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le 7 avril 2003

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N° 674

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 mars 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 338), autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière,

PAR M. HENRI SICRE,

Député

--

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - L'ÉVOLUTION DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE ET DOUANIÈRE
     ENTRE LA FRANCE ET L'ESPAGNE
8

A - LE CADRE ACTUEL DE LA COOPÉRATION BILATÉRALE 8

1) La coopération entre les services douaniers 8

2) Les accords bilatéraux de coopération policière 8

B - LE BILAN DES COMMISSARIATS COMMUNS 9

C - LES OFFICIERS DE LIAISON 10

II - L'APPORT DE LA CONVENTION DE BLOIS 13

A - LES DOMAINES DANS LESQUELS S'EXERCERA LA COOPÉRATION
      BILATÉRALE
13

1) Les trafics illicites 13

2) L'immigration clandestine 14

B - LES MISSIONS DES CENTRES DE COOPÉRATION POLICIÈRE
      ET DOUANIÈRE
15

1) L'activité du CCPD du Perthus 15

2) L'organisation des nouvelles structures 16

C - LA COOPÉRATION DIRECTE 18

CONCLUSION 20

EXAMEN EN COMMISSION 22

Mesdames, Messieurs,

L'accord de Schengen, signé le 14 juin 1985, posait le principe du libre franchissement des frontières intérieures par tous les ressortissants des Etats membres des Communautés européennes.

A cet accord a succédé la convention d'application signée le 19 juin 1990, qui comporte l'ensemble des mesures dites compensatoires à la libre circulation et qui interviennent dans de nombreux domaines, parmi lesquels le renforcement de la coopération policière et de la coopération judiciaire entre les Parties à l'accord. Cette longue convention de 142 articles montre que libre circulation ne signifiait pas absence de contrôle dans l'esprit des concepteurs de l'accord ; nombre de procédures exigeantes sont en effet prévues pour que l'espace de libre circulation Schengen soit aussi un espace de sécurité.

Le présent accord participe à l'édification de cet espace de sécurité. Il se fonde sur l'article 39 de la convention d'application en vertu duquel les services de police des Parties s'accordent, pour la prévention et la recherche des infractions, toute l'assistance prévue par le droit national.

L'article 39 paragraphe 4 de la convention ajoute que, dans les régions frontalières, des arrangements administratifs bilatéraux pourront être signés : un tel arrangement est effectivement intervenu avec l'Espagne en 1996. Enfin, la disposition suivante suggère la négociation d'accords bilatéraux plus complets entre Etats limitrophes : le présent traité signé à Blois le 7 juillet 1998 répond pleinement à cette demande.

Le présent rapport présentera un bilan de la coopération bilatérale conduite jusqu'à présent dans la région frontalière franco-espagnole. Il analysera l'apport de la nouvelle convention, qui contient des dispositions assez complètes, devenues indispensables : en effet, tant le besoin de sécurité des citoyens que les contraintes budgétaires obligent à la plus grande coordination des actions, et même à leur complémentarité. Il n'est plus possible aujourd'hui aux unités de superposer ou de doubler les efforts : la répartition du champ d'action entre les unités nationales et étrangères comme la complémentarité entre les unités nationales sont devenues primordiales.

I - L'ÉVOLUTION DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE
ET DOUANIÈRE ENTRE LA FRANCE ET L'ESPAGNE

A - Le cadre actuel de la coopération bilatérale

1) La coopération entre les services douaniers

La France et l'Espagne ont signé une convention bilatérale d'assistance en matière douanière le 30 mai 1962. De portée générale dans la lutte contre les filières de trafic internationales, cette convention a aussi une incidence sur la coopération au niveau transfrontalier. Les deux Etats sont par ailleurs signataires de la Convention relative à l'assistance administrative mutuelle et à la coopération entre administrations douanières, dite convention de Naples II, du 18 décembre 1997. Cette convention, dont le Parlement a autorisé la ratification le 16 juin 2000, prévoit des opérations d'observations et de poursuites sur le modèle des articles 40 et 41 de la convention de Schengen, et a donc elle aussi un impact au niveau transfrontalier.

A côté de la mise en œuvre de ces procédures bien définies, la coopération bilatérale fonctionne bien, et des réunions sont régulièrement organisées au plan local entre la direction régionale des douanes de Perpignan et les Commandements de la Garde civile de Gérone et de Lerida. Il en est de même pour la direction régionale des douanes de Bayonne avec les services de Saint-Sébastien, Huesca, Pampelune et Irun pour les trafics de stupéfiants, de cigarettes et d'alcool. Les échelons locaux de la direction des enquêtes douanières (DED) participent en tant que de besoin à ces réunions.

2) Les accords bilatéraux de coopération policière

La mise en œuvre progressive des différentes politiques fondées sur la convention d'application de Schengen a fait apparaître la nécessité de négocier des accords bilatéraux de coopération entre notre pays et ses voisins : c'est ainsi qu'une première génération d'accords a été signée en 1995 et 1996 pour créer ou officialiser des commissariats communs aux frontières intérieures. C'est ainsi qu'aussitôt après la signature de l'arrangement administratif franco-allemand de 1995 fut signé à Paris l'arrangement administratif franco-espagnol, le 3 juin 1996.

Cet arrangement créait, à partir des Bureaux à contrôle national juxtaposé existant depuis les années 1960, des commissariats communs, structures d'échange d'informations et de coordination des opérations de maintien de l'ordre public. Quatre commissariats étaient créés ou officialisés : Perthus, Melles-Pont-du-Roy, Biriatou et Canfranc.

La seconde génération d'accords, signés à partir de 1997, a pour objet de créer des structures bilatérales nouvelles - les centres de coopération policière et douanière, et de permettre une coopération directe entre les unités opérationnelles des services policiers et douaniers dans la zone frontalière des deux pays : c'est l'objet du traité de Blois sur la coopération policière et douanière, signé le 7 juillet 1998 entre la France et l'Espagne.

La France et l'Espagne sont également liées par d'autres accords : la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 9 avril 1969, l'accord relatif à la coopération pour la lutte contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée, signé le 29 mai 1987 à Begur par les ministres de l'intérieur, et, enfin, l'accord de Madrid sur la réadmission des étrangers en situation irrégulière, signé le 8 janvier 1988.

B - Le bilan des commissariats communs

A ce jour, restent en fonctionnement les commissariats communs (ou bi-nationaux) de Melles Pont Du Roy et de Biriatou-Irun qui seront transformés, au cours de ce semestre, en centres de coopération policière et douanière.

Le fonctionnement de ces commissariats communs, structures composées de représentants des services chargés du contrôle transfrontalier (la Police aux frontières du côté français et la police nationale du côté espagnol) a été jugé très satisfaisant.

Des statistiques permettent d'appréhender l'activité d'un commissariat commun. Ainsi, l'activité du commissariat du Perthus a été la suivante en 2001, avant sa transformation en centre de coopération policière et douanière : le commissariat a procédé à 21000 recherches, dont des vérifications portant sur les personnes (9801), des vérifications administratives et judiciaires (2684) et des vérifications portant sur les véhicules (9502). Il a également permis de découvrir des faux documents (600) et de retrouver des personnes signalées ou des véhicules volés. Enfin, 3400 personnes ont fait l'objet d'une mesure de réadmission vers l'Espagne et 1690 vers la France. On soulignera que plus de 19400 immigrants illégaux ont été réadmis en Espagne à la demande de la France en 2002 (données disponibles au 24 novembre 2002).

Les commissariats communs comportaient une lacune : ils n'associaient pas les services douaniers au travail des services de police : au contraire, les structures prévues par le présent accord organisent, du côté français, la participation et la compétence conjointe de la police nationale, de la gendarmerie nationales et des douanes.

C - Les officiers de liaison

La douane dispose d'un conseiller douanier implanté à Madrid, et chargé d'une mission de représentation, d'information et de conseil. Cependant sa fonction principale porte sur la lutte contre les trafics illicites et contre la fraude économique et commerciale. Il facilite la mise en œuvre et l'approfondissement de l'assistance administrative.

Un lieutenant-colonel, attaché de gendarmerie, est en poste près l'ambassade de France à Madrid. Il sera intégré au réseau des attachés de sécurité intérieure (ASI) à partir de l'été 2004. Ce poste sera tenu par un fonctionnaire de police et celui d'attaché de sécurité intérieure adjoint par un officier de gendarmerie.

La coopération bilatérale en matière d'officiers de liaison entre la France et l'Espagne est coordonnée par un attaché de Sécurité Intérieure, assisté par un officier du grade de commandant.

Le dispositif des officiers de liaison doit assurer une couverture à la fois géographique et thématique.

La police judiciaire dispose d'un officier de liaison à Madrid, de deux officiers de liaison à Malaga et d'un officier de liaison à Alicante, dont l'affectation est prévue pour le mois de septembre 2003. Leurs missions concernent la lutte contre la criminalité organisée, contre le trafic de stupéfiants et le banditisme.

Dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, deux officiers de liaison sont placés en poste à Madrid. Grâce à eux, l'antenne de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste bénéficie d'informations rapides et sûres intéressant l'ensemble des services locaux, notamment sur des évènements graves commis en Espagne (attentats, enlèvements, identité de membres de commandos en fuite) ; elle peut disposer aussi d'une analyse de la situation du mouvement terroriste ETA en Espagne et sur son évolution prévisible. La présence des officiers de liaison permet d'aider les fonctionnaires du terrain qui sollicitent l'UCLAT pour obtenir des renseignements des autorités espagnoles (mandats d'arrêt, recherches judiciaires, identification de voitures, notamment). Ces officiers participent enfin à la mise en oeuvre des contrôles frontaliers coordonnés entre l'Espagne et la France.

S'agissant de la lutte contre l'immigration illégale, un officier de liaison de la direction centrale de la Police aux frontières est en poste à Madrid et, à titre de réciprocité, un officier de liaison espagnol est en fonction à la direction centrale, à Paris. Leurs missions consistent dans les actions suivantes :

- centraliser et diffuser auprès des deux services concernés toutes les informations en matière de flux migratoires, de réglementation transfrontière et de travail clandestin ;

- se déplacer aux frontières aux fins d'information, de conseil et d'assistance, en liaison avec les autorités du pays d'accueil ;

- jouer un rôle d'observateur et de conseiller lors des procédures d'éloignement ou de réadmission des étrangers ;

- prêter assistance aux services compétents lors d'enquêtes administratives ou judiciaires et effectuer toute investigation à leur demande.

En matière d'effectifs, la douane dispose sur la frontière espagnole de 272 agents intervenant dans les départements frontaliers (soit 119 dans les Pyrénées- Orientales, 22 dans les Hautes-Pyrénées et en Haute-Garonne, 35 en Ariège et 96 dans les Pyrénées-Atlantiques). Ces effectifs sont complétés par des moyens aéromaritimes (156 agents dont 48 dans les Pyrénées-Atlantiques et 108 dans les Pyrénées-Orientales) et aéroterrestres (25 agents) qui peuvent assurer, parmi leurs missions, une surveillance de la zone frontalière.

La gendarmerie déploie, à ce jour, 3286 militaires à la frontière avec l'Espagne1. Les forces de gendarmerie présentes à l'heure actuelle se composent pour le centre de coopération policière et douanière du Perthus d'un officier et de quatre sous-officiers. Un officier et quatre sous-officiers sont, quant à eux, affectés au centre de Canfranc-Somport qui ne dispose pas encore de tous les moyens matériels et techniques pour être complètement opérationnel.

490 personnels actifs de la police aux frontières (dont 66 adjoints de sécurité) sont actuellement affectés à la frontière franco-espagnole dans les départements de Haute-Garonne, Pyrénées-Atlantiques et Pyrénées-Orientales.

II - L'APPORT DE LA CONVENTION DE BLOIS

A - Les domaines dans lesquels s'exercera la coopération bilatérale

Les missions de la coopération ne sont pas expressément décrites par la convention. Cependant, comme celle-ci se réfère dans son préambule à l'Accord de Schengen de 1985, ainsi qu'à la Convention d'application de 1990, l'on en déduit que ces missions s'exercent dans les domaines visés par ces deux accords : la lutte contre la criminalité à caractère transfrontalier, le trafic de stupéfiants et le trafic de véhicules volés, la lutte contre l'immigration irrégulière et les infractions qui s'y rapportent, comme l'activité des réseaux organisant cette immigration, et, enfin, la garantie de la sécurité et de l'ordre public.

1) Les trafics illicites

La frontière franco-espagnole connaît différents types de trafics tant dans le sens Sud/Nord que dans le sens Nord/Sud.

Dans le sens Sud/Nord, les trafics portent essentiellement sur le cannabis, la cocaïne, les cigarettes et l'alcool - trafics qui génèrent des profits importants. Concernant ces deux dernières catégories de produits, le trafic est différent entre la direction de Bayonne, où sont interceptées de plus grosses quantités lors des saisies, et celles de Midi-Pyrénées et de Perpignan, proches de la Principauté d'Andorre, pour lesquelles il s'agit principalement de trafics touristiques.

Dans le sens Nord/Sud le trafic porte sur le transport d'héroïne et d'ecstasy en provenance principalement des Pays-Bas.

En 2001, 1 500 infractions à la législation sur les stupéfiants ont été constatées, pour l'ensemble des départements frontaliers, et le total des quantités saisies à 4250 kg. Ces quantités sont de 12000 kg pour les neuf premiers mois de l'année 2002, avec 1131 constatations. On notera également que près de 39 000 litres d'alcool ont été saisis au cours de 2850 constatations. Enfin, la recherche des trafics de contrefaçon a permis de saisir, en 2001, 14560 objets contrefaits en une quarantaine de saisies. (En comparaison, le nombre des objets saisis au plan national est de plus de 5 millions).

Le centre de coopération policière et douanière rendu opérationnel il y a trois mois au Perthus contribue déjà, dans le domaine de la lutte contre le trafic de stupéfiants, au soutien des activités des services régionaux de police judiciaire limitrophes, tels que ceux de Toulouse, Bordeaux, Montpellier, et de l'antenne de Perpignan, notamment dans le domaine des identifications d'abonnés téléphoniques ou d'individus apparaissant dans les enquêtes en cours entre la France et l'Espagne. Ce centre est également destinataire de renseignements opérationnels en provenance d'Espagne, intéressant le territoire français, qui sont communiqués en temps réel aux administrations concernées. Ce centre n'a pas encore opéré, à ce jour, de saisies de produits stupéfiants.

2) L'immigration clandestine

Sur les onze premiers mois de l'année 2002, on enregistre une très légère progression de la pression migratoire clandestine à la frontière franco-espagnole : 5 204 non-admissions et réadmissions ont été effectuées contre 4 986 sur la même période de référence en 2001, soit une augmentation de 4,4 %.

Pour ces mêmes périodes de référence, on note une très forte hausse des interpellations, par les services de la Police aux frontières, d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire national : 6 979 contre 2 024, soit une augmentation de 244,8 %.

Infractions aux conditions d'entrée et de séjour

2001

2002

(11 mois)

Interpellations d'étrangers en situation irrégulière à la frontière

dont   non-admissions

          réadmissions

4986

931

4055

5204

486

4736

Interpellations sur le territoire national

2024

6979

Interpellations de passeurs

34

34

Les personnes appréhendées proviennent principalement du Maghreb, d'Afrique subsaharienne et d'Amérique du Sud. Des ressortissants des pays d'Europe centrale et orientale tentent également d'entrer sur le territoire français en venant du Portugal. Les principales nationalités concernées sont les nationalités marocaine, algérienne, pakistanaise, chinoise, indienne, ukrainienne et nigériane.

Enfin, on relève une stabilité des interpellations de passeurs : 34 pour les onze premiers mois de l'année 2002, soit le même chiffre que pour la période de référence.

Dans le sens allant de France en Espagne, la pression migratoire, bien que relativement importante, connaît un net recul en 2002 : 2 349 réadmissions ont été effectuées contre 3 575 en 2001. On constate notamment une augmentation des clandestins en provenance d'Europe centrale et orientale, en particulier de ressortissants roumains, entrés régulièrement dans l'espace Schengen et qui se sont maintenus irrégulièrement au delà de la période de trois mois.

B - Les missions des centres de coopération policière et douanière

L'article 4 du traité prévoit l'implantation de Centres de coopération Policière et Douanière en lieu et place des quatre commissariats communs existants, c'est-à-dire au Perthus (Pyrénées-Orientales), à Melles Pont du Roi (Haute Garonne), à Biriatou (Pyrénées-Atlantiques), un seul se trouvant en Espagne, à Canfranc-Somport. Ces centres de coopération policière et douanière (CCPD) devraient être opérationnels fin 2003.

Les personnels des centres doivent tout d'abord recueillir, analyser et échanger des informations, ainsi que répondre aux demandes des services des deux Etats. Ils participent à la coopération entre services de police et de douane, au plan français, et à la coordination des mesures d'intervention dans les zones frontalières, en particulier dans les cas suivants : surveillances, recherches, opérations de contrôle contre l'immigration irrégulière, opération de maintien ou de rétablissement de l'ordre public. Ils peuvent intervenir en cas de rétablissement temporaire des contrôles douaniers en vertu de l'article 2, §2, de la convention de Schengen.

Leurs autres missions sont l'assistance et la communication spontanée d'informations, définis par les articles 39 et 46 de la convention de Schengen. Les personnels des centres doivent assurer un rôle de conseil et de soutien non opérationnel à l'occasion de l'exercice des droits d'observation et de poursuite transfrontalières (article 40 et 41 de la convention).

Enfin, ils peuvent participer à la préparation de la réadmission des étrangers selon les modalités prévues par l'accord signé avec l'Espagne, en ce cas précis.

1) L'activité du CCPD du Perthus

Le premier centre a été inauguré le 25 novembre 2002 au Perthus par le Ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, et son homologue espagnol, M. Angel Acebes. Le centre est placé, pour la partie française, sous l'autorité d'un coordonnateur, commissaire de police membre de la Police aux frontières. Il regroupe, en un même lieu, 30 fonctionnaires dont 18 policiers, gendarmes et douaniers français et 12 représentants du corps national de la police espagnole et la garde civile, chargés de mettre en œuvre une coopération permanente dans les domaines de lutte contre l'immigration clandestine, la répression de la délinquance spécifique aux zones frontalières comme le trafic de stupéfiants et les menaces à la sécurité publique liées notamment au terrorisme.

Le commissariat commun, puis le CCPD ont effectué en 2002 environ 19 000 vérifications. Au regard des chiffres hebdomadaires avancés par le CCDP depuis le 25 novembre 2002, c'est environ 40 000 vérifications qui devraient être effectuées en 2003. Même si des améliorations techniques et matérielles sont encore nécessaires, les premiers bilans sont encourageants.

2) L'organisation des nouvelles structures

L'infrastructure est constituée par des locaux communs (souvent dans les anciens commissariats communs) regroupant les différentes parties françaises et espagnoles, représentées au CCPD avec une salle opérationnelle reliée aux différents fichiers de la gendarmerie nationale, de la police nationale et des douanes. Elle est également reliée aux centres de commandement respectifs des unités de gendarmerie (centres opérationnels de la Gendarmerie nationale), des services de police (centres de commandement des services territoriaux de la Police nationale) et des douanes (poste de commandement et de transmission).

Les corps représentés de part et d'autre sont, pour la partie française, la Gendarmerie nationale, la Police nationale et les Douanes, et, côté espagnol, seront présents la Guardia civil et la Policia nacional.

La gendarmerie sera représentée par un officier, un gradé supérieur et trois gendarmes.

En principe, deux agents des douanes doivent être affectés au sein de chacune de ces structures dès leur phase de démarrage.

A titre d'exemple, les effectifs du CCPD du Perthus-La Junquera sont constitués pour la partie française :

- d'un coordonnateur, commissaire de police

- pour la Police nationale : un capitaine, chef de détachement, un capitaine, chargé de mission police judiciaire, un brigadier, chef de salle, cinq gardiens opérateurs.

- pour la Gendarmerie nationale : un capitaine, chef de détachement, un adjudant, chef de salle, deux sous-officiers, opérateurs.

- pour les Douanes : un contrôleur des douanes, chef de détachement et un fonctionnaire opérateur.

Pour la partie espagnole, les effectifs comprennent une représentation de la Garde civile et du Corps national de la Police, de 10 personnes à ce jour (à terme, 33 personnes au Perthus et 12 à Somport). Il est à noter que les autorités espagnoles n'ont pas encore, à ce jour, nommé le coordonnateur espagnol du CCPD du Perthus, ce qui est regrettable et laisse craindre un manque de motivation dans cette démarche transfrontalière qui s'inscrit dans une véritable logique européenne.

Les infrastructures devant accueillir les C.C.P.D., sous réserve d'aménagements particuliers, doivent prévoir un bureau pour chaque coordonnateur, des bureaux affectés aux agents de chaque Etat, eux-mêmes répartis en fonction des services en présence (police, douanes, et gendarmerie), une salle commune regroupant les opérateurs, les moyens de communication de chaque Etat et les accès aux fichiers nationaux spécifiques et, enfin, des locaux logistiques.

Il faut souhaiter que ces aménagements soient réalisés rapidement : ainsi, il conviendrait de procéder dès cette année aux agrandissements et constructions nécessaires pour permettre un fonctionnement satisfaisant du centre du Perthus, travaux qui semblent prendre du retard.

Le CCPD de Canfranc devrait être le deuxième centre à fonctionner. Il est provisoirement installé dans le bâtiment situé côté espagnol qui abritait le commissariat commun, dans l'attente de la construction du bâtiment administratif qui sera situé à l'entrée du tunnel du Somport. Il s'établira dans de nouveaux locaux en construction d'une superficie de 1 200 m², bâtiments sécurisés qui devraient être achevés en 2004. Ce centre devrait regrouper 12 agents, pour la partie française, (5 policiers, 5 gendarmes et 2 douaniers) et 16 fonctionnaires pour la partie espagnole.

Le futur centre de Melles Pont du Roy pourrait être installé dans les locaux du service de la PAF, après le transfert de cette dernière à Toulouse. Les effectifs français s'y élèveront à 14 agents (5 policiers, 5 gendarmes et 4 douaniers) ; les personnels espagnols (effectifs et répartition) n'ont pas été définis.

L'aménagement du futur centre de Biriatou a été envisagé dans un bâtiment vaste et sécurisé, libéré par la compagnie de C.R.S. Les effectifs nécessaires au fonctionnement du centre ne sont pas encore précisément définis. Toutefois, la police nationale a prévu d'affecter environ 10 agents.

Les dispositions de la convention, consacrée aux missions et au fonctionnement des futurs CCPD, ne présentent pas d'élément véritablement novateur par rapport aux méthodes déjà en vigueur dans les commissariats communs. Les missions consisteront à recueillir et échanger des informations, à coopérer afin de procéder à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, à opérer la réadmission des demandeurs d'asile déboutés ainsi que des demandeurs d'asile dont la procédure est en cours, qui se trouvent en situation irrégulière sur le territoire de l'autre Etat.

Enfin, les centres participeront à la coordination des interventions pour lesquelles les autorités de différents secteurs sont concernées. Il s'agit, par exemple, de planifier des recherches transfrontalières telles des opérations de recherche d'urgence dans un périmètre déterminé, ou d'harmoniser la surveillance ou la recherche dans la zone frontalière. Ils prépareront et soutiendront les observations et les poursuites transfrontalières effectuées en vertu des articles 40 et 41 de la Convention d'application Schengen.

L'examen des compétences des nouveaux centres fait apparaître que, de même que les anciens commissariats, il s'agira d'une structure non opérationnelle, fonctionnant comme un « prestataire de services » au bénéfice des administrations des deux pays. La phase suivante, qui consisterait à confier aux centres la mise en œuvre d'une coopération directe à caractère opérationnel, n'est pas encore d'actualité. En outre, il n'est pas envisagé, dans cette convention particulière, l'échange de données à caractère personnel.

Les budgets d'équipement et de fonctionnement de la partie française des CCPD sont pourvus par la direction générale de la police nationale, remboursée selon les modalités fixées par un protocole financier entre les administrations concernées.

C - La coopération directe

La coopération est pratiquée régulièrement entre les autorités des deux pays. A titre d'exemple, on mentionnera que des contrôles anti-E.T.A. sont régulièrement organisés, coordonnés avec la gendarmerie, la police espagnole et la garde civile.

A l'occasion de deux manifestations autonomistes basques à Bayonne et à Saint-Jean de Luz, les 31 mars et 22 juin 2002, un service d'observation et de contrôle des flux migratoires a été mis en place en coordination avec les autorités espagnoles.

Ponctuellement, des contrôles fixes à la frontière ont été rétablis à la demande des autorités espagnoles du 8 au 16 mars 2002 (en vue du sommet de Barcelone) et du 14 au 22 juin 2002 ( en vue du sommet de Séville).

La France a également demandé le rétablissement des contrôles le 19 octobre 2002 à l'occasion d'une manifestation nationaliste à Bayonne.

Mais le traité devrait conduire à un approfondissement des contacts déjà existants entre les différentes unités. L'article 10 du traité prévoit la coordination d'actions communes dans la zone frontalière ; l'article 15 précise que des agents pourront être mis à la disposition des autorités de l'autre Etat (jusqu'à 48 heures) pour les besoins d'une affaire particulière.

La douane participera aux dispositifs prévus par l'accord correspondant à ses missions sur le terrain et à la coopération inter services dans les centres de coopération. Elle pourra éventuellement participer à des patrouilles mixtes comme elle le fait progressivement sur les autres frontières.

La constitution de patrouilles mixtes des services de police, qui présenterait de grands avantages pour la constatation des infractions (ainsi en matière d'immigration illégale) n'est pas encore possible, mais il semble que la réflexion fasse son chemin à ce sujet. Un groupe de travail regroupant les services des trois administrations partenaires françaises et de leurs correspondants espagnols a été constitué et tente d'élaborer les objectifs et les modalités de telles patrouilles.

Les équipes communes d'enquête sont déjà un instrument de coopération autorisé par la convention d'entraide judiciaire européenne, dont l'article 13 précise les conditions et les modalités de mise en œuvre. Toutefois cette convention n'étant pas ratifiée par l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, une décision-cadre a été adoptée en juin dernier, isolant cet article 13 de la convention précitée et permettant son application, sous réserve de la transposition de la décision-cadre en droit interne, avant le 1er janvier 2003. A ce jour, cette transposition n'a pas encore eu lieu.

CONCLUSION

Le traité de Blois a été ratifié par l'Espagne le 6 mars 2001. Il convient sans tarder de faire de même du côté français, votre Rapporteur regrettant le retard manifesté par notre pays. Il semble que ce retard ait été causé par des difficultés dans la définition des unités et services compétents, au plan français, pour participer aux centres de coopération, ainsi que dans l'établissement des listes de services compétents pour exercer la coopération directe.

En dépit de ce retard, les relations entre les services des deux pays sont très satisfaisantes, et la volonté de coopérer présente à tous les niveaux. Ainsi, les Ministres français et espagnol des Affaires étrangères ont proposé, en mars 2003, dans une contribution conjointe à la convention sur l'avenir de l'Europe, de créer un Comité de sécurité intérieure chargé de coordonner l'application opérationnelle des instruments adoptés dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.

Le traité signé à Blois entre la France et l'Espagne conférera des moyens et des procédures devenus indispensables à la coopération entre les services de police, de gendarmerie et de douanes français et espagnol. Sa mise en œuvre devrait avoir des répercussions positives sur la sécurité de la région frontalière. Les statistiques d'activité du premier centre de coopération policière et douanière en fonctionnement aujourd'hui témoignent d'une efficacité accrue. Cependant, il convient d'assurer aux quatre centres prévus des conditions matérielles et techniques satisfaisantes et ce, le plus rapidement possible.

Cette coopération appelle en outre la mise en place à l'avenir de services encore plus complémentaires et une coopération plus complète, plus directe et plus intégrée dans certaines de ces missions, pour illustrer concrètement les avancées des traités de l'Union européenne, et notamment de celui d'Amsterdam. Dans cette perspective, votre Rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 5 mars 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président Edouard Balladur a relevé que le rapporteur insistait à juste titre sur la nécessité de mettre en place rapidement de bonnes conditions matérielles.

M. Bernard Schreiner a indiqué qu'un centre de coopération policière et douanière avait été inauguré il y a un mois à Kehl, sur la frontière franco-allemande. L'efficacité du travail ainsi coordonné a rapidement été constatée dans la région, ce qui atteste de l'avantage de telles structures. Il a souligné qu'en dehors des trafics énumérés par le Rapporteur, il convenait hélas de citer le trafic d'êtres humains, et l'activité des proxénètes très importante et visible dans la région frontalière alsacienne. La coordination et la coopération des polices permettent aujourd'hui aux agents d'un pays de poursuivre les proxénètes et d'intervenir dans l'autre pays, ce qui dresse un obstacle à leur pratique consistant à déposer les jeunes femmes en France pour la journée et de les ramener en Allemagne le soir.

M. André Schneider a confirmé que des dizaines d'arrestations ont été effectuées au cours des trois dernières semaines, et que l'efficacité du travail policier et des procédures semble en effet bien supérieure depuis la mise en place du nouveau centre.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 338).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du traité figure en annexe au projet de loi (n° 338).

 

N° 0674 - Rapport de  sur le projet de loi de  ratification du traité france-Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (M. Henri Sicre)

1 Pour le département des Pyrénées-Atlantiques (64) : 773, des Hautes-Pyrénées (65) : 416, de la Haute-Garonne (31) : 1109, de l'Ariège (09) : 370 et des Pyrénées-Orientales (66) : 618.


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