Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document

mis en distribution

le 10 mars 2003

654 (1ère partie)

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 mars 2003

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat (n°632), relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France,

PAR M. Charles de COURSON

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 108, 164, 165 et T.A. 67 (2002-2003)

Assemblée nationale : 632 et 655.

Transports aériens.


PREMIÈRE PARTIE DU RAPPORT

INTRODUCTION 7

I.- POURQUOI PRIVATISER AIR FRANCE ? 9

A.- LA PRIVATISATION D'AIR FRANCE EST AUSSI NÉCESSAIRE À SON DÉVELOPPEMENT QUE LA SURVIVANCE D'UN STATUT PUBLIC EST ANACHRONIQUE 9

1.- L'activité de la société Air France ne relève pas d'une mission de service public 9

a) Le transport aérien n'est pas un service public 9

b) L'activité d'Air France ne contribue que marginalement à l'exercice d'une mission de service public 9

c) Il sera toujours possible de confier à Air France des missions de service public 10

2.- Le caractère public d'Air France est devenu une anomalie dans l'Union européenne comme dans le monde 11

a) La privatisation s'inscrit dans un mouvement général en Europe. 11

b) Les compagnies nationales constituent aujourd'hui des cas résiduels 15

3.- La disparition du caractère public de la société est nécessaire à son développement 15

a) Le caractère public d'Air France handicape son développement capitalistique 15

b) Le caractère public d'Air France handicape les alliances qui sont nécessaires à sa stratégie, comme à celle de toute compagnie aérienne 16

c) Le statut public d'Air France constitue un handicap ou un frein aux rapprochements avec d'autres compagnies 17

4.- L'État actionnaire n'a pas sa place au capital d'Air France 17

5.- L'État s'est déjà engagé à privatiser Air France 19

a) La privatisation est prévue depuis la loi de 1993 19

b) L'État s'est engagé à privatiser Air France suite à la recapitalisation acceptée sous conditions par la Commission européenne 19

B.- LA NOSTALGIE DU MODÈLE D'ENTREPRISE PUBLIQUE EST À L'ORIGINE D'UN CERTAIN NOMBRE DE MALENTENDUS SUR LA PRIVATISATION D'AIR FRANCE 21

1.- La disparition du statut public n'est pas préjudiciable aux salariés d'Air France 21

a) Contrairement aux idées reçues, le statut des salariés n'est pas plus protecteur que la convention collective 21

b) En tout état de cause, le statut public d'Air France n'est pas une garantie contre les licenciements 22

2.- Il faut que cessent les comparaisons hâtives et les parallèles douteux 22

C.- LE MOMENT EST BIEN CHOISI POUR PRIVATISER AIR FRANCE : L'OPPORTUNITÉ DE LA PRIVATISATION D'UNE ENTREPRISE EN BONNE SANTÉ 23

a) Air France n'a pas toujours été une entreprise publique 23

b) Malgré la crise, les années 1990 achèvent de moderniser la société 24

2.- Les résultats et l'activité d'Air France aujourd'hui rendent possible sa privatisation 26

a) Une compagnie compétitive dans un contexte fragile 26

b) Un exercice 2002-2003 encourageant 28

c) La structure du capital d'Air France 29

d) Une situation sociale qui demeure fragile 30

3.- Calendrier de la privatisation et modalités d'intervention sur le marché 32

a) Un calendrier de privatisation imprécis parce que réaliste 32

b) Des modalités d'intervention sur le marché à définir 34

II.- UN PROJET DE LOI QUI CHERCHE À APPORTER UNE RÉPONSE ADAPTÉE À L'ÉVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE ET À LA FRAGILITÉ DES ÉQUILIBRES SOCIAUX DU TRANSPORT AÉRIEN 35

A.- IL EST IMPÉRATIF DE TENIR COMPTE D'UN CADRE JURIDIQUE COMPLEXE ET ÉVOLUTIF REPOSANT SUR LA NATIONALITÉ DES COMPAGNIES 35

1.- Le cadre juridique repose sur la prise en compte de la nationalité des compagnies aériennes 35

a) Les règles régissant l'attribution et le maintien des licences d'exploitation reposent sur la nature communautaire du transporteur aérien 35

b) Les règles d'attribution et de maintien des droits de trafics reposent sur des traités bilatéraux 36

c) Les autres États européens ont fait le choix de procédures contraignantes, dont la compatibilité avec le droit communautaire paraît souvent fragile 37

2.- L'évolution de la jurisprudence communautaire fragilise ce système juridique 39

a) Les arrêts du 4 juin 2002 de la Cour de justice des Communautés européennes rendent difficilement compatibles les dispositifs d'action spécifique avec les principes communautaires 39

b) Les arrêts du 5 novembre 2002 de la Cour de justice des Communautés européennes tendent à reconnaître la compétence de l'Union européenne dans le domaine des relations aériennes avec les pays tiers 40

B.- IL PARAÎT NÉCESSAIRE D'AMÉNAGER POUR AIR FRANCE UNE TRANSITION ADAPTÉE VERS LE DROIT COMMUN DES SOCIÉTÉS 44

1.- Air France devra abandonner certaines caractéristiques singulières liées au statut de ses personnels 44

a) Le statut actuel des personnels présente un certain nombre de singularités 44

b) Les principales dispositions liées à la caractéristique d'entreprise publique dont les personnels sont régis par un statut concernent la retraite, le régime d'assurance chômage, l'exercice du droit de grève et les instances de représentation au conseil d'administration 45

2.- Le développement de l'actionnariat salarié est une voie adaptée 47

a) Un principe fondateur de la privatisation 47

b) L'expérience de 1994 48

c) Le bilan des opérations de 1998-1999 48

AUDITION DE M. GILLES DE ROBIEN, MINISTRE DE L'ÉQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER 53

DEUXIÈME PARTIE DU RAPPORT

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 330-1 à L. 330-9 et L. 330-10 à L. 330-14 [nouveaux] du code de l'aviation civile) : Dispositions relatives au suivi et à la régulation de la nature de l'actionnariat des sociétés cotées de transport aérien

Article 2 (art. L. 342-3 du code de l'aviation civile) : Composition du conseil d'administration et du conseil de surveillance de la société Air France

Article 3 : Dispositions relatives au passage des salariés d'Air France du statut public au droit privé

Article 4 : Dispositions transitoires relatives à la prolongation du conseil d'administration de la société Air France après la privatisation

Article 5 (art. 51 de la loi n°98-546 du 2 juillet 1998) : Dispositions relatives à l'actionnariat salarié de la société Air France

Article 6 (art. L. 341-1, L. 342-1, L. 342-2 et L. 342-4 du code de l'aviation civile) : Mise à jour du code de l'aviation civile

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

TABLEAU COMPARATIF


INTRODUCTION

Au risque de pouvoir paraître répétitif, il convient de préciser d'emblée que le projet de loi adopté par le Sénat le 12 février 2003 et sur lequel vous devez à présent vous prononcer n'est pas le texte de « privatisation » d'Air France. Il s'agit d'un dispositif d'accompagnement de la privatisation, dont le champ et la portée touchent à l'évolution du cadre juridique et social applicable aux compagnies aériennes.

D'une part, ce projet de loi n'a pas vocation à s'appliquer exclusivement à la société Air France et, d'autre part, il ne revient en aucune manière sur le principe de la privatisation d'Air France, sur lequel le Parlement s'est déjà prononcé en adoptant la loi de privatisation de 1993 (1), modifiant celle de 1986 (2).

Il ne fait guère de doute, cependant, que le débat - pourtant anachronique, désormais - portera inévitablement sur l'opportunité de concrétiser l'opération de privatisation d'une entreprise publique comme Air France. C'est pourquoi, préalablement à l'examen des articles du présent projet de loi, les justifications à la privatisation d'Air France seront présentées et mises en regard des idées reçues et des faux arguments de défense du modèle d'entreprise publique.

Dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2003, votre Rapporteur rappelait que « dans la perspective de l'ouverture du capital d'Air France annoncée par le Gouvernement le 29 juillet 2002, c'est sur une compagnie performante que le Parlement aura bientôt à se prononcer, afin de déterminer les conditions de sa privatisation et le champ du contrôle que l'État conservera sur cette entreprise, qui a désormais besoin de consolider ses alliances et de développer ses partenariats. En tout état de cause, cette opération interviendra lorsque les conditions de marché le permettront, le statut du personnel devrait être prorogé pendant une période transitoire et des dispositions de protection des droits de trafic devront être mises en place » (3).

Le moment est donc venu d'examiner les conditions d'accompagnement de la privatisation d'une entreprise publique dont on osera dire qu'elle doit désormais voler... de ses propres ailes.

*

* *

I.- POURQUOI PRIVATISER AIR FRANCE ?

Le maintien du statut actuel, obsolète, et de la structure du capital présente des inconvénients certains, en termes de concurrence et de frein aux alliances, en regard d'avantages plus supposés que réels.

A.- LA PRIVATISATION D'AIR FRANCE EST AUSSI NÉCESSAIRE À SON DÉVELOPPEMENT QUE LA SURVIVANCE D'UN STATUT PUBLIC EST ANACHRONIQUE

Votre Rapporteur dénombre cinq bonnes raisons de penser que la privatisation d'Air France est aujourd'hui un impératif.

1.- L'activité de la société Air France ne relève pas d'une mission de service public

a) Le transport aérien n'est pas un service public

Le transport aérien est un secteur éminemment concurrentiel. L'exemple du développement extrêmement dynamique des compagnies à bas coûts (dites low cost) témoigne des mutations de ce secteur dans lequel il n'existe pas de monopole naturel.

On rappellera, pour mémoire, que le contrôle de l'État sur la société Air France s'exerce, pour l'essentiel, au travers de son rôle d'actionnaire. La tutelle de l'État sur Air France va cependant au-delà de ce seul rôle. En effet, l'article L. 342-1 du code de l'aviation civile prévoit que la compagnie Air France est soumise au contrôle général du ministre chargé de l'aviation civile (4) et à un contrôle économique et financier (5).

b) L'activité d'Air France ne contribue que marginalement à l'exercice d'une mission de service public

D'après les informations recueillies par votre Rapporteur, sur l'exercice 2001/2002, la part du chiffre d'affaires consacré aux activités de service public et d'aménagement du territoire rapportée au chiffre d'affaires total est de 6,2 % (6) et la part de la compensation versée par l'État, à ce titre, dans le chiffre d'affaires total d'Air France est de 0,11 % (7). En comparaison, au sein du groupe Air France, la part du chiffre d'affaires de Régional Compagnie Européenne consacré à ces mêmes activités est également de 6,2 % et la part des subventions de l'État s'élève à 2,8 % (8). Quant à Brit Air, 2 % de son chiffre d'affaires est consacré aux obligations de service public, pour 0 % de subvention de l'État (9).

c) Il sera toujours possible de confier à Air France des missions de service public

La privatisation d'Air France n'empêchera pas l'État de confier à la compagnie des missions d'intérêt général et d'édicter des obligations de service public, en procédant à des appels d'offre, pour l'exploitation de lignes aériennes non rentables dans le cadre d'une contractualisation.

L'État conserve, du reste, ses prérogatives en matière de réquisition dans le cas d'une situation d'urgence.

L'encadré ci-après rappelle les obligations de service public de la société Air France, aujourd'hui. Il est important de préciser que les conditions d'exercice des missions de service public par les compagnies aériennes ont profondément évolué au cours des dernières années(10). Le principal mécanisme permettant aujourd'hui d'assurer le maintien de certaines lignes régionales non rentables est assuré par le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA), qui prend en charge la péréquation en faveur des aéroports ne disposant pas de ressources suffisantes pour couvrir leurs dépenses de sûreté, d'une part, et en faveur des lignes aériennes non rentables, d'autre part (11). On rappellera enfin que l'attribution des lignes non rentables bénéficiant du soutien du FIATA s'effectue dans des conditions visées par la législation communautaire, impliquant le recours à un appel d'offre auquel peuvent participer toutes les compagnies aériennes communautaires.

LES OBLIGATIONS DE SERVICE PUBLIC DE LA SOCIÉTÉ AIR FRANCE

La compagnie Air France exploite plusieurs liaisons soumises à des obligations de service public dans le cadre du règlement CE n° 2408/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires.

Les liaisons exploitées entre Paris et les départements d'outre-mer (Guyane, Guadeloupe, Martinique et Réunion), sur lesquelles Air France est présente, sont soumises à des obligations de service public. Ces dessertes ne donnent lieu au versement d'aucune subvention, et leur accès reste libre pour l'ensemble des transporteurs aériens communautaires.

Air France exploite également, en partenariat avec la Compagnie Corse Méditerranée, les liaisons de service public entre Paris (Orly), d'une part, Ajaccio, Bastia et Calvi, d'autre part. Jusqu'en octobre 2002, ces liaisons étaient exploitées en exclusivité et dans le cadre de délégations de service public attribuées après appels d'offres. La procédure d'appels d'offres devant permettre le renouvellement de ces délégations de service public pour une durée de trois ans à partir de novembre 2002 ayant été annulée par le tribunal administratif de Bastia, la collectivité territoriale de Corse a décidé de mettre en œuvre, sur ces liaisons ainsi que sur la liaison Paris (Orly) - Figari, un dispositif d'aides individuelles à caractère social, qui pourra le cas échéant être revu après la décision du Conseil d'État auprès duquel la collectivité territoriale de Corse s'est pourvue en cassation.

Il est également à noter que les compagnies Brit Air et Régional CAE, filiales du groupe Air France, exploitent six liaisons soumises à obligations de service public en France métropolitaine (Orly - Rodez, Orly - Lannion, Rennes - Toulouse, Lorient - Lyon, Rennes - Lille et Rennes - Mulhouse). Toutefois, seule la liaison Lorient - Lyon fait l'objet d'une délégation de service public et d'une compensation du déficit d'exploitation par les collectivités locales concernées et le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA). Régional CAE exploite également la liaison soumise à obligations de service public reliant Strasbourg à Copenhague, dans le cadre d'une délégation de service public, avec une subvention d'équilibre versée par le ministère des affaires étrangères et des collectivités locales alsaciennes.

2.- Le caractère public d'Air France est devenu une anomalie dans l'Union européenne comme dans le monde

a) La privatisation s'inscrit dans un mouvement général en Europe.

On rappellera que British Airways a été privatisée dès 1987, que la privatisation de Lufthansa a été finalisée en 1997 ou encore que Iberia fut privatisée en 2001 (12).

Les tableaux ci-après dressent un bilan sommaire de la privatisation de KLM, British Airways et Lufthansa.

BILAN DE LA PRIVATISATION DE KLM

Résumé de l'opération :

L'État hollandais a réduit en mars 1986 sa participation au capital de KLM de 54,9% à 39%

_ Date : 26 mars 1986

_ Prix d'émission : 24,2 euros

_

graphique
Montant total : 363,5 millions d'euros

Performance de l'action depuis la privatisation :

Commentaires :

_ L'État dispose d'une option pour remonter à 50,2 % afin de préserver les accords bilatéraux

_ La capitalisation boursière après opération était de 1,3 milliard d'euros

_ Cours de référence du titre (moyenne 1 mois) : 23,8 euros

BILAN DE LA PRIVATISATION DE BRITISH AIRWAYS

Résumé de l'opération :

En 1987, l'État britannique a cédé la totalité du capital de British Airways par voie d'introduction en bourse

_ Date : 11 février 1987

_ Prix d'émission : 1,9 euro payé en deux fois (1 euro payé le 11 février 1987- et 0,9 euro payé le 18 août 1987)

_ Montant total : 1 343 millions d'euros

Performance de l'action depuis la privatisation :

graphique

Commentaires :

_ Les particuliers qui conservaient 10 actions jusqu'au 28 juin 1990 se voyaient attribuer une action gratuite

_ Jusqu'au 31 janvier 1992, participation limitée à 15 % pour tout actionnaire

graphique

BILAN DE LA PRIVATISATION DE LUFTHANSA

Résumé de l'opération :

L'État allemand a réduit en septembre 1994 sa participation au capital de Lufthansa de 51% à 35,7%

_ Date : 7 octobre 1994

_ L'opération a induit une augmentation de capital

_ Cession d'actions à hauteur de 558 millions d'euros

graphique
Performance de l'action depuis la privatisation :

Commentaires :

_ Avant l'opération, la participation de l'État s'élevait à 51 %

_ Structure de l'actionnariat après opération :

- État : 35,7 %

- Investisseurs allemands : 40 %

- Investisseurs étrangers : 24,3 %

_ La capitalisation boursière après l'opération : 3,6 milliards d'euros

_ Cours de référence du titre (moyenne 1 mois) : 97 euros

_ Le cours a « sur-performé » l'indice Dax sur une période d'un an suivant l'opération

b) Les compagnies nationales constituent aujourd'hui des cas résiduels

Ainsi, la survivance d'une compagnie SAS où le Danemark détient 14,3 % du capital, la Norvège 14,3 % et la Suède 21,4 % est liée à son origine pluri étatique. Le statut de SAS pourrait d'ailleurs être amené à évoluer et il faut souligner qu'aujourd'hui déjà, 50% du capital est détenu par des capitaux privés.

De même, le Gouvernement italien, qui détient 53 % du capital d'Alitalia, pourrait être amené à envisager une privatisation de cette compagnie, où les salariés détiennent 20 % du capital.

Bref, Air France est quasiment la dernière entreprise publique de transport aérien en Europe.

3.- La disparition du caractère public de la société est nécessaire à son développement

a) Le caractère public d'Air France handicape son développement capitalistique

Le problème de l'essoufflement des capacités financières de l'État actionnaire se pose de plus en plus fortement. Il paraît désormais évident que l'État ne sera plus capable de faire face aux besoins capitalistiques futurs d'Air France.

À l'origine, les politiques d'alliance aérienne mondiale ne nécessitaient pas de participation capitalistique : une prise de participation dans le capital d'une autre compagnie membre de l'alliance était soit d'ordre purement symbolique, soit de nature à créer des difficultés entre compagnies, comme c'est le cas de KLM et Northwest. Dans un deuxième temps, le développement de ces politiques, notamment dans le cadre d'immunités antitrust, a permis d'aller au-delà de simples accords commerciaux, puisque certaines formes de partage de recettes ou bénéfices, même limitées, peuvent être pratiquées. Ces développements n'impliquent pas nécessairement, eux non plus, des participations capitalistiques.

Par contre, les nécessités économiques d'amélioration de la compétitivité et de la taille des entreprises face à la concurrence des compagnies low cost et des compagnies aériennes concurrentes de taille très supérieure, impliquent en Europe une obligation de consolidation et, donc, des opérations capitalistiques plus lourdes à terme. L'échange de capital entre Air France et Alitalia, qui reste à ce stade symbolique, est lié à la volonté affichée par les deux entreprises de fusionner à long terme, une fois leur privatisation respective menée à bien.

b) Le caractère public d'Air France handicape les alliances qui sont nécessaires à sa stratégie, comme à celle de toute compagnie aérienne

Dans un contexte marqué par l'internationalisation du transport aérien, les alliances sont aujourd'hui, de l'avis général, une nécessité pour les compagnies aériennes. La privatisation doit ainsi permettre à Air France de développer l'alliance SkyTeam et de consolider par-là même ses positions concurrentielles.

LES CONSÉQUENCES DE LA PRIVATISATION D'AIR FRANCE SUR L'ALLIANCE SKYTEAM

La participation à une alliance conditionne désormais la pérennité du développement des compagnies, dans le cadre d'une globalisation du transport aérien à l'échelle mondiale. Les alliances permettent d'accroître le réseau des compagnies membres et leurs possibilités de commercialisation sans mettre en œuvre de moyens supplémentaires, ce qui autorise des économies d'échelle et l'augmentation de leur part de marché. Elles peuvent, en outre, constituer une solution aux besoins de développement d'une compagnie au départ d'un aéroport saturé ou très contraint par l'environnement.

Air France, Delta Air Lines, Aeromexico et Korean Air ont créé en juin 2000 une nouvelle alliance, SkyTeam, concurrente des premières alliances créées à la fin des années 1990 : Wings, constituée par KLM, Northwest et Continental, Star Alliance, constituée autour de United Airlines et Lufthansa, et OneWorld constituée autour d'American Airlines et British Airways. Les compagnies CSA et Alitalia ont rejoint SkyTeam respectivement en mars et en novembre 2001.

De plus, Air France a conclu des accords de partage de code avec près de 50 compagnies aériennes. Certains de ces accords, répondant aux attentes du marché sur des lignes spécifiques, sont passés avec des transporteurs qui appartiennent à des alliances concurrentes. L'ensemble des accords et partenariats d'Air France avec d'autres compagnies a permis à Air France d'augmenter son résultat de 117 millions d'euros sur l'exercice 2001/2002. Le partenariat avec Delta a rapporté plus de la moitié de ce montant. A l'horizon 2005, les accords avec Alitalia devraient représenter un gain annuel de l'ordre de 180 millions d'euros au total pour les deux compagnies.

Parallèlement à son approfondissement, la croissance de SkyTeam devrait aussi se faire par de nouvelles adhésions. Des discussions sont en cours avec la compagnie russe Aeroflot pour qu'elle rejoigne SkyTeam à compter de 2003/2004. Des discussions, moins avancées, sont également conduites avec la compagnie brésilienne TAM, South African Airways, ainsi qu'avec des transporteurs chinois. Mais le fait le plus marquant pour l'avenir de SkyTeam est l'accord de partenariat conclu en août 2002 entre les compagnies Delta, Northwest et Continental Airlines, qui pourrait entraîner l'entrée dans SkyTeam de ces deux dernières compagnies, actuellement associées à KLM au sein de Wings.

La montée en puissance des alliances et la consolidation en cours du transport aérien américain rendent inévitable la même évolution du transport aérien européen, fragmenté en une multitude de compagnies « porte drapeau », pour faire émerger quelques grands transporteurs européens aptes à concurrencer les compagnies américaines. Dans cette optique de consolidation, Air France a entamé, début 2002, des discussions en vue d'un rapprochement avec KLM. Si Air France restait avec Alitalia pour seule partenaire en Europe, elle risquerait de se trouver affaiblie au sein de SkyTeam, l'entrée de Northwest et de Continental faisant basculer le centre de gravité de l'alliance vers les États-Unis.

Source : Direction générale de l'aviation civile.

c) Le statut public d'Air France constitue un handicap ou un frein aux rapprochements avec d'autres compagnies

En particulier, le rapprochement avec KLM est aujourd'hui lié à l'exigence d'une privatisation. En effet, d'après les informations recueillies par votre Rapporteur, dans le cadre des discussions exploratoires intervenues entre Air France et KLM, les représentants de KLM ont indiqué qu'une alliance stratégique à long terme impérativement associée à des opérations capitalistiques ne pouvait se concevoir sans la privatisation d'Air France. En effet, KLM considère que la poursuite d'un but commun entre deux compagnies aériennes alliées ne peut être réalisée si l'État français reste fortement représenté dans le capital d'Air France. La privatisation d'Air France est donc une condition nécessaire pour qu'elle ne soit pas marginalisée dans la restructuration à venir du secteur en Europe, et qu'elle puisse y jouer un rôle majeur à l'instar de Lufthansa et British Airways.

De même, dans le cadre des discussions avec Ibéria en 1997/1998, la holding étatique SEPI avait indiqué qu'il ne pouvait y avoir de discussions possibles avec Air France tant qu'elle était détenue majoritairement par des capitaux publics.

De la même manière, lorsqu'en 1997 la compagnie Alitalia, à propos de laquelle le gouvernement italien avait déjà fait le choix d'une privatisation à terme, a orienté son choix d'alliance stratégique européenne sur KLM, l'un des arguments avancé était qu'Air France était encore une entreprise publique. Lors de la conclusion des accords d'alliance stratégiques entre Air France et Alitalia en 2001, le statut public de ces deux compagnies n'a pas posé de difficultés particulières puisque les deux compagnies se trouvaient dans une situation similaire et considéraient toutes deux, à terme, qu'elles seraient privatisées.

4.- L'État actionnaire n'a pas sa place au capital d'Air France

Trois raisons viennent expliquer que l'État actionnaire n'a plus sa place au capital d'Air France.

Tout d'abord, parce que la présence financière de l'État au capital d'une entreprise se révèle, d'une manière ou d'une autre, néfaste au contribuable. Le spectre d'un financement par l'impôt doit inciter à éviter toute confusion des genres.

Ensuite, parce que la présence de l'État aboutit, qu'on le veuille ou non, à une situation inéquitable du point de vue de la libre concurrence.

Enfin, parce que les leçons d'une histoire pas si ancienne permettent de comprendre qu'un État actionnaire est souvent un facteur contreproductif pour la stratégie d'entreprise. Il serait aisé de rappeler les errances de l'État actionnaire, préférant souvent ponctionner ses entreprises en période de croissance et les aider ou les recapitaliser en période de crise. Les tableaux ci-après montrent que l'ensemble des dotations en capital de l'État versées depuis 1948 et actualisées au 31 décembre 2001 représente 6,1 milliards d'euros constants. Parallèlement, l'ensemble des dividendes versés à l'État, actualisées au 31 décembre 2001, s'élève à 329 millions d'euros. La cession d'une partie des actions détenues par l'État, en 1999, a rapporté environ 1 milliard d'euros. Si l'on considère que la participation de l'État vaut, au cours actuel de l'action, 1 milliard d'euros, on constate que, face à 6,1 milliards d'euros d'investissement, l'État ne retirera au total qu'un peu plus de 2 milliards d'euros.

HISTORIQUE DES DIVIDENDES VERSÉS A L'ÉTAT

ACTUALISÉ AU 31 DECEMBRE 2001

(en millions d'euros courants)

(en millions d'euros constants)

1967

3,1

20,4

1968

1,3

7,9

1970

3,0

17,3

1973

4,6

21,2

1985

11,4

16,0

1986

19,2

26,3

1987

21,0

27,9

1988

29,7

38,3

1989

44,0

54,7

1990

30,5

36,7

2000

22,7

23,0

2001

27,1

27,1

2002

12,1

12,1

TOTAL

229,6

329,0

HISTORIQUE DES DOTATIONS EN CAPITAL DE L'ÉTAT

ACTUALISÉ AU 31 DECEMBRE 2001

(en millions d'euros courants)

(en millions d'euros constants)

1948

Apport origine

15,2

281,6

1962

Augmentation du capital

60,4

470,1

1870

Augmentation du capital

19,6

111,3

1971

Compensation créance FDES

38,1

204,7

1972

Versement de l'État

17,7

89,6

1973

Augmentation du capital

18,1

83,9

1974

Augmentation du capital

33,2

135,2

1975

Augmentation du capital

60,9

222,0

1976

Avance de l'État

94,7

315,1

1978

Avance de l'État

22,9

63,8

1980

Avance de l'État

15,2

33,8

1981

Avance de l'État

39,6

77,5

1982

Avance de l'État

17,5

30,6

1983

Avance de l'État

64,8

103,3

1984

Avance de l'État

53,4

79,3

1985

Avance de l'État

22,9

32,1

1986

Avance de l'État

6,5

8,9

1991

Avance de l'État

299,3

349,3

1992

Avance de l'État

5,6

6,4

1994

Avance de l'État

1.247,0

1.370,5

1995

Avance de l'État

1.039,7

1.122,9

1996

Avance de l'État

762,2

807,2

1999

Souscription d'actions (BSA)

11,9

12,3

TOTAL

3.966,6

6.011,4

Source : Air France

Les évolutions les plus marquantes dans le capital d'Air France ont eu lieu au cours des années quatre-vingt-dix. Le 28 décembre 1992, les compagnies UTA et Air France ont fusionné (Air France ayant été absorbée par UTA, qui a alors changé de dénomination pour s'appeler Compagnie nationale Air France). Enfin, en septembre 1997, Air France a absorbé la compagnie Air France Europe (ex Air Inter), avec effet rétroactif au 1er avril 1997. La seule recapitalisation massive par l'État a eu lieu entre 1995 et 1997, à hauteur de 3,05 milliards d'euros versés en trois tranches. Cette opération a permis à Air France de se redresser après la grave crise qu'elle a connu à partir de 1990, lui ouvrant notamment l'opportunité de diminuer le poids de son endettement. Grâce à cette recapitalisation, ainsi qu'à la mise en œuvre rigoureuse d'un plan de restructuration, Air France a renoué avec les bénéfices à la fin de son exercice 1996-1997, et a retrouvé une structure financière saine.

5.- L'État s'est déjà engagé à privatiser Air France

En tout état de cause, l'État ne peut plus, désormais, remettre en question la privatisation d'Air France.

a) La privatisation est prévue depuis la loi de 1993

Il est désormais grand temps d'achever le programme de la loi de 1993. C'est pourquoi le Premier ministre a annoncé, en juillet dernier, que le recentrage de l'État sur ses missions essentielles conduisait également à redéfinir l'intervention étatique dans le champ économique, au cas par cas, et avec une approche pragmatique, l'État ayant vocation à se retirer du secteur concurrentiel, sauf lorsque des intérêts touchant aux fonctions régaliennes de l'État sont en jeu. Dans ce cadre, fin juillet, a été annoncée la décision du Gouvernement de lancer le processus de privatisation d'Air France.

b) L'État s'est engagé à privatiser Air France suite à la recapitalisation acceptée sous conditions par la Commission européenne

L'État est désormais dans l'impossibilité de procéder à une recapitalisation, la Commission européenne ayant autorisé la dernière opération en ce sens à la condition expresse d'enclencher un processus de privatisation.

La décision de la Commission européenne du 27 juillet 1994 autorisant la recapitalisation d'Air France par l'État à hauteur de 3,05 milliards d'euros était assortie de l'obligation pour Air France et les autorités françaises de respecter seize engagements.

Ces engagements portaient pour certains sur la mise en œuvre par la compagnie de son plan de restructuration (le « Projet pour l'entreprise »), tels que le respect d'objectifs de productivité, l'interdiction que l'aide bénéficie à Air Inter ou à Air Charter, l'interdiction de la prise de participation dans d'autres compagnies, la stabilité de la flotte, la limitation de la croissance de l'offre en Europe, l'interdiction d'être la moins disante en termes tarifaires sur les liaisons intracommunautaires, la limitation du nombre de liaisons intracommunautaires exploitées et la cession des hôtels Méridien. Air France a respecté l'ensemble de ces engagements pendant les trois ans de durée du Projet pour l'entreprise.

Certains engagements concernaient directement l'État. Il s'agissait :

- d'avoir vis-à-vis d'Air France un comportement normal d'actionnaire en laissant la direction de la compagnie la gérer sans immixtion et selon des critères commerciaux ;

- de ne plus accorder à Air France de nouvelle aide sous quelque forme que ce soit ;

- de ne pas accorder à Air France de traitement préférentiel en matière de droits de trafic ;

- de réorganiser conformément aux indications de la Commission les règles de distribution du trafic entre les aéroports parisiens ;

- et de veiller à ce que les rénovations des aérogares d'Orly ne perturbe pas le jeu de la concurrence.

L'ensemble de ces engagements a été respecté par l'État, et dicte toujours la conduite de l'État envers la compagnie. En particulier, l'autonomie de décision des dirigeants est, depuis lors, réaffirmée par tous les gouvernements successifs.

Enfin, l'engagement avait été pris de débuter le processus de privatisation d'Air France, dès que sa situation économique et financière serait rétablie, en tenant également compte de la situation des marchés financiers. La société a renoué avec les bénéfices à l'issue de son exercice 1996/1997, clos le 31 mars 1997. Le Gouvernement a alors rapidement annoncé son intention d'ouvrir le capital de la compagnie au secteur privé. Cette première opération, qui a eu pour effet de faire descendre la part de l'État à 54,4 % du capital a eu lieu en février 1999. Le gouvernement actuel a annoncé dès juillet dernier son intention de poursuivre le désengagement de l'État, en privatisant la compagnie.

Au bilan, les engagements pris par l'État et Air France ont été respectés, et la recapitalisation ainsi que le plan de restructuration ont permis à la compagnie de retrouver le chemin d'une croissance rentable, ainsi qu'une structure financière qui la place parmi les compagnies aériennes européennes les plus solides.

B.- LA NOSTALGIE DU MODÈLE D'ENTREPRISE PUBLIQUE EST À L'ORIGINE D'UN CERTAIN NOMBRE DE MALENTENDUS SUR LA PRIVATISATION D'AIR FRANCE

À côté des arguments de fond, lesquels suffisent à justifier la nécessité de la privatisation d'Air France, on dénombre un certain nombre de faux arguments, couramment invoqués pour regretter la disparition du caractère public de la compagnie. Or, la plupart de ces arguments reposent avant tout sur de la nostalgie, de la crainte, du fantasme et un certain nombre d'idées reçues. Il convient donc de démonter les idées reçues sur la privatisation.

1.- La disparition du statut public n'est pas préjudiciable aux salariés d'Air France

a) Contrairement aux idées reçues, le statut des salariés n'est pas plus protecteur que la convention collective

L'idée selon laquelle le statut est un élément plus protecteur est une apparence. En fait, la convention collective est de facto plus protectrice que le statut. Le statut se modifie instantanément, quand les conditions le permettent : il est ainsi moins protecteur que le contrat pour les salariés. Dans un système conventionnel, il faut dénoncer les conventions. On soulignera que, en pratique, les modifications du statut des salariés sont discutées avec le conseil d'administration, dans le cadre de la négociation annuelle volontaire.

Peu d'aspects du statut des salariés poseront de réelles difficultés d'adaptation au droit commun. Aussi les particularités sociales d'Air France sont-elles aujourd'hui très réduites, dans la mesure notamment où il n'y a plus de spécificité dans le régime de retraites depuis 1993 et où la privatisation n'aura pas d'incidence sur le régime de protection sociale, lequel ne relève pas du statut (13). S'il n'y a pas aujourd'hui de convention collective pour les personnels navigants commerciaux, il y en a une (la convention collective de l'aviation civile) pour les personnels au sol. S'agissant de ces derniers, il y aura donc un travail à faire pour le passage du statut à la convention collective. Ce travail sera un peu difficile dans la mesure où les organisations syndicales n'ont pas nécessairement l'expérience de ce type de négociations. C'est ce qui explique notamment qu'une période transitoire de deux ans devrait être aménagée pour permettre cette transition (14).

On rappellera qu'Air Inter, par exemple, n'avait pas de statut et quasiment aucun des syndicalistes ne demandait l'intégration au statut d'Air France. Ainsi, beaucoup d'employés d'Air France aujourd'hui ne sont pas attachés au statut, à l'image notamment des personnels navigants commerciaux. On rappellera d'ailleurs que le statut d'Air France a comporté des clauses dérogatoires au droit du travail, telle la priorité à l'embauche des enfants de salariés.

b) En tout état de cause, le statut public d'Air France n'est pas une garantie contre les licenciements

Il faut rappeler que, dans le statut, une base juridique permet aujourd'hui de procéder à des licenciements économiques : celle de l'article 22, qui prévoit le licenciement économique.

D'après les informations recueillies par votre Rapporteur, 14.287 postes ont été supprimés à Air France depuis 1991, dans le cadre de plans sociaux, principalement sous la forme de préretraites. En 1991, 1.000 postes ont été supprimés (15) et 2.500 en 1992/93 (16). Le plan de redéploiement de 1992 s'est traduit par 3.145 suppressions de postes (17). Le deuxième plan social de 1992 a induit la suppression de 750 postes (18). Entre 1994 et 1998, les plans pour l'emploi ont abouti à la suppression de 5.692 postes, notamment au travers de départs naturels ou volontaires, de projets personnels, de congés de mobilité ou dans le cadre des Mesures pour l'Emploi (19). Enfin, les plans de départs volontaires du personnel navigant commercial ont conduit à supprimer 1.200 postes entre 1996 et 1997.

2.- Il faut que cessent les comparaisons hâtives et les parallèles douteux

Tout d'abord, il est important de dire que l'échec d'Air Lib ne prouve rien s'agissant de la privatisation d'Air France. La situation d'Air Lib n'a rien à voir, en effet, avec la problématique de la privatisation d'Air France, et l'Assemblée nationale aura probablement d'autres occasions d'en faire la démonstration. L'échec d'Air Lib tient d'abord au fait que, dès sa genèse, la compagnie a été un gouffre financier, dont le modèle économique n'a jamais su trouver son équilibre. Ni AOM, ni Air Liberté n'ont jamais disposé des fondamentaux qui leur auraient permis de réellement concurrencer Air France. En fait, cette compagnie n'avait pas les moyens de se développer.

On pourrait, d'autre part, aller jusqu'à dire qu'Air France a moins de chances d'être en difficulté en étant privée que publique. En tout cas, ce n'est pas parce qu'Air France demeurerait une entreprise publique qu'elle ne serait pas mortelle.

Enfin, il est inacceptable de se servir de l'argument selon lequel l'entreprise est en bonne santé pour soutenir qu'il ne faudrait pas la privatiser. Cette idée est tout à la fois absurde et choquante, dans la mesure où le raisonnement a contrario serait inacceptable. Au demeurant, il a été rappelé que ce n'est pas tant la situation économique d'Air France qui est exceptionnelle que ses bons résultats comparatifs dans un contexte tendu.

C.- LE MOMENT EST BIEN CHOISI POUR PRIVATISER AIR FRANCE : L'OPPORTUNITÉ DE LA PRIVATISATION D'UNE ENTREPRISE EN BONNE SANTÉ

a) Air France n'a pas toujours été une entreprise publique

Air France est née en août 1933, à la suite de la crise économique des années trente, du regroupement des principales compagnies aériennes françaises, Air Union, Air Orient, la Société Générale de Transports Aériens, la Compagnie Internationale de Navigation Aérienne et l'Aéropostale. Air France disposait à la veille de la seconde guerre mondiale d'une flotte d'une centaine d'appareils et du troisième plus grand réseau mondial (46.500 kilomètres) desservant l'Europe continentale, le bassin méditerranéen, l'Afrique, l'Amérique du sud et l'Indochine.

La société Air France est nationalisée en juin 1945 et se voit alors confier l'ensemble du réseau aérien français existant au lendemain de la guerre. Le 1er juillet 1946, la compagnie a inauguré le premier service Paris - New-York en DC4, liaison parcourue en près de 24 heures (20). Air France participe en 1954, avec la SNCF et la Caisse des Dépôts et Consignations à la création de la compagnie domestique Air Inter, dont l'exploitation commerciale régulière ne débute réellement qu'en 1960. L'État décide en 1963 de confier la desserte de l'Afrique de l'ouest, du centre et du sud, du Pacifique et de l'ouest des États-Unis à la compagnie privée Union des Transports Aérien (UTA), issue de la fusion cette même année des compagnies UAT et TAI.

Au tout début des années soixante, Air France est une des premières compagnies mondiales à mettre en service des appareils à réaction, le De Havilland Comet puis les Caravelle et les Boeing 707. Ces derniers permettent de réduire de moitié les temps de parcours sur le réseau long-courrier, et notamment de desservir New York sans escale. A partir de ce moment, Air France, dont la quasi totalité de l'activité est internationale, est soumise à la concurrence grandissante des compagnies étrangères : son trafic progresse de 7,5 % par an pendant les années soixante, ce qui marque un net ralentissement par rapport aux décennies précédentes. La mutation technologique du transport aérien s'achève, avec l'arrêt de l'exploitation des derniers avions long-courrier à hélice en 1966, l'arrivée dans la flotte d'Air France du Boeing 747 en 1970 et enfin du Concorde en 1976. Les nouveaux appareils, plus rapides et d'une grande capacité, permettent l'essor de l'activité de la compagnie au cours des années soixante-dix.

En 1983, alors qu'elle fête ses cinquante ans, Air France exploite un réseau de 635.000 kilomètres desservant 150 escales dans 73 pays à l'aide d'une flotte de 99 appareils. Elle est la 4ème compagnie mondiale pour le transport de passagers et la 2ème pour le transport de fret.

b) Malgré la crise, les années 1990 achèvent de moderniser la société

En 1990, Air France rachète la compagnie UTA, qui détenait une participation importante dans Air Inter. Air France constitue ainsi avec ces deux compagnies un groupe desservant à la fois les liaisons intérieures et l'ensemble des grandes destinations étrangères. Air France et UTA fusionnent en 1992, puis Air Inter, devenue entre temps Air France Europe, est absorbée par Air France en 1997.

Au début des années quatre-vingt-dix, le transport aérien mondial connaît une grave crise, qu'Air France n'a pu surmonter que grâce à un effort très important de l'État et à une profonde restructuration. La compagnie bénéficie d'une recapitalisation de 3,05 milliards d'euros et met en œuvre sous l'égide de son président de l'époque, M. Christian Blanc, un plan stratégique de redressement approuvé par les salariés, le « Projet pour l'entreprise 1994-1996 ». Cette période voit la construction d'une plate-forme de correspondances (un « hub ») à Roissy, inaugurée en 1996, la mise en place de nouveaux outils de gestion pour optimiser la recette (yield management) ainsi que le lancement de nouveaux produits moyen et long-courrier. Ces mesures visant à augmenter le chiffre d'affaires s'accompagnent également d'une politique de réduction des coûts. Cette stratégie porte ses fruits puisqu'Air France redevient bénéficiaire lors de son exercice 1996/1997.

En 1995, Air France installe son siège social à Roissy, et poursuit le renouvellement de sa flotte, notamment long-courrier, avec la mise en service de l'Airbus A340 et du Boeing 747-400 qui permettent de multiplier les lignes long-courriers exploitées sans escale. Sur le réseau intérieur, graduellement ouvert à la concurrence au cours des années quatre-vingt-dix, Air France renforce sa position en lançant la Navette, en 1996, qui relie Orly à Marseille, Nice et Toulouse puis Bordeaux en 1999. Air Inter, déjà entrée indirectement sous le contrôle d'Air France alors du rachat d'UTA, fusionne avec Air France le 1er avril 1997.

En 1998, le gouvernement décide d'ouvrir le capital de la compagnie au secteur privé. Pour marquer cette évolution, elle abandonne le nom de « Compagnie nationale Air France » pour celui de « société Air France », en application de la loi du 2 juillet 1998. L'État cède près de 45 % du capital, plus de 72 % des salariés devenant actionnaires de la compagnie à cette occasion. La société est cotée en bourse depuis le 22 février 1999.

En juin 1999, Air France et Delta Air Lines signent un accord de partenariat qui jette les bases de l'alliance globale SkyTeam, qui naît le 22 juin 2000 et regroupe les compagnies Aeromexico, Air France, Delta Air Lines, et Korean Air. En 2001, la compagnie tchèque CSA et Alitalia rejoignent SkyTeam. Enfin, en 2000, Air France prend le contrôle des compagnies régionales françaises Proteus, Regional Airlines et Brit Air, ce qui lui permet de renforcer sa présence sur le marché intérieur français.

PRÉCÉDENTES LOIS AYANT DIRECTEMENT CONCERNÉ AIR FRANCE

La première loi ayant directement concerné la compagnie Air France est la loi n° 48-976 du 16 juin 1948 portant institution de la Compagnie nationale Air France. Cette loi a été codifiée dans le code de l'aviation civile et commerciale par décret n° 55-1590 du 30 novembre 1955, en application de la loi n° 53-515 du 28 mai 1953 relative à la procédure de codification des textes législatifs concernant l'aviation civile et commerciale. La partie législative du code de l'aviation civile a reçu force de loi en application de la loi n° 72-1090 du 8 décembre 1972 ; le titre IV de son livre III concerne spécifiquement Air France (avec un chapitre premier « institution », constitué des articles L. 341-1 et L. 341-2, et un deuxième chapitre « fonctionnement », comportant les articles L. 342-1 à L. 342-4).

Le titre du code concernant Air France a ensuite été modifié, à plusieurs reprises. L'article L. 342-4 a été modifié par la loi n° 89-467 du 10 juillet 1989 tendant à renforcer la sécurité des aérodromes et du transport aérien et modifiant diverses dispositions du code de l'aviation civile, pour prévoir une représentation spécifique des personnels navigants professionnels au sein des comités d'établissement et du comité central d'entreprise d'Air France.

L'article L. 341-2, qui prévoyait que 30 % du capital d'Air France devaient être cédés à des collectivités et établissements publics ainsi qu'à des personnes privées de nationalité française a été abrogé par la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, qui a également placé la société Air France sur la liste des sociétés privatisables.

La loi n° 2001-5 du 4 janvier 2001 relative à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'État et portant modification du code de l'aviation civile a amené un simplification de l'objet social de la société (modification de l'article L. 341-1), une réécriture de l'article L. 342-2 supprimant des dispositions obsolètes sur l'équilibre des comptes de la société et prenant en compte la réglementation communautaire sur les obligations de service public, ainsi que l'inclusion dans la partie législative du code de dispositions relatives à la composition du conseil d'administration.

D'autres dispositions législatives, n'ayant pas modifié le code de l'aviation civile, concernent cependant spécifiquement Air France.

L'article 17 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a permis la cession gratuite d'actions d'Air France à ses salariés ayant consenti à une réduction de leurs salaires pour une durée de trois ans. Ces dispositions autorisaient l'Etat à céder ainsi jusqu'à 20 % du capital de la compagnie.

L'article 30 de la loi n° 96-151 du 26 février 1996 relative aux transports a modifié les dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public pour prendre en compte la fusion entre UTA et Air France et la création de la société «  Groupe Air France SA » dont la « Compagnie nationale Air France » est devenue une filiale. Cet article prévoyait également les règles de composition du conseil d'administration de la société Groupe Air France SA.

Outre le fait d'avoir disposé que la dénomination « Compagnie nationale Air France » est remplacée par « société Air France » dans les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, l'article 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a autorisé l'État à céder gratuitement, dans la limite de 12 % du capital, des actions de la société Air France aux salariés de cette dernière ayant consenti à des réductions de leur salaire pour la durée de leur carrière professionnelle. Cet article a également prévu que le volume de titres devant être proposés aux salariés en cas de cession d'une participation de l'État dans la société pouvait être porté de 10 % à 15 % des titres cédés.

2.- Les résultats et l'activité d'Air France aujourd'hui rendent possible sa privatisation

Dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2003, votre Rapporteur rappelait que les résultats et l'activité d'Air France rendent possible sa privatisation (21). La bonne santé d'Air France permet, en effet, d'envisager avec optimisme la privatisation à venir. Il convient néanmoins de souligner que cette bonne santé n'est que très relative : Air France se porte moins mal que les autres compagnies, au milieu d'une conjoncture marquée par la grave crise du transport aérien que les attentats du 11 septembre 2001 ont amplifiée.

a) Une compagnie compétitive dans un contexte fragile

Au titre des facteurs explicatifs des résultats plus qu'honorables de la compagnie, on mentionnera le fait que, face à une telle crise, certains opérateurs ont pu compenser la baisse de la demande globale par des gains de parts de marché : depuis 5 ans, Air France est la compagnie qui a gagné le plus de parts de marché (devant British Airways). D'autre part, l'efficacité stratégique de la plateforme de correspondance de Roissy Charles-de-Gaulle permet de mener Air France dans une stratégie de croissance rentable. D'après les informations recueillies par votre Rapporteur, la compagnie affiche des gains de parts de marché sur de nombreux faisceaux. Par exemple, Air France se positionne très bien sur les marchés d'Europe du Sud (22). Elle progresse également aux États-Unis et sur le marché américain. En Asie, après une longue période de mauvaises performances, elle progresse globalement sur cette zone, s'inscrivant au deuxième rang des opérateurs européens, notamment à Hong Kong, en Chine et surtout au Japon. Néanmoins, le vrai point faible d'Air France en Asie demeure l'Inde, où la position de marché de la compagnie est encore limitée. Quant à l'Afrique, après le retrait de Sabena, Swiss Air et Air Afrique, les positions d'Air France ont logiquement connu une très forte progression en Afrique de l'ouest. Le réseau le plus rentable en marges demeure d'ailleurs l'Afrique. En comparaison avec les compagnies européennes, la croissance des parts de trafic révèle, depuis 5 ans, une forte progression d'Air France par rapport aux autres compagnies, et notamment une tendance à l'égalisation des performances entre British Airways et Air France.

Au surplus, lorsque l'on procède à une analyse des coûts en équivalents sièges par kilomètre offert, Air France paraît jouir d'un léger avantage comparatif sur British Airways et Lufthansa. Toutefois, de telles comparaisons de coûts sont délicates, puisqu'elles reposent sur des estimations des compagnies et qu'elles dépendent de la structure des réseaux, qui exprime aussi des vocations d'entreprise parfois très différentes. Ainsi British Airways semble-t-elle volontairement accepter un prix au siège/kilomètre plus haut, afin de se positionner sur un type de produit haut de gamme. On se contentera donc d'observer que depuis 1998, les coûts au siège chez Air France sont restés stables en euros courants (c'est-à-dire qu'ils ont décru en euros constants).

S'il faut prendre en compte des coûts variables spécifiques, comme le coût du kérosène (23) ou celui des assurances, les deux variables fondamentales jouant sur coûts demeurent les coûts du personnel (durée du travail et effectifs) et la variable marketing (i.e. le coefficient de remplissage). De même, le coût de la flotte apparaît comme essentiel(24). Quant à l'optimisation de la gestion de ressources humaines, si elles demeure obérée par les mouvements sociaux récurrents, elle passe d'abord par des efforts de maîtrise des coûts de personnel, en particulier s'agissant des personnels au sol. On rappellera que les frais de personnel s'élèvent à 3,738 milliards d'euros, en hausse de 8,8 % sur l'exercice 2001-2002. Ce poste correspond à 29,8 % du chiffre d'affaires, contre 28 % sur l'exercice 2000-2001, pour un effectif moyen pondéré du groupe Air France de 64.717 personnes (25) au 31 mars 2001, en augmentation de 9,3 % (6,2 % à périmètre constant).

Le chiffre d'affaires consolidé de l'exercice, clos le 31 mars 2002, s'élève, pour l'exercice 2001-2002, à 12,528 milliards d'euros, en augmentation de 2 % par rapport à l'exercice précédent. Le transport de passagers sur vols réguliers génère sur l'exercice 2001/02 un chiffre d'affaires de 9,491 milliards d'euros, en croissance de 4,4 % par rapport à l'exercice précédent (26). S'agissant du transport régulier de passagers, le tableau suivant résume les parts de marché des quatre plus grosses compagnies européennes pour les trois dernières années civiles :

graphique

Pour le transport de fret, le tableau suivant indique les parts de marché des quatre plus gros opérateurs européens :

graphique

Air France reste le deuxième opérateur de fret européen, mais sa part de marché s'est légèrement érodée de 1999 à 2001.

b) Un exercice 2002-2003 encourageant

Sur les neuf premiers mois de son exercice 2002/2003 (d'avril à décembre 2002), Air France enregistre un chiffre d'affaires consolidé en hausse de 2,1 % à 9,69 milliards d'euros. Le chiffre d'affaires passager régulier progresse de 3,3 %, à 7,43 milliards d'euros, alors que le trafic progresse également de 3,3 % et la capacité offerte de 2,2 %. Le chiffre d'affaires de l'activité fret augmente de 3,6 % par rapport à la même période de l'exercice précédent, à 1,12 milliard d'euros. Le chiffre d'affaires de l'activité maintenance s'élève à 0,41 milliard d'euros (- 1,4 %) et celui des autres activités à 0,11 milliard d'euros (-10,3 %).

Les coûts unitaires de production baissent de 0,9 %, ce qui permet à Air France d'enregistrer un résultat d'exploitation avant prise en compte des cessions aéronautiques de 295 millions d'euros contre 157 millions d'euros un an auparavant. Après des cessions d'avions de 20 millions d'euros (56 millions d'euros pour les neuf premiers mois de l'exercice précédent), le résultat d'exploitation s'élève à 315 millions d'euros contre 213 millions d'euros, pour la même période de l'exercice 2001/2002.

Le résultat financier reste négatif mais s'améliore, passant de - 85 millions d'euros à - 48 millions d'euros, principalement grâce à un résultat de change positif de 56 millions d'euros ; le résultat avant impôts est de 278 millions d'euros (+ 68 %). Le résultat net consolidé part du groupe s'élève à 218 millions d'euros pour les neuf premiers mois de l'exercice 2002-2003 (contre 152 millions d'euros un an auparavant, soit une augmentation de 43,4 %).

S'agissant du bilan, les capitaux propres s'élèvent à 4,14 milliards d'euros et l'endettement net à 2,96 milliards d'euros. Les investissements se sont élevés à 0,98 milliard d'euros sur les neuf premiers mois de l'exercice et ont été en quasi totalité autofinancés. Le ratio d'endettement est de 0,71 au 31 décembre 2002, ce qui est un chiffre stable (0,73 au 31 mars 2002).

Selon la compagnie, les résultats de l'exercice 2002/2003, qui sera clos le 31 mars 2003, devraient être en amélioration par rapport à ceux de l'exercice passé, sous réserve des répercussions d'un éventuel conflit en Irak.

RÉPARTITION DES CHARGES DE PERSONNEL D'AIR FRANCE EN 2001-2002

Charges de personnel
(en millions d'euros)

Effectif moyen
annuel pondéré

Coût unitaire
(en euros)

Personnel sol (France et DOM)

2.009,2

43.115

46.601

Personnel navigant commercial

618,9

12.275

50.420

Personnel navigant technique

685,5

3.906

175.499

Total

3.313,6

59.296

55.882

EFFECTIFS D'AIR FRANCE AU 1ER JANVIER 2003

Effectifs

Personnel sol (France et DOM)

37.946

Dont cadre

6.829

Dont non-cadre

31.117

Personnel local (sol)

5.773

Personnel navigant commercial

12.139

Personnel navigant technique

4.023

Total (équivalent temps plein)

59.881

Source : Air France.

c) La structure du capital d'Air France

À l'issue de la première ouverture du capital de la société Air France, le 22 février 1999, l'État et le secteur public détenaient 63 % du capital, les salariés 12 % (dont 7,2 % issus de l'échange de salaire contre des actions) et les actionnaires autres que l'État et les salariés 25 %.

Après l'attribution, en avril 2002, d'actions gratuites après trois années de détention, en application des modalités de certaines des offres préférentielles d'acquisition réservées aux salariés d'Air France, le capital de la société se répartissait entre l'État (54,4 %), les salariés (12,7 %) et un flottant de 32,9 % (comprenant environ 0,6 % d'actions d'autocontrôle détenues par la société). Cette répartition n'a pas varié depuis. Les actions détenues par les salariés sont logées à 93 % dans des fonds communs de placement d'entreprise.

STRUCTURE ACTUELLE DU CAPITAL D'AIR FRANCE

Part du capital

État

54,4 %

Salariés

12,7 %

Autres actionnaires

32,9 %*

TOTAL

100 %

* 0,6 % dont d'autocontrôle détenu par Air France.

Source : Direction générale de l'aviation civile.

La connaissance de l'actionnariat d'Air France est directe pour les titres détenus au nominatif et se fait, pour les titres au porteur, par l'entremise des mécanismes d'identification des détenteurs de titres (procédure des titres au porteur identifiables - TPI) introduits par la loi sur les nouvelles régulations économiques. Dans la dernière enquête réalisée en septembre 2002, on dénombrait 10,4 % de personnes morales non françaises, pour l'essentiel des grands fonds d'investissements professionnels de renom qui investissent également dans le capital des autres compagnies aériennes) et dont l'origine géographique est principalement britannique (3,3 % du capital), américaine (3,01 %) et allemande (0,45 %).

d) Une situation sociale qui demeure fragile

Il ressort des auditions préparatoires à ce rapport que la situation sociale au sein de la société Air France est marquée par la perspective de la privatisation de la société, ainsi que par le conflit récurrent avec les pilotes concernant les rémunérations. Depuis septembre dernier, la plupart des syndicats d'Air France (27), à l'exception notable du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), ont affirmé à plusieurs reprises leur opposition à la privatisation. Cette opposition s'est traduite par la participation des salariés de l'entreprise à trois journées de mobilisation et de grève aux cotés d'autres salariés du secteur public (EDF et SNCF), qui ont été de moins en moins suivies. La direction de l'entreprise a proposé aux syndicats de l'entreprise un accord-cadre garantissant le « maintien des acquis sociaux pour chaque salarié » après la privatisation. Ce texte est actuellement en cours de signature.

L'entreprise met en œuvre depuis 1998 une politique d'accords pluriannuels par catégorie de personnel (personnel au sol, personnel navigant commercial et personnel navigant technique) portant sur des matières diverses comme la durée du travail, les rémunérations, l'emploi, les conditions de travail. Les syndicats du personnel au sol ainsi que les syndicats du personnel navigant commercial ont récemment renouvelé les accords les concernant pour une nouvelle période de cinq ans. Ayant assuré le renouvellement de ces accords fondamentaux pour la vie collective de l'entreprise, la direction d'Air France met en place un calendrier destiné à ouvrir le dossier des futures négociations des conventions d'entreprise, qui, elles aussi, se déclineront selon les catégories de personnel. Seul le personnel navigant technique a pour l'instant refusé cette démarche. L'accord que les organisations syndicales le représentant avaient signé en 1998 est arrivé à échéance en octobre 2001. Compte tenu des événements du 11 septembre 2001, les syndicats ont accepté de repousser les négociations d'un an. Leurs revendications portent essentiellement sur les rémunérations. Un accord intermédiaire a été signé le 30 avril 2002 qui augmente leur rémunération de 7,5 % (28).

Le tableau ci-après rappelle le poids des représentations syndicales au comité d'entreprise d'Air France :

SYNDICATS REPRÉSENTATIFS - SOCIÉTÉ AIR FRANCE

SYNDICATS

Audience (*)

(en % global pour la

Compagnie Air France)

ALTER (Syndicat de pilotes)

Personnel navigant technique

1,20

SNOMAC (Syndicat des mécaniciens navigants)

Personnel navigant technique

0,54

SNPL (Syndicat de pilotes)

Personnel navigant technique

3,26

SNPNAC (Syndicat de pilotes)

Personnel navigant technique

0,54

SPAC (Syndicat de pilotes)

Personnel navigant technique

1,09

SPAF (Syndicat de pilotes)

Personnel navigant technique

0,79

SNPNC

Personnel navigant commercial

5,62

CFDT

Toutes catégories de personnel

15,80

CFTC

Toutes catégories de personnel

2,90

CGC + UNAC

CFE/CGC - Personnel au sol

UNAC/CGC - Personnel navigant

12,87

(6,55)

(6,32)

CGT + UGICT

26,05

FO + FO Cadres

18,45

SNMSAC (Syndicat des mécaniciens au sol)

Personnel au sol

3,30

STC (Syndicat des travailleurs corses)

Personnel au sol

0,21

SUD AERIEN

Personnel au sol

3,67

UNSA

Personnel au sol et navigant commercial

3,71

(*) Moyenne des résultats aux élections DP/CE du 8 mars 2001.

Source : Air France

3.- Calendrier de la privatisation et modalités d'intervention sur le marché

a) Un calendrier de privatisation imprécis parce que réaliste

On rappellera, au préalable, que plusieurs étapes juridiques doivent être franchies pour que l'opération de placement sur le marché des titres d'Air France possédés par l'État puisse être mise en œuvre : si le projet de loi est adopté, un décret d'application en Conseil d'État devra ensuite être pris. Puis, une assemblée générale modifiant les statuts de la société Air France, devra se réunir.

La date de l'opération, qui nécessite l'information la plus précise possible des investisseurs potentiels, doit tenir compte du calendrier de publication des informations financières de la compagnie, les comptes semestriels étant rendus publics en novembre et les comptes annuels en mai.

La privatisation d'Air France pourrait donc avoir lieu au plus tôt à la mi-2003, ou en fin d'année 2003. Toutefois, elle ne pourra intervenir que lorsque les conditions du marché le permettront. La valeur boursière d'Air France est actuellement pénalisée par les conditions générales du marché et les incertitudes liées au rythme de redressement de la conjoncture économique mondiale et au contexte géopolitique international, et ne paraît pas refléter correctement les forces et les atouts de la compagnie par rapport à ses concurrentes.

GRANDES TENDANCES DE L'ÉVOLUTION DU COURS DE BOURSE

Le titre Air France avait entamé l'année 2002 de manière très positive, soutenu par la reprise d'un trafic aérien supérieur aux attentes du marché. Cette tendance s'est maintenue jusqu'au printemps, avec la publication de résultats satisfaisants pour le troisième trimestre de l'exercice. Après avoir atteint un plus haut de 21,2 euros le 11 mars 2002 et sur-performé tant dans son secteur que vis-à-vis du marché dans son ensemble, le cours s'est inscrit dans une tendance à la baisse durable jusqu'à atteindre un plus bas de 7,2 euros le 9 octobre 2002. Le titre a ainsi connu une baisse beaucoup plus accentuée que celle observée sur les principaux indices et la moyenne du secteur. Enfin, les derniers mois de l'année ont connu une évolution erratique du titre, caractérisée par une forte volatilité et des mouvements, en ligne avec ceux du secteur, mais d'une amplitude nettement plus importante.

Le consensus des analystes sur le titre demeure majoritairement : « à l'achat » ou « à conserver ».

Source : Direction générale de l'aviation civile.

AIR FRANCE ET PRINCIPAUX INDICES - PERFORMANCE DEPUIS LE 1ER JANVIER 2002

Air France

graphique
graphique

Attentats du 11 septembre 2001

graphique

graphique
graphique

Sources : Direction générale de l'aviation civile & Boursorama.

b) Des modalités d'intervention sur le marché à définir

S'agissant des modalités de l'opération, du prix de mise sur le marché des actions et du montant des recettes envisagées, la direction du Trésor n'est pas été en mesure de se prononcer, à ce stade, compte tenu des incertitudes boursières et géopolitiques.

L'État devrait conserver une participation substantielle au capital de la compagnie aux alentours de 15 à 20 %. Il détient aujourd'hui 54,4 % du capital d'Air France, les salariés 13 % environ. Au terme de la privatisation envisagée et dans l'hypothèse d'une souscription maximale des salariés, devraient être transférés aux salariés : 6 % du capital d'Air France au titre de l'échange « salaire-actions », 0,6 % au titre des actions additionnelles (livraison avril 2003) au titre de l'échange « salaire-actions » de 1999, et entre 4,17 % et 4,92 % au titre de l'offre réservée aux salariés sur la base d'une part de l'État post privatisation comprise entre 15 et 20 % (avant gratuites liées à l'offre réservée aux salariés).

La participation de l'État, additionnée à celle qui sera détenue par les salariés au terme de l'opération de privatisation (29), devrait d'ailleurs constituer une minorité de blocage.

*

* *

II.- UN PROJET DE LOI QUI CHERCHE À APPORTER UNE RÉPONSE ADAPTÉE À L'ÉVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE ET À LA FRAGILITÉ DES ÉQUILIBRES SOCIAUX DU TRANSPORT AÉRIEN

Si la privatisation d'Air France est autorisée par son inscription sur la liste des entreprises privatisables annexée à la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, cette opération de privatisation nécessite de prendre en compte les spécificités liées au secteur du transport aérien, ainsi que celles issues de l'histoire sociale de la compagnie. Tel est l'objectif affiché du projet de loi soumis au Parlement.

Aussi, avant d'examiner en détail chacun des articles du présent projet de loi, il convient de s'attarder, au préalable, sur les problèmes spécifiques de la particularité du cadre juridique applicable et de la préservation de l'équilibre social de la société Air France, dans lesquels s'inscrit immanquablement cette réflexion.

A.- IL EST IMPÉRATIF DE TENIR COMPTE D'UN CADRE JURIDIQUE COMPLEXE ET ÉVOLUTIF REPOSANT SUR LA NATIONALITÉ DES COMPAGNIES

1.- Le cadre juridique repose sur la prise en compte de la nationalité des compagnies aériennes

Aussi sujet soit-il à une remise en cause profonde à la suite de récentes décisions jurisprudentielles européennes, le cadre juridique dans lequel évoluent les compagnies aériennes se nourrit de deux dimensions fondamentales et potentiellement contradictoires.

La société Air France doit non seulement s'assurer de la nature communautaire de son actionnariat pour protéger sa licence de transporteur aérien, mais également veiller à la nationalité française de cet actionnariat afin d'assurer la pérennité des droits de trafic, dont elle bénéficie sur la base des traités bilatéraux conclus par la France.

C'est à la confluence de cette double dimension qu'il faut rechercher l'équilibre juridique des entreprises cotées de transport aérien, qui apparaît pour le moins délicat et fragile (30). Il est important, préalablement à l'examen du dispositif du projet de loi, de s'attarder précisément sur ce cadre juridique subtil et contraignant.

a) Les règles régissant l'attribution et le maintien des licences d'exploitation reposent sur la nature communautaire du transporteur aérien

L'attribution et le maintien des licences d'exploitation des transporteurs aériens communautaires sont régis par le règlement CE n° 2407/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant les licences des transporteurs aériens. Pour se voir attribuer une licence d'exploitation par la France, les sociétés doivent répondre à plusieurs conditions :

- elles doivent avoir leur principal établissement et, le cas échéant, leur siège social en France ;

- leur activité principale doit être le transport aérien ;

- elles doivent pouvoir démontrer qu'elles peuvent faire face à tout moment pendant une période de deux ans à compter du début de l'exploitation à leurs obligations financières actuelles et potentielles ;

- elles doivent être détenues soit directement, soit par participation majoritaire, par des États membres et/ou des ressortissants d'État membre (31) ; elles doivent, en outre, être effectivement contrôlées par ces États ou ces ressortissants.

Cette dernière condition sur la propriété du capital et le contrôle effectif doit être remplie à tout moment par les titulaires de licence d'exploitation, sous peine d'entraîner son invalidation et donc l'arrêt de l'exploitation. Une évolution du capital d'Air France, par le jeu des marchés, entraînant la détention de plus de la moitié de son capital par des actionnaires extracommunautaires, lui ferait perdre sa licence d'exploitation et donc la possibilité d'exercer son activité.

On précisera que la jurisprudence communautaire sur le règlement n° 2407/92 est relative au contrôle effectif (dans le cas de Sabena, notamment) et non pas sur la possession majoritairement communautaire du capital. Le présent projet de loi n'est donc pas concerné par cette jurisprudence.

b) Les règles d'attribution et de maintien des droits de trafics reposent sur des traités bilatéraux

Dans le cadre général posé par la convention de Chicago du 7 décembre 1944, les liaisons aériennes internationales régulières sont établies, en principe, sur la base d'accords bilatéraux de services aériens.

Ainsi, les droits de trafic (32) entre la France et les pays tiers à l'Union européenne sont accordés en vertu de tels accords aériens bilatéraux, qui peuvent préciser les liaisons, les capacités, le nombre de fréquences exploitables entre les deux pays, le nombre de transporteurs de chaque partie pouvant être désignés sur ces liaisons, et comportent une clause de nationalité. La clause de nationalité type stipule que chaque partie contractante a le droit de refuser l'autorisation d'exploitation, de la suspendre ou de la révoquer, ou d'imposer les conditions qui peuvent lui sembler nécessaires pour l'exercice par une entreprise désignée des droits spécifiés, si elle n'a pas la preuve qu'une part substantielle de la propriété et le contrôle effectif de l'entreprise de transport aérien appartiennent à la partie contractante qui a désigné l'entreprise et/ou à ses ressortissants.

Il ressort de cette clause que l'accès des transporteurs aériens aux liaisons entre la France et les pays extracommunautaires ne peut être garanti qu'aux compagnies possédées majoritairement et effectivement contrôlées par des intérêts français.

Enfin, quelques pays n'ont pas conclu d'accord aérien bilatéral avec la France, ou ces accords ont été dénoncés (situation, par exemple, des États-Unis de 1992 à 1998, et de l'Algérie depuis 1987). Dans ces deux cas, les droits de trafic des transporteurs ne sont pas garantis à long terme et leur programme fait l'objet d'une approbation au coup par coup, en général pour chaque saison aéronautique. La question de la nationalité des transporteurs peut également se poser dans le cadre de ces approbations.

La perte par Air France de la détention majoritairement française de son capital lui ferait donc courir un risque juridique très important pour la pérennité de son réseau, ou pourrait conduire certains pays à imposer des conditions déséquilibrées en faveur de leurs transporteurs pour accepter une desserte par Air France (33).

c) Les autres États européens ont fait le choix de procédures contraignantes, dont la compatibilité avec le droit communautaire paraît souvent fragile

En Europe (34), des mécanismes ont été instaurés par toutes les grandes compagnies aériennes : KLM, British Airways, Lufthansa, Iberia. Ils sont présentés dans le tableau ci-après.

On notera toutefois qu'il est probable que certaines dispositions, élaborées il y a une quinzaine d'années, sont aujourd'hui mal adaptées ou incompatibles avec les principes européens, au vu des nouvelles exigences communautaires.

CONTRÔLE DE LA NATIONALITÉ DU CAPITAL DES PRINCIPALES COMPAGNIES EUROPÉENNES

KLM

Iberia

British Airways

Lufthansa

Date de privatisation

1986

2001

1987

1994

Cadre légal du contrôle

Essentiellement, statuts de l'entreprise

Loi sur les licences aériennes applicable à tous les transporteurs aériens

Statuts de l'entreprise

Statuts de l'entreprise

Loi sur les sociétés et sur les compagnies aériennes

Structure du capital

% total national

% total UE

% total hors UE

% non identifié

25,9 %

30,9 %

41,1 %

28,0 %

76,8 %

88,5 %

1,6 %

9,9 %

30,2%

32,2%

26,1%

41,8%

71,0 %

87,2 %

12,8 %

-

Suivi de l'actionnariat

- actions de préférence ou de priorité inscrites au nominatif

- actions ordinaires au porteur ou au nominatif (au choix)

- Pas de limite imposée à la détention du capital par des investisseurs étrangers

- nominatif obligatoire avec indication de la nationalité

- obligation d'informer le conseil pour toute cession supérieure à 0,5 % du capital

- l'État espagnol impose une part maximale de 25 % d'investisseurs étrangers

- nominatif obligatoire

- transferts soumis au contrôle du conseil d'administration

- notification de la nationalité

- registres d'actionnaires séparés (UE/ non UE)

- possibilité offerte d'imposer une part maximale du capital à des investisseurs non EU (maximum 40 %)

- mise au nominatif obligatoire

- transferts soumis au contrôle du directoire

- obligation de notification de la nationalité

Mesures de prévention et de remédiation

- création d'actions de priorité non cotées détenues par des ressortissants néerlandais (75 % État)

- nécessité de la majorité des droits de vote des actions de priorité pour : émission d'actions, transfert de propriété, fixation du nombre de membres du conseil de surveillance et du directoire qui doivent être de nationalité néerlandaise

- en cas de risque : augmentation de capital réservée à l'État pour atteindre 50,1 % des droits de vote

- Golden share détenue par l'État espagnol pendant 5 ans (2005) : autorisation de l'État requise pour toute cession de + 10 % du capital, changement d'objet social

- création d'un groupe d'actionnaires stable (10 % BA et 30 % d'institutionnels espagnols) avec lock up de 2 ans et droits de préemption

En cas de risque sur la nationalité de la compagnie:

- Rachat d'actions sur le marché par la société

- gel des droits de vote des investisseurs étrangers mettant la nationalité de la compagnie en risque

- information du marché

- le conseil d'administration peut fixer un seuil maximal de détention par des actionnaires étrangers ; le seuil fait l'objet d'une information du marché

- refus d'agrément d'investisseurs en cas de risque sur la nationalité

- gel des droits de vote attribués aux actionnaires mettant en risque la nationalité de la compagnie

- vente forcée des actions au meilleur prix obtenu

- création en 2002 d'une action spécifique attribuée à un trust sans valeur économique et dont les droits de vote sont exercés dans le sens des droits de vote britanniques et les portent à 50 % plus une voix

- Si + 40 % des droits de vote sont détenus par des actionnaires faisant courir un risque pour la licence et les droits de trafic : rachat d'actions par la société

- si + 45 % : augmentation de capital sans DPS dans la limite de 10 % du capital

- si la majorité des droits de vote ou participation de contrôle est détenue par des non allemands : cession obligatoire dans un délai de 6 semaines sur une base s'appliquant en priorité aux actionnaires non communautaires ; à défaut, attribution automatique des titres à l'État au cours le plus haut entre celui de la veille de la notification et celui de la date d'expiration du délai de cession

2.- L'évolution de la jurisprudence communautaire fragilise ce système juridique

a) Les arrêts du 4 juin 2002 de la Cour de justice des Communautés européennes rendent difficilement compatibles les dispositifs d'action spécifique avec les principes communautaires

On rappellera, au préalable, qu'un dispositif « d'action spécifique »  a été institué par la loi du 6 août 1986. L'article 10 de la loi n°86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations dispose ainsi que :

« I. - Postérieurement au décret visé au premier alinéa du paragraphe II de l'article 2 de la loi de privatisation n° 93-923 du 19 juillet 1993 et préalablement à la saisine de la commission de la privatisation, un décret détermine, pour chacune des entreprises mentionnées à l'article 2 de la loi de privatisation n° 93-923 du 19 juillet 1993, si la protection des intérêts nationaux exige qu'une action ordinaire de l'État soit transformée en une action spécifique assortie de tout ou partie des droits définis ci-dessous. Dans l'affirmative, ledit décret prononce également cette transformation. Les droits pouvant être attachés à une action spécifique sont les suivants :

« 1° L'agrément préalable par le ministre chargé de l'économie pour le franchissement, par une personne agissant seule ou de concert, d'un ou plusieurs des seuils fixés dans le décret mentionné au premier alinéa ci-dessus et calculés en pourcentage du capital social ou des droits de vote ;

« 2° La nomination au conseil d'administration ou de surveillance, selon le cas, d'un ou deux représentants de l'État désignés par décret et sans voix délibérative ;

« 3° Le pouvoir de s'opposer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, aux décisions de cession d'actifs ou de certains types d'actifs de la société ou de ses filiales ou d'affectation de ceux-ci à titre de garantie, qui sont de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux. L'institution de cette action produit ses effets de plein droit. Hormis les cas où l'indépendance nationale est en cause, l'action spécifique peut à tout moment être définitivement transformée en action ordinaire par décret.

« II. - Pour les entreprises visées au présent titre ou leurs filiales, dont l'activité principale relève des articles 55, 56 et 223 du traité instituant la Communauté européenne, les participations excédant 5 p. 100 prises par des personnes physiques ou morales étrangères ou sous contrôle étranger, au sens de l'article 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, agissant seules ou de concert, sont soumises à l'agrément du ministre chargé de l'économie.

« III. - Lorsque des prises de participation ont été effectuées en méconnaissance des dispositions du 1° du I ou du II du présent article, le ou les détenteurs des participations acquises irrégulièrement ne peuvent pas exercer les droits de vote correspondants et doivent céder ces titres dans un délai de trois mois. Le ministre chargé de l'économie informe de ces prises de participation le président du conseil d'administration ou le président du directoire de l'entreprise, selon le cas, qui en informe la prochaine assemblée générale des actionnaires. Passé le délai de trois mois mentionné au premier alinéa du présent paragraphe, il est procédé à la vente forcée des titres dans les conditions fixées par décret. »

Ce type de dispositif est désormais incompatible avec les règles du Traité. En effet, à la suite des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 juin 2002, les conditions juridiques de mise en œuvre des actions spécifiques sont très encadrées. Ces arrêts, qui concernaient des actions spécifiques créées lors de privatisations au Portugal, en Belgique et en France (Elf-Aquitaine) ont conduit la Cour à préciser les conditions à remplir pour instaurer de tels dispositifs :

les restrictions imposées à la libre circulation des capitaux ne peuvent être motivées que par des raisons impérieuses d'intérêt général ;

ces restrictions doivent être limitées à ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif invoqué ;

les conditions de mise en œuvre doivent être préalablement et objectivement déterminées, afin de ne pas contrevenir au principe de sécurité juridique.

L'occurrence de ces arrêts a suffi a dissuader le Gouvernement de proposer un mécanisme de ce type dans le présent projet de loi.

b) Les arrêts du 5 novembre 2002 de la Cour de justice des Communautés européennes tendent à reconnaître la compétence de l'Union européenne dans le domaine des relations aériennes avec les pays tiers

La Cour de justice des Communautés européennes a rendu, le 5 novembre 2002, des arrêts, dans le cadre d'une procédure concernant les accords de ciel ouvert conclus avec les États-Unis par huit pays membres (dont la France ne fait pas partie), déclarant la clause de nationalité type des accords aériens contraire au principe de liberté d'établissement établi par le Traité de Rome.

L'encadré ci-après analyse le contexte précis et la portée exacte de ces arrêts.

LA PORTÉE DES ARRÊTS DU 5 NOVEMBRE 2002

DE LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Depuis le début des années 1990, la Commission européenne a demandé au Conseil de la mandater pour négocier un accord avec les États-Unis en matière de transport aérien, en vue de remplacer les accords bilatéraux précédemment conclus avec quelques États européens qui n'étaient pas membres de la Communauté à cette époque. Elle a obtenu un mandat restreint pour négocier avec les États-Unis, qui n'a cependant pas abouti. De leur côté, les États-Unis se sont engagés à partir de 1995 dans des accords bilatéraux de type « ciel ouvert » avec un certain nombre d'États membres dans le but de faciliter, notamment, le libre accès à toutes les routes, l'octroi des droits illimités de route et de trafic, la fixation des prix selon un système dit « de double désapprobation » et la possibilité de partage des codes.

La Commission a dès lors introduit, en 1998, des recours contre sept États membres (le Danemark, la Suède, la Finlande, la Belgique, le Luxembourg, l'Autriche et l'Allemagne) signataires de tels accords dits « ciel ouvert ». Un huitième cas s'est ajouté, contre le Royaume-Uni pour son accord avec les États-Unis appelé « Bermuda II ». En octobre 1999, les Pays-Bas se sont joints aux affaires en jugement, à l'appui des autres États membres. Enfin, la Commission examine toujours la possibilité d'une action judiciaire contre les Pays-Bas (de son propre chef), la France, l'Italie et le Portugal - qui ont depuis lors également conclu des accords bilatéraux de « ciel ouvert » avec les États-Unis. La Commission leur reproche notamment :

- d'avoir violé la compétence externe de la Communauté, selon laquelle seule cette dernière serait compétente pour conclure un tel accord ;

- d'avoir contrevenu aux dispositions du Traité en matière de droit d'établissement en permettant aux États-Unis de refuser les droits de trafic sur leur propre espace aérien aux transporteurs aériens désignés par l'État membre partie à un accord, si une part substantielle de la propriété et le contrôle effectif du transporteur n'appartiennent pas à cet État membre ou à des ressortissants de cet État (clause relative à la propriété et au contrôle des compagnies aériennes).

Dans ses arrêts du 5 novembre 2002, la Cour rappelle qu'en ce qui concerne le transport aérien, le Traité prévoit un pouvoir d'action de la Communauté subordonné à une décision préalable du Conseil. Cette disposition n'établit pas à elle seule une compétence communautaire externe en matière de transport aérien permettant aux institutions communautaires de conclure des accords internationaux qui engagent la Communauté. Il n'y a donc pas une compétence externe explicite de la Communauté à cet égard. La Cour précise cependant que la compétence de la Communauté pour conclure des accords internationaux peut résulter de manière implicite du Traité. Tel serait le cas lorsque la reconnaissance d'une compétence externe à la Communauté est nécessaire pour que celle-ci puisse exercer utilement sa compétence interne (non encore exercée). Dans les affaires en cause, la Cour constate qu'il ne s'agit pas d'une situation où la compétence interne ne pouvait être exercée qu'en même temps que la compétence externe, car le Conseil a pu adopter le « troisième paquet » sans que nécessairement un accord ait été conclu avec les États-Unis en matière de transport aérien. La Cour rappelle ensuite que « lorsque la Communauté a instauré des règles communes, les États membres ne sont plus compétents pour s'engager avec les pays tiers », si ces engagements affectent les règles communes et que « seule la Communauté est en droit d'assumer les dits engagements ».

La Cour analyse ensuite la portée des règlements relatifs à l'octroi par les États membres des licences d'exploitation relatives aux transporteurs aériens établis dans la Communauté et l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons intracommunautaires pour constater que les accords bilatéraux ne relèvent pas d'un domaine déjà couvert par ces règlements, car ils comportent des règles destinées aux transporteurs aériens américains. En conséquence, ces règlements, ne sont pas susceptibles de fonder une compétence externe de la Communauté. Par contre, la Cour constate que certaines des dispositions relatives à la fixation des tarifs aériens sur les liaisons intracommunautaires, ainsi que celles relatives aux systèmes informatisés de réservation et à l'allocation de créneaux horaires contenues dans les autres règlements mentionnés s'appliquent aux transporteurs aériens de pays tiers. La Communauté dispose donc en ce cas d'une « compétence exclusive externe ». La Cour relève toutefois que la Commission n'a pas établi que des accords bilatéraux en cause comportent des engagements en matière de créneaux horaires. Dans ces conditions, la Cour déclare que le Danemark, la Suède, la Finlande, la Belgique, le Luxembourg, l'Autriche et l'Allemagne ont violé la compétence externe de la Communauté en ce qui concerne les règles communautaires relatives à la fixation des tarifs aériens sur les liaisons intracommunautaires et aux systèmes informatisés de réservation (SIR).

Sur la violation du droit d'établissement, ensuite, la Cour constate que, selon la clause relative à la propriété et au contrôle des compagnies aériennes inscrite dans les accords bilatéraux, les États-Unis ont, en principe, l'obligation d'accorder les droits prévus par les accords aux transporteurs contrôlés par l'État membre avec lequel ils ont conclu l'accord et la possibilité de refuser ces droits aux transporteurs contrôlés par d'autres États membres établis dans cet État membre. Il s'agit, souligne la Cour, d'une discrimination qui empêche les transporteurs aériens des autres États membres de bénéficier du traitement national dans l'État membre d'accueil, ce qui est interdit par les règles communautaires relatives au droit d'établissement. Par ailleurs, cette clause ne saurait être justifiée par des motifs d'ordre ou de sécurité publique, étant donné qu'il n'existe aucun lien direct entre une telle menace et la discrimination généralisée à l'égard des compagnies aériennes communautaires. Dès lors, la clause relative à la propriété et au contrôle des compagnies aériennes insérée dans les accords bilatéraux signés entre les États-Unis et le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Belgique, le Luxembourg, l'Autriche et l'Allemagne est contraire aux règles en matière de droit d'établissement.

Les conséquences de cet arrêt ne sont pas encore aujourd'hui entièrement évaluées. Dans l'hypothèse la plus défavorable, la France, comme les autres États membres, pourrait être amenée à devoir renégocier l'ensemble de ses accords aériens (près de 120) pour rendre communautaire la clause de nationalité et être contrainte de les dénoncer, si ces renégociations échouaient du fait de l'opposition des pays tiers concernés. Cette renégociation pourrait prendre de nombreuses années. Il reste donc, de fait, quelles que soient les conséquences de l'arrêt de la Cour, indispensable de protéger pendant encore de nombreuses années le caractère français du capital d'Air France. Il est d'ailleurs à noter que lors de la privatisation de leur compagnie nationale, l'ensemble des pays européens a élaboré des dispositifs permettant de concilier la protection des droits de trafic et le statut d'entreprise privée cotée en bourse.

Cette réflexion s'inscrit dans un contexte d'approfondissement du rôle des instances communautaires dans le secteur aérien, qu'il s'agisse de la lente construction du « ciel ouvert » ou de la récente proposition de règlement, adoptée le 26 février 2003 par la Commission européenne. Cette dernière propose ainsi de lui conférer des compétences claires pour l'examen des affaires relatives aux transports aériens entre la Communauté et les pays tiers (35). Le secteur aérien est d'ailleurs peut-être le seul pour lequel la Commission ne dispose pas de compétences clairement définies pour mettre en œuvre les règles de concurrence. La Commission semble convaincue que les arrêts du 5 novembre renforcent la nécessité d'une politique européenne cohérente en matière de transports aériens. La vice-présidente Loyola de Palacio a ainsi qualifié ces arrêts de moment « historique », qui constituent « un jalon important en vue de la réalisation du ciel unique ».

On précisera enfin que les États-Unis ont récemment proposé que soient supprimées des accords bilatéraux les dispositions imposant que les compagnies aériennes soient détenues et contrôlées par des capitaux de leur pays d'origine. En échange, toute compagnie aérienne originaire d'un État membre serait autorisée à voler vers les États-Unis au départ de n'importe quel autre État membre.

C'est dans ce cadre juridique instable que le présent projet de loi retient comme objectif de ne pas contrarier la jurisprudence communautaire. Il a été volontairement rédigé de façon à ne pas faire apparaître de contradiction entre les clauses de nationalité des accords aériens bilatéraux et le traité de l'Union européenne, dans l'objectif affiché de ne pas devoir être modifié quand l'ensemble des clauses de nationalité bilatérales auront été transformées en clauses communautaires.

B.- IL PARAÎT NÉCESSAIRE D'AMÉNAGER POUR AIR FRANCE UNE TRANSITION ADAPTÉE VERS LE DROIT COMMUN DES SOCIÉTÉS

1.- Air France devra abandonner certaines caractéristiques singulières liées au statut de ses personnels

a) Le statut actuel des personnels présente un certain nombre de singularités

On rappellera que le statut du personnel d'Air France est soumis, par le conseil d'administration, à l'approbation des ministres chargés de l'aviation civile, de l'économie et du budget (36). Il comporte 30 articles (37), dont les principales dispositions sont présentées dans le tableau suivant.

PRINCIPALES DISPOSITIONS DU STATUT DES SALARIÉS D'AIR FRANCE

- conditions d'embauche et de sélection ;

- conditions d'emploi dans le cadre de classifications spécifiques à chacune des catégories de personnel ;

- composition de la rémunération en une part fixe et une variable ;

- modalités de carrière, avec la spécificité de la « titularisation », rendant possible la tenue d'un conseil de discipline dans une procédure disciplinaire ou de licenciement, d'avancement, de promotion ;

- conditions de mutation (clause de mobilité contraignante en France), avec des mesures d'accompagnement liées à la mobilité ;

- commissions paritaires avec des délégués du personnel pour la mise en œuvre des actes de carrière ;

- congés sans solde (possibilité de disponibilité pour convenance personnelle d'une durée maximum de deux mois par année civile, sans perte d'ancienneté) ;

- conditions de détachement (suspension du contrat de travail pour exercer son activité dans une filiale ou une société présentant pour la société un intérêt direct) ;

- dispositions relatives aux motifs et à l'âge de cessation des services ;

- facilités de transport s'inscrivant dans le cadre d'accords avec d'autres compagnies aériennes ;

- modalités de la surveillance médicale ;

- modalités de la reconnaissance du droit syndical ;

- spécificités du régime de retraite.

En complément, à ces règles communes s'ajoutent des dispositions spécifiques pour chacune des catégories (personnel au sol, personnel navigant technique et personnel navigant commercial).

Pour le personnel au sol, les règles particulières précisent le classement des emplois en cinq groupes (agents et ouvriers, technicien et maîtrise, ainsi que trois groupes de cadres) et fixent un âge de mise à la retraite conforme au droit commun, à 60 ans, ainsi que les conditions pour bénéficier d'une retraite au taux plein au sens de la sécurité sociale.

Le règlement spécifique au personnel navigant commercial détermine une classification des emplois comparable à celles des autres compagnies aériennes françaises, en distinguant les fonctions d'hôtesse ou steward, de chef de cabine et de chef de cabine principal. Les conditions de travail et de rémunération sont spécifiques à ces catégories. L'âge de mise à la retraite du personnel navigant commercial est fixé à 55 ans.

Les emplois définis par les dispositions spécifiques au personnel navigant technique sont ceux de pilote de ligne et d'officier mécanicien navigant, l'emploi de pilote recouvrant les deux fonctions de commandant de bord et d'officier pilote de ligne. Les conditions de travail et de rémunération du personnel navigant technique sont spécifiques et liées à leur emploi sur les avions moyen-courrier ou sur les avions long-courrier. L'âge de leur mise à la retraite est fixé à 60 ans.

b) Les principales dispositions liées à la caractéristique d'entreprise publique dont les personnels sont régis par un statut concernent la retraite, le régime d'assurance chômage, l'exercice du droit de grève et les instances de représentation au conseil d'administration

1- Mise à la retraite :

On rappellera que toute disposition conventionnelle ou contractuelle prévoyant une rupture de contrat de travail en raison de l'âge d'un salarié est frappée de nullité absolue, si le salarié ne peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens du code de la sécurité sociale.

La compagnie Air France ne bénéficiant plus du statut d'entreprise publique chargée d'une mission de service public, elle ne pourra plus, lorsque le statut du personnel cessera d'exister, appliquer des dispositions exorbitantes du droit commun. Il n'y aura plus de possibilité d'imposer une limite d'âge à certaines catégories. Les personnels au sol ne sont pas concernés par la clause de limite d'âge (38). La convention collective de branche du transport aérien fixe à 65 ans la condition d'âge pour la mise à la retraite à l'initiative de la société. Par contre, la clause statutaire de limite d'âge de 55 ans pour les personnels navigants commerciaux disparaîtra.

Par conséquent, après la privatisation, si un salarié souhaite partir avant 60 ans, il lui faudra rompre son contrat de travail, c'est-à-dire accepter d'être licencié. Cette situation n'aura effet ni sur le régime général, ni sur le régime complémentaire (les personnels navigants commerciaux continueront à pouvoir toucher leur retraite complémentaire à partir de 50 ans, et celle du régime général seulement à partir de 60 ans). On précisera que rien n'interdit à l'entreprise de fonder un régime de départ anticipé, introduisant ainsi une rupture par accord mutuel, ce qui se fait en général par la voie négociée avec un avantage financier pour le salarié. Toutefois, les indemnités de départ à la retraite actuellement accordées aux personnels navigants commerciaux, en application de l'article L. 122-14-13 du code du travail, bénéficient d'un régime fiscal et social plus favorable aux salariés que le régime des indemnités en cas de rupture à l'amiable du contrat de travail. La compagnie s'expose donc à devoir réviser à la hausse le montant des indemnités versées aux personnels navigants commerciaux quittant l'entreprise avant 60 ans, afin de leur assurer un même niveau d'indemnisation net.

2- Régime assurance chômage :

Aux termes de l'article L. 351-12 du code du travail, la charge de l'indemnisation des fins de contrat de travail est assurée par la société Air France celle-ci ayant confiée la gestion à l'UNEDIC. Aussi, le passage au régime de droit commun dans le cadre de la solidarité nationale se traduira par un financement avec cotisation de 6,40 % sur les tranches A et B des salaires, répartis entre l'employeur (4 %) et le salarié (2,40 %). Pour les salariés, le coût supplémentaire serait de + 1,40 %, dans la mesure où ils sont soumis au dispositif du Fonds de solidarité de 1 %, lequel prendrait fin (39). D'après les informations recueillies par votre Rapporteur, l'estimation du montant total de la cotisation, part salarié, serait de 47.413.500 euros. Le « surcoût » pour les salariés serait de 29.709.000 euros déduction faite de la cotisation solidarité, soit 17.704.450 euros.

3- Exercice du droit de grève :

Les dispositions spécifiques sur l'exercice du droit de grève dans les services publics s'appliquent au personnel de l'ensemble des entreprises mentionnées dans le décret du 1er juin 1950, dont Air France faisait partie. Ce dispositif, auquel est soumis actuellement le personnel de la compagnie, instaure l'obligation du préavis préalablement à l'arrêt de travail, l'interdiction des grèves tournantes et des modalités de retenue du salaire forfaitaires. La sortie de ce régime impose des négociations pour mettre en œuvre des procédures de conciliation de règlement des conflits collectifs.

4- Sortie du champ d'application de la démocratisation du secteur public :

La loi de démocratisation du secteur public (40) concerne Air France, société anonyme, dans laquelle l'État détient directement plus de la moitié du capital social, et les sociétés anonymes dont le siège est en France et dans lesquelles Air France détient, depuis plus de 6 mois, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital social et dont le nombre de salariés est au moins égal, en moyenne, au cours des 24 derniers mois, à 200 (41). La sortie de ce dispositif législatif, qui concerne Air France et ses filiales, aura deux conséquences principales :

- l'obligation de négocier des modalités d'exercice du droit syndical ne s'imposera plus, juridiquement, à la société ;

- la représentation des salariés au conseil d'administration sera dorénavant régie par un autre dispositif (42).

2.- Le développement de l'actionnariat salarié est une voie adaptée

Par le passé, Air France a bénéficié de mesures de développement de l'actionnariat salarié, qui ont constitué un medium essentiel de régulation du modèle social et de l'équilibre socio-économique de la compagnie, même si le bilan et le coût des mécanismes créés à cette occasion peuvent être diversement appréciés.

a) Un principe fondateur de la privatisation

Il convient de rappeler qu'Air France figurant sur la liste annexée à la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, les dispositions relatives aux offres réservées aux salariés résultant des articles 11 et 12 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 lui sont donc applicables. Il ressort de ces articles qu'en cas de cession d'une participation de l'État suivant les procédures du marché financier et tant qu'il détient plus de 20 % du capital de la société, des titres doivent être proposés aux salariés de l'entreprise, à ceux des filiales dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital social, ainsi qu'à leurs mandataires exclusifs ou aux anciens salariés s'ils justifient d'un contrat d'une durée d'au moins cinq ans avec l'entreprise ou ses filiales.

Les demandes des salariés doivent ainsi être intégralement servies, pour chaque opération, à concurrence de 10 % du montant de celle-ci. Ces titres peuvent être assortis d'un certain nombre d'avantages sous forme de rabais par rapport au prix de l'offre le plus bas proposé aux autres souscripteurs (ce rabais doit néanmoins être inférieur à 20 % du prix le plus bas proposé au même moment aux autres souscripteurs de la même opération), de délais de paiement (les délais totaux de paiement ne peuvent excéder trois ans) et d'octroi d'actions gratuites (dans la limite d'une action par action acquise directement de l'État et conservée au moins un an à compter de la date à laquelle cette action s'est trouvée à la fois cessible et intégralement payée).

b) L'expérience de 1994

On rappellera que, sur le fondement de la loi du 8 août 1994 (43), un échange « salaires-actions » a été pratiqué en 1994 dans le cadre de l'ouverture du capital aux salariés visant à favoriser l'engagement du personnel pour le redressement d'Air France. Le plan de redressement d'Air France comprenait plusieurs volets, dont le plus important était la recapitalisation de la compagnie soumise à l'approbation de la Commission européenne, dans le but de désendetter Air France. Le dispositif volontaire d'échange « salaire-actions » visait à réduire la masse salariale qui s'élevait alors à 16 milliards de francs (2,44 milliards d'euros). La diminution des salaires devait entraîner une augmentation de la valeur de la société, grâce à la diminution de ses coûts fixes. Cette augmentation de valeur devait compenser l'essentiel de la fraction de capital que l'État cédait gratuitement aux salariés dans le cadre du dispositif volontaire d'échange « salaire-actions ». La réduction de salaire à laquelle devaient consentir les employés devait alors porter sur une durée de trois ans.

Au total, environ un tiers des salariés d'Air France ont souscrit à cette offre d'échange « salaire-actions » en 1994, pour des montants réduits, dans la mesure où les salariés ne détenaient que 2,1 % du capital à l'issue de cette opération.

c) Le bilan des opérations de 1998-1999

L'article 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a permis de mettre en œuvre deux modalités distinctes permettant de développer l'épargne salariale au sein de la compagnie.

- Une offre réservée aux salariés portant sur 15 % de l'opération d'introduction en bourse par l'État de la société Air France.

Cette offre a été structurée en trois formules possibles qui présentaient pour les salariés y souscrivant des avantages et des contraintes en matière de détention distincts, reposant sur l'application des articles 10 à 12 de la loi du 6 août 1986 relatives aux modalités des privatisations. Le tableau ci-après présente le contenu de chacune de ces formules (44).

Formule AERODISPO

Formule AEROMIXT

Formule AEROPLUS

Prix

Prix de l'offre à prix ouvert (OPO)

Prix de l'OPO moins 20 %

Prix de l'OPO moins 20 %

Allocation maximale (pour les 3 formules confondues)

5 fois le plafond annuel de la sécurité sociale

5 fois le plafond annuel de la sécurité sociale

1/4 de la rémunération annuelle brute

5 fois le plafond annuel de la sécurité sociale

Règlement

Comptant

Comptant

ou 30 % au comptant, 30 % au bout d'un an et 40 % au bout de 2 ans

ou paiement échelonné en 36 mensualités

Comptant

ou 30 % au comptant, 30 % au bout d'un an et 40 % au bout de 2 ans

ou paiement échelonné en 36 mensualités

Abondement

Pas d'abondement

Pas d'abondement

30% jusqu'à 3.811 euros d'apport

10% au-delà avec un abondement maximum de 3.430 euros

Indisponibilité

Disponibilité immédiate

2 ans (après paiement intégral du solde)

5 ans, sauf en cas de déblocage anticipé

Actions gratuites *

1 pour 3 jusqu'à 1.176 euros

1 pour 1 dans la limite de 610 euros

1 pour 4 au-delà, jusqu'à 1.176 euros

1 pour 1 dans la limite de 610 euros

1 pour 4 au-delà, jusqu'à 1.176 euros

Conservation

1 an

3 ans

3 ans

Mode de gestion

Nominatif pur / au porteur

Nominatif pur / au porteur

FCPE dans PEG

Ayants droit

Salariés et anciens salariés d'Air France et filiales détenues à plus de 50 %

Salariés et anciens salariés d'Air France et filiales détenues à plus de 50 %

Salariés et filiales détenues à plus de 50 % titulaires d'un contrat de travail français et 6 mois d'ancienneté

* Dans le cadre d'un panachage de formules, le salarié a droit à un montant maximum de gratuites équivalent à 1/2 plafond de la Sécurité Sociale

Le coût de mise en œuvre du dispositif pour l'État a été de 82 millions d'euros. La structure de l'offre, notamment la décote de 20 % sur le prix public, l'abondement proposé par l'entreprise (30 % puis 10 % dans l'offre, aux salariés de 1999) et le schéma d'actions gratuites offertes par l'État (1 pour 1, puis 1 pour 4), mais également le fort succès de l'offre auprès des salariés, ont conduit à des réductions de prix très importantes pour les premières tranches d'investissement. Le coût de l'offre réservée aux salariés a représenté au total 7,95 % du montant des recettes de privatisation enregistrées par l'État.

- Un dispositif d'échange « salaires - actions » dans le cadre d'un accord global pluriannuel.

Cet accord, signé en 1998 avec les personnels navigants techniques prévoyait, d'une part, une stabilisation en euros courants des barèmes de rémunérations au minimum jusqu'au 31 octobre 2001 et au plus pendant une période de sept ans, afin de parvenir à une relative convergence des coûts d'Air France par rapport à ceux de la concurrence. L'accord prévoyait, d'autre part, les modalités de l'échange « salaire-actions ». Ces modalités, s'inscrivant dans le cadre d'un objectif de détention à terme par les personnels navigants techniques de 12 % du capital, s'articulaient autour de quatre éléments repris dans le décret du 9 février 1999 pris en application de la loi du 2 juillet 1998 (45).

Les pilotes ont massivement participé à l'opération (78,9 % des effectifs) en souscrivant une part du capital de la compagnie de 6,5 % en contrepartie d'abandon de salaires moyens de 83.500 euros bruts (environ 8 % de la rémunération brute annuelle) sur sept ans en contrepartie d'un forfait moyen sous forme d'actions de 71.000 euros par pilote. Le prix retenu pour l'échange des forfaits en actions a été aligné sur le prix public de l'opération (14 euros par action). Le succès de la souscription a joué un rôle déterminant dans le bon déroulement de l'ouverture du capital.

D'après les informations recueillies par votre Rapporteur, le bilan patrimonial de l'échange « salaire-actions » de 1999 pour l'État apparaît légèrement positif, compris entre 6 et 70 millions d'euros. La souscription a conduit à céder aux pilotes des actions pour un montant de 200 millions d'euros. Les réductions de masse salariale suite aux abandons individuels de salaire ont été estimées à 212 millions d'euros sur la période 1999-2006 hors impact du gel salarial sur la période 1999-2002. Le bilan patrimonial pour l'État retenu par la commission des participations et des transferts est fondé sur la comparaison de l'impact sur la valeur de la participation de l'État au capital d'Air France résultant des réductions de salaires, et du coût pour l'État des actions cédées. Le bilan a également pris en compte l'impact du gel de la grille salariale des pilotes - qui faisait partie intégrante de l'accord global pluriannuel - sur la valorisation boursière de la compagnie.

Le tableau ci-dessous dresse un bilan sommaire de l'importance de l'actionnariat à la société Air France.

PART DU CAPITAL D'AIR FRANCE DÉTENUE PAR LES EMPLOYÉS ET ANCIENS SALARIÉS

Part du capital concernée

(en %)

Source

30 septembre 1997

1,6 %

Rapport sur l'ouverture du capital

31 mars 1998

2,1 %

Rapport sur l'ouverture du capital

31 mars 1999

0,8 % *

Rapport d'activité 1998-1999

31 mars 2000

10,9 %

Document de référence 2000-2001

31 mars 2001

10,7 %

Document de référence 2001-2002

31 mars 2002

11,1 %

Document de référence 2001-2002

31 mars 2003

13,0 %

Estimation

(*) 11,4% en anticipant les livraisons aux salariés des actions dans le cadre de l'introduction en bourse.

Source : Air France et Direction générale de l'aviation civile.

*

* *

En conclusion, votre Rapporteur doit donc souligner à quel point les conditions générales favorables à la privatisation sont réunies, notamment s'agissant du personnel. Le projet de loi vise à les adapter, pour permettre un transfert de capital, tout en préservant l'intérêt général.

Il a paru, dans ce contexte où les principes sont clairs, mais dans lequel les dispositions peuvent poser des problèmes techniques, souhaitable que votre Commission procède à l'audition du ministre chargé des transports.

AUDITION DE M. GILLES DE ROBIEN, MINISTRE DE L'ÉQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER

Avant d'examiner les articles du projet de loi, la Commission a procédé, le mardi 4 mars 2003, à l'audition de M. Gilles de Robien, ministre de l'Équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien a rappelé que le premier ministre a annoncé en juillet dernier que le recentrage de l'État sur ses missions essentielles conduisait également à redéfinir l'intervention étatique dans le champ économique, au cas par cas, et avec une approche pragmatique, l'État ayant vocation à se retirer du secteur concurrentiel, sauf lorsque des intérêts stratégiques sont en jeu. Dans ce cadre, fin juillet, a été annoncée la décision du Gouvernement de lancer le processus de privatisation d'Air France.

La situation actuelle de la compagnie Air France est bonne, dans un secteur qui peine à sortir d'une crise profonde amorcée au printemps 2001 et dramatiquement aggravée par les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Air France a été une des rares compagnies en Europe et dans le monde à ne pas subir de pertes pendant cette période. Elle vient d'enregistrer pour les neuf premiers mois de son exercice 2002-2003, clos le 31 décembre 2002, un résultat net avant impôt de 278 millions d'euros, en progression de 68,5 %. Aujourd'hui, Air France a une structure financière saine, avec un endettement raisonnable et stable. La compagnie enregistre les résultats des efforts accomplis au milieu des années 90 par l'État, l'entreprise et ses salariés. La société a mené à bien un très gros chantier de désendettement, d'assainissement et de restructuration de l'appareil de production.

Ce retour à la rentabilité lui a permis de mieux s'intégrer à une alliance de taille mondiale. En juin 2000, elle a créé l'alliance SkyTeam, avec Delta Air Lines, Aeromexico et Korean Air, rejointes ensuite par Alitalia et la compagnie tchèque CSA. Elle a, en outre, contracté des accords étroits avec Alitalia, qui ont amené les deux sociétés à procéder à une prise de participation réciproque de 2 % de leur capital, et à un échange d'administrateurs. Par ailleurs, Air France a entamé début 2002 des discussions, en vue d'un rapprochement avec KLM, qui se sont accélérées en août 2002 à la suite de la conclusion d'un accord de partenariat entre les compagnies Delta, Northwest et Continental Airlines, ces deux dernières étant alliées à KLM.

Ces discussions montrent que la consolidation du transport aérien européen, pronostiquée par tous, est en train de démarrer. Or, les discussions avec Alitalia et, actuellement, avec KLM montrent qu'il n'est pas envisageable que d'autres compagnies européennes acceptent de lier leur destin à celui d'Air France, en allant au-delà d'une alliance commerciale, tant qu'elle sera contrôlée par l'État. La privatisation d'Air France est donc une condition nécessaire pour qu'elle ne soit pas marginalisée dans la restructuration qui s'ébauche en Europe, et pour qu'elle puisse y jouer un rôle majeur à l'instar de Lufthansa ou British Airways.

En outre, le fait que la compagnie échappe au secteur public renforcera son attrait pour les investisseurs et lui donnera plus de facilité pour financer son développement par le recours aux marchés financiers, par augmentation du capital ou émissions obligataires.

Cette analyse conduit le Gouvernement à considérer que l'intérêt d'Air France et ses perspectives d'alliances militent en faveur d'un retrait partiel de l'État. La participation de l'État au capital sera réduite de 54,4 % à un peu moins de 20 %, pour accompagner la mutation de l'entreprise tout en restant un de ses principaux actionnaires. La privatisation d'Air France ne doit pas faire peser de risques sur ses droits de trafic vers les pays extra-communautaires. En effet, si la majorité du capital d'Air France devait être détenue par des intérêts non français, ces droits de trafic, consentis dans le cadre d'accords bilatéraux, pourraient être mis en cause par les pays concernés, en application des clauses de nationalités figurant dans ces accords.

La Cour de justice des Communautés européennes a rendu, le 5 novembre dernier, un arrêt, dans le cadre d'une procédure concernant les accords conclus avec les États-Unis par huit pays membres, déclarant la clause-type de nationalité des accords aériens contraire au Traité de Rome. Une phase de consultation avec les autres États membres et la commission est en cours pour tirer tous les enseignements de cette nouvelle jurisprudence. Sans que l'on puisse encore dire ce qu'elle sera, il semble inéluctable que la France doive dans le futur négocier une nouvelle clause, communautaire et non plus nationale avec les quelque 120 États avec lesquels ont été signés des accords bilatéraux. Il est indispensable de ne pas laisser les droits de trafic d'Air France sans protection pendant la durée, qui va se compter en années, de ce grand chantier. Toutes les grandes concurrentes d'Air France : British Airways, Lufthansa, Iberia, KLM, disposent de systèmes nationaux permettant de concilier la protection des droits de trafic et le statut d'entreprise privée cotée en bourse.

Le choix du mécanisme que propose le Gouvernement a reposé sur plusieurs critères : il ne devait pas receler de risques juridiques ou financiers indus pour l'État, ce qui a en particulier conduit à rejeter le système néerlandais. Il devait donner toutes les garanties nécessaires de sécurité aux investisseurs. Il devait reposer sur la responsabilité et l'autodiscipline des actionnaires, la cession forcée n'étant utilisée qu'en dernier recours. Enfin, il ne devait évidemment contenir aucune disposition en contradiction avec les engagements européens.

Le texte du projet soumis à l'Assemblée nationale satisfait l'ensemble de ces contraintes et il convient de souligner qu'il n'aura pas à être modifié lorsque l'ensemble des clauses de nationalité bilatérales françaises auront été changées en clauses communautaires.

Toujours dans le domaine de la protection des intérêts généraux, le Gouvernement a, après mûre réflexion, décidé de proposer l'abrogation de l'article L. 342-2 du code de l'aviation civile, relatif aux missions d'intérêt général imposées par l'État à Air France, qui trouve son origine dans la loi du 16 juin 1948 portant institution de la compagnie Air France. En effet, le retrait progressif de l'État du capital de la compagnie et les obligations d'égalité de traitement et de mise en concurrence limitent considérablement la portée de ces dispositions. Cependant, son abrogation ne supprimera pas la possibilité pour l'État de faire appel à la réquisition ou de contracter avec Air France, comme avec les autres compagnies pour l'exécution d'une mission d'intérêt général. Il convient de préciser que les dispositions de la réglementation communautaire concernant les obligations de service public continueront à s'appliquer à Air France.

Cette évolution placera Air France sur un pied d'égalité avec les autres compagnies françaises et communautaires, en termes de concurrence. Elle pose toutefois la question d'un nouveau cadre pour l'exercice de missions d'intérêt général spécifiques aux transports aériens permettant de pallier les inconvénients de la contractualisation et de la réquisition. Une réflexion a été lancée sur ce sujet afin de déterminer quelles missions d'intérêt général l'État pourrait confier aux entreprises de transport aérien, et quel cadre juridique, prenant en compte l'ensemble des compagnies françaises, pourrait, dans cette perspective, être mis en place.

S'agissant des aspects sociaux de la privatisation, le projet de loi traduit les engagements pris par le Gouvernement en juillet dernier. L'article 2 fixe un cadre législatif qui permettra à l'entreprise de conserver les modalités actuelles de la participation des salariés à la gestion de l'entreprise, sans toutefois l'y contraindre. De même, l'article 3 prévoit de ménager une durée de deux ans pour que le statut du personnel soit transposé en un accord d'entreprise par la négociation collective. Ce texte prévoit également des dispositions qui permettront de poursuivre dans la voie de l'ouverture du capital de 1999 pour constituer un actionnariat salarié important. Les modalités de l'offre réservée aux salariés prévues par la loi du 2 juillet 1998 sont reconduites : les salariés pourront souscrire jusqu'à 15 % du volume d'actions cédées par l'État, aux conditions préférentielles habituelles dans ce type d'opération. De plus, un nouvel échange salaire-actions sera proposé. Il ne sera pas réservé aux seuls pilotes comme en 1999, mais ouvert à tous les salariés volontaires.

S'agissant des modalités et du calendrier, l'opération de privatisation proprement dite nécessite de franchir, en amont, plusieurs étapes juridiques, parmi lesquelles les plus importantes sont l'adoption par le Parlement du projet de loi, la prise d'un décret d'application en Conseil d'État, et la réunion d'une assemblée générale pour modifier les statuts de la société. En outre, la date de l'opération, qui requiert l'information la plus précise possible vis-à-vis des investisseurs potentiels, doit tenir compte du calendrier de publication des informations financières de la compagnie.

La privatisation d'Air France pourrait donc avoir lieu au milieu ou en fin d'année 2003. Le Gouvernement entendant bien évidemment protéger les intérêts des contribuables, l'opération ne se déroulera que lorsque les conditions du marché le permettront. La valeur boursière d'Air France souffre, à ce jour, des conditions générales du marché boursier et des incertitudes liées à la conjoncture mondiale. Compte tenu de ces incertitudes, il n'est pas possible de se prononcer plus précisément sur les modalités concrètes de l'opération, et notamment sur le prix de mise sur le marché des actions. Ces paramètres seront fixés en temps utile avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est nécessaire que le dispositif soit mis en place le plus tôt possible pour ne pas laisser passer le moment où les conditions de l'opération seront réunies.

Votre Rapporteur a tout d'abord rappelé que le projet de loi n'est pas un texte de privatisation d'Air France, sur lequel le Parlement s'est déjà prononcé en adoptant la loi de 1993. Il s'agit d'un dispositif d'accompagnement de la privatisation, dont le champ et la portée touchent l'évolution du cadre juridique et social applicable aux compagnies aériennes. C'est pourquoi il apparaît nécessaire d'expliquer en quoi la privatisation d'Air France est nécessaire et de démonter les idées reçues qui sont actuellement évoqués à l'encontre de l'opération.

Tout d'abord, l'activité de la société Air France ne relève pas globalement d'une mission de service public. En effet, le transport aérien est un secteur concurrentiel, et l'activité d'Air France ne contribue que marginalement aux activités de service public. Sur l'exercice 2001-2002, la part du chiffre d'affaires consacrée à celles-ci, rapportée au chiffre d'affaires total est de 6,2 % et la part de la compensation versée par l'État, à ce titre, est de 0,11 %. En outre, la privatisation d'Air France n'empêchera pas l'État de confier à la compagnie des missions d'intérêt général et d'édicter des obligations de service public, tout en procédant à des appels d'offre pour l'exploitation de lignes aériennes non rentables dans le cas d'une contractualisation. L'État conserve, du reste, des prérogatives en matière de réquisition dans le cas d'une situation d'urgence.

Par ailleurs, le caractère public d'Air France est devenu une anomalie dans l'Union européenne, comme dans le monde. Les grandes compagnies aériennes ont toutes été privatisées : British Airways en 1987, Lufthansa en 1997 et Iberia en 2001. Hormis quelques exceptions, comme SAS ou Alitalia, Air France est la dernière entreprise publique de transport aérien.

La disparition du caractère public de la société est nécessaire à son développement et à sa bonne gestion, dans l'intérêt même du personnel d'Air France. L'État actionnaire connaît un essoufflement de ses capacités financières et ne sera plus capable de faire face aux besoins capitalistiques futurs. De plus, le statut actuel d'Air France l'empêche de passer les alliances qui sont nécessaires à sa stratégie de développement, comme à celle de toute compagnie aérienne. En particulier, le rapprochement avec KLM est aujourd'hui lié à l'exigence d'une privatisation. En effet, dans le cadre de discussions exploratoires intervenues entre Air France et KLM, les représentants de KLM ont indiqué qu'une alliance stratégique à long terme, impérativement associée à des opérations capitalistiques, ne pouvait se concevoir sans la privatisation d'Air France. De la même manière, lorsqu'en 1997, la compagnie Alitalia, à propos de laquelle le Gouvernement italien avait déjà fait le choix d'une privatisation à terme, a orienté son choix d'alliance stratégique européenne sur KLM, l'un des arguments avancé était qu'Air France était encore une entreprise publique.

De plus, l'État ne s'est pas conduit comme un bon actionnaire d'Air France : l'ensemble des dotations en capital de l'État versées depuis 1948 et actualisées au 31 décembre 2001 représente 6,1 milliard d'euros constants. Parallèlement, l'ensemble des dividendes versés à l'État, actualisées au 31 décembre 2001, s'élèvent à 329 millions d'euros. L'État est désormais dans l'impossibilité de procéder à une recapitalisation, la Commission européenne ayant autorisé la dernière opération en ce sens à la condition expresse d'enclencher un processus de privatisation.

Il demeure quelques malentendus sur la privatisation d'Air France. Contrairement aux idées reçues, le statut des salariés n'est pas plus protecteur que la convention collective. Le statut actuel constitue en réalité un succédané de convention collective. Les particularités sociales d'Air France sont aujourd'hui très restreintes. En tout état de cause, le statut public d'Air France n'est pas une garantie contre le licenciement : depuis 1991, 14.287 postes ont été supprimés dans le cadre de plans sociaux, principalement sous la forme de préretraites.

Surtout il convient de cesser les comparaisons hâtives et les parallèles douteux. Les difficultés d'Air Lib ne concernent en rien Air France. Le moment du dépôt du bilan d'Air Lib ne doit pas modifier le processus relatif à Air France. De plus, il est inacceptable de se servir de l'argument selon lequel l'entreprise est en bonne santé pour soutenir qu'il ne faudrait pas la privatiser. Ces arguments sont ubuesques. Tout semble indiquer que la privatisation d'Air France est aujourd'hui nécessaire et souhaitable.

Votre Rapporteur a ensuite présenté les principales questions posées par les dispositions du projet de loi, constitué de six articles d'inégale importance. L'article premier met en place un dispositif de protection des intérêts communautaires à la suite de l'arrêt du 5 novembre 2002 de la Cour de justice des Communautés européennes. Ce dispositif pose des problèmes en matière de protection des droits des actionnaires. Il convient d'améliorer le texte, afin d'éviter des contentieux ou une annulation fondés sur ce motif. Il est prévu un dispositif dérogatoire en matière de composition du conseil d'administration. Le personnel serait toujours représenté par huit administrateurs, six représentant les salariés et deux les salariés actionnaires. Si le droit commun s'appliquait, le nombre de représentants des salariés devrait passer à cinq. Le projet prévoit la possibilité de maintenir à six ce nombre, ce qui ne semble pas indispensable, un conseil d'administration pléthorique n'étant jamais une bonne chose.

L'article 3 prévoit que le statut qui régit actuellement les personnels sera remplacé par une convention collective. Cela implique qu'Air France adhère aux ASSEDIC, ce qui induit un coût d'environ 70 millions d'euros de cotisations annuelles et une baisse effective de 1,4 % du pouvoir d'achat des salariés au titre des cotisations chômage. L'existence de régimes complémentaires est aussi source de difficulté, tout comme la possibilité pour le personnel navigant commercial de prendre sa retraite dès 55 ans, cette possibilité étant exclue dans le droit commun. La création d'un dispositif transitoire sera probablement nécessaire.

L'article 5 dispose que la privatisation sera accompagnée d'une augmentation de la participation du personnel, laquelle représente actuellement 13 % du capital, dont la moitié est détenue par les personnels navigants. La cession à des conditions préférentielles pourra représenter jusqu'à 6 % du capital. Cet article ne prévoit pas la mise en place d'un accord catégoriel au profit des personnels navigants, contrairement à ce qui s'était passé en 1993. La réduction de 20 % du prix des actions achetées par le personnel est en revanche maintenue. La société Air France remboursera à l'État le coût résultant pour ce dernier de la cession d'une part du capital aux salariés à des conditions préférentielles. Une convention, dont la nature juridique n'apparaît pas clairement, fixera les modalités de ce remboursement. Il semble aussi contestable de qualifier de « remboursement » le versement de cette compensation.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques, a dénoncé l'amalgame entre la situation d'Air France et celle d'Air Lib. Alors que la première est une entreprise publique qui fonctionne selon les règles applicables à une entreprise privée, la seconde était une entreprise privée dont l'activité était entièrement subordonnée au soutien de l'État. Depuis 1993, la possibilité de privatiser Air France est ouverte ; il est plus que temps de la mettre en œuvre, dans la mesure où l'entreprise fonctionne dans un contexte concurrentiel. Il est incontestable que le statut d'entreprise publique a constitué un frein aux évolutions de la compagnie, l'empêchant notamment de nouer de véritables alliances avec Alitalia, KLM ou dans le cadre de Skyteam. L'urgence est d'autant plus grande que la Commission européenne a condamné la situation actuelle. Dans quelle mesure les conditions imposées par la Commission européenne ont-elles été remplies à ce jour ? Quel est le calendrier envisagé pour achever la privatisation ?

M. Jean-Louis Idiart a rappelé que, il y a dix ans, British Airways était le modèle vanté par le gouvernement de l'époque, dans ce secteur. Aujourd'hui cette compagnie se porte bien mal et seule Air France, dont la bonne tenue fait des envieux, domine le marché français. L'évolution a donc été contraire aux prévisions, ce qui ne peut qu'entraîner des doutes quant au projet de loi. Désormais, c'est Air France qui est citée en exemple. Ses bonnes performances ont été réalisées sous son statut d'entreprise publique et un changement ne se justifie nullement et présente des risques évidents. L'annonce de la prochaine privatisation d'Air France et la récente faillite d'Air Lib suscitent de graves inquiétudes outre-mer, la continuité territoriale et l'égalité d'accès au transport aérien risquant de ne plus être assurées. L'aménagement du territoire sera aussi menacé. Le statut du personnel d'Air France est protecteur et la négociation d'une convention collective remplaçant ce statut risque d'aboutir à une dégradation de la situation des personnels. La privatisation ouvre aussi la possibilité de filialisation et d'externalisation de certaines activités, au détriment du maintien de l'emploi.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Christian Blanc s'est félicité de la décision de mettre en œuvre la possibilité de privatisation ouverte depuis 1993 et qu'il avait alors défendue. Il faut en effet donner à Air France toutes les chances de se développer. Si la compagnie n'avait pas été sous statut public, elle aurait pu, en 1997, conclure des accords intégrés avec Alitalia et Iberia, qui lui auraient permis d'atteindre en 2003 le quatrième rang mondial grâce à une zone de chalandise qui représentait alors environ 50 % de la clientèle européenne. De tels accords ne seraient sans doute plus acceptés aujourd'hui par la Commission européenne, mais il est incontestable que le caractère public d'Air France lui a fait prendre du retard face à la concurrence internationale. La situation d'Air Lib n'a rien à voir avec celle d'Air France dans la mesure où ni AOM, ni Air Liberté n'ont jamais disposé des fondamentaux qui leur auraient permis de réellement concurrencer Air France. En fait, cette compagnie n'avait pas les moyens de se développer et il est très regrettable que l'illusion de sa survie ait été si longtemps entretenue aux yeux des salariés.

Le projet est globalement satisfaisant mais pose un problème en ce qui concerne la représentation des salariés. Il existe actuellement plus de quinze syndicats à Air France, nombre trop élevé et préjudiciable aux salariés eux-mêmes, car cette multiplicité alimente les corporatismes et des relations sociales tendues, au sein même de l'entreprise. Cette situation ne doit pas être favorisée. Aussi, ne faut-il pas accorder une importance excessive au personnel navigant technique et au personnel navigant commercial par rapport aux « autres salariés » visés par le projet. Le code de l'aviation civile prévoit l'existence de deux collèges, l'un regroupant le personnel navigant, l'autre le personnel au sol. Le texte pourrait disposer que les salariés ne soient représentés que par quatre à six administrateurs : leur nombre pourrait ainsi être progressivement ramené de six à quatre afin de limiter la tendance à l'émiettement du paysage syndical.

En réponse aux différents intervenants, M. Gilles de Robien a apporté les précisions suivantes :

- le droit commun paraît suffisant pour assurer la protection des droits de la défense. Les actionnaires pouvant, en effet, saisir le tribunal de grande instance, il n'est pas nécessaire d'introduire une disposition spécifique permettant une action concernant la gestion de l'entreprise. Elle pourrait, en outre, constituer une gêne lors d'éventuelles opérations de fusion ;

- il convient de ne pas bouleverser la représentativité des organisations de salariés, garantie de la paix sociale ;

- le personnel navigant commercial peut quitter l'entreprise à 55 ans ou choisir d'y rester jusqu'à 60 ans parfois avec une reconversion, par exemple en activité au sol. Aujourd'hui, il peut percevoir une prime de départ et une retraite complémentaire jusqu'à 60 ans. A l'avenir, il percevra une indemnité de licenciement et la retraite complémentaire ;

- la privatisation de l'entreprise ne pourra pas avoir lieu avant l'adoption de la loi et la publication des comptes. La mise sur le marché de 35 % du capital pourra être effectuée à partir de l'été ou de l'automne 2003, éventuellement par tranches ;

- le statut d'Air France doit impérativement évoluer. Aujourd'hui, les compagnies comparables à Air France sont freinées dans leur volonté de conclure des alliances avec la compagnie à cause de la part prédominante de l'État dans le capital. En outre, le financement des investissements dépend aussi de cette privatisation. La participation de l'État doit être largement minoritaire ;

- s'agissant de la continuité territoriale et des dessertes des départements d'outre-mer, Air France et Corsair, dont l'offre est en augmentation, les assurent. Il n'y a pas de problème de desserte des Antilles et la création d'une autre entreprise est envisageable. De même, des propositions de reprise, au moins partielle, d'Air Lib sont étudiées. La desserte de l'outre-mer ne pose pas de problème en termes d'offre mais il semblerait qu'elle en pose en termes de coût pour les passagers ;

- des opportunités de privatisation ont été gâchées dans le passé. La situation de la compagnie est aujourd'hui handicapante, il convient de lui donner une voilure nouvelle ;

- il faut passer un bon accord avec les salariés en soulignant que leur avenir réside davantage dans une compagnie privatisée. Ils disposent de six postes au conseil d'administration, les salariés actionnaires de deux ou trois et les actionnaires privés de douze ou treize, portant ainsi le nombre total de membres au maximum possible, soit vingt-et-un ;

- s'agissant de la part relative du personnel navigant technique et commercial, il convient de maintenir les collèges actuels, en laissant la possibilité à six salariés de siéger au conseil d'administration, la situation évoluera à l'avenir : la compagnie compte dix-neuf syndicats.


Voir la suite du rapport


N° 0654 - Rapport de sur le projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (Sénat, 1ère lecture) (M. Charles de COURSON)

1 () Loi n°93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation.

2 () Loi n°86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.

3 () Doc. AN n°256, annexe 24 (Rapport spécial de M. Charles de Courson au nom de la commission des Finances, de l'économie générale et du Plan), octobre 2002, page 48.

4 () La portée du contrôle général du ministre chargé de l'aviation civile prévu par l'article L. 342-1, est définie plus précisément par l'article R. 342-5 qui fixe les conditions d'exercice du contrôle général du ministre chargé de l'aviation civile : « Le contrôle général du ministre chargé de l'aviation civile sur la société Air France, prévu à l'article L. 342-1, est exercé par le directeur général de l'aviation civile et par le directeur des transports aériens qui siègent, avec voix consultative, au conseil d'administration d'Air France, en qualité respectivement de commissaire du Gouvernement et de commissaire du Gouvernement adjoint. Ils peuvent se faire communiquer, à cet effet, toute information ou tout document nécessaire à l'accomplissement de leur mission. »

5 () Le contrôle économique et financier est, quant à lui, défini par les dispositions du décret n° 55-733 du 26 mai 1955, auxquelles Air France est soumis, l'État détenant plus de 50 % de son capital. Selon les termes de l'article 9 de ce décret, «  le contrôle porte sur l'activité économique et la gestion financière de l'entreprise ; à cet effet, les contrôleurs d'État doivent faire connaître leur avis aux ministres chargés des finances, des affaires économiques et du budget sur les projets de délibération ou de décision des organismes qu'ils contrôlent lorsque ces projets sont soumis à l'approbation de ces ministres. Ils rendent compte périodiquement de leur activité à ceux-ci et présentent un rapport annuel les informant de la situation économique et financière des établissements placés sous leur contrôle. » La mission de contrôle auprès d'Air France est constituée de deux contrôleurs d'État disposant d'un pouvoir d'investigation étendu et présents à plein temps au sein du groupe : le premier, qui exerce le contrôle économique et financier sur la société proprement dite, a entrée avec voix consultative aux séances du conseil d'administration ainsi qu'aux commissions et organes consultatifs d'Air France ; le second est chargé du contrôle des filiales de la société.

6 () Rapport du chiffre d'affaires « lignes et bagages sur les activités de service public » (724,8 millions d'euros) sur le chiffre d'affaires total d'Air France (11.671 millions d'euros) sur l'exercice 2001/2002.

7 () Il s'agit de la subvention pour la desserte de la Corse, qui se monte à 13,6 millions d'euros sur l'exercice 2001/2002.

8 () Le chiffre d'affaires de Régional CAE sur les lignes « obligations de service public » est de 24,5 millions d'euros pour un chiffre d'affaires total de 390,6 millions d'euros sur l'exercice 2001/2002. Les subventions se sont élevées à 10,87 millions d'euros.

9 () Le chiffre d'affaires de Brit Air sur les lignes « obligations de service public » est de 7 millions d'euros pour un chiffre d'affaires total de 352,2 millions d'euros sur l'exercice 2001/2002.

10 () Par exemple, Air Inter bénéficiait de l'exclusivité sur les liaisons aériennes domestiques, en contrepartie de son engagement d'assurer sa mission de service public. Elle devait ainsi effectuer, sans subvention, une péréquation interne entre les lignes bénéficiaires et les lignes déficitaires, selon les termes d'une convention conclue avec l'État, dans le but de développer les liaisons interrégionales et la desserte des régions enclavées. Après le rachat d'Air Inter par Air France, cette dernière décidait, le 15 novembre 1990, de suspendre 57 lignes aériennes intérieure.

11 () Pour une présentation des financements du FIATA, voir Doc. AN n°256, annexe 24 (Rapport spécial de M. Charles de Courson au nom de la commission des Finances, de l'économie générale et du Plan), octobre 2002, pages 21, 26-27 et 64-65.

12 () British Airways en détient 9 % et American Airlines 1 %

13 () Cet aspect est présenté en détail, plus loin dans ce rapport (Voir II. B.1., pages 44 et suiv.)

14 () Voir l'examen de l'article 3 du projet de loi, pages 85 et suiv. de ce rapport.

15 () Dont 200 départs de cadres.

16 () Dans le cadre de CAP 93.

17 () Dont 1.738 en 1992 et 1.407 en 1993.

18 () Suppressions supplémentaires venant s'ajouter à CAP 93.

19 () À savoir : 2.120 postes en 1994, 1.560 en 1995, 865 en 1996, 501 en 1997 et 646 en 1998.

20 () Le réseau d'Air France couvrait alors environ 160.000 kilomètres. Il se développe rapidement et couvre 250.000 kilomètres en 1953 et 350.000 kilomètres en 1960.

21 () Doc. AN n°256, annexe 24 (Rapport spécial de M. Charles de Courson au nom de la commission des Finances, de l'économie générale et du Plan), octobre 2002, pp. 45-52.

22 (2) 10 % de parts de marché en Italie (qui en fait la deuxième compagnie après Alitalia) ; 8 à 8,5 % en Espagne ; 4 à 5 % en Allemagne (troisième rang, après Lufthansa et British Airways) ; 3 % en Grande-Bretagne.

23 (1) Après avoir enregistré une hausse de 59,9 % au cours de l'exercice précédent, les dépenses de carburant de la compagnie ont baissé de 11,2 % sur l'exercice 2001/02, passant de 1,625 à 1,443 milliards d'euros. Cette baisse résulte principalement de la baisse du prix du pétrole, dont l'impact est de - 14,8 % sur ce poste. Le prix final du pétrole après couverture s'est en effet élevé à 21,7 dollars le baril, contre 23,9 sur le marché et 25,5 un an auparavant. Les opérations de couverture engagées par la compagnie pendant l'exercice lui ont permis une économie de 55 millions d'euros sur la facture d'ensemble. Par ailleurs, les prix du fuel étant libellés en dollar, l'impact du change s'élève à 2,5 %. Enfin, l'évolution du poste carburant est aussi liée à celles du volume (- 0,1 %) et du périmètre du groupe (+ 1,9 %). Air France poursuit au cours de l'exercice 2002-2003 sa stratégie de couverture du prix du pétrole, en maintenant son objectif de couvrir au minimum à 50 % ses dépenses de carburant. Un éventuel conflit en Irak ne saurait être neutre.

24 () La flotte a ainsi fait l'objet d'efforts importants de rationalisation afin de renforcer la densité d'utilisation des avions et de restructurer le réseau.

25 (3) En 2000-2001, on distingue 43.499 personnels au sol en France, 5.536 personnels au sol à l'étranger, 11.367 personnels navigant commercial et 4.315 personnels navigant technique.

26 () Cette activité représente 75,7 % du chiffre d'affaires total, contre 74 % un an auparavant. Les filiales régionales contribuent à hauteur de 7 % au chiffre d'affaires passage consolidé (4 % en 2000-2001).

27 () CGT, CFDT, FO, CFTC, Sud Aérien et Alter, syndicat de pilotes minoritaire.

28 () Le personnel navigant technique a toutefois fait grève une première fois du 6 au 9 septembre 2002. Un accord signé par le SNPL, après une menace de grève de 4 jours du 1er au 4 novembre 2002, a été repoussé en décembre 2002 par les adhérents du SNPL. Son rejet a ensuite été confirmé par les pilotes de la compagnie lors d'un référendum organisé par le Syndicat des pilotes de l'aviation civile (SPAC). L'exigence des pilotes d'obtenir une augmentation globale d'au moins 17 % est maintenue et s'est traduite par de nouvelles grèves de 4 jours du 2 au 5 et du 17 au 20 février 2003.

29 () Les salariés devraient dans le cadre des offres qui leurs seront réservées, porter leur participation à un niveau compris entre 23,5 % et 24,2 % du capital de la compagnie.

30 () Voir l'examen de l'article 1er (pages 61 et suiv.).

31 () Il est à noter que sont assimilés à des États membres, au sens du règlement 2407/92, les États de l'Espace Économique Européen (Islande et Norvège), dans lesquels s'applique l'acquis communautaire dans le domaine du transport aérien. C'est également le cas de la Suisse, à la suite de l'entrée en vigueur, le 1er juin 2002, de l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien.

32 () Droits octroyés par une partie contractante, en matière d'exploitation de services aériens, aux transporteurs aériens ressortissants de l'autre partie à l'accord.

33 () Lorsqu'Air Lib était devenue majoritairement détenue par British Airways, les autorités tunisiennes et marocaines s'étaient opposées à tous développements de son activité dans leur pays, développements possibles dans le cadre des deux accords bilatéraux concernés.

34 () Aux États-Unis, la législation fédérale se révèle particulièrement protectionniste : soit le ou les propriétaires sont américains, soit il s'agit d'une entreprise soumise à la législation américaine, au sein de laquelle les deux tiers du management et du conseil d'administration sont américains, et au moins 75 % des droits de vote sont détenus ou contrôlés par des ressortissants américains. Le premier accord bilatéral de « ciel ouvert » conclu entre les États-Unis et les Pays-Bas en 1991 autorisait la compagnie KLM à détenir jusqu'à 49 % du capital de NWAC (Northwest Airlines). Pourtant, cette part du capital ne donnait à la compagnie néerlandaise que 25 % des droits de vote.

35 () Le règlement proposé au Conseil et au Parlement conférera à la Commission, pour l'examen d'affaires telles que des alliances entre des compagnies aériennes communautaires et extracommunautaires, des pouvoirs effectifs similaires à ceux dont elle dispose déjà pour examiner les alliances entre compagnies aériennes ayant leur siège dans l'UE. Le projet de règlement concerne les transports aériens entre l'UE et les pays tiers, domaine qui inclut, par exemple, les alliances transatlantiques entre compagnies aériennes, mais non les opérations de concentration, auxquelles le règlement sur les concentrations est applicable, quelle que soit l'origine des compagnies aériennes. Les alliances entre compagnies aériennes sont des accords de coopération qui couvrent en général des aspects tels que les horaires et les fréquences des vols, les tarifs, le partage de code, l'utilisation commune d'installations et d'infrastructures aéroportuaires et la mise en commun des programmes de fidélisation. Actuellement, la Commission ne dispose pas de pouvoirs effectifs pour veiller à l'application des règles de concurrence européennes aux transports aériens entre l'Union européenne et les pays tiers. Cela s'est notamment fait sentir dans les affaires concernant des alliances transatlantiques ou d'autres alliances entre transporteurs communautaires et extracommunautaires.

36 () Article R. 342-13 du code de l'aviation civile.

37 () Ses modalités d'application sont par ailleurs déclinées dans des règlements annexes, selon les catégories de personnel.

38 () Depuis le passage dans le régime ARRCO-AGIRC au 31 décembre 1992, ils peuvent être mis à la retraite à l'initiative de la société lorsqu'ils ont atteint 60 ans et qu'ils remplissent les conditions pour bénéficier d'une retraite au taux plein (160 trimestres).

39 () Il convient de noter que le surcoût de la cotisation part salariale avait fait l'objet, lors de la privatisation de la SEITA, d'une augmentation de salaire ayant pour finalité ce financement.

40 () Loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

41 () Il s'agit de Servair, ACNA, Bruneau Pégorier, OAT, Britair, Régional, Amadeus France Services, CRMA, Fréquence Plus, SODEXI.

42 () Actuellement, le conseil d'administration d'Air France comprend 2 administrateurs représentant les salariés actionnaires et 6 administrateurs représentant les salariés.

43 () Aux termes de l'article 17 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, l'État était autorisé à céder gratuitement des actions d'Air France aux salariés qui, dans le cadre d'un accord collectif de travail, consentaient, volontairement et individuellement, à une réduction de leurs salaires pour une durée de trois ans. La part des actions cédées ne pouvait excéder 20 % du capital.

44 () Ainsi, à l'occasion de l'introduction en bourse de la société en 1999, environ 11 millions d'actions (soit 5,031 % du capital), ont été souscrites par les personnels d'Air France dans le cadre de l'offre réservée aux salariés prévue par la loi du 2 juillet 1998. Quelque 3,43 millions d'actions supplémentaires, sous forme d'actions gratuites, ont été octroyées par l'État en avril 2002 aux salariés ayant conservé leurs actions pendant une durée suffisante.

45 () En premier lieu, une offre de base par laquelle les pilotes renoncent pour toute la durée de leur carrière à deux primes (dites prime non hiérarchisée et prime uniforme annuelle) en échange d'un forfait en actions déterminé par un barème tenant compte de l'âge de chaque pilote. En deuxième lieu, une offre complémentaire, pour les pilotes ayant souscrit à l'offre de base, comportant plusieurs tranches, et par laquelle les pilotes consentent pour chacune des tranches à une réduction de salaire brut de 152 euros par mois pendant sept ans. En troisième lieu, un plan d'actions additionnelles consistant en l'attribution après quatre ans, soit en mars 2003, d'une action nouvelle pour dix actions acquises dans le cadre de l'offre complémentaire. Enfin, une attribution d'actions de croissance sous la forme d'options d'achat, dans une proportion d'une action pour quatre actions acquises dans le cadre de l'offre de base et de l'offre complémentaire, dont le prix sera fixé au niveau le plus faible autorisé et qui seront exerçables pendant deux ans à partir du 30 mai 2005. Ces actions ne seront pas cédées par l'État, mais acquises par Air France sur le marché. Les actions attribuées au titre de l'offre de base et de l'offre complémentaire ne sont cessibles après un délai de deux ans qu'à hauteur de 20 %, et après un délai de cinq ans à hauteur de 100 %.


© Assemblée nationale