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le 4 novembre 2003

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N° 1143

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 octobre 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part, (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations),

PAR M. ERIC RAOULT,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 183, 331 et T.A. 127 (2002-2003)

Assemblée nationale : 947

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LE CONTEXTE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE L´AFRIQUE DU SUD 7

A - LA SITUATION POLITIQUE 7

1) Une démocratie jeune 7

2) Une puissance régionale 7

a) la priorité accordée aux pays de la SADC 8

b) l'engagement dans les crises des Grands Lacs 8

c) le NEPAD, un partenariat entre Etats africains et pays industrialisés 9

B - LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE 9

II - L'ACCORD SUR LE COMMERCE, LE DÉVELOPPEMENT ET
      LA COOPÉRATION DU 11 OCTOBRE 1999
11

A - LE CADRE GÉNÉRAL DE L'ACCORD 11

1) La signature de l'accord et le contentieux des vins et spiritueux 11

2) Les accords commerciaux régionaux de l'Union européenne 12

a) les accords européens 12

b) les accords euro-méditerranéens et le processus de Barcelone 13

c) les accords stratégiques 13

d) les accords Nord-Sud 14

B - PRÉSENTATION DE L´ACCORD 15

1) Les principes généraux (titre I) 15

2) La zone de libre échange (titre II et III) 16

3) Les coopérations entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud
    (Titres IV à VII)
16

4) Les dispositions finales (titre VIII) 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui vous est soumis, autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, et la République d'Afrique du Sud a été signé à Pretoria le 11 octobre 1999.

Ce projet ayant déjà été adopté par le Sénat, votre Rapporteur se contentera de rappeler brièvement le contexte politique et économique de l´Afrique du Sud, avant d'en détailler le contenu.

I - LE CONTEXTE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE
DE L´AFRIQUE DU SUD

A - La situation politique

1) Une démocratie jeune

En 1994, l'Afrique du Sud a mis en place un régime démocratique et tourné une page d'une longue histoire marquée par un système racial ségrégatif. Pour la première fois dans leur histoire, les Sud-Africains, Noirs et Blancs, ont eu la possibilité de voter pour leur Président et leur Gouvernement, le gouvernement d'unité nationale qui intégrait tous les partis politiques du pays. Nelson Mandela, symbole de la lutte anti-apartheid et prix Nobel de la paix 1993, est élu Président de la République le 9 mai 1994 par le nouveau Parlement. En 1996, la Commission pour la Vérité et la Réconciliation, présidée par le prix Nobel de la paix Desmond Tutu, fut instaurée et elle reçut les témoignages sur les violations des droits de l'Homme commises entre 1960 et 1993. Le Gouvernement dut faire face à la violence au KwaZulu-Natal, l'envoi des forces militaires dans la région calma la situation. Après de nombreuses négociations, la nouvelle Constitution entra en vigueur en 1996.

En 1999, Thabo Mbeki prit la direction du parti ANC et remporta les élections de 1999 en conservant la majorité de l'Assemblée Nationale. Les partis d'opposition, Inkatha et le Parti National obtinrent moins de 10% des votes. En juin 1999 M. Thabo Mbeki est élu Président de l'Afrique du Sud. A l'extérieur, le nouveau gouvernement a encouragé les relations avec les pays occidentaux et avec tous ceux qui soutinrent l'ANC pendant l'apartheid (Iran, Cuba, Libye).

2) Une puissance régionale

L'Afrique du Sud post-apartheid est principalement tournée vers l'Afrique continentale où elle entretient des relations bilatérales avec chaque pays à l'exception de la Somalie. Elle donne la priorité aux pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC1), à la résolution des conflits de l´Afrique des Grands Lacs, et à une progressive ouverture vers le Nigeria, l´Afrique francophone et l'Océan indien. Sa diplomatie se veut au service d'un projet de « renaissance africaine », qui passe par la multiplication d'offres de médiation.

a) la priorité accordée aux pays de la SADC

Pretoria demeure fidèle, sous l'influence de l'ANC, aux pays qui ont soutenu la lutte contre l´apartheid, et notamment à ses voisins de la SADC. Parmi eux, le Mozambique est sans doute le plus proche au plan économique et politique, situation que le mariage de Nelson Mandela avec la veuve du Président Machel n'a fait que renforcer. Les relations avec le Malawi et la Zambie sont peu denses et tiennent pour l'essentiel à leur rôle dans les institutions de la SADC et l'Union africaine que Lusaka présidait en 2001. Les relations de Pretoria avec le grand voisin angolais, qui ont parfois été tendues, se sont nettement améliorées. Le retrait angolais et le rôle positif de Luanda dans la recherche d'une solution pour la République démocratique du Congo ont contribué à la décrispation. Néanmoins l'Angola reste le concurrent économique le plus important. L'Afrique du Sud, qui dépend des pays du Golfe et de l'Iran pour la couverture des ses besoins énergétiques, craint les effets d'une hausse du prix du pétrole sur les économies des pays africains non producteurs. L'Angola est un des plus gros producteurs de pétrole en Afrique. Par ailleurs, les deux pays seraient de plus probablement tous deux candidats à un siège permanent au Conseil de sécurité si l'Afrique devait en obtenir un.

b) l'engagement dans les crises des Grands Lacs

L'Afrique du Sud a joué un rôle de premier plan dans la signature des accords de Lusaka concernant la République démocratique du Congo en juillet 1999, et des accords d´Arusha relatifs au Burundi en août 2000. Le Président Mandela et son successeur Mbeki se sont directement et personnellement impliqués dans les négociations. Pretoria contribue pour la plus grande part (700 soldats) à la force interafricaine au Burundi, qui est chargée de la surveillance des accords. L'Afrique du Sud a financé sur fonds propres une partie des dépenses liées au dialogue inter congolais de Sun City, et aux négociations ultérieures. Cet engagement de Pretoria au service de la pacification de l'Afrique centrale a reçu initialement les encouragements de la communauté internationale mais se heurte aujourd'hui à des difficultés de plusieurs ordres (non-respect des accords, coût des opérations et contingent militaire limité).

En dépit des ces obstacles, Pretoria est appelée à jouer le rôle de puissance garantissant la stabilité régionale et de pôle de développement de l'Afrique subsaharienne. La résolution des conflits dans la région des Grands Lacs passe par une plus grande ouverture vers le reste de l'Afrique, francophone notamment.

c) le NEPAD, un partenariat entre Etats africains et pays industrialisés

Pays charnière entre le monde en développement et les nations industrialisées, l'Afrique du Sud s'estime fondée à exercer le rôle de porte-parole du Sud. Présentée en 2000, le Nouveau Partenariat pour le développement (NEPAD) donne corps à la « renaissance africaine » chère au président Thabo Mbeki. Cette formule met l'accent sur le potentiel de développement d'un continent noir pacifié et démocratisé, tirant le meilleur profit de la mondialisation. Les promoteurs du NEPAD y voient également le cadre d'un dialogue équilibré, assorti d'engagements réciproques, entre Etats africains affranchis de l'assistanat et déterminant les modalités de leur développement, et pays industrialisés. L'Afrique du Sud est la seule économie subsaharienne dont le secteur privé peut accompagner le partenariat. L'implication des institutions de développement sud-africaines (Development bank of Southern Africa, qui héberge le secrétariat du NEPAD, International Development Corporation), celle des grands groupes publics (ESKOM) ou privés (ENGEN, ABSA, MTN...) développant depuis 1994 des stratégies continentales, confère sa dynamique au partenariat.

B - La situation économique et sociale

L'économie de l'Afrique du Sud est la plus riche et la plus diversifiée du continent africain. Le PIB a atteint 104 milliards de dollars américains en 2002, soit environ 25 % du PIB du continent (36 % du PIB de l'Afrique subsaharienne, 80 % du PIB de l'Afrique australe). Le tissu industriel représente environ un quart du PIB et les services les deux tiers, le tout complétant des ressources en or, en diamant, en platine et en charbon pour environ 6 % du PIB. L'Afrique du Sud occupe le premier rang mondial pour l'extraction d'or, de manganèse, de chrome et de platine, le troisième pour les diamants et le sixième pour l'aluminium. Le revenu par habitant est de 2 300 dollars américains pour environ 44 millions d'habitants (75 % sont noirs, 10 % indiens, 10 % métis, 5% blancs).

S'agissant des flux d'investissements directs, les entrées ont été inférieures aux sorties de 1995 à 2000. Ces flux négatifs reflètent en fait la faible attractivité du pays, considéré comme risqué par les investisseurs.

Si le taux de croissance a été en moyenne de 2,8 % depuis 1995, il reste insuffisant pour stabiliser un taux de chômage qui dépasse 30 % de la population active.

Par ailleurs, la pandémie de Sida a un impact très large sur l'évolution du pays : 11 % de la population est actuellement séropositive contre 1 % il y a une décennie. Le Fonds monétaire international estime que le taux de croissance serait supérieur de 0,5 % à 2,5 % dans une situation sans Sida. Il est intéressant de noter que les dépenses publiques directement liées au Sida ne représentent que 0,2 % du PIB pour l'année budgétaire 2003-2004, ce qui traduit le choix du Gouvernement et non une contrainte budgétaire.

Depuis deux ans, l'économie sud-africaine est caractérisée par une forte volatilité de sa devise, le Rand.

C'est en 1994 que l'Afrique du Sud a adhéré au Fonds monétaire international (FMI). Bien que n'ayant pas de programme avec cet organisme, celui-ci influence toutefois sa politique économique. La Banque mondiale, qui n'a pratiquement pas d'engagements sous forme de prêts en raison des réticences sud-africaines, intervient surtout sous forme d'expertises et d'assistance technique.

C'est essentiellement l'Union européenne qui réserve une dotation en aide publique au développement à ce pays (500 millions d'euros pour le programme quadriennal de reconstruction et de développement - PERD). En revanche, l'Afrique du Sud est un contributeur au développement des pays africains via la Banque africaine de développement.

Enfin, le pays est faiblement endetté. La dette extérieure de l'Etat libellée en devises s'élève à 25 milliards de dollars américains, soit 23 % du PIB, et son service absorbe 15 % des exportations.

La France est le cinquième bailleur de fonds bilatéral, derrière les Etats-Unis, le Japon, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Le champ de l'action de l'Agence française de développement (AFD) a été élargi, le 31 mai 2001, à l'ensemble des infrastructures sociales (voirie, eau, électricité...). Jusqu'à cette date il se limitait à la santé et à l'éducation. Mais comme la Banque mondiale, l'AFD n'a pu prêter directement à l'Etat sud-africain du fait des réticences de celui-ci.

II - L'ACCORD SUR LE COMMERCE, LE DÉVELOPPEMENT
ET LA COOPÉRATION DU 11 OCTOBRE 1999

Cet accord est le premier de ce type passé par l'Union européenne avec un pays qui n´est ni candidat à l'adhésion, ni pays de la zone Euromed. Il vise principalement à mettre en place progressivement entre l'Union européenne et l´Afrique du Sud une zone de libre-échange. C'est aussi le premier accord qui inclut l'essentiel des produits agricoles.

Avant la mise en place de l'accord, l'Afrique du Sud bénéficiait seulement du système de préférences généralisées (SPG) de l'Union européenne car elle est en effet exclue des préférences tarifaires mises en place au profit des pays ACP (conventions de Lomé, et désormais accord de Cotonou) pour des raisons historiques mais aussi à cause de son poids économique prépondérant - un tiers des échanges entre l'UE et les ACP - au sein du groupe ACP.

L'accord vise à mettre en place une zone de libre-échange mais de manière différenciée à la fois en termes de couverture sectorielle et de libéralisation dans le temps. Le démantèlement agréé par les parties est substantiel. Ainsi l'Afrique du Sud va bénéficier de l'accès libre au marché communautaire pour 95% des lignes tarifaires européennes d'ici 2010 -contre 68% avant 2000- et l'Union européenne bénéficiera de l'accès libre pour 86% - 53% avant 2000 - des lignes tarifaires sud-africaines d'ici 2012.

A - Le cadre général de l'accord

1) La signature de l'accord et le contentieux des vins et spiritueux

La Commission européenne a été mandatée par le Conseil le 19 juin 1995, les négociations ont été ouvertes formellement le 30 juin 1995. Des directives complémentaires de négociations, couvrant le volet commercial, ont été adoptées le 22 mars 1996. Elles prévoyaient la mise en place d'une zone de libre-échange à caractère asymétrique. Les discussions, réellement engagées en novembre 1997, ont été particulièrement difficiles sur le volet agricole.

Contrairement à ses engagements initiaux, l'Afrique du Sud a repoussé à diverses reprises la conclusion d'un accord sur les vins et les spiritueux. L'Union européenne a pourtant toujours lié le bénéfice de ses concessions à la conclusion d'un accord sectoriel sur les vins et spiritueux assurant notamment une protection adéquate de la propriété intellectuelle sur certains produits (Porto, Sherry).

En marge du Conseil européen de Berlin, les deux parties ont trouvé un accord politique le 24 mars 1999, basé sur un échange de lettres annexé à l'accord principal (annexe X), prévoyant la conclusion avant septembre 1999 d'un accord séparé sur les vins et spiritueux. Dans le cadre du compromis de Berlin, il est prévu l'élimination progressive par la partie sud-africaine des appellations « porto » et « sherry », l'ouverture d'un contingent de 32 millions de litres sur le marché communautaire en franchise de droits pour les vins sud-africains en bouteille, l'octroi d'une aide financière communautaire de 15 millions d'euros pour la restructuration du vignoble sud-africain.

L'accord sur le commerce, le développement et la coopération avec l'Afrique du Sud a ainsi pu être signé le 11 octobre 1999 à Pretoria par les représentants de la Commission ainsi que par ceux des Etats membres.

2) Les accords commerciaux régionaux de l'Union européenne

L'union douanière européenne étant achevée, l'Europe recherche depuis longtemps à développer un réseau dense d'accords de libre-échange (ALE). Aujourd'hui, pratiquement la moitié du commerce mondial de l'Union s'effectue désormais dans le cadre d'accords commerciaux régionaux. On distingue :

a) les accords européens

Dans une logique d'intégration, l'Union européenne a signé avec dix pays d'Europe centrale et orientale des accords de libre-échange dans les années 1990, ainsi qu'avec Chypre et Malte en 1998. Ces accords et des dispositions permettent la libre circulation des produits industriels, la libre circulation des services, des paiements et des capitaux liés au commerce et à l'investissement. Dans le cadre du processus de stabilisation et d'association avec les Balkans, l'Union a mis en place des accords de stabilisation et d'association (ASA) qui visent à l'établissement progressif du libre-échange. Deux ASA sont déjà signés avec la Macédoine (avril 2001) et la Croatie (octobre 2001).

Par ailleurs, chaque pays de l'association européenne de libre-échange (Islande, Norvège, Suisse, Liechtenstein) créée en 1960, a signé en 1972 des accords de libre échange avec la CEE. L'accord sur l'espace économique européen (EEE), signé en 1992 et entré en vigueur au 1er janvier 1994, élargit le marché unique de l'UE à trois des quatre membres de l'AELE, la Suisse ayant voté contre son adhésion en 1992.

Enfin, l'Union européenne et la Turquie ont signé en 1995, dans le prolongement de l'accord d'association de 1963, un accord d'union douanière qui prévoit un désarmement tarifaire total sur les produits industriels et sur la part industrielle des produits agricoles transformés. De nouvelles négociations ont été engagées en 2000 en vue de libéraliser le commerce des services et les marchés publics. La Turquie a repris le tarif extérieur commun appliqué par l'Union aux produits industriels des pays tiers.

b) les accords euro-méditerranéens et le processus de Barcelone

L'Union a conclu une série d'accords avec ses partenaires méditerranéens afin de stabiliser les relations politiques et économiques à ses frontières. Il s'agit surtout de pays avec lesquels l'Europe entretient des relations historiques et qui n'ont pas vocation à adhérer à l'Union.

Tout d'abord, à travers des accords asymétriques de coopération conclus à la fin des années 1970 avec chaque pays de la zone, les relations de l'Union européenne avec les pays tiers méditerranéens sont depuis l'automne 1995 encadrées par le processus de Barcelone. Ce processus prévoit la constitution d'une « zone euro-méditerranéenne de prospérité partagée » et l'instauration progressive du libre-échange régional à l'horizon 2010. Formellement, neuf pays sont déjà concernés par ces accords, qui prévoient l'instauration progressive, dans un délai de douze ans à compter de l'entrée en vigueur, d'un régime de libre-échange des produits industriels et d'une plus grande libéralisation des échanges réciproques de produits agricoles et de la pêche. Le rythme de mise en œuvre actuel et la faiblesse des échanges Sud-Sud rendent cependant l'objectif affiché de 2010 difficile à atteindre.

c) les accords stratégiques

L'Union a récemment développé des relations commerciales préférentielles avec des pays tiers plus lointains géographiquement mais dont le potentiel économique, l'intérêt géopolitique ou les liens historiques avec l'Europe revêtent une importance particulière.

La politique commerciale envers l'Amérique latine est ainsi récemment devenue une priorité européenne, en réponse au projet américain de zone de libre-échange des Amériques (ZLEA).

L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mexique, entré en vigueur le 1er juillet 2000, a contribué au renforcement du commerce bilatéral en libéralisant immédiatement 93 % des échanges industriels et 7% des échanges agricoles ; d'ici 2007, plus de 90 % du commerce bilatéral sera entièrement libéralisé.

L'accord de libre-échange récemment conclu avec le Chili prévoit également une libéralisation importante au delà d'une période transitoire de sept ans. Cet accord constitue une référence pour l'Union, qui a réussi à faire valoir auprès d'un pays, alors engagé dans une négociation bilatérale avec les Etats-Unis, des principes et méthodes de négociation qu'elle défend à l'OMC (listes positives d'engagements sur les services et l'investissement, protection additionnelle des appellations d'origine notamment).

Des négociations sont en cours avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), en vue d'une « libéralisation progressive et réciproque de l'ensemble des échanges de biens et de services, dans la perspective de l'instauration du libre-échange, compte tenu de la sensibilité de certains produits et secteurs de services, conformément aux règles de l'OMC » (directives de négociations données par le Conseil des Ministres de l'Union à la Commission en septembre 1999).

d) les accords Nord-Sud

Les accords commerciaux régionaux, facteurs d'insertion des pays du Sud dans l'économie mondiale, contribuent à la constitution d'un cadre favorable à l'« ancrage » et à l'aboutissement de réformes institutionnelles et structurelles entreprises avec l'aide de l'UE et favorisent la mobilisation des investisseurs étrangers.

L'accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud s'insère dans cette logique. Il offre la possibilité d'une stimulation importante de l'économie sud-africaine et invite à une coopération économique et financière consolidée entre les parties.

L'accord entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud doit servir de modèle pour la mise en place des accords de partenariat économique (APE) entre l'Union et les pays ACP dont les négociations ont débuté en septembre dernier, conformément à l'accord de partenariat signé à Cotonou (Bénin) le 23 juin 2000, qui reconnaît l'intégration régionale comme un instrument-clé de l'intégration des pays ACP dans l'économie mondiale. Il prévoit ainsi la négociation d'accords de partenariat économique qui se substitueront, à partir du 1er janvier 2008, à l'actuel régime de préférences non réciproques hérité de la convention de Lomé.

B - Présentation de l´accord

L'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud comporte 109 articles, 10 annexes ainsi que 2 protocoles et un acte final assorti de 14 déclarations communes ou unilatérales.

L'accord est du type mixte, car il porte à la fois sur des matières relevant de la compétence communautaire, telles ses stipulations commerciales, et sur des matières relevant, au moins pour partie, de celles des Etats membres, telles ses stipulations en matière de dialogue politique et de coopération au développement.

1) Les principes généraux (titre I)

Les articles 1 à 4 forment le titre I de l'accord : « objectifs, les principes généraux et dialogue politique ». Six objectifs sont assignés à l'accord (article 1er) : fournir un cadre approprié au dialogue entre les parties afin d'encourager l'intensification de relations étroites ; consolider les bases économiques et sociales du processus de transition en République d'Afrique du Sud ; promouvoir la coopération régionale et l'intégration économique en Afrique australe ; encourager l'essor et la libéralisation du commerce des marchandises, des services et des capitaux ; encourager l'insertion harmonieuse et progressive de l'Afrique du Sud dans l'économie mondiale ; et promouvoir la coopération entre la communauté européenne et l'Afrique du Sud.

Le respect des principes démocratiques, des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'Etat de droit (article 2) sont des éléments essentiels de cet accord. Les parties réaffirment en outre leur attachement aux principes de la bonne gestion des affaires publiques.

L'article 3 régit la clause de non-exécution des engagements par les parties contractantes. Ainsi, il s'applique si une partie considère que l'autre partie n'a pas rempli l'une des obligations que lui impose le présent accord.

Enfin l'article 4 prévoit un dialogue politique régulier entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud, qui doit accompagner et consolider la coopération. Le dialogue politique porte sur tous les sujets présentant un intérêt commun pour les parties. Il aura lieu à tous les niveaux. Outre le dialogue bilatéral, les parties s'engagent à utiliser toutes les modalités du dialogue politique régional, notamment comme le prévoient les traites ACP-UE.

2) La zone de libre échange (titre II et III)

Le volet commercial est le plus détaillé de l'accord. La Communauté et l'Afrique du Sud sont convenues d'établir une zone de libre échange. Elle devra être établie progressivement pendant une période de douze ans au maximum pour l'Afrique due Sud et de dix ans au maximum pour l'Union européenne. La zone de libre-échange concerne la libre circulation des marchandises dans tous les domaines. Pour les produits industriels (articles 10 à 12 et annexe II à III), une libéralisation décalée est prévue pour les droits de douanes. En ce qui concerne les produits agricoles, la question des vins et spiritueux sud-africains a été exclue de l'accord. Seuls quelques éléments de compromis figurent à l'annexe X, à savoir :

- l'élimination progressive en 5 ans par l'Afrique du Sud des appellations « porto » et « sherry » sur les marchés des pays tiers à l'exception des pays de la SADAC (8 ans), du marché national (12 ans) et des pays de l'Union douanière sud-africaine (SACU2) (12 ans),

- l'engagement de conclure des accords séparés sur les vins et spiritueux au plus tard en septembre 1999,

- l'ouverture d'un contingent de 32 millions de litres sur le marché communautaire en franchise de droit pour les vins sud-africains en bouteille,

- une aide financière communautaire de 15 millions d'euros pour la restructuration du vignoble sud-africain.

3) Les coopérations entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud (Titres IV à VII)

Outre les échanges commerciaux, les parties sont convenues de développer et de promouvoir différentes formes de coopération : économique (Titre IV), au développement (Titre V) et dans d'autres domaines, tels l'environnement, la culture ou encore la lutte contre la drogue et le blanchiment de capitaux (Titre VI).

La coopération économique (articles 50 à 64) couvre les domaines suivants : industrie, promotion et protection des investissements, développement des échanges, micro-entreprises et petites et moyennes entreprises, société de l'information, coopération postale, énergie, exploitation minière et minéraux, transports, tourisme, agriculture, pêche, services, politique des consommateurs et protection de la santé des consommateurs.

La coopération au développement (articles 65 à 82) porte principalement sur l'appui aux politiques et aux instruments visant à l'intégration progressive de l'économie sud-africaine dans l'économie et le commerce mondiaux, à la création d'emplois, au développement d'un secteur privé viable, à la coopération régionale et à l'intégration ; à l'amélioration des conditions de vie et la fourniture de services sociaux de base ; le soutien à la démocratisation, la protection des droits de l'Homme, une gestion publique saine, le renforcement de la société civile et son intégration au processus de développement.

Pour atteindre les objectifs de cet accord, l'Afrique du Sud bénéficie de l'assistance financière et technique de la Communauté, sous forme de subventions et de prêts destinés à soutenir ses besoins en matière de développement.

4) Les dispositions finales (titre VIII)

Un conseil de coopération est chargé de veiller au bon fonctionnement et à la mise en œuvre correcte de l'accord et du dialogue entre les parties ; d'étudier le développement du commerce et de la coopération entre les parties ; de chercher des méthodes susceptibles de prévenir les problèmes qui pourraient survenir dans les domaines couverts par l'accord et d'échanger des avis ou de faire des suggestions sur toute question d'intérêt commun concernant le commerce et la coopération.

Bien que l'entrée en vigueur n'intervienne qu'à l'issue de l'achèvement des procédures de ratification, la Communauté européenne et l'Afrique du sud ont décidé l'application de certaines dispositions de l'accord à compter du 1er janvier 2000 et, à titre provisoire, des articles 1er, 2 et 3, 5 à 28, 65 à 82, 93 à 97 et 99 à 109, des annexes I à VII et X ainsi que des protocoles I et II de l'accord.

Ainsi, la plupart des mesures relatives à l'établissement de la zone de libre-échange sont appliquées. Les mesures liées au commerce qui sont exclues concernent, entre autres, le droit d'établissement et de fourniture de services, les articles relatifs à la politique de concurrence, la propriété intellectuelle et l'aide publique. Le cadre essentiel de la coopération au développement est en vigueur.

L'accord sur le commerce, le développement et la coopération sera dès sa ratification valable pour une période illimitée et contient une clause d'examen au plus tard cinq ans après son entrée en vigueur. L'accord contient également une clause sur les développements futurs du partenariat Union européenne - République d'Afrique du Sud, ainsi que des dispositions relatives à l'adhésion de nouveaux membres.

CONCLUSION

Au vu de ces observations, votre Rapporteur vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 15 octobre 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 947).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

N° 1143 - Rapport sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur le commerce communauté européenne-Afrique-du-Sud (M. Eric Raoult)

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (no 947).

1 La « Southern African Development Community » (SADC) comprend 14 Etats : Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, République démocratique du Congo, Seychelles, Swaziland, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe.

2 la « South African Customs Union » (SACU) comprend 5 Etats : Afrique du Sud, Botswana, Lesotho, Namibie et Swaziland.


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