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le 25 novembre 2003

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N° 1232

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 novembre 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (N° 1215), relatif à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse.

PAR M. GUY GEOFFROY,

Député.

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Voir les numéros :

Sénat :  437 rect. (2002-2003), 53 et T.A. 9 (2003-2004).

Assemblée nationale : 1215.

Institutions politiques - Administration - Collectivités locales.

INTRODUCTION 5

I. LE MODE DE SCRUTIN ACTUEL : UNE APPLICATION INCOMPLÈTE DU PRINCIPE PARITAIRE 6

A. LA SPÉCIFICITÉ DU MODE DE SCRUTIN ISSU DE LA LOI DU 13 MAI 1991 6

B. LES SPÉCIFICITÉS DANS L'APPLICATION DE LA PARITÉ 7

II. - L'APPLICATION INTÉGRALE DE LA PARITÉ EN CORSE : UNE EXIGENCE CONSTITUTIONNELLE ET POLITIQUE 8

A. LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 8

B. UNE EXIGENCE POLITIQUE 8

III. - LE DISPOSITIF DU PROJET DE LOI 9

DISCUSSION GÉNÉRALE 10

TABLEAU COMPARATIF 13

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 15

MESDAMES, MESSIEURS,

En mai dernier, le Gouvernement a présenté au Parlement un projet de loi destiné à consulter les électeurs de Corse sur une organisation institutionnelle spécifique, reposant sur le principe d'une assemblée territoriale unique se substituant à celles des actuels départements et de la collectivité de Corse. Votre rapporteur, qui était également rapporteur du texte, plaidait ainsi à l'époque pour une simplification et une rationalisation des institutions tout en se réjouissant que l'exigence de proximité soit préservée par le maintien, au sein de la nouvelle collectivité, de deux conseils territoriaux.

En cas de réponse positive à la consultation, le Parlement devait être saisi à l'automne d'un projet de loi statutaire destiné à transcrire dans le code général des collectivités territoriales les orientations proposées.

Il n'est nul besoin de revenir sur les circonstances qui ont conduit les Corses, le 6 juillet dernier, à refuser le principe d'une collectivité unique, mais reconnaissons-le d'emblée, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui n'est pas celui que nous espérions ; toutefois, le Gouvernement s'étant toujours engagé à se conformer aux résultats de la consultation, il est désormais établi que la Corse conservera ses institutions actuelles. Le présent projet de loi se borne dès lors à renforcer le principe paritaire au sein de l'Assemblée de Corse, en introduisant l'obligation d'une alternance stricte entre femmes et hommes pour les listes de candidatures.

Il s'agit là de répondre à une double exigence : constitutionnelle, d'abord, puisque le Conseil constitutionnel a enjoint au législateur d'aligner le principe paritaire en vigueur pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse sur celui des élections régionales ; politique, ensuite, puisque l'introduction de la parité constitue une condition essentielle de la modernisation de la vie politique corse.

I. LE MODE DE SCRUTIN ACTUEL : UNE APPLICATION INCOMPLÈTE DU PRINCIPE PARITAIRE

A. LA SPÉCIFICITÉ DU MODE DE SCRUTIN ISSU DE LA LOI DU 13 MAI 1991

Le mode d'élection de l'Assemblée de Corse est précisé aux articles L. 364 à L. 383 du code électoral : issus de la loi n°91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse, ces articles ont doté la nouvelle collectivité d'un mode d'élection original par rapport au scrutin régional alors en vigueur, régi à cette époque par les règles « classiques » du scrutin proportionnel. L'objectif du mode de scrutin mis en place en 1991 était d'assurer une majorité stable au sein de l'Assemblée de Corse, tout en garantissant la représentation des minorités.

Le système s'inspire ainsi du scrutin applicable pour les communes de plus de 3 500 habitants, avec attribution d'une prime majoritaire à la liste arrivée en tête. Plus précisément, la répartition des sièges est effectuée de la manière suivante : les listes qui n'ont pas obtenu 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges ; il est attribué trois sièges à la liste qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou qui est arrivée en tête au second, les autre sièges étant répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne ; seules sont admises au second tour les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour.

Ce souci de voir émerger des majorités stables va par la suite faire école puisque la loi du 19 janvier 1999 transforme le mode de scrutin en vigueur pour les élections régionales : le scrutin proportionnel à un tour à l'échelon départemental devient un scrutin de liste à deux tours dans une circonscription régionale avec attribution d'une prime majoritaire à la liste arrivée en tête. Le mode de scrutin applicable à l'Assemblée de Corse perd alors de sa spécificité puisque le mécanisme retenu pour les régionales est identique ; néanmoins, quelques particularités demeurent, notamment au niveau des seuils retenus pour participer au second tour ou être admis à la répartition des sièges ou du taux de la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête.

La loi du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux, des représentants au Parlement européen et à l'aide publique aux partis politiques conforte le mode de scrutin à deux tours pour les élections régionales ; la loi prévoit néanmoins de remédier à l'émiettement de la représentation au conseil régional par une modification des seuils applicables : 10 % des suffrages exprimés pour accéder au second tour, 5 % des suffrages exprimés pour être autorisé à fusionner en vue du second tour et 5 % des suffrages exprimés pour être admis à la répartition des sièges. En outre, afin d'assurer un ancrage territorial des conseillers régionaux, la loi instaure au sein des listes de candidats des sections départementales.

Ce faisant, la loi du 11 avril 2003 ne modifie pas sur le même modèle le mode de scrutin applicable à l'Assemblée de Corse. M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des Lois(1), justifiait ainsi ce choix : « le présent projet de loi a fait le choix de maintenir, pour la Corse, le mode de scrutin actuel et de ne pas modifier en conséquence, sur le modèle de ce qui est proposé pour les élections régionales, les articles applicables à l'Assemblée de Corse. Ce choix est motivé par la prudence : il serait en effet prématuré de procéder à une modification du mode de scrutin sans connaître les résultats des réflexions institutionnelles qui animent l'île à l'heure actuelle ».

Les seuils issus de la loi du 13 mai 1991 ne sont donc pas modifiés, de même qu'il n'est pas institué de sections départementales, l'établissement des listes restant dans le cadre d'une seule circonscription régionale. Seule est modifiée la durée du mandat des membres de l'Assemblée de Corse qui, comme celui des conseillers régionaux, passe de cinq à six ans.

En optant pour le statu quo, le Gouvernement a fait preuve de sagesse puisqu'il n'était pas souhaitable d'anticiper le résultat de réflexions institutionnelles qui ne faisaient que débuter ; il n'en demeure pas moins qu'un tel choix a eu des répercussions directes sur l'application du principe paritaire à l'Assemblée de Corse.

B. LES SPÉCIFICITÉS DANS L'APPLICATION DE LA PARITÉ

La loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 a modifié les articles 3 et 4 de la Constitution afin de poser les conditions d'une égalité réelle entre hommes et femmes dans l'accès à la vie politique. Ainsi, il est désormais inscrit dans la Constitution que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».

Dans cet objectif, la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions électives avait retenu, pour les élections régionales et les élections à l'Assemblée de Corse, le principe paritaire par groupe de six candidats : l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne pouvait être supérieur à un et au sein de chaque groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste devait figurer un nombre égal de candidats de chaque sexe. Il s'agissait, selon les termes mêmes du rapporteur, M. Bernard Roman (2), de tenir compte des contraintes inhérentes à l'existence d'un second tour et des tractations politiques qui en résultent : « l'existence d'un second tour, avec la possibilité de modifier les listes entre le premier et le second tour est toujours l'occasion de négociations et tractations délicates entre les candidats de listes désirant fusionner. La place des candidats au sein de la liste définitive se révèle déterminante. Ainsi, il apparaît impensable de ne pas afficher, en tête de liste, les candidats de chaque parti ayant conduit les listes au premier tour. L'application du principe paritaire par alternance stricte viendrait compliquer ces négociations et fausser, aux yeux des électeurs, la lisibilité politique de la liste candidate au second tour. »

Le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin n'a pas retenu ces arguments qui reviennent à faire passer les contingences politiques devant un principe désormais inscrit dans la Constitution. Se fondant ainsi sur la nécessité de modifier les dispositions issues de la loi du 6 juin 2000 compte tenu de l'introduction de sections départementales au sein des listes aux élections régionales, il a souhaité appliquer la règle paritaire dans son intégralité en imposant au sein de chaque section, une alternance stricte entre homme et femme, cette règle étant valable pour chaque tour de scrutin.

Le mode de scrutin à l'Assemblée de Corse n'étant pas modifié, la règle paritaire par groupe de six candidats devrait donc, en l'absence de toute modification législative, continuer à s'appliquer. Cette disparité entre mode de scrutin régional et mode de scrutin à l'Assemblée de Corse n'a pas manqué d'être relevée par le Conseil constitutionnel qui l'a jugé contraire au principe d'égalité ; parallèlement à cette injonction du Conseil, le Gouvernement avait pris l'engagement d'y remédier au plus tôt.

II. -  L'APPLICATION INTÉGRALE DE LA PARITÉ EN CORSE : UNE EXIGENCE CONSTITUTIONNELLE ET POLITIQUE

A. LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Amené à se prononcer sur le maintien d'une spécificité corse dans le cadre de la loi sur les élections régionales, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003, a considéré « qu'aucune particularité locale, ni aucune raison d'intérêt général, ne justifie la différence de traitement en cause ; qu'ainsi, celle-ci est contraire au principe d'égalité ». Réalisant cependant qu'il ne pourrait remédier à cette inégalité qu'en censurant les nouvelles dispositions de l'article L. 346 sur les élections régionales instaurant une parité stricte entre les candidats et que, ce faisant, il contreviendrait à la volonté du législateur de favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives, le Conseil constitutionnel a procédé par la voie inhabituelle d'une injonction au législateur : « Considérant, que, dans ces conditions, l'article 9 de la loi déférée [relatif au mode de scrutin à l'Assemblée de Corse] ne peut être déclaré contraire à la Constitution ; qu'il appartiendra à la prochaine loi relative à l'Assemblée de Corse de mettre fin à cette inégalité » .

Le présent projet de loi répond donc à cette injonction ; pour autant, il serait erroné de ne le présenter que sous ce biais : les dispositions relatives à l'Assemblée de Corse n'ont pas été modifiées lors de l'examen de la loi du 11 avril 2003 que pour mieux laisser ouvert le champ des possibles exploré par les consultations. L'engagement du Gouvernement pour la parité ne saurait être mis en doute, la parité ayant toujours été présentée comme une exigence politique préalable à la modernisation des institutions corses.

B. UNE EXIGENCE POLITIQUE

Lors de son dernier renouvellement, qui a eu lieu en mars 1999, l'Assemblée de Corse n'a accueilli que sept femmes sur un effectif de 51 membres. Certes, ces élections ont eu lieu avant la loi du 6 juin 2000 instaurant la parité, mais l'absence de disposition législative contraignante n'explique pas tout : un an auparavant, les élections régionales avaient permis l'élection de 25 % de femmes conseillères régionales, l'évolution de l'opinion en faveur d'une plus juste représentation des femmes ayant très certainement joué un rôle incitatif puissant auprès des états-majors politiques. Pour autant, il serait hâtif de conclure que les femmes corses ne sont pas impliquées dans la vie politique : dans les communes de moins de 3 500 habitants, on compte plus de femmes maires en Corse que sur le continent, la proportion étant de 14 % contre 11 %. On se souvient tous également des prises de position courageuses contre la violence exprimées par les femmes du Manifeste pour la vie.

L'implication des femmes est une nécessité : dans cet objectif, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, s'était engagé, dès l'examen du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux, des représentants au Parlement européen et à l'aide publique aux partis politiques, à appliquer à l'Assemblée de Corse le principe paritaire dans son intégralité. La décision du Conseil constitutionnel n'a ainsi fait que conforter une décision prise auparavant.

Le projet de loi relatif à la consultation des électeurs de Corse, présenté au Parlement en mai dernier, s'est inscrit dans le droit fil de ces engagements ; le texte de l'annexe du projet de loi, qui présentait le document soumis à consultation, indiquait ainsi très précisément que le mode de scrutin retenu pour la future collectivité unique devrait garantir « le respect du principe de parité entre hommes et femmes en imposant que chaque liste de candidats soit composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ». Lors de la discussion du projet à l'Assemblée nationale, le ministre de l'intérieur réaffirmait ses convictions : « la place des femmes dans la vie politique insulaire est un élément majeur de la compréhension et du recul de la violence sur cette île. Je suis persuadé que la réforme statutaire amènera demain, si les Corses le veulent et si vous le souhaitez, autant de femmes que d'hommes dans la classe politique insulaire, ce qui se traduira par un fort recul de la tradition de la violence dans l'île ».

L'échec de la consultation était envisagé sans modifier pour autant le contenu de cet engagement ; le ministre avait ainsi précisé au Sénat qu'un projet de loi viendrait très rapidement proposer la modification de l'article L. 370 du code électoral en cas de réponse négative des électeurs de Corse à la consultation, afin de prévoir une alternance stricte entre les hommes et les femmes sur les listes de candidatures.

III. - LE DISPOSITIF DU PROJET DE LOI

L'article unique du projet de loi tend à étendre à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse l'application intégrale du principe paritaire en imposant désormais à chaque liste d'être composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. Il modifie pour cela l'article L. 370 du code électoral.

Le respect de ce principe paritaire conditionnerait l'enregistrement des déclarations de candidatures, au premier comme au second tour.

La déclaration de candidature est faite collectivement pour chaque liste auprès de la préfecture par le candidat tête de liste ou son mandataire. Le dépôt de la liste donne lieu, par les services préfectoraux, à la délivrance d'un récépissé provisoire ; elle est définitivement enregistrée si elle satisfait aux conditions prévues aux articles L. 339 (dix-huit ans révolus et inscription sur les listes électorales ou au rôle d'une des contributions indirectes), L. 340 (inéligibilités), L. 347 (mention expresse du titre de la liste présentée ; des nom et prénoms du candidat tête de liste ainsi que des nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, domicile et profession de chacun des candidats sur la déclaration signée par les candidats), L. 348 (interdiction d'être candidat sur plus d'une liste), L. 367 (inéligibilité pendant un an du président de l'Assemblée de Corse, du président du conseil exécutif de Corse ou du membre de ce conseil n'ayant pas déposé une déclaration de situation patrimoniale dans les délais prévus par la loi du 11 mars 1988) et L. 370 du code électoral (respect du principe paritaire).

En cas de refus par le préfet d'enregistrer la liste pour cause de non-respect des conditions de présentation de la liste, le candidat tête de liste ou son mandataire dispose de 48 heures pour contester devant le tribunal administratif la décision du préfet ; le juge administratif doit rendre son jugement dans les trois jours ; à défaut, la candidature de la liste doit être enregistrée.

Le dispositif ainsi mis en place s'inspire très directement de celui régissant les élections régionales.

Au Sénat, l'adoption du projet de loi, sur le rapport de M. Michel Dreyfus-Schmidt, a fait l'objet d'un large consensus. Plusieurs amendements ont été déposés par M. Nicolas Alfonsi ou M. Paul Natali visant à modifier les seuils de présentation au second tour ou de participation à la répartition des sièges ; le ministre de l'Intérieur n'a toutefois pas jugé souhaitable d'introduire une modification des modes de scrutin à moins d'un an des élections ; il a par ailleurs considéré que le volet institutionnel était désormais clos à la suite de l'échec de la consultation du 6 juillet. Retenant les arguments du Gouvernement, les sénateurs ont repoussé les amendements pour adopter le texte sans modification.

C'est donc de ce texte que l'Assemblée est aujourd'hui saisie. Elle devrait pouvoir rencontrer la même adhésion qu'au Sénat, si l'on en juge notamment à la proposition de loi de M. Émile Zuccarelli (3) qui prévoit un dispositif strictement identique.

*

* *

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Rappelant qu'il avait déposé en juillet dernier une proposition de loi très proche du projet présenté aujourd'hui, M. Émile Zuccarelli a souligné l'importance qui s'attachait à régulariser la situation de l'Assemblée de Corse au regard de l'exigence de la parité, insistant sur l'interprétation désastreuse pour la Corse qu'aurait suscité une distorsion dans l'application de ce principe. Il a regretté que la disparité qui caractérise les textes en vigueur soit le fruit d'une volonté excessive de maintenir un régime dérogatoire en Corse. Il a donc plaidé pour un dispositif tendant à appliquer intégralement à l'Assemblée de Corse le mode de scrutin applicable aux élections régionales. Évoquant la règle républicaine citée par le rapporteur, il a observé qu'elle avait connu de nombreuses exceptions et regretté qu'au nom de cette règle le Gouvernement fasse le choix d'exposer encore pour six ans la collectivité territoriale corse à des majorités instables. Il a notamment souligné le paradoxe qui consiste à appliquer en Corse des seuils inférieurs à ceux du droit commun, alors que le corps électoral est plus réduit que celui de la région la plus modeste du point de vue démographique. Il a relevé que cette absence de sélection dans la présentation des listes conduisait à des négociations peu transparentes lors d'un « troisième tour » destiné à dégager un exécutif stable.

Tout en déclarant partager les préoccupations de M. Émile Zuccarelli, M. Paul Giacobbi a observé que l'imminence des élections à l'Assemblée de Corse ne plaidait pas pour un changement immédiat des règles électorales. Il a reconnu la validité des arguments exprimés contre la reconnaissance d'une spécificité corse à tout prix, mais relevé que la collectivité territoriale de Corse était objectivement dotée d'un statut à part, avec des compétences étendues et des institutions spécifiques qui peuvent justifier un mode de scrutin particulier. Il a notamment cité la règle de la « motion de défiance constructive », qui garantit au conseil exécutif de Corse une réelle stabilité, alors même que le mode de scrutin peut conduire à un certain éparpillement des listes. Il a souligné les risques qu'il y aurait à légiférer dans la précipitation en alignant la Corse sur un mode de scrutin qui n'a pas encore fait ses preuves. Il a suggéré que les six ans de mandature à venir soient mis à profit pour procéder à une réflexion sereine sur le sujet.

Le président Pascal Clément a rappelé que l'objet limité du projet de loi présenté aujourd'hui consistait à mettre fin à une distorsion introduite lors de la loi sur les élections régionales du 11 avril dernier. Il a déclaré partager les doutes de M. Paul Giacobbi sur le mode de scrutin applicable désormais aux régions en plaidant pour le scrutin majoritaire, seul à même de dégager une majorité de gestion.

M. Émile Zuccarelli a salué le climat d'écoute qui avait présidé aux travaux de la Commission ; il a récusé les propos quelque peu simplistes du ministre de l'Intérieur au Sénat, intervenant sur un amendement - identique au sien - présenté par M. Paul Natali, qui avait fondé l'essentiel de son argumentation sur l'inopportunité de procéder à une réforme moins d'un an avant le scrutin et le climat de défiance qu'une telle réforme susciterait en Corse.

Reprenant les propos de M. Jérôme Bignon, alors rapporteur du projet de loi modifiant le mode de scrutin régional, le rapporteur a précisé que la distorsion caractérisant l'Assemblée de Corse du point de vue de la parité était due au souci de laisser libre cours à la réflexion institutionnelle qui débutait sur l'île. Il a souligné que la situation avait évolué depuis lors et que le débat institutionnel semblait désormais clos.

La Commission a ensuite adopté l'article unique sans modification. Puis, le rapporteur s'étant prononcé contre l'amendement de M. Émile Zuccarelli étendant aux élections à l'Assemblée de Corse les seuils du droit commun, la Commission a rejeté cet amendement.

*

* *

En conséquence, la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter sans modification le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse (n° 1215).

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte du projet de loi

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Texte adopté
par le Sénat
en première lecture

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Propositions
de la Commission

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Code électoral

Art. L. 370. -  Une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque liste de candidats et chaque tour de scrutin. Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Au sein de chaque groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste doit figurer un nombre égal de candidats de chaque sexe.


Article unique

La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 370 du code électoral est remplacée par les dispositions suivantes :

« Chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. »


Article unique



... est ainsi rédigée :



(Alinéa sans modification).


Article unique

(Sans modification).

La déclaration de candidature est faite collectivement pour chaque liste par le candidat tête de liste ou par un mandataire porteur d'un mandat écrit établi par ce candidat à la préfecture de la collectivité territoriale.

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Après l'article unique

Amendement présenté par M. Émile Zuccarelli :

Insérer l'article suivant :

« I. -  L'article L. 365 du code électoral est ainsi rédigé :

"Art. L. 365. -  Les dispositions des articles L. 338 et L. 338-1 sont applicables à l'élection des conseillers de l'Assemblée de Corse."

« II. -  L'article L. 373 du même code est ainsi rédigé :

"Art. L. 373. -  Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 346 sont applicables à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse."

« III. -  Les articles L. 293-1 à L. 293-3 et l'article L. 366 du même code sont abrogés. »

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N° 1232 - Rapport relatif à la parité entre hommes et femmes - membres de l'Assemblée de Corse (M. Guy Geoffroy)

1 () Rapport n° 605 de M. Jérôme Bignon au nom de la commission des Lois (février 2003), p. 47.

2 () Rapport n° 2103 de M. Bernard Roman (janvier 2000), p. 56

3 () Proposition de loi n° 1038 tendant à renforcer la parité pour les élections à l'Assemblée de Corse, déposée le 16 juillet 2003.


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