Version PDF
Retour vers le dossier législatif

graphique

N° 895

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 juin 2003.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE LOI (n°885) portant réforme des retraites

PAR M. François Calvet,

Député.

--

Voir les numéros : 885 et 898

Retraites : Généralités.

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES PARTICULARITÉS DU RÉGIME DE PENSIONS APPLICABLE AUX MILITAIRES 7

I. -  UN RÉGIME COMMUN AUX FONCTIONNAIRES ET MILITAIRES FONDAMENTALEMENT DIFFÉRENT DE CELUI EXISTANT DANS LE SECTEUR PRIVÉ 7

A. LA PENSION : UNE DETTE QUE L'ÉTAT SE RECONNAÎT ENVERS SES ANCIENS AGENTS 7

1. Le cadre général 7

2. La situation des ayants cause 7

3. Les fonctionnaires et militaires radiés des cadres sans droit à pension 8

B. DES CARACTÉRISTIQUES AVANTAGEUSES 9

1. Un droit à pension ouvert dès quinze ans de service 9

2. Un montant qui peut atteindre 80 % du traitement ou de la solde de base 9

II. -  LES SPÉCIFICITÉS DU RÉGIME DES MILITAIRES PAR RAPPORT AUX FONCTIONNAIRES CIVILS 11

A. UN RÉGIME QUI S'APPLIQUE AUSSI AUX MILITAIRES SOUS CONTRAT 11

1. Une proximité de statut justifiée par un souci de cohésion 11

2. Des bonifications spécifiques concernant principalement les carrières courtes 12

B. UNE PENSION DE RETRAITE QUI PEUT ÊTRE PERÇUE PLUS TÔT ET QUI EST CUMULABLE AVEC UN REVENU D'ACTIVITÉ 13

1. La possibilité de bénéficier de la pension dès quinze ans de service 13

2. Le cumul bénéficie principalement au personnel non officier 13

3. Une contrepartie liée à la nécessité d'entreprendre une seconde carrière 14

DEUXIÈME PARTIE : LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PROJET DE LOI 15

I. -  LES FONCTIONNAIRES CIVILS ET MILITAIRES PARTICIPENT À L'EFFORT COMMUN 15

A. L'ALLONGEMENT DE LA DURÉE DE COTISATION 15

1. L'introduction d'un système de décote 15

2. Une mise en œuvre progressive 16

B. DES MODIFICATIONS QUI NE REMETTENT PAS EN CAUSE LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DU RÉGIME DES PENSIONS 16

1. Les aménagements du calcul de la pension 16

2. Les caractéristiques essentielles du régime des pensions ne sont pas modifiées 17

II. -  LES SPÉCIFICITÉS DES PENSIONS MILITAIRES DE RETRAITE SONT PRÉSERVÉES 18

A. DES ADAPTATIONS DESTINÉES À PRÉSERVER LA JEUNESSE DES ARMÉES 18

1. Les modalités d'application spécifiques de la décote 18

2. La bonification du cinquième du temps de service est aménagée 18

3. Des avancées spécifiques aux militaires 19

B. DES POINTS EN SUSPENS 19

1. Un risque de recouvrement de décote dans certains cas 19

2. Une nécessaire révision des limites d'âge 19

3. La situation des militaires quittant l'institution avant quinze ans de service 20

CONCLUSION 21

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

I. -  AUDITION DE MME EVELYNE RATTE, SECRÉTAIRE GÉNÉRALE POUR L'ADMINISTRATION DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 23

II.  - EXAMEN DU RAPPORT 28

INTRODUCTION

L'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses nées après la seconde guerre mondiale et l'allongement de l'espérance de vie vont avoir pour conséquence, dès 2005, d'augmenter considérablement le nombre de personnes retraitées. Un tel allongement de l'espérance de vie, qui est une bonne nouvelle, remet en cause de manière directe l'équilibre du système de retraite.

L'objectif du projet de loi portant réforme des retraites (n° 885) est de préserver l'avenir du système français de retraite, fondé sur le principe de répartition, c'est-à-dire sur la solidarité entre les générations.

Dans les régimes de la fonction publique, la disproportion entre la charge assumée par l'employeur et celle de l'agent est devenue telle qu'aucun redressement ne semble envisageable sans une profonde adaptation des règles qui régissent la protection vieillesse de ce secteur.

Bien que leur régime de retraite comporte certaines spécificités, les militaires relèvent du code des pensions civiles et militaires de retraite et sont pleinement concernés par la réforme. C'est la raison pour laquelle la commission de la défense nationale et des forces armées a décidé de se saisir pour avis du projet de loi.

*

La première partie de cet avis décrira les particularités du régime actuel de pensions applicable aux militaires, aussi bien par rapport au secteur privé qu'aux fonctionnaires civils. La seconde partie examinera les modifications apportées par le projet de loi.

PREMIÈRE PARTIE : LES PARTICULARITÉS DU RÉGIME DE PENSIONS APPLICABLE AUX MILITAIRES

I. -  UN RÉGIME COMMUN AUX FONCTIONNAIRES ET MILITAIRES FONDAMENTALEMENT DIFFÉRENT DE CELUI EXISTANT DANS LE SECTEUR PRIVÉ

Les fonctionnaires civils et militaires sont régis, pour leur couverture vieillesse, par le code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers, par un décret en Conseil d'Etat.

A. LA PENSION : UNE DETTE QUE L'ÉTAT SE RECONNAÎT ENVERS SES ANCIENS AGENTS

1. Le cadre général

« La pension est une allocation pécuniaire personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires civils et militaires et, après leur décès, à leurs ayants cause désignés par la loi, en rémunération des services qu'ils ont accomplis jusqu'à cessation régulière de leurs fonctions. Le montant de la pension, qui tient compte du niveau, de la durée et de la nature des services accomplis, garantit en fin de carrière à son bénéficiaire des conditions matérielles d'existence en rapport avec la dignité de sa fonction ».

Ainsi est définie la pension de retraite accordée à un fonctionnaire civil ou à un militaire par l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Alors que les retraites versées aux salariés du secteur privé constituent une prestation fournie par des organismes cogérés par les partenaires sociaux, la pension servie aux fonctionnaires civils et militaires est une dette que l'Etat se reconnaît envers ses anciens agents et dont il assume la charge financière.

2. La situation des ayants cause

Les principes généraux retenus par le code des pensions civiles et militaires sont identiques pour tous les ayants cause, que le défunt ait été fonctionnaire civil ou militaire.

La veuve d'un agent public civil ou militaire peut prétendre au bénéfice d'une pension de réversion si le mariage est antérieur de deux ans à la cessation d'activité du mari ou s'il a été contracté avant l'événement qui a entraîné la radiation des cadres pour infirmité. Le droit à pension de veuve est également reconnu si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ou si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années.

Il est égal à 50 % de la pension obtenue par le mari ou qu'il aurait pu obtenir au jour de son décès. S'y ajoute éventuellement la majoration pour enfants (10 % du montant de la pension de réversion pour les trois premiers enfants et 5 % par enfant au-delà du troisième).

Le veuf d'un personnel fonctionnaire ou militaire féminin perçoit 50 % de la pension obtenue par son épouse ou qu'elle aurait pu obtenir au jour de son décès, dans la limite d'un plafond égal actuellement à 9 173 euros par an, soit 764 euros par mois. Il ne peut percevoir cette pension avant l'âge de soixante ans, sauf s'il est atteint d'une infirmité ou d'une maladie le rendant définitivement incapable de travailler.

Chacun des orphelins âgés de moins de vingt et un ans a droit, au décès du militaire, à une pension temporaire égale à 10 % de la pension obtenue ou qu'aurait pu obtenir ce dernier au jour de son décès. Lorsque la mère est soit décédée, soit déchue, les droits de celle-ci (50 %) sont transférés aux enfants de moins de vingt et un ans qui conservent en outre le bénéfice de la pension d'orphelin de 10 %, sans que le total puisse excéder la pension du père.

3. Les fonctionnaires et militaires radiés des cadres sans droit à pension

Le code des pensions civiles et militaires de retraite dispose, en son article L. 65, que « le fonctionnaire civil ou le militaire qui vient à quitter le service, pour quelque cause que ce soit, sans pouvoir obtenir une pension ou une solde de réforme, ou qui a renoncé à cette dernière (...) est rétabli, en ce qui concerne l'assurance vieillesse, dans la situation qu'il aurait eue s'il avait été affilié au régime général des assurances sociales et à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités locales (IRCANTEC) pendant la période où il a été soumis au présent régime ».

Si ces dispositions visent les fonctionnaires civils et les militaires de carrière, elles s'appliquent essentiellement aux militaires non officiers sous contrat dont beaucoup quittent l'uniforme avant d'avoir effectué quinze ans de service. Les intéressés sont affiliés rétroactivement auprès de l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale et de l'IRCANTEC. Comme tous les salariés du secteur privé, les anciens militaires relèvent d'un régime de retraite complémentaire, qui vient en complément de la retraite versée par le régime général de sécurité sociale.

Par ailleurs, les militaires non officiers radiés des cadres pour invalidité sans pouvoir prétendre à une pension de retraite peuvent choisir entre la perception du montant de la solde de réforme prévue par l'article L. 7 du code des pensions civiles et militaires de retraite et l'affiliation rétroactive au régime général.

B. DES CARACTÉRISTIQUES AVANTAGEUSES

1. Un droit à pension ouvert dès quinze ans de service

Le droit à pension est ouvert dès quinze ans de service effectif au profit des militaires de carrière ou sous contrat et des fonctionnaires. Le droit à pension est également acquis, sans condition de durée, aux officiers et sous-officiers de carrière ainsi qu'aux fonctionnaires radiés des cadres par suite d'infirmités (imputables ou non au service).

S'agissant des militaires non officiers sous contrat ayant effectué moins de quinze ans de service, leur situation est réglée de la façon suivante :

- le droit à pension de retraite leur est ouvert s'ils sont radiés des cadres pour infirmités imputables au service, dans la mesure où ils ont effectué au moins cinq ans de service ;

- il est également ouvert à leur profit sans condition de durée de service si les intéressés, servant au-delà de la durée légale, ont été radiés des cadres pour infirmités imputables à un service en opération de guerre ouvrant droit au bénéfice de la double campagne et contractées après l'expiration de la durée légale du service militaire obligatoire.

Les principaux services pris en compte pour l'ouverture du droit à pension sont :

- les services militaires, à l'exclusion de ceux effectués en temps de paix avant l'âge de 16 ans ;

- les services civils de fonctionnaire titulaire ;

- les services civils validés, effectués préalablement aux services militaires ou de fonctionnaire en qualité d'agent contractuel dans les administrations de 1'Etat.

Ces services, qu'ils soient civils ou militaires, doivent être effectifs.

2. Un montant qui peut atteindre 80 % du traitement ou de la solde de base

Le code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit que le calcul de la pension prend en compte les services effectifs, auxquels peuvent s'ajouter des bonifications.

Les militaires, qu'ils soient de carrière ou sous contrat, peuvent bénéficier d'un certain nombre de bonifications : bénéfices de campagne, bonification du cinquième du temps de service, bonifications pour services aériens ou subaquatiques. Certains fonctionnaires civils peuvent également prétendre à la bonification du cinquième du temps de service, par exemple les fonctionnaires de police ou ceux de l'administration pénitentiaire.

Le montant de la pension de retraite, qu'elle soit civile ou militaire, est calculé à partir de deux éléments : les annuités acquises au titre des services et bonifications et le traitement ou la solde de base.

Les annuités sont converties en pourcentages à raison de 2 % par annuité liquidable. Le maximum d'annuités, soit quarante par la prise en compte des bonifications, permet de prétendre ainsi à 80 % du traitement ou de la solde de base.

Les émoluments auxquels s'applique le pourcentage sont ceux de la solde de base, à l'exception de quelques catégories de personnels qui bénéficient de l'intégration de primes ou d'indemnités dans le calcul de leur pension. L'indice de solde retenu est celui qui est détenu depuis six mois au moins au moment de la cessation des services valables pour la retraite.

Une majoration de pension est accordée aux titulaires ayant élevé au moins trois enfants pendant neuf ans et jusqu'à l'âge de seize ans. Son taux est fixé à 10 % du montant de la pension pour les trois premiers enfants et à 5 % par enfant au-delà du troisième. Cette majoration est à distinguer de la bonification d'une annuité supplémentaire par enfant, octroyée à ce jour uniquement aux femmes fonctionnaires ou militaires.

Le montant de la pension, augmenté éventuellement de la majoration pour enfants, ne peut excéder le montant de la solde de base du militaire. La pension ne peut être inférieure à un montant garanti :

- si elle rémunère au moins vingt-cinq ans de services effectifs, son montant ne peut être inférieur au traitement afférent à l'indice majoré 216, soit 11 338 euros par an actuellement ;

- si cette durée n'est pas atteinte, le montant de la pension sera de 4 % de l'indice 216 par année de services effectifs et de bonifications, soit 8 163 euros par an pour un militaire non officier ayant accompli quinze ans de service, compte tenu de trois annuités au titre de la bonification du cinquième du temps de service.

La perception de la pension de retraite peut être immédiate ou différée.

Pour les militaires, la perception de la pension peut être immédiate pour le personnel non officier ayant accompli quinze ans de service et pour les officiers totalisant vingt-cinq ans de service. Elle est différée jusqu'à l'âge de cinquante ans pour les officiers ne réunissant pas vingt-cinq ans de services effectifs. Les fonctionnaires civils peuvent percevoir leur pension à partir de l'âge de soixante ans. Ceux qui ont accompli des services dits « actifs », par exemple dans la police, peuvent bénéficier de leur pension dès cinquante-cinq ans, voire exceptionnellement cinquante ans.

Fonctionnaires et militaires de carrière se voient octroyer immédiatement une pension de retraite à l'issue d'une radiation des cadres par suite d'infirmités, quelle que soit la durée des services qu'ils ont accomplis.

II. -  LES SPÉCIFICITÉS DU RÉGIME DES MILITAIRES PAR RAPPORT AUX FONCTIONNAIRES CIVILS

A. UN RÉGIME QUI S'APPLIQUE AUSSI AUX MILITAIRES SOUS CONTRAT

Les bénéficiaires du code des pensions civiles et militaires de retraite sont les fonctionnaires civils relevant du statut général des fonctionnaires, les magistrats de l'ordre judiciaire et les militaires.

Toutefois, si les agents contractuels de la fonction publique d'Etat sont affiliés au régime général de la sécurité sociale et à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités locales (IRCANTEC), tous les militaires sous contrat relèvent des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite.

1. Une proximité de statut justifiée par un souci de cohésion

Les militaires sous contrat, qu'ils soient officiers ou non, bénéficient des mêmes droits que leurs homologues de carrière lorsqu'ils sont radiés des cadres après avoir effectué quinze ans de service : les droits à pension sont ouverts à tous et la perception immédiate est possible pour les militaires non officiers.

En revanche, pour les militaires non officiers radiés des cadres avant d'avoir atteint cette durée de service, les conditions d'ouverture du droit à pension, et donc de perception de cette prestation, sont plus restrictives que pour le personnel de carrière. Ils ne peuvent bénéficier d'une pension que :

- s'ils sont radiés des cadres pour infirmité imputable au service dans la mesure où ils ont effectué au moins cinq ans de service ;

- s'ils sont radiés des cadres pour infirmité imputable à un service en opération de guerre ouvrant droit au bénéfice de la campagne double.

S'agissant des officiers sous contrat, ils peuvent percevoir une pension à jouissance immédiate dès lors qu'ils ont atteint la limite de durée des services qu'ils peuvent effectuer en cette qualité, soit vingt ans. Dans le cas contraire, la pension leur est versée à l'âge de cinquante ans.

L'affiliation des militaires sous contrat au code des pensions civiles et militaires de retraite, contrairement aux agents civils dans la même situation, se justifie par la nécessité d'appliquer les mêmes règles à des personnels subissant les mêmes contraintes et exposés aux mêmes dangers.

2. Des bonifications spécifiques concernant principalement les carrières courtes

Tous les services militaires donnent lieu à une bonification systématique d'un cinquième de la durée réelle dans la limite de cinq annuités, mais cette bonification est réduite d'une annuité par année au-delà de l'âge de cinquante-cinq ans et disparaît en cas de maintien en activité après l'âge de cinquante-huit ans.

Par ailleurs, les bénéfices d'études préliminaires, instaurés par le code des pensions entré en vigueur le 1er décembre 1964, constituent une rémunération, généralement partielle, des années passées dans le cycle de l'enseignement supérieur en vue de présenter les concours des grandes écoles militaires. Cet avantage, qui ne concerne qu'une partie des officiers, permet aux intéressés, en sus de la bonification du cinquième du temps de service, de réunir le maximum d'annuités liquidables compte tenu des limites d'âge relativement basses qui leur sont affectées. La limite d'âge d'un capitaine de frégate est, par exemple, de cinquante-quatre ans.

Les bénéfices de campagne et les bonifications pour services aériens ou subaquatiques rémunèrent des services accomplis dans des conditions difficiles (dépaysement, insalubrité ou insécurité du territoire ; fatigue engendrée par les services aériens, promiscuité en milieu sous-marinier...) et contribuent à ouvrir un droit au départ précoce pour les militaires qui ont rendu ces services.

Les bénéfices de campagne sont décomptés selon trois taux, en fonction du territoire où les services sont accomplis :

- la demi-campagne, pour laquelle dix-huit mois sont pris en compte dans le calcul de la pension pour douze mois de service ;

- la campagne simple, pour laquelle vingt-quatre mois sont pris en compte dans le calcul de la pension pour douze mois de service réellement effectués. Il s'agit du taux actuellement retenu dans le cadre des opérations extérieures ;

- la campagne double, pour laquelle trente-six mois sont pris en compte dans le calcul de la pension pour douze mois de service. Actuellement, aucun territoire n'est affecté d'un tel taux.

Ces bonifications sont d'autant plus sensibles que la carrière réelle du militaire est courte et leur impact sur le montant de la pension est d'autant moindre que la durée de carrière se rapproche de celle des fonctionnaires : le plafond de quarante annuités liquidables limite en effet à deux ans et demi les bonifications pouvant être retenues.

B. UNE PENSION DE RETRAITE QUI PEUT ÊTRE PERÇUE PLUS TÔT ET QUI EST CUMULABLE AVEC UN REVENU D'ACTIVITÉ

1. La possibilité de bénéficier de la pension dès quinze ans de service

Les militaires non officiers peuvent entrer en jouissance de leur pension dès qu'ils y ont droit, c'est-à-dire après quinze années de service. Les officiers bénéficient de la jouissance immédiate de leur pension s'ils quittent le service après vingt-cinq ans ; ceux qui partent entre quinze et vingt-cinq ans de service bénéficient de la jouissance de leur pension à partir de l'âge de cinquante ans. Les officiers de sexe féminin, mères de trois enfants, peuvent prétendre au bénéfice d'une pension à jouissance immédiate dès quinze ans de service.

Cette possibilité dont disposent les militaires de quitter le métier des armes relativement tôt se justifie par la nécessité pour les armées de disposer d'effectifs jeunes. Elle permet de maintenir un taux de renouvellement suffisant et donc de préserver l'indispensable jeunesse des unités. Elle offre la possibilité aux militaires qui, statutairement, ne peuvent effectuer que des carrières courtes, de réaliser leur reconversion civile à un âge où il est encore possible de trouver assez facilement un emploi. Elle s'inscrit enfin dans le cadre plus général de la condition militaire et constitue, conformément au statut général des militaires, une des contreparties des contraintes liées à l'état de militaire (disponibilité, subordination, discipline, pénibilité, risque...) sans équivalent dans le reste de la fonction publique ou le secteur privé et qui ne peuvent pas être imposées durant toute une vie active, surtout pour ceux qui demeurent dans les grades subalternes.

La possibilité d'entrée en jouissance précoce de la pension peut, en outre, devenir une obligation dans le cas de limites d'âge très basses : un commandant officier de l'air doit quitter le service avant quarante-huit ans, un adjudant avant quarante-sept ans dans le cas général et avant quarante-deux ans s'il appartient au personnel navigant.

2. Le cumul bénéficie principalement au personnel non officier

Le code des pensions civiles et militaires de retraite comporte une interdiction de principe de tout cumul d'une pension civile ou militaire avec une rémunération d'activité servie par une personne publique ou partiellement financée sur fonds publics, jusqu'à la limite d'âge du grade.

Cependant, il existe une exception importante en faveur des militaires non officiers qui, s'ils quittent l'armée avant vingt-cinq ans de service, peuvent cumuler intégralement leur pension avec une rémunération publique, ce qui rend particulièrement favorable pour eux la reconversion dans des emplois publics. Pour les officiers, un tel cumul n'est possible qu'à partir de la limite d'âge de leur grade. Le cumul d'une pension avec une rémunération d'activité privée est possible sans restriction.

3. Une contrepartie liée à la nécessité d'entreprendre une seconde carrière

La brièveté des carrières et la modicité des pensions imposent à la majeure partie des militaires, quittant le service relativement jeunes, de reprendre une activité professionnelle civile. À titre d'exemple, un adjudant réunissant quinze ans de service perçoit une pension d'un montant équivalent au minimum prévu à l'article L. 17 du code des pensions, soit 680 euros par mois.

S'agissant des officiers, l'avantage qu'ils peuvent retirer du cumul de la pension et d'un traitement est fortement tempéré par le fait qu'ils doivent, pour en bénéficier, avoir atteint la limite d'âge de leur grade, située le plus souvent au-delà de cinquante-cinq ans pour les officiers supérieurs.

Enfin, si la pension peut être considérée comme une rémunération différée des services rendus, elle est également la contrepartie de cette obligation matérielle qu'ont les militaires d'être souvent contraints d'entamer tardivement une seconde carrière.

DEUXIÈME PARTIE : LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PROJET DE LOI

Le projet de loi répond à la nécessité d'adapter les différents systèmes de retraite existants aux conséquences majeures, sur leurs équilibres financiers, de l'évolution démographique attendue au cours des prochaines décennies.

Les principales dispositions du projet s'appliqueront à l'ensemble des agents de l'Etat et, en particulier, à tous les fonctionnaires civils et militaires du ministère de la défense, dans le respect des spécificités de chaque catégorie.

I. -  LES FONCTIONNAIRES CIVILS ET MILITAIRES PARTICIPENT À L'EFFORT COMMUN

La disposition principale du projet consiste en l'allongement progressif de la durée de cotisation nécessaire pour l'obtention d'une pension à taux plein. Concrètement, lorsque la réforme sera entièrement entrée en application, les agents publics devront travailler deux ans et demi de plus pour percevoir un montant de pension équivalent à celui qu'il leur aurait été possible de percevoir auparavant.

Toutefois, la contribution demandée aux fonctionnaires civils et militaires ne modifie pas fondamentalement les principes généraux du régime des pensions.

A. L'ALLONGEMENT DE LA DURÉE DE COTISATION

1. L'introduction d'un système de décote

La durée de cotisation pour une pension à taux plein est progressivement allongée (article 32). Elle est portée à quarante annuités, soit cent soixante trimestres, dès 2008 et se trouve alignée sur la durée de cotisation des salariés du secteur privé. La valeur de l'annuité est ainsi abaissée de 2 % à 1,875 %.

Un dispositif d'incitation au maintien en activité est progressivement mis en place à compter de 2006 :

- pour encourager les fonctionnaires à retarder l'âge de leur départ en retraite, une décote est introduite pour les agents n'ayant pas acquis les quarante annuités nécessaires pour obtenir une pension à taux plein. En 2015, cette décote sera appliquée avec un taux de 1,25 % par trimestre manquant, tout en étant plafonnée à vingt trimestres. Aucune décote, toutefois, ne sera appliquée à l'agent ayant atteint la limite d'âge légale, quel que soit le nombre d'annuités acquises ;

- parallèlement, les fonctionnaires qui choisiront de rester en service au-delà de l'âge de soixante ans et qui auront déjà acquis les cent soixante trimestres nécessaires à l'obtention d'une retraite à taux plein bénéficieront d'une surcote. Leur pension sera augmentée de 3 % par annuité supplémentaire, dans la limite de cinq ans. Seuls sont donc concernés par cette surcote les agents de l'Etat dont la limite d'âge est supérieure à soixante ans. Ainsi, ni les fonctionnaires des services dits « actifs » (policiers, douaniers, pompiers...) ni les militaires ne pourront prétendre à cette surcote. Ces métiers, en revanche, ouvrent droit à la perception d'une bonification d'un cinquième du temps de service, précisément mise en place pour compenser la brièveté des carrières.

Les personnes ayant poursuivi des carrières successives dans plusieurs régimes ne seront pas pénalisées, le calcul du nombre d'années nécessaire pour se voir appliquer la décote ou la surcote s'effectuant tous régimes confondus. Ainsi, pour les anciens militaires reconvertis, les annuités de bonifications acquises durant les services militaires compteront dans le calcul d'une éventuelle surcote.

2. Une mise en œuvre progressive

L'ensemble des mesures concernant les fonctionnaires civils et militaires sera mis en place progressivement. L'article 45 du projet de loi détaille la mise en œuvre de l'augmentation de la durée de cotisation et du coefficient de minoration destiné au calcul de la décote.

L'augmentation de la durée de cotisation se fera à raison de deux trimestres supplémentaires par an. Ainsi, le nombre de trimestres permettant d'atteindre le taux de remplacement maximum, actuellement de 150, atteindra 160 en 2008. Ce nombre pourra être par la suite porté à 164, soit 41 ans, en 2012, en fonction de l'évolution démographique que connaîtra le pays.

Le dispositif de décote verra sa mise en œuvre étalée entre 2006 et 2020. Ainsi, le taux de décote, fixé à 0,125 % par année manquante en 2006, passera à 3 % en 2011 et convergera vers un taux commun aux secteurs public et privé de 5 % en 2015. Afin de rendre cette mesure encore plus progressive, l'annulation de la décote se fera à l'atteinte d'un âge butoir égal à la limite d'âge du grade moins quatre ans en 2006. Cet âge butoir se rapprochera progressivement de la limite d'âge pour l'atteindre en 2020.

B. DES MODIFICATIONS QUI NE REMETTENT PAS EN CAUSE LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DU RÉGIME DES PENSIONS

1. Les aménagements du calcul de la pension

D'autres modifications, de moindre ampleur, mais qui n'en demeurent pas moins significatives, sont introduites par le projet de loi :

- les pensions seront indexées sur l'évolution des prix, comme c'est déjà le cas dans le secteur privé (article 32) ;

- les années passées dans d'autres régimes seront prises en compte dans le calcul des annuités (articles 26 et 32) ;

- le mode de calcul de la pension minimum garantie est modifié : la pension minimale garantie, qui croît avec les années de service, sera calculée sur la base d'une pension complète et progressivement revalorisée de 5 %. Son calcul se fera hors bonification, excepté pour les militaires dont les bonifications spécifiques seront prises en compte (article 32) ;

- les primes seront prises en compte avec la création d'un nouveau régime complémentaire obligatoire, distinct du régime des pensions et ouvert à tous les agents civils et militaires. Ce régime sera financé à parts égales par l'Etat et les cotisants (article 52) ;

- les avantages familiaux sont harmonisés, en particulier pour ce qui concerne la bonification pour enfant et le système de la pension de réversion, consacrant l'égalité entre hommes et femmes (articles 27, 31, 34 et 37 à 41) ;

- la possibilité de rachat de la durée d'assurance pour les années d'études supérieures est plus largement ouverte aux militaires (article 28).

2. Les caractéristiques essentielles du régime des pensions ne sont pas modifiées

Le projet de loi ne remet pas en cause certains aspects essentiels du statut des fonctionnaires civils et militaires :

- le calcul de la pension est maintenu sur la base du traitement ou de la solde des six derniers mois ;

- le taux plein de liquidation de la pension de retraite est maintenu à 75 % pour toute carrière complète. La possibilité demeure, pour les militaires, d'atteindre un taux de 80 % par la prise en compte des bonifications ;

- la période minimale pour acquérir une pension et bénéficier du taux minimum reste fixée à quinze ans ;

- le taux de cotisation des agents de l'État reste fixé à 7,85 % du traitement indiciaire ;

- le régime des bonifications est préservé ;

- le principe de l'ouverture des droits à pension après quinze ans de service pour les femmes ayant élevé trois enfants est maintenu ;

- les primes qui étaient déjà intégrées dans le calcul des pensions, comme l'indemnité de sujétions spéciales de police (ISSP) perçue par les gendarmes, restent prises en compte.

II. -  LES SPÉCIFICITÉS DES PENSIONS MILITAIRES DE RETRAITE SONT PRÉSERVÉES

Tout en poursuivant une logique de prolongement de la vie active, le projet de loi réaffirme le principe de jeunesse des armées en adaptant le dispositif général aux spécificités militaires.

La réforme ne règle toutefois pas tous les cas particuliers. Certains points en suspens devront trouver une solution pendant la période transitoire.

A. DES ADAPTATIONS DESTINÉES À PRÉSERVER LA JEUNESSE DES ARMÉES

1. Les modalités d'application spécifiques de la décote

Le dispositif de décote mis en place afin d'inciter l'ensemble des agents de l'Etat à travailler plus longtemps fait l'objet de modalités d'application dérogatoires pour les militaires (article 32). Il tient ainsi compte de la logique de déroulement des carrières courtes propres aux armées et de l'impossibilité pour les militaires de bénéficier du système de surcote en raison des limites d'âge qui leur sont imposées.

Ainsi, le système de décote ne s'appliquera pas dans les cas suivants :

- lorsque le militaire aura atteint la limite d'âge de son grade ou la limite maximale de la durée des services ;

- lorsque le militaire atteint le taux de pension de 75 % correspondant, à partir de 2008, à quarante annuités de service ;

- lorsque le militaire dont la limite d'âge est inférieure à cinquante-cinq ans décide de quitter l'uniforme après avoir accompli dix-sept ans et demi de services effectifs s'il est militaire du rang ou sous-officier, ou vingt-sept ans et demi de services effectifs s'il est officier ;

- lorsque le militaire dont la limite d'âge est supérieure ou égale à cinquante-cinq ans décide de quitter l'armée avant l'âge de cinquante ans et après avoir accompli dix-sept ans et demi de services effectifs s'il est militaire du rang ou sous-officier, ou vingt-sept ans et demi de services effectifs s'il est officier.

2. La bonification du cinquième du temps de service est aménagée

L'abattement dont fait l'objet la bonification du cinquième du temps de service est repoussé de deux ans et ne prendra désormais effet qu'à partir de cinquante-sept ans au lieu de cinquante-cinq actuellement (article 31).

Cette disposition permet aux militaires d'augmenter leur durée de cotisation de deux années supplémentaires sans être pénalisés par la mise en œuvre de l'abattement dont fait l'objet cette bonification. Cette mesure ne supprime donc pas les dispositions destinées à favoriser les départs des cadres avant la limite d'âge, mais les rend compatibles avec l'allongement de l'activité.

3. Des avancées spécifiques aux militaires

Le projet de loi présente trois mesures destinées à améliorer certaines situations particulières :

- le plancher de la solde de réforme sera revalorisé par l'adoption de l'indice majoré 227 en remplacement de l'indice majoré 216 (article 32) ;

- la pension octroyée à la veuve ou au veuf d'un militaire décédé des suites d'un attentat sur le territoire national sera dorénavant portée à 100 % de la solde de base (article 42) ;

- la situation statutaire des officiers sous contrats, qui relèvera dorénavant du code des pensions civiles et militaires de retraite, est clarifiée (articles 34 et 35).

B. DES POINTS EN SUSPENS

1. Un risque de recouvrement de décote dans certains cas

Pour certains officiers, l'instauration par le projet de loi d'un système de décote double, s'appliquant d'une part aux carrières courtes, avant vingt-sept ans et demi de service, et d'autre part aux carrières longues, à partir de l'âge de cinquante ans, risque de se traduire par un chevauchement des deux périodes de décote.

Ainsi, tous les officiers entrés dans les cadres après l'âge de vingt-deux ans et demi entreront dans la seconde zone de décote, dite « carrière longue » et basée sur l'âge (cinquante ans) avant d'être sortis de la première zone de décote, dite « carrière courte » et basée sur le nombre d'années de service (vingt-sept ans et demi). De ce fait, ces officiers ne pourront quitter l'armée après une carrière courte sans être pénalisés et seront fortement incités à prolonger leur service le plus longtemps possible, ce qui va à l'encontre du principe de jeunesse des armées. Les officiers recrutés après l'âge de vingt-deux ans et demi représentent actuellement 18 % des effectifs d'officiers, mais ce chiffre augmente régulièrement en raison de l'allongement de la durée des études.

2. Une nécessaire révision des limites d'âge

L'entrée en vigueur de la réforme des retraites conduira certainement le ministère de la défense à mener une réflexion sur l'évolution des cent cinquante limites d'âge existant dans l'institution militaire.

En effet, l'allongement progressif de la durée de cotisation aura pour conséquence mécanique d'augmenter progressivement l'âge moyen des militaires. Cet allongement aura également pour effet de ralentir sensiblement l'avancement, chacun restant plus longtemps dans son grade.

Une réflexion sur l'évolution de la structure pyramidale de l'institution militaire, garante de son efficacité opérationnelle, devra donc être engagée. La révision du statut général des militaires pourrait en fournir l'occasion.

3. La situation des militaires quittant l'institution avant quinze ans de service

Les militaires rayés des cadres sans justifier de quinze années de service ne peuvent bénéficier, sauf s'ils sont reconnus invalides, d'une pension du régime de retraite des militaires. De ce fait, ils sont pénalisés sur deux plans.

D'une part, ils perdent tous les bénéfices des bonifications acquises durant leur service, alors même que ces dispositions participent des compensations des contraintes et exigences de la vie dans les armées. Ces bonifications étant accordées aux militaires en raison de la spécificité des services rendus, il pourrait sembler justifié que ceux qui effectuent les mêmes missions bénéficient, quelle que soit leur situation, des mêmes compensations.

D'autre part, les cotisations afférentes à la validation par l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) des services accomplis par les militaires sont, en principe, à la charge de l'Etat. Toutefois, lorsque le montant des cotisations dues au titre de la validation est supérieur à celui des retenues pour pension effectuées sur le solde d'activité et reversées par le ministère de la défense, les militaires sont tenus d'acquitter la différence. Ainsi, actuellement, le militaire quittant le service avant quinze ans perd non seulement le bénéfice des bonifications acquises, mais doit également verser une partie des cotisations de son affiliation rétroactive à l'IRCANTEC.

La prise en compte de cette population qui représente désormais la moitié des militaires en activité (et l'immense majorité des militaires du rang) est une nécessité pour pérenniser la capacité du ministère de la défense à recruter les effectifs qui lui sont nécessaires.

CONCLUSION

Membres à part entière de la communauté nationale, les militaires, comme les autres agents publics, ne pouvaient rester à l'écart de l'effort rendu nécessaire pour la sauvegarde du système de retraite par répartition. Ainsi, comme l'ensemble des salariés, militaires du rang, sous-officiers et officiers seront incités à prolonger leur période d'activité pour sauvegarder le niveau de leurs pensions de retraite.

Toutefois, s'ils acceptent sans difficulté de participer à l'effort commun, les militaires ont à cœur de voir reconnues leurs spécificités. De ce point de vue, le projet de loi devrait pleinement les satisfaire : les dispositions générales qui pouvaient aller à l'encontre de certains principes spécifiques aux armées, comme la nécessité de préserver la jeunesse des forces, font l'objet d'aménagements. Par ailleurs, les éléments relatifs au calcul de la pension et considérés comme essentiels sont sauvegardés.

Certains aspects de la réforme restent néanmoins à clarifier pour que l'ensemble du dispositif s'avère pleinement opérationnel. Il conviendrait notamment d'adopter les mesures nécessaires pour que les officiers entrés tardivement sous l'uniforme puissent réellement opter entre une carrière courte et une carrière longue ; il apparaît également nécessaire de repousser et d'harmoniser certaines limites d'âge afin de permettre à tous les militaires qui le souhaitent de cotiser plus longuement. La modernisation du statut général des militaires pourrait fournir l'occasion d'achever la démarche.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. -  AUDITION DE MME EVELYNE RATTE, SECRÉTAIRE GÉNÉRALE POUR L'ADMINISTRATION DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

La commission a entendu Mme Evelyne Ratte, secrétaire générale pour l'administration du ministère de la défense, sur le projet de loi portant réforme des retraites, au cours de sa séance du mardi 3 juin 2003.

Mme Evelyne Ratte a rappelé que le ministère de la défense était concerné à plusieurs titres par la réforme dans la mesure où il compte trois catégories de personnels dont les retraites, pour deux d'entre elles, comportent des spécificités par rapport au régime général : 46 000 ouvriers d'Etat et 350 000 militaires.

Dès la mise en œuvre de la réforme, la ministre a attiré l'attention du Premier ministre sur les spécificités des retraites des militaires, auxquelles il n'est pas possible d'étendre mécaniquement les évolutions prévues pour les fonctionnaires civils.

Trois principes ont été retenus :

- les militaires entrent dans le champ du projet de loi et se verront appliquer les principes généraux et le calendrier de la réforme ;

- la contribution des militaires sera équivalente à celle des civils et progressive ;

- les contraintes d'emploi des armées justifient des aménagements sur certaines modalités.

D'ores et déjà, il existe des dispositions particulières qui répondent à la spécificité du métier des armes :

- un besoin de reconnaissance pour les militaires soumis à d'importantes contraintes (disponibilité, mobilité, risques...) ;

- une nécessité de préserver la capacité opérationnelle des forces, qui repose sur l'encouragement des départs précoces nécessaires pour maintenir une armée jeune.

La difficulté de la réforme réside dans l'équilibre à trouver entre l'objectif général d'allongement du temps d'activité et le rôle que joue le régime des pensions militaires dans le dispositif de gestion des ressources humaines.

Mme Evelyne Ratte a considéré que le dispositif proposé dans le projet, et qui a été soumis au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), avait atteint cet équilibre.

Le projet de loi contient des dispositions qui s'appliquent aux militaires comme aux civils. Il propose tout d'abord d'indexer, comme cela se fait dans le secteur privé, les pensions sur les prix, hors mesures catégorielles attribuées aux actifs.

Il allonge progressivement la durée de cotisation nécessaire à l'obtention d'une pension à taux plein ; celle-ci est portée à quarante annuités en 2008 et se trouve ainsi alignée sur la durée de cotisation des salariés du secteur privé.

En conséquence, la valeur de l'annuité sera mécaniquement abaissée de 2 % à 1,875 %.

Le projet de loi apporte, en outre, les modifications suivantes qui s'appliquent aux militaires comme aux civils :

- les années passées dans d'autres régimes seront prises en compte dans le calcul des annuités donnant droit à pension ;

- le mode de calcul de la pension minimum garantie est modifié : cette pension sera désormais calculée sur une carrière complète (quarante années de service contre vingt-cinq) et revalorisée de 5 %. Son calcul se fera pour les militaires en tenant compte des bonifications spécifiquement militaires (service en campagne, services aériens et services sous-marins), à l'exclusion des bonifications du cinquième du temps de service ;

- les primes seront prises en compte avec la création d'un régime complémentaire, distinct du régime des pensions et ouvert à tous les agents civils et militaires de carrière ou sous contrat ;

- les avantages familiaux seront harmonisés entre hommes et femmes, en particulier pour ce qui concerne les bonifications pour enfants et les pensions de réversion.

La réforme ne modifiera pas les points suivants :

- le calcul de la pension sera maintenu sur la base du traitement des six derniers mois ;

- le taux plein de liquidation de la pension sera maintenu à 75 % pour toute carrière complète ; la possibilité demeure, pour les militaires, d'atteindre un taux de 80 % par la prise en compte des bonifications spécifiquement militaires.

Le projet de loi préserve les spécificités du régime des pensions militaires.

Ainsi, le système des bonifications en vigueur est intégralement préservé. De plus, le principe de dégressivité appliqué à la bonification du cinquième du temps de service prendra effet à partir de cinquante-sept ans, contre cinquante-cinq actuellement. Les bonifications spécifiquement militaires seront prises en compte dans le calcul du minimum garanti.

Le principe de la retraite à jouissance immédiate à quinze ans pour les non-officiers et à vingt-cinq ans pour les officiers est maintenu, ainsi que la retraite à jouissance différée et les dispositions relatives aux officiers sous contrat.

Pour encourager les fonctionnaires à travailler plus longtemps et donc à retarder l'âge de leur départ à la retraite, un dispositif d'incitation au maintien en activité est progressivement mis en place à partir de 2006. Il s'agit d'un mécanisme de décote et surcote qui fait l'objet de modalités d'application et de calcul dérogatoires pour les militaires. Il tient compte ainsi des logiques de déroulement des carrières courtes propres aux armées et de l'impossibilité pour les militaires de bénéficier du système de surcote en raison des limites d'âge qui leur sont imposées.

Deux types de décotes doivent être distingués :

- pour les carrières courtes, une décote sera appliquée pendant une durée de deux ans et demi à partir de quinze ans de service pour les militaires du rang et les sous-officiers et de vingt-cinq ans de service pour les officiers. Cette décote sera de 1,25 % par trimestre manquant, l'objectif étant de retarder le départ du militaire en l'incitant à rester deux ans et demi de plus en activité ;

- pour les carrières longues, les militaires ayant un grade pour lequel la limite d'âge est supérieure ou égale à cinquante-cinq ans se verront appliquer une décote pour un départ entre cinquante ans et la limite d'âge, à hauteur de 1,25 % par trimestre. Cette mesure aura pour effet d'inciter les militaires à choisir entre la poursuite d'une carrière militaire ou la reconversion dans le civil avant cinquante ans.

Le projet de loi propose par ailleurs des avancées spécifiques aux militaires :

- le plancher de la solde de réforme sera revalorisé par l'adoption de l'indice majoré 227 comme indice de référence, au lieu de l'indice 216 ;

- la pension accordée au conjoint d'un militaire décédé des suites d'un attentat sur le territoire national sera dorénavant portée à 100 % de la solde de base ;

- la situation légale des officiers sous contrat, qui relèveront dorénavant du code des pensions civiles et militaires de retraite, sera clarifiée.

Mme Evelyne Ratte a présenté deux mesures qui, étant d'ordre statutaire, ne figurent pas dans le projet de loi, mais pourraient être retenues dans une prochaine modification du statut général des militaires :

- un traitement identique sera assuré aux militaires radiés des cadres pour invalidité avant 15 ans de service, qu'ils soient de carrière ou sous contrat ;

- les officiers dont le conjoint est atteint d'une invalidité le mettant dans l'impossibilité de travailler pourront bénéficier d'une retraite à jouissance immédiate dès quinze ans de service.

La réforme des retraites sera mise progressivement en place, mais la période de transition est conçue pour que chacun ait intérêt, dès le début, à prolonger son activité.

Enfin, pour compléter l'ensemble du dispositif, la ministre de la défense a demandé que soit menée une réflexion sur l'évolution des limites d'âge des militaires, ainsi que sur les mesures nécessaires pour conserver la cohérence du système de gestion des ressources humaines.

Le président Guy Teissier a demandé des précisions sur la prise en compte des bonifications pour le montant de la retraite, certaines d'entre elles entrant déjà dans le calcul.

Mme Evelyne Ratte a répondu que des bonifications qui ne sont pas aujourd'hui prises en compte dans le calcul de la retraite le seraient désormais pour les pensions inférieures à un seuil minimum.

M. Pierre Lang s'est déclaré dubitatif sur l'intérêt de limites d'âge faibles pour certains corps militaires comme la gendarmerie ; la limite d'âge des policiers en Allemagne est fixée à soixante-quatre ans sans que cela suscite dans ce pays d'émotion particulière. Il a ensuite demandé quels étaient les éléments qui justifiaient l'existence de pensions à jouissance immédiate après quinze ans de carrière.

Mme Evelyne Ratte a répondu que le dispositif de pension à jouissance immédiate, très avantageux et qui, à part les femmes fonctionnaires ayant élevé trois enfants, ne concerne que les militaires, a pour principale raison d'être de conserver en permanence une armée jeune.

Le président Guy Teissier a souligné qu'en pratique, ce dispositif, contrepartie de la spécificité du métier militaire, s'adressait aux militaires les moins gradés.

M. François Calvet, rapporteur pour avis, a fait remarquer qu'en tout état de cause, le montant perçu après quinze ans d'ancienneté, de 680 euros pour un adjudant par exemple, obligeait les militaires ainsi retraités à reprendre une autre activité.

Il a ensuite fait observer que la double préoccupation de conserver une armée jeune et de pousser les militaires à travailler plus longtemps pouvait entraîner certaines contradictions. Par ailleurs, l'allongement de la durée des études risque de conduire de plus en plus d'officiers entrés tardivement dans les armées à vouloir systématiquement aller jusqu'à la limite d'âge de leur grade, l'option d'une carrière courte étant trop pénalisante pour eux.

Mme Evelyne Ratte a convenu que la réforme pouvait en effet instituer pour certains officiers une décote à deux moments de leur carrière. Une première mesure susceptible de pallier cette difficulté est la possibilité instituée par la réforme de procéder au rachat des années d'études dans la limite de trois ans. D'autres dispositifs sont actuellement recherchés.

Le président Guy Teissier s'est inquiété de la situation des sous-officiers accédant au grade d'officier en cours de carrière.

Mme Evelyne Ratte a précisé que, les annuités effectuées en tant que sous-officiers comptant pour la retraite, ces officiers ne devraient pas connaître de difficulté particulière pour atteindre une retraite à taux plein à la limite d'âge de leur grade.

M. François Calvet, rapporteur pour avis, s'est inquiété du sort des officiers sous contrat recrutés après plusieurs années d'études supérieures.

Le président Guy Teissier a souligné que les officiers sous contrat étaient régis par un régime particulier. Leur contrat prévoit qu'ils quittent l'armée après vingt ans de services en bénéficiant d'une retraite à jouissance immédiate, ou différée à l'âge de cinquante ans s'ils quittent le service entre quinze et vingt années. Ces dispositions ne sont pas remises en cause.

M. Jean-Michel Boucheron a fait observer que le monde militaire présentait des spécificités en matière de concertation et de dialogue social, puisque, notamment, des syndicats ne peuvent y être institués. Il a donc demandé selon quelles modalités le projet de réforme avait été présenté aux intéressés et quelles avaient été leurs réactions.

Mme Evelyne Ratte a répondu que le ministère avait été très attentif à l'information du personnel. Au fur et à mesure de l'avancement des travaux interministériels, une information des chefs d'état-major était effectuée et des groupes de travail étaient réunis pour que l'information puisse être diffusée. D'autres actions ont eu lieu ; ainsi, un mois avant la présentation du projet en conseil des ministres, l'armée de terre a systématiquement réuni dans chaque région les présidents de catégories pour leur présenter la réforme ; ces séances de présentation, effectuées par les plus hauts responsables de cette armée, ont permis un dialogue avec les militaires. Enfin, les procédures traditionnelles de concertation du ministère ont été utilisées. Fin avril, les conseils de la fonction militaire ont été réunis ; la ministre a ensuite présenté la réforme au conseil supérieur de la fonction militaire.

II.  - EXAMEN DU RAPPORT

La commission a ensuite examiné, pour avis, sur le rapport de M. François Calvet, le projet de loi portant réforme des retraites (n° 885).

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

En conséquence, la commission de la défense nationale et des forces armées demande à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi n° 885.

 

N° 895 : Avis sur la réforme des retraites (M. François Calvet)


© Assemblée nationale