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le 12 novembre 2003

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N° 1203

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 novembre 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION tendant à la création d'une commission d'enquête :

n° 1054 de M. Dominique PAILLÉ sur les abus et fraudes dans l'intermittence et l'avenir du financement de la création et de la diffusion du spectacle vivant ;

- n° 1063 de M. Jean-Pierre BRARD relative à la crise dans les domaines du spectacle vivant et de la création audiovisuelle en France ainsi qu'aux mesures nécessaires pour permettre leur essor et garantir à leurs professionnels un statut protecteur ;

- n° 1099 de M. Jean-Marc AYRAULT visant à analyser la situation des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel, après l'agrément du protocole d'accord du 26 juin 2003 et de son avenant du 8 juillet 2003, et l'avenir du spectacle vivant dans notre pays, et à évaluer les conséquences économiques et sociales qui en découleront pour le tissu culturel français.

PAR M. Christian KERT,

Député.

--

Culture et communication - Société

INTRODUCTION 5

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 7

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 8

A. LES CHAMPS D'INVESTIGATION PROPOSÉS 8

B. L'OPPORTUNITÉ D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 11

TRAVAUX DE LA COMMISSION 13

INTRODUCTION

La France a connu cet été une crise sans précédent dans sa vie artistique et culturelle à la suite de la réforme, par les partenaires sociaux, du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel. Outre les spécificités des annexes VIII et X de la convention UNEDIC et les difficultés rencontrées par un régime fortement déficitaire et détourné de son objet, des problématiques plus générales comme la place et le statut des artistes, les effets économiques des activités artistiques ou encore la réforme de la politique culturelle se sont retrouvées sous les feux de l'actualité.

A l'Assemblée nationale, l'ensemble des groupes politiques s'est également saisi de cette question en traduisant leur intérêt et leur préoccupation soit par la demande d'une mission d'information, soit par le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête.

Trois propositions de résolution ont ainsi été déposées :

- la proposition n° 1054 de M. Dominique Paillé, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les abus et fraudes dans l'intermittence et l'avenir du financement de la création et de la diffusion du spectacle vivant (mise en distribution le 27 août 2003),

- la proposition n° 1063 de M. Jean-Pierre Brard, relative à la crise dans les domaines du spectacle vivant et de la création audiovisuelle en France ainsi qu'aux mesures nécessaires pour permettre leur essor et garantir à leurs professionnels un statut protecteur (mise en distribution le 13 octobre 2003),

- la proposition n°1099 de M. Jean-Marc Ayrault visant à analyser la situation des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel après l'agrément du protocole d'accord du 26 juin 2003 et de son avenant du 8 juillet 2003 et de l'avenir du spectacle vivant dans notre pays et à évaluer les conséquences économiques et sociales qui en découleront pour le tissu culturel français (mise en distribution le 24 octobre 2003).

Selon l'usage, le rapporteur examinera la recevabilité de la proposition de résolution avant de s'interroger sur l'opportunité de créer une telle commission d'enquête.

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première exigence posée par ces textes est de déterminer avec précision dans la proposition de résolution les faits pouvant donner lieu à enquête.

En l'occurrence, les faits visés par chacune des propositions de résolution sont suffisamment précis pour justifier, a priori, la création d'une commission d'enquête, même si leurs auteurs les utilisent pour réclamer l'organisation d'un débat général sur la place de la culture et le statut de ses différents acteurs dans notre société :

- M. Dominique Paillé décrit la situation du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle ainsi que ses conséquences négatives sur les comptes de l'UNEDIC et évoque les différents types d'abus qui ont conduit à la crise économique, sociale et culturelle de cet été ;

- M. Jean-Pierre Brard évoque la difficulté de la situation actuelle des intermittents du spectacle, les différentes dérives qui ont contribué à mettre à bas l'équilibre de leur régime d'assurance chômage ainsi que les conséquences politiques et économiques de l'annulation, cet été, de plusieurs festivals ;

- M. Jean Marc Ayrault dénonce les conditions d'agrément de l'accord du 26 juin 2003 modifiant le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle et souligne les conséquences dommageables de cet accord pour les professionnels du spectacle vivant et de l'audiovisuel.

La seconde exigence concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

Par lettres des 5 septembre, 30 et 31 octobre 2003, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait savoir à M. le Président de l'Assemblée nationale qu'il n'y a aucune procédure judiciaire en cours sur les faits ayant motivé le dépôt des trois propositions de résolution.

Les propositions de résolution sont donc recevables.

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Si les conditions de recevabilité semblent réunies, il reste à déterminer s'il convient, en opportunité, de créer ou non une commission d'enquête autour des thèmes de l'intermittence et de l'avenir du spectacle vivant et de la création audiovisuelle.

A. LES CHAMPS D'INVESTIGATION PROPOSÉS

· Depuis sa première mise en œuvre en 1969, le régime d'indemnisation chômage des intermittents du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel (annexes VIII et X de la convention UNEDIC) a pour vocation d'assurer aux salariés de ces secteurs des conditions de prise en charge adaptées aux caractéristiques des activités artistiques et des métiers du spectacle. Du fait des dérives financières, du doublement des allocataires depuis dix ans et des abus constatés depuis déjà longtemps et jamais réellement traités, ce régime était cependant sérieusement contesté, voire menacé de démantèlement par le MEDEF qui souhaitait renvoyer les intermittents du spectacle vers l'annexe IV de la convention UNEDIC, relative à l'emploi temporaire.

L'accord du 26 juin 2003 et son avenant du 8 juillet, signés par le MEDEF, la CGPME et l'UPA d'une part et la CFDT, la CGC et la CFTC d'autre part, ont permis de pérenniser l'essentiel du régime dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle. Cela constitue une véritable reconnaissance des particularités d'emploi dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel et du spectacle vivant, ce dont on ne peut que se féliciter.

Ces accords comportent des mesures restrictives par rapport au régime actuel (période d'affiliation - c'est-à-dire de réalisation des 507 heures - abaissée de douze à dix mois ou dix mois et demi, durée d'indemnisation abaissée de douze à huit mois) mais également une série d'avancées et de garanties, comme l'amélioration du niveau d'indemnisation, la réduction de la franchise ou la possibilité de concilier activités de formation et affiliation au régime. En revanche, ils ne contiennent pas de dispositions destinées à réglementer les conditions de travail ou à contrôler les abus, ce qui a pu leur être reproché.

Ces accords ont été agréés par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité le 7 août dernier et seront progressivement mis en œuvre à compter du 1er janvier prochain. Beaucoup de reproches ont été faits au gouvernement, et plus particulièrement au ministre de la culture et de la communication, au sujet de cet agrément. Mais le gouvernement n'avait pas à se substituer aux partenaires sociaux pour déterminer le contenu de la réglementation du régime d'assurance chômage.

L'autorité ministérielle en charge de l'agrément - en l'occurrence le ministre des affaires sociales - devait simplement s'assurer que les textes qui lui étaient soumis ne comportaient pas de stipulations contraires aux lois et règlements en vigueur, ce qui a été fait. En revanche, il ne lui appartenait pas de modifier l'équilibre des accords conclus entre les partenaires sociaux. Après la demande de renégociation présentée par le ministre de la culture et de la communication, qui a été satisfaite, l'agrément était donc inévitable. Comment faire autrement, sans aller à l'encontre de la volonté manifestée par la totalité des organisations d'employeurs et par trois des cinq organisations de salariés les plus représentatives au niveau national et interprofessionnel ?

Il n'y a donc pas lieu de réclamer la révision, l'annulation ou encore un moratoire sur un accord légalement négocié et agréé. Pour autant, la question du statut économique et social des intermittents du spectacle et, plus largement, de la place faite au spectacle vivant et à la création audiovisuelle dans notre pays n'est pas considérée comme réglée par le ministère de la culture, dont l'action s'oriente aujourd'hui autour de trois objectifs.

- Il faut tout d'abord répondre à ceux qui s'inquiètent des effets du nouveau régime de l'intermittence. Rappelons que la réforme sera mise en œuvre progressivement et que ses effets feront l'objet d'un suivi du gouvernement qui se réserve la possibilité de demander à l'UNEDIC, si nécessaire, d'apporter des ajustements à l'accord lors de son réexamen prévu fin 2005.

Le ministre de la culture et de la communication a par ailleurs réuni le 4 septembre dernier le Conseil national des professions du spectacle (CNPS), créé en 1993 par M. Jack Lang alors ministre de la culture, et composé de représentants des syndicats d'employeurs et de salariés du spectacle, de l'audiovisuel et du cinéma, des organismes sociaux, des collectivités locales ainsi que de l'administration. Le ministre a décidé de créer, au sein du CNPS, une commission permanente pour l'emploi, présidée par M. Claude Siebel, inspecteur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), président du groupe des métiers et de la prospective au Commissariat au Plan. Cette commission sera chargée d'assurer une meilleure connaissance de l'emploi dans les secteurs du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel, ainsi que de réfléchir à son amélioration ; elle permettra de disposer d'un outil statistique concernant le régime des intermittents qui fait aujourd'hui défaut.

- Le ministre de la culture et le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, ont ensuite décidé d'engager un plan de lutte contre les fraudes qui, comme le disent les intermittents eux-mêmes, sont en bonne partie responsables des dérives des comptes des annexes VIII et X. Des contrôles sur place ont été effectués dès cet été dans des entreprises et celles qui abusent des avantages de l'intermittence seront condamnées. Comme le spécifie le rapport annexé à la publication de l'agrément des annexes VIII et X au Journal officiel, « les contrôles seront facilités par de nouvelles dispositions législatives prises par ordonnances, qui autoriseront le croisement des fichiers des différents organismes sociaux et généraliseront le recours au guichet unique pour les employeurs du spectacle occasionnel. La délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal coordonnera les différents corps de contrôle impliqués (inspection du travail et URSAFF notamment). Par ailleurs, il appartient aux partenaires sociaux, comme la loi les y autorise, de préciser par la voie conventionnelle les usages du recours au CDD dans la profession. »1.

En outre, une mission de réflexion et d'analyse sur le recours à l'intermittence dans le secteur audiovisuel public a été confiée le 7 juillet 2003 à M. Bernard Gourinchas, président de l'Association des employeurs de l'audiovisuel public. A travers le recensement des pratiques observées et l'examen de leur conformité avec la législation en vigueur, la mission devrait aboutir à des recommandations sur les mesures à prendre, notamment en matière d'organisation du travail. Les directions générales des sociétés sont sollicitées dans le cadre de cette mission pour effectuer un bilan précis, proposer des solutions et un calendrier de mise en oeuvre. Les conclusions de M. Bernard Gourinchas sont attendues avant la fin de l'année.

- Enfin, le ministre de la culture et de la communication souhaite ouvrir un grand débat national sur les politiques publiques et les enjeux pour l'avenir du spectacle vivant. La crise que nous venons de traverser dépasse en effet le seul problème de l'intermittence. Elle révèle un malaise plus profond, qui impose une réflexion sur la place de l'artiste dans la société, sur l'économie de la production du spectacle, sur l'emploi artistique, sur les modes de financement public et sur les missions des structures et des équipes qui se consacrent au spectacle vivant.

Une première phase de consultation, d'écoute et de débats s'est déjà ouverte sous la conduite de M. Bernard Latarget, président de l'établissement public de la Villette, chargé le 4 septembre dernier par le ministre de la culture et de la communication de préparer des assises nationales du spectacle vivant pour janvier 2004. Ce rendez-vous doit permettre de refonder durablement et sur des bases explicites la politique publique dans ce secteur où État, collectivités territoriales et professionnels doivent assumer leurs responsabilités respectives. Les résultats de ces assises devraient notamment permettre de mettre en place d'ici au premier semestre 2004 un système d'aides à la création culturelle en faveur des jeunes artistes conformément aux orientations données par le Président de la République.

· MM. Dominique Paillé et Jean-Pierre Brard souhaitent qu'une commission d'enquête dresse un état des lieux des abus et des fraudes constatés dans l'utilisation du régime d'assurance chômage des intermittents. Mais ce travail est d'ores et déjà en cours. Est-il dès lors bien utile que les députés reprennent à zéro une investigation complexe et minutieuse déjà bien entamée, en ne disposant pour ce faire que d'un temps limité ? Pourquoi vouloir refaire au Parlement ce qui est déjà entrepris par les différents corps de contrôle concernés et qui relève d'ailleurs de leur responsabilité ? Un tel chevauchement d'investigations semble peu opportun et, d'expérience, se révèle rarement productif.

Quant à M. Jean-Marc Ayrault, il demande qu'une commission d'enquête soit crée pour analyser « la situation nouvelle des intermittents du spectacle vivant » ainsi que les conséquences économiques et sociales des accords sur le tissu culturel français. Cette préoccupation recoupe partiellement la mission confiée à M. Claude Siebel au sein du CNPS.

Par contre, les trois propositions de résolution se retrouvent pour affirmer que la représentation nationale ne saurait se désintéresser de l'avenir de tout un pan de la vie culturelle de notre pays aux résonances politiques, sociales et culturelles fort complexes. Leurs auteurs souhaitent donc que l'Assemblée nationale mène une réflexion sur le statut des professions artistiques et plus largement sur l'avenir du spectacle vivant dans notre pays.

Le rapporteur partage cette préoccupation qu'il considère comme tout à fait légitime. Le Parlement a en effet son mot à dire dans le grand débat national engagé par le ministère de la culture et notre commission, à la fois culturelle et sociale, est toute désignée pour mener une réflexion de fond sur la place que notre société fait aujourd'hui aux artistes et aux professionnels de la culture, sans d'ailleurs nécessairement se limiter au spectacle vivant et à la création audiovisuelle.

Il n'est cependant pas certain que la commission d'enquête soit l'organe le plus adapté pour mener ce travail de prospection. En effet, une telle structure est un dispositif lourd et contraignant, qui ne doit être utilisé qu'à bon escient.

B. L'OPPORTUNITÉ D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Une commission d'enquête est spécifiquement constituée pour rassembler des éléments sur des faits déterminés. Ce n'est donc pas le cadre idéal pour, comme le souhaite M. Dominique Paillé, « lancer un véritable débat » sur un sujet tout à la fois politique, culturel et social. Les commissions d'enquête ne sont pas, à l'origine, des outils de prospection et de réflexion parlementaires.

Il s'agit également de structures importantes, puisqu'elles peuvent comprendre jusqu'à trente membres, et non spécifiques à une seule commission. Dans le cas de la présente proposition de résolution, les préoccupations culturelles et sociales de notre commission pourraient donc se trouver « diluées » au sein d'une structure plus sensible à d'autres objectifs, par exemple financiers ou commerciaux.

Autre contrainte : une commission d'enquête est créée pour six mois, ce délai ne tenant pas compte des interruptions de travaux, qui seront pourtant nombreuses dans les prochains mois. La durée de travail « utile » pourrait donc s'en trouver nettement réduite, alors même que les auteurs des propositions de résolution soulignent la nécessité de prendre le temps de la réflexion.

Enfin, les commissions d'enquête entraînent des obligations particulièrement contraignantes et quasi-juridictionnelles : les témoins  sont tenus de déférer à une convocation (sous peine de deux ans de prison et de 7 500 euros d'amende), témoignent sous serment et ne peuvent s'opposer à la publication du procès verbal de leur audition.

Le rapporteur estime qu'un cadre aussi rigoureux n'est pas bien adapté à un travail parlementaire qui comporte, certes, une dimension d'enquête mais également et surtout un objet prospectif et de réflexion, sur lequel les parlementaires peuvent véritablement faire entendre leur différence.

Pour répondre aux objectifs des auteurs des trois propositions de résolution, une mission d'information, interne à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales semble en fait bien plus adaptée.

Ces structures ont, tout particulièrement en matière culturelle, déjà fait la preuve de l'intérêt d'un travail parlementaire mené de façon souple et informelle, sur une durée suffisante pour prendre la distance nécessaire par rapport à l'actualité. Elles ont, par le passé, permis à leurs membres d'acquérir une véritable connaissance du sujet et de formuler des propositions constructives et ouvertes. Avec des effectifs réduits, mais permettant une représentation de tous les groupes, il est en effet plus aisé de partager une même orientation dans la réflexion et de placer les échanges avec les témoins sur le terrain, sous le signe non pas de l'inquisition, mais de la confiance.

Le rapporteur est donc pour sa part favorable à la création, au sein de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, d'une mission d'information sur les métiers artistiques, chargée de mener une réflexion sur la formation, les conditions d'accès, l'exercice et la protection sociale des professions artistiques et des métiers du spectacle. Un tel sujet, tout en rassemblant les préoccupations des différentes propositions de résolution, permettrait en effet d'élargir la réflexion en s'intéressant à l'ensemble des professions artistiques et du spectacle, quels que soient leurs statuts et leurs secteurs d'activité, et ainsi de réaliser un véritable travail prospectif sur l'avenir des hommes et des femmes qui entretiennent, chaque jour, la vivacité et la diversité artistiques de notre pays.

Au bénéfice des observations qui viennent d'être formulées, le rapporteur conclut donc au rejet des propositions de résolution nos 1054, 1063 et 1099.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné, sur le rapport de M. Christian Kert, les présentes propositions de résolution au cours de sa séance du jeudi 6 novembre 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Dominique Richard s'est interrogé sur la notion de « métiers artistiques » utilisée par le rapporteur : quelle réalité recouvre-t-elle ?

M. Patrick Bloche a constaté que l'opposition et la majorité portent des jugements divergents sur le contenu des accords du 26 juin et sur le rôle devant être celui du gouvernement, mais se retrouvent pour considérer que la crise n'est pas terminée. On a aujourd'hui le sentiment d'une absence de débats et d'échange. Les professionnels du spectacle ne comprennent pas pourquoi les contre-propositions, qu'elles émanent des coordinations d'intermittents ou de syndicats, ou encore l'accord qui avait été signé le 15 juin 2000 par la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma (FESAC), côté employeur et la CGT et la CFDT côté salariés, ne sont pas pris en considération.

La représentation nationale a été amenée, en décembre 2001, à légiférer pour pérenniser les annexes VIII et X qui, sans cette intervention, n'étaient plus applicables. Un vrai débat avait alors eu lieu au Parlement, sans que l'intervention du législateur n'empiète sur les compétences des partenaires sociaux. De même, les modifications apportées au code du travail en 2002, sur l'initiative de M. François Fillon, afin d'augmenter les taux de cotisation chômage dans le cadre des annexes VIII et X ont été sérieusement discutées.

Malgré cela, on lit et on entend un peu partout que les politiques ne s'intéressent pas à la situation des intermittents et, plus largement, à l'avenir du spectacle vivant en France. Une insatisfaction générale domine donc sur ce sujet et le dépôt d'une demande de commission d'enquête s'appuyait sur la nécessité d'y voir un peu plus clair et de donner au Parlement les moyens de se faire une opinion sur ces questions. Le rapporteur propose de remplacer la commission d'enquête par une mission d'information propre à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, au champ d'investigation opportunément élargi à toutes les professions artistiques, qu'elles soient salariées ou indépendantes. C'est une grande ambition dont il convient de se féliciter. M. Christian Kert a même pris le risque d'évoquer la notion de « statut ». Mais tout le problème des intermittents, c'est justement l'absence de statut. C'est bien pourquoi l'application des accords du mois de juin dernier aurait pour effet immédiat l'exclusion d'un tiers des bénéficiaires actuels du régime des « congé spectacles ». La mission devra donc aussi être l'occasion d'une réflexion sur la place de l'artiste dans la société ainsi que sur la précarité caractérisant leurs emplois.

La proposition est tout à fait intéressante, dès lors que cette mission d'information sera dotée des outils d'expertise nécessaires. Elle permettra très certainement de faire la preuve, si le travail est bien mené, que les parlementaires s'intéressent et se préoccupent de l'avenir des artistes et des professionnels du spectacle qui entretiennent la diversité culturelle dans notre pays.

M. Jean-Pierre Brard a tout d'abord souligné les insuffisances de l'accord du 26 juin 2003, dont certains disent qu'il est mauvais, et d'autres qu'il est bon, tout en pensant qu'il ne l'est pas. En outre, les modalités de signature de cet accord vont à l'encontre de la politique du gouvernement, dans ce qu'elle peut avoir de positif, concernant les accords majoritaires.

Il devrait cependant être possible de se rejoindre autour de la proposition du rapporteur. Le champ de cette mission d'information, dont l'un de nos collègues a estimé qu'il est peut-être un peu trop large, présente au contraire l'avantage de lui permettre de ne pas autocensurer ses travaux. Il est en effet nécessaire de renouer le dialogue avec des catégories de professionnels blessés, qui contribuent pleinement au maintien de l'exception culturelle française. Si cette mission travaille de façon consensuelle, elle permettra de sortir de l'ornière.

Si le groupe communiste et républicain a proposé la création d'une commission d'enquête, c'est parce qu'il existe actuellement beaucoup de fraudes au régime des intermittents et qu'une commission d'enquête constitue en quelque sorte « un sérum de vérité ». Les témoins sont en effet tenus de déférer à une convocation et de témoigner sous serment. Elle permet également d'avoir accès à tous les documents nécessaires. Enfin, la création d'une mission information présenterait l'inconvénient de limiter sa composition aux seuls membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Pierre-Christophe Baguet s'est pour sa part félicité de la proposition du rapporteur, en rappelant que le groupe UDF a déjà demandé, au mois de juillet dernier, la création d'une mission d'information sur ce sujet, qui semblait alors la forme la mieux adaptée, dans un climat particulièrement tendu, pour répondre aux attentes fortes des professionnels. Alors qu'une incompréhension persiste entre le gouvernement et les professionnels concernés, la représentation nationale a un rôle essentiel à jouer pour faire fonction de lien entre ces deux discours parallèles.

La proposition du rapporteur soulève cependant trois sujets d'inquiétude :

- Il paraît tout d'abord regrettable d'annoncer d'emblée le « verrouillage » de l'accord de juin 2003, même si l'on peut également comprendre la volonté de ne pas faire naître des espoirs infondés quant à sa révision ;

- Il convient, d'autre part, de définir avec précision la place accordée à la mission, alors que le gouvernement a déjà annoncé cinq mesures sur ce sujet. A l'inverse de la mission d'information sur la création d'une chaîne française d'information à vocation internationale, il importe en effet que son travail soit réellement efficace et pris en compte par le gouvernement ;

- Enfin, le champ de la mission paraît excessivement large puisqu'il concerne l'ensemble des professions artistiques et du spectacle.

Sous ces trois réserves, le groupe UDF est favorable à la création de la mission d'information.

En réponse au différents intervenants, le rapporteur a précisé que les travaux de la mission d'information porteraient sur tous les artistes - ceux auxquels s'appliquent les annexes VIII et X de la convention UNEDIC (spectacle vivant, audiovisuel, cinéma) mais également les artistes indépendants (artistes plasticiens, écrivains) - ainsi que sur les techniciens du spectacle vivant et de l'audiovisuel.

M. Dominique Richard ayant souhaité savoir si les musiciens sont inclus dans le champ de la mission, le rapporteur a observé qu'il est difficile de ne pas les considérer comme des artistes.

M. Patrick Bloche a proposé d'introduire la notion d' « auteurs », qui permettrait d'inclure l'ensemble des professionnels indépendants, qu'ils soient écrivains ou compositeurs.

M. Pierre Morange, président, a rappelé qu'il appartiendra au bureau de la commission d'arrêter le champ d'investigation de la mission d'information.

Le rapporteur a approuvé la proposition de M. Patrick Bloche et a par ailleurs indiqué qu'il demanderait au ministre de la culture de préciser ses attentes concernant le rôle de la mission. De plus, à l'inverse de la mission d'information sur la création d'une chaîne française à vocation internationale, toutes les structures exécutives ont d'ores et déjà été créées : cela devrait permettre de mieux établir, dès le départ, la marge de manœuvre de l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, s'il semble difficile de revenir sur l'accord de juin 2003, la mission d'information aura, d'autre part, la possibilité d'établir des propositions dans la perspective de la renégociation de l'accord en 2005.

Rejoignant les propos tenus par M. Jean-Pierre Brard, M. Patrick Bloche a souhaité que la mission d'information puisse accueillir tous les députés souhaitant travailler sur le sujet, même si ils n'appartiennent pas à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il faudra, d'autre part, mobiliser tous les moyens d'expertise afin notamment de déterminer avec précision les conséquences financières de chaque proposition. Enfin, une attention particulière devra être portée à la composition de la mission d'information pour garantir le respect du pluralisme.

M. Pierre-Christophe Baguet a pour sa part jugé nécessaire de ne pas trop élargir la composition de la mission d'information aux membres de la commission des finances, dans la mesure où le problème des intermittents est trop souvent envisagé sous le seul angle financier et comptable.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté les trois propositions de résolution (nos 1054, 1063 et 1099).

N° 1203 - Rapport : commission d'enquête - intermittents du spectacle - avenir du spectacle vivant (M. Christian Kert)

1 JO lois et décrets du 7 août 2003, p. 13643


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