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le 21 novembre 2003

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N° 1217

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 novembre 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (N° 1168) de M. DIDIER MIGAUD ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, sur la recommandation de la Commission pour une décision du Conseil mettant la France en demeure, conformément à l'article 104, paragraphe 9, de prendre des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (n° E 2416),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur général,

Député.

--

Europe.

INTRODUCTION 5

I.- LE RECOURS CONTESTABLE À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE POUR REMETTRE EN CAUSE LES CHOIX BUDGÉTAIRES DE LA MAJORITÉ 7

A.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION PREND LE RISQUE D'AFFAIBLIR LA FRANCE DANS LES NÉGOCIATIONS EUROPÉENNES 7

B.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION S'APPARENTE A UNE INTERPELLATION DU GOUVERNEMENT ET IGNORE LES PRÉROGATIVES CONSTITUTIONNELLES DU PARLEMENT 11

II.- UNE DÉFIANCE MALVENUE À L'ÉGARD DE LA STRATÉGIE COHÉRENTE ET RESPONSABLE D'ASSAINISSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES MENÉE PAR LA MAJORITÉ 13

A.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION MÉCONNAÎT LA RESPONSABILITÉ DE L'OPPOSITION DANS L'APPARITION DE DÉFICITS PUBLICS EXCESSIFS 13

B.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION IGNORE LA COHÉRENCE DE LA STRATÉGIE D'ASSAINISSEMENT STRUCTUREL DES FINANCES PUBLIQUES MISE EN œUVRE DEPUIS MAI 2002 18

EXAMEN EN COMMISSION 23

Mesdames, Messieurs,

La Commission des finances est saisie d'une proposition de résolution sur la proposition de la Commission européenne recommandant au Conseil de l'Union de mettre la France en demeure de prendre des mesures visant à la réduction du déficit jugé nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif.

En application de l'article 88-4 de la Constitution, les assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions sur tout projet ou proposition d'acte communautaire. Les résolutions adoptées sont ensuite transmises au Gouvernement qui informe l'assemblée des suites qui leur sont données.

Les articles 151-1 à 151-4 du Règlement de l'Assemblée nationale ont défini la procédure d'adoption de ces résolutions. Les documents européens, soumis par le Gouvernement aux assemblées dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, peuvent faire l'objet de proposition de résolution à l'initiative de tout député. Cette proposition est transmise à l'une des six commissions permanentes saisie au fond, qui peut soit l'adopter sans modification, soit l'amender, soit la rejeter.

Une résolution adoptée par la Commission peut devenir définitive si, dans les huit jours suivant la distribution de son rapport, aucune demande d'inscription à l'ordre du jour n'a été présentée par le Gouvernement, le président d'un groupe, d'une commission permanente ou de la délégation pour l'Union européenne. De même, lorsque la proposition de résolution est rejetée, ces quatre mêmes autorités peuvent demander, dans le même délai, une inscription à l'ordre du jour.

La proposition de résolution dont la Commission des finances est saisie marque un nouvel usage de la faculté ouverte à l'Assemblée nationale de se prononcer sur les actes communautaires. Le texte soumis à notre examen apparaît en effet très largement dicté par des considérations de politique intérieure au risque d'affaiblir la France dans la délicate négociation engagée avec ses partenaires européens relative aux déficits excessifs, procédure dans l'engagement de laquelle l'ancienne majorité porte une responsabilité déterminante.

I.- LE RECOURS CONTESTABLE À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE POUR REMETTRE EN CAUSE LES CHOIX BUDGÉTAIRES DE LA MAJORITÉ

A.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION PREND LE RISQUE D'AFFAIBLIR LA FRANCE DANS LES NÉGOCIATIONS EUROPÉENNES

· L'acte communautaire qui motive la proposition de résolution est la troisième étape de la procédure de déficits excessifs engagée à l'encontre de la France, en application de l'article 104 du Traité instituant la Communauté européenne et du règlement n° 1467/97/CE du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

ÉTAPES DE LA PROCÉDURE POUR DÉFICITS EXCESSIFS DÉFINIE À L'ARTICLE 104 DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

Etapes

Autorité

Action

Précédents

Dans les trois mois suivant la notification par l'Etat membre du déficit

Le Conseil, à la majorité qualifiée (l'Etat membre concerné ne participant pas au vote)

Décide s'il y a ou non un déficit excessif, et, le cas échéant, adresse des recommandations (non rendues publiques) à l'Etat membre lui intimant de faire disparaître le déficit excessif dans l'année suivant la constatation du dépassement (article 104 §6 et 7)

- Avis de la Commission sur l'existence d'un déficit excessif : pour le Portugal le 16 octobre 2002, l'Allemagne le 8 janvier 2003 et la France le 7 mai 2003

- Décision du Conseil constatant l'existence d'un déficit excessif et recommandations : pour le Portugal le 5 novembre 2002, l'Allemagne le 21 janvier 2003 et la France le 3 juin 2003

Si dans les 4 mois suivant la constatation du déficit excessif, aucune « action suivie d'effets » n'a été prise

Rend publiques ses recommandations et adopte une décision constatant l'absence d'action suivie d'effets.

- Proposition de la Commission en vue d'une décision du Conseil : pour la France le 8 octobre 2003

Dans le délai d'un mois après la constatation d'absence de mesures de redressement

Adresse une mise en demeure à l'Etat membre concerné

- Proposition de la Commission en vue d'une décision du Conseil : pour la France le 21 octobre 2003

Au plus tard deux mois après la mise en demeure, si l'Etat membre ne se conforme pas aux décisions du Conseil

Peut décider d'imposer des sanctions, prenant d'abord la forme d'un dépôt sans intérêt auprès de la Communauté comprenant :

- un élément fixe de 0,2 point de PIB

- un élément variable égal à un dixième de la différence entre le déficit et 3% (par exemple 0,01 point de PIB pour un déficit de 3,1 points de PIB)

l'ensemble dans la limite de 0,5 point de PIB

Dans les deux années suivant l'apparition du déficit excessif

- Peut décider que le déficit excessif a été corrigé (le règlement ne fixe aucun seuil pour cette appréciation)

- Peut abroger tout ou partie des sanctions en fonction « de l'importance des progrès réalisés »

A l'expiration des deux années suivant l'apparition du déficit

S'il estime que le déficit n'a pas été corrigé, décide « en principe » de convertir le dépôt en amende et de répartir son produit entre les États membres au prorata de leur part dans le PNB de la zone euro

Le 2 avril 2003, la Commission, constatant sur la base des données publiées par Eurostat le 17 mars 2003 que le déficit des administrations publiques françaises s'est élevé à 3,1% du PIB en 2002, a adopté le rapport prévu à l'article 104 paragraphe 3 du Traité et, le 7 mai 2003, après avoir pris connaissance de l'avis du Comité économique et financier, elle a conclu à l'existence d'un déficit excessif. Le 3 juin 2003, le Conseil a pris une décision en ce sens sur le fondement de l'article 104 paragraphe 6 et adressé une recommandation demandant à la France de prendre des mesures dans les trois mois pour mettre fin au déficit excessif dès 2003 et de réduire la composante structurelle du déficit de 0,5 point de PIB en 2004.

A l'expiration de ce délai, la Commission a publié une recommandation au Conseil demandant à celui-ci de constater que « la France n'a pris aucune action suivie d'effets en réponse à la recommandation du Conseil adoptée le 3 juin 2003, dans le délai prescrit par cette recommandation » en application de l'article 104 paragraphe 8 du Traité. Puis, le 21 octobre, elle a publié une proposition de recommandation du Conseil l'invitant à demander à la France de prendre de nouvelles mesures pour réduire son déficit public et remédier à la situation de déficit excessif (article 104 paragraphe 9 du Traité). Cette dernière proposition, qui motive la proposition de résolution soumise à notre examen, est articulée autour de trois principales dispositions :

- la proposition prend acte, au regard de l'ampleur du ralentissement conjoncturel, mais aussi des efforts structurels auxquels la France s'est engagée s'agissant notamment de l'assurance maladie, de la détérioration « soudaine et marquée » de la conjoncture économique et propose donc de reporter à 2005 l'objectif de réduction du déficit en dessous de 3% du PIB. Il convient cependant de remarquer que l'article 3 de la proposition dispose que la France doit assurer la poursuite de l'assainissement budgétaire après 2005 par une réduction pérenne du solde structurel de 0,5 point de PIB par an ;

- cependant, la Commission considère que « l'ajustement budgétaire nécessaire en 2004 est plus important que ce que prévoit le projet de budget pour 2004. Elle recommande notamment de réduire le déficit corrigé des variations conjoncturelles de 1 point de pourcentage du PIB en 2004, ce qui implique de prendre des mesures de réduction supplémentaires équivalant à environ 0,4% du PIB ». Parallèlement, la proposition de recommandation demande à la France d'affecter à la réduction des déficits ses éventuels surcroîts de recettes liés à la reprise de l'activité ;

- enfin, il est demandé à la France de soumettre le 15 décembre 2003 à la Commission européenne un rapport présentant les décisions annoncées en vue de se conformer aux recommandations du Conseil, puis, tous les six mois jusqu'en octobre 2005, de présenter des rapports d'exécution rendant compte des progrès accomplis dans leur mise en œuvre.

· La proposition de résolution qui est soumise à la Commission des finances ignore cependant des éléments essentiels de la procédure pour déficit excessif.

- Il convient en premier lieu de rappeler que l'ensemble de la procédure relève de l'appréciation du Conseil, autorité politique, qui décide à chaque étape, à la majorité qualifiée, des suites à lui donner. Bien qu'il ne prenne pas part au vote, l'Etat membre accusant un déficit excessif participe aux débats qui le précèdent, avançant tous arguments utiles au Conseil pour forger sa conviction. Conformément à l'esprit du pacte de stabilité, le Conseil statue souverainement, jugeant le cas échéant de la qualité de la coopération de l'Etat confronté à un déficit excessif, et il n'est nullement tenu à une interprétation littérale de la procédure.

En outre, il convient de remarquer que la pratique de la Commission et du Conseil en matière de procédure pour déficits excessifs se construit progressivement, dans le contexte difficile d'une atonie économique marquée dans la zone euro. Trois États membres, représentant 55% du PIB de l'Union économique et monétaire, l'Allemagne, la France et le Portugal, présentent des déficits supérieurs à 3% du PIB. Dans ce contexte évolutif, les interprétations relatives à la dimension dissuasive du pacte de stabilité et de croissance, comme celles concernant l'automaticité du déroulement de la procédure, sont parfois contradictoires et font l'objet de vifs débats au sein des institutions européennes. Le 4 novembre 2003, le Conseil a ainsi décidé de reporter au 25 novembre l'examen de la proposition de recommandation présentée par la Commission, de façon à permettre à la France de porter à sa connaissance le détail de son programme d'assainissement budgétaire d'ici 2005.

Dès lors, au regard de ces éléments, il apparaît tout à fait inopportun de fragiliser la position de la France dans les négociations constructives qu'elles mènent avec ses partenaires. Une résolution de la nature de celle qui est proposée à la Commission des finances marquerait en effet une défiance tout à fait malvenue à l'égard des choix budgétaires défendus par le Gouvernement, dont la cohérence sera examinée dans la seconde partie du présent rapport.

- En deuxième lieu, les termes de « tutelle exercée par le Conseil et la Commission sur les finances publiques françaises » employés dans la proposition de résolution sont en contradiction avec l'esprit comme la pratique de la discipline commune des États membres que formalise la procédure pour déficits excessifs. Dans une zone monétaire intégrée, il est évident que les conditions de l'équilibre des finances publiques dans chaque État sont de l'intérêt commun de l'ensemble des participants à la monnaie unique. Cela est vrai notamment au regard de la cohérence du policy-mix de la zone euro, la politique monétaire unique étant affectée par les comportements budgétaires des États membres.

Il est vain, dans cet esprit, de parler, comme le fait la proposition de résolution qui est soumise à l'examen de la Commission, de « tutelle » européenne. Le droit de regard sur les programmes budgétaires des États membres conféré aux institutions communautaires, comme les procédures d'examen collectif et contradictoire des politiques économiques nationales, sont en effet les conditions naturelles et légitimes du fonctionnement régulier de l'Union économique et monétaire. Lorsque la Commission demande des précisions complémentaires à un Etat, ou propose, comme elle le fait dans la recommandation de mise en demeure du Conseil, que cet Etat fournisse des rapports semestriels présentant les progrès accomplis en matière de résorption des déficits publics, elle ne fait qu'approfondir ce droit légitime d'information, qui passe par ailleurs, sans que cela ne soulève d'indignation outragée, par la communication annuelle des programmes pluriannuels des finances publiques.

De même, il faut rappeler que la Commission est dans son rôle de gardienne des traités en proposant au Conseil d'enclencher chacune des étapes de la procédure pour déficits excessifs. Sa rigueur stricte, qui n'est cependant pas exempte de souplesse, comme le montre la recommandation de repousser à 2005 l'objectif de réduction par la France du déficit public en dessous de 3% du PIB, est consubstantielle à l'exercice des prérogatives qu'elle tient des traités.

- En dernier lieu, la proposition de résolution ignore la cohérence de la position française dans l'application de la procédure pour déficits excessifs. Une application « mécanique » du pacte de stabilité, dans laquelle chacune des étapes allant vers les sanctions serait enclenchée de manière automatique, constituerait pour votre Rapporteur général une approche totalement contreproductive. S'il est en effet indispensable de prévoir des mécanismes aptes à sanctionner un Etat menant une politique budgétaire non coopérative susceptible d'engendrer des effets négatifs pour l'ensemble de la zone, il apparaît en revanche inopportun de ne pas tenir compte dans leur application de la qualité de la consolidation budgétaire obtenue par l'Etat concerné et de l'adéquation des efforts d'assainissement avec la capacité de l'économie nationale à en supporter la mise en oeuvre. C'est pourquoi votre Rapporteur général considère les décisions fondées sur le pacte de stabilité comme des actes de nature intrinsèquement politique, résultant d'une confrontation débattue et argumentée de la situation des finances publiques, des mesures mises en œuvre en matière d'assainissement structurel, et du contexte conjoncturel qui détermine le rythme optimal de la consolidation. Il faut à cet égard comparer les conséquences économiques de la dégradation des déficits publics - et le caractère très accommodant des conditions monétaires de la zone, notamment en matière de taux d'intérêt, montre que les déficits publics excessifs des deux principales économies de l'Union ne sont pas considérés comme insoutenables par les marchés financiers - à celles d'un ajustement trop brutal freinant l'activité économique.

Dans cet esprit, la France avance que l'ampleur de l'effort structurel qu'elle consent, comme la détermination avec laquelle elle mène des réformes structurelles indispensables mais trop longtemps différées, sont autant de gages de la qualité de sa coopération budgétaire. Votre Rapporteur général considère que cette approche est la bonne, et il montrera dans la seconde partie du présent rapport combien cet assainissement résolu et équilibré des finances publiques replace la France dans une trajectoire conforme au respect plein et entier de l'esprit du pacte de stabilité, comme, bientôt, de sa lettre.

B.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION S'APPARENTE A UNE INTERPELLATION DU GOUVERNEMENT ET IGNORE LES PRÉROGATIVES CONSTITUTIONNELLES DU PARLEMENT

Il faut en outre souligner, à ce stade, que le recours à la procédure de l'article 88-4 de la Constitution est peu conforme à l'esprit comme à la lettre des institutions.

Tout d'abord, la proposition de résolution qui nous est soumise ignore les prérogatives constitutionnelles du Parlement, qu'elle entend paradoxalement défendre. L'Assemblée nationale a défini la politique budgétaire de la Nation en 2004 en adoptant en première lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale le 4 novembre 2003 et le projet de loi de finances pour 2004 le 18 novembre 2003. Le Gouvernement a souligné qu'il n'y aurait en aucun cas lieu de remettre en cause la volonté de la représentation nationale. Et, conformément à la Constitution, toute modification de l'équilibre des lois de finances et de financement de la sécurité sociale appelle par définition un examen du Parlement, sans qu'il soit nécessaire d'enjoindre au Gouvernement de respecter ses devoirs constitutionnels.

Par ailleurs, à de nombreuses reprises, le texte qui vous est soumis somme le Gouvernement de renoncer à la politique économique et sociale que la majorité mène conformément au mandat qu'elle a reçu des Français en mai 2002. La proposition de résolution l'invite à « renoncer à sa politique d'allégements fiscaux » et à « développer une véritable stratégie fiscale et à mettre en œuvre une politique économique et budgétaire qui soutienne la consommation et la croissance ». Ces dispositions s'apparentent à une interpellation du Gouvernement, contraire à l'esprit comme à la lettre de la Vème République. On rappellera en effet que le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision n° 92-314 du 17 décembre 1992 portant sur l'examen de la résolution du 18 novembre 1992 complétant le Règlement de l'Assemblée nationale pour l'application de l'article 88-4 de la Constitution, que « le vote par chaque assemblée d'une résolution concernant une proposition d'acte communautaire ne saurait ni porter atteinte aux prérogatives que le Gouvernement tient de la Constitution, ni conduire à la mise en cause de sa responsabilité ». Cette interprétation s'inscrit dans la ligne de la décision n° 59-2 du 26 juin 1959, dans laquelle le Conseil rappelait que « dans la mesure où les propositions de résolution tendraient à orienter ou à contrôler l'action gouvernementale, leur pratique serait contraire aux dispositions de la Constitution ».

II.- UNE DÉFIANCE MALVENUE À L'ÉGARD DE LA STRATÉGIE COHÉRENTE ET RESPONSABLE D'ASSAINISSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES
MENÉE PAR LA MAJORITÉ

Les arguments avancés par l'opposition pour justifier l'adoption de la proposition de résolution sont, sur le fonds, paradoxaux. Le texte qui nous est soumis se livre à une critique du Gouvernement sur des faits pour lesquels l'opposition porte une responsabilité déterminante. Il revient en effet à la nouvelle majorité d'assumer devant nos partenaires européens la responsabilité des efforts insuffisants consentis par la précédente majorité dans des années de croissance exceptionnelle, et alors même que le Gouvernement dirigé par Jean-Pierre Raffarin s'est engagé avec courage et énergie dans un processus vertueux d'assainissement des finances publiques qui tranche nettement avec les pratiques du passé.

A.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION MÉCONNAÎT LA RESPONSABILITÉ DE L'OPPOSITION DANS L'APPARITION DE DÉFICITS PUBLICS EXCESSIFS

Votre Rapporteur général rappelle qu'entre 1997 et 2002, la position relative de la France par rapport à ses partenaires européens en matière d'assainissement des finances publiques s'est continûment dégradée.

Le rapport d'avril 2003 de la Commission européenne soulignait ainsi que le dépassement du seuil de 3% est étroitement lié « au coup d'arrêt donné au processus d'assainissement budgétaire en 1999, ce qui a laissé les finances publiques françaises dans une position très vulnérable ».

DÉFICIT STRUCTUREL ET DÉFICIT CONJONCTUREL EN FRANCE

(en % du PIB, hors licences UMTS)

graphique

Le graphique ci-dessus montre que l'essentiel de l'effort de réduction des déficits publics dans notre pays a été consenti entre 1995 et 1997, années durant lesquelles sa part structurelle a été réduite de 2,5 points de PIB dans un environnement économique fragile. Cet effort d'assainissement s'est brutalement interrompu ensuite, le déficit structurel restant proche de 2,5 points de PIB entre 1997 et 2001. Il est vrai qu'une conjoncture favorable, augmentant notamment de près de 25% les recettes fiscales nettes de l'Etat sur la période, a masqué la dérive sous-jacente des finances publiques. Le solde conjoncturel a ainsi atteint 1% du PIB en 2000 et 2001, induisant une réduction « optique » des déficits publics de 1,5 point de PIB.

Cette médiocre performance a placé la France dans une position peu enviable au palmarès européen de la consolidation budgétaire.

Certes, en apparence, l'écart n'est pas si grand entre la légère dégradation constatée pour la France en matière d'évolution de son solde effectif (- 0,1 point de PIB entre 1997 et 2002) et la relative amélioration observée pour l'ensemble de la zone euro (+ 0,4 point de PIB).

L'AJUSTEMENT DES FINANCES PUBLIQUES ENTRE 1997 ET 2002
DANS L'UNION EUROPÉENNE

(en % du PIB, hors licences UMTS)

France

Zone euro

UE-15

Evolution du déficit public

+ 0,1

- 0,4

- 0,6

- dont déficit conjoncturel

(- 1,1)

(- 0,5)

(- 0,4)

- dont déficit structurel

(+ 1,2)

(+ 0,1)

(- 0,2)

Evolution des recettes

- 1,5

- 1,5

- 1,3

Evolution des dépenses

- 1,5

- 1,9

- 1,9

- dont variation des dépenses d'intérêts

(- 0,5)

(- 1,6)

(- 1,7)

- dont variation des dépenses hors intérêts

(- 1,0)

(-  0,3)

(- 0,2)

Source : Commission européenne.

· Cependant, une comparaison de cette nature est intrinsèquement faussée par le poids conjugué de l'Allemagne et de la France dans les statistiques pondérées de la zone euro, nécessairement tirées vers le bas par les résultats insuffisants de ces deux États. En outre, les performances de l'Irlande et du Luxembourg doivent être nuancées par le niveau absolu de leur solde public en 2002, équilibré pour le premier Etat (0% du PIB) et très largement excédentaire pour le second (+ 2,5% du PIB).

EVOLUTION DU SOLDE PUBLIC EFFECTIF ENTRE 1997 ET 2002

(en points de PIB)

graphique

Source : Commission européenne.

En conséquence, la place relative de la France en matière de dette publique s'est dégradée. Comme le montre le tableau ci-après, notre pays est passé du troisième rang européen en matière d'endettement en 1996 au dixième en 2002. Dès lors, la France, qui bénéficiait jusqu'alors d'une situation très favorable au regard des ratios d'endettement public (avec une dette publique inférieure de 22 points de PIB à celle de la zone euro en 1993), est sur la voie de perdre son avantage comparatif à un rythme rapide.

DETTE PUBLIQUE AU SENS DU TRAITÉ DE MAASTRICHT ENTRE 1996 ET 2002

Dette publique (en pourcentage du PIB)

Effort de consolidation en matière d'endettement public (en point de PIB)

1996

2002

1996-2002

Union européenne

72,6

Union européenne

62,5

Union européenne

- 10,1

Zone euro

74,4

Zone euro

69,1

Zone euro

- 5,3

Positions relatives des États membres

Luxembourg

6,2

Luxembourg

8,1

Suède

- 44,9

Royaume-Uni

52,7

Irlande

34,0

Irlande

- 40,3

France

57,1

Royaume-Uni

38,6

Belgique

- 25,5

Finlande

57,1

Finlande

42,7

Pays-Bas

- 22,6

Allemagne

59,8

Danemark

45,2

Danemark

- 19,9

Portugal

62,7

Suède

31,1

Italie

- 15,4

Danemark

65,1

Pays-Bas

52,6

Finlande

- 14,4

Espagne

68,2

Espagne

54,0

Espagne

- 14,2

Autriche

69,1

Portugal

58,0

Royaume-Uni

- 14,1

Irlande

74,3

France

59,1

Grèce

- 6,5

Pays-Bas

75,2

Allemagne

60,8

Portugal

- 4,7

Suède

76,0

Autriche

67,9

Autriche

- 1,2

Grèce

111,3

Grèce

104,8

Allemagne

+ 1,0

Italie

122,1

Belgique

105,4

Luxembourg

+ 1,9

Belgique

130,9

Italie

106,7

France

+ 2,0

· Ainsi, malgré une progression spontanée des prélèvements obligatoires de près de 2 points de PIB entre 1997 et 2001, le précédent Gouvernement n'a pas su s'attaquer aux causes de la dérive structurelle des finances publiques. Entre 1997 et 2002, le déficit structurel des administrations publiques s'est creusé de 1,2 point de PIB dans notre pays tandis qu'il restait stable dans la zone euro (+ 0,1 point de PIB) et se réduisait dans l'ensemble de l'Union européenne à 15 (- 0,2 point de PIB). L'analyse comparée des performances des États membres montre, une nouvelle fois, l'insuffisance manifeste de la consolidation budgétaire menée en France depuis 1997, en dépit de l'environnement économique très favorable qui a présidé à la période.

ÉVOLUTION DU SOLDE STRUCTUREL ENTRE 1997 ET 2002

(en points de PIB)

graphique

Source : Commission européenne.

En outre, les déterminants de l'évolution du déficit structurel mettent en évidence le caractère relativement atypique de la stratégie budgétaire suivie par la France jusqu'en 2002.

DÉTERMINANTS DE L'ÉVOLUTION STRUCTURELLE DES SOLDES PUBLICS
ENTRE 1997 ET 2002

Evolution des recettes structurelles

Evolution des dépenses structurelles

Total : évolution du déficit structurel

France

- 2,3

- 1,1

+ 1,2

Zone euro

- 2,0

- 1,9

+ 0,1

Source : Commission européenne.

Le tableau ci-dessus montre en effet que la France a poursuivi une politique d'allégements de prélèvements très prononcée, réduisant leur part structurelle de
- 2,3 points de PIB. Cependant, à la différence de ses partenaires européens, le précédent Gouvernement n'a pas su accompagner ces baisses d'impôts d'un effort corrélatif de maîtrise des dépenses publiques. Ces dernières n'ont diminué structurellement que de - 1,1 point de PIB, contre un effort consenti par l'ensemble des États membres de la zone euro de -
 1,9 point de PIB. Dès lors, la baisse des prélèvements a très largement excédé les capacités des administrations publiques françaises à en supporter le coût.

Par ailleurs, la réduction structurelle des dépenses publiques en France a emprunté des formes originales par rapport aux évolutions observées dans les autres États membres. Tandis que ces derniers faisaient porter leur effort sur l'une des composantes les plus rigides de la dépense, les charges de personnel, qui ont diminué de 0,5 point de PIB dans la zone euro contre une quasi-stabilité dans notre pays (- 0,1 point), la France a pour sa part adossé sa relative consolidation budgétaire sur les moyens de fonctionnement de l'administration et sur les crédits consacrés à la défense nationale (- 0,6 point de PIB contre - 0,2 point dans la zone euro), c'est-à-dire sur des postes de dépenses plus aisées à contenir, mais dont la diminution de la part relative nuit le plus fortement à l'efficacité des administrations.

· En dernier lieu, votre Rapporteur général rappelle que les indicateurs en termes de déficit structurel ne donnent qu'un aperçu incomplet du relâchement discrétionnaire des finances publiques entre 1999 et 2002. En effet, la référence internationale au « solde structurel », qui repose en pratique sur la double hypothèse contestable que les recettes conjoncturelles évoluent au même rythme que le PIB et que les dépenses - à l'exception des transferts sociaux sensibles à l'environnement économique comme les prestations d'indemnisation du chômage - sont indifférentes à la conjoncture, ne permet pas de mesurer pleinement l'effort d'assainissement entrepris par les administrations publiques.

Tout d'abord, en effet, les effets d'élasticité des recettes publiques ne sont pas considérés comme relevant du solde conjoncturel. S'il est vrai qu'à long terme, les prélèvements obligatoires évoluent spontanément au même rythme que la richesse nationale mesurée par le PIB, en revanche, à court terme, leur élasticité au PIB peut varier dans des proportions importantes. Retenir l'hypothèse d'une élasticité unitaire revient donc à répercuter entièrement en variations du solde structurel les fluctuations de l'élasticité des recettes, alors même que ces variations s'expliquent largement par la position dans le cycle économique. De même, de nombreuses recettes non assises directement sur les revenus des agents économiques sont traitées comme structurelles, quand bien même elles sont étroitement dépendantes de la conjoncture économique, comme une part essentielle des recettes non fiscales de l'Etat - les dividendes des entreprises publiques notamment.

Afin de pallier les insuffisances du concept de déficit structurel, il est possible de recourir à un indicateur retraçant les seuls effets de maîtrise des dépenses et de mesures nouvelles en termes de prélèvements obligatoires. Cet « effort structurel » ou « variation discrétionnaire du solde structurel » éclaire la nature de la politique menée entre 1999 et 2002. Son évolution est éloquente : entre 1999 et 2001, le relâchement discrétionnaire des finances publiques a atteint 2,1 points de PIB, une quasi-stabilité de la part de la dépense publique dans le PIB
(- 0,1 point de PIB) malgré des allégements d'impôts non financés atteignant sur la période 2,2 points de PIB. Mais, du fait d'une élasticité des recettes temporairement très supérieure à 1, la dégradation corrélative du solde structurel s'est « limitée » à 1 point de PIB. Dès lors qu'en 2002, l'élasticité des recettes s'est fortement tassée, l'effet de ciseau entre des dépenses publiques insuffisamment maîtrisées et des recettes structurellement réduites s'est révélé en pleine lumière, l'effort structurel comme le solde structurel, prolongeant la tendance observée depuis 1999, se réduisant de 1 point de PIB

B.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION IGNORE LA COHÉRENCE DE LA STRATÉGIE D'ASSAINISSEMENT STRUCTUREL DES FINANCES PUBLIQUES MISE EN œUVRE DEPUIS MAI 2002

A l'inverse, depuis mai 2002, la nouvelle majorité a mis en œuvre une stratégie de redressement des finances publiques dont la crédibilité renforce la position française auprès des autorités communautaires.

La politique du Gouvernement repose en effet sur trois piliers cohérents.

· Tout d'abord, dans le respect de nos engagements européens, un effort considérable d'assainissement structurel est d'ores et déjà engagé en 2003 comme en 2004. Inversant la tendance observée depuis 1997, le déficit structurel des administrations publiques se réduirait de 0,1 point de PIB dès 2003, et de 0,7 point de PIB en 2004, soit 0,2 point de plus que la variation recommandée par le Conseil de l'Union européenne en juin 2003. Certes, la portée de cette discipline est masquée par l'ampleur du ralentissement économique, que le Gouvernement, rompant avec des pratiques passées, évalue avec rigueur, prudence et réalisme : en 2003, la croissance ne devrait pas dépasser 0,5%, pour renouer très progressivement avec son potentiel courant 2004 (+ 1,7% cependant sur l'année). Votre Rapporteur général souligne, en outre, que l'élasticité des recettes fiscales, très inférieure à l'unité en 2003 (0,3) comme en 2004 (0,6), dissimule l'ampleur de l'effort structurel (1), évalué à 0,5 point de PIB en 2003 et 0,8 point de PIB en 2004. Ainsi, comme le montre le graphique ci-après, la France se situerait en première position européenne en termes de consolidation budgétaire.

graphique

· Cependant, l'effort structurel consenti en 2004 est le point d'équilibre entre la volonté affirmée de placer nos finances publiques sur une trajectoire d'assainissement durable et la nécessité impérieuse de ne pas fragiliser la reprise économique qui s'amorce. C'est ce souci qui a guidé l'élaboration comme la discussion des choix budgétaires pour 2004 et les deux grandes modalités qu'ils ont revêtus : réduire la dépense plutôt qu'alourdir les prélèvements ; préférer un assainissement progressif plutôt qu'une « thérapie de choc » appliquée sans discernement.

Le choix de ne pas alourdir les prélèvements obligatoires, mais à l'inverse de persévérer dans leur réduction durable, répond à cette préoccupation essentielle. Il faut rappeler que la Commission européenne elle-même a mis en évidence, dans son rapport sur les finances publiques dans l'Union économique et monétaire pour 2003, l'impact potentiellement récessif d'une consolidation budgétaire brutale via l'alourdissement de la fiscalité. Le tableau ci-après, construit à partir d'un modèle macroéconomique intégrant les anticipations des agents économiques et des comportements d'optimisation intertemporelle (modèle QUEST), montre ainsi qu'une hausse structurelle de 1 point de PIB de la fiscalité réduit la croissance de l'économie de 0,30 point en moyenne la première année et de 0,35 point l'année suivante. En outre, l'effet récessif d'un ajustement budgétaire par augmentation des prélèvements pèse de manière pérenne sur la croissance potentielle de l'économie, puisque ses effets sont notables plus de dix ans après sa mise en œuvre.

IMPACT D'UNE HAUSSE DE 1 POINT DE PIB DE LA FISCALITÉ
SUR LE TAUX DE CROISSANCE DU PIB

(en point de croissance)

Première année

Deuxième année

Cinquième année

Dixième année

Fiscalité sur les revenus du travail

- 0,36

- 0,47

- 0,31

- 0,09

TVA

- 0,14

- 0,21

- 0,51

- 0,63

Fiscalité sur les entreprises

- 0,34

- 0,23

- 0,31

- 0,09

Source : Commission européenne, rapport sur les finances publiques dans l'UEM, 2003.

Votre Rapporteur général relève en outre que l'expérience du Portugal, qui a brutalement réduit son déficit public de 4,2% du PIB en 2001 à 3% dès 2002, au prix d'un sévère accroissement des prélèvements obligatoires, et subi en contrepartie un recul de 2% de sa croissance en rythme annualisé au troisième trimestre 2002 encore amplifié par une réduction du PIB en volume estimée à - 0,8% en 2003, plaide manifestement pour une prudence raisonnée dans le choix du rythme des ajustements budgétaires.

La majorité a par conséquent décidé de faire porter l'assainissement budgétaire sur la dépense publique. Le freinage de la dépense en 2004 est très marqué, puisqu'elle ne progresserait pour l'ensemble des administrations publiques que de 1,1% en volume, avec une progression nulle des dépenses du budget général. Pour autant, cette performance résulte moins de la fixation d'un chiffre prédéterminé de manière idéologique que de l'aboutissement d'une confrontation rigoureuse des dépenses à leur efficacité relative et d'une recherche responsable et pondérée des foyers d'économie susceptibles d'alléger le poids des charges publiques. En la matière, les simulations de la Commission européenne mettent de même en garde contre l'impact récessif d'un ajustement brutal des dépenses appliqué sans discernement.

IMPACT D'UNE BAISSE DE 1 POINT DE PIB DES DÉPENSES PUBLIQUES
SUR LE TAUX DE CROISSANCE DU PIB

(en point de croissance)

Première année

Deuxième année

Cinquième année

Dixième année

Réduction des transferts aux ménages

réduction temporaire

- 0,21

0,04

0,02

0,12

réduction permanente

- 0,20

- 0,15

- 0,06

0,19

Réduction des dépenses de personnel de l'Etat

réduction temporaire

- 1,21

0,21

0,10

0,12

réduction permanente

- 0,93

- 0,59

0,16

0,63

Source : Commission européenne, rapport sur les finances publiques dans l'UEM, 2003.

· Enfin, la politique budgétaire de la majorité s'inscrit pleinement dans une logique d'assainissement durable des finances publiques.

En témoignent tout d'abord la définition et le respect de règles budgétaires simples et responsables.

La première d'entre elles est l'évaluation réaliste et prudente des ressources publiques. Cela implique d'appuyer les prévisions sur des perspectives économiques crédibles. Il faut relever à cet égard que la Commission européenne, dans les considérants de sa proposition de résolution, prend acte de la qualité de la prévision de croissance de 1,7% inscrite dans le projet de loi de finances pour 2004. Le net redressement de l'économie au troisième trimestre 2003 (+ 1,6% en rythme annuel) met par ailleurs en évidence le caractère très prudent de la prévision arrêtée en préalable à la détermination de l'équilibre du budget pour 2004.

Mais cela implique aussi de ne pas dilapider les fruits de la croissance en phase haute du cycle. Conformément aux dispositions de la proposition de recommandation de la Commission, le Gouvernement s'est ainsi engagé à affecter l'intégralité des « bonnes surprises » éventuellement constatées en recettes à la réduction des déficits. Cette discipline tranche nettement avec les pratiques du passé.

Témoigne aussi de la qualité de l'assainissement structurel de nos finances publiques l'intégration des plans budgétaires annuels dans un programme cohérent de consolidation à long terme. Ainsi, la maîtrise des dépenses s'insère dans des « stratégies de réforme » par ministère, où sont examinés sans tabous les missions, les objectifs et les résultats que s'assigne chaque administration concernée. De même, les causes profondes de la dérive de la dépense publique sont traitées à leur racine, grâce à la mise en œuvre de réformes structurelles. La finalisation de la réforme des retraites, comme l'engagement très ferme pris par le Gouvernement français d'engager une réforme profonde du système d'assurance maladie dans le courant du premier semestre 2004, feront beaucoup pour emporter la conviction de nos partenaires que nos finances publiques sont désormais placées sur une trajectoire d'assainissement profond et durable. L'exemple de la réforme des retraites est éclairant. Il est vrai que ses effets budgétaires sont discrets en 2003 comme en 2004. Cependant, à long terme, il est possible d'évaluer à 1 point de PIB l'économie structurelle qu'elle induit. En effet, la dette implicite des régimes de retraite avant la réforme, c'est-à-dire l'écart cumulé actualisé entre les prestations à verser d'ici 2040 et les cotisations, équivalait à 150 points de PIB. Lisser la couverture de cet écart de financement sur l'ensemble de la période aurait conduit à l'apparition d'un déficit structurel de 3% de PIB par an. La réforme votée en 2003, diminuant cette dette d'un tiers, permet ainsi de réduire d'un point de PIB l'écart de financement des régimes de retraite, ce qui représente en 2003 un gain pour les finances publiques aussi significatif qu'une mesure de réduction pérenne de 1 point de PIB du déficit structurel.

Ce dernier exemple permet d'illustrer le troisième aspect de la politique budgétaire de la majorité. La réforme des retraites aura un impact sur la croissance potentielle, en renforçant la population active de 400.000 personnes environ d'ici 2040 selon les estimations du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur l'hypothèse d'une élasticité unitaire à long terme des recettes publiques à l'activité, la prise en compte de ce surplus de population active, donc de travail, impliquerait un surcroît de recettes, qui relèverait de 0,5 point de PIB sur la période le solde structurel des administrations publiques. C'est une logique comparable qui inspire l'action économique d'ensemble du Gouvernement. Renforcer le potentiel de croissance de notre économie, c'est contribuer aussi à accroître la richesse de nos concitoyens et, partant, les ressources sur lesquelles s'appuient nos finances publiques, sans qu'il soit nécessaire d'augmenter indéfiniment la part relative prélevée par l'Etat. Cette claire conscience nourrit la détermination de la majorité dans la poursuite de l'allégement des impôts les plus néfastes à l'activité économique et à l'épanouissement des initiatives des Français. Ce troisième volet, indispensable à un rétablissement durable de nos finances publiques, donne sa cohérence à l'ensemble des efforts consentis depuis mai 2002.

Au bénéfice de ces observations, au regard de la conviction de la majorité que la politique budgétaire qu'elle mène est profondément conforme à l'esprit de nos engagements européens, convaincu que la cohérence de la position française sera comprise par nos partenaires européens, votre Rapporteur général conclut au rejet de la proposition de résolution n° 1168.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a procédé à l'examen de la proposition de résolution au cours de sa réunion du 13 novembre 2004.

Après avoir présenté la proposition de résolution, M. Didier Migaud a estimé anormal que l'Assemblée nationale ne soit pas informée de manière satisfaisante des positions adoptées par le Gouvernement dans les négociations européennes. En effet, les commissaires ne savent pas aujourd'hui quels seront les arguments avancés par le Gouvernement le 25 novembre lorsque sera examinée la proposition de recommandation de la Commission mettant la France en demeure de prendre des mesures pour mettre fin à ses déficits publics excessifs. La Commission des finances du Sénat est, à cet égard, plus audacieuse et plus présente que la Commission des finances de l'Assemblée nationale dans les grands débats stratégiques en matière de finances publiques. Cette dernière prend une posture trop souvent discrète sur ces enjeux, qui s'apparente à bien des égards à une démission, voire une soumission, sur des sujets d'importance pourtant primordiale. A titre d'exemple, le débat sur les prélèvements obligatoires n'a pu avoir lieu à l'Assemblée nationale, et il est regrettable que celle-ci soit ainsi tenue à l'écart d'enjeux pourtant déterminants.

M. Michel Bouvard, Président, a observé que la Commission des finances de l'Assemblée nationale est très présente dans les grands débats qui déterminent l'avenir de notre pays. Il suffit de se référer aux débats sur les stratégies ministérielles de réforme et sur la loi organique relative aux lois de finances pour mesurer la richesse de ses débats et l'étendue et la portée de ses initiatives.

S'agissant de la résolution proposée, il faut remarquer que la jurisprudence de la Commission et celle du Conseil des ministres européens en matière d'application du pacte de stabilité se construisent progressivement. Il apparaît donc normal, dans cette situation évolutive, que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie délivre les informations dont il dispose au jour le jour, présentant l'état d'avancement des débats et des négociations engagées avec nos partenaires.

Concernant le débat sur les prélèvements obligatoires, qui n'est pas obligatoire, le Président Pierre Méhaignerie et le Président Jean-Marc Ayrault se sont entendus pour que ce débat soit fusionné avec celui relatif à l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2004, un temps supplémentaire étant de ce fait consacré à la discussion générale de la première partie.

Votre Rapporteur général a souligné la clarté des propos tenus par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lorsqu'il a notamment rappelé qu'il n'y aura pas lieu de modifier le budget pour 2004. Par ailleurs, il faut se féliciter du travail accompli par notre Gouvernement au cours des dernières semaines à Bruxelles pour défendre la cohérence et la responsabilité de notre stratégie visant à rétablir les déficits publics en dessous de la limite des 3% du PIB déterminé par le Traité en 2005. D'ores et déjà, il semble qu'une minorité qualifiée de nos partenaires européens soit consciente des contraintes auxquelles la France est confrontée, et disposée à lui accorder un délai pour constater tous les effets de l'assainissement structurel de ses finances publiques. Des précisions complé-mentaires sur notre stratégie, en particulier en termes de réformes structurelles, devront bien entendu leur être fournies. A cet effet, le Conseil, qui devait statuer sur la proposition de recommandation de la Commission européenne le 4 novembre, a reporté son examen au 25 novembre. Ce délai supplémentaire a déjà permis de constater que le ralentissement économique pèse aussi sur l'équilibre des finances publiques de beaucoup de nos partenaires, l'Allemagne accusant un déficit supérieur à 3% du PIB tant en 2003 que, probablement, en 2004 et la Commission émettant des réserves sur le respect du critère des 3% en 2004 par le Portugal et par l'Italie.

La France n'est, dès lors, pas la seule à rechercher une stratégie équilibrée en matière de politique budgétaire, trouvant, dans le projet de loi de finances pour 2004, le point d'équilibre entre le nécessaire soutien à la consommation et à l'initiative, via des baisses de prélèvements, et l'engagement d'un effort structurel d'assainissement des finances publiques, via la maîtrise résolue de la dépense.

Il convient d'ajouter que l'initiative de cette proposition de résolution est malvenue. Elle affaiblirait nos positions dans la discussion européenne, pour des motifs partisans de politique intérieure. Elle ignore les prérogatives constitutionnelles du Parlement qui s'apprête à adopter le budget de la France, et est en contradiction avec l'esprit comme la lettre de la Constitution de la Vème République en interpellant le Gouvernement pour le sommer de renoncer à mener la politique économique et sociale qui découle pourtant du mandat que la majorité a reçu des Français au printemps 2002.

Enfin, l'aggravation du déficit budgétaire résulte directement de la politique menée par le précédent Gouvernement. Le rapport d'avril 2003 de la Commission soulignait ainsi que le dépassement du seuil de 3% est étroitement lié « au coup d'arrêt donné au processus d'assainissement budgétaire en 1999, ce qui a laissé les finances publiques françaises dans une position très vulnérable ». Entre 1997 et 2002, le déficit public français a augmenté de 0,1 point de PIB tandis qu'il se réduisait de 0,4 point de PIB dans la zone euro et de 0,6 point de PIB dans l'Union européenne des Quinze. Plus grave, la bonne tenue de la conjoncture économique a masqué une dérive de 1,2 point de PIB du solde structurel, contre une stabilité dans la zone euro. La France est passée sur la période de la troisième place européenne en matière de dette publique en 1996 (57,1% du PIB) à la dixième en 2002 (59,1% du PIB). Notre pays n'a clairement pas su tirer profit des fruits de la croissance.

Ce constat doit être mis en regard de l'ampleur de l'effort structurel d'assainissement des finances publiques entrepris par la nouvelle majorité. En 2003, le solde structurel des administrations publiques s'est amélioré de 0,1 point de PIB et il progressera de 0,7 point en 2004, soit un progrès sans précédent depuis 1996.

En conclusion, votre Rapporteur général a proposé le rejet de la proposition de résolution.

M. Daniel Garrigue a approuvé l'argumentation de votre Rapporteur général. Le Gouvernement français est engagé dans une discussion difficile avec la Commission européenne et les États membres, qu'il serait malvenu de troubler par une intervention intempestive du Parlement. De plus, la Commission européenne prend désormais en compte deux éléments qui échappent à la logique purement comptable des critères numériques associés au pacte de stabilité et de croissance :

- l'attention doit se porter de préférence sur l'évolution du déficit structurel : celui-ci s'est creusé entre 1997 et 2002 mais le Gouvernement actuel a engagé un effort de réduction très sensible ;

- le respect du pacte de stabilité et de croissance ne peut faire abstraction du contexte économique : l'expérience du Portugal, qui s'est enfoncé dans la récession pour avoir voulu trop vite réduire son déficit en deçà du plafond de 3% du PIB, montre qu'un effort excessif peut avoir des conséquences néfastes.

La Délégation pour l'Union européenne a adopté, ce matin même, des conclusions venant en réponse à la proposition de recommandation pour une décision du Conseil, présentée le 21 octobre dernier par la Commission européenne. Il importe d'en donner lecture : « La Délégation pour l'Union européenne :

« 1° Considère que l'encadrement européen des politiques budgétaires nationales est nécessaire, dans la mesure où il s'agit d'éviter qu'une politique nationale fasse courir un risque à la stabilité financière de l'ensemble de la zone euro.

« 2° Estime que les règles de discipline budgétaire ne doivent pas, pour autant, constituer un frein à la croissance en Europe, alors que les indicateurs économiques en provenance des Etats-Unis sont encourageants.

« 3° Affirme que, sans remettre en cause l'Union économique et monétaire, plus que jamais indispensable, ni la nécessité d'une discipline commune, l'Union européenne doit redéfinir la discipline budgétaire, en clarifiant les règles et en les adaptant aux problèmes économiques auxquels doivent pouvoir répondre les politiques budgétaires en Europe.

« 4° Propose que la refondation de la coordination budgétaire en Europe prenne en compte la notion de cycle économique, favorise la surveillance des soldes structurels plutôt que des soldes nominaux, et diversifie les éléments d'appréciation des politiques budgétaires nationales.

« 5° Soutient les importantes réformes structurelles mises en œuvre et engagées par le gouvernement français et son effort de programmation pluriannuelle de réduction des déficits.

« 6° Souhaite que le dialogue se poursuive entre la France et la Commission européenne afin de trouver les solutions les plus appropriées compte tenu de l'évolution de la conjoncture économique. »

M. Michel Bouvard, Président, a estimé que la Commission des finances devrait se réjouir de la profondeur du dialogue qui s'est établi entre la France, la Commission européenne et le Conseil Ecofin. Elle a d'ailleurs souvent regretté la rigidité des objectifs fixés, dans les traités, à la Banque centrale européenne, qui a pour seule mission la lutte contre l'inflation et non le soutien à la croissance. Alors que le Parlement a manifesté le souhait, à plusieurs reprises, de voir la Banque centrale européenne montrer une attitude plus souple, il serait paradoxal de prôner aujourd'hui une rigueur budgétaire extrême et inadaptée aux contraintes économiques du moment.

M. Didier Migaud a affirmé que chacun peut avoir sa propre opinion sur les critères de Maastricht, mais que la France, qui a approuvé et signé le traité et les actes constituant le pacte de stabilité, ne peut s'en écarter. La Banque centrale européenne est désormais présidée par une personnalité nommée sur proposition de la France, dont on connaît la rigidité sur un certain nombre de sujets, notamment la discipline budgétaire. De ce fait, le Gouvernement français ne pourra peut-être pas convaincre la Banque centrale européenne de la réalité de son engagement à réduire les déficits, alors même qu'il semble avoir convaincu une minorité d'Etats membres. Il en résultera peut-être des paradoxes, voire des incohérences dans la coordination européenne des politiques économiques.

La démarche consistant à soumettre au vote de la Commission des finances la présente proposition de résolution a été qualifiée par votre Rapporteur général de « partisane ». Sa réponse a été inspirée par un esprit bien plus « partisan » et la lecture qu'il a faite du rapport établi par la Commission européenne en avril 2003 a été pour le moins sélective. Celle-ci, par exemple, y délivre un jugement sévère sur la politique économique conduite depuis l'arrivée au pouvoir de l'actuelle majorité.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que chacun peut lire l'intégralité du rapport de la Commission européenne afin de se forger sa propre opinion.

M. Didier Migaud a relevé l'intérêt de la démarche adoptée par la Délégation pour l'Union européenne, qui joue son rôle en réagissant aux initiatives de la Commission européenne et en adaptant des conclusions motivées. La Commission des finances ne le fait pas. Cela est fort regrettable. Elle refuse le débat et se réfugie dans la démission et la soumission. Son inaction démontre que la majorité actuelle a peur du débat.

La Commission a rejeté la proposition de résolution n° 1168.

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N° 1217 - Rapport sur la proposition de résolution  - remédier à la situation de déficit excessif de la France (texte européen) (M. Gilles Carrez)

1 () Voir ci-dessus la définition de cette notion.


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