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le 24 juin 2003

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N° 949

(1ère partie)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juin 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 823) relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France,

PAR M. Thierry Mariani,

Député.

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Étrangers.

Sommaire

INTRODUCTION 7

I. -  LUTTER CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE 9

1. La pression migratoire irrégulière 9

2. Le contrôle de l'entrée et du séjour des étrangers en France 12

3. L'exécution des décisions d'éloignement 13

4. Le refus des paternités et des mariages de complaisance 17

II. -  RENOUVELER LE PROJET D'INTÉGRATION 19

1. La revitalisation de la politique d'intégration 19

2. Le lien entre l'intégration et la carte de résident 20

3. L'encadrement du regroupement familial 21

III. -  RÉFORMER LA « DOUBLE PEINE » 22

1. Expulsions et interdictions du territoire 23

2. Des régimes de protection défaillants 24

3. Une réforme nécessaire 26

4. Les mesures proposées 27

Audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, et discussion générale 30

EXAMEN DES ARTICLES 43

TITRE IER - DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE N° 45-2658 DU 2 NOVEMBRE 1945 RELATIVE AUX CONDITIONS D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE 43

Articles additionnels avant l'article premier (art. préliminaire [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Présentation d'un rapport annuel sur la maîtrise des flux migratoires 43

(art. 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Suppression de l'obligation de motivation des refus de visas aux étudiants étrangers 43

Article premier (art. 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Renonciation au bénéfice du « jour franc » en cas de refus de signer la notification écrite de non-admission 44

Article 2 (art. 5-3 [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Attestation d'accueil 45

Après l'article 2 53

Article 3 (art. 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Coordination liée à la suppression de l'obligation de détention d'un titre de séjour pour les ressortissants communautaires 53

Article additionnel après l'article 3 (art. 6 bis [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Suppression de la délivrance des récépissés de renouvellement de carte de séjour temporaire et de carte de résident 54

Articles 4 et 5 (art. 8-3 et 8-4 [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Relevé des empreintes digitales pour le contrôle de l'entrée des étrangers 54

Article additionnel après l'article 5 (art. 9 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Coordination 58

Article 6 (art. 9-1 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Suppression de l'obligation de détention d'un titre de séjour pour les ressortissants communautaires 58

Article additionnel après l'article 6 (art. 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Possibilité de retrait de la carte de séjour temporaire de l'étranger passible de poursuites pénales pour les infractions les plus graves en matière de trafic de stupéfiants 61

Article 7 (art. 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Délivrance d'une carte de séjour temporaire dans le cadre du regroupement familial - condition de communauté de vie pour les conjoints de Français 61

Après l'article 7 63

Article 8 (art. 12 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Coordination liée à la réforme du droit d'asile 63

Article 9 (art. 12 quater et 12 quinquies [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) Réforme de la commission du titre de séjour 64

Article 10 (art. 14 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Allongement du délai de résidence pour la délivrance d'une carte de résident et introduction d'une condition d'intégration 66

Article 11 (art. 15 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Allongement de la durée de mariage ouvrant droit à l'obtention d'une carte de résident 68

Article 12 (art. 15-3° de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Renforcement du contrôle de l'effectivité d'une paternité pour la délivrance de plein droit d'une carte de résident 75

Article 13 (art. 15-5° de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Suppression de la délivrance de plein droit de la carte de résident au titre du regroupement familial 76

Article 14 (art. 15-13° de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Modification des règles de délivrance de plein droit d'une carte de résident aux étrangers ayant bénéficié durant cinq ans d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » 77

Article 15 (art. 20 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Amendes encourues par les transporteurs 78

Article 16 (art. 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour des étrangers 80

Article 17 (art. 21 bis [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Circonstances aggravantes 84

Article 18 (art. 21 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Responsabilité pénale des personnes morales 85

Article 19 (art. 21 quater [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Création d'un délit spécifique de mariage simulé 85

Articles additionnels après l'article 19 (art. 21 quinquies [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Sanctions contre les employeurs d'étrangers en situation irrégulière 89

(art. 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Modalités de recours à l'avocat demandé par l'étranger auquel est notifié un arrêté de reconduite à la frontière 90

Accès à la 2ème partie

Article 20 (art. 22 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Allongement du délai dans lequel le juge doit statuer sur les recours spéciaux dirigés contre les arrêtés de reconduite à la frontière

Article 21 (art. 23 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Réexamen périodique des motifs des arrêtés d'expulsion

Article 22 (art. 25 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Protection relative contre les mesures d'expulsion au bénéfice de certaines catégories d'étrangers

Article 23 (art. 25 bis [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Coordination

Article 24 (art. 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Protection absolue contre les mesures d'expulsion au bénéfice de certaines catégories d'étrangers

Article 25 (art. 26 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Reconnaissance mutuelle des mesures d'éloignement

Article 26 (art. 28 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Assignation à résidence à titre probatoire et exceptionnel : « l'expulsion avec sursis »

Article 27 (art. 28 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Modification par coordination des règles de relèvement ou d'abrogation des interdictions du territoire et des arrêtés d'expulsion

Article 28 (art. 29 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Modification des règles d'instruction des dossiers de regroupement familial - Délivrance d'une carte de séjour temporaire

Article 29 (chapitre VII de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Coordination liée à l'introduction de la notion de protection temporaire

Article 30 (art. 32 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Protection temporaire

Article 31 (art. 32 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Coordination liée à la réforme du droit d'asile et à l'introduction de la notion de protection temporaire

Article 32 (art. 34 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Vérification de l'authenticité des actes d'état civil étrangers et sursis à statuer sur les demandes de visas

Article 33 (art. 35 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Réforme du régime de la rétention des étrangers

Article 34 (art. 35 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Aménagement des règles applicables au maintien en zone d'attente

Articles additionnels après l'article 34 (art. 35 sexies [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Encadrement juridique des modalités de notification des droits et du recours à l'interprétariat pour les personnes placées en rétention ou maintenues en zone d'attente

(art. 35 septies [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Codification des dispositions relatives à la passation de marchés groupés pour les centres de rétention

TITRE II DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL

Article additionnel avant l'article 35 (art. 21-2 du code civil) : Allongement de la durée de mariage exigée pour une déclaration d'acquisition de nationalité française

Article 35 (art. 21-27 du code civil) : Relèvement de l'incapacité d'acquisition de la nationalité

Articles additionnels après l'article 35 (art. 25-1 du code civil) : Élargissement des conditions de déchéance de la nationalité française

(art. 47 du code civil) : Contrôle des faux documents d'état civil

(art. 63 du code civil) : Audition des futurs époux

Après l'article 35

Article 36 (art. 170 du code civil) : Contrôle des mariages célébrés à l'étranger

Article 37 (art. 175-2 du code civil) : Contrôle des mariages de complaisance

Après l'article 37

Articles additionnels après l'article  37 (art. 21-24 du code civil) : Précision des critères de naturalisation

(art. 190-1 du code civil) : Abrogation

TITRE III - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE PÉNAL ET LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

Article 38 (art. 131-30, 131-30-1 et 131-30-2 [nouveaux], 213-2, 222-48, 414-6, 422-4, 431-19 et 442-12 du code pénal) : Aménagement des peines, motivation spéciale et protection absolue en matière d'interdiction du territoire

Article additionnel après l'article 38 (art. 132-40 et 132-48 du code pénal) : Interdictions « conditionnelles » du territoire français

Article 39 (art. 41 du code de procédure pénale) : Enquêtes préalables sur la situation personnelle et familiale de certains étrangers passibles d'une peine d'interdiction du territoire

Article 40 (art. 702-1 du code de procédure pénale) : Assouplissement des conditions de relèvement des interdictions du territoire

Article additionnel après l'article 40 (art. 725-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Possibilité pour l'État de confier à des personnes privées, à titre expérimental, le transfert des étrangers retenus en centre de rétention ou en zone d'attente

Article 41 (art. 729-2 du code de procédure pénale) : Suspension de l'interdiction du territoire en cas de libération conditionnelle

TITRE IV - DISPOSITIONS DIVERSES 171

Article 42 : Règlement des situations passées 171

Après l'article 42 173

Article 43 (art. 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Entrée en vigueur 173

Article 44 (art. 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002) : Passation de marchés groupés pour les centres de rétention 174

Article additionnel après l'article 44 : Dispositions transitoires 176

Article 45 : Habilitation du Gouvernement au titre de l'article 38 de la Constitution 176

Accès à la 3ème partie

TABLEAU COMPARATIF

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXE : CONDITIONS DE DÉLIVRANCE DES TITRES DE SÉJOUR

TRAVAUX PRÉPARATOIRES DU RAPPORTEUR


 

MESDAMES, MESSIEURS,

Trop longtemps, la France n'a pas eu de politique d'immigration. Malgré la pression qui s'exerçait à ses frontières, le nombre croissant des « sans papiers » et la déstructuration de son tissu social, elle a continué à subir les phénomènes migratoires sans se donner les moyens d'intégrer les étrangers installés sur son sol.

Une rupture était indispensable : le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France, soumis au vote de l'Assemblée nationale, la met en œuvre.

Sur ces questions, comme l'affirmait, récemment, le ministre de l'intérieur : « Les Français ont droit à un débat serein ». Dans le cadre de ses travaux préparatoires, le rapporteur a fait en sorte que ce débat puisse avoir lieu, indépendamment des clivages partisans qui séparent les uns et les autres : l'ensemble des membres de la commission des Lois, de droite comme de gauche, ont été conviés aux auditions qu'il a organisées. Il s'est déplacé sur le terrain, s'est entretenu avec les acteurs de la lutte contre l'immigration clandestine, s'est rendu dans plusieurs préfectures, dans la zone d'attente de Roissy ainsi que dans des centres de rétention, a assisté aux audiences organisées au tribunal de grande instance de Bobigny en application des articles 35 bis et 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Au terme de ce travail, trois priorités s'imposent, qui structurent le projet de loi : renforcer le contrôle de l'entrée et du séjour des étrangers en France, pour que notre législation ne soit plus ouvertement bafouée et que les décisions d'éloignement soient exécutées ; renouveler la politique de l'intégration, d'ailleurs inséparable de la maîtrise de l'immigration clandestine ; réformer ce qu'il est convenu d'appeler la « double peine ».

S'agissant de la maîtrise des flux migratoires, le premier volet de la réforme, destiné à mettre fin au dévoiement de la procédure du droit d'asile, est déjà engagé : le projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 a été adopté, à cet effet, en première lecture, par l'Assemblée nationale, le 6 juin dernier.

Aujourd'hui, il est proposé de lutter contre l'immigration clandestine en améliorant le contrôle de l'entrée des étrangers en France (attestations d'accueil, relevé d'empreintes digitales, vérification des actes d'état civil), en recherchant une meilleure exécution des mesures d'éloignement (allongement de la durée de rétention, rationalisation des modalités de placement en zone d'attente, reconnaissance mutuelle des décisions au sein de l'Union européenne) et en réprimant les détournements de procédure tels que les paternités et les mariages dits de complaisance.

Sur le plan de l'intégration, la France, pays d'accueil et d'immigration, sait ce qu'elle doit aux étrangers qui se sont installés, au cours des siècles, sur son territoire, en termes de rayonnement politique, économique, intellectuel et culturel. Près de 3,3 millions d'étrangers vivent de façon régulière sur notre sol ; 197 339 nouveaux titres de séjour ont été délivrés l'année dernière ; plus de 100 000 nouvelles entrées régulières sont enregistrées chaque année. Pourtant, le modèle français d'intégration ne fonctionne plus.

Déjà, la maîtrise des flux migratoires participera au renouvellement nécessaire de cette politique d'intégration car, comme le déclarait, à Troyes, le 14 octobre dernier, le Président de la République, ces deux réalités sont liées : « Chacun doit être conscient que nous ne pourrons pas conduire la politique d'intégration dont notre pays a besoin si nous ne menons pas, dans le même temps, une action, résolue et sans faiblesse contre l'immigration clandestine. La France est un pays d'accueil. Mais si l'on veut pouvoir maintenir cette tradition généreuse et nécessaire, il est essentiel que la loi et nos frontières soient respectées par tous ».

Au-delà, le Gouvernement propose d'établir un lien entre le statut de résident et les conditions d'intégration. Ainsi, l'accès à ce statut est subordonné à des critères tels que le degré de connaissance de la langue française, le suivi d'une formation professionnelle ou la participation à la vie locale et associative. Dans ce cadre, le suivi du contrat d'accueil et d'intégration sera un élément déterminant. Corrélativement, une durée de séjour plus importante est requise. La perspective de l'accès au statut de résident constituera donc à la fois une motivation d'insertion et le vecteur d'un parcours réussi dans le pays d'accueil.

Enfin, le Gouvernement propose de réformer ce qu'il est convenu d'appeler, dans le langage courant, la « double peine », afin d'assurer une meilleure prise en compte de la vie privée et familiale des étrangers ayant commis des actes de délinquance, mais qui ont des liens particulièrement forts dans notre pays, avant toute décision d'éloignement du territoire national. Dans le même temps, la réforme permettra de rendre aux expulsions et aux interdictions du territoire leur caractère effectif en concentrant les efforts de la puissance publique sur l'exécution des mesures d'éloignement qui ne sont pas de fait inapplicables.

Toutes ces questions sont abordées dans ce projet de loi qui, sur certains aspects, participe également de la mise en œuvre, au niveau national, de mesures arrêtées à l'échelon communautaire (reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement, protection temporaire des réfugiés, statut des résidents de longue durée), la politique d'immigration ayant cessé de relever de la compétence des seuls États membres depuis l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam en 1999.

Ce texte, ambitieux, doit être salué : porteur d'un projet pour la France, il est aussi, sur le plan du droit au séjour et de l'intégration, le symbole d'une volonté politique claire au service d'une souveraineté retrouvée.

I. -  LUTTER CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE

1. La pression migratoire irrégulière

La pression migratoire ne faiblit pas ; les filières prospèrent et se professionnalisent. Ce constat, corroboré par les données présentées ci-après, justifie que notre pays agisse, contre l'immigration clandestine, de façon déterminée.

· Selon les statistiques de la direction centrale de la police aux frontières, la pression migratoire illégale à nos frontières a sensiblement augmenté en 2002 par rapport à l'année précédente : 42 943 étrangers ont été non-admis ou réadmis vers l'étranger, contre 38 563 en 2001 (+ 11,36 %). Cette augmentation concerne principalement les Chinois (4534, soit + 73 %), les Sénégalais (2032, + 47,6 %), les Algériens (2154, + 36 %) et les Marocains (3483, +26 %).

Les frontières aériennes sont les plus touchées (+ 42%) : elles totalisent 49,5 % des non admissions et sont désormais la première voie d'immigration irrégulière. Cet accroissement s'est traduit mécaniquement par une saturation des zones d'attente des principales plateformes aéroportuaires et par une augmentation des demandes d'asile, deux phénomènes qui sont cependant en recul depuis plusieurs mois. L'aéroport de Roissy, où 98 % des demandes d'asile aux frontières aériennes sont déposées, est le premier concerné par ces évolutions. Bien que les ressortissants utilisant l'avion comme moyen de transport demeurent majoritairement originaires d'Afrique subsaharienne (Sénégal, Guinée, Cameroun, Mali), le premier flux irrégulier provient de Chine (4 001 non admissions en 2002, contre 2 252 en 2001).

En revanche, la pression est en baisse aux frontières maritimes (- 49,8 %), le long desquelles la sécurité a été renforcée depuis l'échouage, en février 2001, du cargo East Sea, avec à son bord plus de 900 migrants d'origine kurde. L'immigration irrégulière par cette voie est d'abord le fait de ressortissants africains, notamment marocains, algériens et ghanéens. Elle touche surtout les ports méditerranéens.

S'agissant des frontières terrestres, qui représentent 47,7 % des non admissions, il convient de distinguer les limites intérieures de l'espace Schengen et les frontières extérieures.

-  Aux frontières intérieures, la pression depuis l'Italie connaît une légère baisse en raison du recul des flux en provenance des Balkans : les migrants se dirigent d'abord vers la côte normande avec l'espoir d'un passage au Royaume-Uni, où ils souhaitent déposer une demande d'asile. On observe également une diminution du flux irrégulier afghan (- 31 %) et, a contrario, une forte augmentation du flux roumain (+ 100 %).

La frontière franco-espagnole figure aujourd'hui au deuxième rang en matière d'immigration clandestine. La pression migratoire, traditionnellement forte en Espagne, a été accentuée par le processus de régularisation mis en œuvre par ce pays depuis 2000. Les principaux flux constatés sont d'origine marocaine (+ 115 %), algérienne, pakistanaise et chinoise (+ 64 %).

Si la pression migratoire connaît un net recul à la frontière franco-belge, elle est en légère reprise à la frontière franco-allemande. On observe, pour l'une comme pour l'autre, une hausse importante du flux irrégulier irakien.

-  Aux limites extérieures de l'espace Schengen, la frontière franco-britannique demeure la principale source de préoccupation. La pression migratoire y est inversée : elle s'exerce depuis la France vers le Royaume-Uni, qui est particulièrement attractif en raison, notamment, de sa législation sur le droit d'asile. La mise en place de contrôles renforcés dans la région de Calais depuis 1999 s'est traduite par 96 851 interpellations en 2002 : les individus concernés (parfois interpellés à plusieurs reprises) étaient, à 90 %, de nationalité afghane et irakienne. La fermeture du centre de Sangatte, le 14 décembre dernier, a permis de contenir le flux des clandestins et de démanteler six réseaux de passeurs.

· Ces réseaux sont le moteur de la pression irrégulière : quinze à vingt filières sont démantelées chaque année en France. La lutte contre les passeurs obéit, au moins, à deux objectifs : contenir une activité qui représente une part croissante du « chiffre d'affaires » de la criminalité organisée ; protéger les migrants contre des traitements inhumains et dégradants.

S'il ne peut, par définition, exister de statistiques précises en la matière, certains aspects qualitatifs de ce phénomène peuvent être appréhendés. Lors de son audition par le rapporteur, le chef de l'office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (ocriest) a dressé un tableau des principales filières d'immigration clandestines répertoriées en France, qui sont au nombre de quatre et qui sont présentées ci-après.

-  Filières irako-kurdes

Les ressortissants issus de ces filières, qui utilisent d'abord la voie maritime, sont essentiellement motivés par des raisons politiques liées au problème kurde. Les itinéraires passent soit par la Croatie, la Slovénie puis l'Autriche, soit par la Russie, l'Ukraine et la Pologne. Les irakiens, notamment, représentent 45 % de la population clandestine dans le Calaisis.

-  Filières chinoises

Premier flux d'immigration clandestine en France, les filières chinoises reposent sur des organisations criminelles qualifiées de « triades », violentes et réactives. Professionnelles, dirigées depuis la Chine et disposant de relais en Europe, elles sont capables d'exploiter les failles des législations des pays visés, avec le soutien d'avocats spécialisés : ainsi, elles font entrer sur le territoire national des mineurs qui, n'ayant pas la capacité d'ester en justice, ne peuvent être placés en rétention et ont donc vocation à rester en France (1). Les immigrants fournissent aux ateliers clandestins une main d'œuvre corvéable jusqu'au remboursement de leur voyage.

-  Filières sri-lankaises

Ces filières, qui assurent le transport des populations vers le Royaume-Uni, trouvent leur origine dans la guerre ethnique qui oppose, depuis 1983, le Gouvernement sri-lankais aux Tigres de libération de l'Eelamn Tamoul (ltte). Les profits générés par ce trafic financent la guérilla pour un montant évalué à 60 millions d'euros par an : appartenant à la communauté tamoule opprimée, les migrants, une fois installés sur le territoire français, acquittent un « impôt révolutionnaire » ; le paiement est effectué en France puis transféré vers l'étranger au moyen de structures bancaires occultes.

-  Filières afghanes

Moins organisées que les précédentes, les filières afghanes, qui étaient très présentes à Sangatte, connaissent un reflux en raison de l'évolution de la situation politique dans leur pays d'origine.

Au-delà perdure une immigration plus individuelle, en provenance du Maghreb et de l'Afrique notamment, constituée de personnes majoritairement arrivées en situation régulière, disposant de liens en France et qui se maintiennent sur le territoire en situation irrégulière. L'immigration en provenance de l'Est de l'Europe est moins significative, mais les lacunes en matière de contrôle font de ces pays un lieu de transit majeur.

La lutte contre ces filières nécessite, à l'évidence, une coopération internationale renforcée : démantelé sur le seul territoire français, un réseau peut se régénérer en quelques semaines à partir des relais dont il dispose dans d'autres pays de l'espace Schengen. Cette coopération doit se matérialiser par des actions concertées entre les services de lutte contre l'immigration clandestine des différents pays, comme ce fut le cas avec le Royaume-Uni lors de la fermeture du centre de Sangatte. Un travail en amont est également nécessaire, dans les « pays sources », à l'instar du protocole d'accord signé par le ministre de l'intérieur avec la Roumanie le 30 août de l'année dernière.

La lutte contre l'immigration clandestine impose, en outre, un allégement des formalités procédurales, notamment en matière de gardes à vue, de façon à « libérer » l'action des services de police et de gendarmerie : des avancées significatives sont mises en œuvre, de ce point de vue, dans le cadre de l'examen, en cours, du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Surtout, le présent projet de loi propose de renforcer les outils de lutte contre l'immigration clandestine, en agissant directement contre les filières et en renforçant, de façon plus générale, le contrôle de l'entrée et du séjour irréguliers des étrangers en France.

2. Le contrôle de l'entrée et du séjour des étrangers en France

Le contrôle de l'entrée des étrangers en France est accru avant même les arrivées sur le territoire national, au stade de la délivrance des visas. Il est proposé, en effet, de renforcer les moyens dont disposent les agents consulaires pour s'assurer de l'authenticité des documents d'état civil présentés à l'appui des demandes. De fait, les chiffres sont éloquents : 90 % des clandestins sont entrés en France légalement sous couvert d'un visa de tourisme ; entre 30 % et 80 % des actes produits dans certains pays d'Afrique francophone sont contrefaits. L'article 32 du projet de loi permet, en conséquence, aux postes consulaires, de procéder à des opérations de vérification et introduit, pour leur mise en œuvre, un mécanisme de sursis à statuer pour la délivrance des visas qui tient compte de la lenteur de certaines autorités locales à répondre aux sollicitations de l'administration française.

De même, en généralisant le principe des justificatifs d'hébergement pour tout séjour de moins de trois mois sur le territoire français et, surtout, en organisant le contrôle de ces attestations, y compris à travers une association renforcée des élus locaux dans le dispositif, l'article 2 permettra de conforter les décisions d'octroi de visas prises par les agents consulaires et de combattre les détournements de procédure constatés dans le passé.

Toujours dans le même esprit, les articles 4 et 5 étendent les possibilités existantes de relevé des empreintes digitales aux personnes qui sollicitent la délivrance d'un visa ou, en aval, qui tentent de pénétrer dans l'espace Schengen alors qu'elles ne remplissent pas les conditions requises au regard du droit au séjour. L'objectif est clair : parfaire le dispositif de contrôle de l'entrée des étrangers, depuis la demande de visa formulée à l'étranger jusqu'à l'arrivée sur le territoire français ; accessoirement, recourir à des procédés d'identification incontestables, susceptibles de faciliter la délivrance des laissez-passer consulaires au stade de l'exécution des mesures d'éloignement.

La lutte contre les filières d'immigration clandestine sous-tend directement les nouvelles dispositions introduites par les articles 15 à 18 du projet de loi, qui procèdent à la transposition de textes européens et du protocole des Nations unies du 12 décembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée. Ils alourdissent les peines encourues par les transporteurs coupables de manquement à leur obligation de contrôle des documents de voyage et étendent cette obligation pour les passagers en transit ; élargissent le territoire protégé aux États parties au protocole de Palerme ; introduisent des circonstances aggravantes (mise en danger de la vie d'autrui et soumission à des conditions incompatibles avec la dignité humaine) ; étendent la responsabilité pénale des personnes morales aux délits aggravés précités.

Il est proposé, par ailleurs, de procéder à une refonte du dispositif de maintien dans des zones d'attente des personnes non admises sur le territoire national, qui sollicitent l'asile politique ou dont le transit est interrompu. Parmi elles, nombreux sont ceux qui cherchent, en réalité, à pénétrer en France pour des raisons économiques, en violation de la législation sur le séjour. Souvent pris en main par les filières, les étrangers concernés sont informés des failles de notre législation et cherchent à créer des vices de procédure dont ils tirent argument devant le juge des libertés et de la détention pour obtenir un refus de maintien en zone d'attente, qui leur permet de pénétrer en France. Sans papiers, ils rejoignent ensuite les rangs des clandestins qui attendent une prochaine régularisation pour s'installer définitivement dans notre pays. C'est la raison pour laquelle il est proposé de renforcer les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui n'offrent pas toutes les garanties nécessaires pour la sûreté des procédures engagées par la police aux frontières.

Ainsi, l'article 1er du projet de loi prévoit que le refus de signer la décision administrative de non-admission sur le territoire français équivaudra désormais à une renonciation au « jour franc » auquel tout étranger peut prétendre avant de faire l'objet d'un renvoi forcé dans son pays de provenance

L'article 34 permet la création de zones d'attente dans des lieux proches du littoral pour faire face à des événements tels que l'échouage, déjà évoqué, en février 2001, du cargo East Sea. Par ailleurs, il prévoit des possibilités de transfert entre zones d'attente, allège certaines formalités procédurales et autorise le recours à l'interprétariat par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Il institue un dispositif de recours contre les décisions du juge des libertés et de la détention destiné à permettre à l'administration de demander que son appel se voie reconnaître un caractère suspensif. Enfin, il stipule que, lorsqu'il existe sur l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, une salle spécialement aménagée à cet effet, le juge des libertés et de la détention y statue de droit pour les audiences organisées au titre de l'article 35 quater de l'ordonnance.

Dans le même temps, le contrôle du séjour des étrangers ne doit pas donner lieu à des formalités inutiles, synonymes d'un alourdissement procédural qui va à l'encontre de l'objectif d'efficacité recherché. C'est pourquoi les articles 3 et 6 suppriment l'obligation de détention d'un titre pour les ressortissants communautaires qui souhaitent s'établir en France.

De même, le Gouvernement est soucieux de renforcer les garanties offertes aux personnes lorsque l'autorité administrative envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour. L'article 9 du projet de loi engage, à cet effet, une réforme de la commission du titre de séjour : le rôle des élus locaux et de la société civile y est renforcé et ses missions sont élargies.

Enfin, la France s'honore d'ouvrir ses portes aux personnes déplacées en cas d'afflux massif de populations en difficulté : transposant les dispositions de la directive n° 2001/55/CE du 20 juillet 2001, elle se dote des moyens légaux lui permettant de leur offrir une protection temporaire assortie, le cas échéant, d'un droit au travail (articles 29, 30 et 31). Dans le même temps, les nouvelles dispositions introduites par le projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, en cours d'examen, sont prises en compte en ce qui concerne l'ordonnance du 2 novembre 1945 par les articles 8, 14 et 31 du projet de loi.

3. L'exécution des décisions d'éloignement

D'après une étude réalisée en novembre 2002 dans le cadre de l'inspection générale de l'administration du ministère de l'intérieur, plus de 90 % des personnes qui séjournent en situation irrégulière en France sont entrées légalement sur le territoire national, le plus souvent munies d'un visa de tourisme de trois mois dont elles n'ont pas respecté l'échéance.

Cette réalité justifie le renforcement, déjà évoqué, des prérogatives dont disposent les services consulaires pour procéder aux opérations de contrôle nécessaires au stade de la délivrance des visas. Par ailleurs, elle permet d'affirmer que la maîtrise des flux migratoires dépend plus de l'exécution effective des mesures d'éloignement que de la surveillance des frontières.

De ce point de vue, la France se caractérise par un manque d'efficacité évident. Comme le montre le tableau ci-après, en 2002, à peine 22,5 % des mesures d'éloignement (10 067 sur 49 124, hors réadmissions) ont été exécutées, contre un peu plus de 20 % en 2001 :

-  2 071 interdictions du territoire sur 6 198 ;

-  7 611 arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière sur 42 485 ;

-  385 arrêtés d'expulsion sur 441.

En excluant de ce calcul les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière notifiés par voie postale, qui ne sont suivis d'effet que dans 1 % des cas, le taux d'exécution est d'environ 59 % (34,5 % en 2001).

Cette faiblesse est connue des filières d'immigration clandestine pour lesquelles la France représente, de ce fait, une destination de prédilection. A contrario, l'exécution des mesures d'éloignement exercerait un effet dissuasif sur les candidats à l'immigration, compte tenu des sommes élevées qu'ils sont déjà contraints de verser aux filières pour rejoindre le territoire français.

À cet égard, le fait que la France parvienne à s'entendre avec d'autres pays de l'Union européenne pour organiser des « vols groupés » en vue de réacheminer les immigrés clandestins est un gage d'efficacité. L'article 25 du projet de loi, qui introduit le principe d'une reconnaissance mutuelle des mesures d'éloignement, témoigne également de l'intérêt d'une coopération renforcée en la matière.

Au-delà, l'article 33 du projet de loi est au cœur du dispositif mis en place pour assurer une meilleure exécution des décisions d'éloignement. En effet, la France se distingue, en Europe, par la brièveté de sa durée maximale de maintien en rétention des étrangers en voie d'éloignement : douze jours ne suffisent pas pour assurer les formalités inhérentes au départ et, surtout, pour obtenir la délivrance des laissez-passer consulaires.

Il est important, à ce stade, de souligner que le taux moyen de délivrance de ces laissez-passer est d'à peine 28 % : certains pays font preuve d'une réticence manifeste. Si cette situation devait perdurer, peut-être faudrait-il songer à mettre en œuvre la recommandation suivante, formulée par l'inspection générale du ministère de l'intérieur en novembre 2002 : « L'une des mesures de bon sens, à coup sûr des plus efficaces, serait d'établir un lien clair et net entre la poursuite de la délivrance des visas de tourisme par la France et la coopération des pays sources dans la délivrance des laissez-passer consulaires ».

BILAN ÉLOIGNEMENT DE L'ANNÉE 2002

Catégories de mesures

Mesures
décidées

Mesures
exécutés

Mesures non exécutées

Total mesures exécutées et non exécutées

Défaut de
documents

Absence de moyen de transport

Étranger
introuvable

Refus
d'embarquement

Assignation à résidence

Libération
par juge

Autres cas

Total

Interdictions du territoire pour séjour irrégulier (art. 19 et 27)

5 093

1 317

1 189

130

1

335

66

156

1 316

3 193

4 510

Interdictions du territoire pour infraction à la législation sur les stupéfiants

368

222

81

4

1

16

6

5

32

145

367

Autres interdictions du territoire

737

532

51

8

22

3

1

211

296

828

Total des interdictions du territoire

6 198

2 071

1 321

142

2

373

75

162

1 559

3 634

5 705

Arrêtés préfectoraux de
reconduite à la frontière sur interpellations (art. 22)

21 621

7 462

3 284

545

70

607

301

384

5 282

10 473

17 935

Arrêtés préfectoraux
de reconduite à la frontière par voie postale (art. 22)

20 619

12 097

7 834

19 931

19 931

Arrêtés préfectoraux de
reconduite à la frontière
(art. 26 bis 2e alinéa)

245

149

2

7

6

3

81

99

- -

248

Total des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière

42 485

7 611

3 286

552

12 167

613

301

387

13 197

30 503

38 114

Arrêtés d'expulsion (art. 23 et 26)

441

385

38

9

1

53

8

11

58

178

563

Total des mesures hors réadmissions

49 124

10 067

4 645

703

12 170

1 039

384

560

14 814

34 315

44 382

Réadmissions des demandeurs d'asile dans le cadre de la convention de Dublin

256

109

183

37

220

329

Réadmissions des préfectures vers des États signataires de Dublin (asile non demandé en France)

44

30

1

21

22

52

Réadmissions des préfectures frontalières vers des États limitrophes du département

11 059

10 956

53

53

11 009

Total des réadmissions au titre des conventions internationales (art. 33)

11 359

11 095

184

111

295

11 390

Total des mesures y compris réadmissions

60 483

21 162

4 645

703

12 354

1 039

384

560

14 925

34 610

55 772

Taux d’exécution : mesures exécutées / mesures exécutées + non exécutées

- Article 19 :

29,20 %

- Article 22 par voie postale :

 

- Total mesures sans les réadmissions :

22,68 %

- ITF pour ILS :

60,49 %

- Article 26 bis 2ème alinéa :

60,08 %

- Total mesures sans les réadmissions et sans les aprf par voie postale :

41,17 %

- Autres ITF code pénal :

64,25 %

- Article 33 :

97,41 %

- Total mesures avec les réadmissions et sans les aprf par voie postale :

59,04 %

- Article 22 sur interpellations :

41,61%

- Expulsions :

68,38 %

 

 

Source : ministère de l’intérieur.

Dans l'immédiat, il est proposé d'allonger la durée de rétention qui, dans certaines circonstances précises, notamment lorsque l'étranger fait obstacle à son éloignement, pourra aller jusqu'à trente-deux jours. Concomitamment, la procédure est entièrement revisitée : l'instauration d'une voie d'action permettant à l'administration de demander que son appel soit doté d'un caractère suspensif et la possibilité de recourir à des moyens de télécommunication pour l'interprétariat s'accompagnent d'un renforcement des droits des étrangers retenus, notamment à travers la création d'une commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention. De plus, l'article 44 du projet de loi, en étendant aux centres de rétention la procédure des « marchés groupés » instituée par l'article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, y compris en ce qui concerne les prestations afférentes à l'hôtellerie, devrait favoriser une amélioration des conditions d'accueil au sein de ces structures.

En cohérence avec cet allongement de la durée de rétention, l'article 20 porte de 48 à 72 heures le délai dans lequel le juge administratif est tenu de statuer sur les recours exercés contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière.

4. Le refus des paternités et des mariages de complaisance

Le contrôle de l'entrée et du séjour des étrangers en France suppose également de lutter contre des détournements qui permettent de pénétrer ou de se maintenir sur le territoire national.

· À cet effet, le projet de loi renforce le contrôle de l'effectivité d'une paternité pour la délivrance d'une carte de résident. En particulier, l'article 12 subordonne la délivrance d'une carte de résident à l'étranger père ou mère d'un enfant français résidant en France à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant « et » qu'il subvienne à ses besoins : les deux conditions, jusqu'à présent alternatives, deviennent cumulatives. De surcroît, l'intéressé devra avoir subvenu effectivement aux besoins de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans à la date de demande du titre.

Cette modification est destinée à prévenir des reconnaissances en paternité de complaisance, dont le risque est renforcé par les nouvelles règles de dévolution de l'autorité parentale issues de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 : le partage de l'autorité parentale signifie de moins en moins que le parent, étranger en l'occurrence, subvient effectivement aux besoins de l'enfant.

Le fait de subvenir ou non aux besoins d'un enfant peut recouvrir une dimension financière. Toutefois, la participation est nécessairement appréciée au regard des ressources du parent, comme l'a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997. De plus, elle peut prendre d'autres formes, qui attestent également de l'étroitesse du lien que celui-ci entretient avec son enfant. Cette interprétation est constante, comme en témoigne l'extrait suivant de la circulaire du 30 avril 1997 du ministère de l'intérieur : « La condition relative à l'entretien de l'enfant peut être prouvée par tous moyens, mais elle doit être entendue comme permettant de vérifier que l'étranger père ou mère de l'enfant français a pris les mesures nécessaires, compte tenu de ses ressources, pour assurer effectivement et de manière régulière l'entretien de celui-ci. Il convient d'éviter tout autant de conférer un droit au séjour à l'étranger qui n'aurait jamais participé aux charges du ménage ou le ferait occasionnellement par le biais de versements ponctuels d'une somme d'argent, que de sanctionner un étranger dont les ressources sont faibles au point que l'entretien n'est pas assuré convenablement même s'il est manifeste que l'effort est réalisé au mieux à cette fin. L'absence de ressources régulières ne peut donc constituer en soi un motif suffisant pour considérer que la condition relative à l'entretien de l'enfant n'est pas remplie. Cet entretien ne s'évalue pas exclusivement sous forme financière ; la participation peut prendre la forme de soins, de temps consacré et reflète l'étroitesse du lien entre le requérant à l'enfant et l'intérêt qu'il lui porte » (2). En toute hypothèse, les dispositions nouvelles n'affectent pas le droit au séjour des étrangers concernés, qui peuvent toujours obtenir une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article 12 bis 6° de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Comme on le verra, ces changements relatifs aux règles de la paternité effective sont repris par les articles 22, 24 et 38 du projet de loi (articles 25 et 26 de l'ordonnance, 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal) relatifs aux différents régimes de protection contre les mesures d'éloignement.

· Comme l'a relevé le ministre de l'intérieur, lors de son audition par la Commission, « il est singulier d'observer que les titres de séjour délivrés à raison du mariage avec un Français ont augmenté de 400 % en cinq ans et que le nombre de mariages mixtes célébrés à l'étranger, pour lesquels il n'existe aucun moyen de contrôle véritable, est devenu plus important que le nombre de mariages mixtes célébrés en France, ce qui démontre l'augmentation des mariages de complaisance et des mariages forcés, d'ailleurs confirmée par les témoignages quotidiens de nombreux maires toutes tendances politiques confondues. »

Dans le respect du principe conventionnel et constitutionnel de liberté matrimoniale, les lois de 1993 avaient permis de trouver un équilibre entre l'accueil des étrangers et la lutte contre les mariages de complaisance (les « mariages blancs »), c'est-à-dire contractés à titre principal dans le but, pour l'étranger qui se marie avec un ressortissant français, d'obtenir un titre de séjour ou d'acquérir la nationalité française. La loi du 11 mai 1998, en facilitant les mariages mixtes (3), a rompu cet équilibre, accentué par le développement des filières d'organisation des mariages de complaisance, laissant l'officier de l'état civil sans ressource face au développement d'un tel phénomène.

Afin de retrouver un équilibre nécessaire entre liberté du mariage et lutte contre les mariages de complaisance, le présent projet de loi propose d'agir dans trois directions :

-  d'abord, il créé deux infractions nouvelles de participation volontaire et d'organisation de mariages de complaisance et définit des sanctions adaptées (article 19) ;

-  ensuite, il rend moins attractif le mariage de complaisance, d'une part, en imposant la continuité de la communauté de vie pour l'obtention d'une carte de séjour temporaire (article 7) et, d'autre part, en allongeant d'un à deux ans la durée de mariage exigée d'un étranger marié avec un ressortissant français pour obtenir une carte de résident de dix ans (article 11) ;

-  enfin, il renforce le contrôle des mariages entre un étranger et un ressortissant français célébrés à l'étranger et en France, d'une part, en obligeant, les deux époux à se présenter ensemble aux autorités diplomatiques et consulaires à plusieurs reprises, et, d'autre part, en organisant une information du préfet par l'officier de l'état civil qui fait face à un risque de mariage de complaisance et en allongeant les délais dont bénéficie, sur décision motivée, le procureur de la République pour mener les investigations nécessaires (articles 36 et 37).

En organisant la lutte contre les mariages de complaisance, le présent projet de loi renforce la légitimité des mariages mixtes contractés sans intention frauduleuse et lève le soupçon sur ce type d'unions qui a tendu à s'instiller parmi les autorités chargées de les célébrer.

II. -  RENOUVELER LE PROJET D'INTÉGRATION

Comme on l'a vu, la lutte contre l'immigration clandestine est nécessaire à l'intégration des étrangers présents de façon régulière sur le territoire français. Au-delà, il convenait d'arrêter les bases d'une politique d'intégration ambitieuse, qui s'articule avec une redéfinition des règles d'accès au statut de résident.

1. La revitalisation de la politique d'intégration

À Troyes, le 14 octobre 2002, le Président de la République a tracé les grandes lignes d'une politique d'intégration renouvelée. Dans ce cadre, la nécessité d'accueillir dans de meilleures conditions les nouveaux arrivants s'est imposée d'emblée comme une priorité : « Je souhaite ainsi », déclarait alors le Président de la République, « qu'à l'instar de ce qui existe chez certains de nos voisins, chaque nouvel arrivant s'engage dans un véritable contrat d'intégration comprenant notamment la possibilité d'accéder à des formations et à un apprentissage rapide de notre langue ».

Le comité interministériel à l'intégration, qui ne s'était plus réuni depuis 1990, a approuvé, le 10 avril 2003, un programme ambitieux qui couvre tous les aspects de la question, y compris les actions de promotion sociale et professionnelle à destination, notamment, des jeunes résidant dans les quartiers prioritaires. Surtout, l'accueil des 100 000 immigrés légaux qui, chaque année, arrivent dans notre pays, a été largement abordé : faire partager les valeurs de la société française à des populations qui, souvent, ne les connaissent pas, c'est aussi épargner à notre pays, demain, les problèmes d'intégration auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Au demeurant, cette exigence est d'autant plus forte que la géographie des flux migratoires a beaucoup changé : les nouveaux arrivants proviennent de tous les horizons et non plus seulement de territoires jadis français et francophones ; il ne s'agit plus d'une immigration de transit, mais durable.

Piloté en région par les préfets, proposé en priorité sur les plates-formes d'accueil sous l'égide de l'office des migrations internationales (OMI), le « contrat d'accueil et d'intégration », d'une durée d'un an renouvelable deux fois, offrira à ces nouveaux arrivants des formations linguistiques, sociales et professionnelles, ainsi qu'un accompagnement personnalisé, et contractualisera les engagements qu'ils prennent avec le pays qui les accueille. Il permettra aussi de donner un sens au souhait formulé par le Premier ministre le 24 octobre 2002 lors de l'installation du Haut Conseil à l'intégration : « Nous refusons la ségrégation communautariste, le repli identitaire, les particularismes égoïstes et nous prônons la tolérance. Mon engagement est de restaurer ce vouloir vivre ensemble. À la générosité du projet consistant à tout mettre en œuvre pour favoriser le rapprochement entre les différentes composantes de la société doit correspondre une exigence, proclamée haut et fort : celle du respect intangible, dans l'espace public, des principes républicains ».

Selon les informations communiquées par M. Henri Toutée, président de l'OMI, lors de son audition par le rapporteur, ce contrat sera d'abord proposé, à titre expérimental, à partir du mois de juillet et jusqu'en janvier prochain, dans douze départements. À l'issue de cette première phase, les modalités de sa généralisation seront examinées : l'Agence française de l'accueil et des migrations internationales (AFAMI), nouvel organisme dont la création a été décidée par le comité interministériel, devrait en être le maître d'œuvre ; le Gouvernement appréciera si, par la voie législative, des sanctions devront y être attachées.

Il est important de relever que ces choix sont conformes aux orientations communautaires, comme en témoigne cet extrait de la communication de la Commission européenne du 22 novembre 2000 sur la politique en matière d'immigration : « Il est fondamental de créer une société accueillante et de reconnaître que l'intégration est un processus à double sens requérant une adaptation tant de l'immigré que de la société qui l'accueille. L'Union européenne est par sa nature même une société pluraliste riche de multiples traditions culturelles et sociales, qui, à l'avenir, se diversifieront plus encore. Il convient donc de respecter les différences culturelles et sociales, mais aussi les valeurs et principes fondamentaux que nous partageons : respect des droits de l'homme et de la dignité humaine, attachement au pluralisme et à la reconnaissance du fait que l'appartenance à une société se fonde sur une série de droits mais implique aussi un certain nombre d'obligations pour tous ses membres, qu'il s'agisse de ressortissants nationaux ou d'immigrés ».

De même, on doit se féliciter de l'adoption par le Conseil de l'Union européenne du 5 juin dernier de la proposition de directive relative au statut des résidents de longue durée (4), dont le projet de loi met en œuvre, comme on va le voir, plusieurs dispositions.

2. Le lien entre l'intégration et la carte de résident

L'intégration étant définie comme une logique de droits et de devoirs réciproques, il était cohérent d'établir un lien entre les efforts de l'arrivant pour réussir son parcours dans la société qui l'accueille et le statut que celle-ci lui apporte sur le plan du droit au séjour.

Concrètement, le projet de loi propose que la délivrance de la carte de résident, aussi bien dans le cadre de la procédure discrétionnaire de l'article 14 de l'ordonnance (article 10 du projet de loi) que dans les hypothèses de délivrance de plein droit prévues par l'article 15 (article 14 du projet de loi), sera désormais subordonnée à des critères d'intégration. Cette condition sera appréciée à partir d'un faisceau d'indices tels que la scolarisation, l'apprentissage de la langue, la formation professionnelle, la participation à la vie associative ou encore le suivi du contrat d'accueil et d'intégration : la réalisation des objectifs prévus par ce dernier sera un élément déterminant.

On observera qu'en matière d'acquisition de la nationalité, le critère de l'« assimilation », qui peut en partie recouper celui de l'« intégration » prévu pour la délivrance de la carte de résident, est utilisé. L'article 21-4 du code civil prévoit que le Gouvernement peut s'opposer, sous contrôle du juge, à une acquisition de la nationalité française par mariage pour indignité ou « défaut d'assimilation ». De même, l'article 21-24 du même code dispose que : « Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française ».

Par ailleurs, en allongeant la durée de vie commune requise pour les époux de Français (article 11) et en portant de trois à cinq ans la durée de résidence nécessaire pour l'obtention d'une carte de résident au titre de l'article 14 de l'ordonnance (article 10), conformément aux orientations retenues par la directive précitée du Conseil relative au statut des résidents de longue durée (5), le projet de loi privilégie l'insertion dans la société française et prévient les abus.

3. L'encadrement du regroupement familial

Les mesures proposées en matière de regroupement familial, déjà évoquées pour partie et dont le tableau ci-après récapitule l'évolution depuis cinq ans, vont également dans le sens d'une prise en compte renforcée des critères d'intégration.

REGROUPEMENT FAMILIAL

1997

1998

1999

2000

2001

2001/2000

Introductions

13 153

15 153

17 346

18 585

20 193

+ 8,7

- dont « familles accompagnantes »

2 013

1 836

2 394

1 984

2 107

+ 6,2

- dont « familles rejoignantes »

11 140

13 317

14 952

16 601

18 086

+ 8,9

Admissions au séjour

2 282

1 574

1 867

2 310

2 808

+ 21,5

Total

15 435

16 727

19 213

20 895

23 001

+ 10,1

Source : OMI.

Jusqu'à présent, l'article 29 de l'ordonnance prévoyait que les membres de famille entrés par la procédure du regroupement familial reçoivent de plein droit un titre de séjour de même nature que celui détenu par la personne qu'ils sont venus rejoindre : soit une carte de résident, soit, le cas échéant, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Il est proposé que, désormais, ils reçoivent, dans tous les cas, une carte de séjour temporaire au titre de l'article 15-13° de l'ordonnance : la carte de résident ne leur sera plus délivrée qu'au terme d'un délai de cinq ans, sous réserve d'une intégration satisfaisante dans la société française (articles 7, 13, 14 et 28).

Ainsi, le droit constitutionnel à mener une vie familiale normale, dont bénéficient également les étrangers dès lors qu'ils vivent en France de manière stable et régulière, n'est aucunement remis en cause  (6) : seul l'octroi d'une carte de résident de dix ans, normalement réservé aux personnes ayant une réelle volonté de s'intégrer dans la société française, est subordonné à une condition de présence sur le sol français et d'intégration.

III. -  RÉFORMER LA « DOUBLE PEINE »

Le troisième volet du projet de loi porte sur la réforme de la « double peine ».

En droit français, les étrangers qui commettent une infraction sur le territoire national ou dont le comportement est répréhensible peuvent faire l'objet, le cas échéant en plus d'une peine de prison ou d'amende, d'une mesure d'éloignement. Celle-ci prend la forme soit d'une interdiction du territoire français (ITF) prononcée par le juge pénal, soit d'une mesure d'expulsion prononcée par l'autorité administrative.

Contrairement à certaines idées reçues, il ne s'agit pas de la seule peine complémentaire prévue par notre législation : il en existe d'autres dont les conséquences sont également importantes, comme par exemple l'interdiction d'exercer une activité professionnelle. Il ne s'agit pas non plus de la seule sanction réservée à certaines personnes en fonction de leur nationalité : ainsi, l'interdiction des droits civiques ne peut être infligée qu'aux seuls ressortissants français. Enfin, la capacité d'un État à éloigner des étrangers qui commettent des actes de délinquance est inhérente au concept de souveraineté.

Il reste que l'éloignement d'un étranger soulève des difficultés particulières lorsqu'il possède, en France, des liens particulièrement forts sur le plan de la vie privée et familiale.

Sous la précédente législature, ce problème a été sous-estimé, sinon ignoré. Certes, après une modeste avancée dans le cadre de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, Mme Élisabeth Guigou, alors garde des sceaux, avait confié, le 8 juillet de la même année, à Mme Christine Chanet, conseiller à la Cour de cassation, le soin de mener une réflexion et de lui faire des propositions sur la question des peines d'interdiction du territoire. Son rapport lui fut remis le 18 novembre de la même année (7). Mais, cinq ans plus tard, Mme Christine Chanet écrivait, dans les colonnes du journal Libération : « La gauche n'a pas pris les mesures qui s'imposaient » (8).

Prenant ses fonctions, le nouveau ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, a donc hérité de ce dossier. Il s'est rapidement convaincu que la France n'avait pas encore trouvé un équilibre satisfaisant entre les impératifs que sont la préservation de l'ordre public et le respect de la vie privée et familiale. Dès le mois de novembre, il confiait à un nouveau groupe de travail composé de représentants de son ministère ainsi que de la justice et de personnalités qualifiées, le soin de procéder à une réflexion sur la « double peine » et de lui faire des propositions. Le rapport de ce groupe de travail lui a été remis le 31 mars dernier : ses conclusions sont, pour l'essentiel, mises en œuvre par le projet de loi, qui leur consacre pas moins de douze articles.

1. Expulsions et interdictions du territoire

Comme on l'a vu, la « double peine » peut résulter soit d'une décision administrative, soit d'une décision judiciaire.

· Mesure administrative, l'expulsion est prononcée, le cas échéant après avis d'une commission (dite « comex ») créée à cet effet par l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, à l'encontre des étrangers dont la présence sur le sol français constitue une « menace grave pour l'ordre public » (article 23 de l'ordonnance) (9). Distincte de la reconduite à la frontière (article 22) ordonnée par le préfet pour des infractions au droit au séjour, elle constitue, en quelque sorte, un attribut de la souveraineté de l'État. Les arrêtés restent valables tant qu'ils n'ont pas été abrogés.

Comme le montre le tableau ci-après, le nombre des expulsions est en baisse régulière depuis plusieurs années, notamment en raison d'une meilleure prise en compte de la « vie privée et familiale » dont le respect s'impose aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (10).

EXPULSIONS PRONONCÉES POUR MOTIFS D'ORDRE PUBLIC

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Article 23

568

737

621

437

373

348

298

278

Article 26

458

429

285

199

226

198

223

163

Total des expulsions

1 026

1 166

906

636

599

546

521

441

Exécutions

684

719

591

535

402

426

389

385

Source : ministère de l'intérieur.

· L'interdiction du territoire français (ITF) est une peine complémentaire prévue par l'article 131-30 du code pénal. Elle peut être décidée par une juridiction, à titre principal ou en complément d'une condamnation à une peine d'emprisonnement ou d'amende, de façon définitive ou pour dix ans au plus, à l'encontre des étrangers ayant commis une infraction pour laquelle elle est prévue. La personne concernée peut demander tous les six mois à être relevée d'une ITF prononcée à titre complémentaire.

Comme les expulsions, les ITF sont en diminution régulière depuis plusieurs années.

INTERDICTIONS DU TERRITOIRE FRANÇAIS PRONONCÉES

(Tous types de contentieux)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001 p*

Nombre d'ITF prononcées dans une condamnation comportant au moins une infraction à l'ordonnance du 2/11/1945

13 516

13 200

10 761

6 838

6 111

5 884

5 954

- mesures prononcées à titre principal

2 164

2 119

2 227

1 137

1 066

1 182

1 151

- mesures prononcées à titre complémentaire

11 352

11 081

8 534

5 701

5 045

4 702

4 803

Nombre d'ITF prononcées pour tous types de contentieux hors police des étrangers

1 635

1 602

1 448

1 294

1 232

1 010

1 081

- mesures prononcées à titre principal

31

29

41

37

27

18

26

- mesures prononcées à titre complémentaire

1 604

1 573

1 407

1 257

1 205

992

1 055

TOTAL

15 151

14 802

12 209

8 132

7 343

6 894

7 035

* Données provisoires.

Source : casier judiciaire.

2. Des régimes de protection défaillants

L'expulsion et l'interdiction du territoire sont de nature à frapper des personnes durablement installées sur notre territoire. C'est la raison pour laquelle le législateur a cherché, en 1991 (11), en 1993 (12) et, enfin, en 1998 (13), à protéger certaines catégories d'étrangers. Jusqu'à présent, ces protections se sont avérées insuffisantes.

· L'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que ne peuvent faire l'objet d'une expulsion les étrangers qui vivent en France habituellement depuis l'âge de dix ans, régulièrement depuis plus de dix ans, habituellement depuis plus de quinze ans, ainsi que les conjoints de Français après une année de vie commune, les parents d'enfants français qui exercent l'autorité parentale ou subviennent aux besoins de l'enfant, les invalides et les personnes atteintes d'une maladie grave. Il en va de même pour ceux qui sont en situation régulière et qui n'ont pas fait l'objet d'une peine de prison ferme au moins égale à un an, à l'exception des délits liés à l'immigration clandestine.

Toutefois, l'article 25 de l'ordonnance prévoit par ailleurs que tous les étrangers, à l'exception de ceux qui sont arrivés en France avant l'âge de dix ans ou qui sont atteints d'une pathologie grave, peuvent être expulsés s'ils ont été condamnés à une peine de prison ferme d'au moins cinq ans. De plus, sur le fondement de son article 26, tous les étrangers peuvent être expulsés en cas de « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique ». Or, de la même façon que la « menace grave pour l'ordre public » visée à l'article 23 a fait l'objet d'une lecture extensive, ces deux notions ont été interprétées de façon large par la jurisprudence : le juge reconnaît généralement l'existence d'une nécessité impérieuse en cas de simple réitération d'actes de moyenne importance, alors que le législateur ne songeait, initialement, qu'au terrorisme, à l'espionnage et au trafic de stupéfiants.

Tout ceci explique que, selon les statistiques reprises par le groupe de travail dans son rapport sur la « double peine », dans le total des expulsions prononcées chaque année, environ 150 personnes par an appartiendraient à la liste des catégories protégées visée à l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

· De même, en matière d'ITF, l'article 131-30, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, prévoit que le tribunal ne peut prononcer une telle mesure que « par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger », dès lors que celui-ci appartient à l'une des catégories suivantes : père ou mère d'un enfant français, conjoint de français depuis au moins un an, étranger résidant en France depuis au plus l'âge de dix ans, étranger résidant habituellement en France depuis plus de quinze ans, invalide ou malade atteint d'une pathologie particulièrement grave.

Toutefois, il ne s'agit que d'une obligation de motivation spéciale et, malgré les progrès récents que l'on peut observer sous le contrôle étroit de la Cour de cassation, celle-ci n'a guère influé sur la pratique des magistrats : la gravité de l'infraction commise tient souvent lieu de motivation. De plus, cette obligation de motivation est écartée pour un certain nombre d'infractions particulièrement graves (crimes contre l'humanité, trafic de stupéfiants, atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, terrorisme, participation à un groupe de combat et fausse monnaie).

Dès lors, il n'est pas étonnant que, parmi les 1 000 interdictions du territoire prononcées chaque année (hors infractions à la législation sur le séjour) figurent plusieurs centaines d'étrangers bénéficiant en principe d'une protection relative, notamment pour non respect de la législation sur les stupéfiants.

Ainsi, tant pour les mesures administratives que pour les peines judiciaires d'éloignement du territoire, la balance a plus souvent penché du côté de l'ordre public que du respect de la vie privée et familiale de l'étranger : seuls les mineurs sont réellement protégés. Au total, la « double peine » concerne aujourd'hui entre 500 et 1 000 personnes par an ayant des liens particuliers avec notre pays, généralement des hommes jeunes, nés en France ou entrés en France durant leur enfance.

3. Une réforme nécessaire

Le plus souvent, les arguments invoqués à l'encontre de la « double peine » ne résistent pas à l'analyse. Comme on l'a vu, sur le plan des principes, il ne s'agit pas de la seule peine complémentaire prévue par notre législation, ni de la seule sanction réservée à certaines personnes en fonction de leur nationalité. De plus, quantitativement, le problème reste relativement limité, bien que chaque cas puisse recouvrir une difficulté réelle. Enfin, il convient de réprimer sévèrement les auteurs d'actes de délinquance.

Pourtant, trois arguments plaident, effectivement, en faveur d'une réforme.

· En premier lieu, les peines d'éloignement se heurtent aux exigences de la politique d'intégration lorsqu'elles frappent des personnes issues de familles en grande partie françaises ou qui ont vocation à le devenir, qui sont mariées à des Françaises, pères d'enfants français ou qui le deviendront à leur majorité : quelle image des enfants peuvent-ils se faire d'un pays qui a maintenu durablement leur père dans une situation de clandestinité ou qui les en a séparés ?

Répondant à cette question, le groupe de travail a estimé que : « La réforme de la "double peine" est aussi un acte politique au service de la politique d'intégration ».

· En deuxième lieu, dans l'échelle des peines, l'éloignement du territoire occupe une place particulière, non pas du fait de sa sévérité mais de sa nature : condamner un étranger à une interdiction du territoire revient à écarter a priori l'éventualité qu'il puisse s'amender, l'ITF faisant obstacle aux démarches de réinsertion proposées durant la détention, interdisant légalement toute mesure d'aménagement de peine et ne tenant pas compte, au stade de son exécution, des éventuels changements de comportements survenus au cours de l'incarcération. Les mêmes conséquences juridiques sont attachées à l'expulsion.

Dès lors, comme l'observait le groupe de travail sur la « double peine » : « Les chances de réinsertion d'un étranger séparé de sa famille et de son environnement social ou éloigné dans un pays dont il ne connaît ni la langue, ni la culture, sont nulles. Tous les témoignages concordent pour évoquer, chez ceux qui sont partis, un phénomène de désespérance ou de clochardisation ». Ce phénomène est amplifié par le fait que les mesures d'éloignement ont souvent le caractère de peines perpétuelles, d'autant que l'administration accompagne parfois d'un arrêté d'expulsion les peines d'ITF et qu'il est exceptionnel d'obtenir concomitamment l'abrogation de ces deux sanctions.

· Enfin, s'il est vrai que le taux d'exécution des ITF (65 % hors infractions à la législation sur le séjour) et des expulsions (57 %) est supérieur à celui des reconduites à la frontière, il demeure relativement faible, d'autant que, de toute évidence, les retours clandestins, bien que difficiles à quantifier, sont fréquents. Or, une mesure de police ou une sanction pénale ne doit être conservée que si elle est exécutable.

C'est pourquoi le groupe de travail a estimé que : « L'ITF et l'expulsion sont sans doute utiles pour éloigner durablement des délinquants extrêmement dangereux à condition d'avoir les moyens d'exécuter ces décisions et d'en contrôler l'application dans le temps, ce qui actuellement n'est plus fait ». Dès lors, une réforme tendant à mieux protéger les étrangers ayant des liens forts avec la France est aussi de nature à servir les exigences de l'ordre public s'il s'agit de remplacer un dispositif qui ne fonctionne pas par un dispositif qui fonctionne.

4. Les mesures proposées

« La réforme a été conçue dans le souci constant de parvenir à un juste équilibre entre les exigences de l'ordre public et la sécurité de résidence due aux étrangers installés depuis longtemps sur notre territoire ». Dans cet esprit, le groupe de travail n'a pas recommandé, évidemment, la suppression de la « double peine », qui n'est pas contraire au principe d'égalité et qui est indispensable à la préservation de l'ordre public. Bien au contraire, il a considéré qu'« il serait opportun de renforcer l'utilisation et l'efficacité des ITF ou des expulsions pour les étrangers qui n'ont pas de liens avec le territoire français ». À cet effet, il a formulé plusieurs propositions : étendre la liste des infractions pouvant donner lieu à une ITF (n° 19) ; supprimer la condition de condamnation à un an de prison ferme pour pouvoir expulser les étrangers en situation régulière (n° 20) ; améliorer l'exécution des ITF et des expulsions ainsi que, dans cette perspective, le régime de la rétention (n°s 21 et 22).

En effet, la difficulté ne vient pas de la double peine elle-même mais du profil social des personnes auxquelles elle est infligée. C'est dans cette perspective que le groupe de travail a formulé vingt-trois propositions qui sont largement mises en œuvre par le projet de loi et, en particulier, par ses articles 21, 22, 23, 24, 26, 27, 35, 38, 39, 40, 41 et 42. L'économie générale de la réforme est présentée ci-après.

Les articles 22 et 38 définissent des catégories d'étrangers qui ont des liens avec la France sans que l'on puisse considérer qu'ils y ont construit toute leur vie personnelle. Ils satisfont aux conditions prévues par l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour l'obtention d'une carte de séjour temporaire. À ce titre, ils bénéficieront d'une protection relative contre les mesures d'éloignement qui reprend, dans l'ensemble, les dispositions déjà prévues par l'ordonnance ou par le code pénal. S'agissant des expulsions, cette protection prévaudra sauf pour les faits ayant donné lieu à une condamnation d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans, ou en cas de nécessité impérieuse pour l'État ou la sécurité publique. Les interdictions du territoire devront faire l'objet d'une motivation spéciale au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger.

Les articles 24 et 38 définissent d'autres catégories d'étrangers qui, désormais, bénéficieront d'une protection quasi-absolue contre les mesures d'éloignement, celles-ci pouvant s'apparenter, en ce qui les concerne, à un véritable bannissement ou provoquer l'éclatement de familles stables. Ils répondent aux critères prévus par l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour l'obtention d'une carte de résident. Un nombre réduit d'exceptions est prévu, tant pour les expulsions (atteintes aux intérêts fondamentaux de l'État, activités à caractère terroriste, provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale) que pour les interdictions du territoire (atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, activités à caractère terroriste, infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous, faux monnayage). Ces exceptions n'ont pas été choisies uniquement en raison de leur gravité, mais aussi parce qu'elles sont de nature à relativiser la force du lien qui unit l'étranger concerné à la France.

L'article 39 prévoit que des enquêtes sociales devront être diligentées avant que puisse être requise une interdiction du territoire à l'encontre d'un étranger déclarant se trouver dans une catégorie bénéficiant d'une protection relative ou absolue contre les mesures d'éloignement, afin de vérifier le bien fondé de cette déclaration.

L'article 26 institue l'équivalent d'une « expulsion avec sursis » pour les étrangers bénéficiant d'une protection relative : une assignation à résidence assortie d'une autorisation de travail pourra être substituée à l'éloignement ; un nouveau comportement préjudiciable à l'ordre public entraînera l'abrogation de la mesure et l'expulsion de l'étranger.

Les articles 38 et 41 permettent aux personnes ayant été condamnées à une peine d'interdiction du territoire en complément d'une peine d'emprisonnement de bénéficier, durant leur incarcération, de mesures d'aménagement, voire d'une libération conditionnelle avec suspension de l'ITF.

L'article 21 pose le principe d'un réexamen périodique, tous les cinq ans, des motifs ayant justifié le prononcé d'une mesure d'expulsion. L'article 27 écarte, pour la mise en œuvre de ce réexamen, la condition de droit commun qui requiert que seul un étranger résidant hors de France puisse solliciter l'abrogation d'un arrêté d'expulsion. L'article 40, enfin, assouplit les conditions de relèvement des interdictions du territoire en permettant leur réexamen à l'issue d'une incarcération, même inférieure à six mois.

Au titre du règlement des situations passées, l'article 42 prévoit que les étrangers condamnés à une peine d'interdiction du territoire ou ayant fait l'objet d'une mesure d'expulsion pourront obtenir, s'ils en font la demande dans un délai d'un an, la délivrance d'une carte de séjour temporaire, dès lors qu'ils résident en France, qu'ils appartenaient à une catégorie protégée lorsque la mesure d'éloignement fut décidée et qu'ils n'ont jamais commis des faits que le projet de loi érige en exceptions auxdites protections.

Enfin, l'article 35 permet de rappeler, dans l'article 21-27 du code civil relatif aux empêchements d'acquisition de nationalité française, qu'un étranger condamné pourra toujours demander, grâce au principe de réhabilitation pénale et dans un certain délai, à acquérir cette nationalité.

*

* *

Avant d'examiner les articles du projet de loi, la Commission a procédé, les 4 et 11 juin 2003, à l'audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Le président Pascal Clément a considéré que la tradition d'accueil de la France, sans être remise en cause, était ébranlée par les difficultés d'intégration et la montée des communautarismes issus d'une immigration non contrôlée. Il a estimé nécessaire de légiférer à la fois avec pragmatisme - ce qui suppose de lutter contre l'immigration clandestine - et avec générosité - ce qui justifie une réforme de la « double peine », c'est-à-dire du régime de la peine complémentaire d'interdiction du territoire ou de l'expulsion intervenant à la suite de l'exécution d'une condamnation pénale. Il a souhaité que le projet de loi, en restaurant la capacité d'intégration de la France, rétablisse la cohésion nationale, seul vrai moyen de lutter contre le racisme.

Après avoir approuvé les propos du Président, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a souligné que le projet de loi, attendu par nos concitoyens, porte sur un sujet éminemment délicat, qui exige la recherche constante d'un équilibre entre efficacité et humanité. Il a indiqué qu'il axerait son propos autour de trois questions : la situation au moment de l'avènement de l'actuel Gouvernement ; la politique migratoire menée depuis lors ; les apports du projet de loi au regard de cette politique.

S'agissant de la situation qu'il a trouvée en prenant ses fonctions, le ministre a mis en relief les trois caractéristiques suivantes :

-  Le débat sur l'immigration était prisonnier de l'affrontement de deux positions extrêmes et irresponsables : d'un côté, l'excès de ceux qui contestent à notre pays le droit de maîtriser les flux migratoires ; de l'autre le mythe de « l'immigration zéro », notion qui n'a aucun sens, notre pays ayant toujours été un pays d'immigration depuis le début du XIXe siècle, sa population se caractérisant par la diversité de ses origines et son attachement fédérateur aux valeurs essentielles de la République. La richesse et le renouvellement de la France résident dans sa capacité à s'ouvrir à des populations étrangères et à les structurer autour de son idéal républicain. Il est par ailleurs évident que la fermeture excessive des frontières et la construction d'une forteresse « Europe » renforceraient l'attrait des filières clandestines d'immigration, ce qui constituerait l'objectif inverse de celui recherché par le Gouvernement. L'immigration clandestine n'étant pas une fatalité, il ne faudrait pas penser, comme certains, que nous soyons condamnés à subir une pression migratoire toujours croissante de la part des pays pauvres du continent, africain, asiatique ou est-européen. En offrant aux populations concernées un espoir réel d'immigration régulière, ne serait-ce qu'à titre temporaire, on limitera l'attrait des filières et on accomplira le devoir de partage et de générosité qui est le nôtre à l'égard de ces pays. L'immigration légale n'est possible que si, parallèlement, sont créées les conditions d'une politique de maîtrise des flux migratoires, nécessaire pour accueillir et intégrer les nouveaux arrivants, contrer la xénophobie, les amalgames et l'exaspération qui pénalisent les plus défavorisés. Les intégristes de la suppression des frontières commettent, dans le domaine de l'immigration et de l'asile, la même erreur que pour l'insécurité ; ce sont les vrais demandeurs d'asile et les immigrés légaux qui pâtissent les premiers de l'absence de contrôle et de régulation. Nos concitoyens attendent sur l'immigration une parole forte et responsable et des actes concrets que beaucoup n'ont pas eu le courage de prendre. Face à l'affrontement de deux discours extrêmes, beaucoup ont choisi le camp de la peur et de la démission, ce qui peut se comprendre, mais ne peut être accepté.

-  Depuis plusieurs années, la France n'avait plus de politique migratoire, elle subissait plus qu'elle choisissait les personnes arrivant sur son territoire, y compris en ce qui concerne l'immigration légale, ce qui peut être illustré par deux constats.

En premier lieu, sur les 100 000 personnes environ qui sont accueillies chaque année, seules 10 000 relèvent de l'immigration du travail stricto sensu, les autres relevant du statut de réfugié (8 000), du regroupement familial (25 000) ou sont des conjoints de Français (45 000) et des clandestins régularisés (10 000). Or, sur ces composantes déterminantes du flux légal d'immigration puisqu'ils en représentent 90 %, les pouvoirs publics n'exercent aucun choix. Il ne s'agit pas de refuser d'accueillir ces personnes, en particulier les réfugiés ou les membres de familles qui arrivent au titre du regroupement familial, mais de constater que la part de ceux que nous choisissons en fonction de critères socio-économiques est résiduelle et que, parmi ces flux légaux d'immigration, une proportion non négligeable se transforme en immigration frauduleuse. C'est le cas des 10 000 « sans-papiers » qui sont régularisés chaque année et qui sont, par définition, issus de l'immigration clandestine. C'est le cas également d'une partie des 45 000 conjoints annuels de ressortissants français, car il est singulier d'observer que les titres de séjour délivrés à raison du mariage avec un Français ont augmenté de 400 % en cinq ans et que le nombre de mariages mixtes célébrés à l'étranger, pour lesquels il n'existe aucun moyen de contrôle véritable, est devenu plus important que le nombre de mariages mixtes célébrés en France, ce qui démontre l'augmentation des mariages de complaisance et des mariages forcés, d'ailleurs confirmée par les témoignages quotidiens de nombreux maires toutes tendances politiques confondues. Nous devons donc davantage choisir les immigrés que nous accueillons en fonction des besoins de notre économie, de nos capacités d'accueil et des équilibres socio-économiques des pays d'origine.

La deuxième illustration de l'absence de politique migratoire est fournie par la politique des visas : 90 % des « sans-papiers » sont entrés légalement sur le territoire avec un visa de court séjour et s'y sont maintenus illégalement après son expiration. La principale cause de l'immigration clandestine n'est donc pas - contrairement à une idée reçue - la perméabilité des frontières, mais notre incapacité à garantir le retour des clandestins venus comme simples touristes et l'exécution des mesures d'éloignement. À l'exception de l'Algérie, pour laquelle il a été sciemment décidé en 1998 d'augmenter le nombre des visas délivrés, la France n'a pas eu de politique en la matière depuis plusieurs années : entre 1996 et 2001, le nombre des visas délivrés a été multiplié par quatre pour les Maliens, par trois pour les Chinois et pour les Marocains, cette progression ne résultant pas d'une décision concertée au niveau interministériel, mais de la pression locale et de la décision individuelle des chefs de poste consulaires ; situation d'ailleurs aggravée par l'insuffisance des moyens en personnel consulaire, la faiblesse du taux d'encadrement et le risque important de corruption.

-  La France s'était laissée déborder, ces dernières années, par les failles de sa législation. Or, lorsqu'on est soumis à une très forte pression d'immigration clandestine, aucune politique migratoire ne peut être sereinement mise en œuvre.

La première faiblesse concernait l'asile : la situation laissée en 2002 par les précédents gouvernements s'avère catastrophique et ses conséquences se feront sentir au moins jusqu'à la fin de l'année 2004. Dans un élan de générosité, la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile du 11 mai 1998, dite « loi RESEDA », a créé la procédure d'asile territorial, qui a fait l'objet en cinq ans, de 1998 à 2002, d'un quadruplement des demandes ; compte tenu des délais d'enregistrement des demandes en préfecture, il reste à examiner d'ici la fin de l'année 2004 près de 70 000 demandes d'asile territorial, c'est-à-dire deux fois plus que ce qui a été examiné en cinq ans, pour un taux de rejet de 99 %.

La deuxième faille majeure de la législation était constituée par les attestations d'accueil, dont le nombre est passé de 160 000 à 735 000 entre 1997 et 2002 : la suppression de tout contrôle sur les conditions de délivrance de ces documents par la loi du 11 mai 1998 a entraîné des phénomènes considérables de fraude. Cette situation a démotivé l'administration, submergée par la masse et la complexité des procédures et hors d'état de mettre sa créativité et son imagination au service de la lutte contre les filières. Dans les préfectures, des dizaines de personnes ont été mobilisées pour faire face à la croissance exponentielle des demandes d'asile aux dépens du traitement des procédures d'éloignement, dont la complexité exige pourtant une implication très forte des agents. Le taux d'exécution des décisions d'éloignement, qui était déjà très faible, s'est constamment infléchi depuis 1997, passant de 25 % à 16,7 % en 2001. Depuis mai 2002, à législation constante et sur le fondement de la seule volonté politique, le mouvement a été inversé et le taux d'exécution est repassé de 16,7 % à 20 %, niveau qui reste insuffisant. Les efforts réalisés par les services compétents, dont le métier est particulièrement difficile et trop souvent décrié, doivent être salués. La France, pays de l'Union européenne dont la politique d'éloignement est la plus faible, ce qui rend son territoire particulièrement vulnérable à l'action des filières, doit donc restaurer sa capacité à mettre en œuvre l'éloignement des clandestins. À cet effet, a été levé depuis le début de l'année 2003, le tabou absurde qui interdisait aux forces de police de procéder à des « retours groupés », comme s'il était moins digne de rapatrier ensemble trente personnes dans un vol spécialement affrété que de les renvoyer une à une dans trente vols commerciaux. Ces vols groupés, annoncés systématiquement et de manière transparente, ont désengorgé la zone d'attente de Roissy et affaibli de manière significative les filières d'immigration en provenance de Côte d'Ivoire et du Sénégal.

Dans un deuxième temps, le ministre a développé les quatre idées principales autour desquelles il a orienté son action :

-  Tout d'abord, restaurer l'efficacité et la visibilité des pouvoirs publics dans la maîtrise des flux migratoires, ce qui a entraîné une politique de vols groupés et la reprise des reconduites à la frontière, mais aussi la lutte contre la prostitution et l'exploitation sexuelle des êtres humains, pour lesquelles des dispositions importantes ont été adoptées dans le cadre de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. La question de Sangatte est emblématique de cette nouvelle politique : des considérations humanitaires imposaient d'agir, d'autant plus que ce lieu était devenu un facilitateur de filières, indigne de la République et donnant de l'État une image d'impuissance. La solution de cette affaire devait être recherchée dans la conduite de négociations internationales : des discussions ont été menées avec le ministre britannique de l'intérieur pour que la législation de son pays soit modifiée ; de surcroît, sur le fondement de l'accord du 25 septembre 2002, le retour des Afghans a été placé sous le contrôle du Haut commissariat aux réfugiés. Enfin des négociations comparables ont été engagées, notamment avec les ministres allemand et britannique de l'intérieur, pour organiser le retour des Kurdes et des Irakiens lorsque les conditions de leur sécurité seront réunies. Sous l'effet de cette politique, la pression migratoire à Calais est passée de plus de deux cents personnes par jour à une cinquantaine. Quoiqu'en disent certaines associations, tous les clandestins qui se sont présentés dans cette région à compter de la fermeture du centre de Sangatte ont bénéficié d'une solution de relogement, ceux qui persistent à dormir dehors étant ceux qui le souhaitent. Le traitement de ce dossier, qui a reçu le soutien déterminé et courageux du maire de Sangatte, du député de la sixième circonscription du Pas-de-Calais et du maire de Calais, a montré la possibilité de concilier humanité et efficacité dans le domaine de l'immigration. Toutefois, la reconstitution de filières d'immigration clandestine qui transitent par la Belgique conduit à développer une coopération avec ce pays.

-  En deuxième lieu, le rôle de l'Europe communautaire dans la gestion juridique, mais aussi pratique, des flux migratoires doit être réaffirmé et soutenu. Nombre de responsables publics et d'experts remettent en cause la capacité de l'Union européenne à mettre en place une telle politique ; or, si le processus décisionnel est lent, en particulier en raison de la règle de l'unanimité qui s'applique à cette matière, il est indispensable de placer l'Union au centre de la maîtrise des flux migratoires. L'harmonisation des normes juridiques étant la première nécessité, le ministre de l'intérieur a proposé à ses homologues du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie, qui sont avec la France les pays qui connaissent la plus forte pression migratoire en Europe, de créer un groupe dit « des cinq », qui s'est réuni pour la première fois à Jerez à la fin du mois de mai, pour progresser rapidement sur les questions relatives à la justice et aux affaires intérieures et entraîner, si possible, les autres pays dans le sillage ainsi créé.

-  La troisième ligne directrice consiste à impliquer les pays d'origine dans la gestion des flux migratoires, afin de constituer des « filières positives d'immigration ». Deux exemples permettront de mieux cerner cette nécessité : celui de la Roumanie d'une part, celui du Mali d'autre part. En raison du risque migratoire important présenté par la Roumanie, l'Union européenne a subordonné la suppression des visas pour les ressortissants de ce pays à l'adoption d'une législation locale spécifique qui fait de l'entrée irrégulière dans l'espace Schengen un délit, ce qui implique que les autorités roumaines prennent les mesures nécessaires pour prévenir et poursuivre ces infractions. À l'issue du voyage effectué sur place par le ministre de l'intérieur en août dernier, la signature d'un protocole de coopération a permis à sept policiers français d'être intégrés à la police roumaine de contrôle des frontières et de procéder au moins une fois par semaine à des rapatriements forcés. Cette politique a trouvé sa traduction dans la cessation de l'exploitation de la mendicité des enfants roumains dans les rues de la capitale et dans le démantèlement des camps de Roms en situation irrégulière dans les départements limitrophes.

L'exemple du Mali permet également d'illustrer les efforts entrepris depuis quelques mois : en 2002, 14 000 visas ont été délivrés à des Maliens, alors que seulement 237 laissez-passer consulaires ont été obtenus de ce pays pour reconduire des Maliens en situation irrégulière. Cette distorsion a justifié un déplacement du ministre au Mali et le renforcement du programme d'aide au retour volontaire des immigrants maliens, un pécule de 7 000 euros étant désormais fourni à ceux qui souhaitent fonder une entreprise dans leur pays d'origine.

D'autres initiatives ont été prises ou sont en cours de préparation : le Sénégal envoie en France ses propres fonctionnaires de police pour escorter les retours forcés ; la Bulgarie coopère dans de bonnes conditions pour lutter contre l'exploitation sexuelle des êtres humains et démanteler les filières d'immigration kurdes et afghanes qui transitent par son territoire ; une politique semblable a été entreprise avec les pays du Maghreb et avec la Chine.

-  Enfin, le quatrième axe de la nouvelle politique migratoire de la France repose sur l'évolution du dispositif juridique pour mieux accueillir l'immigration légale et lutter contre l'immigration clandestine, ce qui justifie le fait que l'Assemblée nationale soit saisie de deux projets de loi, l'un sur le droit d'asile, l'autre sur la maîtrise de l'immigration et le séjour des étrangers en France.

Abordant les grandes lignes du projet de loi, le ministre a évoqué la suppression de l'obligation, pour les ressortissants communautaires, de détenir un titre de séjour, qui permettra d'alléger les tâches des services préfectoraux de la délivrance de 120 000 documents par an, d'améliorer l'accueil des étrangers ressortissants de pays tiers et de redéployer des effectifs sur les procédures d'éloignement. Il a ajouté que les compétences de la commission du titre de séjour seraient étendues et sa composition ouverte à la société civile et à un représentant des maires. Il a insisté sur l'introduction d'une condition d'intégration pour certaines procédures d'accès à la carte de résident : ce qui a fait la force de la société française pendant de nombreuses années était sa capacité à accueillir de nouvelles populations et à les intégrer par une commune adhésion à l'idéal républicain ; ce modèle fonctionnant moins bien qu'avant, il a jugé nécessaire de mener, en faveur de la deuxième ou la troisième génération, une action déterminée dans les domaines de la politique de la ville, de l'accès aux emplois supérieurs et de la lutte contre la discrimination, les primo-arrivants devant par ailleurs faire l'objet de mesures pour éviter qu'ils connaissent demain les mêmes difficultés d'intégration. Il a jugé normal que, comme cela se fait dans d'autres pays occidentaux, le droit de séjourner durablement en France, conféré par la carte de résident, soit subordonné à une condition d'intégration.

S'agissant des dispositions du projet destinées à lutter contre l'immigration clandestine, le ministre a souligné qu'elles tendaient tout d'abord à réduire les faiblesses introduites par la loi « RESEDA » de 1998, en particulier en ce qui concerne les attestations d'accueil et les mariages forcés et de complaisance. Ayant rappelé que la France appliquait le délai de rétention le plus court de toute l'Union européenne, sans commune mesure avec le plus modeste des délais octroyés par les autres législations, qui est de quarante jours en Espagne, il a évoqué l'allongement de la durée maximale de rétention de douze à trente-deux jours. Ayant mentionné le renforcement des sanctions contre les passeurs et les transporteurs, il a présenté le dispositif de relevé systématique des empreintes digitales des demandeurs de visa, qui permettra de rapatrier dans leur pays d'origine - lequel sera ainsi établi sans contestation possible - les ressortissants étrangers qui entrent légalement sur le territoire mais s'y maintiennent illégalement.

Il a ensuite souligné l'importance de la réforme relative aux expulsions et aux interdictions judiciaires du territoire, qu'il était désormais habituel d'appeler la « double peine », bien qu'il soit possible de contester ce terme avec des arguments juridiques solides. Il a fait observer que si l'habileté politique consistait à définir des politiques équilibrées et à défendre ses convictions profondes, il le revendiquait pleinement en l'espèce. Il a fait observer que les étrangers qui avaient commis des délits continueraient d'être expulsés ou interdits de territoire (1 200 mesures par an) et que la question de la « double peine » ne devait être révisée que pour un nombre limité de cas qui concernaient des personnes - comme M. Chérif Bouchelaleg ou M. Brahim Chalabi - qui s'étaient rendues coupables de certains actes mais qui, tout en étant de nationalité étrangère, étaient de facto français par l'ancienneté de leur présence sur le territoire ou par les liens familiaux qu'ils y avaient noués. Il a estimé que les premières victimes de la « double peine » étaient en réalité les conjoints et enfants de l'étranger concerné et que des raisons humanitaires commandaient d'en atténuer la portée, d'autant plus que, dans la plupart des cas, il est vain de vouloir expulser dans un pays d'origine avec lequel elles n'ont plus aucun lien des personnes qui n'auraient de cesse de revenir en France de manière irrégulière.

Le ministre a conclu son propos en soulignant la nécessité de traiter de manière humaine et responsable la question de l'immigration, qui constitue l'un des grands sujets de préoccupation des Français.

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* *

Ayant rappelé qu'il avait procédé à plus de quarante auditions et effectué plusieurs visites sur le terrain, notamment à la salle d'audience de Roissy, ce qui lui avait permis de constater que les avocats y disposeraient de locaux adaptés pour plaider dans le cadre des auditions afférentes aux placements en zone d'attente, M. Thierry Mariani, rapporteur, a estimé que le projet de loi parvenait à un équilibre entre fermeté et humanité en matière de contrôle de l'immigration. Prenant l'exemple de la suppression de l'octroi de plein droit de la carte de résident dans le cadre du regroupement familial, qui conduira, selon l'étude d'impact, à la délivrance par les préfectures en 2008 de plus de 86 000 cartes de séjour temporaires et de résident par an, il a souhaité connaître les mesures budgétaires destinées à accompagner les nouvelles formalités prévues par le projet de loi. Évoquant l'allongement de la durée maximale de la rétention administrative, qui passe de 12 à 32 jours, il a observé que la France, malgré cette augmentation, resterait l'un des pays de l'Union européenne ayant la durée de rétention la plus courte. Énumérant les infractions permettant de déroger à la protection quasi absolue contre les mesures d'éloignement du territoire français dont bénéficient certaines catégories d'étrangers, en raison de leur statut de « quasi Français », il a souhaité connaître les raisons ayant conduit le Gouvernement à dresser une liste aussi limitée.

Rappelant que la disposition prévoyant la tenue à Roissy d'audiences du TGI de Bobigny était contestée tant par certains magistrats que par des avocats mécontents de la perte de temps résultant d'une telle délocalisation, le président Pascal Clément a évoqué la possibilité de recourir à la technique de la visioconférence, qui présente l'avantage de recueillir l'assentiment de tous les intervenants.

M. Robert Pandraud s'est félicité de la détermination du ministre sur la tenue d'audiences à Roissy et a exprimé son indignation à l'égard des communiqués publiés par les avocats et les magistrats sur ce point, observant que la perte de temps évoquée était actuellement subie par les soixante policiers mobilisés chaque jour pour assurer les transferts.

Après avoir fait observer que la question de la localisation des audiences à Roissy soulevait des interrogations d'ordre procédural et que l'application de la visio-conférence susciterait des demandes analogues dans d'autres cas, ce qui soulèverait des difficultés tenant notamment à la suppression de la présence physique de l'avocat, M. Christophe Caresche a déclaré partager les propos du ministre sur la nécessité de mettre en place une politique d'immigration qui ne soit pas subie mais choisie. Après avoir apporté son total soutien aux dispositions du projet de loi relatives à la « double peine », relevant qu'elles allaient au-delà des préconisations du rapport rendu au ministre sur la question, il a exprimé des réserves sur d'autres aspects du projet de loi, les jugeant « excessifs et irréalistes ». Ainsi, quoique favorable à la lutte contre l'immigration clandestine et les fraudes, il a estimé que le projet entraînerait une fragilisation de la situation des étrangers - notamment du fait de la multiplication des cartes de séjour temporaires et de la modification des règles applicables en matière de regroupement familial - qu'il a jugée peu compatible avec le contrat d'intégration par ailleurs annoncé par le Gouvernement. Il a jugé disproportionnées les nombreuses dispositions relatives au mariage des étrangers ainsi que l'extension des délais de rétention administrative, un allongement de quelques jours lui paraissant suffisant et permettant d'éviter que la rétention soit transformée en détention. Il a souhaité, à cet égard, que l'avis du Conseil d'État soit rendu public pour dissiper des incertitudes et éclairer le débat. Évoquant les aspects irréalistes du texte, M. Christophe Caresche a considéré qu'il ne ferait que rendre la législation plus complexe, alors même que le Gouvernement affiche un souci de simplification du droit, et entraînera une surcharge de travail pour les services concernés faute d'avoir prévu les moyens adéquats. Considérant que certaines dispositions ne seront pas appliquées, il a estimé que le texte aura pour effet d'aggraver la clandestinité et la précarité qu'il prétend combattre. Il a souligné que son groupe abordait ce débat avec la volonté d'améliorer le texte, qui suscite de nombreuses inquiétudes, notamment de la part des associations.

M. Serge Blisko s'est interrogé sur la possibilité de permettre un accès plus large des associations aux zones d'attente et aux lieux de rétention.

M. Gérard Léonard a déclaré ne pas partager les inquiétudes exprimées par M. Christophe Caresche, dont il a souligné le caractère contradictoire, puisque fondées à la fois sur un reproche d'inefficacité et sur celui d'une atteinte aux libertés fondamentales. Il a estimé, s'agissant du rôle des associations, que leurs intentions généreuses pouvaient être perverties par d'autres logiques, le chemin de l'enfer étant, comme chacun le sait, pavé de bonnes intentions. Revenant au débat de fond sur le problème de l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière, il a jugé que, grâce au projet de loi réformant le droit d'asile, la France se dotait des moyens de combattre certains abus mais qu'il lui restait à traiter la seconde source de l'immigration irrégulière, à savoir le détournement des visas touristiques, que le présent texte est de nature à éradiquer.

Il a ensuite interrogé le ministre sur la dimension communautaire de la politique d'immigration de la France, se demandant si les problèmes soulevés en ce domaine par l'entrée de dix nouveaux États membres dans l'Union européenne avaient fait l'objet d'un examen suffisamment approfondi. Se réjouissant de l'allongement du délai de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière et de l'avis favorable du Conseil d'État, plus propice que la décision du Conseil constitutionnel qui avait censuré sur ce point la loi du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration, il a estimé qu'il s'agissait d'une mesure vitale, comme en témoigne la législation en vigueur dans les autres États européens ; il a toutefois insisté sur la nécessité d'obtenir des pays d'origine la délivrance des laissez-passer consulaires permettant le retour effectif des étrangers se déclarant sans papiers et demandé au ministre de faire le point sur les mesures envisagées pour obtenir une véritable collaboration de leur part, seule susceptible de faire échec à cette culture de l'anonymat.

M. Christian Estrosi s'est félicité du dépôt d'un projet de loi qu'il a qualifié de « pragmatique et courageux », et dont il a estimé de surcroît qu'il représentait un pas essentiel pour réparer les dégâts causés par la politique de l'immigration menée sous la précédente législature. Revenant sur la question des « mariages blancs », au sujet de laquelle il s'est réjoui que soit apportée une réponse claire grâce à la procédure permettant aux élus municipaux de surseoir au mariage et de saisir le procureur de la République, il s'est inquiété de la propension de certains magistrats du parquet à ne pas donner de suites judiciaires aux cas de fraude pourtant manifestes et a souhaité savoir si des instructions précises leur seraient données, afin que des poursuites systématiques soient déclenchées en pareille circonstance.

En écho aux propos du ministre sur le rôle essentiel de Roissy comme première frontière française, il a rappelé que le département des Alpes-Maritimes était la deuxième et que quelque 12 000 immigrés clandestins y pénétraient chaque année. Il a expliqué que les étrangers en situation irrégulière placés dans le centre de rétention administrative de Nice, d'ailleurs souvent d'abord gardés à vue à la suite d'un délit, faisaient l'objet de procédures d'identification délicates pendant les douze jours que durait la rétention, délai pendant lequel les autorités françaises tentaient d'établir leur nationalité et d'entrer en contact avec le consulat de leur pays d'origine. Il s'est ému de ce que ces autorités consulaires, non seulement délivrent un nombre très réduit de laissez-passer permettant le retour de ces personnes dans leur État d'origine, mais subordonnent en outre leur décision de délivrance de ce document à des critères variés, tels que la situation familiale de l'étranger en situation irrégulière, s'arrogeant de la sorte un droit d'interprétation de la loi française, au détriment de l'application des accords bilatéraux. Il a donc demandé au ministre quelles mesures le Gouvernement prendrait pour mettre fin à ces pratiques. Évoquant la dimension communautaire de la politique d'immigration, il a souhaité savoir si la création d'un fichier européen de l'immigration irrégulière était envisagée, afin d'éviter qu'un immigré expulsé d'un État membre de l'espace Schengen ne pénètre dans un autre État membre de cet espace, pour y déposer une demande d'asile.

Évoquant, à la lumière des dispositions du projet qui réforment la double peine, la situation des personnes étrangères déjà condamnées dans le passé à une peine d'éloignement mais dont la famille est demeurée en France, M. Etienne Pinte a souhaité savoir si le Gouvernement envisageait de prendre les mesures leur permettant de revenir en France. Il a également interrogé le ministre afin de connaître les raisons pour lesquelles il ne renforçait pas plus fréquemment les contrôles aux frontières comme le lui permet la convention de Schengen.

M. Claude Goasguen s'est tout d'abord félicité du fait que le Gouvernement développe une approche politique de la question migratoire, à la différence du précédent qui avait mis en avant des critères administratifs factices en matière de séjour des étrangers, paravent d'une approche idéologique de l'immigration ayant débouché sur une régularisation massive d'étrangers en situation irrégulière. Après avoir rappelé que la loi du 11 mai 1998 avait prévu que le ministère de l'intérieur élabore chaque année un rapport sur l'immigration mais que cette disposition n'avait pas suffisamment suivie d'effet, il a jugé souhaitable que les Français et leurs représentants soient davantage associés à la détermination, dans la clarté, d'une véritable politique migratoire. Abordant les dispositions du projet relatives au regroupement familial, il a souligné l'imprécision de cette notion depuis l'entrée en vigueur de la loi du 11 mai 1998 et a souhaité savoir, en conséquence, si le ministre serait favorable à l'adoption d'amendements tendant à préciser à nouveau les critères d'admission au titre de cette procédure. Réagissant ensuite aux propos du ministre sur la nécessité de contrôler l'immigration en provenance des futurs États membres de l'Union européenne, il a jugé souhaitable qu'une réflexion soit engagée à l'échelle communautaire sur la migration intra-européenne et s'est montré favorable au principe de la libre circulation des ressortissants de l'Union. Tout en indiquant qu'il comprenait le souci d'efficacité qui avait conduit le Gouvernement à proposer des dispositions établissant des catégories d'étrangers dont la protection contre l'expulsion sera quasi absolue, il a néanmoins fait part de ses réserves à l'égard de ce dispositif.

M. Christian Vanneste a tout d'abord salué la qualité du texte, qui associe humanisme et réalisme. Compte tenu des caractéristiques de l'immigration en France, il s'est demandé si la mise en place d'une politique maîtrisée et volontariste en ce domaine ne supposait pas la définition de quotas. Rappelant que les préfectures ne disposaient pas des moyens nécessaires pour traiter l'ensemble des demandes de titres de séjour et contrôler la régularité de leur utilisation, il a insisté pour que l'adoption du projet de loi s'accompagne de la mise en œuvre de moyens nouveaux. Il a par ailleurs souhaité que la réforme de la « double peine » n'aboutisse pas à ce que des étrangers qui se livrent à des trafics illégaux, notamment avec leur pays d'origine, soient à l'abri des mesures d'éloignement. Il a en outre regretté que le simple fait que des étrangers aient réussi à rester dix ans en France en situation irrégulière leur permette d'obtenir la régularisation de leur séjour, soulignant que pareille disposition ne manquerait pas de provoquer un nouvel afflux d'étrangers. Il a en revanche estimé que l'allongement de la durée de mariage avec un Français requise pour l'obtention d'une carte de résident était une mesure appropriée pour lutter contre les « mariages blancs », mais qu'elle serait préjudiciable aux victimes de mariages forcés, ce type de fraude devant par conséquent être combattu avec fermeté.

M. Jacques-Alain Bénisti a souhaité savoir si des mesures seraient prises pour éviter que les personnes originaires d'un même pays soient concentrées dans les mêmes quartiers périphériques des grandes villes afin d'éviter les phénomènes de ghetto.

Après avoir estimé que le projet de loi allait dans le bon sens, M. Nicolas Perruchot a regretté que la politique à l'égard des étrangers fasse l'objet de trois textes différents : un sur l'asile, un sur l'immigration et un sur l'intégration, en soulignant sur ce dernier point qu'il était hostile au caractère facultatif du contrat d'intégration. Il a souhaité savoir si le ministre serait favorable à des amendements destinés à lutter contre les PACS de complaisance et l'a interrogé sur les modalités de la mise en œuvre du texte à l'égard des ressortissants des pays du Maghreb.

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En réponse aux intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes.

-  L'obligation de détenir une carte de séjour temporaire durant cinq ans avant l'obtention d'une carte de résident dans le cadre du regroupement familial se traduira effectivement, à terme, par la délivrance d'environ 86 000 titres de séjour supplémentaires chaque année. Toutefois, cette charge nouvelle pour les services des préfectures sera en partie compensée par la suppression des récépissés de demande de renouvellement de titre et l'abrogation de l'obligation pour les ressortissants communautaires de détenir une carte de séjour. Si l'appréciation d'une condition d'intégration pour l'obtention du statut de résident constitue un facteur de complexité supplémentaire, cette condition est un progrès par rapport au droit en vigueur.

-  La réalité des « mariages blancs » est attestée par les témoignages quotidiens des élus locaux qui sont contraints de les célébrer ; désormais, le procureur de la République devra répondre aux sollicitations des maires dans un délai fixé par la loi et motiver le sens de sa réponse ; le garde des Sceaux donnera aux magistrats les instructions nécessaires pour que cette procédure soit mise en œuvre de façon satisfaisante. La notion de « PACS de complaisance » est plus délicate encore à apprécier : le précédent Gouvernement a abaissé à un an le délai au terme duquel le PACS est susceptible de constituer un élément d'appréciation pour l'obtention d'un titre de séjour ; il appartiendra au Parlement d'apprécier les dispositions à mettre en œuvre pour lutter contre les détournements.

-  S'agissant de la « double peine », la logique du dispositif proposé consiste à ne prévoir d'exception au régime de protection que pour les infractions qui permettent de douter de la réalité du lien qui unit l'étranger mis en cause à la France, tels que les actes de terrorisme ou d'espionnage. Ce qui protège l'étranger délinquant - sauf dans les cas les plus graves - contre une mesure d'éloignement est la consistance de son lien avec notre pays ainsi que, corrélativement, son absence de lien avec un quelconque pays d'origine. La liste des exceptions à la protection doit donc rester simple et ciblée.

-  Les personnes condamnées dans le passé à une peine d'éloignement alors qu'ils bénéficieraient aujourd'hui d'un régime de protection doivent faire l'objet d'une disposition particulière ; le projet de loi prévoit que ceux qui résident sur le territoire français pourront obtenir la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; une circulaire du ministère des affaires étrangères facilitera la délivrance d'un visa pour ceux qui se trouvent à l'étranger. En toute hypothèse, les étrangers doivent bénéficier, au même titre que les ressortissants français, du principe de la prescription, qui justifie également que ceux qui ont vécu un certain nombre d'années sur le territoire français acquièrent un droit au séjour, comme le prévoit actuellement l'article 12 bis 3° de l'ordonnance.

-  Une disposition du texte, d'ailleurs avalisée par le Conseil d'État, porte de douze à trente deux jours la durée maximale de rétention : il n'était pas possible d'aller au-delà pour des raisons constitutionnelles. Cet allongement est nécessaire pour assurer une meilleure exécution des décisions d'éloignement, notamment en facilitant la délivrance des laissez-passer consulaires. Il est d'ailleurs cohérent de pouvoir retenir un étranger durant un mois dès lors que l'on considère que les demandes d'asile politique devraient être traitées dans un délai comparable.

-  Certains pays font preuve de mauvaise volonté en matière de délivrance des laissez-passer consulaires : il n'est pas normal, par exemple, qu'un État comme le Mali ne délivre que difficilement les laissez-passer que lui demandent les autorités françaises pour la mise en œuvre des mesures de rapatriement forcé, alors que la France accorde chaque année près de 15 000 visas à ses ressortissants. Un lien automatique ne doit pas forcément être établi entre ces deux problématiques, mais des discussions d'État à État sont nécessaires.

-  La décision de construire une salle à Roissy pour l'organisation des audiences qui se tiennent aujourd'hui à Bobigny en application de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 a été prise par le précédent Gouvernement. Cette opération, qui a coûté 450 000 €, permettra d'économiser des effectifs de police, les escortes entre Roissy et Bobigny mobilisant une soixantaine de fonctionnaires par jour. Il permettra aussi d'épargner des souffrances aux personnes qui comparaissent et qui sont transférées dans des conditions parfois difficiles. Ceux qui s'y opposent pour des raisons corporatistes ou de convenance personnelle n'avancent pas des arguments convaincants ; contrairement à une idée reçue, la publicité des débats sera pleinement assurée à Roissy et l'indépendance de la justice n'est nullement mise en cause. Le ministère de l'intérieur est prêt à prendre en charge le déplacement des magistrats.

-  La visioconférence est également une solution opérationnelle pour la tenue des audiences : elle est prévue par le projet de loi, ce qui montre que le Gouvernement est ouvert à son utilisation. Le recours à cette technique serait d'ailleurs tout aussi justifié pour les auditions de nombre de détenus, notamment les plus dangereux, qui sont appelés à comparaître dans les bureaux des magistrats et dont l'escorte mobilise chaque jour des effectifs importants.

-  Les critiques émanant de certaines associations à l'encontre du projet de loi ne changent rien à l'opinion du pays, qui soutient majoritairement la politique de fermeté et d'équilibre mise en œuvre par le Gouvernement en matière de contrôle de l'immigration. De surcroît, le ministère de l'intérieur n'est pas hostile à un élargissement du rôle de ces associations, notamment pour la gestion de certaines tâches au sein des zones d'attente, sous réserve qu'elles se consacrent à des missions strictement humanitaires. De ce point de vue, l'action de la Croix Rouge est exemplaire ; en revanche, des membres d'autres associations se comportent comme des militants du détournement de la loi.

-  Les connexions de fichiers entre les pays membres de l'Union européenne posent des difficultés au regard de la législation française en matière d'informatique et de libertés. Cette réalité n'empêche pas que des avancées puissent être mises en œuvre : l'application de la convention de Dublin relative à l'asile est ainsi facilitée par les recoupements d'empreintes digitales entre les États concernés.

-  La surveillance des frontières de l'Union Européenne doit faire l'objet d'une gestion commune renforcée. Il n'est pas possible de demander à des pays comme la Roumanie ou la Grèce d'assurer seuls la surveillance de leurs frontières respectives avec l'Ukraine ou la Turquie : une mutualisation des charges et, dans une certaine mesure, de la formation des personnels, est souhaitable. En revanche, le rétablissement des contrôles aux frontières est une procédure complexe dont l'utilisation ne peut être qu'exceptionnelle. Au-delà, si les mouvements de population à l'intérieur de l'Europe sont un phénomène naturel, des transferts non contrôlés et massifs ne peuvent être tolérés : s'agissant des pays candidats à l'adhésion, des dispositions transitoires ont été prévues pour la suppression de l'obligation de détention d'un titre de séjour ; à terme, l'élévation de leur niveau de vie doit leur permettre de retenir leurs ressortissants.

-  La France doit renforcer son dialogue avec les pays qui sont liés à elle par des accords particuliers en matière de maîtrise de l'immigration, notamment le Maroc, la Tunisie et l'Algérie. Par la suite, cette relation devrait être élargie à l'Italie et à l'Espagne.

-  La lutte contre l'immigration clandestine est effectivement inséparable des autres questions que sont l'intégration ou la politique des visas. L'examen du projet de loi permettra d'en débattre de façon transparente. Le Gouvernement sera ouvert aux amendements déposés par les parlementaires même s'il conviendra de veiller au respect des engagements internationaux, et notamment européens, de la France. Les avis du Conseil d'État étant destinés au Gouvernement, il appartient au Premier Ministre de décider s'ils peuvent être communiqués au Parlement.

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La Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Jean-Marc Ayrault.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER

DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE N° 45-2658 DU 2 NOVEMBRE 1945
RELATIVE AUX CONDITIONS D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS
EN FRANCE

Articles additionnels avant l'article premier

(art. préliminaire [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Présentation d'un rapport annuel sur la maîtrise des flux migratoires

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Claude Goasguen prévoyant que, chaque année, le Premier ministre présentera un rapport dressant le bilan de la politique de maîtrise des flux migratoires menée l'année précédente et indiquant le nombre des différents titres de séjour accordés et des demandes rejetées, ainsi que le nombre d'étrangers admis au titre du regroupement familial et l'ampleur du travail clandestin.

Au président Pascal Clément qui se demandait si le droit en vigueur ne prévoyait pas déjà la présentation de rapports de cette nature, le rapporteur a indiqué que les rares documents existants en cette matière ne fournissaient que des chiffres bruts, non commentés et portant seulement sur les titres de séjour délivrés.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 46).


(art. 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Suppression de l'obligation de motivation des refus de visas
aux étudiants étrangers

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur supprimant l'obligation de motivation des refus de visas aux étudiants étrangers, introduite par la loi du 11 mai 1998.

Le rapporteur a observé que la France avait considérablement accru le nombre des étudiants étrangers accueillis sur son territoire, 65 000 visas ayant été délivrés à cet effet en 2002 contre 29 000 en 1998. Il a donc considéré qu'il n'était pas souhaitable de maintenir l'obligation de motiver les refus de délivrance, qui représente une charge croissante pour les postes diplomatiques, préjudiciable à leur capacité d'accueil. Après qu'il eut expliqué que cette suppression était sans conséquence sur les droits des étudiants demandeurs de visas puisque les différentes voies de recours administratives et contentieuses dont ils disposent étaient inchangées, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 47).

Article premier

(art. 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Renonciation au bénéfice du « jour franc »
en cas de refus de signer la notification écrite de non-admission

Le présent article précise les modalités de recours au « jour franc » auquel a droit tout étranger non admis sur le territoire français avant la mise en œuvre, à son encontre, d'une mesure de rapatriement forcé vers le pays dont il provient. De ce point de vue, il complète l'article 34 du projet de loi, qui reformule le cadre juridique des placements en zone d'attente : dans les deux cas, les modifications apportées à l'ordonnance du 2 novembre 1945 visent à éviter que des « vices de forme » ne fragilisent l'efficacité des procédures mises en œuvre au stade de la non admission d'un étranger en France et, partant, la lutte contre l'immigration clandestine.

On précisera, tout d'abord, que, en 2002, la police aux frontières a procédé à l'établissement de 26 787 procédures de non admission sur le territoire métropolitain, aux frontières aériennes, puis terrestres et, enfin, maritimes. Selon les termes de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ces refus peuvent être motivés par la non présentation des titres et documents requis pour accéder au territoire national, l'existence d'une menace pour l'ordre public, d'une interdiction du territoire ou d'un arrêté d'expulsion pris à l'encontre de l'étranger qui se présente. La décision est écrite et un double de celle-ci est remis à l'intéressé, qui doit être mis en mesure d'avertir la personne chez laquelle il indique vouloir se rendre, son consulat ou le conseil de son choix.

De surcroît, le dernier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance dispose que : « En aucun cas, le refus d'entrée ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration du délai d'un jour franc. » Cette règle a été instituée par l'article 5 de la loi n° 81-973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

Le rapporteur a constaté, en se rendant à l'aéroport de Roissy le 27 mai dernier, que ces droits étaient effectivement notifiés aux intéressés de façon claire et intelligible. Les formulaires utilisés par la police aux frontières sont conformes aux normes fixées par l'ordonnance du 2 novembre 1945. Il a également observé que nombre de ces formulaires portaient, de façon manuscrite, la mention suivante : « Refuse de signer ».

De fait, le refus de signer est parfois utilisé comme une manœuvre dilatoire pour fragiliser les procédures engagées : des étrangers cherchent ainsi à créer un vice de procédure en soutenant ultérieurement, devant le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande de prorogation du placement en zone d'attente, ne pas avoir été informés de leurs droits ou avoir fait l'objet d'une tentative d'éloignement contre leur gré avant l'expiration du « jour franc ».

Ces pratiques peuvent être couronnées de succès et des étrangers sont ainsi admis sur le territoire français. Plusieurs décisions rendues par les juridictions laissent entendre que le refus de signer la notification de non admission ne signifie pas que l'étranger renonce clairement à ses droits : toute tentative de rapatriement pendant le délai du jour franc rend irrégulière l'ensemble de la procédure (14).

Cette interprétation n'est pas satisfaisante : le refus de signature fait régner une incertitude préjudiciable sur les procédures engagées par la police aux frontières. En toute hypothèse, les décisions des juridictions sont divergentes et il convient de clarifier l'état du droit.

Il est donc proposé de prévoir que l'étranger qui refusera de signer la décision administrative écrite l'informant de son refus d'admission sur le territoire (15) et, consécutivement, de son droit à bénéficier du jour franc avant toute tentative de renvoi vers le pays dont il provient, sera réputé y renoncer. Autrement dit, le refus de signer équivaudra désormais à une renonciation expresse des droits notifiés.

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur procédant à une réécriture de cet article afin de préciser notamment que la notification de la non-admission sur le territoire français et les conséquences d'un refus de signer la décision écrite mentionnant les droits dont bénéficie l'étranger doivent lui être communiquées dans une langue qu'il comprend, le refus de signer ladite décision valant renonciation à l'ensemble de ces droits.

Malgré l'avis de M. Bernard Roman, qui a considéré que cette disposition représentait un recul considérable des droits reconnus aux étrangers maintenus en zone d'attente, la Commission l'a adopté (amendement n° 48), rendant ainsi sans objet deux amendements présentés respectivement par MM. Étienne Pinte et Nicolas Perruchot.

La Commission a ensuite adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2

(art. 5-3 [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Attestation d'accueil

Dans le but de lutter contre l'immigration clandestine et en complément, notamment, de la création d'un fichier des empreintes digitales des demandeurs de visas et de l'amélioration du fonctionnement des zones d'attente, cet article institue un contrôle des attestations d'accueil dont l'utilisation frauduleuse peut servir l'immigration clandestine et dont le nombre est passé de 160 000 en 1997 à 735 000 en 2002. À cet effet, il insère un article 5-3 (16) dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée.

1. Le régime de l'attestation d'accueil

La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (reseda), dite « loi Chevènement », a supprimé le certificat d'hébergement signé par le maire. Depuis lors, en vertu de l'article 2-1 du décret n° 82-442 du 27 mai 1982 (17) et selon la procédure explicitée par la circulaire du 26 juin 1998, pour une visite à caractère privé de courte durée, une « attestation d'accueil » signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger doit être présentée par l'étranger qui demande un visa de court séjour. Elle constitue le document prévu par l'article 5 de la convention d'application du 19 juin 1990 de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes pour justifier des conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée. Il répond, en conséquence, aux exigences de l'instruction consulaire commune qui évoque un certificat attestant l'engagement d'hébergement, rempli par l'hébergeant et visé par l'autorité compétente.

Cette attestation, dont le fondement est de nature réglementaire, a pour objet de s'assurer du consentement de l'hébergeant, personne physique ou morale. Elle permet au visiteur étranger de justifier des motifs de son séjour et de voir alléger les exigences relatives aux ressources et garanties financières à présenter lors de sa demande de visa (18). Aujourd'hui, 80 % des visas de court de séjour le sont sur présentation d'une attestation d'accueil. Elle peut être réclamée par les autorités consulaires françaises ou celles d'un autre État partie à la convention de Schengen pour l'obtention du visa lorsque l'étranger y est soumis.

Son champ d'application est le même que celui de l'ancien certificat d'hébergement. Elle ne concerne que les séjours d'une durée inférieure ou égale à trois mois et s'applique à tous les étrangers, qu'ils soient soumis à l'obligation de visa ou non. N'en sont dispensées que les personnes appartenant à l'une des catégories énumérées à l'article 9 du décret du 27 mai 1982 précité (19) auxquelles s'ajoutent les conjoints et enfants mineurs des ressortissants algériens, marocains et tunisiens titulaires d'un titre de séjour (20).

Lorsque l'attestation est souscrite par un ressortissant étranger, elle comporte l'indication du lieu, de la date de délivrance et de la durée de validité du titre de séjour du signataire. Celui-ci doit être obligatoirement titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de résident, d'un certificat de résidence, d'une carte de séjour de ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen ou d'un récépissé de demande de renouvellement d'un des titres de séjour précités, ou d'une carte diplomatique ou d'une carte spéciale délivrées par le ministre des affaires étrangères. Lorsqu'elle est souscrite par un Français, l'attestation d'accueil comporte l'indication du lieu et de la date de délivrance d'un document établissant l'identité et la nationalité de celui-ci.

L'identité, l'adresse du signataire et le lieu d'accueil de l'étranger sont certifiés par l'autorité publique incarnée par un maire, un maire d'arrondissement à Paris, Lyon et Marseille, un commissaire de police ou un commandant de brigade de gendarmerie. Si l'autorité publique ayant certifié l'attestation d'accueil n'est pas le maire de la commune, elle adresse une copie de ce document à celui-ci pour son information. Le signataire doit se présenter personnellement devant ces autorités. La certification a pour objectif de constater, au vu des pièces d'identité, que le demandeur est bien la personne qui déclare accueillir une ou plusieurs personnes déterminées et de vérifier, au vu des justificatifs de domicile, qu'il dispose d'un logement pour le visiteur étranger. Le maire agit ici en tant qu'agent de l'État. Lorsque l'attestation est certifiée par une autorité autre que le maire et pour un logement situé dans une autre commune que le lieu de résidence du demandeur, le maire de la commune doit en être informé. Le signataire de l'attestation doit se présenter personnellement et la certification ne pourra lui être refusée que s'il ne produit pas l'un des documents susmentionnés. Le refus de certification doit être motivé et peut faire l'objet d'un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux.

Contrairement à la délivrance de l'ancien certificat d'hébergement, la certification de l'attestation d'accueil est gratuite. Elle ne donne pas lieu à une vérification sur place des conditions d'hébergement (21). L'autorité publique ne dispose plus de pouvoir discrétionnaire pour refuser la certification. Le lieu d'accueil de l'étranger et le domicile du signataire peuvent être différents. Une personne morale peut établir une attestation d'accueil alors qu'elle ne pouvait produire de certificat d'hébergement.

La production de fausses attestations d'accueil est d'ores et déjà sanctionnée. L'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit que toute personne qui, alors qu'elle se trouvait en France ou dans l'espace international des zones aéroportuaires situées sur le territoire national, aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France ou dans l'espace international précité sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros. Peuvent également s'appliquer les sanctions des infractions pour faux et usages de faux documents administratifs en application des articles 441-5 et 441-6 du code pénal.

2. L'institution d'un contrôle de l'attestation d'accueil

Le présent article donne une base légale à l'existence de l'attestation d'accueil que doit détenir tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois. Il remplace la procédure de certification par une procédure de validation. Il met en place un dispositif de contrôle.

a) L'absence actuelle de tout contrôle réel

Dans l'état du droit, la certification de l'attestation d'accueil ne peut être refusée qu'en l'absence de présentation par le signataire des pièces justificatives, à savoir un document d'identité - et, pour les ressortissants étrangers, un titre de séjour - , un justificatif du lieu d'accueil et, le cas échéant, la justification de la qualité de représentant d'une personne morale.

Certes, la circulaire du 25 juillet 2000 relative aux demandes d'accueil multiples sollicitées par un seul hébergeant a rappelé que l'allégement de la procédure ne signifie pas que les autorités chargées de viser les attestations d'accueil doivent accepter de certifier des demandes qui constituent des détournements de procédures. Le maire peut alors informer le préfet qui peut saisir le service de police compétent pour déterminer s'il y a fraude à la loi. Il est vrai, par ailleurs, que le Conseil d'État a pour jurisprudence constante de reconnaître à l'administration la faculté de faire échec aux agissements d'un administré qui se place dans une situation prévue par un texte à des fins étrangères à celles que le législateur ou le pouvoir réglementaire vise (22). Enfin, le maire, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, doit saisir sans délai le procureur de la République lorsqu'il a connaissance d'un délit.

Ces principes, depuis la loi du 11 mai 1998, sont mis en échec par l'absence de réelle capacité du maire à contrôler le caractère véridique des attestations d'accueil qui lui sont soumises. En effet, la suppression du certificat d'hébergement a eu pour effet de le priver des moyens d'assurer un contrôle minimal des déclarations faites par l'hébergeant, compte tenu, notamment, de délais très courts. Dans ces conditions, l'amélioration du dialogue entre les préfectures et les consulats, proclamée à maintes reprises sous la législature précédente (23), s'est heurtée à l'impossibilité pratique de réaliser des vérifications. L'utilisation de l'article 40 du code de procédure pénale ne peut donc qu'être très limitée. Seuls les cas les plus flagrants de fraude - les attestations multiples par exemple - peuvent être décelés et sanctionnés.

Le succès rencontré par les attestations d'accueil ne révèle pas seulement un attrait plus grand des étrangers pour notre pays. Le changement d'échelle des filières d'immigration clandestine et le recours de plus en plus fréquent à des attestations de complaisance appellent une réponse plus adaptée.

CERTIFICATS D'HÉBERGEMENT ET ATTESTATIONS D'ACCUEIL

Années

Documents demandés

Documents refusés

Enquêtes demandées par les maires

Certificats

1996

162 686

4 871

4 099

1997

164 632

3 061

3 511

Certificats et attestations

1998

120 457

944

794

Attestations

1999

438 296

1 399

-

2000

605 960

1 555

-

2001

714 498

1 660

-

2002 (*)

735 310

2 192

-

(*) résultats annuels obtenus par extrapolation des résultats du premier trimestre.

Source : préfectures.

b) L'institution d'une procédure de validation

Le réalisme doit succéder à l'irénisme. Aujourd'hui, l'attestation ne fait l'objet que d'une certification par le maire, un commissaire de police ou un commandant de brigade de gendarmerie, qui ne peuvent agir que comme agent d'enregistrement. Pour mettre fin à cette situation déplorée par nombre d'élus locaux, le présent article dispose que l'attestation d'accueil est validée par l'autorité administrative, en l'occurrence par le maire du lieu d'hébergement. À Paris, Lyon et Marseille, c'est le maire d'arrondissement qui exercera cette compétence. Les commissaires de police ou commandants de brigade de gendarmerie ne pourront plus certifier d'attestation d'accueil.

Il est précisé que le maire agit en qualité d'agent de l'État. Cette affirmation a deux conséquences principales.

D'une part, elle permet au maire, en application de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, de bénéficier, de la part de l'État, de la protection prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en vertu duquel la collectivité publique est tenue de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Sur le même fondement, la collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle.

D'autre part, comme le prévoit le dernier alinéa du présent article, elle rend possible la mise en place d'un recours hiérarchique préalable auprès du préfet contre les décisions de refus de validation comme cela était prévu dans le projet de loi initial reseda de 1998. Ce recours hiérarchique devra être exercé dans les deux mois qui suivent la décision du maire. Son exercice constituera une condition de recevabilité d'une contestation contentieuse. Une telle obligation de porter le différend devant l'autorité supérieure existe en matière de remembrement rural ou de travaux effectués dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit. Elle s'impose également, de manière fréquente, en matière de santé publique : ouverture d'un cabinet médical secondaire, suspension ou retrait de l'autorisation d'exercer une activité libérale dans un établissement public hospitalier, homologation des prix de journée pratiqués dans les cliniques, etc. Sur le fondement de l'article 9 du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers appliqué par le Conseil d'État (24) aux décisions susceptibles d'un recours administratif obligatoire, la décision de refus de validation devra porter la mention des voies et délais de recours à peine de non-opposabilité des délais de recours contentieux. Le préfet pourra rejeter le recours ou bien valider lui-même l'attestation d'accueil. Cette solution se rapproche de celle préconisée par Patrick Weil dans son rapport de 1997 (25), qui souhaitait rendre automatique la saisine du préfet en cas de refus par le maire de viser le certificat d'hébergement.

Le présent article énumère quatre raisons qui peuvent fonder le refus du maire de valider une attestation d'accueil :

- comme c'est le cas aujourd'hui pour la procédure de certification, telle que précisée par le décret du 27 mai 1982 et la circulaire du 26 juin 1998, le maire pourra refuser de valider une attestation lorsque l'hébergeant n'est pas en mesure de présenter les pièces justificatives exigées ; il ne s'agit donc là que d'une reprise de dispositions réglementaires ;

- la teneur de l'attestation et des justificatifs présentés ou bien la vérification effectuée au domicile de l'hébergeant peuvent révéler que l'accueil de l'étranger ne peut être réalisé dans des conditions normales. Cette disposition permettra, par exemple, la reconnaissance de la conformité du logement avec des normes sanitaires ou de sécurité, telles qu'elles sont d'ores et déjà appliquées dans le cadre du regroupement familial (article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée) ou de l'hébergement d'un étranger venu se faire hospitaliser en France.

- l'inexactitude des mentions portées sur l'attestation peut justifier le refus de validation du maire ;

- une enquête menée par les services de police ou de gendarmerie à la demande d'un maire peut révéler un détournement de procédure lors de demandes antérieures effectuées par l'hébergeant ; dans ce cas, le maire peut refuser de valider une nouvelle attestation.

D'aucuns estimeront que cette notion de détournement de procédure est imprécise et que la mise en place éventuelle d'un fichier que cette disposition impliquerait pourrait, faute d'encadrement, s'avérer attentatoire à la liberté individuelle. Le législateur, en 1997, avait précisé, à propos des certificats d'hébergement, que les préfets pouvaient refuser de les signer lorsque « les demandes antérieures de l'hébergeant font apparaître un détournement de la procédure au vu d'une enquête demandée (...) aux services de police ou unités de gendarmerie », termes repris dans le présent projet de loi. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 sur la loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, avait validé cette disposition en soulignant que « si les travaux parlementaires ont montré qu'un traitement informatique des certificats d'hébergement pourrait s'avérer nécessaire, la loi ne comporte aucune disposition à cet égard ; qu'en conséquence les moyens invoqués le concernant sont inopérants ; que d'ailleurs si un tel fichier était établi, il serait soumis aux dispositions protectrices de la liberté individuelle prévues par la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. (...) dans ces conditions, la disposition critiquée ne porte pas une atteinte excessive à la liberté individuelle et n'est pas non plus entachée d'incompétence négative ou de violation du principe d'égalité. »

Le nouveau régime donnera les moyens aux maires de mettre fin aux détournements de procédure qu'ils ont pu constater, sans pouvoir les prévenir, et de garantir que les étrangers accueillis le seront dans des conditions satisfaisantes. Ils pourront, pour ce faire, s'appuyer sur les services de l'office des migrations internationales (omi).

c) La mise en place d'un dispositif de contrôle

À l'appui de la procédure de validation par le maire - ou, dans le cas d'un recours hiérarchique, par le préfet -, l'omi pourra être appelé à vérifier les informations fournies par l'hébergeant comme il pouvait le faire sous le régime des certificats d'hébergement supprimés par la loi du 11 mai 1998.

Il faut rappeler, à cet égard, que la possibilité ouverte au maire de saisir cet organisme pour effectuer, dans le cadre d'une visite privée, une enquête sur les conditions d'hébergement des étrangers, qui a été supprimée par la loi du 11 mai 1998 précitée, avait été instituée par le décret n° 91-829 du 30 août 1991 concernant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers. Une telle procédure a, par ailleurs, été maintenue en cas de visite motivée par une hospitalisation. Le 4° de l'article 2 du décret du 27 mai 1982 précité dispose en effet que, dans ce cas, l'hébergeant doit présenter tous documents permettant d'apprécier sa capacité à héberger l'étranger dans des conditions normales. De plus, lorsque, après examen du certificat d'hébergement et des pièces justificatives, le maire a un doute sérieux sur la réalité des conditions d'hébergement, il peut saisir l'omi d'une demande motivée aux fins de faire procéder à une vérification sur place.

L'omi, établissement public à caractère administratif, accomplit, à destination des étrangers, un certain nombre d'actions tant administratives que sanitaires et sociales au titre de leur introduction sur le territoire, de leur accueil, de leur information, de leur séjour ainsi que de leur rapatriement. Pour assurer la nouvelle mission qui lui est confiée par le présent article, il pourra procéder à des vérifications sur place. Cette procédure s'inspire de celle que l'omi peut être amené à conduire dans le cadre du regroupement familial sur le fondement de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée.

Dans le dispositif proposé, comme dans celui en vigueur pour le regroupement familial, les agents de l'office ne pourront pénétrer dans le logement qu'après s'être assurés du consentement, donné par écrit, de son occupant. En cas de refus, les conditions d'un accueil dans des conditions normales seront réputées non remplies.

Dans l'appréciation des conditions de logement, il pourrait être utile de se référer mutatis mutandis, comme dans le cadre de la procédure de regroupement familial, aux normes minimales fixées pour obtenir le bénéfice de l'allocation de logement. Le décret n° 99-566 du 6 juillet 1999 relatif au regroupement familial des étrangers, pris pour l'application du chapitre VI de l'ordonnance du 2 novembre 1945, précise que les normes de superficie peuvent être complétées par des conditions minimales de confort et d'habitabilité fixées par le décret n° 87-149 du 6 mars 1987 sur le fondement de l'article 25 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière. Ces conditions portent sur la composition et la dimension du logement, les ouvertures et la ventilation, l'aménagement de la cuisine, l'alimentation en gaz, électricité et eau... Ces règles ont été rappelées par la circulaire du 28 février 2000 relative au regroupement familial des étrangers.

Le Conseil d'État, dans une décision du 24 octobre 1997, El Mansri, a toutefois précisé que l'administration doit toujours apprécier les situations particulières. La circulaire du 28 février 2000 précitée précise à ce propos que l'administration peut admettre « un logement dont la superficie ou la hauteur sous plafond serait légèrement inférieure aux normes ou à l'inverse refuser de prendre en compte un logement dont la superficie ou la hauteur sous plafond serait suffisante mais dont l'habitabilité entendue au sens large n'apparaîtrait pas satisfaisante ». Ainsi, l'administration pourra prendre en considération le caractère court du séjour pour apprécier les conditions de logement. Il est de bonne politique de considérer que les exigences de logement liées à un regroupement familial doivent être supérieures à celles qui sont liées à une simple visite privée, par définition, temporaire.

Le rapporteur souhaite rappeler qu'avant sa suppression en 1998, il était délivré 160 000 certificats d'hébergement, dont 5 % seulement faisaient l'objet d'une enquête de la part de l'omi. Si l'on peut estimer que cette proportion ne s'accroîtra pas avec la mise en œuvre du dispositif présenté, se pose néanmoins la question des moyens dont dispose cet organisme pour effectuer ses contrôles. À ce propos, il convient de rappeler l'intervention du législateur dans la loi de finances pour 2003 (article 133) (26) pour garantir à l'omi des moyens suffisants pour un champ de mission constant. Dès lors que ce champ est appelé à s'élargir, il convient de trouver de nouvelles ressources pour l'office.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur limitant l'obligation de produire un justificatif d'hébergement aux étrangers effectuant une visite de caractère familial (amendement n° 49). Après avoir adopté huit amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 50 à 55, 57 et 59), la Commission a adopté deux amendements du même auteur, le premier prévoyant le caractère éventuel de l'enquête demandée par le maire sur un hébergeant (amendement n° 56), le second étendant aux agents des services sociaux communaux la compétence pour procéder aux vérifications des renseignements figurant dans l'attestation d'accueil (amendement n° 58).

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement de M. Nicolas Perruchot prévoyant que les vérifications sur place des conditions d'hébergement réalisées par l'OMI devaient intervenir dans un délai de deux mois à compter de la demande de délivrance d'une attestation d'accueil. Le rapporteur a indiqué que le dispositif proposé était satisfait par un amendement précédemment adopté par la Commission et permettant aux agents des services sociaux des communes d'assurer, au même titre que les agents de l'OMI, les vérifications liées aux attestations d'accueil. Il a ajouté qu'il proposerait, par ailleurs, un amendement assimilant le silence gardé pendant un mois par le maire à une décision implicite de rejet, ce qui répond aux préoccupations exprimées par l'auteur de l'amendement qui a, en conséquence, retiré son amendement. La Commission a ensuite adopté un amendement de M. Nicolas Perruchot prévoyant que le maire est tenu informé par l'autorité consulaire des suites données à la demande de visa formulée sur la base de l'attestation d'accueil validée (amendement n° 60).

Elle a adopté trois amendements du rapporteur : le premier, prévoyant que le silence gardé pendant plus d'un mois par le maire sur la demande de validation de l'attestation d'accueil vaut décision de rejet (amendement n° 61) ; le deuxième précisant que les traitements automatisés concernant les demandes de validation des attestations d'accueil sont mis en œuvre selon des dispositions déterminées par un décret en Conseil d'État après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) (amendement n° 62) ; le dernier instaurant une taxe, payée par l'hébergeant au profit de l'OMI, d'un montant de 15 euros par personne hébergée (amendement n° 63).

La Commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Après l'article 2

La Commission a rejeté l'amendement n° 11 de M. Jean-Michel Ferrand prévoyant que le maire est informé du retour du ressortissant étranger ayant bénéficié d'une attestation d'accueil et sanctionnant pénalement l'hébergeant si celui-ci n'a pas déclaré que la personne étrangère qu'il héberge s'est maintenue à son domicile après l'expiration de son visa.

Article 3

(art. 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Coordination liée à la suppression de l'obligation de détention
d'un titre de séjour pour les ressortissants communautaires

Le présent article procède à des mesures de coordination liées à la suppression de l'obligation, pour les ressortissants de la Communauté européenne et de l'Espace économique européen, de détenir une carte de séjour lorsqu'ils résident en France durant plus de trois mois.

La suppression de cette obligation est mise en œuvre par l'article 6 du projet de loi, qui modifie à cet effet l'article 9-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Or, l'article 6 de l'ordonnance prévoit que tout étranger, sans exception, doit, s'il séjourne en France et après l'expiration d'un délai de trois mois, être muni d'une carte de séjour.

En conséquence, le présent article modifie cet article 6 afin de préciser que les règles qu'il édicte ne prévalent que sous réserve des dispositions particulières prévues par l'article 9-1 pour les ressortissants de la Communauté européenne et de l'Espace économique européen.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur - à l'initiative duquel il a associé M. Yves Jego - tendant à présenter de façon claire l'ensemble des titres susceptibles d'être délivrés aux étrangers ainsi que leurs conditions de renouvellement, notamment au regard du nouveau critère d'intégration dans la société française prévu par le projet de loi (amendement n° 64), puis l'article 3 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 3

(art. 6 bis [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Suppression de la délivrance des récépissés de renouvellement
de carte de séjour temporaire et de carte de résident

La Commission a adopté un amendement de M. Christian Vanneste tendant, par souci de simplification administrative, à supprimer la délivrance des récépissés de demande de renouvellement de titres de séjour et invitant l'étranger concerné à engager les démarches en vue de ce renouvellement au plus tard trois mois avant son expiration lorsqu'il s'agit d'une carte de séjour temporaire et six mois lorsqu'il s'agit d'une carte de résident (amendement n° 65).

Articles 4 et 5

(art. 8-3 et 8-4 [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Relevé des empreintes digitales pour le contrôle de l'entrée des étrangers

Afin de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les articles 4 et 5 du projet de loi étendent les possibilités de relevé, de mémorisation et de traitement automatisé des empreintes digitales, qui ne sont prévues actuellement qu'en cas de demande de carte de séjour ou d'interpellation en situation irrégulière sur le territoire national.

1. L'article 4 : le relevé des empreintes des étrangers qui ne remplissent pas les conditions d'entrée en France et dans l'espace Schengen

L'article 8-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, issu de la loi n° 97-396 du 24 avril 1997, prévoit que les empreintes digitales des ressortissants des États non communautaires qui sollicitent la délivrance d'une carte de séjour peuvent être relevées et mémorisées, dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, en vue de la constitution d'un fichier. Il en va de même pour les étrangers interpellés en situation irrégulière sur le territoire français ou faisant l'objet d'une mesure d'éloignement (27).

Six ans après le vote de cette disposition pourtant susceptible de jouer un rôle important dans le dispositif de lutte contre l'immigration clandestine, ce fichier n'a toujours pas été mis en place.

Soucieux de rompre avec l'immobilisme de ses prédécesseurs, le Gouvernement est résolu à faire aboutir ce dossier auquel il souhaite, dès aujourd'hui, conférer une base élargie. Dans ce sens, l'article 4 du projet de loi complète le premier alinéa de l'article 8-3 précité afin d'étendre les possibilités de relevé, de mémorisation et de traitement des empreintes digitales aux étrangers qui, ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement d'une frontière extérieure, ne remplissent pas les conditions d'entrée en France (28) et dans l'espace Schengen (29). Comme on l'a vu à propos de l'article 1er du projet de loi, la police aux frontières a prononcé, pour ce motif, en 2002, 26 787 mesures de non-admission.

Sans doute cette disposition, pour être effective, supposera-t-elle un effort d'équipement et un accès élargi de la police aux frontières aux applications de gestion des ressortissants étrangers. À terme, la mémorisation des décisions de non-admission permettra, néanmoins, d'établir un rapprochement en cas de nouvelle tentative d'entrée en France - l'usage d'une fausse identité ou la destruction des documents étant des pratiques courantes, notamment dans les zones internationales des aéroports - ou d'interpellation en situation irrégulière sur le territoire national.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur faisant suite à des observations présentées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et tendant, d'une part, à préciser la finalité du traitement automatisé des empreintes digitales des ressortissants étrangers qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour, qui sont arrêtés en situation irrégulière ou qui font l'objet d'une mesure d'éloignement (amendement n° 66) et, d'autre part, à renvoyer à un décret en Conseil d'État après avis de la CNIL le soin de préciser la durée de conservation et de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes pouvant y accéder, ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès (amendement n° 67).

2. L'article 5 : le relevé des empreintes des étrangers qui sollicitent la délivrance d'un visa

L'article 5 du projet de loi insère, dans l'ordonnance du 2 novembre 1945, un nouvel article, numéroté 8-4, dont la rédaction est directement inspirée de celle de l'article 8-3 : il prévoit le relevé, la mémorisation et le traitement, dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, des empreintes des étrangers non ressortissants d'un État communautaire qui sollicitent la délivrance d'un visa auprès d'un consulat ou à une frontière extérieure pour séjourner dans un État membre de l'Union européenne.

Cette mesure, complémentaire de celle qui figure à l'article 4, doit permettre d'effectuer des rapprochements dans l'hypothèse d'une nouvelle demande de visa sous une autre identité, en cas de tentative d'entrée illégale ou de contrôle en situation irrégulière sur le territoire français.

Il convient de préciser que le nombre annuel de demandes de visas reçues par le ministère des affaires étrangères atteint aujourd'hui près de trois millions. Dès lors, l'application de ces nouvelles dispositions nécessitera également un effort d'équipement important à travers une modification des logiciels de traitement des demandes de visas, en administration centrale et dans les postes consulaires, l'achat de matériels spécifiques pour la prise d'empreintes et une adaptation des capacités de communication entre les différentes administrations concernées.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant la finalité du traitement des empreintes digitales des étrangers qui sollicitent la délivrance d'un visa (amendement n° 68).

Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. Nicolas Perruchot permettant de compléter le relevé des empreintes digitales par la prise d'une photographie. Le rapporteur ayant approuvé cet amendement et suggéré à son auteur de prévoir la même modification à l'article 4 du projet de loi lors de la prochaine réunion de la Commission, la Commission l'a adopté (amendement n° 69).

Elle a également adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 70), ainsi qu'un amendement de M. Nicolas Perruchot rendant systématique la prise d'empreintes digitales lors de la délivrance d'un visa auprès d'un consulat ou à la frontière extérieure (amendement n° 71).

Elle a, en revanche, rejeté un autre amendement du même auteur assujettissant également à cette formalité les étrangers placés en centre de rétention, le rapporteur ayant indiqué que cette obligation était déjà satisfaite par l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Puis elle a adopté un amendement du rapporteur renvoyant à un décret en Conseil d'État après avis de la CNIL le soin de préciser les modalités d'applications du nouvel article 8-4 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (amendement n° 72).

3. Des mesures complémentaires, qui s'intègrent dans une réflexion d'ensemble sur l'intégration de données biométriques

Les mesures proposées par les articles 4 et 5 sont complémentaires. Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi : « Elles visent à parfaire le dispositif de contrôle de l'entrée des étrangers, depuis la demande de visa formulée à l'étranger jusqu'à l'arrivée sur le territoire français. La première permettra de contrarier les récidives dans les tentatives d'entrer sur le territoire avec des documents frauduleux et sous différentes identités. La seconde permettra de faire des rapprochements a posteriori pour identifier une personne à laquelle un visa aurait été délivré et qui se maintiendrait en France illégalement sous une autre identité ou en masquant son origine. Elle permettra aussi de lutter contre les demandes multiples formulées par une même personne sous des noms d'emprunt. » On ajoutera qu'en facilitant l'identification des personnes en situation irrégulière, elles devraient contribuer à une délivrance plus importante des laissez-passer consulaires dans le cadre des procédures d'éloignement (voir le commentaire de l'article 33 du projet de loi).

De plus, elles sont parfaitement respectueuses des libertés individuelles. Leur finalité est légitime : il s'agit de « parfaire le dispositif de contrôle de l'entrée des étrangers ». Les traitements en question devront respecter les dispositions particulières prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. Ce dispositif a été approuvé, au demeurant, par le Conseil constitutionnel, en 1997 (30). On ajoutera que, comme l'a relevé la CNIL, les empreintes digitales des personnes sollicitant un visa devront faire l'objet d'un traitement automatisé distinct de celui mis en œuvre pour l'enregistrement des empreintes digitales des ressortissants étrangers qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour, qui sont en situation irrégulière en France ou qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire.

La France n'est pas la seule, d'ailleurs, à s'engager dans cette voie. Ainsi, on peut signaler que le Nationality Immigration and Asylum Act de 2002 autorise le ministre de l'intérieur britannique à prévoir, par décret, qu'une personne sollicitant un visa ou une entry clearence ou à entrer sur le territoire devra fournir aux officiers de l'immigration des informations spécifiques sur ses caractéristiques physiques, comme par exemple celles de l'iris.

Surtout, ces mesures, notamment l'article 5, s'intègrent dans le cadre de travaux en cours à l'échelon communautaire, visant à systématiser l'introduction de données biométriques dans les passeports, les visas et les titres de séjour. Ainsi, le Conseil européen de Laeken en décembre 2001 a décidé de mettre en place un système commun d'identification des demandes et des refus de visas, afin de lutter contre la fraude, d'améliorer la coopération consulaire, de déterminer plus aisément les usurpations d'identité, de faciliter l'application de la convention de Dublin sur le droit d'asile et de vérifier l'identité des personnes en situation irrégulière : l'introduction systématique de données biométriques est prévue dans ce cadre. De fait, l'élargissement de ces relevés d'empreintes à l'échelon communautaire conditionne en partie l'efficacité du dispositif, la France ne délivrant qu'environ 27 % des visas d'entrée dans l'espace Schengen : il est essentiel que le Gouvernement français agisse auprès de ses partenaires pour que les négociations en cours aboutissent dans un délai raisonnable.

Par ailleurs, on rappellera que le règlement du Conseil de l'Union européenne n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, qui a créé le système eurodac, prévoit des comparaisons d'empreintes digitales pour déterminer l'État membre responsable d'une demande d'asile sur le fondement de la convention de Dublin. Des échanges d'informations de cette nature sont organisés concernant les personnes appréhendées à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de l'Union européenne ainsi que celles qui se trouvent illégalement sur le territoire d'un État membre (31).

La Commission a adopté les articles 4 et 5 ainsi modifiés.

Article additionnel après l'article 5

(art. 9 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Coordination

La commission a adopté un amendement modifiant l'article 9 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, par coordination avec l'article 13 du projet de loi (amendement n° 73).

Article 6

(art. 9-1 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Suppression de l'obligation de détention d'un titre de séjour
pour les ressortissants communautaires

Le présent article simplifie les formalités administratives auxquelles sont soumis, au regard du droit au séjour, les ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen ainsi que les membres de leur famille, lorsqu'ils souhaitent établir en France leur résidence habituelle.

1. Un droit au séjour privilégié

Les ressortissants étrangers relevant du droit communautaire bénéficient déjà d'un droit au séjour privilégié. Ce régime, qui résulte directement des Traités instituant la communauté européenne, est largement mis en œuvre, en France, par la voie réglementaire.

Ainsi, ils sont autorisés à entrer en France sous couvert d'un simple document d'identité : leur séjour est autorisé sans démarches préalables, pour une durée de trois mois.

Au-delà de trois mois, ils sont soumis, comme tous les étrangers, à l'obligation de détenir un titre de séjour. Néanmoins, dans la plupart des cas, il ne s'agit que de constater l'existence en France de leur résidence habituelle :

-  les actifs reçoivent, en application de l'article 9-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, sous réserve qu'ils ne représentent pas une menace à l'ordre public, une carte de séjour de dix ans, qui devient permanente lors du premier renouvellement (32;

-  les étudiants communautaires bénéficient d'un régime assez proche, dans la mesure où ils n'ont qu'à déclarer sur l'honneur qu'ils disposent de ressources financières suffisantes pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour ;

-  seul le droit au séjour des inactifs n'est pas inconditionnel : les demandeurs doivent disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie pour obtenir un titre dont la durée de validité est comprise entre un et cinq ans.

Pourtant, ces règles demeurent trop restrictives au regard des principes de libre circulation et de libre établissement, dont bénéficient, en principe, les ressortissants des États membres de la Communauté européenne. De plus, la procédure reste lourde et complexe : 1 180 967 citoyens de l'Union sont actuellement titulaires d'une carte de séjour en France et 120 000 titres environ leur sont encore délivrés chaque année par les préfectures, soit près de 20 % du total des titres de séjour délivrés en métropole.

2. Les mesures proposées

Le présent article propose de supprimer, pour les citoyens de l'Union, cette obligation de détention d'un titre de séjour. La réforme repose sur une réécriture des deux premiers alinéas de l'article 9-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui sont remplacés par les dispositions présentées ci-après.

· Le premier alinéa dispense, de façon générale, de tout titre de séjour, les ressortissants communautaires, actifs ou inactifs, qui souhaitent établir en France leur résidence habituelle.

· Le deuxième alinéa prévoit, néanmoins, qu'un titre de séjour peut leur être délivré s'ils en font la demande pour des raisons de convenance personnelle, sous réserve d'absence de menace pour l'ordre public. Dans cette hypothèse, les modalités concrètes de délivrance des titres de séjour, actuellement fixées par le décret du 11 mars 1994 modifié, pourraient être assouplies : le Gouvernement envisage de généraliser la carte de séjour à validité permanente dès la première demande pour les actifs et anciens travailleurs, ainsi que pour les membres de leur famille.

· Le troisième alinéa maintient l'obligation de détenir un titre de séjour pour les ressortissants d'États en voie d'adhésion à la Communauté européenne qui souhaitent exercer en France une activité économique.

De fait, la possibilité de prévoir des dispositions transitoires en matière d'accès au marché de l'emploi est prévue, pour une durée maximale de cinq ans pouvant être portée à sept ans en cas de difficultés particulières, par les traités d'adhésion conclus avec la République Tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Lituanie, l'Estonie, la Lettonie, la Pologne et la Slovénie : seuls Chypre et Malte bénéficieront immédiatement - c'est-à-dire, en principe, le 1er mai 2004 - de l'intégralité de l'acquis communautaire.

Naturellement, les nouvelles règles présentées ci-dessus sont sans incidence sur la situation des ressortissants d'États tiers. Toutefois, il est prévu que, s'ils possèdent des liens familiaux avec des ressortissants communautaires, une carte de séjour à validité permanente pourra leur être délivrée dès la première demande.

Au total, le présent article atteint un double objectif, conjuguant une politique de simplification administrative avec une volonté d'approfondissement du concept de libre circulation.

Comme on l'a vu, l'article 3 du projet de loi procède aux coordinations nécessaires en précisant, à l'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, que la règle selon laquelle tout étranger séjournant en France plus de trois mois doit être muni d'une carte de séjour ne s'applique que sous réserve de l'article 9-1.

La Commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article additionnel après l'article 6

(art. 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Possibilité de retrait de la carte de séjour temporaire de l'étranger
passible de poursuites pénales pour les infractions les plus graves
en matière de trafic de stupéfiants

La Commission a adopté l'amendement n° 18 de M. Jean-Pierre Grand, permettant à l'autorité administrative de retirer la carte de séjour temporaire des étrangers poursuivis pour l'une des cinq infractions en matière de trafic de stupéfiants punie de dix ans d'emprisonnement ou plus, M. Christian Vanneste, co-auteur de l'amendement, ayant jugé difficile d'admettre que les responsables de trafics de drogues puissent bénéficier d'une quelconque clémence.

Article 7

(art. 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Délivrance d'une carte de séjour temporaire dans le cadre du regroupement familial - condition de communauté de vie pour les conjoints de Français

Le présent article modifie l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de prévoir la délivrance d'une carte de séjour temporaire dans le cadre du regroupement familial : il s'articule, à cet égard, avec les mesures mises en œuvre par les articles 13, 14 et 28 du projet de loi.

Il procède, par ailleurs, à un renforcement des conditions de délivrance d'un titre de séjour aux conjoints de Français.

1. La délivrance d'une carte de séjour temporaire dans le cadre du regroupement familial

Jusqu'à présent, les étrangers entrés en France par la voie du regroupement familial étaient munis d'un titre de séjour de même durée de validité que celui du regroupant : ainsi, à titre d'illustration, 1 198 cartes de séjour temporaires ont été délivrées, en 2002, dans le cadre du regroupement familial, et 13 245 cartes de résident.

Les articles 14 et 28 du projet de loi reviennent sur ce principe : la délivrance d'une carte de résident sera désormais subordonnée à la possession préalable, durant cinq ans, d'une carte de séjour temporaire, et à une condition d'intégration dans la société française.

En conséquence, le paragraphe I du présent article prévoit qu'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » sera délivrée à l'étranger mineur ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire dont l'un des parents au moins réside en France, que celui-ci soit titulaire d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident (33).

On rappellera que la carte de séjour temporaire, valable un an, est délivrée, selon les cas, pour des motifs précis (article 12 : visiteurs, étudiants, scientifiques, artistes, activité professionnelle) ou de plein droit lorsque le demandeur possède des liens personnels et familiaux en France (articles 12 bis et 12 ter). Dans tous les cas, elle porte la mention de l'objet du séjour ; elle est renouvelable, sous réserve que les conditions qui ont prévalu à sa délivrance initiale soient toujours remplies.

Le regroupement familial s'ajoute à la liste des motifs susceptibles de fonder une délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire.

2. La condition d'une communauté de vie pour les conjoints de Français

Le paragraphe II du présent article complète la liste des conditions requises pour qu'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » soit délivrée à un étranger marié avec un ressortissant de nationalité française.

Actuellement, il est exigé que l'étranger ne vive pas en état de polygamie, qu'il soit entré régulièrement sur le territoire français, que son conjoint ait conservé la nationalité française et que leur mariage ait été transcrit sur les registres de l'état civil français en cas de célébration à l'étranger.

Jusqu'en 1998, une communauté de vie (ainsi qu'une durée de mariage d'un an) était également exigée : cette condition ayant été supprimée par l'article 5 de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, les tribunaux ont été conduits à juger illégaux des refus de séjour fondés sur l'absence de communauté de vie entre le ressortissant français et son conjoint étranger lors de la délivrance du titre.

Il est proposé de rétablir cette exigence : désormais, le titre de séjour ne sera délivré que si « la communauté de vie n'a pas cessé » (34).

On rappellera que, au terme d'un délai actuellement fixé à un an mais que l'article 11 du projet de loi porte à deux ans, les conjoints de Français peuvent solliciter la délivrance d'une carte de résident (article 15-1° de l'ordonnance du 2 novembre 1945).

La Commission a examiné un amendement de M. Etienne Pinte, harmonisant les catégories d'étrangers pouvant obtenir de droit une carte de séjour temporaire avec les dispositions prévues en matière de protection contre les mesures d'éloignement. L'auteur de l'amendement a indiqué qu'il s'agissait de prévoir la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux étrangers justifiant d'une résidence habituelle en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de treize ans et non plus dix ans. Le rapporteur ayant estimé que cet amendement permettrait d'éviter de créer des catégories de personnes qui ne sont ni expulsables, ni régularisables, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 74).

Elle a également adopté un amendement du rapporteur précisant que les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » (amendement n° 75).

Elle a ensuite été saisie d'un amendement du rapporteur ouvrant au préfet la possibilité de demander une contre-expertise auprès d'une commission médicale régionale pour évaluer l'état de santé de l'étranger qui demande sur ce fondement un droit au séjour en arguant de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de se faire soigner dans son pays d'origine. M. Bernard Roman ayant contesté que le représentant de l'État soit seul autorisé à demander une contre-expertise, sans qu'une option similaire soit reconnue à l'étranger concerné, le rapporteur a fait observer que la possibilité d'octroi d'un titre de séjour sur le fondement de l'état de santé prévue par l'ordonnance du 2 novembre 1945 était de plus en plus détournée de son objet. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 76).

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Après l'article 7

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Nicolas Perruchot précisant qu'un titre de séjour « vie familiale et privée » est accordé de plein droit à l'étranger « pacsé » depuis un an avec un ressortissant français sous réserve d'une entrée régulière sur le territoire.

L'auteur de l'amendement a précisé qu'il s'agissait de faire figurer dans la loi des règles aujourd'hui définies par le pouvoir réglementaire, et rappelé qu'une décision du 4 avril 2002 avait ramené de trois ans à un an la durée de vie commune requise pour la délivrance d'un titre de séjour à l'étranger pacsé avec un français et supprimé la condition d'entrée régulière.

Le rapporteur ayant indiqué que cette disposition ne donnait pas lieu à des détournements et que son caractère réglementaire en facilitait la modification, la Commission a rejeté cet amendement.

Article 8

(art. 12 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Coordination liée à la réforme du droit d'asile

Le présent article modifie l'article 12 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de prendre en compte, par coordination, sur le plan du droit au séjour, la substitution, par le projet de loi en cours d'examen modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, de la notion de « protection subsidiaire » à celle d'« asile territorial », instaurée par la loi du 11 mai 1998.

Au même titre que les étrangers qui bénéficient de l'asile territorial dans le cadre de la législation actuelle, ceux qui obtiendront, demain, la protection subsidiaire, en application de l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile, se verront délivrer la carte de séjour temporaire prévue à l'article 12 bis, portant la mention « vie privée et familiale ».

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 77), puis l'article 8 ainsi modifié.

Article 9

(art. 12 quater et 12 quinquies [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658
du 2 novembre 1945)


Réforme de la commission du titre de séjour

Le présent article modifie la composition et les missions de la commission du titre de séjour, instituée, dans chaque département, en application de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

1. La commission du titre de séjour

Supprimée en 1997, rétablie en 1998, la commission du titre de séjour est actuellement composée de trois personnes :

-  le président du tribunal administratif ou un conseiller délégué, qui préside ;

-  un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ;

-  une personnalité qualifiée désignée par le préfet pour sa compétence en matière sociale (35).

Elle est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser soit la délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » (article 12 bis), soit la délivrance d'une carte de résident normalement délivrée de plein droit (article 15) (36), à un étranger soumis au régime général, y compris les Algériens (37). Le plus souvent, la décision de refus repose sur l'existence d'une menace pour l'ordre public ou d'une irrégularité dans les conditions d'entrée ou de séjour en France.

La saisine de la commission engage une procédure contradictoire, qui n'est pas prévue dans les autres cas (38). Convoqué, l'intéressé peut être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et être entendu avec un interprète ; il peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Les audiences ne sont pas publiques, ce qui est normal car il s'agit d'une procédure administrative relative à des mesures de police administrative.

L'avis de la commission ne lie pas le préfet : il est destiné à « éclairer » l'administration qui peut ensuite « prendre sa décision en toute indépendance » (39).

2. Les mesures proposées

a) La modification de la composition de la commission

Le paragraphe I de cet article modifie la composition de la commission. En effet, deux nouveaux membres sont prévus, en plus des personnalités précitées :

-  le directeur départemental de l'action sanitaire et sociale ou son représentant ;

-  un maire désigné par le président de l'association des maires du département.

Il est précisé, par ailleurs, qu'un représentant du préfet ou, à Paris, du préfet de police, assure les fonctions de rapporteur de la commission. La portée de cette précision est moindre puisque le décret n° 99-352 du 5 mai 1999 prévoyait déjà que : « Le chef du service des étrangers de la préfecture ou son représentant assure les fonctions de rapporteur sans prendre part à [la] délibération ».

Au total, ces changements renforcent le rôle des élus locaux et de la société civile dans la gestion des dossiers relatifs à la situation administrative des ressortissants étrangers présents sur notre territoire.

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur modifiant la composition de cette commission. Le rapporteur a indiqué qu'il tendait à limiter le nombre de personnes représentant le secteur social mais à y inclure deux acteurs particulièrement importants - le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, ainsi qu'une personnalité qualifiée pour sa compétence en matière de sécurité publique - et à permettre l'audition du maire de la commune dans laquelle réside l'étranger concerné. La Commission a adopté cet amendement, ainsi qu'un sous-amendement de M. Claude Goasguen adaptant la rédaction proposée à la situation de Paris (amendement n° 78).

b) L'élargissement des missions de la commission

Le paragraphe II insère, après l'article 12 quater, un nouvel article, numéroté 12 quinquies, qui étend la compétence de la commission.

En effet, ses missions sont actuellement, comme on l'a vu, assez limitées : le Conseil d'État a d'ailleurs censuré, pour des raisons juridiques incontestables, leur élargissement par voie de circulaire, dans l'arrêt gisti du 30 juin 2000 précité.

Il est proposé que, désormais, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, puisse également saisir la commission du titre de séjour pour toute question relative à l'application des dispositions du chapitre II de l'ordonnance, relatives à la délivrance des titres de séjour.

L'étude d'impact indique, à cet égard, que : « Cette disposition constitue une novation ayant pour effet de ne plus limiter le champ de compétence de la commission aux seuls cas individuels. Elle pourrait être consultée pour gérer des situations de crise, par exemple s'agissant de grèves de la faim ou de mouvements de "sans papiers" ».

La Commission a rejeté l'amendement n° 13 de Mme Geneviève Colot, permettant l'institution de plusieurs commissions du titre de séjour dans un même département.

Puis elle a adopté l'article 9 ainsi modifié.

Article 10

(art. 14 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Allongement du délai de résidence pour la délivrance d'une carte de résident et introduction d'une condition d'intégration

Le présent article modifie les conditions d'obtention de la carte de résident sur le fondement de l'article 14 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, en allongeant la durée de résidence requise et en prévoyant un critère d'intégration.

1. La délivrance de la carte de résident au titre de l'article 14

La carte de résident, dont la durée de validité est de dix ans, peut être délivrée, essentiellement, selon deux voies.

-  L'article 15 de l'ordonnance prévoit qu'elle est délivrée « de plein droit » à certaines catégories d'étrangers qui ont des attaches familiales ou personnelles particulièrement fortes en France. Les critères d'obtention sont modifiés, dans ce cadre, en ce qui concerne les conjoints de français, les parents d'enfants français et les bénéficiaires du regroupement familial, par les articles 11 à 14 du projet de loi, au commentaire desquels il convient de se reporter.

-  L'article 14 de l'ordonnance dispose, par ailleurs, qu'elle peut être délivrée à ceux qui justifient d'une résidence « non interrompue » d'au moins trois années en France (40) : l'administration possède, dans cette hypothèse, un large pouvoir discrétionnaire, dont elle use en tenant compte, selon les termes de la loi, « des moyens d'existence dont l'étranger peut faire état, parmi lesquels les conditions de son activité professionnelle (41) et, le cas échéant, des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France (42) ».

Dans tous les cas, la réserve d'ordre public peut être invoquée. Sur le plan statistique, les deux catégories ne sont cependant pas comparables : en 2001, 12 000 cartes de résident ont été délivrées au titre de l'article 14 (mais aucun nouveau titre), contre plus de 72 000 au titre de l'article 15 (30 000 nouveaux titres).

2. Les mesures proposées

Le présent article apporte aux conditions prévues par l'article 14 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 deux modifications, présentées ci-après (43).

a) L'allongement de la durée de résidence

Il est proposé, tout d'abord, de porter de trois à cinq ans la durée requise de résidence en France pour l'obtention de la carte de résident.

Cet allongement est cohérent avec les dispositions qui figurent déjà à l'article 15-13° de l'ordonnance, prévoyant l'accès de plein droit à la carte de résident des étrangers ayant bénéficié, durant cinq ans, d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Par ailleurs, il coïncide avec les dispositions prévues par la directive adoptée par le Conseil de l'Union européenne du 5 juin dernier relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (44). Son article 5-1 prévoit, en effet, que : « Les États membres accordent le statut de résident de longue durée aux ressortissants de pays tiers qui résident depuis cinq ans de manière légale et ininterrompue sur le territoire de l'État membre concerné ».

b) Une condition d'intégration

Le présent article ajoute également aux critères pris en compte pour la délivrance d'une carte de résident au titre de l'article 14, d'activité professionnelle notamment, « les conditions d'intégration de l'étranger dans la société française ».

Comme on l'a vu dans l'exposé général, cette condition d'intégration figure aussi dans la directive relative aux résidents de longue durée. L'article 14 du projet de loi l'étend aux cas de délivrance de la carte de résident aux étrangers ayant bénéficié d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ». Elle sera appréciée en tenant compte de différents critères tels que le degré de connaissance de la langue française, le suivi d'une formation professionnelle ou la participation à la vie locale et associative. Dans ce cadre, le suivi du contrat d'accueil et d'intégration sera un élément déterminant.

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur améliorant la rédaction de cet article et prévoyant que la carte de résident pourra être délivrée, dans le cadre du regroupement familial, après deux années de séjour en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire, au lieu de cinq années, sous réserve que le regroupant soit lui-même titulaire d'une carte de résident. Le rapporteur ayant précisé qu'il s'agissait ainsi d'éviter que les membres d'une même famille puissent détenir trop longtemps des titres de séjour différents, M. Bernard Roman a approuvé cet amendement, que la Commission a adopté (amendement n° 79).

Elle a en revanche rejeté un amendement de M. Nicolas Perruchot, tendant à maintenir dans tous les cas le délai de trois années de résidence ininterrompue - au lieu des cinq prévues - pour obtenir la carte de résident, l'auteur de l'amendement ayant jugé que l'augmentation de ce délai accroissait les risques de travail clandestin, mais le rapporteur ayant précisé que le délai fixé dans le projet de loi était conforme aux dispositions communautaires récemment adoptées. Elle a également rejeté un amendement du même auteur précisant que la carte de résident est accordée à l'étranger ayant une connaissance suffisante de la langue française, de la France et des principes et valeurs républicains, le rapporteur ayant relevé que cette proposition était satisfaite par l'amendement n° 64 adopté à l'article 3.

La Commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article 11

(art. 15 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Allongement de la durée de mariage ouvrant droit à l'obtention
d'une carte de résident

Dans le but de concilier l'accueil des étrangers et la lutte contre l'utilisation frauduleuse du mariage, qui masque parfois un trafic d'êtres humains, et pour éviter que les mariages de complaisance ne jettent l'opprobre sur l'ensemble des mariages mixtes, cet article modifie le 1° de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée relatif à la délivrance de plein droit d'une carte de résident, qui est la forme de titre de séjour le plus recherché. Il allonge de un à deux ans la durée du mariage ouvrant droit à l'obtention d'une carte de séjour par un ressortissant étranger marié à une personne de nationalité française.

1. L'encadrement européen des mariages mixtes

a) Le principe de la liberté matrimoniale

L'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que « à partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit ». Par ailleurs, le premier alinéa de l'article 8 prévoit que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ». La France a pris acte de ces dispositions en abrogeant, par l'article 9 de la loi n° 81-973 du 29 octobre 1981, l'article 13 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatif à l'autorisation préfectorale que devait solliciter l'étranger résident temporaire qui souhaitait se marier avec un Français.

La Cour européenne des droits de l'homme, en particulier dans son arrêt du 18 décembre 1987, F. c/ Suisse, a précisé que la limitation ou la réduction du droit au mariage ne doivent pas être telles qu'il serait atteint dans sa substance. Ainsi, il n'y a pas violation de l'article 12 précité s'il n'est pas établi que la mesure d'éloignement dont ferait l'objet l'étranger en situation irrégulière l'empêcherait de se de marier et/ou de mener sa vie conjugale hors du pays d'accueil avec la personne qu'il désire épouser ou son conjoint (45). La limitation provenant de règles de fond ayant pour but, notamment, d'éviter les mariages de complaisance n'est pas non plus en soi contraire à l'article 12 (46).

Le principe de la liberté matrimoniale a été réaffirmé par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, a rappelé que la liberté matrimoniale était une composante de la liberté individuelle et qu'elle devait donc être constitutionnellement protégée. Il a, en conséquence, déclaré non conforme à la Constitution la possibilité de suspendre pendant trois mois, sans recours possible, la célébration du mariage. La valeur constitutionnelle du principe de liberté du mariage a été réaffirmée à l'occasion de la décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 relative à la loi « Debré » et par la décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité.

b) Les dispositions européennes de lutte contre les mariages de complaisance

L'Union européenne s'est saisie du problème de la question des mariages de complaisance. En application du point 3 de l'article K1 du traité sur l'Union européenne relatif à la politique d'immigration et la politique à l'égard des ressortissants des pays tiers, le Conseil a adopté, le 4 décembre 1997, une résolution (47) sur les mesures à adopter en matière de lutte contre les mariages de complaisance.

Au sens de cette résolution, est considéré comme mariage de complaisance tout mariage dont le seul but est de détourner les règles relatives à l'entrée et au séjour des ressortissants étrangers. Plusieurs indices sont énumérés permettant de présumer son caractère frauduleux : absence de communauté de vie ou d'une contribution appropriée aux responsabilités du mariage, défaut de rencontre des époux avant le mariage, erreurs commises par les époux sur les coordonnées respectives, défaut de langue commune des époux, remise d'une somme d'argent, précédents mariages de complaisance ou irrégularités de séjour.

La délivrance d'un titre de séjour devrait être subordonnée à une vérification préalable du caractère sincère du mariage, impliquant notamment un entretien séparé avec les deux époux. Une partie des critères européens a été reprise dans notre droit.

Sur ces fondements, de nombreux pays européens ont entrepris de lutter contre les mariages de complaisance. En Espagne, par exemple, de nombreuses décisions de refus de mariages émanant de la direction générale des registres sont fondées, par exemple, sur l'absence de langue commune de communication, sur l'absence de relations préalables ou sur l'existence de mariages antérieurs frauduleux. De même, l'inscription sur les registres espagnols de mariages célébrés à l'étranger, selon la lex loci, a été fréquemment refusée. En Pologne, le législateur a subordonné, depuis 1999, l'acquisition de la nationalité à une durée de mariage de trois ans.

2. La délivrance de plein droit d'une carte de résident à raison
du mariage

En application de l'article 14 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, peuvent obtenir une carte dite « carte de résident » les étrangers qui justifient d'une résidence non interrompue, conforme aux lois et règlements en vigueur, d'au moins trois années en France. La décision d'accorder ou de refuser la carte de résident est prise en tenant compte des moyens d'existence dont l'étranger peut faire état, parmi lesquels les conditions de son activité professionnelle et, le cas échéant, des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France. La carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public.

En application du 1° de l'article 15 de l'ordonnance précitée, la carte de résident, valable dix ans, est délivrée de plein droit à l'étranger marié avec un ressortissant de nationalité française. Le nombre de titres délivrés sur ce fondement est passé de 7 371 en 1997 à 12 252 en 2002, tandis que leur part dans le nombre total de cartes de résident délivrées est passée de 17,7 % en 1997 à 29,6 % en 2002.

NOMBRE DE CARTES DE RÉSIDENT « CONJOINT DE FRANÇAIS » DÉLIVRÉES

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Nombre de cartes

7 371

9 270

9 478

9 337

11 695

12 252

En % du total de cartes

17,7

22,7

24

25,4

29,8

29,6

a) Les conditions à remplir

Dès avant les lois n° 93-1027 du 24 août 1993 et n° 93-1417 du 30 décembre 1993 relatives aux conditions d'entrée et de séjour en France, le Conseil d'État s'était prononcé, dans un avis du 9 octobre 1992, sur le problème de l'opposabilité d'un mariage contracté par un étranger : en présence d'un mariage présentant les apparences formelles de la régularité, le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation lui permettant d'estimer que ce mariage est entaché d'un vice du consentement, révélant une tentative de fraude à la loi. « Si le mariage d'un étranger avec un ressortissant de nationalité française est opposable aux tiers (...) il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi de façon certaine lors de l'examen d'une demande présentée sur le fondement de l'article 15-1°, que le mariage a été contracté dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser à l'intéressé, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la carte de résident. »

Pour éviter les mariages de complaisance, dont l'un des objectifs est l'obtention par l'étranger d'une carte de résident, cet octroi est, dans l'état actuel de la législation, soumis à trois conditions cumulatives, auxquelles s'ajoute une quatrième condition lorsque le mariage a été célébré à l'étranger.

- Le mariage doit avoir été célébré depuis au moins un an.

Le mariage doit être antérieur d'au moins un an. Dans une décision du 17 octobre 1997 Acheraiou, le Conseil d'État a souligné que le fait que le mariage ait été précédé d'une période plus ou moins longue de concubinage était sans influence sur la computation de ce délai.

- La communauté de vie entre les époux ne doit pas avoir cessé.

La communauté de vie entre les époux ne doit pas avoir cessé pendant un an. La circulaire du 8 février 1994 donne des indices de la vie commune : existence d'un bail commun, de quittances de loyer, d'un avis d'imposition, d'une déclaration de revenus signée par les deux époux, d'un compte bancaire joint, indices qui s'ajoutent à une déclaration sur l'honneur du demandeur.

L'absence de vie commune peut être prouvée par un rapport d'enquête de la police nationale produit par le préfet. Des témoignages concordants des voisins et du gardien de l'immeuble peuvent suffire à attester de l'existence de la communauté de vie. La communauté de vie a disparu lorsque l'époux de nationalité française a introduit une procédure judiciaire en annulation du mariage, même si, comme l'a souligné la première chambre civile de la Cour de cassation, dans une décision du 10 mars 1998, Mohammed Dekik, que le seul dépôt d'une demande en divorce n'emportait pas présomption de cessation de toute communauté de vie entre les époux. La condition relative à la communauté de vie s'apprécie à la date de la décision administrative. Le Conseil d'État a rappelé, dans un arrêt du 4 mars 1998, Iboyede, le principe suivant : alors même que la vie commune a été interrompue plus d'un an après le mariage, le préfet peut refuser la délivrance de la carte de résident dès lors qu'au moment où il statue, la communauté de vie a cessé. L'autorité administrative n'a pas à tenir compte des raisons pour lesquelles la communauté de vie a cessé. Conformément à l'article 108 du code civil, la communauté de vie n'implique pas nécessairement la cohabitation. En tout état de cause, il appartient à l'autorité administrative d'apporter la preuve de l'absence du caractère stable de la communauté de vie. À défaut, le refus peut constituer une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- Le conjoint français doit avoir conservé sa nationalité.

Cette condition doit être remplie à la date de la déclaration. Si le conjoint français n'a acquis la nationalité qu'après la célébration du mariage, son conjoint étranger bénéficie d'une dispense de stage pour la naturalisation. En revanche, s'il la possédait lors du mariage et l'a perdue par la suite, son conjoint n'a aucun titre à obtenir un titre de séjour du fait du mariage.

- Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il doit avoir été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français.

Pour qu'un mariage célébré à l'étranger soit reconnu en France, la loi personnelle des futurs conjoints doit avoir été respectée, ce qui implique notamment, pour un Français, que son consentement soit réel. De plus, ce mariage doit avoir fait l'objet d'une transcription par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises. Aux termes du premier alinéa de l'article 7 du décret n° 62-921 du 3 août 1962 relatif aux actes de l'état civil, ces actes dressés en pays étranger qui concernent des français sont transcrits soit d'office, soit sur la demande des intéressés, sur les registres de l'état civil de l'année courante tenus par les agents diplomatiques ou les consuls territorialement compétents ; cette transcription est mentionnée sommairement dans les fichiers tenus au ministère des affaires étrangères et dans les postes diplomatiques et consulaires.

S'agissant des actes de mariage, l'article 170-1 du code civil dispose que, si l'agent consulaire présume un mariage frauduleux, il en informe immédiatement le ministère public et sursoit à la transcription. Dans ce cas, c'est le procureur qui se prononce sur la transcription dans un délai de six mois. C'est donc très logiquement que l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 reprend cette condition de transcription : si le mariage n'est pas reconnu en France, il ne peut conduire à l'octroi d'une carte de résident au conjoint étranger.

En outre, il convient de souligner que l'étranger, en situation irrégulière mais qui est marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française, continuera d'être protégé de toute mesure d'éloignement en application, aujourd'hui, du 4° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et, demain, du 2° de ce même article modifié par l'article 21 du présent projet de loi.

b) Les réserves

Trois réserves peuvent être émises.

En premier lieu, la présence de l'étranger ne doit pas constituer une menace pour l'ordre public. Dans la logique de la règle rappelée dans le dernier alinéa de l'article 14 de l'ordonnance précitée en vertu de laquelle « la carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public » et en application du premier alinéa de l'article 15 de la même ordonnance, l'existence d'une telle menace peut faire obstacle à l'obtention de plein droit à raison du mariage de la carte de résident.

En deuxième lieu, il ne faut pas que le séjour de l'étranger marié soit irrégulier. Les conjoints étrangers de français doivent, pendant la première année de mariage, obtenir une carte de séjour temporaire, à condition d'en remplir les conditions de délivrance. Dans le cas contraire, la tentation est grande pour l'intéressé de se maintenir en France en situation irrégulière. Dans ce cas, il ne pourra obtenir de carte de résident au bout d'un an. Si l'étranger, en situation irrégulière, décide de retourner dans son pays d'origine, notamment pour y obtenir un visa d'entrée en France, la communauté de vie sera interrompue sauf si son conjoint l'accompagne. En l'espèce, la preuve du maintien de cette communauté de vie s'avère particulièrement délicate.

Enfin, la polygamie bloque également le processus d'obtention de plein droit de la carte de résident par un étranger marié à un ressortissant français. En effet, en vertu de l'article 15 bis de l'ordonnance précitée, introduit par l'article 9 de la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration, aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, « la carte de résident ne peut être délivrée à un ressortissant étranger qui vit en état de polygamie ni aux conjoints d'un tel ressortissant. Une carte de résident délivrée en méconnaissance de ces dispositions doit être retirée. »

3. L'allongement de la durée de mariage exigible

34 585 mariages mixtes ont été célébrés sur le territoire national en 2001 au lieu de 30 042 en 2000 (48). Une proportion plus grande de ces mariages est constituée d'unions de complaisance. Une partie de cette augmentation est indubitablement liée à la recrudescence du recours à l'alliance comme mode d'accès au séjour, voire à la nationalité. Nombreuses sont les voix qui se sont élevées pour trouver un équilibre entre liberté matrimoniale et lutte contre les réseaux d'immigration clandestine, comme en témoignent les nombreuses propositions de loi déposées à ce sujet (49).

Le passage d'un à deux ans de la durée de mariage permettant l'obtention de plein droit d'une carte de résident, proposée par le présent article, permet de rendre les deux autres conditions (continuité de la vie commune, maintien de la nationalité française) moins faciles à remplir. M. Patrick Weil, dans son rapport de 1997 (50), avait préconisé cette mesure, qui avait été reprise, par ailleurs, dans le projet de loi initial reseda, avant d'être rejetée par la majorité d'alors.

En rendant le résultat plus incertain, cette modification permet de rendre plus aléatoire l'organisation d'un mariage de complaisance et donc de décourager ce type de comportement. L'étranger marié à un ressortissant français devra, au bout d'un an, déposer une demande de renouvellement de carte de séjour temporaire, qui n'est valable qu'un an. Cette demande constituera une nouvelle occasion d'apprécier la communauté de vie entre les époux, qui s'ajoutera au contrôle effectué au moment de la délivrance du premier titre de séjour effectuée en application du 4° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, tel que modifié par l'article 7 du présent projet de loi.

LES MODIFICATIONS SUCCESSIVES DU 1° DE L'ARTICLE 15
DE L'ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945

Conditions de délivrance de la carte de résident

Texte de référence

Conjoint étranger d'un ressortissant de nationalité française

Loi n° 84-622 du 17 juillet 1984

Étranger marié depuis au moins un an, dont le conjoint est de nationalité française, à la condition que la communauté de vie des deux époux soit effective, sauf menace pour l'ordre public

Loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986

Conjoint étranger d'un ressortissant de nationalité française

Loi n° 89-548 du 2 août 1989

Étranger marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français, sauf menace pour l'ordre public

loi n° 93-1027 du 24 août 1993

Sans changement

Loi n° 98-349 du 11 mai 1998

Étranger marié depuis au moins deux ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français, sauf menace pour l'ordre public

Projet de loi

Cette mesure doit se lire en liaison avec l'institution, par l'article 19 du présent projet de loi, de sanctions adaptées au mariage simulé et en complément des modifications apportées au code civil par le titre II du présent projet de loi, en particulier par les articles 36 et 37.

En tout état de cause, le préfet, comme l'a rappelé expressément la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 29 décembre 2002 à propos notamment des femmes victimes de violences, de mariages forcés ou de répudiations, dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour accorder des titres de séjour. À cette occasion, il a été rappelé que la situation des femmes placées dans une telle position doit faire l'objet d'un examen spécifique.

Par ailleurs, en cohérence avec l'allongement à deux ans de mariage exigée d'un ressortissant étranger marié avec un Français pour l'obtention d'une carte de résident, il conviendrait d'allonger la durée minimale de mariage exigible pour pouvoir effectuer une déclaration destinée à acquérir la nationalité française. En effet, l'article 21-2, ancien article 37-1 du code de la nationalité, prévoit que l'étranger ou l'apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai d'un an à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint ait conservé sa nationalité française. Le délai d'un an est supprimé lorsque naît, avant ou après le mariage, un enfant dont la filiation est établie à l'égard des deux conjoints, si les conditions relatives à la communauté de vie et à la nationalité du conjoint français sont satisfaites.

Ce délai d'un an a été institué par l'article premier la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité. Auparavant, il était, fixé, depuis la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité, à deux ans. Il conviendrait de revenir à cette durée conformément aux conclusions du rapport précité de Patrick Weil, qui préconisait une durée minimale uniforme de mariage de deux ans, qu'il s'agisse des conditions d'obtention d'une carte de résident ou de déclaration d'acquisition de nationalité française.

La Commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 12

(art. 15-3° de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Renforcement du contrôle de l'effectivité d'une paternité
pour la délivrance de plein droit d'une carte de résident

Le présent article modifie l'article 15-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, relatif aux catégories d'étrangers auxquelles la carte de résident est délivrée de plein droit (51) en raison de leurs attaches familiales ou personnelles en France. En l'occurrence, le but recherché est de donner à l'administration les moyens de prévenir les reconnaissances en « paternité de complaisance ».

Actuellement, le 3° de l'article 15 prévoit la délivrance d'une carte de résident à l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant (52) « ou » qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Plus de 5 000 cartes de résident ont été délivrées à ce titre en 2001.

Le présent article propose de rendre ces deux conditions cumulatives et de renforcer la seconde, en exigeant que l'intéressé ait subvenu effectivement aux besoins de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans à la date de demande du titre (53). À cet égard, il importe de rappeler que, comme on l'a vu dans l'exposé général, le fait de subvenir aux besoins de l'enfant doit être apprécié au regard de l'ensemble des faits qui attestent de l'étroitesse du lien l'unissant à son parent, et non pas uniquement sur un plan financier (54).

Cette modification est destinée à prévenir certains abus, qualifiés de reconnaissances en « paternité de complaisance », dont le risque est renforcé par les nouvelles règles de dévolution de l'autorité parentale qui résultent de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002.

En effet, la distinction, qui existait auparavant, entre les filiations « légitime » et « naturelle » et, notamment, la condition de vie commune lorsque les parents ne sont pas mariés, ont été supprimées. Désormais, l'article 372 du code civil est ainsi rédigé : « Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l'égard du second parent de l'enfant. L'autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère devant le greffier en chef du tribunal de grande instance ou sur décision du juge aux affaires familiales. »

Par ailleurs, l'article 373-2 du même code pose clairement le principe selon lequel : « La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale ».

Dès lors, il convient de veiller à ce qu'un étranger ne puisse accéder au statut de résident du seul fait de la reconnaissance d'un enfant dont il ne s'occupe pas, dans des conditions au surplus assouplies par la loi du 4 mars 2002.

Bien sûr, les dispositions prévues par le présent article ne portent que sur la carte de résident et n'affectent pas le droit au séjour des étrangers concernés, qui peuvent toujours obtenir une carte de séjour temporaire. On rappellera, en effet, que l'article 12 bis 6° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » aux parents d'enfants français dès lors qu'est remplie l'une ou l'autre des deux conditions précitées, à savoir l'exercice de l'autorité parentale ou le fait de subvenir aux besoins de l'enfant. En l'espèce, leur caractère alternatif n'est pas remis en cause.

On soulignera, enfin, que cette réforme s'articule avec les autres mesures proposées par les articles 11, 13 et 14 du projet de loi, qui modifient également les conditions d'obtention de plein droit de la carte de résident en ce qui concerne les mariages avec un ressortissant français et le regroupement familial.

La Commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 13

(art. 15-5° de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Suppression de la délivrance de plein droit de la carte de résident
au titre du regroupement familial

Le présent article contribue à la réforme des règles de délivrance d'un titre de séjour dans le cadre du regroupement familial, auxquels concourent également les articles 7, 14 et 28 du projet de loi.

Comme on l'a vu, la règle, en matière de regroupement familial, est, aujourd'hui, la suivante : « Les membres de la famille, entrés régulièrement sur le territoire français au titre du regroupement familial, reçoivent de plein droit un titre de séjour de même nature que celui détenu par la personne qu'ils sont venus rejoindre. » (55)

Or, l'article 28 du projet de loi supprime ce parallélisme et prévoit que, désormais, les membres « regroupés » de la famille se verront remettre, dans tous les cas, une carte de séjour temporaire renouvelable de plein droit. Ce n'est qu'au terme d'un délai de cinq ans, ramené à deux ans par l'amendement n° 79 adopté à l'article 10, qu'ils pourront prétendre, le cas échéant, à la délivrance d'une carte de résident, sous réserve d'une condition d'intégration dans la société française.

En conséquence, le présent article propose de supprimer, par cohérence, le principe qui figure au 5° de l'article 15 de l'ordonnance, relatif à la délivrance de plein droit de la carte de résident aux étrangers autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial lorsque le « regroupant » est lui-même titulaire de cette carte (56).

Après avoir adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 80), la Commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14

(art. 15-13° de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Modification des règles de délivrance de plein droit d'une carte
de résident aux étrangers ayant bénéficié durant cinq ans
d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale »

Le présent article modifie les règles d'accès au statut de résident pour les étrangers titulaires d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », en raison de leurs attaches personnelles en France (57).

Actuellement, l'article 15-13° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit la délivrance d'une carte de résident à l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire en application des articles 12 bis ou 12 ter, portant la mention « vie privée et familiale », lorsqu'il ne remplit pas les autres conditions légales pour accéder à un tel titre ou, à défaut, lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France.

L'article 14 du projet de loi modifie cette disposition pour les deux raisons suivantes.

· Le Gouvernement a jugé nécessaire, tout d'abord, de clarifier sa portée. En effet, une interprétation extensive de l'article 15-13° a conduit certaines préfectures à délivrer des cartes de résident à des étrangers ayant séjourné en France plus de cinq ans, mais durant une année seulement sous couvert d'une carte « vie privée et familiale », bénéficiant auparavant d'un titre portant une autre mention (visiteur, étudiant, etc.).

Certes, les circulaires du 19 décembre 2002 (58) et du 7 mai 2003 (59) indiquent bien que cette approche ne correspond pas à une lecture exacte de la loi et que la délivrance de la carte de résident doit être subordonnée à cinq années de séjour en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », mais il convenait de lever toute ambiguïté à ce sujet.

· Le Gouvernement a souhaité introduire, en second lieu, pour les raisons et selon les modalités déjà évoquées par le rapporteur dans l'exposé général ainsi que dans le commentaire de l'article 10 du projet de loi, une condition d'intégration.

En conséquence, l'accès à la carte de résident au titre de l'article 15-3° serait désormais réservé aux personnes ayant bénéficié durant cinq ans de la carte de séjour temporaire prévue soit par l'article 12 bis (le regroupement familial entrant désormais systématiquement dans ce cadre, conformément aux nouvelles dispositions introduites par les articles 7, 13 et 28 du projet de loi), soit par l'article 12 ter (c'est-à-dire, conformément aux modifications apportées par l'article 8 du projet de loi, à l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la « protection subsidiaire ») de l'ordonnance du 2 novembre 1945, sous réserve d'une intégration satisfaisante dans la société française.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant, par coordination avec les changements apportés à l'article 14 de l'ordonnance, la disposition prévoyant la délivrance de droit d'une carte de résident à l'étranger ayant séjourné cinq ans en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » (amendement n° 81).

Elle a, en revanche, rejeté un amendement présenté par M. Nicolas Perruchot, imposant aux étrangers de maîtriser suffisamment la langue française et de connaître les règles régissant la vie en société en France pour obtenir la carte de résident de plein droit, le rapporteur ayant fait valoir qu'il était satisfait sur le fond par l'amendement n° 64 adopté par la Commission à l'article 3.

La Commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article 15

(art. 20 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Amendes encourues par les transporteurs

Le présent article, qui transpose la directive n° 2001/51/CE du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l'article 26 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, relève le niveau et étend le champ d'application des amendes infligées aux transporteurs coupables d'un manquement à leur obligation de contrôle des documents de voyage.

· Actuellement, le principe d'une sanction, sous la forme d'une amende prononcée par le ministre de l'intérieur, est consacré par l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Elle frappe les transporteurs, aériens, maritimes ou terrestres, coupables d'un manquement à leur obligation de contrôle des documents de voyage requis, inscrite dans la convention du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale, dite convention de Chicago. Ce dispositif répressif témoigne de la volonté affichée dans la convention de Schengen de responsabiliser les transporteurs, maillon essentiel de l'immigration clandestine. En effet, en vertu de l'article 26 de la convention d'application, les transporteurs sont tenus « de prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que l'étranger transporté par voie aérienne ou maritime est en possession des documents de voyage requis pour l'entrée sur les territoires » des États parties à la convention.

Toutefois, l'article 20 bis exonère le transporteur de sa responsabilité dans deux cas : d'une part, lorsque les documents présentés ne comportent pas un élément d'irrégularité manifeste ; d'autre part, lorsque  l'étranger qui demande l'asile a été admis sur le territoire français ou lorsque la demande d'asile n'était manifestement pas infondée ; cette dernière exception est imposée par la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, qui dispense les demandeurs d'asile de détenir un visa ou un passeport. Le Conseil constitutionnel a jugé à cet égard « que cette cause d'exonération implique que le transporteur se borne à appréhender la situation de l'intéressé sans avoir à procéder à aucune recherche » (60), afin de prévenir le risque qu'une entreprise de transport refuse d'acheminer les demandeurs d'asile au motif que les intéressés seraient démunis de visa d'entrée en France.

· Ce système d'amende existant dans tous les États membres, la directive du 28 juin 2001 harmonise les sanctions infligées aux transporteurs acheminant des ressortissants étrangers sur le territoire de l'Union européenne en cas de violation de leur obligation de contrôle, afin d'accentuer le caractère dissuasif de la sanction encourue.

Transposant cette directive, le présent article modifie l'article 20 bis précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Conformément aux prescriptions de la directive, le montant maximal de l'amende administrative encourue par le transporteur est porté de 1500 à 5 000 euros par passager.

On observera que la directive précise également les obligations qui incombent au transporteur lorsque le ressortissant d'un pays tiers qu'il a acheminé sur le territoire d'un État membre se voit refuser l'entrée : moyen de réacheminement, prise en charge des frais de séjour et de retour. Ces dispositions figurent d'ores et déjà dans l'article 35 ter de l'ordonnance.

· Enfin le présent article étend le champ d'application de l'amende aux infractions commises à l'occasion du transit par une entreprise de transport aérien ou maritime.

De fait, l'observation de l'immigration en France montre que notre pays tend à devenir un pays de transit privilégié. Or, la législation française est insuffisante pour faire face à cette situation.

En vertu de l'arrêté du 10 avril 1984 modifié relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français, les ressortissants d'États limitativement énumérés dans l'arrêté du 17 octobre 1995 sont soumis à l'obligation du visa consulaire de transit aéroportuaire.

Pour les passagers en transit pour lesquels le visa de transit aéroportuaire n'est pas requis, la question de l'application de l'article 20 bis reste posée. La jurisprudence a apporté des éléments de réponse : la cour administrative d'appel de Paris a conclu dans un considérant repris dans plusieurs arrêts, s'appuyant sur la notion de débarquement, que « les dispositions de cet article, par leur rédaction générale, ont pour effet de s'appliquer à toutes les situations de transit, y compris dans les cas où le passager transite vers un État qui n'est pas partie à la convention de Schengen » (61).

Il convenait, néanmoins, de conforter la jurisprudence par son inscription dans la loi et de clarifier les obligations qui s'imposent aux transporteurs dans le cadre du transit.

La Commission a adopté un amendement de M. Christian Estrosi, ayant pour objet d'inciter les compagnies aériennes et maritimes à mettre en place, sur les lieux d'embarquement, un scanner permettant de numériser les documents de voyage et les visas des passagers, afin d'éviter les difficultés issues de la destruction volontaire de ces documents par les intéressés pendant le voyage en vue d'échapper aux mesures de reconduite (amendement n° 82). M. Bernard Roman s'étant demandé s'il était pertinent de faire des sociétés privées les auxiliaires de la politique d'immigration de l'État français et s'il ne serait pas souhaitable de confier ce rôle aux autorités douanières des pays d'origine, M. Christian Estrosi a fait valoir que le dispositif qu'il proposait existait d'ores et déjà en matière de lutte antiterroriste. Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 83), la Commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 16

(art. 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour des étrangers

Le présent article étend le champ d'application géographique de l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et procède à sa réécriture afin d'en améliorer la lisibilité et la cohérence avec le code pénal. Il s'inscrit dans le cadre de la transposition de la directive n° 2002/90/CE du 28 novembre 2002 définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, issue d'une initiative française (62), et du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000 et ratifiée par la France le 29 octobre 2002.

Les dispositions du protocole relatives au trafic illicite de migrants par mer, qui supposent de modifier la loi n°94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités d'exercice par l'État de ses pouvoirs de contrôle en mer, seront transposées ultérieurement.

1. Les textes transposés

Ces deux textes internationaux, qui témoignent de la solidarité des États dans la lutte contre l'immigration clandestine, définissent chacun l'aide à l'entrée, au transit ou au séjour irréguliers sur le territoire des États parties afin de lutter plus efficacement contre les passeurs. La nécessité d'une législation homogène et d'une coopération internationale s'est en effet imposée face à la complexité et au savoir-faire des réseaux d'immigration clandestine.

· La directive, qui introduit dans la définition de l'infraction la notion de transit, absente de l'article 27 de la convention d'application de l'accord de Schengen, doit être transposée avant le 5 décembre 2004. Elle distingue l'infraction d'aide à l'entrée et au transit irréguliers et celle d'aide au séjour irrégulier. Dans les deux cas, l'infraction est constituée lorsque « quiconque aide sciemment une personne non ressortissante d'un État membre » à pénétrer, transiter ou séjourner dans un État membre « en violation de la législation de cet État » relative à l'entrée, au transit ou au séjour des étrangers. Cependant, dans le cas du séjour irrégulier, elle exige que l'infraction soit commise dans un but lucratif. Par ailleurs, elle laisse aux États la possibilité de ne pas sanctionner cette infraction lorsqu'elle a « pour but d'apporter une aide humanitaire à la personne concernée ». Elle prévoit, enfin, que les sanctions doivent s'appliquer à l'instigation, la tentative et la complicité.

La décision-cadre du 28 novembre 2002 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, qui prolonge la directive, dispose pour sa part que ces infractions doivent faire l'objet de sanctions pénales « effectives, proportionnées et dissuasives ».

· Le protocole de Palerme, premier instrument universel portant sur le trafic de migrants par les groupes criminels organisés, contient une définition du trafic illicite de migrants et oblige les États à introduire dans leur législation pénale les infractions suivantes : le trafic illicite de migrants, défini comme « le fait d'assurer, afin d'en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l'entrée illégale dans un État partie d'une personne qui n'est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État », les actes commis en vue de faciliter le trafic de migrants (fabrication, fourniture ou possession de documents de voyage ou d'identité frauduleux), le fait de permettre le séjour illégal d'un étranger sur le territoire.

2. Les modifications proposées

L'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en vigueur comporte trois paragraphes : le premier définit le délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers ; le second dresse la liste des peines complémentaires encourues ; le troisième prévoit des immunités familiales. Le présent article leur apporte les modifications présentées ci-après.

· Le paragraphe I de l'article 21, qui dispose que le délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour des étrangers est puni de cinq ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, prévoit les trois cas de figure suivants :

-  celui d'une personne se trouvant en France ou dans l'espace international des zones aéroportuaires qui aura aidé un étranger à s'y introduire irrégulièrement (premier alinéa) ;

-  celui d'une personne, quelle que soit sa nationalité, qui aura aidé depuis le territoire d'un autre État de l'espace Schengen un étranger à s'introduire irrégulièrement en France (deuxième alinéa) ;

-  celui d'une personne qui aura depuis la France ou l'espace international des zones aéroportuaires aidé un étranger à s'introduire irrégulièrement sur le territoire d'un autre État de l'espace Schengen (troisième alinéa).

Le présent article introduit un nouveau cas de figure, en application du protocole de Palerme : celui d'une personne qui aura aidé un étranger à s'introduire irrégulièrement sur le territoire d'un État partie audit protocole.

Il précise également que, pour les cas prévus dans les trois derniers alinéas, la situation de l'étranger doit être appréciée au regard de la législation de l'État membre.

En outre, dans les premier et troisième alinéas, il supprime les mots : « en France ou dans l'espace international des zones aéroportuaires situées sur le territoire national ».

La suppression du terme « en France » répond à l'objectif d'étendre le territoire protégé. En effet, en vertu de l'article 3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, ce terme recouvre le territoire métropolitain et les départements d'outre-mer. En revanche, en vertu de l'article 113-1 du code pénal, le territoire de la République inclut les espaces maritimes et terrestres qui lui sont liés, à savoir les parties terrestres, les eaux territoriales et la zone économique au large des côtes de ce territoire. Le caractère pénal de l'article 21 de l'ordonnance ne souffrant aucune contestation, la suppression du terme « en France » permet d'appliquer le principe du code pénal pour la définition du territoire protégé.

Dès lors, la notion « d'espace international des zones aéroportuaires », introduite par la loi n° 2003-239 pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003, doit être supprimée en raison des difficultés d'application qu'elle est susceptible de générer.

Enfin, la circonstance aggravante de bande organisée est supprimée pour être déplacée dans un nouvel article 21 bis dédié aux circonstances aggravantes.

· Le second paragraphe de l'article 21 est entièrement réécrit. S'il n'ajoute pas de nouvelles peines complémentaires, le présent article en aggrave certaines en portant de 3 à 5 ans au plus la suspension du permis de conduire et l'interdiction de séjour pour laquelle il supprime le doublement de la peine en cas de récidive. Il modifie en outre la rédaction de la peine de confiscation du moyen ou du produit de l'infraction en reprenant celle du code pénal. Enfin, il soumet la peine d'interdiction d'exercer l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise aux dispositions de l'article 131-27 du code pénal, qui en précise les modalités d'application.

· Le troisième paragraphe de l'article 21 prévoit d'exclure des poursuites pénales pour aide au séjour irrégulier les ascendants ou descendants de l'étranger ou leur conjoint, les frères et sœurs de l'étranger ou leur conjoint, le conjoint de l'étranger ou son concubin. Ces immunités familiales ne s'appliquent pas au délit d'aide à l'entrée irrégulière et n'empêchent pas les poursuites au titre de la complicité sur le fondement de l'article 19 de l'ordonnance.

Par coordination avec la création de l'article 21 quater sanctionnant les mariages de complaisance, le présent article complète le troisième paragraphe en précisant que l'auteur de l'infraction, s'il ne peut être poursuivi sur le fondement de l'article 21 en raison de l'immunité susmentionnée, peut cependant l'être sur le fondement du nouvel article 21 quater.

On observera, cependant, que les exclusions sont relativement limitées. En particulier, le présent article ne reprend ni la condition de but lucratif ni la « clause humanitaire » pourtant présentes dans les textes qu'il transpose (63). Le Gouvernement estime souhaitable, en effet, que le principe de la sanction de l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers ne souffre aucune exception qui risquerait d'en atténuer la portée ou d'en restreindre l'efficacité.

La question d'intégrer la condition de « fins lucratives » s'est déjà posée lors de la transposition de l'accord de Schengen par la loi n° 94-1136 du 27 décembre 1994 portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Le législateur s'y était opposé afin de « poursuivre des agissements qui relèveraient par exemple de l'infiltration en France d'éléments appartenant à des réseaux d'islamistes, terroristes ou d'espionnage » (64). Cet argument reste topique aujourd'hui.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 84). Elle a été saisie d'un amendement présenté par M. Nicolas Perruchot tendant à ne pas incriminer les personnes qui auraient aidé un étranger en situation irrégulière en cas de nécessité, et à préciser que cette aide ne transgresse pas la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée signée à Palerme le 12 décembre 2002. Le rapporteur ayant souligné que la convention précitée visait, non pas l'aide bénévole, mais les filières organisées, M. Nicolas Perruchot a retiré son amendement, que M. Bernard Roman a repris et que la Commission a rejeté. Elle a ensuite adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 85 et 86), avant d'adopter l'article 16 ainsi modifié.

Article 17

(art. 21 bis [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Circonstances aggravantes

Le présent article crée un nouvel article 21 bis dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui regroupe les circonstances aggravantes du délit prévu par son article 21.

Si la circonstance de bande organisée était déjà prévue dans l'article 21, la transposition de la décision-cadre du 28 novembre 2002 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, faisant suite à une initiative française (65), et du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée signée à Palerme le 12 décembre 2000, nécessite l'introduction de nouvelles circonstances aggravantes.

La décision-cadre dispose, en effet, que les infractions d'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, définies par la directive 2002/90/CE du 28 novembre 2002 précitée, doivent faire l'objet de peines privatives de liberté d'un minimum de huit ans lorsqu'elles sont commises dans un but lucratif et soit dans le cadre des activités d'une organisation criminelle, soit en mettant en danger la vie des personnes faisant l'objet de l'infraction. Cet article reprend donc la circonstance aggravante de mise en danger de la vie des étrangers.

Le protocole de Palerme, dans son article 6, enjoint aux États de conférer le caractère de circonstance aggravante des infractions relatives au trafic illicite de migrants, soit au fait de mettre en danger ou de risquer de mettre en danger la vie ou la sécurité des migrants, soit au traitement inhumain ou dégradant de ces migrants, y compris pour l'exploitation. Cet article ajoute donc la circonstance de soumission des étrangers concernés à des conditions incompatibles avec la dignité humaine.

Les nouvelles infractions aggravées, comme l'infraction commise en bande organisée, sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende.

Outre les peines complémentaires mentionnées au II de l'article 21, le présent article prévoit également, à l'encontre des personnes condamnées au titre des délits aggravés, une peine complémentaire de confiscation des biens et, pour les étrangers, l'interdiction définitive du territoire français.

Après avoir adopté deux amendements du rapporteur, l'un rédactionnel (amendement n° 87), l'autre de cohérence (amendement n° 88), la Commission a rejeté l'amendement n° 12 de Mme Geneviève Colot, sanctionnant les personnes organisant les voyages de mineurs étrangers vers la France, le rapporteur ayant fait valoir que le dispositif risquait de pénaliser des associations caritatives d'aide aux enfants. Elle a rejeté un amendement de M. Nicolas Perruchot supprimant la possibilité de confisquer un meuble ou immeuble détenu en indivision, le rapporteur en ayant fait ressortir les risques de détournement.

La Commission a adopté l'article 17 ainsi modifié.

Article 18

(art. 21 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Responsabilité pénale des personnes morales

Le présent article complète l'article 21 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945, relatif à la responsabilité pénale des personnes morales, en précisant que cette responsabilité peut également être engagée pour les délits aggravés définis à l'article 21 bis et qu'une peine de confiscation des biens peut être prononcée à l'encontre des personnes morales condamnées pour ces mêmes délits.

Cette modification relève plus de la coordination avec l'article 21 bis que de la transposition de la décision-cadre du 28 novembre 2002 précitée. En effet, l'article 21 ter, consacrant déjà la responsabilité des personnes morales pour les délits prévus par l'article 21, satisfait aux exigences de la décision-cadre.

Les sanctions pénales encourues sont l'amende et les peines prévues à l'article 131-39 du code pénal, à l'exception de l'interdiction de faire appel public à l'épargne et celle d'émettre des chèques.

Après avoir rejeté un amendement présenté par M. Nicolas Perruchot supprimant la possibilité de confisquer un meuble ou immeuble détenu en indivision, la Commission a adopté l'article 18 sans modification.

Article 19

(art. 21 quater [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Création d'un délit spécifique de mariage simulé

L'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée sanctionne pénalement l'aide à l'entrée et au séjour irrégulier. Depuis la loi du 22 juillet 1996 (66), les conjoints bénéficient, en vertu du III de l'article 21 de l'ordonnance, d'une immunité pénale en la matière, limitée au seul délit d'aide au séjour irrégulier.

Sans revenir sur cette immunité, le présent article insère un article 21 quater nouveau dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui crée et définit l'échelle des sanctions applicables aux bénéficiaires, qu'ils soient organisateurs ou partie prenante volontaire, des mariages de complaisance. Cette mesure permettra de dissuader les membres de réseaux organisateurs des mariages de complaisance entre étrangers et Français ou bien entre étrangers en situation régulière au seul motif de l'obtention d'un titre de séjour ou de l'acquisition de la nationalité française.

Le type de dispositif mis en place par cet article est désormais classique dans notre droit pénal. Il est articulé en quatre points :

- définition des infractions et fixation du maximum des peines des associées ;

- aggravation des peines lorsque l'infraction est commise en bande organisée, ce qui est particulièrement important dans le cas des mariages de complaisance ;

- peines complémentaires liées au séjour sur le territoire français ou à l'exercice d'une activité professionnelle ou sociale, mais aussi - c'est un gage d'efficacité et de dissuasion de plus en plus présent dans les dispositifs pénaux soumis au Parlement - possibilité de confisquer les biens des personnes condamnées lorsque l'infraction concerne l'organisation de mariages de complaisance ;

- aggravation des peines pour les personnes morales.

- Les infractions

Deux catégories d'infractions sont distinguées : la première concerne le fait même, pour le ressortissant français comme pour le ressortissant étranger, de participer volontairement à un mariage de complaisance, c'est-à-dire conclu dans le seul but d'obtenir un titre de séjour ; la seconde est constituée lorsque la personne concernée a organisé ou tenté d'organiser un mariage de complaisance. Ces infractions sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

- Les peines renforcées

Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque la deuxième infraction (organisation ou tentative d'organisation d'un mariage de complaisance) est commise en bande organisée. L'article 132-71 du code pénal définit la bande organisée comme « tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ». Cette aggravation constitue une transposition de la logique du rapport de 1997 présenté par Patrick Weil, qui souhaitait que soit créée une circonstance aggravante en appliquant à l'infraction d'aide à l'entrée et au séjour cette notion de bande organisée et en la réprimant des peines de dix ans d'emprisonnement et de 5 millions de francs d'amende, dispositif qui a été intégré dans l'article 21 de l'ordonnance de 1945 par l'article 12 de la loi reseda du 11 mai 1998.

Une telle aggravation des peines n'est pas injustifiée. Elle existe déjà pour de nombreuses infractions : production ou fabrication illicites de stupéfiants (article 222-35 du code pénal), importation ou exportation illicites de stupéfiants (article 222-36), enlèvement et séquestration (article 224-3), proxénétisme (article 225-8), vol (articles 311-4 et 311-9), extorsion (article 312-6), escroquerie (article 313-2), recel (article 321-2), destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes (article 322-8), blanchiment (article 324-2), fabrication de fausse monnaie (article 442-2)...

- Les peines complémentaires

Une peine liée au séjour sur le territoire français peut être prononcée en complément de la peine principale d'amende et d'emprisonnement. Elle peut prendre la forme soit d'une interdiction de séjour pour une durée de cinq ans ou plus, soit d'une interdiction de territoire.

L'interdiction du territoire français peut être prononcée comme peine complémentaire, soit à titre définitif soit pour une durée de dix ans au plus. Elle doit respecter les réserves définies par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal, tels que modifiés ou créés par l'article 38 du présent projet de loi.

Ces articles prévoient que cette peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit. L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. Lorsque l'interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d'exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin.

Le tribunal ne peut prononcer cette peine que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger condamné l'interdiction du territoire français, lorsque le condamné est père ou mère d'un enfant français résidant en France, lorsqu'il est marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, lorsqu'il réside habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ou depuis plus de quinze ans, lorsqu'il est titulaire d'une rente d'accident de travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français ou encore lorsque, résidant habituellement en France, son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

En application de l'article 131-30-2, cette peine complémentaire d'interdiction du territoire français ne peut être prononcée dans deux cas :

- lorsqu'elle concerne un étranger qui réside en France depuis plus de vingt ans ;

- et lorsque l'étranger réside depuis plus de dix ans en France, s'il est marié depuis plus de trois ans avec un ressortissant français ou s'il est père ou mère d'un enfant français. Cette impossibilité est levée lorsque les faits condamnés ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.

Les peines complémentaires peuvent également comprendre une interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise. Dans ce cas, il convient de tenir compte des réserves énoncées par l'article 131-27 du code pénal : lorsqu'elle est encourue à titre de peine complémentaire pour un crime ou un délit, l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale est soit définitive, soit temporaire ; dans ce dernier cas, elle ne peut excéder une durée de cinq ans. En outre, cette interdiction n'est pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales. Elle n'est pas non plus applicable en matière de délit de presse.

Lorsque la peine principale est applicable aux cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage de complaisance, les peines complémentaires peuvent comprendre la confiscation des biens de la personne condamnée. Un tel dispositif est prévu pour de nombreuses autres infractions : organisation de trafic de stupéfiants, production de stupéfiants (articles 222-34 et 222-35 du code pénal), proxénétisme (article 225-4), blanchiment (article 324-7), terrorisme (article 422-6), participation à un groupe de combat (article 432-21)...

- Les peines applicables aux personnes morales

Depuis le 1er mars 1994, l'article 121-2 du code pénal dispose que les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. Dans cette logique, les personnes morales qui auraient tenté d'organiser ou organisé des mariages de complaisance peuvent être sanctionnées pénalement.

L'article 131-38 du code précité prévoit ainsi que le taux maximum de l'amende qui leur est applicable est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction, ce qui porte en l'espèce le montant de l'amende maximale à 150 000 euros. Les personnes morales qui se rendent coupables d'organisation de mariages de complaisance peuvent également se voir condamnées aux peines fixées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 5° et 9° de l'article 131-39 du code pénal, à savoir :

« 1° La dissolution, lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans, détournée de son objet pour commettre les faits incriminés ;

« 2° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;

« 3° Le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;

« 4° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

« 5° L'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;

(...)

« 9° L'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication audiovisuelle. »

Comme pour les personnes physiques, l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale, visée au 2° de l'article 131-39, ne porte que sur l'activité à l'occasion de l'exercice de laquelle l'organisation de mariage de complaisance a été perpétrée. On peut imaginer, par exemple, le cas d'une agence matrimoniale qui organise des mariages de complaisance pour ses clients.

LA SANCTION DES MARIAGES DE COMPLAISANCE

Participation volontaire

Personnes

Types de peines

Peines



Personnes physiques

Peines
principales

5 ans d'emprisonnement

30 000 euros d'amende


Peines
complémentaires

Interdiction de séjour de 5 ans maximum

Interdiction du territoire à titre définitif ou pour 10 ans au plus

Interdiction d'exercice une activité professionnelle ou sociale

Organisation ou tentative d'organisation

Personnes

Types de peines

Peines

Peines renforcées
(bande organisée)




Personnes physiques

Peines

principales

5 ans d'emprisonnement

30 000 euros d'amende

10 ans d'emprisonnement

750 000 euros d'amende


Peines
complémentaires

Interdiction de séjour de 5 ans maximum

Interdiction du territoire à titre définitif ou pour 10 ans au plus

Interdiction d'exercice une activité professionnelle ou sociale

Confiscation des biens


Personnes morales

Amende de 150 000 euros

Peines fixées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 5° et 9° de l'article 131-39 du code pénal

Confiscation de biens

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant une mention inutile (amendement n° 89), ainsi que l'amendement n° 19 de M. Christian Estrosi, créant un délit spécifique réprimant l'organisation d'un mariage simulé en vue d'obtenir ou de faire obtenir la nationalité française. Elle a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 90 et 91), avant de rejeter, comme aux deux articles précédents, un amendement présenté par M. Nicolas Perruchot supprimant la possibilité de confisquer un meuble ou immeuble détenu en indivision.

La Commission a adopté l'article 19 ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 19

(art. 21 quinquies [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Sanctions contre les employeurs d'étrangers en situation irrégulière

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur mettant à la charge des personnes qui emploient des étrangers en situation irrégulière les frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, jusqu'alors supportés par le contribuable (amendement n° 92).


(art. 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)


Modalités de recours à l'avocat demandé par l'étranger auquel est notifié un arrêté de reconduite à la frontière

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur modifiant l'ordonnance du 2 novembre 1945 de façon à prévoir que l'avocat demandé par l'étranger auquel est notifié un arrêté de reconduite à la frontière doit être avisé « dans les meilleurs délais », et non plus « immédiatement » (amendement n° 93).

Suite du rapport

 N° 0949 - Rapport sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration (M. Thierry Mariani)


1 () L'article 17 de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale prévoit la désignation d'un administrateur ad hoc par le procureur de la République pour assister les mineurs non accompagnés durant leur maintien en zone d'attente et assurer leur représentation dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien. L'entrée en vigueur de cette disposition reste subordonnée, néanmoins, à la parution d'un décret en Conseil d'Etat.

2 () Circulaire NOR/INT/D/9700080C du 30 avril 1997 relative à l'application de la loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration.

3 () Sur la seule période 1998-2000, le nombre de mariages mixtes est passé de 26 000 à 34 600.

4 () Voir la communication du rapporteur à la Délégation pour l'Union européenne en date du 28 mai 2003.

5 () Son article 5-1 prévoit que : « Les États membres accordent le statut de résident de longue durée aux ressortissants de pays tiers qui résident depuis cinq ans de manière légale et ininterrompue sur le territoire de l'État membre concerné ».

6 () En se référant au dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le Conseil constitutionnel a érigé le droit de l'étranger à mener une vie familiale normale en principe constitutionnel : « Si le législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques, il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ; (...) figurent parmi ces droits et libertés (...) le droit de mener une vie familiale normale » . Dans la même décision, le Conseil constitutionnel précisait que le droit de l'étranger de mener une vie familiale normale « comporte en particulier la faculté pour ces étrangers de faire venir auprès d'eux leurs conjoints et leurs enfants mineurs sous réserve de restrictions tenant à la sauvegarde de l'ordre public et à la protection de la santé publique » (13 août 1993, n° 93-325 DC).

7 () Commission de réflexion présidée par Mme Christine Chanet sur les peines d'interdiction du territoire, 18 novembre 1998.

8 () Christine Chanet : « Double peine, double échec pour la gauche », Libération, 7 mai 2003.

9 () La jurisprudence a accepté de qualifier de « menace grave » les faits suivants : terrorisme, meurtre, assassinat, proxénétisme, coups et blessures volontaires, trafic de stupéfiants, vol avec violence. Pour les infractions les moins importantes, la réitération est de nature à transformer en menace grave des faits classiques de moyenne délinquance.

10 () Conseil d'État, Belgacem, 19 avril 1991.

11 () Loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991.

12 () Loi n° 93-1027 du 24 août 1993.

13 () Loi n° 98-349 du 11 mai 1998.

14 () En 2002, le tribunal de grande instance de Bobigny a refusé, sur ce fondement, 103 demandes de maintien en zone d'attente. 17 décisions dans ce sens ont également été rendues par la cour d'appel de Paris.

15 () Notifié par un officier de police judiciaire, un agent de police judiciaire ou par le chef de service de contrôle aux frontières ou par un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade de brigadier. Sur cette question de compétence, voir le commentaire du III de l'article 34 du projet de loi.

16 () L'ancien article 5-3 a été abrogé par l'article 2 de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998.

17 () Décret n° 82-442 du 27 mai 1982 pris pour l'application des articles 5 et 5-1 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France en ce qui concerne l'admission sur le territoire français. Son article 2-1 a été créé par l'article 3 du décret n° 98-502 du 23 juin 1998.

18 () Réponse à une question écrite n° 17079, Journal officiel Questions Assemblée nationale, 31 août 1998, page 4 828.

19 () Il s'agit, notamment, des ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des membres de leur famille bénéficiaires des dispositions du traité de Rome relatives à la libre circulation, des ressortissants suisses, andorrans et monégasques, des membres des missions diplomatiques et des postes consulaires et les membres de leur famille à charge, venant de l'étranger pour prendre leurs fonctions en France, des membres des équipages des navires et aéronefs effectuant des déplacements de service sous le couvert des documents prévus par les conventions internationales.

20 () Accord du 27 décembre 1968, tel que modifié par le deuxième avenant du 28 septembre 1994, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ; accord du 10 novembre 1983 sous forme d'échange de lettres, tel que modifié par l'avenant du 25 février 1993, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc relatif à la circulation des personnes, ensemble trois échanges de lettres ; accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail.

21 () L'office des migrations internationales ne peut plus procéder à une enquête sur place pour s'assurer de la réalité des informations contenues dans l'attestation.

22 () Par exemple, Conseil d'État, 9 octobre 1992, Abihilali.

23 () Voir notamment la conférence des ambassadeurs du 28 août 2001 et le télégramme du ministre des affaires étrangères du 17 octobre 2001.

24 () Conseil d'État, 1er avril 1992, Abit ; section, 26 juin 1992, Commune de La Possession c/ Mas.

25 () M. Patrick Weil, Rapport au Premier ministre de la mission d'étude des législation de la nationalité et de l'immigration, Paris, La documentation française, 1997, page 152.

26 () Pour une étude approfondie de la question, on pourra utilement se reporter au commentaire de l'article 69 dans le rapport de notre collègue Anne-Marie Montchamp, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2003 - Affaires sociales, travail et solidarité : solidarité, Assemblée nationale, XIIe législature, document n° 256, annexe 4, octobre 2002.

27 () Le deuxième alinéa de l'article 8-3 prévoit également la possibilité, pour les agents habilités du ministère de l'intérieur ou de la gendarmerie nationale, de consulter, dans les conditions fixées par la loi du 6 janvier 1978, le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), afin d'identifier les étrangers en situation irrégulière ou faisant l'objet d'une mesure d'éloignement qui n'auraient pas présenté les pièces justificatives nécessaires.

28 () Article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

29 () Article 5 de la convention de Schengen.

30 () N° 97-389 DC du 22 avril 1997.

31 () Les fiches dactyloscopiques, auparavant directement transmises par les préfectures à l'office français de protection des réfugiés et apatrides, sont désormais centralisées au point national EURODAC et, le cas échéant, communiquées à la fois à Luxembourg et à l'OFPRA. Voir la circulaire n° NOR/INT/D/02/00219/C du 31 décembre 2002.

32 () En pratique, une condition de réciprocité étant requise, la carte de résident communautaire à durée illimitée n'est délivrée, toutefois, qu'aux ressortissants allemands, britanniques, danois, néerlandais, finlandais et autrichiens.

33 () Cette disposition n'est pas opposable aux nationalités relevant des « régimes spéciaux », notamment les Algériens, les Tunisiens et les Marocains (à l'exception des Guinéens, des Mauritaniens et des Tchadiens).

34 () Cette disposition n'est pas applicable aux ressortissants Algériens.

35 () La circulaire d'application du 12 mai 1998 précise que, dans le choix de cette personnalité, le préfet devra « privilégier des personnalités locales présentant de bonnes garanties d'indépendance et de compétence et à même d'éclairer [son] jugement sur les conditions d'existence de l'étranger sur le territoire. Il peut par exemple s'agir d'un universitaire spécialiste des questions sociales ou sociologiques (phénomènes migratoires, vie urbaine, etc.) ou d'un membre du conseil d'administration de la caisse d'allocations familiales ».

36 () La circulaire du 12 mai 1998, qui étendait la saisine aux refus de renouvellement d'une carte de résident, a été annulée, sur ce point, par le Conseil d'Etat car excédant les termes de la loi (CE, 30 juin 2000, GISTI).

37 () Après bien des incertitudes tant légales que jurisprudentielles, le principe selon lequel la procédure prévue par l'article 12 quater est applicable aux ressortissants algériens est désormais acquis (CE, 5 décembre 2001, Préfet de la Haute-Garonne c/ Aissat), notamment pour ceux dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus de leur délivrer un titre de séjour porterait une atteinte excessive au respect de leur vie privée et familiale (CE, 10 décembre 2001, Préfet de la Loire c/ Merzoug).

38 () L'obligation de mettre les personnes en situation de présenter leurs observations, écrites ou orales, lorsque l'administration entend prendre une mesure qui entre dans le champ d'application de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation, prévue par l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, ne s'applique pas lorsque la décision intervient à la suite d'une requête de l'intéressé, ce qui est le cas des demandes et donc des refus de délivrance de titres de séjour.

39 () Voir la circulaire NOR/INT/D/03/00047/C du 7 mai 2003, page 6.

40 () Sont admises des interruptions de courte durée correspondant, par exemple, à des vacances.

41 () Les éléments pris en considération, sous le contrôle du juge, diffèrent selon que celui qui sollicite l'attribution de la carte est étudiant, salarié, commerçant ou artisan. En principe, la situation de l'emploi est préalablement évaluée par le directeur départemental du travail et de l'emploi ; les ressources doivent être stables et suffisantes.

42 () Par exemple, des liens familiaux, la scolarisation des enfants en France ou l'achat d'un appartement.

43 () Ces changements ne sont pas applicables aux Tunisiens, aux Marocains et aux Algériens.

44 () Proposition de directive du 13 mars 2001, COM(2001) 127 final.

45 () Commission européenne des droits de l'homme, 12 juillet 1976, X. c/ République fédérale d'Allemagne et X. c/ Suisse.

46 () Commission européenne des droits de l'homme, 16 octobre 1996, Dagan et Sonia Sanders c/ France.

47 () Résolution du Conseil du 4 décembre 1997 sur les mesures à adopter en matière de lutte contre les mariages de complaisance (97/C 382/01).

48 () Institut national de la statistique et des études économiques cité par le ministère de la justice et le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, Les acquisitions de nationalité française en 2001, 2003.

49 () Par exemple pour la seule Assemblée nationale, XIIe législature : M. Nicolas Perruchot, Proposition de loi relative aux mariages et aux pactes civils de solidarité de complaisance, document n° 419, 28 novembre 2002 ; M. Jean-Christophe Lagarde, Proposition de loi visant à allonger le délai d'acquisition de la nationalité française à raison du mariage avec un citoyen français, document n° 361, 7 novembre 2002 ; M. François Scellier, Proposition de loi visant à limiter les « mariages de complaisance », document n° 282, 15 octobre 2002.

50 () M. Patrick Weil, ibid., pages 152 et 153.

51 () Sous réserve de l'existence d'une menace pour l'ordre public et de la régularité du séjour.

52 () La référence à l'autorité parentale atteste de la volonté du législateur de limiter le bénéfice de cette disposition aux seuls parents d'enfants mineurs. En effet, en application de l'article 371-1 du code civil, l'autorité parentale, définie comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant », appartient aux père et mère « jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant » pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

53 () Ces dispositions ne sont pas opposables aux Tunisiens et aux Algériens.

54 () Voir la décision du Conseil constitutionnel n° 97-389 DC du 22 avril 1997, et la circulaire NOR/INT/D/9700080C du 30 avril 1997 relative à l'application de la loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration.

55 () Paragraphe III de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

56 () Cette disposition n'est pas opposable aux nationalités relevant des « régimes spéciaux », notamment les Algériens, les Tunisiens et les Marocains (à l'exception des Guinéens, des Mauritaniens et des Tchadiens).

57 () Les modifications mises en œuvre par cet article ne sont pas applicables aux Tunisiens et aux Algériens.

58 () NOR/INT/D/02/00215/C du 19 décembre 2002.

59 () NOR/INT/D/03/00047/C du 7 mai 2003.

60 () Décision n° 92-307 DC du 25 février 1992

61 () Cour administrative d'appel de Paris, 26 octobre 2000, nos  00PA00522 et 00PA00514

62 () joce n° C 253, 4 septembre 2000, p.1

63 () Le Conseil constitutionnel a estimé « qu'il appartient au juge d'interpréter strictement les éléments constitutifs de l'infraction définie par l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, notamment lorsque la personne morale en cause est une association à but non lucratif et à vocation humanitaire, ou une fondation, apportant, conformément à leur objet, aide et assistance aux étrangers » (Décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998).

64 () joan Débats, 1re séance, 16 décembre 1994, p. 9264

65 () joce n° C 253, 4 septembre 2000, page 6.

66 () Article 25 de la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire.


N° 949 - Rapport : maîtrise de l'immigration (M. Thierry Mariani)


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