Version PDF
Retour vers le dossier législatif

graphique

N° 708

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 mars 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 599) de M. François GUILLAUME, RAPPORTEUR DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE, sur les négociations agricoles à l'Organisation mondiale du commerce (COM [1999] 331 final/E 1285),

PAR M. Michel RAISON,

Député.

--

Organisations internationales.

INTRODUCTION 5

I. - PRÉSENTATION DE LA COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EXAMINÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE 6

II. - L'UNION EUROPÉENNE EST LA CIBLE D'ATTAQUES INJUSTIFIÉES À L'OMC 7

A. RAPPEL DU CALENDRIER, DU CONTENU ET DU CONTEXTE DES NÉGOCIATIONS À L'OMC 7

B. L'UNION EUROPÉENNE A CONSENTI DAVANTAGE D'EFFORTS QUE LES ETATS-UNIS 9

C. L'OUVERTURE DE L'UNION EUROPÉENNE AUX PAYS EN DÉVELOPPEMENT EST RÉELLE 10

III. - LA COMMISSION EUROPÉENNE DOIT RESPECTER LE MANDAT QUI LUI A ÉTÉ CONFIÉ SANS ÉVOQUER UNE RÉFORME DE LA PAC 11

A. LA PROPOSITION DE MODALITÉS ÉMISE PAR LA COMMISSION RESPECTE LES LIGNES DIRECTRICES DU MANDAT DE NÉGOCIATION EN VIGUEUR 11

B. LA RÉFLEXION PRÉMATURÉE SUR UNE FUTURE RÉFORME DE LA PAC FRAGILISE LA POSITION DE NÉGOCIATION DE L'UNION EUROPÉENNE 12

IV. - LA PROPOSITION HARBINSON EST TROP DÉSÉQUILIBRÉE POUR SERVIR DE SOCLE À UN ACCORD 13

A. LA SUPPRESSION DES RESTRICTIONS DANS L'ACCÈS AUX MARCHÉS 13

B. LA RÉDUCTION DES SUBVENTIONS À L'EXPORTATION 13

C. L'ENCADREMENT DES POLITIQUES DE SOUTIEN INTERNE 14

V. - LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE DOIT ETRE CLARIFIÉE ET COMPLÉTÉE 14

EXAMEN EN COMMISSION 17

Mesdames, Messieurs,

Les produits agricoles ne représentent que 9,1 % des échanges internationaux de marchandises, seuls 10 % de la production agricole mondiale faisant l'objet de tels échanges. Pourtant, le volet agricole des négociations à l'OMC focalise souvent l'attention du grand public et fait l'objet de discussions particulièrement âpres. Ce paradoxe apparent s'explique par l'importance des soutiens dont bénéficie l'agriculture à travers le monde (ces soutiens représentant 31 % des recettes agricoles mondiales) et surtout par l'attachement particulier des citoyens à cette activité stratégique.

En effet cette dernière ne consiste pas à produire une marchandise ordinaire mais un bien indispensable à la vie humaine, et met en jeu des considérations à la fois économiques, sanitaires, environnementales, territoriales et culturelles. Cette nature spécifique a conduit, jusqu'au milieu des années 1980, à écarter l'agriculture des négociations commerciales du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) et à admettre du même coup l'existence d'une « exception agricole ».

Toutefois, le cycle de négociations de l'Uruguay, rompant avec cette logique, a abouti le 15 avril 1994 à la signature de l'accord de Marrakech qui institue l'OMC (Organisation mondiale du commerce) comme cadre permanent des négociations commerciales, et auquel est annexé un Accord sur l'agriculture. Cet accord a prévu des règles pour améliorer l'accès au marché, aménager les soutiens internes et réduire les subventions aux exportations.

Les négociations actuellement en cours à l'OMC visent à poursuivre ce mouvement de libéralisation des échanges agricoles en réduisant davantage encore les pratiques créant des distorsions de concurrence, au risque de porter atteinte à la diversité des modèles agricoles et en particulier aux mécanismes fondamentaux de la politique agricole commune.

Après avoir brièvement présenté la communication de la Commission européenne à laquelle la proposition de résolution (n° 599) sur les négociations agricoles à l'OMC du 5 février 2003 présentée par M. François Guillaume se réfère, votre rapporteur s'attachera à rappeler les enjeux essentiels de cette négociation.

De nombreux faits et chiffres précis attestent de la solidité de la position de l'Union européenne compte tenu des efforts entrepris, qui contrastent singulièrement avec les critiques qui lui sont adressées par des partenaires souvent moins vertueux. Par ailleurs, il convient de rappeler que la Commission européenne devra impérativement respecter le mandat de négociation de 1999, qui reste valable et ne prévoit pas une nouvelle réforme d'ensemble de la politique agricole commune (PAC).

Enfin, la proposition d'accord sur les modalités de négociation en matière agricole rendue publique le 12 février 2003 par le président du Comité de l'agriculture de l'OMC est trop défavorable à l'Union européenne pour servir de base à la négociation. La proposition de résolution soumise à la représentation nationale, rédigée à une date antérieure, devra être complétée sur ce point pour rester en phase avec les négociations en cours.

I. - PRÉSENTATION DE LA COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EXAMINÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La proposition de résolution adoptée le 5 février 2003 par la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale se fonde sur la communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen COM (1999) 331 final / E 1285 relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'OMC, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 juillet 1999. Ce document déjà assez ancien reste toutefois d'actualité : il donne les orientations sur lesquelles s'est appuyé le Conseil des ministres de l'Union européenne en octobre 1999 pour fixer le mandat de négociations de la Commission européenne à l'OMC, ce mandat n'ayant depuis lors pas été révisé.

La communication de la Commission européenne rappelle que la poursuite du processus de libéralisation négociée des échanges agricoles s'effectue sur la base de l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture annexé à l'accord de Marrakech du 15 avril 1994.

Elle indique que cet accord prévoit des « réductions progressives et substantielles du soutien et de la protection » mais fait aussi référence au « traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement » et aux « considérations autres que commerciales ». La communication précise que ces dernières ont trait au « rôle polyvalent de l'agriculture » et englobent notamment les questions sanitaires, environnementales, de sécurité alimentaire ou encore les questions liées au « bien-être animal » et à la « qualité des denrées alimentaires ».

Votre rapporteur se félicite de ces mentions, qui indiquent que la Commission n'inscrit pas les négociations agricoles à l'OMC dans une perspective étroite de libéralisation mais tient en particulier à la prise en compte de la multifonctionnalité de celle-ci, qui est au cœur de la spécificité du modèle agricole européen.

Par ailleurs, la communication indique que l'Union européenne devrait rechercher dans ces négociations à améliorer son « accès au marché des pays tiers », notamment en ce qui concerne les crédits à l'exportation et les « entreprises de commerce d'Etat ». Il s'agit là de terrains sur lesquels la Commission européenne devra obtenir de ses partenaires commerciaux des concessions pour parvenir à un accord équilibré. En effet, les négociations ne peuvent valablement être engagée par l'Union européenne sur une position purement défensive même si de nombreuses critiques lui sont adressées : un compromis équilibré suppose naturellement que les parties s'engagent à des efforts réciproques.

Enfin, en matière défensive, la communication insiste sur le nécessaire maintien dans l'accord des dispositions sur lesquelles reposent des « éléments clés de la politique agricole de l'Union européenne ». Cet objectif stratégique consiste principalement à défendre l'existence de la « boîte bleue », constituée des aides à la limitation de la production mises en place il y a dix ans dans le cadre de la précédente réforme de la PAC. Le texte de la Commission européenne estime qu'il s'agit également d'obtenir la reconduction après 2003 de la « clause de paix », en vertu de laquelle les soutiens internes ne seront pas attaqués devant l'organe de règlement des différends de l'OMC, et de la « clause spéciale de sauvegarde », qui permet de rétablir des droits de douane lorsque le volume ou le prix des importations franchissent certains seuils critiques.

Votre rapporteur juge que cette approche prend en compte l'essentiel en matière agricole et constate que l'orientation annoncée dans cette communication de la Commission européenne a été largement validée par les conclusions du Conseil des ministres de l'Union européenne du 26 octobre 1999, qui a fixé en matière agricole le mandat de négociation de la Commission européenne jusqu'à ce jour.

II. - L'UNION EUROPÉENNE EST LA CIBLE D'ATTAQUES INJUSTIFIÉES À L'OMC

A. RAPPEL DU CALENDRIER, DU CONTENU ET DU CONTEXTE DES NÉGOCIATIONS À L'OMC

Le programme de travail du nouveau cycle de négociation à l'OMC a été fixé le 14 novembre 2001 par la déclaration ministérielle de Doha. Celle-ci a prévu que ce cycle, qui ne concerne pas que les questions agricoles, devait être conclu avant le 1er janvier 2005 par un « engagement unique », c'est-à-dire une proposition d'accord indivisible, à accepter ou rejeter en bloc.

La première étape des négociations agricoles en cours est la détermination des « modalités de négociation » en matière agricole, qui doit intervenir au plus tard le 31 mars 2003. Il s'agit de définir les grandes lignes et principaux objectifs des discussions en vue de parvenir à un accord. Ce dernier n'interviendra en principe que lors de la Conférence ministérielle de Cancun, qui se tiendra au Mexique du 10 au 14 septembre 2003, et au cours de laquelle les membres de l'OMC soumettront leurs « projets d'engagements globaux », c'est-à-dire leurs offres de négociation.

Le contenu des négociations agricoles est fixé par le paragraphe 13 de la Déclaration ministérielle de Doha, qui précise que les parties doivent s'entendre sur des « améliorations substantielles (dans) l'accès aux marchés », des réductions importantes des soutiens internes affectant les échanges, ainsi que sur des « réductions de toutes les formes de subventions à l'exportation ».

Votre rapporteur note d'une part que ce texte est compatible avec le maintien des soutiens internes de la « boîte bleue » (aides en contrepartie d'une limitation de la production) et de la « boîte verte » (aides totalement découplées de la production), et d'autre part qu'il permet d'engager des discussions concernant les « garanties de crédit à l'exportation et programmes d'assurance », sur le fondement de l'article 10.2 de l'Accord sur l'agriculture. Cette dernière mention donne à l'Union européenne une base pour demander aux Etats-Unis des efforts supplémentaires en matière de marketing loans, soutiens internes assimilables à des subventions à l'exportation.

Enfin, une décision prise lors de la conférence de Doha approuve les recommandations du rapport du Comité de l'agriculture de l'OMC concernant l'aide alimentaire, invitant les pays donateurs à prendre les mesures appropriées pour assurer la stabilité et la gratuité de leur aide. Compte tenu de la nature variable et parfois marchande de l'aide alimentaire apportée par les Etats-Unis aux pays en développement, cette décision fournit à l'Union européenne un argument précieux pour exiger des Etats-Unis une aide alimentaire plus loyale.

D'une manière générale, les discussions en cours à l'OMC sur le volet agricole sont très tendues du fait d'un double affrontement :

entre l'Union européenne et les Etats-Unis, eux-mêmes soutenus par les pays du « groupe de Cairns » (regroupant 18 pays exportateurs agricoles, dont le Canada, l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Brésil, l'Australie et la Nouvelle-Zélande), qui plaident pour une libéralisation plus poussée des échanges agricoles alors que leurs pratiques réelles ne s'inscrivent pas toujours dans cette logique ;

entre les pays développés et les pays en développement qui leur reprochent, avec l'appui d'analyses du FMI et de l'OCDE, de pratiquer du fait de leurs subventions à l'exportation, une forme de dumping (vente en dessous du coût de production pour conquérir des marchés) empêchant leur développement et leur autosuffisance alimentaire en pénalisant leurs cultures vivrières.

La PAC est la cible commune des différentes parties, qui dénoncent en particulier l'importance des droits de douane et des restitutions communautaires à l'exportation. Votre rapporteur s'attachera à mettre en évidence les faiblesses de ces critiques au regard du comportement répréhensible d'autres partenaires, au premier rang desquels les Etats-Unis.

B. L'UNION EUROPÉENNE A CONSENTI DAVANTAGE D'EFFORTS QUE LES ETATS-UNIS

Il convient de rappeler que l'accord de Marrakech prévoyait sur la période 1995-2001 de réduire, par rapport à la période de référence 1986-1988, de 36 % les droits de douane, de 20 % les soutiens internes couplés à la production (« boîte orange ») et de 36 % le budget des subventions à l'exportation - les pays en développement bénéficiaient d'un « traitement spécial et différencié », moins contraignant, tandis que les pays les moins avancés (PMA) étaient exemptés de toute obligation.

L'analyse de l'évolution comparée des différentes formes de soutiens agricoles accordés par l'Union européenne et les Etats-Unis montre que l'effort européen pour respecter les engagements souscrits dans le cadre des accords de Marrakech de 1994 a été de loin le plus important.

Ainsi, les droits de douane communautaires sont passés en moyenne de 26 % en 1995 à 17 % aujourd'hui, grâce à une baisse comprise entre 20 et 36 %. De même, le montant des restitutions a été divisé par trois depuis 1991, la part des subventions à l'exportation dans le budget agricole communautaire passant de 30 % en 1993 à seulement 8 % en 2001. Enfin, au sein des soutiens internes, les aides de la « boîte orange », pouvant créer des distorsions dans les échanges internationaux, ne représentaient plus en 1998-1999 que 46,9 milliards d'euros, contre 81 milliards dix ans plus tôt.

Les Etats-Unis, en revanche, sont rapidement revenus sur la démarche du Federal Agricultural Improvement and Reform Act de 1996, visant à découpler complètement les aides de la production et à réduire l'importance des dépenses de soutien. Les dépenses liées aux marketing loans, prêts de commercialisation permettant aux agriculteurs américains d'exporter leur production avec un prix inchangé en cas de baisse des cours mondiaux, sont en effet passées de 0 à 6,2 milliards de dollars entre 1998 et 2001, tandis que 25 milliards de dollars d'aides exceptionnelles étaient accordés pat le gouvernement américain à ces agriculteurs. Ces interventions expliquent en partie le quasi-doublement des dépenses agricoles américaines, qui ont atteint en 2001 95,6 milliards de dollars, alors qu'elles ne représentaient en 1996 que 48,7 milliards de dollars.

Le montant moyen des aides accordées par agriculteur entre 1996 et 2001 illustre clairement cette évolution divergente : alors que l'Union européenne stabilisait pendant cette période sa dépense à 5 000 dollars, les Etats-Unis accroissaient la leur de 2 500 à 15 000 dollars.

Enfin, les Etats-Unis n'ont pas seulement déguisé en soutiens internes des mesures assimilables en réalité à des aides à l'exportation, mais ont aussi eu recours à une aide alimentaire aux pays en développement, dont la forme et les variations permettent de penser qu'il s'agissait avant tout d'un instrument de régulation des cycles économiques et de conquête de parts de marché à l'étranger. En effet, cette aide pouvait prendre la forme de crédits remboursables et tendait à s'accroître massivement en cas d'excédents et de cours déprimés.

La dérive des dépenses agricoles et la multiplication des pratiques déloyales des Etats-Unis contrastent fortement avec l'attitude jusqu'à présent « vertueuse » de l'Union européenne et fournit à cette dernière des arguments précieux pour ne pas aborder les négociations à l'OMC sur une position purement défensive.

C. L'OUVERTURE DE L'UNION EUROPÉENNE AUX PAYS EN DÉVELOPPEMENT EST RÉELLE

Bien que la politique agricole commune (PAC) soit l'objet de critiques très vives de la part de certains pays en développement et du « groupe de Cairns », qui lui reprochent d'entraver le développement de l'agriculture des pays les plus pauvres et d'en affamer la population, l'Union européenne fait preuve à leur égard d'une réelle ouverture.

Ces pays, qui comptent un nombre d'agriculteurs infiniment plus élevé que les pays développés - l'Inde et la Chine comptent à elles seules 770 millions d'agriculteurs, contre moins de 10 millions pour les Etats-Unis et l'Union européenne réunis - demandent que leur soit reconnu à l'OMC un droit permanent de soutenir leurs populations rurales pauvres et d'assurer leur autosuffisance alimentaire par des aides et protections.

L'Union européenne n'est pas forcément hostile à l'institution d'exceptions ciblées pour protéger l'agriculture vivrière de certains de ces pays, qu'elle encourage en outre à se regrouper au sein d'ensemble régionaux, comme l'ont fait les pays européens.

Surtout, il convient de rappeler qu'au sein de l'OMC, l'Union européenne est l'acteur le plus ouvert aux exportations agricoles des pays en développement. En 2001, l'Union européenne a importé 35 milliards d'euros de produits agricoles en provenance de ces pays, contre seulement 31 milliards pour les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon réunis. Les exportations de ce dernier groupe de pays vers les pays en développement sont en revanche presque deux fois plus élevées que celles de l'Union européenne.

Grâce aux accords commerciaux préférentiels qui la lient aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, l'Union européenne absorbe 70 % des exportations que les pays les moins avancés (PMA) effectuent vers le groupe de pays développés qu'elle constitue avec les Etats-Unis, le Canada et le Japon.

Le seul fait que l'Union européenne absorbe à elle seule 85 % des exportations agricoles africaines et 45 % des exportations agricoles sud-américaines invalide largement la thèse selon laquelle les droits de douane et subventions aux exportations de la PAC serait la première cause des difficultés agricoles des pays les plus pauvres. Ces derniers pâtissent bien davantage de l'instabilité des cours mondiaux de matières premières engendrée par la libéralisation croissante des échanges agricoles préconisée par les pays du « groupe de Cairns ». Loin de souhaiter le développement des PMA, les puissances agricoles australes et nord-américaines souhaiteraient en réalité mettre fin aux avantages accordés par la PAC aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Votre rapporteur estime par conséquent que l'Union européenne est dans une position favorable vis-à-vis de la majorité des pays en développement, auprès desquels elle doit faire œuvre de pédagogie pour démonter les arguments fallacieux des Etats-Unis et du groupe de Cairns. Elle pourrait également envisager une extension à l'ensemble des 49 PMA des préférences tarifaires qu'elle accorde actuellement, de façon à nouer avec eux une alliance lui permettant d'écarter tout risque d'isolement dans les négociations.

III. - LA COMMISSION EUROPÉENNE DOIT RESPECTER LE MANDAT QUI LUI A ÉTÉ CONFIÉ SANS ÉVOQUER UNE RÉFORME DE LA PAC

A. LA PROPOSITION DE MODALITÉS ÉMISE PAR LA COMMISSION RESPECTE LES LIGNES DIRECTRICES DU MANDAT DE NÉGOCIATION EN VIGUEUR

La proposition d'offre rendue publique le 16 décembre 2002 par la Commission européenne en ce qui concerne les modalités de négociations sur l'agriculture à l'OMC, bien qu'ambitieuse, semble globalement conforme au mandat adopté par le Conseil des ministres de l'Union européenne le 21 novembre 2000. Seule l'offre de suppression de certaines subventions à l'exportation (pour le blé, l'huile d'olive et le tabac notamment) contredisait ce mandat, mais la version adoptée le 27 janvier 2003 par le Conseil des ministres chargés de l'agriculture a été rectifiée sur ce point.

Pour mémoire, le mandat susmentionné prévoit que « la position de l'Union (européenne) sera basée sur l'ensemble des mesures de l'Agenda 2000 arrêtées par le Conseil européen de Berlin » du 26 mars 1999. Il appelle par ailleurs à ce que « toutes les formes de soutien à l'exportation soient traitées sur un pied d'égalité en incluant d'autres formes, moins transparentes, de soutien à l'exportation », telles que l'aide alimentaire variable, les marketing loans ou encore les sociétés commerciales d'Etat détenant un monopole d'achat ou d'exportation. Il demande à la Commission européenne d'œuvrer au maintien de la « boîte bleue » et de la « boîte verte » ainsi qu'à la prorogation de la « clause de paix » et de la « clause de sauvegarde spéciale » précédemment évoquées par votre rapporteur.

En outre, il invite la Commission à faire valoir le rôle multifonctionnel de l'agriculture et les autres aspects non commerciaux s'y rattachant (qualité des aliments, bien-être des animaux, sûreté alimentaire incluant le principe de précaution contestée par les Etats-Unis mais partiellement reconnu par l'OMC). Enfin, le mandat de négociation invite la Commission européenne à « promouvoir activement le traitement spécial et différencié des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés ». Votre rapporteur estime que ce dernier point, ajouté aux efforts déjà accomplis par l'Union européenne vis-à-vis des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, constitue un argument à faire valoir auprès des pays en développement (non membres du « groupes de Cairns ») pour nouer avec eux une alliance dans les négociations et ainsi éviter un éventuel isolement de l'Union européenne.

Les Etats membres de l'Union européenne se sont entendus pour proposer à leurs partenaires une réduction moyenne, sur six ans, de 36 % des droits de douane selon des modalités souples, une diminution de 55 % en six ans des aides de la « boîte orange » (soutiens internes par des prix garantis), ainsi qu'une baisse de 45 % en moyenne du montant des subventions à l'exportation sous réserve de réciprocité.

Ces propositions, dès lors qu'elles ne font plus référence à la « suppression » des subventions à l'exportation, semblent bien respecter le mandat de négociation établi à l'automne 1999. Toutefois, votre rapporteur note que ces propositions sont très généreuses et utilisent d'entrée de jeu l'ensemble des marges de manœuvres disponibles dans le cadre du mandat de négociation. Cela signifie que la Commission européenne ne pourra pas faire preuve de la flexibilité nécessaire si ses partenaires commerciaux lui demandent des concessions supplémentaires, sauf à remettre en cause le compromis trouvé en 1999 à Berlin sur l'évolution de la PAC, ce que la France ne saurait en aucun cas accepter.

B. LA RÉFLEXION PRÉMATURÉE SUR UNE FUTURE RÉFORME DE LA PAC FRAGILISE LA POSITION DE NÉGOCIATION DE L'UNION EUROPÉENNE

Alors que les propositions de négociation de l'Union européenne s'inscrivent nécessairement dans le cadre fixé par le mandat de négociation susmentionné, qui s'appuie sur la réforme de la PAC décidée le 26 mars 1999 lors du Conseil européen de Berlin, la Commission européenne a engagé depuis plusieurs mois des discussions sur une nouvelle réforme de grande ampleur de la PAC.

Votre rapporteur regrette cette initiative inopportune de la Commission européenne, qui interfère dangereusement avec les négociations agricoles en cours à l'OMC. En effet, les discussions portant sur les propositions de la Commission européenne pour réformer à nouveau la PAC laissent inévitablement entrevoir aux partenaires de l'Union européenne de nouvelles concessions, ce qui n'est pas conforme à ses intérêts, compte tenu du déséquilibre déjà existant entre les efforts accomplis de part et d'autre ainsi qu'entre les concessions proposées.

Par ailleurs, votre rapporteur rappelle que l'importance des sacrifices déjà demandés aux agriculteurs du fait des réformes décidées à Berlin rend politiquement très difficiles de nouvelles exigences imposées au monde agricole. Ainsi, le Conseil européen a déjà décidé le 26 mars 1999 de baisser de 15 % les prix d'intervention des céréales, du beurre et de la poudre de lait écrémé, ainsi que de réduire de 20 % les prix d'intervention pour la viande bovine.

Enfin, cet accord a prévu que les dépenses de la PAC seraient plafonnées (soutiens au développement rural exclu) à 40,5 milliards d'euros sur la période 2000-2006. La même stabilité doit prévaloir pour les années ultérieures, puisque le Conseil européen de Bruxelles du 25 octobre 2002 a prévu un plafond de dépenses très peu évolutif pour les années 2007 à 2013. Votre rapporteur se félicite donc de l'attitude de fermeté du Gouvernement à l'égard des propositions de réforme de la PAC issues de la Commission, et en particulier de l'idée de découplage total des aides vis-à-vis de la production, de telles réformes n'étant nécessaires ni au regard des exigences des négociations en cours à l'OMC, ni au regard de l'évolution attendue des dépenses de la PAC.

IV. - LA PROPOSITION HARBINSON EST TROP DÉSÉQUILIBRÉE POUR SERVIR DE SOCLE À UN ACCORD

Un premier projet d'accord sur les modalités de négociations agricoles a été diffusé le 12 février 2003 par le président du comité de l'agriculture de l'OMC, M. Stuart Harbinson. Ce texte très élaboré et précis néglige les préoccupations non commerciales et fait peser l'essentiel des efforts sur l'Union européenne, dans les trois domaines soumis à discussion (accès aux marchés, concurrence à l'exportation, soutien interne).

Ce déséquilibre explique les faibles réticences exprimées par les Etats-Unis et les pays du « groupe de Cairns », en réalité satisfaits, tandis que les revendications des pays en développement sont plutôt bien prises en compte (d'autant qu'un régime spécifique est prévu pour les récents adhérents et en particulier la République populaire de Chine). Seul le Japon semble partager la grande inquiétude de l'Union européenne et estimer que le projet Harbinson est à la fois excessif et incomplet.

A. LA SUPPRESSION DES RESTRICTIONS DANS L'ACCÈS AUX MARCHÉS

Ainsi, en matière d'accès aux marchés, le projet propose une diminution des droits à laquelle il applique un coefficient uniforme très élevé par groupe de produits, pénalisant ainsi l'Union européenne dont la structure tarifaire comprend de nombreux pics. La méthode retenue par le Président Harbinson s'inspire directement de la formule appliquée pour les tarifs industriels, ce qui contribue à banaliser les produits agricoles à l'OMC. Par ailleurs, les volumes des contingents tarifaires seraient accrus pour atteindre 10 % de la consommation intérieure. Enfin, les pays développés devraient rapidement renoncer à l'usage de la clause de sauvegarde spéciale, à laquelle l'Union européenne a pourtant fréquemment recours.

Selon les informations transmises à votre rapporteur par la Direction des relations économiques extérieures (DREE) du ministère des Finances, ces règles et taux de réduction, s'ils étaient adoptés, pénaliseraient gravement la protection tarifaire européenne, qui reste l'une des plus importante parmi les partenaires. Elles ne devraient donc être défendues par l'Union européenne que si elles s'accompagnaient de règles strictes concernant l'instauration de normes sanitaires et qualitatives, ce qui n'est pas le cas à ce jour.

B. LA RÉDUCTION DES SUBVENTIONS À L'EXPORTATION

Les engagements proposés pour assurer une concurrence équitable entre les parties dans le domaine des exportations semblent plus proches des positions européennes. Il s'agirait de supprimer, selon une formule géométrique, en cinq ans la moitié des restitutions aux exportations, l'autre moitié étant éliminée en neuf ans. Compte tenu de l'approche par groupes de produits qui a été retenue, cela amènerait par exemple l'Union européenne à supprimer les restitutions sur le blé et la viande bovine au cours des cinq premières années, les produits tels que le lait, le sucre ou les céréales secondaires, plus dépendants encore des restitutions, bénéficiant d'un délai plus important.

De tels sacrifices ne pourraient être acceptables que s'ils étaient compensés par des efforts de même ampleur de la part d'autres partenaires commerciaux, et notamment des Etats-Unis, en matière de crédits à l'exportation ou d'aides alimentaires. Or, la propositions Harbinson propose pour ces pratiques des règles très incomplètes et peu contraignantes. Elle n'est donc pas, sur ce point, équilibrée.

C. L'ENCADREMENT DES POLITIQUES DE SOUTIEN INTERNE

Concernant le soutien interne, le projet Harbinson propose, en premier lieu, de réduire de 60 % les aides de la « boîte orange », ce pourcentage étant relativement proche des 55 % évoqués dans l'offre de la Commission européenne. Il envisage, en second lieu, une réduction des aides de la « boîte bleue » qui semble beaucoup plus difficile à accepter pour l'Union européenne : il s'agirait soit de réduire de 50 % ces aides, ce qui supposerait de soumettre celles-ci à un découplage partiel, soit de les intégrer dans la « boîte orange » réduite de 60 %, ce qui impliquerait un découplage pratiquement total des aides directes de la PAC.

Là encore, votre rapporteur ne peut que constater la distance qui sépare ce projet de la demande européenne de maintien de ces aides.

Enfin, les aides de la « boîte verte » ne seraient pas plafonnées mais les critères en vertu desquels une aide est rangée dans cette catégorie seraient durcis, de façon à limiter certains abus américains en matière d'aides d'urgence et de dépenses contracycliques.

Cet aspect constitue pour l'Union européenne l'un des rares points positifs de la proposition de modalités du président Harbinson. Il ne suffit toutefois pas à compenser toutes les concessions demandées par ailleurs à l'Union européenne, dont l'attitude vertueuse n'a pas été récompensée ces dernières années.

V. - LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE DOIT ETRE CLARIFIÉE ET COMPLÉTÉE

La proposition de résolution adoptée par la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale constitue un document détaillé couvrant l'ensemble des questions relatives aux négociations agricoles en cours à l'OMC. Votre rapporteur partage pleinement l'analyse de l'auteur de cette proposition de résolution, tant en ce qui concerne la proposition de modalités de la Commission européenne que pour ce qui relève des objectifs de long terme des négociations agricoles. Le document appelle néanmoins quelques modifications de forme en raison de sa longueur, les changements proposés par votre rapporteur étant destinés à simplifier la rédaction de cette proposition de résolution, dans un souci de clarté.

Sur le fond, la proposition de résolution rejoint les analyses précédemment exposées par votre rapporteur au sujet de certaines pratiques américaines et des efforts déjà accomplis par l'Union européenne en matière d'ouverture aux biens agricoles, notamment en provenance des pays les plus pauvres.

Toutefois, la proposition de résolution doit être complétée pour tenir compte de la proposition de modalités rendue public le 12 février dernier par M. Stuart Harbinson, président du Comité de l'agriculture de l'OMC. Votre rapporteur vous proposera donc plusieurs amendements destinés à rappeler, conformément au présent rapport, pourquoi cette proposition de modalités, malheureusement très formalisée, est inacceptable en l'état pour l'Union européenne et ne peut donc servir de base à un futur accord.

Certes, le régime spécial proposé pour les productions agricoles indispensables à la sécurité alimentaire des pays en développement doit être soutenu, mais il convient de rejeter la demande de suppression progressive des subventions à l'exportation, celles-ci n'incluant pas pour l'instant les aides de marketing loans et l'aide alimentaire contracyclique des Etats-Unis, pourtant génératrices de distorsions.

Le texte de la résolution devra également souligner l'absence de prise en compte dans la proposition Harbinson des conditions commerciales privilégiées déjà offertes par l'Union européenne à de nombreux pays en développement, ainsi que des contraintes environnementales et sanitaires caractérisant le modèle agricole européen.

Ces ajustements mis à part, votre rapporteur vous appellera avec force à adopter la proposition de résolution (n° 599) sur les négociations agricoles à l'OMC du 5 février 2003 présentée par M. François Guillaume.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 19 mars 2003, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Michel Raison, la proposition de résolution de M. François Guillaume (n° 599) sur les négociations agricoles à l'Organisation mondiale du commerce (COM [1999] 331 final/E-1285).

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. François Guillaume, usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale a rappelé que les négociations agricoles à l'OMC s'inscrivaient dans un contexte particulièrement difficile pour la France, compte tenu de son relatif isolement au sein de l'Union européenne, de l'état des relations avec les Etats-Unis et de l'attitude de la Commission européenne dont les propositions excèdent son mandat de négociation. Il a, en particulier, regretté la faiblesse de l'effort diplomatique passé en direction des pays en voie de développement.

Puis, il a souligné que ces négociations posaient le problème plus général du rôle de l'agriculture dans chaque pays et dans le monde, lié à la question de la sécurité alimentaire qui constituera un des principaux défis de l'avenir. A ce sujet, il s'est félicité de la volonté du Président de la République de proposer au G8 à l'occasion du sommet d'Evian une initiative en ce domaine, visant à favoriser avec réalisme le développement des pays pauvres d'une manière spécifique, sans s'en remettre au simple jeu du marché.

Enfin, il a estimé qu'il convenait de sortir par le haut, par des propositions claires permettant de garantir la sécurité alimentaire mondiale, de l'alternative entre, d'une part, la promotion des agricultures nationales qui aboutirait à poursuivre une guerre de subventions plus ou moins occultes et, d'autre part, la conduite d'une politique malthusienne qui est, en Europe, l'objectif de la Commission européenne.

Après avoir remercié M. François Guillaume d'avoir pris l'initiative de présenter une proposition de résolution sur cette question et M. Michel Raison d'en avoir clairement présenté les enjeux, M. Antoine Herth a estimé, en premier lieu, que cette proposition de résolution pourrait utilement exiger de manière plus résolue la remise en cause des accords dits de Blair House de 1992 entre l'Union européenne et les Etats-Unis relatifs aux cultures d'oléagineux compte tenu des difficultés des pays européens pour satisfaire leurs besoins de protéines végétales, qui sont appelés à croître après l'interdiction de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation du bétail et au vu des perspectives de développement des biocarburants. Il a ajouté qu'il convenait d'éviter toute importation de tourteaux et de produits oléo-protéagineux génétiquement modifiés.

Il a ensuite souhaité savoir si les négociateurs européens avaient pris en compte l'élargissement à venir de l'Union européenne.

Puis, M. Antoine Herth a estimé qu'il serait intéressant que la proposition de résolution reprenne l'idée d'un mécanisme de péréquation au bénéfice des pays en voie de développement, qui permettrait notamment de consolider les accords préférentiels existants entre l'Union européenne et certains de ces pays.

Enfin, il s'est interrogé sur le caractère réaliste du calendrier prévu, selon lequel les membres de l'OMC doivent déterminer d'ici le 31 mars prochain les modalités des négociations agricoles.

M. Jean-Pierre Decool, intervenant au nom du groupe UMP, a, tout d'abord, rappelé que les échanges de produits agricoles ne représentaient qu'environ 9 % du commerce mondial et que l'agriculture mobilisait plus de 300 milliards de dollars de soutien public dans les pays de l'OCDE. Il a ensuite souligné l'agressivité dans les négociations agricoles de certains membres de l'OMC, notamment des Etats-Unis, qui attaquent vivement la politique agricole commune alors même qu'ils exportent des produits agricoles dans des conditions peu transparentes, et des Etats membres du « groupe de Cairns », qui prêchent un ultralibéralisme auquel leur pratique n'est pourtant pas toujours conforme.

M. Jean-Pierre Decool a ensuite estimé que l'offre de négociation présentée par M. Stuart Harbinson, président du comité de l'agriculture à l'OMC, était inacceptable car déséquilibrée et excessivement favorable aux intérêts des Etats-Unis. Il a ajouté qu'elle empêcherait l'Union européenne de défendre une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable tout en poursuivant l'objectif de développement des pays les plus pauvres dans le cadre de négociations équilibrées et globales.

En conséquence, il a indiqué que le groupe UMP était favorable à l'adoption de la proposition de résolution présentée par M. François Guillaume et souhaitait vivement que la Commission européenne négocie sur la base du mandat qui lui avait été confié en octobre 1999, à la suite des conclusions du sommet de Berlin. Il a donc souligné la nécessité d'examiner séparément les questions relatives aux négociations agricoles au sein de l'OMC et celles relatives à la revue à mi-parcours de la politique agricole commune.

Puis, M. Jean-Pierre Decool a rappelé les efforts déjà consentis par l'Union européenne, attachée au développement des pays les plus pauvres qui ont abouti à réduire, depuis 1994, de 30 % à 6 % le taux moyen des restitutions aux exportations. Il a également souligné la nécessité que l'Union européenne maintienne un haut niveau de normes sanitaires et alimentaires.

Enfin, il a estimé que l'agriculture ne devait pas être la variable d'ajustement des négociations en cours à l'OMC et que l'Union européenne, qui a déjà consenti des efforts importants, ne devait pas aller plus loin au détriment de ses agriculteurs.

M. Jean Gaubert, intervenant au nom du groupe socialiste, a indiqué que celui-ci partageait beaucoup des positions figurant dans la proposition de résolution, en particulier la condamnation des positions des Etats-Unis et des Etats membres du « groupe de Cairns », ainsi que le rappel de la position originale de l'Europe vis-à-vis des pays en développement, qui justifie une attitude plus offensive.

Puis, il a rappelé que les produits agricoles ne représentaient pas l'essentiel des échanges internationaux et que certains produits agroalimentaires, notamment le vin, n'entraient pas dans le champ des négociations à l'OMC. Il a donc craint qu'une négociation tendue sur les produits agricoles aboutisse à des mesures de rétorsion concernant d'autres biens.

Il a également fait part de l'hostilité du groupe socialiste à l'offre de modalités de négociation présentée par M. Stuart Harbinson, président du comité de l'agriculture de l'OMC, en soulignant que la suppression de toutes les aides aurait des conséquences particulièrement néfastes pour les pays en développement.

En revanche, M. Jean Gaubert a regretté que la proposition de résolution s'inscrive dans la volonté de la majorité de refuser toute négociation nouvelle sur la politique agricole commune. Il a rappelé que son groupe, sans soutenir les propositions du commissaire européen Franz Fischler, dont la mise en œuvre aurait des conséquences négatives, avait condamné la remise en cause de la modulation des aides décidée par le Gouvernement. Il a, en effet, estimé que, dans le contexte de l'élargissement de l'Union européenne et d'une stabilité de l'enveloppe budgétaire globale consacrée à la PAC, la modulation, en réduisant les aides perçues par ceux qui en bénéficient le plus, était la seule alternative à une diminution générale des aides qui frapperaient également les agriculteurs les plus modestes.

En conséquence, il a indiqué que le groupe socialiste s'abstiendrait lors du vote de la proposition de résolution.

Le rapporteur a précisé que la proposition de résolution ne condamnait pas toute réforme ultérieure de la PAC mais la concomitance d'une telle réforme et de la négociation commerciale internationale.

M. Jean Gaubert a répondu que la différence d'approche de la majorité et de l'opposition sur cette question était bien connue et que le fait qu'elle soit évoquée dans la proposition de résolution empêchait donc son groupe de la voter.

La Commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

- Article unique

La Commission a adopté un amendement du rapporteur ajoutant un visa faisant référence au projet d'accord sur les modalités agricoles présenté le 12 février 2003 par le président du Comité de l'agriculture de l'OMC.

Puis, elle a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur.

Elle a ensuite adopté un amendement du même auteur soulignant que le renforcement de l'agriculture vivrière des pays en développement constitue un enjeu central des négociations en cours.

Puis, elle a examiné un amendement du rapporteur estimant déséquilibrée l'offre de négociation présentée par M. Stuart Harbinson, président du comité de l'agriculture à l'OMC, qui ne prend pas en compte certaines formes d'aides attribuées par les Etats-Unis et qui conduirait à une remise en cause de la « préférence communautaire » et des avantages accordés par l'Union européenne aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Le Président Patrick Ollier, ayant indiqué que le terme anglais de « marketing loans » devait également être traduit en français, M. Michel Raison, rapporteur, a proposé de modifier cette rédaction en faisant référence aux « prêts de commercialisation, dits marketing loans ». Puis, la Commission a adopté l'amendement de M. Michel Raison, rapporteur, ainsi rectifié.

La Commission a ensuite adopté un amendement de précision du rapporteur, ainsi que sept amendements rédactionnels du même auteur.

Puis, la Commission a examiné un amendement du rapporteur visant à compléter la résolution en évoquant le projet d'accord sur les modalités agricoles rendu public le 12 février 2002 par M. Stuart Harbinson, président du Comité de l'agriculture de l'OMC. La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite adopté six amendements rédactionnels du rapporteur.

Enfin, elle a adopté la proposition de résolution (n° 599) ainsi modifiée.

·

· ·

En conséquence, la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire vous demande d'adopter la proposition de résolution, dont le texte suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur les négociations agricoles à l'Organisation mondiale du commerce
(COM [1999] 331 final/E 1285)

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen du 8 juillet 1999 relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce (COM [1999] 331 final/n° E 1285),

- Vu l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), auquel sont annexés les différents accords concluant les négociations commerciales du Cycle d'Uruguay, notamment l'Accord sur l'agriculture, signé le 15 avril 1994, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 94-1137 du 27 décembre 1994, et entré en vigueur le 1er janvier 1995,

- Vu la Déclaration adoptée le 14 novembre 2001 à Doha par la Conférence ministérielle de l'OMC, qui fixe l'ordre du jour du nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales,

- Vu la proposition de la Communauté européenne relative aux modalités des négociations agricoles adoptée le 27 janvier 2003 par le Conseil,

- Vu le projet d'accord sur les modalités agricoles présenté le 12 février 2003 par le président du Comité de l'agriculture de l'OMC,

Considérant que les membres de l'OMC doivent déterminer, d'ici le 31 mars 2003, les modalités des négociations agricoles, c'est-à-dire les objectifs chiffrés de baisse des droits de douane et des soutiens à l'agriculture, pour élaborer ensuite leurs projets d'engagements globaux ou offres de négociation, qui seront discutés du 10 au 14 septembre 2003 lors de la Conférence ministérielle de l'OMC de Cancun ;

Considérant que la politique agricole commune (PAC) fait l'objet, dans le cadre de ces négociations, d'attaques inacceptables de la part principalement des Etats-Unis et des pays du « groupe de Cairns » ; 

Considérant que ces attaques compliquent la position de négociation de l'Union européenne, qui s'est pourtant largement acquittée, de manière responsable et transparente, des obligations souscrites en 1994 à Marrakech, à l'inverse des Etats-Unis, qui n'ont cessé d'accroître leurs aides agricoles ;

Considérant que l'Union européenne est le premier importateur de produits agricoles en provenance des pays en développement ; 

Considérant que les discussions concernant la révision à mi-parcours de la PAC risquent d'interférer dangereusement avec les négociations à l'OMC, en conduisant nos partenaires à durcir leurs exigences, et de fragiliser la capacité de l'Union européenne à défendre ses intérêts ;

Considérant que l'enjeu central des négociations en cours est d'obtenir la reconnaissance de la diversité des modèles agricoles régionaux à l'OMC et de contribuer au renforcement de l'agriculture vivrière des pays en développement ;

Considérant que le projet d'accord sur les modalités agricoles présenté le 12 février 2003 par le président du Comité de l'agriculture de l'OMC, M. Stuart Harbinson, propose la suppression complète des subventions à l'exportation, sans prendre en compte l'impact international des politiques américaines de soutien interne, telles que les prêts de commercialisation, dits « marketing loans », ou encore l'aide alimentaire variable aux pays en développement ;

Considérant que les mesures envisagées conduiraient à la remise en cause du principe de « préférence communautaire » ainsi que des avantages accordés par l'Union européenne aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ;

Considérant, en conséquence, que les modalités de négociation ne sauraient être discutées à partir d'un document aussi déséquilibré ;

Sur la proposition de modalités des négociations agricoles de la Communauté européenne :

1. Demande à la Commission européenne de respecter le mandat de négociation arrêté par le Conseil du 25 octobre 1999 qui s'appuie sur la réforme de l'Agenda 2000, laquelle a marqué un effort important pour adapter la PAC aux exigences de la société et au contexte international, alors que certains des partenaires, notamment les Etats-Unis, empruntaient à l'OMC la voie inverse en accroissant leurs engagements budgétaires en faveur de l'agriculture, en supprimant toute maîtrise de la production et en mettant en œuvre des mécanismes exerçant une pression à la baisse des prix mondiaux, néfaste tant pour les pays importateurs que pour les exportateurs traditionnels ;

2. Déplore que les offres d'engagement chiffrées utilisent de manière imprudente tout le crédit de négociation dont dispose l'Union européenne suite à la réforme de l'Agenda 2000, au point de ne plus lui laisser aucune marge de négociation si ses partenaires durcissent leurs exigences ; 

3. Appelle l'Union européenne à obtenir de ses partenaires, sans nouvelle concession de sa part, des contreparties équivalentes à ses propres offres, les Etats-Unis devant s'engager en adoptant comme référence le volume des aides accordées avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi agricole américaine ;

4. Estime que les propositions de réduction de la protection tarifaire pourraient menacer la préférence communautaire pour les organisations communes de marché et qu'il est nécessaire de conserver une certaine souplesse dans la diminution des tarifs douaniers, en particulier dans les secteurs non réformés de la PAC ; 

5. Approuve la suppression, par le Conseil des ministres de l'Union européenne, de la référence à l'élimination de certaines subventions aux exportations, ainsi que son remplacement par une formule sur le retrait progressif de celles-ci par toutes les parties, conformément à la Déclaration adoptée par la Conférence ministérielle de l'OMC à Doha le 14 novembre 2001 ;

6. Demande un encadrement strict des activités des sociétés commerciales d'Etat de certains pays et de leurs privilèges à l'exportation ; 

7. Regrette qu'en matière de soutien interne la proposition de négociation ne prévoie pas de soumettre les prêts de commercialisation des Etats-Unis aux disciplines applicables aux subventions aux exportations ; 

8. Approuve la proposition de maintenir la « boîte bleue », qui regroupe les aides liées à un programme de maîtrise de la production, et de proroger la « clause de paix », qui protège ces aides de toute contestation devant l'Organe de règlement des différends de l'OMC, et exige néanmoins une meilleure valorisation des efforts de maîtrise de la production, assortie de mesures efficaces de contrôle des importations ;

Sur le projet d'accord sur les modalités agricoles rendu public le 12 février 2003 par le Président du Comité de l'agriculture de l'OMC :

9. Approuve le régime spécial proposé pour les productions agricoles indispensables à la sécurité alimentaire des pays en développement ;

10. Regrette la faible prise en compte de l'accès privilégié offert par l'Union européenne à certains pays en développement ainsi que des règles environnementales et sanitaires auxquelles l'agriculture de certains partenaires est soumise ;

11. Observe que le projet d'accord présenté par le président du Comité de l'Agriculture de l'OMC M. Stuart Harbinson propose la suppression totale des subventions à l'exportation, sans prendre en compte l'impact international de politiques de soutien telles que les prêts de commercialisation et l'aide alimentaire variable accordée aux pays en développement par les Etats-Unis ;

12. Appelle à l'ouverture de discussions approfondies sur les distorsions commerciales générées par l'ensemble des politiques américaines de soutien interne, dont le volume par agriculteur n'a cessé de croître au cours des six dernières années ;

Sur les objectifs de long terme des négociations agricoles :

13. Estime que l'OMC a pour seul rôle de réguler les effets des politiques agricoles sur le commerce international sans poser une interdiction de principe de ces dernières ;

14. Juge nécessaire une révision de l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture signé le 15 avril 1994, afin d'instituer, au sein des règles commerciales multilatérales, une exception agricole fondée sur le caractère spécifique de cette activité et l'impérieuse nécessité d'assurer à tout pays sa sécurité alimentaire ; 

15. Estime que la reconnaissance de cette exception agricole exige, d'une part, la mise en place d'un mécanisme international de régulation des marchés agricoles respectant la diversité des modèles agricoles et, d'autre part, le maintien de protections tarifaires reflétant le surcoût qu'imposent aux agriculteurs les exigences de qualité et de sécurité alimentaire ;

16. Demande à l'Union européenne de conduire le combat en faveur de la préservation de la diversité des agricultures et de nouer dans ce but une alliance avec les pays en développement à faibles revenus et à déficit alimentaire souhaitant protéger leurs agricultures vivrières dans un cadre national ou régional ;

17. Demande à la Commission européenne d'encourager les pays en développement à se regrouper au sein d'ensembles régionaux pour assurer leur autosuffisance alimentaire et, dans ce but, d'obtenir que ces pays, identifiés par des critères objectifs et internationalement reconnus, soient autorisés par l'OMC à mettre en place des préférences agricoles régionales spécifiques.

 

N° 0708 : Rapport sur la proposition de résolution sur les négociations agricoles à l'Organisation mondiale du commerce (M. Michel Raison)


© Assemblée nationale