'identité pour Andorrans délivrés par la France, ils sont peu nombreux. Les données statistiques disponibles sont les suivantes : 1998 : 54, 1999 : 100, 2000 : 82, 2001 : 68 et 2002 (janvier à mai) : 16.

Cette Convention tripartite favorable à l'établissement de Français en Andorre consolidera la présence française dans la communauté et mérite d'être approuvée.

III - L'INSTAURATION D'UN CONTRÔLE AUX FRONTIÈRES EXTÉRIEURES CONFORME AUX EXIGENCES DE
LA CONVENTION DE SCHENGEN

La Convention tripartite relative à la circulation et au séjour des ressortissants des Etats tiers a pour objet la mise en conformité de la législation andorrane avec les dispositions de la Convention de Schengen. Elle vise surtout à parfaire le dispositif résultant de l'accession d'Andorre à la souveraineté. Les négociations trilatérales furent délicates. Engagés en 1997, les trois Etats parvenaient à un accord au terme de longues négociations.

Il s'agissait pour l'Espagne comme pour la France de renforcer leur contrôle sur les flux certes limités de ressortissants des Etats tiers, pouvant entrer en Andorre. Pour ce faire, il fallait formaliser et systématiser les échanges d'informations avec les autorités andorranes.

A - La mise en œuvre des principes de circulation dans l'espace Schengen par un Etat non membre de l'Union européenne.

Il n'existait aucun accord fixant les conditions d'entrée, de circulation, et de séjour des étrangers dans la Principauté. Alors même que les accords de Schengen créent des obligations particulières à la France et à l'Espagne, les autorités andorranes n'étaient pas liées par l'avis des autorités françaises et espagnoles concernant les ressortissants d'Etats tiers.

1) Le respect des dispositions régissant la circulation dans l'espace Schengen

Dans le cadre des dispositions régissant la circulation dans l'espace Schengen, les étrangers ressortissants d'Etats tiers peuvent circuler et séjourner sur le territoire des Etats membres pendant des périodes maximales de 90 jours sous couvert soit de leur passeport revêtu le cas échéant d'un visa, s'ils sont ressortissants d'un pays soumis à visa, soit d'un titre de séjour délivré par un Etat membre s'ils sont déjà admis au séjour dans cet Etat. Au-delà de 90 jours, les ressortissants d'Etats tiers ne peuvent séjourner dans un Etat membre qu'à la condition de satisfaire aux règles d'admission au séjour prévues par la législation du pays d'accueil, impliquant l'obtention d'un visa national de plus de trois mois et d'un titre de séjour.

La durée de 90 jours prévue à l'article 4 de la Convention tient donc compte des principes de circulation dans l'espace Schengen. C'est également dans cette optique que s'inscrivent les dispositions du dernier alinéa de cet article, qui prévoient que les étrangers titulaires d'un titre de séjour andorran peuvent entrer et circuler en France, de la même façon que les étrangers titulaires d'un titre de séjour français ou espagnol.

2) Une obligation d'information réciproque

L'article 2 de la convention tripartite concernant les ressortissants des Etats tiers oblige les trois parties contractantes, mais de fait Andorre, d'une part à harmoniser leurs législations, d'autre part à se communiquer la liste des ressortissants des Etats tiers soumis à l'obligation de visa. Cette coopération permettra aux titulaires d'un titre de séjour andorran de circuler librement en France et en Espagne.

En contrepartie de cette possibilité, les demandes d'établissement des ressortissants d'Etats tiers en Andorre feront l'objet d'un échange d'informations avec les autorités françaises et espagnoles, préalablement à leur libre circulation dans ces deux territoires.

Cet échange devrait porter sur « toutes les informations utiles sur la personne considérée : état civil, but du séjour, inscription éventuelle au fichier des personnes recherchées, présentation éventuelle de risques ». Cet échange préalable d'informations se substituera à la situation actuelle, caractérisée par l'obligation, pour les ressortissants de pays tiers, de présenter un passeport comportant, si nécessaire, un visa, pour entrer en France.

B - Le nombre de personnes concernées

La population étrangère résidant en Andorre est passée de 63 625 habitants en 1995 à 65 425 en 2000, répartis de la manière suivante : 41,2% d'Espagnols, 10,4% de Portugais, 6,6% de Français, 3,4% d'Européens (autres nationalités) et 3,4% d'autres origines.

Actuellement, il ne semble pas que le nombre des ressortissants d'Etats tiers soit en augmentation. Toutefois, l'approbation de cette convention, qui institue un contrôle de l'établissement de ressortissants d'Etats tiers, ne peut être perçue que comme un progrès. En effet, celle-ci ne peut qu'encourager les autorités andorranes à prendre des mesures de contrôle renforcées, d'une part sur les ressortissants étrangers qui transitent sur leur territoire, d'autre part, sur les trafics financiers qui ont lieu sur ce territoire, et que lui reproche amèrement le Groupement d'action financière international (GAFI).

CONCLUSION

Les accords tripartites signés par la France avec la Principauté d'Andorre ainsi que l'accord bilatéral de sécurité sociale comblent une série de lacunes et d'imprécisions juridiques engendrées par l'accession de la Principauté à l'indépendance.

Ils confèrent aux ressortissants andorrans et français une sécurité juridique appréciable en matière de circulation, de libre établissement et de sécurité sociale. Ils encouragent les échanges entre la France et Andorre tout en introduisant un système de réglementation issu de l'accord de Schengen qui obligera la Principauté à se montrer plus vigilantes et coopérative en matière d'entrée et de séjour des ressortissants des Etats tiers.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné les présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 5 février 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Jean-Claude Guibal s'est enquis du régime de retraite dont relevait un salarié français ayant travaillé et cotisé en Andorre et qui fait valoir ses droits à retraite. Relève-t-il du régime français ou du régime andorran ou encore d'un régime mixte ?

M. Henri Sicre a expliqué que les retraites relevaient d'un régime mixte. En effet, les régimes nationaux de retraites ne supportent que la part de pension qui correspond aux cotisations versées. Toutes les périodes de cotisations dans chacun des deux Etats seront totalisées pour l'ouverture des droits, le calcul le plus favorable à l'assuré étant toujours privilégié. Les titulaires de ces pensions les reçoivent quel que soit leur lieu de résidence.

Le Président Edouard Balladur a souhaité savoir si, à l'instar de la Principauté de Monaco, Andorre disposait de représentations diplomatiques indépendantes. En outre, le Ministre d'Etat de Monaco étant désigné par la France, il a demandé s'il en était de même pour Andorre ou si la Principauté disposait d'une plus grande autonomie de gouvernement. Enfin, il a demandé si le régime fiscal andorran était aussi favorable que le régime monégasque.

M. Henri Sicre a répondu que, depuis son indépendance en 1993, Andorre siégeait aux Nations unies et au Conseil de l'Europe et que la Principauté disposait de neuf ambassadeurs accrédités dans le monde, notamment en France, en Espagne, aux Etats-Unis, etc. Evoquant le système politique andorran, il a indiqué qu'il y avait un Gouvernement et un Parlement élu au suffrage universel, depuis l'accession d'Andorre à l'indépendance. Quant au système fiscal d'Andorre, le Rapporteur a souligné son caractère avantageux. L'obtention de la nationalité andorrane présente un intérêt certain.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 267, 268 et 270).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Le texte des conventions figure en annexe aux projets de loi (nos 267, 268 et 270).

N° 0601 - Rapport sur les trois projets de loi autorisant la ratification d'une convention entre la France, l'Espagne et Andorre (Sénat, 1ère lecture) (M. Henri Sicre)


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