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le 9 décembre 2003

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N° 1273 - 2ème partie

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 décembre 2003

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI (n° 1233) relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social,

PAR M. Jean-Paul ANCIAUX,

Député.

--

Travail et emploi

1ère partie du rapport

NTRODUCTION

I.- LA FORMATION PROFESSIONNELLE TOUT AU LONG DE LA VIE : UN PROJET DE LOI FONDÉ SUR UN ACCORD EXEMPLAIRE

A. LE PROJET DE LOI VISE À CONCRÉTISER UNE NOUVELLE ESPÉRANCE, CELLE DE LA FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE

B. LE PROJET DE LOI REPREND L'ACCORD SIGNÉ PAR LES PARTENAIRES SOCIAUX, ADOPTANT UNE MÉTHODE RESPECTUEUSE DE L'INDISPENSABLE DIALOGUE SOCIAL

C. EN MATIÈRE DE FORMATION PROFESSIONNELLE TOUT AU LONG DE LA VIE, UN LONG CHEMIN RESTE ENCORE À PARCOURIR 24

II.- RÉFORMER LES RELATIONS PROFESSIONNELLES PAR L'INSTAURATION D'UN VÉRITABLE DIALOGUE SOCIAL 29

A. L'EXIGENCE D'UN CHANGEMENT DE MÉTHODE

B. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE L'EXISTENCE ET DE LA LÉGITIMITÉ DES ACTEURS DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

C. DE NOUVEAUX ESPACES POUR LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

III.- EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER : DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE TOUT AU LONG DE LA VIE

Chapitre Ier : Dispositions générales

Chapitre II : Le droit individuel à la formation

Chapitre III : Le plan de formation

Chapitre IV : Le congé de formation

Chapitre V : Les contrats et les périodes de professionnalisation

2ème partie du rapport

Chapitre VI La négociation sur la formation 7

Article 16 (articles L. 131-1 et L. 934-2 du code du travail) Périodicité et contenu des négociations de branche 7

Article 17 (articles 934-4 et L. 933-5 du code du travail) Consultation du comité d'entreprise 10

Chapitre VII Dispositions financières 11

Article 18 (articles L. 950-1, L. 951-1 et L. 122-3-4 du code du travail) Obligations financières des employeurs de dix salariés et plus 11

Article 19 (article 951-2 du code du travail) Dépenses prises en compte au titre des obligations financières des employeurs pour la formation professionnelle continue 16

Article 20 (articles L. 951-3, L. 951-7, L. 951-8 et L. 951-13 du code du travail) Mesures de conséquence 16

Article 21 (article 952-1 du code du travail) Obligations financières des employeurs de moins de dix salariés 17

Article 22 (articles L. 952-2 à L. 952-6 et L. 954 du code du travail) Mesures de conséquence 19

Article 23 (article 961-12 du code du travail) Agrément des organismes collecteurs 20

Article 24 (article 961-13 du code du travail) Fonds national de mutualisation 21

Article 25 Utilisation du fonds de réserve de la Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers 26

Chapitre VIII La mise en œuvre concertée des politiques de formation professionnelle et le contrôle de la formation professionnelle 27

Article 26 (article 941 du code du travail) Transmission d'informations statistiques 27

Article 27 (articles L. 991-1, L. 991-4, L. 991-8 et L. 993-3 du code du travail) Contrôle de la formation professionnelle 28

Chapitre IX 30

L'apprentissage 30

Article 28 (article 117-3 du code du travail) Dérogations à la limite d'âge pour la signature d'un contrat d'apprentissage 30

Article 29 (article L. 115-3 du code du travail) Suspension du contrat de travail au titre d'un contrat d'apprentissage 31

Article 30 (article L. 117 bis -3 et L. 212-13 du code du travail) Durée quotidienne du travail applicable aux jeunes travailleurs 33

Article 31 (article L. 117-13 du code du travail) Période de conclusion des contrats d'apprentissage 34

Chapitre X 35

Dispositions transitoires et finales 35

Article 32 Entrée en vigueur différée des contrats de professionnalisation 35

Article 33 Maintien en vigueur des accords collectifs antérieurs 37

TITRE II DU DIALOGUE SOCIAL 38

Avant l'article 34 38

Article 34 (article L.132-2-2 du code du travail) Règles de conclusion des accords collectifs 38

Après l'article 34 53

Article 35 (article L. 132-7 du code du travail) Renouvellement et révision des conventions et accords collectifs du travail 54

Article 36 (article L. 132-13 du code du travail) Articulation entre les accords interprofessionnels et les conventions de branche 55

Article 37 (article L. 132-23 du code du travail) Articulation entre les accords d'entreprise ou d'établissement et les accords interprofessionnels, professionnels et conventions de branche 66

Article 38 Extension du domaine des accords d'entreprise ou d'établissement à celui des conventions ou accords de branche 69

Article 39 Maintien de la valeur hiérarchique des conventions et accords antérieurs 75

Article 40 (articles L. 132-18 et L. 132-19-1 [nouveau] du code du travail) Conventions et accords de groupe 76

Article 41 (article L. 132-26 du code du travail) Négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical 78

Article 42 (article L. 132-30 du code du travail) Commissions paritaires et dialogue social territorial 83

Article 43 (article L. 135-7 du code du travail) Information sur le droit conventionnel applicable dans l'entreprise 85

Article 44 (article L. 132-5-1 du code du travail) Droit de saisine des organisations syndicales de salariés de thèmes de négociation 86

Article 45 (article L. 412-8 du code du travail) Modalités d'accès et d'utilisation des NTIC par les organisations syndicales de salariés dans les entreprises 87

Article 46 (article L. 133-5 du code du travail) Dispositions tendant à améliorer l'exercice du droit syndical 88

Article 47 (articles L. 123-4, L. 212-4-6, L. 212-4-12, L. 212-10, L. 212-15-3 et L. 227-1 du code du travail, article L. 713-18 du code rural et article II-2° de l'ordonnance n°82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques vacances) Dispositions de coordination 90

Article 48 Application des dispositions du titre II de la loi à Mayotte 91

Article additionnel avant l'article 49 (article L. 136-1 et L. 136-2 du code du travail) Composition et missions de la commission nationale de la négociation collective 91

Article 49 Rapport sur l'application de la loi 92

TITRE III 93

DISPOSITIONS DIVERSES 93

Chapitre Ier 93

Garanties de certaines créances salariales 93

Article 50 (article L. 143-11-3 du code du travail) Garantie de certaines créances salariales 93

Après l'article 50 94

3ème partie du rapport

TABLEAU COMPARATIF

4ème partie du rapport

TABLEAU COMPARATIF (suite)

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXE 1 : ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU 20 SEPTEMBRE 2003 RELATIF À L'ACCÈS DES SALARIÉS À LA FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE PROFESSIONNELLE

ANNEXE 2 : POSITION COMMUNE DU 16 JUILLET 2001 SUR LES VOIES ET MOYENS DE L'APPROFONDISSEMENT DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

ANNEXE 3 : PRÉSENTATION GRAPHIQUE DES DISPOSITIFS DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

ANNEXE 4 : NOUVELLES RÈGLES DE CONCLUSION DES ACCORDS COLLECTIFS

ANNEXE 5 : HIÉRARCHIE DES NORMES CONVENTIONNELLES CONCLUES APRÈS L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI

 


Début du rapport

2ème partie

Chapitre VI

La négociation sur la formation

Article 16

(articles L. 131-1 et L. 934-2 du code du travail)


Périodicité et contenu des négociations de branche

Cet article porte essentiellement sur les sujets qui doivent être abordés périodiquement dans les négociations sociales de branche.

Le paragraphe I du présent article 16 modifie l'article L. 131-1 du code du travail, article de portée générale qui introduit l'ensemble des dispositions du code relatives à la négociation collective : il complète la liste des objets de la négociation collective, qui sont actuellement les « conditions d'emploi et de travail » et les « garanties sociales », en mentionnant également la « formation professionnelle ».

Dans la mesure où l'article L. 933-2 du même code (renuméroté L. 934-2 par le présent projet) prévoit déjà que les négociations sur la formation concernent les branches où il existe une convention collective ou un accord professionnel conclu dans les conditions des articles L. 132-1 à L. 132-17 du code, l'ajout de cette mention n'a pas de réelle portée juridique : il n'y a pas de doute sur le fait que la négociation sur les aspects de formation est opérée dans le cadre de droit commun de la négociation collective. Mais cet ajout manifeste l'importance qui doit être attachée au thème de la formation professionnelle dans les négociations de branche.

Le paragraphe II modifie l'article L. 933-2 du code du travail (renuméroté L. 934-2 par le présent projet) relatif aux négociations périodiques de branche :

Le 1° donne un caractère triennal et non plus quinquennal à la négociation obligatoire (l'obligation de négocier n'impliquant évidemment pas d'obligation de déboucher sur un nouvel accord ou convention ou la modification de ceux en vigueur).

Le 2° tire une conséquence rédactionnelle de l'instauration des contrats et périodes de professionnalisation (articles 12 à 15 du présent projet).

Le 3° précise le contenu de l'obligation - déjà prévue - de prendre en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans les négociations sur la formation, en introduisant une obligation de négocier sur un indicateur concret en vue de cet objectif : la progression du taux d'accès des femmes aux dispositifs de formation.

Le 4° complète la liste des items correspondant aux différents objets de la négociation triennale obligatoire, y ajoutant :

- les conditions de mise en place d'un observatoire de branche des métiers et qualifications et d'examen par la commission paritaire nationale de l'emploi (CPNE) de l'évolution de ceux-ci (13° de l'article L. 934-2 nouveau du code du travail) ;

- la définition des priorités prises en compte dans les plans de formation et le droit individuel à la formation (14° de l'article L. 934-2 nouveau du code du travail) ;

- la définition d'actions destinées à l'insertion professionnelle des personnes handicapées (15° de l'article L. 934-2 nouveau du code du travail).

L'ensemble des dispositions du présent article 16 apparaît compatible avec les mesures arrêtées par les partenaires sociaux dans le cadre de l'ANI du 20 septembre 2003, mais certains éléments de ce dernier n'ont pas été repris, alors même que les négociateurs de l'accord ont tenu à être précis en répertoriant dans un article ad hoc de l'accord, l'article 17, l'ensemble des éléments qu'ils souhaitaient introduire dans la négociation de branche périodique. Cet article est ci-après reproduit :

« Article 17 - Les accords de branches sur les objectifs et les moyens de la formation professionnelle

« Les parties signataires du présent accord rappellent le rôle essentiel des branches professionnelles dans les domaines de l'information et de l'orientation tout au long de la vie professionnelle, et dans la définition et la mise en œuvre des priorités en matière de formation professionnelle, notamment pour les contrats ou les périodes de professionnalisation prévus aux articles 10 et 11 du présent accord. Dans cette perspective, elles demandent à chaque branche professionnelle qui n'aurait pas déjà conclu un accord en la matière, de définir les missions et les conditions de mise en place d'un observatoire prospectif des métiers et des qualifications, tel que prévu à l'article 4 du présent accord, et de confier aux commissions paritaires nationales de l'emploi (CPNE) le soin d'examiner au moins tous les trois ans l'évolution quantitative et qualitative des emplois et des qualifications de leur champ professionnel, en tenant compte notamment des travaux de cet observatoire. Les parties signataires du présent accord demandent, en outre, aux organisations représentatives des employeurs et des salariés de la branche professionnelle qui sont liées par une convention de branche, ou à défaut par un accord professionnel, de se réunir au moins tous les trois ans pour négocier sur les objectifs, les priorités et les moyens de la formation professionnelle et en particulier sur la réduction des inégalités constatées d'accès à la formation. Les négociateurs examinent notamment les points suivants :

- les conditions particulières de mise en œuvre des entretiens professionnels prévus à l'article 1 du présent accord,

- pour chacun des publics jeunes et demandeurs d'emploi concernés par le contrat ou la période de professionnalisation, la liste des diplômes ou des titres à finalité professionnelle, des qualifications professionnelles établies par la CPNE ou des qualifications reconnues par la convention collective de la branche professionnelle, dont les actions de formation donnent lieu, en priorité, à une participation financière de l'OPCA concerné,

- les publics spécifiques ou les natures de certifications ou de formations particulières, pour lesquels la durée du contrat de professionnalisation peut être portée jusqu'à 24 mois,

- les objectifs et les priorités en matière d'apprentissage en termes de métiers, de niveaux et d'effectifs formés ainsi que les conditions de mise en œuvre des contrats d'apprentissage,

- les catégories de salariés pouvant bénéficier en priorité de la période de professionnalisation prévue à l'article 11 du présent accord, ainsi que la nature des actions de formation et les objectifs spécifiques de professionnalisation correspondant à ces publics,

- le développement de l'information des responsables d'entreprise des PME et des entreprises artisanales sur les dispositifs de formation, ainsi que les modalités spécifiques de financement, par les OPCA concernés, des actions d'information des jeunes et des salariés,

- les conditions générales de prise en charge, par l'OPCA concerné, des actions de préparation et de formation spécifiques dont peuvent bénéficier les tuteurs,

- la définition des objectifs et priorités de formation que prennent en compte les entreprises lors de l'élaboration de leur plan de formation,

- la définition des priorités de financement, par l'OPCA concerné, des actions de formation professionnelle conduites dans les entreprises employant moins de dix salariés,

- la mise en œuvre des modalités de validation et de certification,

- les conditions dans lesquelles les organisations représentatives des salariés sont consultées, avant la conclusion des engagements de développement de la formation et des contrats d'objectifs, et sont associées à leur suivi.

« Ces accords de branche peuvent prévoir que, pour leur mise en œuvre, des conventions de délégation peuvent être conclues avec un autre OPCA, notamment interprofessionnel, sous réserve que les moyens financiers correspondants soient mis à disposition de l'OPCA concerné par l'OPCA professionnel. Les parties signataires du présent accord invitent les branches professionnelles à rechercher les moyens propres à renforcer leur présence au niveau territorial soit dans le cadre de commissions paritaires territoriales de l'emploi (CPTE), soit dans le cadre d'une délégation formelle donnée aux partenaires sociaux présents au niveau territorial. Ces accords de branche font l'objet d'un bilan de mise en œuvre avant la fin de chaque période triennale ».

Certaines des mentions de l'ANI sont déjà satisfaites par la rédaction en vigueur du code du travail et d'autres sont reprises par le présent projet. Mais l'on observe que :

·  La mention des actions spécifiquement orientées vers les travailleurs handicapés ne provient pas du texte des partenaires sociaux. Le rapporteur l'approuve toutefois car elle répond à une demande des instances représentatives des personnes handicapées, telles que le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), et à une situation très défavorable de cette population vis-à-vis de l'emploi, situation en partie liée à un déficit de formation : en août 2003, d'après des données transmises par l'ANPE, on comptait 218 473 demandeurs d'emploi reconnus travailleurs handicapés ou en instance de l'être par la COTOREP, ce qui représente un taux de chômage très élevé pour les travailleurs handicapés : 26 %. Ce nombre a en outre augmenté de 7,8 % en un an (depuis août 2002), contre 5,2 % pour l'ensemble des demandeurs d'emploi. D'après des données produites par l'AGEFIPH (Association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées) 16 % seulement des demandeurs d'emploi handicapés ont un niveau « bac » contre 33 % de l'ensemble des demandeurs d'emploi.

·  Surtout, d'autres dispositions de l'ANI ne figurant pas déjà dans le code du travail ne sont pas reprises par le projet, malgré leur précision. On peut citer notamment :

- la définition des dérogations de durée pour les contrats de professionnalisation ;

- la liste des qualifications ou des catégories de salariés prioritaires pour bénéficier d'un financement de formation par l'organisme collecteur (OPCA) de branche au titre du contrat ou de la période de professionnalisation (articles 10-2, 11-1 de l'ANI, outre l'article 17) ;

- les conditions de financement par les OPCA des actions d'information en direction des responsables des PME et des salariés et des jeunes, de la formation des « tuteurs », des formations dans les entreprises de moins de dix salariés...

*

La commission a adopté l'article 16 sans modification.

Article 17

(articles 934-4 et L. 933-5 du code du travail)


Consultation du comité d'entreprise

Cet article modifie l'article L. 933-3 du code du travail, renuméroté par le présent projet L. 934-4, relatif au rôle du comité d'entreprise en matière de formation professionnelle, qui consiste essentiellement à donner annuellement son avis sur l'exécution du plan de formation de l'année précédente et sur le projet de plan de formation de l'année à venir.

Le 1° du paragraphe I comporte des modifications de référence qui sont la pure conséquence d'autres dispositions du projet (à savoir les nouvelles numérotations d'articles résultant de l'article 8 et l'abrogation de l'article L. 932-2 du code du travail par l'article 10).

Le 2° substitue, parmi les objets de l'avis du comité d'entreprise, les « contrats et périodes de professionnalisation » aux « contrats d'insertion en alternance », en conséquence des articles 12 à 15 du projet et étend cet avis à la mise en œuvre du droit individuel à la formation institué par l'article 8 du projet. Cette extension est logique compte tenu du statut « intermédiaire » du DIF entre les formations organisées par l'entreprise (plan de formation) et le droit purement individuel (donc hors champ de l'avis du comité d'entreprise) à une formation hors de l'entreprise que représente le congé individuel de formation (CIF) : on rappelle que le contenu des actions de formation financées au titre du DIF peut faire l'objet d'un accord collectif et un tel accord peut prévoir son imputation partielle sur le temps de travail.

Le 3° précise le contenu des documents que doit transmettre l'employeur au comité d'entreprise ou à sa commission de la formation (obligatoire dans les entreprises de plus de deux cents salariés en application de l'article L. 434-7 du code du travail) au moins trois semaines avant leur réunion : il est précisé qu'ils devront notamment distinguer les trois catégories d'actions inscrites au plan de formation telles que définies par l'article 10 du présent projet : les actions d'adaptation au poste de travail ; celles liées à l'évolution des emplois et au maintien dans l'emploi ; celles de développement des compétences des salariés. Cette précision, prévue par l'article 8 de l'ANI du 20 septembre 2003, est importante : compte tenu du statut différent de ces types d'actions au regard de la réglementation du temps de travail et en matière de rémunération, il est nécessaire que les représentants du personnel puissent clairement les identifier.

En revanche, le présent projet ne retranscrit pas un autre élément de l'article 15 de l'ANI précité, selon lequel « le rapport annuel d'information du comité d'entreprise comporte des informations sur la pyramide des âges des salariés de l'entreprise ainsi que sur les actions de prévention et de formation que le chef d'entreprise envisage de mettre en œuvre, notamment au bénéfice des salariés âgés peu qualifiés ou présentant des difficultés sociales particulières ainsi que pour les publics prioritaires définis par un accord de branche ou par un accord collectif conclu entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés signataires de l'accord constitutif d'un OPCA interprofessionnel ».

Le paragraphe II abroge l'article L. 933-5 du code du travail, c'est-à-dire le principe d'une consultation préalable du comité d'entreprise sur les « modalités d'organisation » des actions de formation conduites dans les conditions de l'article L. 932-1 de ce code (ce qui va au-delà de la consultation sur le plan de formation prévue à l'article L. 934-4 [nouvelle numérotation]).

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 932-1 concerne les actions de formation qualifiantes inscrites au plan de formation de l'entreprise qui, par dérogation à la règle générale, sont effectuées en partie en dehors du temps de travail en application d'un accord national interprofessionnel. Le projet réécrit cet article et à cet égard la rédaction de l'article L. 933-5 n'est plus pertinente.

Plutôt qu'à une abrogation, la recherche d'une continuité du droit en vigueur aurait pu conduire à une réécriture de l'article L. 933-5 afin de prévoir une consultation sur les modalités des actions qui pourront être conduites pour tout ou partie en dehors du temps de travail ou au-delà de sa durée légale ou conventionnelle, c'est-à-dire celles prévues au II et III du nouvel article L. 932-1 du code du travail.

Il est vrai, cependant que cette consultation sur les « modalités » peut apparaître superfétatoire au regard :

- de l'obligation nouvelle, lors de la consultation annuelle du comité d'entreprise sur le plan de formation, de bien faire apparaître dans les documents préparatoires les trois catégories d'actions inscrites au plan de formation (voir supra), qui se différencient justement par le fait qu'elles peuvent ou non être réalisées au-delà de la durée légale du travail ou hors temps de travail ;

- de la précision avec laquelle ces dépassements seront désormais encadrés (cf. article 10 du présent projet).

*

La commission a adopté l'article 17 sans modification.

Chapitre VII

Dispositions financières

Article 18

(articles L. 950-1, L. 951-1 et L. 122-3-4 du code du travail)


Obligations financières des employeurs de dix salariés et plus

Le présent article redéfinit les obligations financières des entreprises de dix salariés et plus en matière de formation professionnelle.

1. La situation actuelle

Les règles en vigueur définissant les obligations financières des entreprises en matière de formation professionnelle résultent d'un grand nombre de dispositions législatives et constituent un ensemble complexe et stratifié qui n'est pas regroupé dans un même texte ou code. On les trouve :

- aux titres V et VI du livre IX du code du travail ;

- mais aussi dans le code général des impôts, aux articles 235 ter C à 235 ter KE, qui comportent des dispositions reflétant celles du code du travail, mais aussi des dispositions spécifiques (notamment à l'article L. 235 ter EA qui prévoit un lissage des conséquences du dépassement par une entreprise du seuil des dix salariés) ;

- enfin, dans des dispositions non codifiées, celles de l'article 30 de la loi de finances pour 1985 (loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984) et de l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1986 (loi 86-1318 du 30 décembre 1986) modifiés, qui traitent, à part, du financement de l'insertion en alternance des jeunes.

Du rapprochement de ces dispositions, il ressort que les entreprises de dix salariés au moins doivent :

- consacrer au moins l'équivalent de 1,5 % (depuis 1993) de la masse salariale brute à la « formation professionnelle continue » ;

- dans ce cadre, verser 0,2 % de la masse salariale (depuis 1993) à un organisme agréé au titre du congé individuel de formation (CIF), un accord de branche pouvant toutefois affecter jusqu'à la moitié de ce versement au dispositif du capital de temps de formation ;

- dans ce cadre consacrer 0,4 ou 0,3 % (depuis 1993) de la masse salariale, selon qu'ils sont ou non redevables de la taxe d'apprentissage, au financement de l'insertion en alternance, soit sous forme de dépenses directes, soit sous forme de versement à un organisme collecteur (à défaut, au Trésor public) ;

- s'acquitter du reliquat de l'obligation des 1,5 %, soit par solde 0,9 ou 1 % selon qu'ils sont ou non redevables de la taxe d'apprentissage, en finançant des actions dans le cadre de leur plan de formation ou en finançant diverses structures ou actions : fonds d'assurance formation, actions de formation de demandeurs d'emploi, organismes de formation continue agréés...

Les entreprises de travail temporaire (ETT) sont soumises à un régime spécial, leur taux global de participation étant fixé à 2 % et leur contribution aux CIF à 0,3 %. Par ailleurs, un régime spécifique existe pour les contrats à durée déterminée (CDD), soumis : quel que soit l'employeur, un versement égal à 1 % des salaires doit être effectué à un organisme collecteur spécifique au titre des CIF1. Un régime spécifique existe de même pour les intermittents du spectacle : l'obligation globale de formation est de 2 %, dont au moins 0,6 % au titre du congé individuel de formation, 0,6 % au titre du plan de formation et 0,3 % au titre de l'insertion en alternance2. Ces dispositifs spécifiques ne sont pas concernés par le présent projet.

2. Les grandes lignes de la réforme proposée

Pour les entreprises de dix salariés au moins, le présent projet prévoit principalement de :

- porter à 1,6 % le taux global de participation ;

- maintenir à 0,2 % la contribution aux CIF ;

- établir une participation de 0,5 % nouvelle qui couvrira non seulement le financement des contrats de professionnalisation (successeurs des différents contrats d'alternance), mais aussi les périodes de professionnalisation et le droit individuel à formation.

Le point le plus marquant n'est pas l'augmentation du taux global d'effort, dépenses directes incluses, de 1,5 % à 1,6 %, car la plupart des entreprises sont déjà bien au-delà : le taux moyen d'effort des entreprises de dix salariés et plus dépasse 3 % depuis le début des années 1990.

La principale incidence des mesures proposées concerne l'augmentation des sommes obligatoirement mutualisées (versées à un OPCA), qui passeront de 0,2 % à 0,7 % de la masse salariale, la participation contrats et périodes de professionnalisation et au DIF étant versée nécessairement à un organisme collecteur, ce qui n'était pas le cas de celle au financement de l'alternance. Là aussi, toutefois, il convient de relativiser l'effet pratique de l'évolution législative, qui viendra conforter la tendance croissante des entreprises à privilégier les versements aux OPCA comme moyen de se libérer de l'obligation de financement de la formation professionnelle : la collecte globale des OPCA a dépassé 4 Md€ en 2002, en augmentation de 6 % sur 2001 et 15 % sur 2000.

Le tableau ci-après synthétise ces évolutions.

Obligations financières des entreprises de dix salariés et plus

En % de la masse salariale brute

Congé individuel de formation + capital de temps de formation

Congé individuel de formation

Formations en alternance

Par solde : plan de formation et divers

Taux global de participation obligatoire

Situation actuelle :

- entreprises assujetties à la taxe d'apprentissage

0,2

-

0,4

0,9

1,5

- entreprises non assujetties à cette taxe

0,2

-

0,3

1

1,5

Projet de loi

-

0,2

0,5

0,9

1,6

Entreprises de travail temporaire : situation actuelle

0,3

-

0,4

1,3

2

ETT : projet de loi

-

0,3

0,5

1,2

2

Le dispositif du présent projet semble pour l'essentiel compatible avec le texte de l'ANI du 20 septembre 2003 : les nouveaux taux prévus sont bien les mêmes.

Il existe en revanche des divergences sur l'affectation du versement de 0,5 % à un OPCA.

Selon l'ANI, à son article 24, ce versement devrait être consacré au « financement des priorités définies par un accord de branche, incluant notamment :

- les actions de formation liées aux contrats ou périodes de professionnalisation (...)

- les actions de préparation et d'exercice de la fonction tutorale,

- le financement des frais de formation et, le cas échéant, de transport et d'hébergement liés à la réalisation d'actions de formation reconnues prioritaires par la branche professionnelle pour l'exercice du droit individuel de formation (DIF),

- les dépenses de fonctionnement des centres de formation d'apprentis,

- les dépenses de fonctionnement de l'observatoire prospectif des métiers et des qualifications visé à l'article 4 du présent accord ».

En outre, à l'article 26, les partenaires sociaux ont apporté la précision suivante : « Les parties signataires du présent accord demandent que l'attribution de financements de l'AGEFAL à un OPCA soit subordonnée [notamment] à l'affectation d'un minimum de 50 % du montant du 0,50 % et du 0,15 % des rémunérations [contributions « alternance »], perçu par l'OPCA en application des articles 24 et 25 du présent accord et de disponibilités éventuelles constatées au titre d'autres contributions gérées par l'OPCA, au financement des actions de formation liées aux contrats de professionnalisation destinés aux jeunes de moins de 26 ans ».

Les rubriques « contrats et périodes de professionnalisation », « tutorat », « DIF » et « centres de formation d'apprentis » sont bien mentionnées dans le texte proposé, soit au présent article 18, soit aux articles L. 983-3 et L. 983-4 du code du travail créés par l'article 15, mais pas l'observatoire des qualifications.

De plus, en ce qui concerne le droit individuel à la formation (DIF), si les organismes collecteurs de l'alternance seront bien agréés « au titre » de ce droit, il n'est pas vraiment précisé dans le projet quelles dépenses ils prendront en charge dans ce cadre, ni à l'article 15 qui introduit un nouveau chapitre « Dispositions financières [relatives aux organismes collecteurs de l'alternance] » III au titre VIII du livre IX du code du travail, ni à l'article 8 relatif au DIF, d'où il ressort que le financement de ce droit est à la charge de l'employeur et s'impute sur son obligation financière globale de formation, sauf en cas de désaccord persistant entre le salarié et lui, auquel cas le DIF sera pris en charge par un organisme collecteur agréé au titre du congé individuel de formation (articles L. 933-4 et L. 933-5 nouvelle numérotation du code du travail).

Le principe d'une affectation minimale de la moitié des fonds « alternance » aux contrats de professionnalisation, du moins dans les OPCA « déficitaires » (financés par l'AGEFAL) introduit indirectement par l'ANI, n'est pas non plus repris dans le projet.

De même, toute référence aux « priorités définies par la branche », qui « incluent notamment » les rubriques ci-dessus mentionnées et peuvent donc en prévoir d'autres, a disparu.

Enfin, on rappelle que la rédaction proposée à l'article 15 du présent projet pour l'article L. 983-4 nouveau du code du travail ne plafonne pas la contribution éventuellement accordée aux centres de formation d'apprentis (CFA), ne reprenant pas le plafond existant en ce qui concerne les CFA, fixé à 35 % des fonds « alternance » recueillis auprès des employeurs de dix salariés et plus.

3. Le détail du dispositif

Le paragraphe I de l'article 18 modifie l'article L. 950-1 du code du travail, lequel fonde le principe de la participation obligatoire des employeurs en disposant que « tout employeur (non public) doit concourir au financement de la formation professionnelle continue en participant, chaque année, au financement des actions mentionnées à l'article L. 900-2 ». L'article L. 900-2 du code répertorie l'essentiel des formes de formation professionnelle continue. Il est proposé d'ajouter la mention des actions mentionnées « à l'article L. 900-3 », à savoir les formations qualifiantes. Cette mesure peut être considérée comme une mesure de coordination, car de fait le financement de la formation professionnelle par les entreprises peut déjà couvrir de nombreuses formations qualifiantes, comme des formations en alternance.

Le paragraphe II modifie l'article L. 951-1 du code du travail, relatif aux obligations financières des employeurs de dix salariés et plus.

Le 1° du II a pour effet :

- de porter de 1,5 % à 1,6 % leur taux global de participation ;

- dans le cas particulier des entreprises de travail temporaire (ETT), de maintenir à 2 % ce taux ;

- de prévoir que les versements à des organismes collecteurs mentionnés ci-après ont lieu avant le 1er mars de l'année « n + 1 » (actuellement, la règle est déjà la même, en application de l'article L. 951-3 du code du travail s'agissant du congé individuel de formation, et du dernier alinéa du 2° du II de l'article 30 précité de la loi de finances pour 1985 s'agissant de l'alternance) ;

- de laisser inchangés, respectivement à 0,2 % pour l'ensemble des employeurs et 0,3 % pour les seules ETT, les taux de contribution au financement du congé individuel de formation, mais en supprimant la possibilité de l'affecter partiellement au « capital de temps de formation », ce dispositif étant abrogé par l'article 8 du projet ;

- d'instituer une participation de 0,5 % nouvelle qui couvrira non seulement le financement des contrats de professionnalisation (successeurs des différents contrats d'alternance), mais aussi les périodes de professionnalisation et le droit individuel à formation. Elle se substitue à la contribution au financement de l'alternance qui était de 0,4 ou 0,3 % selon l'assujettissement ou non à la taxe d'apprentissage. Cette contribution était régie par l'article 30 de la loi de finances pour 1985, que l'article 32 du présent projet abroge, et que reflétait (imparfaitement) le septième alinéa de l'article L. 951-1 du code du travail, abrogé par le présent article 18.

Le 2° concerne le contenu des actions de formation ou assimilées qui peuvent être prises en compte pour l'appréciation du respect global de l'obligation des 1,6 %. Il tire les conséquences des autres dispositions du projet en procédant à des rectifications de références (renumérotations). Sous réserve d'une clarification rédactionnelle que propose le rapporteur, il semble tendre aussi à autoriser la prise en compte des actions s'inscrivant dans l'exercice du nouveau droit individuel à la formation (conformément aux dispositions de l'article L. 933-4 du code du travail nouvelle numérotation introduit par l'article 8 du présent projet) et dans le congé de formation, de bilan de compétence ou de validation des acquis de l'expérience, sans qu'elles aient à s'inscrire dans le plan de formation d'entreprise.

Le 3° procède à une rectification de référence quant à la définition des fonds d'assurance-formation auxquels les employeurs peuvent contribuer au titre de l'obligation des 1,6 % : il ne s'agit pas de viser les fonds d'assurance-formation en général (définis par l'article L. 961-8 du code du travail), mais ceux destinés au développement de la formation professionnelle continue des salariés et gérés paritairement (visés à l'article L. 961-9 du même code).

Le paragraphe III procède à une rectification de référence qui est la stricte conséquence des modifications apportées à l'article L. 951-1 du code du travail.

*

La commission a adopté un amendement rédactionnel et un amendement de précision du rapporteur, puis l'article 18 ainsi modifié.

Article 19

(article 951-2 du code du travail)


Dépenses prises en compte au titre des obligations financières des employeurs pour la formation professionnelle continue

L'article L. 951-2 du code du travail définit les dépenses de formation qui peuvent être prises en compte, au titre du plan de formation d'entreprise, pour l'appréciation du respect de l'obligation de consacrer 1,6 % de la masse salariale à la formation. Ces dépenses sont notamment des dépenses directes, internes ou externes, correspondant aux actions de formation conduites par l'entreprise.

Le paragraphe I du présent article 19 procède à une simple rectification de référence, mais justifie un ajustement rédactionnel : puisque le II du 2° de l'article 18 du présent projet tend à autoriser la prise en compte, pour l'appréciation du respect de l'obligation des 1,6 %, de diverses actions directement financées par l'entreprise même si elles ne s'inscrivent pas dans son plan de formation, quand elles relèvent du droit individuel à la formation ou du congé de formation, de bilan de compétence ou de validation des acquis de l'expérience, il conviendrait d'en tirer les conséquences au présent article L. 951-2 du code du travail en faisant apparaître que les dépenses directes des entreprises prises en compte ne s'inscrivent pas nécessairement dans le cadre du plan de formation.

Le paragraphe II de cet article ajoute, dans la liste des dépenses pouvant être prises en compte dans les conditions indiquées supra, l'allocation de formation instituée par l'article L. 932-1 réécrit par l'article 10 du présent projet, c'est-à-dire la rémunération que l'employeur verse au salarié au titre des actions de formation réalisées en dehors du temps du travail mais dans le cadre du plan de formation.

L'article L. 951-2 mentionne déjà la « rémunération » des stagiaires dans les dépenses qui peuvent être prises en compte, mais, l'allocation de formation ne présentant pas le caractère d'une rémunération au sens du code de la sécurité sociale, il est effectivement opportun de préciser qu'elle y est assimilée.

*

La commission a adopté un amendement de cohérence rédactionnelle du rapporteur, puis l'article 19 ainsi modifié.

Article 20

(articles L. 951-3, L. 951-7, L. 951-8 et L. 951-13 du code du travail)


Mesures de conséquence

Le I et le II de cet article procèdent à des corrections de référence dont il est intéressant d'observer qu'elles ne sont pas la conséquence du présent projet, mais résultent de la non mise en cohérence de diverses dispositions du code du travail lors de modifications antérieures...

Le paragraphe III comporte également des modifications de références liées aux renumérotations d'articles opérées dans le code du travail par le présent projet.

Il propose en outre une modification de fond : actuellement, selon le premier alinéa de l'article L. 951-8 du code du travail, les employeurs occupant au moins cinquante salariés ne peuvent être considérés comme « s'étant conformés aux dispositions » du titre V du livre IX du code du travail, c'est-à-dire avoir respecté leurs obligations financières en matière de formation, que s'ils justifient que le comité d'entreprise a délibéré sur la formation professionnelle dans les conditions prévues aux articles L. 933-1 (ancienne numérotation) et L. 933-3 (ancienne numérotation) du code du travail, premier, deuxième, sixième et septième alinéas ; la sanction de la non production de cette justification consiste en une majoration de la contribution (quatrième alinéa de l'article L. 951-9 du même code).

Le présent projet ajoute, à l'article L. 951-8, une mention au troisième alinéa de l'article L. 933-1 (ancienne numérotation).

Cela signifie que l'employeur devra établir non seulement que le comité d'entreprise a délibéré sur le plan de formation d'entreprise sur la base de documents transmis préalablement (premier, deuxième et sixième alinéas de l'article L. 933-3 renuméroté L. 934-4), mais encore qu'il a délibéré sur la mise en œuvre des contrats et périodes de professionnalisation, ainsi que du droit individuel à la formation (nouvelle rédaction du troisième alinéa de l'article précité issue de l'article 17 du présent projet). En revanche, le respect ou non des quatrième et cinquième alinéas de l'article précité, relatifs respectivement à l'information et la consultation du comité d'entreprise quant à l'accueil des jeunes en alternance ou en stage et des enseignants qui les accompagnent, ainsi qu'à l'exercice du droit au congé pour enseignement, continuera à ne pas avoir d'incidence sur l'appréciation de l'effort de formation des entreprises.

Le paragraphe IV du présent article 20 clarifie le champ de compétence des décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 951-13 du code du travail, qui ont notamment pour vocation de préciser les dépenses qui peuvent être prises en compte au titre de l'obligation financière de formation : il s'agit de viser l'ensemble de ces dépenses retracées à l'article L. 951-1 du code du travail, plutôt que de viser seulement le premier alinéa de cet article, ce qui était moins clair mais revenait sans doute au même, ce premier alinéa établissant l'obligation globale des 1,6 % de la masse salariale consacrés à la formation.

*

La commission a adopté l'article 20 sans modification.

Article 21

(article 952-1 du code du travail)


Obligations financières des employeurs de moins de dix salariés

Comme pour les entreprises de dix salariés et plus, les obligations financières en matière de formation des petites entreprises résultent actuellement de la combinaison de dispositions du code du travail (présent article L. 952-1), du code général des impôts et de l'article 30 précité de la loi de finances pour 1985.

La différence entre les obligations imposées aux deux catégories d'employeurs tient au taux (actuellement 1,5 % de la masse salariale dans un cas ; au plus 0,25 % dans l'autre) mais aussi à la nature de ces obligations. Alors que s'agissant des employeurs de dix salariés et plus, l'obligation porte sur l'ensemble de l'effort de formation (dépenses directes comprises), s'agissant des petites entreprises l'obligation est obligatoirement satisfaite sous la forme d'un versement à un organisme collecteur : il s'agit simplement d'un prélèvement obligatoire, ce qui simplifie les obligations déclaratives.

Le présent article propose de porter à 0,4 %, en 2004, puis 0,55 %, à partir de 2005, la contribution globale des petites entreprises à la formation, qui continuera par ailleurs à être obligatoirement mutualisée, c'est-à-dire à prendre la forme de versements à un organisme collecteur.

Le tableau ci-après présente l'évolution proposée par le projet.

Obligations financières des entreprises de moins de dix salariés

En % de la masse salariale brute

Congé individuel de formation1

Formations en alternance (versement obligatoire à un OPCA)

Autres actions de formation (versement obligatoire à un OPCA)

Taux global de participation obligatoire

Situation actuelle:

- entreprises assujetties à la taxe d'apprentissage

-

0,1

0,15

0,25

- entreprises non assujetties à cette taxe

-

-

0,15

0,15

Projet de loi :

- à l'entrée en vigueur de la loi

-

0,15

0,25

0,4

- à compter du 1er janvier 2005

-

0,15

0,4

0,55

1 Les petites entreprises ne contribuent pas au financement des congés formation des salariés en CDI ; elles sont en revanche redevables, comme toutes les entreprises, d'une contribution de 1 % sur la masse salariale des CDD.

Le paragraphe I du présent article 21 prévoit de porter de 0,15 % à 0,4 %, puis, à partir de 2005, 0,55 % de la masse salariale brute, l'effort global de formation des entreprises de moins de dix salariés. On observe que du fait de l'existence, indépendamment du présent article L. 952-1 du code du travail, de l'article 30 précité de la loi de finances pour 1985, cet effort global était déjà de fait de 0,25 % pour celles de ces entreprises qui sont assujetties à la taxe d'apprentissage (cet article ajoutant un prélèvement de 0,1 % au 0,15 % ici mentionné).

Le paragraphe II institue :

- un versement de 0,15 % de la masse salariale à un organisme collecteur au titre des contrats et périodes de professionnalisation et du droit individuel à la formation, contre 0,1 %, auparavant, au titre de l'alternance, pour les seuls employeurs redevables de la taxe d'apprentissage ;

- un versement complémentaire à due concurrence du solde de l'obligation globale, soit par soustraction 0,25 % en 2004 et 0,4 % à partir de 2005, dont l'affectation n'est pas précisée (il peut donc servir à toute action de formation continue au sens de l'article L. 950-1 du code du travail).

Ces versements devront être effectués avant le 1er mars de l'année « n + 1 », ce qui est déjà le droit en vigueur (deuxième alinéa de l'article L. 952-1 dans sa rédaction actuelle et deuxième alinéa du I bis de l'article 30 précité de la loi de finances pour 1985).

Il est enfin précisé que les deux versements seront effectués à un seul et même organisme collecteur (de branche ou, à défaut, interprofessionnel). Le droit en vigueur dispose qu'aussi bien le versement « alternance », prévu à l'article 30 précité de la loi de finances pour 1985, que le versement « formation hors alternance », prévu au présent article L. 952-1 du code du travail, sont effectués chacun à un seul collecteur, mais rien n'oblige à ce que ce soit le même. Cela dit, en pratique, les organismes collecteurs sont agréés pour les deux collectes (« alternance » et « formation hors alternance »).

Les nouveaux taux de contribution prévus sont conformes à l'ANI du 20 septembre 2003 (cf. son article 25) ; en revanche, on retrouve le même ordre de divergences quant à leur affectation que s'agissant des employeurs de plus de dix salariés. La combinaison du présent article 21 et de l'article 15 du projet conduit à la même affectation du taux spécifique de 0,15 % aux contrats et périodes de professionnalisation, au financement des CFA et à celui du tutorat. L'ANI (à son article 25), quant à lui, mentionne également le financement des observatoires des métiers et des qualifications, ainsi qu'à titre accessoire d'autres actions de formation, notamment celles mises en œuvre dans le cadre du plan de formation d'entreprise et du droit individuel à la formation et des allocations de formation versées au titre des formations réalisées en dehors du temps de travail.

*

M. Francis Vercamer a retiré un amendement de suppression de l'article, estimant que la rédaction pouvait être améliorée.

M. René Couanau s'est déclaré satisfait de ce retrait, estimant que la rédaction proposée était par trop démagogique.

La commission a adopté l'article 21 sans modification.

Article 22

(articles L. 952-2 à L. 952-6 et L. 954 du code du travail)


Mesures de conséquence

Cet article regroupe un ensemble de dispositions de conséquence.

Le paragraphe I vise, par une modification de référence consécutive à la réécriture de l'article L. 952-1 du code du travail par l'article 21 du projet, à maintenir à l'article L. 952-2 de ce code la règle existante selon laquelle les fonds versés au titre de la contribution « formation hors alternance » des employeurs de moins de dix salariés sont gérés « au sein d'une section particulière de l'organisme collecteur agréé », mais sans étendre cette règle aux fonds « alternance », pour laquelle elle n'est pas prévue actuellement par l'article 30 précité de la loi de finances pour 1985. S'agissant du financement de l'alternance, en effet, l'établissement obligatoire de gestions séparées selon la taille des entreprises poserait un réel problème, dans la mesure où de fait, les entreprises de petite taille représentent une part bien plus grande dans l'accueil des stagiaires en alternance que dans le financement de celle-ci : selon le rapport dit « jaune » annexé au projet de loi de finances pour 2004, les entreprises de moins de cinquante salariés concluraient plus de 60 % des contrats de qualification, alors qu'elles n'ont fourni, en 2002, qu'un peu plus de 25 % du produit de la collecte.

Le paragraphe II propose également une mesure de pure conséquence de la nouvelle rédaction de l'article L. 952-1 du code du travail, afin de maintenir la règle selon laquelle l'employeur qui n'a pas procédé au versement de la totalité de la contribution due à un organisme collecteur, qu'il s'agisse de l'alternance ou des autres formations, avant le 1er mars de l'année « n + 1 », est tenu d'opérer au Trésor public un versement égal à la différence entre le versement (insuffisant) effectué et la contribution due majorée justement de l'insuffisance de versement (bref la pénalité est égale au montant de la contribution non versée à temps).

Le paragraphe III procède de même à un ajustement rédactionnel de conséquence concernant les obligations déclaratives des employeurs.

Le paragraphe IV abroge l'article L. 952-5, lequel prévoir un régime spécifique d'agrément des organismes collecteurs de la contribution « formation hors alternance » des employeurs de moins de dix salariés, disposition redondante puisque l'article L. 961-12 du même code régit l'agrément de l'ensemble des organismes collecteurs, y compris ceux de cette contribution.

Le paragraphe V vise à maintenir le droit existant en ce qui concerne les employeurs de gens de maison : ils resteront assujettis à la seule contribution « hors alternance » (mais à son nouveau taux).

Le paragraphe VI procède à l'ajustement rédactionnel, sans modification de fond, des dispositions particulières relatives aux obligations financières de formation à la charge des employeurs d'intermittents du spectacle, inscrites à l'article L. 954 du code du travail.

*

La commission a adopté l'article 22 sans modification.

Article 23

(article 961-12 du code du travail)


Agrément des organismes collecteurs

Cet article propose plusieurs adaptations de l'article L. 961-12 du code du travail, relatif à l'agrément des OPCA.

Le paragraphe I supprime une disposition périmée (qui avait précisé, en 1993, que des agréments alors en cours expiraient au 31 décembre 1995).

Le paragraphe II tire la conséquence de cette suppression à l'alinéa suivant et supprime une référence à l'article 30 précité de la loi de finances pour 1985, abrogé par l'article 32 du présent projet.

Le paragraphe III est plus susceptible d'avoir une réelle incidence juridique : il supprime l'exemption accordée aux fonds d'assurance formation à compétence nationale et interprofessionnelle (à savoir AGEFOS, IPCO et AGECIF) créés avant le 1er janvier 1992, de l'obligation d'être prévus par un accord collectif pour être agréés.

Le paragraphe IV est purement rédactionnel (conséquence de l'abrogation de l'article 30 de la loi de finances pour 1985 et de la réintégration du dispositif de financement de l'alternance, remplacée par les contrats et périodes de professionnalisation, dans le code du travail).

Le paragraphe V, enfin, précise le contenu du décret d'application pris en Conseil d'Etat prévu au dernier alinéa de l'article L. 961-12 : il a pour objet de fixer les règles de compétence et de fonctionnement des OPCA et surtout celles relatives à leur contrôle et aux modalités de reversement au Trésor public des fonds non utilisés ou des dépenses non admises à l'occasion d'un contrôle (du « groupe national » ou des services régionaux de contrôle de la formation professionnelle).

Ce paragraphe décalque en fait les dispositions déjà existantes pour les « fonds d'assurance-formation » à l'article L. 961-8 du code du travail : cette appellation historique couvre en fait les OPCA mais il apparaît prudent, d'un point de vue juridique, de viser désormais explicitement les organismes collecteurs agréés.

Il convient d'observer que le reversement au Trésor de sommes non utilisées ou utilisées non régulièrement n'est pas une disposition théorique : il y a quelques années, un FONGECIF (organisme collecteur régional au titre du congé individuel de formation) a ainsi subi un redressement de 60 M€ pour avoir thésaurisé excessivement ses fonds et les avoir placés dans des valeurs peu liquides malgré la réglementation3.

*

La commission a examiné deux amendements voisins de MM. Jean Ueberschlag et Francis Vercamer visant à faire reconnaître par la loi les principes de transparence et d'égalité de traitement qui doivent présider au fonctionnement des organismes collecteurs. M. Francis Vercamer a retiré son amendement.

La commission a adopté l'amendement de M. Jean Ueberschlag, cosigné par M. Francis Vercamer, puis l'article 23 ainsi modifié.

Article 24

(article 961-13 du code du travail)


Fonds national de mutualisation

Le présent article a pour objet de fusionner les deux organismes existants de mutualisation au second degré, c'est-à-dire de mutualisation des fonds des organismes collecteurs. Ces organismes sont :

- l'Association de gestion du fonds des formations en alternance (AGEFAL), créée en 1987 pour coiffer les OPCA « alternance » ;

- le Comité paritaire du congé individuel de formation (COPACIF), créé en 1982 au titre du congé individuel de formation (CIF).

Il est à noter qu'il n'existe pas d'organisme comparable en ce qui concerne la troisième grande catégorie de collecte, celle effectuée au titre des plans de formation.

1. La situation actuelle

Dans la situation actuelle, l'AGEFAL est alimentée par les disponibilités excédentaires (c'est-à-dire dépassant en fin d'exercice le tiers des charges comptabilisées durant le dernier exercice clos) des OPCA qui perçoivent la contribution « alternance » (0,1 %, 0,3 % ou 0,4 % de la masse salariale selon la taille des entreprises et leur assujettissement ou non à la taxe d'apprentissage), la part du reversement dû par les OPCA de branche aux OPCA interprofessionnels qui ne leur est pas reversée (voir infra) et les sommes versées au Trésor public par les entreprises qui n'ont pas opéré à temps un versement suffisant à un OPCA.

Le COPACIF reçoit quant à lui les excédents financiers (désormais déterminés selon la même règle que pour les OPCA « alternance ») des OPCA percevant la contribution « CIF » et de ceux percevant la contribution au titre du capital de temps de formation (soit globalement 0,2 % de la masse salariale des entreprises de dix salariés et plus et 1 % de la masse salariale des contrats à durée déterminée, tous employeurs confondus).

Les fonds de l'AGEFAL et du COPACIF sont affectés, selon les dispositions législatives aux besoins de trésorerie des OPCA, ainsi que, s'agissant de l'AGEFAL, à des études et des actions de promotion.

Au titre de 2002, les produits de l'AGEFAL ont atteint 173,9 M€4 ; la même année, le COPACIF a reçu 62,6 M€ au titre des disponibilités excédentaires cumulées des OPCA gestionnaires du congé individuel de formation (CIF) et du capital de temps de formation (CTF).

On observe que le débat sur la situation financière réelle des organismes mutualisateurs, de premier degré (les OPCA) comme de second degré (AGEFAL et COPACIF), est dominé par la différence très importante qui peut exister entre leur situation de trésorerie et leur situation comptable, dans la mesure où ces organismes provisionnent très largement leurs engagements (par exemple, malgré la durée des formations et les abandons, le coût total de toute formation engagée est couvert ab initio). D'importants prélèvements ont été opérés sur les trésoreries jugées excédentaires dans les années 1990 et les relations entre les OPCA et les deux fonds centraux AGEFAL et COPACIF sont fondées désormais sur les situations de trésorerie constatées. Cependant, au niveau de ces deux organismes, d'importants montants restent « réservés » pour couvrir les demandes des OPCA : au 31 décembre 2002, les fonds réservés par l'AGEFAL pour couvrir les besoins des OPCA déficitaires atteignaient 254,1 M€ ; la même année, le COPACIF a décidé de réserver 175,1 M€.

2. Les grandes lignes de la réforme proposée

Le présent article 24 propose donc d'instituer un « fonds national » unique, d'y affecter, à une exception près, l'ensemble des ressources attribuées au « fonds national » et au « compte » actuellement prévus par la loi, dont le COPACIF et l'AGEFAL sont les traductions concrètes, et de lui donner l'ensemble de leurs missions.

Il s'agit bien de fusionner l'AGEFAL et le COPACIF, sans modifier le périmètre de leurs missions, mais en revoyant celui de leurs ressources sur trois points :

- Il existe actuellement, au IV bis de l'article 30 de la loi de finances pour 1985 précité, un mécanisme de péréquation interne entre les OPCA « alternance », selon lequel ceux d'entre eux qui ont été établis par une branche doivent reverser 35 % des contributions reçues des employeurs de dix salariés et plus aux organismes paritaires interprofessionnels (certaines branches étant cependant exonérées de cette obligation). Si ce reversement n'est pas effectué, le solde dû à ce titre est versé à l'AGEFAL. L'ensemble de ce dispositif, dont l'incidence financière est importante (les OPCA « alternance » concernés ont transféré à ce titre 174 M€ en 2002) disparaît dans le présent projet.

- En contrepartie, le projet institue un prélèvement « compris entre 5 % et 10 % » sur les contributions des employeurs perçues par les OPCA au titre des contrats et périodes de professionnalisation (qui remplacent l'alternance) ; ce prélèvement ira au nouveau fonds unique. Sur la base des données disponibles (2002), il produirait annuellement de 80 à 160 M€ selon le taux retenu. Cette disposition risque donc de ne compenser que partiellement la suppression du mécanisme décrit au paragraphe précédent, d'autant que le nouveau versement sera à la charge de tous les OPCA, y compris ceux qui seront structurellement déficitaires (certes les fonds qu'ils verseront « redescendront » vers eux, mais cela signifie que le degré de mutualisation « réelle » sera moindre que celui qui est affiché).

- On relève enfin que le reversement à l'AGEFAL des sommes non affectées aux actions d'alternance par les OPCA, que prévoit actuellement le 3° du II de l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1986 précité, n'est pas repris par le projet. Sans doute cette disposition apparaît-elle inutile dès lors qu'est posé le principe du reversement des « excédents financiers » et que le mode de calcul de ceux-ci est normalisé.

La réforme proposée s'inspire du texte de l'ANI du 20 septembre 2003, dont l'article 26 est consacré aux « dispositifs nationaux de péréquation », mais s'en écarte parfois.

Des extraits de cet article sont ci-après reproduits :

« Article 26 - L'optimisation des dispositifs nationaux de péréquation

« Les parties signataires du présent accord considèrent que les dispositions législatives, faisant obligation à certains OPCA à compétence nationale et professionnelle de reverser 35 % du montant des contributions collectées au titre du financement des contrats d'insertion en alternance aux OPCA à compétence interprofessionnelle, nuisent à la lisibilité, à la transparence et à l'efficacité du dispositif de formation et peuvent être de nature à remettre en cause les équilibres financiers. Les parties signataires du présent accord demandent en conséquence la suppression de ces dispositions législatives au titre des contributions dues au titre des rémunérations versées à compter du 1erjanvier 2004.

« (...) Les parties signataires décident que chaque OPCA professionnel ou interprofessionnel constitue chaque année, au bénéfice de l'AGEFAL, une provision correspondant à un pourcentage des sommes collectées par lui (...). Ce pourcentage, compris entre 5 % et 10 % des sommes visées ci-dessus, est arrêté par le CPNFP au plus tard le 30 juin de chaque année, en fonction des besoins de financement prévisibles des OPCA (...). En fonction de ses propres besoins de trésorerie (...), l'AGEFAL fait appel avant le 31 décembre de chaque exercice de tout ou partie de cette provision, certifiée par le commissaire aux comptes de l'OPCA concerné.

« Les parties signataires du présent accord demandent que l'attribution de financements de l'AGEFAL à un OPCA soit subordonnée :

- au strict respect par ce dernier des champs conventionnels, tant au niveau de la collecte que du financement des contrats de professionnalisation,

- au respect des règles relatives au coût moyen de prise en charge par contrat, définies par le CPNFP,

- à l'affectation d'un minimum de 50 % du montant du 0,50 % et du 0,15 % des rémunérations, perçu par l'OPCA en application des articles 24 et 25 du présent accord et de disponibilités éventuelles constatées au titre d'autres contributions gérées par l'OPCA, au financement des actions de formation liées aux contrats de professionnalisation destinés aux jeunes de moins de 26 ans.

« Les parties signataires du présent accord souhaitent que les OPCA et les FONGECIF soient d'une totale transparence comptable et accroissent leur productivité (...).

« Elles considèrent que les conseils d'administration de l'AGEFAL et du COPACIF peuvent, en cas de nécessité, avoir recours à l'expertise d'un commissariat aux comptes pour effectuer, en tant que de besoin, des audits financiers auprès des organismes paritaires collecteurs de leur champ de compétences respectif, en liaison avec le commissaire aux comptes desdits organismes (...).

« Les parties signataires du présent accord souhaitent donner aux organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel la capacité d'affecter, en toute responsabilité, les moyens financiers dont elles disposent au sein des organismes de péréquation que sont l'AGEFAL et le COPACIF, aux priorités dont elles conviennent.

« A cette fin, elles conviennent qu'une mutualisation pérenne est instaurée entre les disponibilités constatées au 31 décembre de chaque année, dont disposeraient l'AGEFAL d'une part et le COPACIF d'autre part, le CPNFP définissant en fonction de ses priorités, l'affectation des ressources ainsi mutualisées (...) ».

Les partenaires sociaux sont effectivement convenus, ce que reprend le présent projet, de supprimer le reversement par les OPCA « alternance » de branche de 35 % des contributions reçues des employeurs aux OPCA interprofessionnels. De même, en contrepartie, le principe d'une affectation à la mutualisation de second degré de 5 % à 10 % des ressources des OPCA « alternance » est bien prévu par l'ANI. Mais ce dernier ne mentionne qu'une « provision » de ce montant, appelée ou non par l'AGEFAL, alors que le projet de loi établit un versement.

Par ailleurs, l'ANI n'envisage pas une fusion de l'AGEFAL et du COPACIF, mais seulement une « mutualisation pérenne » de leurs disponibilités en fin d'exercice, mesure peu claire et à la portée incertaine : dans cette optique, s'agirait-il de mutualiser la trésorerie ou seulement les fonds disponibles après affectation aux réserves des sommes nécessaires à la couverture des demandes des OPCA, fonds disponibles qui sont assez réduits (23,4 M€ fin 2002 à l'AGEFAL) par rapport à ces réserves ? La solution de la fusion des fonds, retenue par le gouvernement, a le mérite de la clarté.

Enfin, l'ANI comporte des dispositions précises relatives à l'encadrement et au contrôle des OPCA par le fonds de mutualisation de second degré : celui-ci devrait subordonner ses versements aux OPCA à leur respect du champ conventionnel et de tarifs de prise en charge, ainsi qu'à l'affectation d'au moins 50 % des ressources « alternance » aux contrats de professionnalisation des jeunes. L'obligation de transparence et le droit pour l'AGEFAL et le COPACIF de faire procéder à des audits des OPCA sont affirmés.

Alors même que l'opacité et les dérives, supposées ou réelles, du financement de la formation professionnelle sont régulièrement dénoncées, il convient de saluer la volonté de rigueur et de transparence ici affirmée par les partenaires sociaux, qui doit trouver une traduction législative.

On est en outre en droit de s'interroger sur les conditions du contrôle qui pourra être exercé sur le nouveau fonds de mutualisation de second degré unique, qui représentera un niveau de mutualisation inégalé jusqu'à présent et maniera des fonds considérables (plusieurs centaines de millions d'euros pas an).

3. Le détail du dispositif

Techniquement, le dispositif proposé consiste à réécrire l'article L. 961-13 du code du travail (I du présent article 24), qui sert de base légale au COPACIF, pour y intégrer les fonds de l'alternance, et à abroger l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1986 précité (II du présent article), qui constitue la base légale de l'existence de l'AGEFAL.

Le 1° du paragraphe I du présent article 24 institue un fonds national unique en reprenant la rédaction actuelle de l'article L. 961-13, relative au COPACIF, en y ajoutant la mention des OPCA « alternance » jusqu'à présent coiffés par l'AGEFAL.

Le 2° précise que les sommes recueillies par le fonds national peuvent non seulement être affectées aux OPCA, mais aussi à des études et des actions de promotion, ce qui reprend mot à mot une disposition actuellement prévue pour l'AGEFAL (à la fin du I de l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1986 précité).

Le 3° réécrit le dernier alinéa de l'article L. 961-13 : celui-ci, dans sa rédaction actuelle, fait du COPACIF l'organisme mutualisateur non seulement des OPCA « CIF », mais aussi des OPCA « capital de temps de formation ». Compte tenu de la suppression de ce dispositif, cette mention peut disparaître.

En revanche, sont proposées trois ressources complémentaires pour le fonds national (outre les excédents financiers des OPCA) :

- par dérogation à l'article L. 951-9 du code du travail qui en prévoit le versement au Trésor public, le « manque à payer » éventuel par rapport à la contribution « alternance » due par les employeurs de dix salariés et plus ;

- par dérogation à l'article L. 952-3 du même code pour les mêmes raisons, ce manque à payer s'agissant des employeurs de moins de dix salariés ;

- de la part des OPCA « alternance », un prélèvement de 5 à 10 % sur les contributions qu'ils ont perçues des employeurs (de plus et de moins de dix salariés).

Les deux premières de ces ressources complémentaires existent déjà, étant prévues aux 1° et 2° du II de l'article 45 de la loi de finances rectificative précité. Le texte justifierait toutefois, sur ce point, une clarification, afin qu'il apparaisse si non seulement la contribution éludée, mais aussi les majorations infligées à titre de pénalité et déjà prévues par la loi sont versées au fonds national.

Quant à la troisième, elle est envisagée, comme on l'a dit, dans l'ANI, mais la rédaction du projet, employant le terme « reversement », va au-delà de l'accord collectif, qui mentionnait seulement une « provision » éventuellement appelée.

Par ailleurs, le projet de loi ne précise pas comment sera fixé chaque année le taux retenu dans la fourchette des 5 % à 10 %. L'ANI confie au Comité paritaire national pour la formation professionnelle cette mission. Dans le projet, sans doute ce point est-il renvoyé implicitement au décret au Conseil d'Etat prévu.

On relève enfin que ces ressources complémentaires ne concernent que le champ « alternance » et pas le champ « CIF ».

Le paragraphe II abroge l'article 45 de la loi de finances rectificative précité, qui constitue la base légale de l'AGEFAL, devenue inutile compte tenu de sa fusion avec le COPACIF.

*

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à instituer un meilleur contrôle du nouveau fonds unique de mutualisation au second degré sur les organismes collecteurs.

Le rapporteur a indiqué que cet amendement permet de mettre la rédaction du projet de loi en conformité avec les vœux exprimés par les partenaires sociaux.

La commission a adopté l'amendement, puis un amendement de clarification et de simplification du rapporteur.

La commission a examiné, en discussion commune, quatre amendements de MM. Jean-Marc Roubaud, Edouard Landrain, Lionnel Luca et Francis Vercamer visant à augmenter la part des fonds recueillis par les organismes collecteurs de l'alternance qu'ils doivent reverser au fonds national mis en place par l'article 24 du projet de loi.

M. Edouard Landrain a indiqué que la réduction de la mutualisation des fonds collectés pour la formation risque d'entraîner la diminution des moyens alloués aux contrats interprofessionnels diplômants, lesquels sont très utilisés par les petites et moyennes entreprises (PME).

M. Francis Vercamer a déclaré qu'il convient de fixer des marges de péréquation plus larges, comprises entre 5 et 15 % des contributions recueillies par les fonds collecteurs.

Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, la commission a rejeté ces amendements.

La commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article 25

Utilisation du fonds de réserve
de la Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers

Le présent article vise à autoriser la Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers (CAINAGOD) à utiliser une partie de son fonds de réserve au profit des entreprises de manutention exerçant leur activité dans les ports maritimes, dans le cadre d'un plan comprenant des aides à l'embauche et des actions de formation.

Il convient de rappeler qu'une importante réforme de la manutention portuaire a été réalisée en 1992 par la loi n° 92-496 du 9 juin 1992 : il a été décidé de rapprocher le statut social des dockers du droit commun en favorisant leur mensualisation ; par ailleurs, des plans sociaux massifs, assortis d'indemnités conséquentes, ont permis de réduire fortement les effectifs (de plus de 8 000 dockers en 1992 à un peu plus de 4 000 aujourd'hui). Sur les environ 4 250 ouvriers dockers en activité dans les ports maritimes français, 3 150 « anciens » sont issus du régime antérieur à la réforme, dont la majorité ont été mensualisés et 550 seulement, fin 1992, étaient encore des « intermittents » (statutairement).

Or, la CAINAGOD a été instituée pour assurer une garantie de revenu aux dockers intermittents. Les ressources de la Caisse, définies à l'article L. 521-6 du code des ports maritimes, proviennent essentiellement de cotisations des entreprises de manutention portuaire. Quant à l'utilisation de ces fonds, il s'agit de couvrir le risque d'inemploi de ces intermittents, sous la forme d'une indemnité de garantie par vacation chômée qui est actuellement de 17,58 €, et de verser à ceux qui sont radiés, en application de règles de contingentement des effectifs (posées à l'article L. 521-8 du code précité), une indemnité compensatrice qui s'assimile à une indemnité de licenciement.

La quasi-disparition de l'intermittence réduit évidemment l'intervention de la Caisse, qui a constitué en conséquence un fonds de réserve. De plus, la vente de l'immeuble abritant son siège social, situé dans le septième arrondissement de Paris, est en cours.

Or, il existe dans le secteur un important besoin de formation lié aux embauches récentes. Depuis quatre ans, la profession de docker s'est en effet renouvelée : près de 1 000 départs ont été remplacés par un nombre à peu près équivalent d'embauches de dockers non issus de l'intermittence, réalisées lors de la mise en place des 35 heures et pour remplacer les dockers partis en cessation anticipée d'activité, principalement dans le cadre du dispositif « amiante » institué pour eux en 2000.

Il est donc proposé d'affecter une partie du fonds de réserve de la CAINAGOD à des actions en faveur de l'embauche et de la formation professionnelle bénéficiant à l'ensemble de la profession. On peut s'interroger sur le caractère rétroactif du dispositif, puisqu'il vise des « actions entreprises à partir du 1er janvier 2000 ». Il a été indiqué au rapporteur qu'il ne s'agissait pas de donner une base légale à des subventions qui auraient déjà été accordées, mais de permettre la prise en compte, dans les subventions futures, de dépenses engagées par les employeurs depuis 2000.

Cette affectation a fait l'objet d'un accord entre les partenaires sociaux représentés à la CAINAGOD, l'Union nationale des industries de la manutention (UNIM) et la Fédération nationale des ports et docks (FNPD-CGT). Le conseil d'administration de la CAINAGOD a pris acte de cet accord lors de sa réunion du 9 octobre 2002. Au demeurant, il existe un précédent d'utilisation du fonds de réserve pour un objet ponctuel, qui avait fait l'objet d'une disposition législative (à l'article 58 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, afin de contribuer au financement de plans sociaux).

Un montant de l'ordre de 4,5 M€, comparable au produit de la vente de l'immeuble précité, pourrait être dégagé pour les actions en faveur de l'emploi et de la formation.

Cette affectation ne pouvant être pérenne, même si le projet ne la limite pas dans le temps, puisque liée à une disponibilité financière ponctuelle, la présente mesure n'est pas codifiée.

*

La commission a adopté l'article 25 sans modification.

Chapitre VIII

La mise en
œuvre concertée des politiques de formation professionnelle et le contrôle de la formation professionnelle

Article 26

(article 941 du code du travail)


Transmission d'informations statistiques

Cet article institue un dispositif de remontée d'information, à des fins statistiques, des organismes collecteurs vers l'Etat. Il pourrait aussi concerner utilement le fonds unique de mutualisation de second degré institué par l'article 24 du présent projet.

Les organismes collecteurs devront ainsi transmettre des données physiques et comptables relatives aux actions qu'ils mènent et des données agrégées sur les bénéficiaires de ces actions. Afin que le traitement statistique puisse également être assuré par les administrations d'Etat, seront aussi transmises des informations destinées à la constitution d'échantillons.

Afin d'éviter tout risque juridique au regard des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, il serait opportun de préciser que ces données sont « non nominatives ».

Il est enfin prévu que les statistiques élaborées grâce à ces éléments soient mises à la disposition des syndicats professionnels (définis à l'article L. 411-1 du code du travail) et régulièrement publiées. Le rapporteur propose de préciser le texte afin que la transmission de ces statistiques aux organisations patronales soit également explicitement prévue.

*

La commission a adopté trois amendements de précision du rapporteur puis l'article 26 ainsi modifié.

Article 27

(articles L. 991-1, L. 991-4, L. 991-8 et L. 993-3 du code du travail)


Contrôle de la formation professionnelle

Cet article a pour objet d'aménager le dispositif de contrôle de la formation professionnelle. Il porte principalement sur le chapitre I du titre IX du livre IX du code du travail, qui traite du contrôle administratif et financier de celle-ci. Il s'agit d'élargir le champ de compétence de ce contrôle, afin qu'il soit plus cohérent, et de le rendre plus réactif.

Le rapporteur ne peut qu'approuver ces dispositions, en espérant que l'élargissement des compétences des contrôleurs de la formation professionnelle s'accompagnera d'un renforcement des moyens.

D'après des données, un peu anciennes, retracées dans le rapport précité de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, le groupe national et les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle, soit environ 150 personnes, auraient réalisé, en 1997, 3 000 contrôles sur place ayant conduit à environ 22 M€ de redressements.

Le paragraphe I du présent article a pour objet d'étendre le contrôle administratif et financier de l'Etat, actuellement limité, s'agissant des employeurs, aux dépenses engagées au titre de l'obligation financière légale, à l'ensemble de leurs dépenses de formation et assimilées dès lors qu'elles bénéficient d'un financement public ou par le biais des organismes collecteurs.

Actuellement, en effet, le contrôle ne porte que sur les dépenses de formation déclarées par les employeurs au titre de l'obligation de formation ; les grosses entreprises, dans la mesure où elles sont en pratique très au-dessus de l'obligation légale des 1,5 % de la masse salariale, peuvent ne déclarer qu'une partie de ces dépenses, et les employeurs de moins de dix salariés, n'étant tenus qu'à des versements à des organismes collecteurs, n'ont pas à déclarer leurs dépenses directes. Pourtant, lorsque ces actions bénéficient de financements publics, il est légitime qu'elles puissent être contrôlées.

Le paragraphe II supprime une référence aux contrats d'orientation, supprimés par le présent projet.

Le paragraphe III étend les compétences de contrôle des services spécialisés précités à la vérification du respect des obligations de formation de l'ensemble des employeurs, qu'il s'agisse des employeurs de personnels en contrat à durée déterminée, soumis à un régime spécifique de financement des congés de formation (prévu à l'article L. 931-20 du code du travail), des employeurs d'intermittents du spectacle, soumis de même à un régime spécifique de financement de la formation professionnelle (prévu au chapitre IV du titre V du livre IX du même code), des employeurs de plus ou de moins de dix salariés (visés respectivement aux chapitres I et II du titre V du livre IX du code). La rédaction actuelle ne visait pas, du moins explicitement5, les employeurs de moins de dix salariés, non plus que ceux d'intermittents, et laissait de côté certaines dépenses de formation des employeurs de dix salariés et plus.

Le paragraphe IV, en lien avec le I, élargit l'obligation existante, pour les employeurs, de justifier de la réalité des actions de formation conventionnées avec l'Etat, aux actions financées par les collectivités locales et les OPCA. Il précise la sanction de la non production des justifications demandées : l'action sera réputée non exécutée (en conséquence, la subvention devra être remboursée).

Le paragraphe V concerne la procédure d'information des financeurs sur les résultats des contrôles.

Il précise que cette information n'a lieu que si le contrôle a révélé l'inexécution d'actions de formations financées (l'inexécution couvrant la non justification des actions menées, au sens du dernier alinéa de l'article L. 991-4 du code du travail tel que modifié par le présent article 27), bref s'il a été « positif ».

Le délai dans lequel les financeurs sont informés est également précisé et accéléré : dès la fin de la phase contradictoire de la procédure de contrôle, donc sans attendre que les sanctions administratives consécutives (redressement financier, retrait d'agrément ou résiliation de convention) aient été prononcées, alors que, dans la rédaction en vigueur, aucun délai n'était fixé et que la formule employée de « résultats du contrôle » renvoyait manifestement à une information en fin de parcours.

Enfin, en lien avec les alinéas précédents de l'article 27, ce paragraphe harmonise les dispositions légales en visant les actions financées non seulement par l'Etat et les collectivités locales (rédaction actuelle), mais aussi celles financées par les OPCA.

Le paragraphe VI modifie le 1° de l'article L. 993-3 du code du travail, qui punit d'une peine de prison de cinq ans et/ou d'une amende pénale de 37 500 € la fraude à l'obligation financière de formation pour les employeurs. Il supprime la référence à l'article 30 de la loi de finances pour 1985 précité, abrogé par l'article 32 du présent projet, et étend le champ de cette disposition pénale aux agriculteurs et aux pêcheurs (visés respectivement aux articles L. 953-3 et L. 953-4 du code) qui éluderaient frauduleusement les contributions de formation dont ils sont redevables.

On peut aussi considérer que cette disposition devrait également concerner en tant que tels les employeurs de personnes en contrat à durée déterminée et d'intermittents du spectacle, dans la mesure où leurs obligations financières de formation spécifiques sont plus élevées qu'au titre des autres catégories de salariés.

Le paragraphe VII concerne le 2° du même article, qui sanctionne des mêmes peines le détournement des fonds des organismes collecteurs. Il procède à des rectifications de références.

Il serait logique d'étendre le champ de ce dispositif aux gestionnaires du nouveau fonds national unique de mutualisation au second degré créé par le présent projet.

*

La commission a adopté deux amendements du rapporteur, tendant à compléter le champ des personnes visées par les sanctions pénales pour fraude aux obligations de formation et détournement des fonds des organismes collecteurs.

Elle a ensuite adopté l'article 27 ainsi modifié.

Chapitre IX

L'apprentissage

Article 28

(article 117-3 du code du travail)


Dérogations à la limite d'âge pour la signature d'un contrat d'apprentissage

L'article L. 117-3 du code du travail en vigueur dispose que « nul ne peut être engagé en qualité d'apprenti s'il n'est âgé de seize ans au moins à vingt-cinq ans au début de l'apprentissage », puis prévoit une dérogation pour les jeunes âgés de quinze ans.

Les limites d'âge, tel qu'est rédigé l'article, s'appliquent donc à l'engagement d'un apprenti, à la conclusion d'un contrat d'apprentissage.

Le présent article 28 institue deux possibilités de dérogations à la limite supérieure des vingt-cinq ans :

- « lorsque le contrat proposé fait suite à un contrat d'apprentissage précédemment souscrit et conduit à un niveau de diplôme supérieur à celui obtenu à l'issue du contrat précédent » ;

- « lorsqu'il y a eu rupture du contrat pour des causes indépendantes de la volonté de l'apprenti ou suite à une incapacité physique et temporaire de celui-ci » ;

Il ne s'agit donc pas de permettre une première entrée en apprentissage après vingt-cinq ans, mais la poursuite de l'apprentissage après cet âge, soit pour acquérir un diplôme plus élevé, soit dans le cas où la conclusion d'un nouveau contrat est nécessaire, le précédent ayant accidentellement rompu.

De surcroît, ces dérogations seront doublement encadrées :

- par un décret d'application, dont le projet prévoit qu'il fixera notamment l'intervalle de temps maximal entre le nouveau contrat et la fin du précédent dans le premier cas de figure ;

- par l'intervention de l'administration. Les dérogations seront en effet accordées, selon le texte proposé, par l'administration chargée de l'enregistrement des contrats d'apprentissage, c'est-à-dire, selon l'article L. 117-14 du code du travail, celle qui est chargée de l'inspection du travail dans la branche concernée (le plus souvent les directions départementales du travail et de l'emploi ; d'autres services dans des secteurs tels que les transports, l'agriculture, les mines et carrières, les industries électriques et gazières...). Les conditions d'obtention des dérogations seront précisées par le décret d'application.

Dans la mesure où, de toute façon, les contrats d'apprentissage conclus dans les conditions dérogatoires du présent article devront être enregistrés, comme tout contrat d'apprentissage, par l'administration, qui dispose à cette occasion d'un pouvoir d'opposition pour non-respect de la réglementation (cf. article L. 117-14 précité), on peut s'interroger sur l'opportunité de prévoir au présent article L. 117-3 une procédure administrative spécifique impliquant apparemment, selon la rédaction proposée, une forme de pouvoir discrétionnaire de l'administration (selon cette rédaction, les dérogations ne sont pas accordées, mais peuvent l'être...) et un caractère préalable de l'autorisation. Si le présent article L. 117-3 se bornait à instituer des dérogations sans mentionner de procédure d'obtention, on rentrerait dans le droit commun : l'inspection du travail contrôlerait le contrat d'apprentissage lors de son enregistrement et aurait quinze jours pour s'y opposer, faute de quoi il serait implicitement validé.

On relève enfin une certaine ambiguïté de la formule selon laquelle le contrat permettant d'obtenir un diplôme plus élevé devra « faire suite » à un autre : cette formule vise clairement, au regard notamment de la rédaction du dernier alinéa du présent article 28, à ce qu'il y ait une certaine continuité temporelle entre les deux contrats (donc un intervalle de temps limité). Mais elle pourrait également être interprétée comme impliquant que le nouveau contrat soit passé avec la même entreprise, interprétation restrictive que ne souhaite pas le rapporteur.

*

La commission a adopté deux amendements du rapporteur : le premier visant à simplifier la formalité d'autorisation des contrats d'apprentissage dérogatoires prévue par l'article, le second de conséquence.

Elle a ensuite adopté l'article 28 ainsi modifié.

Article 29

(article L. 115-3 du code du travail)


Suspension du contrat de travail au titre d'un contrat d'apprentissage

Cet article vise à autoriser la suspension d'un contrat de travail à durée indéterminée, par accord entre le salarié et l'employeur, en vue de la conclusion d'un contrat d'apprentissage avec le même employeur.

Le rapporteur approuve certes tout ce qui va dans le sens d'un enrichissement du contenu en formation de la relation de travail.

Cependant, l'apprentissage doit rester ce qu'il est aujourd'hui : une formation en alternance sans doute, mais une formation initiale. L'évolution proposée risque de brouiller complètement les limites entre la formation initiale et la formation continue. Au demeurant, toute l'ambiguïté de cette mesure est exprimée dans le « livre blanc » sur la réforme de l'apprentissage du secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, où elle est présentée comme une alternative, soit au contrat, soit aux périodes de professionnalisation, pour remédier à l'insuffisance du quota de 15 % de temps de formation dans les branches qui n'auraient pas relevé ce taux minimal.

En outre, cet article pose plusieurs problèmes juridiques :

1. Si la suspension du contrat de travail est un cas de figure bien connu du droit du travail, la conclusion, entre les deux mêmes parties qui ont suspendu ce contrat, d'un autre contrat de travail parallèle, en l'espèce un contrat d'apprentissage, constitue pour le moins une curiosité juridique.

Il existe des précédents dans lesquels l'employeur et le salarié, toujours liés par un contrat de travail suspendu, signent un nouveau contrat, notamment dans le cadre des congés de conversion6, mais ce nouveau « contrat » n'est pas alors qualifié de « contrat de travail », tandis qu'un contrat d'apprentissage est selon l'article L. 117-1 du code du travail un « contrat de travail de type particulier ». En outre, dans le cas précité de la conversion, si le contrat de travail n'est dans un premier temps que suspendu, il est voué à être rompu ensuite, ce qui n'est pas le cas présent.

2. Les conséquences de la suspension du contrat de travail d'un nouveau genre que le présent article 29 institue ne sont que très sommairement définies dans cet article, ce qui pose la question des garanties apportées au salarié.

a) La seule précision apportée par le présent projet concerne la durée de la suspension du contrat de travail, qui correspondrait - selon le premier alinéa du nouvel article L. 115-3 du code du travail - à la durée du contrat d'apprentissage, et serait égale - selon le second alinéa du même article - à la « durée de la formation nécessaire à l'obtention de la qualification professionnelle recherchée, prévue au 1° de l'article L. 115-1 [du code du travail] ».

Outre que la référence finale est obscure (sans doute vaudrait-il mieux viser le deuxième alinéa de l'article L. 115-1 du code), la rédaction de ce second alinéa apparaît à la fois redondante, éventuellement contradictoire avec d'autres dispositions et peu protectrice :

- Elle est redondante et éventuellement contradictoire avec d'autres dispositions, car l'article L. 115-2 du code précité dispose que « la durée du contrat d'apprentissage est au moins égale à celle du cycle de formation qui fait l'objet du contrat ». Dès lors qu'il est dit, au premier alinéa de l'article L. 115-3 nouveau du code, que le CDI est suspendu « pendant la durée du contrat d'apprentissage », à quoi bon une deuxième définition de la durée de cette suspension, déjà liée à la durée du contrat d'apprentissage, qui est par ailleurs elle-même définie ? Sauf à vouloir exclure un contrat d'apprentissage conclu pour une durée dépassant la durée de la formation, ce qui est possible dans le cas général, mais ce qu'exclurait dans le cas particulier la formule selon laquelle la durée de la suspension du contrat de travail est « égale », et non pas « au moins égale » à celle de la formation... Mais dans cette hypothèse, il conviendrait de plafonner la durée du nouveau type de contrat d'apprentissage institué, pas celle de la suspension du contrat de travail consécutive.

- Elle est peu protectrice car elle laisse de côté l'hypothèse où l'apprenti, sans commettre de faute vis-à-vis de l'employeur, échouerait au cours de la formation et souhaiterait anticiper son retour dans son statut antérieur de salarié de droit commun.

b) Pour le reste, aucune des garanties habituellement apportées dans les différents cas de suspension du contrat de travail n'est ici présente : conservation du salaire ou du moins garantie de le retrouver à la fin de la période de suspension ; conservation des avantages liés à l'ancienneté, voire prise en compte à ce titre de la période de suspension ; obligation pour l'employeur de garantir en fin de suspension un emploi au moins équivalent à celui antérieur à la période d'apprentissage (on se place dans l'hypothèse où le salarié aurait échoué)...

Le rapporteur propose la suppression de cette disposition qui brouille excessivement la frontière formation initiale/formation continue et est juridiquement très mal cadrée.

*

La commission a examiné un amendement du rapporteur de suppression de cet article.

Le rapporteur a proposé de supprimer cet article en considérant que l'apprentissage doit demeurer ce qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire une formation initiale. Or, l'évolution proposée par l'article risque de brouiller les limites entre la formation initiale et la formation continue. De plus, l'article pose plusieurs problèmes juridiques. D'une part, si la suspension du contrat de travail est un cas de figure bien connu du droit du travail, la conclusion, entre les deux mêmes parties qui ont suspendu ce contrat, d'un autre contrat de travail parallèle, en l'espèce un contrat d'apprentissage, constitue pour le moins une curiosité juridique. D'autre part, les conséquences de la suspension du contrat de travail d'un nouveau genre institué par l'article ne sont que très sommairement définies, ce qui pose la question des garanties apportées au salarié.

M. Christian Paul s'est déclaré surpris et admiratif de l'audace du rapporteur. L'article 29 apparaissait effectivement totalement incongru dans le présent texte et les commissaires socialistes, qui envisageaient de proposer une modification du dispositif mais n'osaient espérer sa suppression, voteront volontiers l'amendement proposé par le rapporteur !

M. René Couanau a approuvé l'amendement en soulignant l'absence de lien entre l'article 29 et le reste du projet de loi.

M. Francis Vercamer a estimé qu'un débat de fond sur la formation en alternance doit avoir lieu, mais que ce sujet ne relève pas du présent texte.

La commission a adopté l'amendement du rapporteur et a donc supprimé l'article 29.

En conséquence, deux amendements de MM. M. Francis Vercamer et M. Christian Paul sont devenus sans objet.

Article 30

(article L. 117 bis -3 et L. 212-13 du code du travail)


Durée quotidienne du travail applicable aux jeunes travailleurs

Cet article porte de sept à huit heures le temps de travail effectif maximal journalier applicable aux apprentis de moins de dix-huit ans (paragraphe I de l'article), de même qu'à l'ensemble des jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans, dont ceux bénéficiant de formations en alternance (paragraphe II de l'article).

La durée maximale hebdomadaire applicable aux uns et aux autres n'est pas modifiée : elle reste fixée à la durée légale du travail (trente-cinq heures). De même, n'est pas modifiée la possibilité de dérogations, autorisées par l'inspection du travail avec avis conforma du médecin du travail, dans la limite de cinq heures par semaine (prévue au deuxième alinéa de chacun des deux articles du code du travail modifiés par le présent article 30).

L'exposé des motifs du projet explique que cette mesure « facilitera l'organisation de l'alternance et du travail pour les apprentis dans certaines branches (semaine de quatre jours, suivi de l'horaire collectif de travail lorsqu'il y a des déplacements à l'extérieur de l'entreprise) et mettra fin ainsi à des dérogations devenues structurelles... ». Le rapporteur souligne en effet que dans certaines branches comme le bâtiment, où les personnels se déplacent sur des chantiers, il n'est pas raisonnable d'imposer des horaires distincts pour les apprentis. Il ne s'agit d'ailleurs, en l'espèce, que de revenir à la situation de droit qui prévalait il y a peu puisque c'est la « loi de modernisation sociale » du 17 janvier 2002 (n° 2002-73) qui avait réduit de huit à sept heures l'horaire applicable aux apprentis.

Il convient toutefois de rappeler que la directive communautaire 94/33 du 22juin 1994 « relative à la protection des jeunes au travail » limite impérativement le temps de travail des moins de dix-huit ans à huit heures par jour et quarante heures par semaine (article 8, § 2), la seule dérogation admissible étant le cas de « force majeure », correspondant, selon la définition donnée, à des travaux « passagers », « ne souffrant aucun retard », en l'absence de travailleurs adultes disponibles (article 13).

L'article 16 de la directive propose la clause habituelle de « non régression », selon laquelle « la mise en œuvre de la présente directive ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des jeunes ».

Le rapporteur observe qu'un horaire maximal de droit commun de huit heures par jour est conforme au droit communautaire et considère que l'augmentation proposée de sept à huit heures n'est pas motivée par une sorte de démarche de « moins-disant » social européen, mais par le souci de s'adapter à des contraintes pratiques. Faciliter l'insertion en alternance des jeunes grâce à un allongement modéré de l'horaire de travail maximal ne constitue pas une régression.

Cependant, il doit être clair que la possibilité de dérogation existante au temps de travail maximal des jeunes dans la limite de cinq heures pas semaine ne saurait à l'avenir concerner le plus souvent que la durée hebdomadaire (portée à quarante heures au plus par cette dérogation, ce qui ne pose pas de problème vis-à-vis du droit communautaire), et non la durée quotidienne, désormais portée au plafond communautaire de huit heures, qui ne peut être dépassé que pour « force majeure ». Ces dérogations étant attribuées par l'inspection du travail, qui est naturellement au fait du droit communautaire, il n'est sans doute pas nécessaire de préciser ce point dans la loi.

*

La commission a adopté l'article 30 sans modification.

Article 31

(article L. 117-13 du code du travail)


Période de conclusion des contrats d'apprentissage

Dans le droit en vigueur, les contrats d'apprentissage doivent être conclus dans les trois mois précédant ou les deux mois suivant le début du cycle de formation suivi par l'apprenti, à savoir, sauf exception, la rentrée scolaire.

Des dérogations sont toutefois possibles.

Le présent article propose de porter de deux à trois mois la période après la rentrée scolaire où les contrats pourront être conclus de droit (sans dérogation), en pratique de repousser à fin décembre la fin de la période « officielle » d'entrée en apprentissage.

Cette mesure vise à faciliter le changement d'orientation tardif de jeunes insatisfaits de la voie de formation qu'ils avaient choisie à la rentrée scolaire.

D'après la présentation qui est faite de cette disposition dans le « livre blanc » sur l'apprentissage précité du secrétariat d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, le gouvernement souhaite que l'accès à l'apprentissage soit possible toute l'année, mais il considère qu'il est opportun de se borner à un léger élargissement de la période « normale » d'entrée en apprentissage, des dérogations étant toujours possibles le reste de l'année.

En effet, aller plus loin impliquerait des évolutions coûteuses et difficiles à mettre en œuvre comme l'instauration d'une « seconde rentrée » en apprentissage en février.

*

La commission a adopté l'article 31 sans modification.

Chapitre X

Dispositions transitoires et finales

Article 32

Entrée en vigueur différée des contrats de professionnalisation

Le présent article a deux objets :

·  Dans son premier alinéa, il abroge des dispositions qui n'auront plus lieu d'être :

- l'article 30 de la loi de finances pour 1985 précité, lequel contenait le régime « historique » de financement de la formation en alternance, désormais intégré au code du travail par le présent projet ;

- en cohérence avec la suppression des contrats de qualification par l'article 13 du présent projet, l'article 25 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions (n° 98-657 du 29 juillet 1998), modifié par la loi de finances pour 2002, lequel prévoyait, par dérogation à la limite d'âge normale, la possibilité de signer des contrats de qualification avec des demandeurs d'emploi de vingt-six ans et plus rencontrant « des difficultés sociales et professionnelles » ;

- l'article 2 de la loi du 17 juillet 2001 (n° 2001-624) portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, prévoyant la possibilité temporaire d'un financement de ces contrats de qualification pour les demandeurs d'emploi par l'UNEDIC.

On rappelle que les articles 13 et 15 du projet instituent une possibilité pour les demandeurs d'emploi de vingt-six ans et plus de bénéficier des nouveaux contrats de professionnalisation, ainsi qu'une possibilité de financement dans ce cas par l'UNEDIC. Les dispositions précitées sont donc en fait pérennisées dans le cadre des nouveaux contrats d'alternance.

·  Par ailleurs, le présent article organise la transition entre l'ancien et le nouveau régime de l'alternance :

Le paragraphe I comporte deux phrases :

La première phrase établit une continuité institutionnelle en disposant que les organismes collecteurs actuellement agréés au titre de l'alternance sont ipso facto agréés au titre du nouveau régime juridique, donc agréés « au titre des contrats ou des périodes de professionnalisation (...) et du droit individuel à la formation (...) » tel qu'il est prévu aux articles 18 et 21 du présent projet.

La seconde phrase a une portée plus incertaine : elle dispose que « les dispositions de l'article 30 [précité] sont applicables à ces organismes [les collecteurs] jusqu'au 30 juin 2004 ».

La portée de cette formule est incertaine, car elle implique que l'on fasse le « tri », dans l'article 30 précité, par ailleurs abrogé, des dispositions « applicables » aux OPCA. S'agit-il des taux des cotisations qui leur sont dues ? Cela entrerait en contradiction avec les articles 18 et 21 du projet qui fixent de nouveau taux sans qu'une date d'entrée en vigueur spécifique soit prévue (les nouveaux taux entreront donc en vigueur à la promulgation de la loi). S'agit-il de la possibilité pour ces OPCA de continuer à financer les contrats d'alternance « ancien régime » (dits de qualification, d'adaptation ou d'orientation) en cours ou conclus tant que cela sera permis (voir infra) ? Mais cette possibilité est déjà prévue au paragraphe II du présent article (voir infra). S'agit-il de maintenir jusqu'au 30 juin 2004 certaines dispositions de l'article 30 précité qui ne sont pas reprises dans le « nouveau régime » de l'alternance, à savoir principalement le plafonnement à 35 % de la part des fonds versés au titre de l'alternance par les entreprises de dix salariés et plus qui peut être affectée à des centres de formation d'apprentis ? S'il est décidé de les supprimer, on ne voit pas trop l'intérêt de maintenir ces dispositions pour les quelques mois séparant la promulgation probable de la présente loi du 30 juin 2004.

Le rapporteur propose de supprimer cette phrase à la portée juridique mal définie et à l'utilité incertaine.

Le paragraphe II tend à autoriser, quelle que soit la date de promulgation de la présente loi (que l'on suppose antérieure au 30 juin 2004), la conclusion de contrats de qualification, d'adaptation et d'orientation, y compris au-delà de la limite d'âge des vingt-cinq ans, jusqu'au 30 juin 2004. Il est précisé qu'au-delà même de cette date, les contrats en cours continueront à être régis par les dispositions législatives qui les définissent, par ailleurs abrogées, et à être financés par les organismes collecteurs de l'alternance (à cette fin, il est fait référence à l'article 30 de la loi de finances pour 1985 précité).

Les organismes de formation demandent avec insistance le report de cette échéance, ce qui permettrait d'effectuer la rentrée scolaire 2004 dans l'ancien système. Ils font valoir l'importance de l'effort de reconversion impliqué pour nombre d'entre eux par la réforme, le temps à laisser aux branches pour négocier le nouveau dispositif de « professionnalisation » et la méconnaissance de celui-ci par les jeunes et les familles ; ils estiment que le hiatus qu'entraînerait une suppression trop précoce des contrats de qualification pourrait se traduire par le passage au chômage de 70 000 jeunes. Ces arguments méritent d'être pris en considération, mais il convient également de respecter les choix des partenaires sociaux. C'est pourquoi des reports de cette date ne devraient sans doute être envisagés qu'à titre dérogatoire.

Le paragraphe III prévoit, en coordination avec le paragraphe précédent, que les nouveaux contrats de professionnalisation ne pourront être conclus qu'à compter du 1er juillet 2004. Il en est de même pour la mise en œuvre des périodes de professionnalisation.

*

La commission a rejeté un amendement de rédaction globale de M. Jean-Marc Roubaud reportant au 1er juillet 2005 l'entrée en vigueur des dispositions relatives aux contrats de professionnalisation, le rapporteur ayant donné un avis défavorable.

La commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la dernière phrase du I de l'article, inutile et de portée juridique incertaine.

En conséquence, un amendement de M. Lionnel Luca est devenu sans objet.

La commission a examiné en discussion commune deux amendements de MM. Lionnel Luca et Edouard Landrain repoussant au 30 juin 2005 la fin des contrats de qualification, d'orientation et d'adaptation.

M. Lionnel Luca a annoncé le retrait de son amendement afin de le retravailler pour un nouvel examen lors de la réunion au titre de l'article 88 du Règlement. Après réflexion et compte tenu des modifications qui ont été adoptées sur le contrat de professionnalisation, il semble en effet préférable de maintenir la date du 1er juillet 2004 pour l'entrée en vigueur de ces dispositions, tout en prévoyant des dérogations pour les organismes de formation qui le nécessiteraient.

Le rapporteur a approuvé cette position.

M. Edouard Landrain a également annoncé le retrait de son amendement.

Les deux amendements ont donc été retirés.

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Paul reportant au 1er juillet 2005 l'entrée en vigueur des dispositions relatives aux contrats de professionnalisation, après que M. Edouard Landrain et M. Lionnel Luca ont retiré des amendements identiques.

M. Christian Paul a demandé au rapporteur d'expliciter sa position en ce qui concerne la date d'entrée en vigueur du nouveau dispositif.

Le rapporteur a expliqué qu'il souhaite conserver la date fixée par le projet de loi - c'est-à-dire le 1er juillet 2004 - tout en prévoyant, comme le propose M. Lionnel Luca, une possibilité de dérogation.

Satisfait par ces explications, M. Christian Paul a retiré son amendement. Deux amendements de repli de M. Francis Vercamer ont également été retirés.

Elle a ensuite adopté l'article 32 ainsi modifié.

Article 33

Maintien en vigueur des accords collectifs antérieurs

Cet article a pour objet, selon l'exposé des motifs du projet, de permettre aux accords de branche ou d'entreprise conclus antérieurement à la promulgation de la présente loi et qui prévoyaient l'organisation d'une partie de la formation en dehors du temps de travail de continuer à être applicables.

Dans leur rédaction en vigueur, l'article L. 932-1 du code du travail autorise la conclusion d'accords nationaux interprofessionnels prévoyant les conditions dans lesquelles des actions de formation peuvent être réalisées en partie hors du temps de travail, et le deuxième alinéa de l'article L. 932-2 du même code prévoit la possibilité d'organiser, par accord de branche ou d'entreprise, des actions de développement des compétences des salariés en partie hors du temps du travail.

Comme on l'a vu (cf. commentaire de cet article supra), l'article 10 du présent projet abroge l'article L. 932-2 et réécrit l'article L. 932-1, où sont désormais précisés quelles actions de formation peuvent être conduites au-delà de la durée légale du travail ou hors du temps de travail, ainsi que les contingents horaires annuels afférents.

Cette rédaction beaucoup plus précise peut naturellement entre en contradiction avec des accords antérieurs conclus sous le régime précédemment exposé. Le présent article maintient donc en vigueur ces accords par dérogation à la nouvelle réglementation.

Il est à noter que l'ANI du 20 septembre 2003 a effectivement prévu explicitement le maintien en vigueur des dispositions contraires que comporteraient des accords collectifs antérieurs, mais en plaçant le curseur différemment : ne seraient exemptés que les accords antérieurs au 1er janvier 20027. Le rapporteur propose de reprendre cette date.

*

La commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier de précision, le second de portée rédactionnelle.

La commission a examiné deux amendements identiques du rapporteur et de M. Christian Paul visant à limiter la clause d'exemption prévue par l'article aux seuls accords de branche ou d'entreprise conclus avant le 1er janvier 2002.

M. Christian Paul a expliqué que ces amendements sont fidèles au texte de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, qui prévoit que les nouvelles dispositions concernant le plan de formation de l'entreprise, notamment concernant les actions de formation liées à l'évolution des emplois et les actions de développement des compétences, sont applicables aux conventions et accords collectifs de branche ou d'entreprise conclus depuis le 1er janvier 2002.

La commission a adopté les amendements.

La commission a ensuite adopté l'article 33 ainsi modifié.

TITRE II

DU DIALOGUE SOCIAL

Avant l'article 34

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz tendant à organiser le même jour dans chaque branche professionnelle une consultation des salariés afin d'apprécier la représentativité des organisations syndicales.

Article 34

(article L.132-2-2 du code du travail)


Règles de conclusion des accords collectifs

Cet article modifie les règles actuelles de conclusion des accords collectifs afin de renforcer leur légitimité. Pour ce faire, il retient le principe selon lequel un accord est valide lorsqu'il recueille la signature de la ou des organisations syndicales majoritaires ou à défaut lorsqu'il ne fait l'objet d'une opposition de ces organisations.

Le principe est décliné selon des modalités propres à chaque niveau de négociation : niveau interprofessionnel (paragraphe I), niveau de la branche (paragraphe II) et niveau de l'entreprise (paragraphe III). Les paragraphes IV et V précisent respectivement les conditions de notification et de délai permettant l'exercice du droit d'opposition et les conséquences de celui-ci.

I - Les règles actuelles de conclusion des accords collectifs

Elles reposent sur la capacité de toute organisation syndicale représentative à conclure un accord collectif susceptible sous certaines conditions de s'imposer à tous.

A - L'exigence de représentativité

En vertu de l'article L. 132-2 du code du travail, la convention ou l'accord collectif de travail est conclu entre :

- d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs, un groupement d'employeurs ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement ;

- d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au plan national, affiliées à l'une de ces organisations ou ayant fait la preuve de sa représentativité dans le champ de l'accord.

Chacune de ces organisations peut habiliter ses représentants à contracter en vertu d'une disposition statutaire, d'une délibération spéciale ou d'un mandat spécial (article L. 132-3 du code du travail).

1 - La capacité contractuelle des employeurs

Le code du travail laisse une assez grande liberté aux employeurs s'agissant des formes de leur représentation. Il n'impose en principe pas de condition de représentativité aux employeurs et aux structures les représentant puisqu'ils ne négocient que pour eux-mêmes ou leurs adhérents dans les cas suivants :

- L'employeur, personne physique ou morale, peut naturellement contracter au nom de son entreprise et conclure un accord soit au niveau de l'entreprise soit au niveau de l'établissement.

- Les employeurs peuvent sur le fondement de l'article L. 127-1 du code du travail former un groupement d'employeurs. Son objet exclusif est de mettre, sans but lucratif, à disposition de ses membres des salariés. Ce groupement détermine lui-même son mode de délibération. Compte tenu de l'objet même du groupement, il est logique de lui conférer la capacité juridique à conclure un accord collectif de travail ce que fait explicitement l'article L. 132-2 précité et ce que réaffirme l'article L. 132-3 du même code.

- Les employeurs participant aux commissions paritaires sur le fondement de l'article L. 132-30 du code du travail (modifié par l'article 42 du projet de loi).

Toutefois, les employeurs peuvent adhérer à une association d'employeurs sur le fondement de la loi du 1er juillet 1901. Ces associations d'employeurs sont assimilées aux organisations syndicales pour l'application des dispositions du titre III du livre I du code du travail et sont habilitées à signer des accords collectifs quel que soit le niveau de négociation dès lors que lesdits accords entrent dans le champ couvert par les statuts de l'association en question. En conséquence, ces associations peuvent au niveau de la branche ou au niveau interprofessionnel signer des accords ou conventions susceptibles de s'imposer - par la voie de l'élargissement ou de l'extension - à des employeurs non-affiliés. Dès lors, l'article L. 133-1 du code du travail prévoit que les accords ou conventions de branches, professionnels ou interprofessionnels ne peuvent être étendus ou élargis que si une organisation patronale signataire est représentative dans le champ couvert par l'accord ou la convention.

Il convient d'observer qu'aucune règle ne définit les critères de représentativité des organisations patronales. Cette absence de règles a parfois posé difficulté, notamment dans la conclusion des accords relatifs à la réduction du temps de travail. En effet, certains accords signés par une organisation patronale minoritaire ont pu être contestés au motif que celle-ci ne serait pas représentative dans la profession.

2 - La représentativité des organisations syndicales de salariés

La représentativité est une exigence applicable aux organisations syndicales de salariés quel que soit le niveau de négociation concerné en vertu de l'article L. 132-2 du code du travail.

La qualification d'organisation syndicale suppose que l'organisation en question réponde aux conditions posées par l'article L. 411-1 et ait donc « exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes visées par [ses] statuts ». On observera également que la capacité juridique à conclure des accords collectifs est expressément réservée par l'article L. 411-17 du code du travail aux organisations de salariés constituées sur le fondement du titre I du livre IV du code du travail et donc en tant que syndicat, « à l'exclusion des associations quel qu'en soit l'objet ».

La condition de représentativité constitue quant à elle un verrou à la conclusion d'accords collectifs par des syndicats « maisons » et vise à assurer une légitimité minimale à la représentation des salariés. Elle se fonde sur les critères posés à l'article L. 133-2 du code du travail8 : effectif, indépendance, cotisations, expérience et ancienneté, attitude pendant l'Occupation. Elle se décline sous deux formes : la présomption irréfragable de représentativité et la représentativité prouvée.

a) La présomption irréfragable de représentativité

Se référant aux critères précédemment évoqués de l'article L. 133-2, un arrêté interministériel du 31 mars 1966 a posé le principe selon lequel quatre confédérations syndicales sont représentatives au plan national pour l'ensemble des accords collectifs de travail. Il s'agit de la CFDT, de la CFTC, de la CGT et de la CGT-FO. Une cinquième, la CGC, bénéficie de cette présomption de représentativité pour les seuls accords concernant les cadres.

Les organisations syndicales affiliées à l'une de ces confédérations jouissent de la même présomption de représentativité. Il convient cependant d'observer que ces organisations affiliées n'en bénéficient que dans la limite de leur compétence géographique et professionnelle. La fédération santé de telle confédération ne peut naturellement conclure un accord collectif engageant la fédération transports ; de même, l'union locale du Morbihan ne peut conclure un accord engageant l'ensemble des unions locales sur le territoire.

Cette présomption de représentativité revêt une importance considérable d'autant qu'elle est irréfragable. Cela signifie que la représentativité n'est pas remise en cause y compris lorsque la preuve est apportée que la confédération ou l'organisation affiliée n'est pas de fait représentative dans le champ de l'accord.

b) La représentativité prouvée

Toute organisation syndicale ne bénéficiant pas de cette présomption irréfragable doit apporter la preuve de sa représentativité dans le champ de l'accord. On notera que cette règle s'impose même à la CGC dès lors que l'accord excède le champ professionnel des cadres.

Toutefois, la présomption de représentativité favorisant les cinq confédérations, la jurisprudence fait une application souple des cinq critères de représentativité.

On n'évoquera que pour mémoire le critère relatif à l'attitude sous l'Occupation qui n'est plus utilisé. La première des souplesses introduites par la jurisprudence est l'affirmation du caractère non cumulatif de ces critères : leur réunion obligatoire aurait en effet eu pour conséquence de freiner considérablement, voire de rendre impossible, l'émergence de nouvelles organisations syndicales représentatives. La deuxième souplesse tient à l'interprétation du critère relatif aux effectifs : il est apprécié compte tenu de la faiblesse du taux de syndicalisation dans l'entreprise et de la faible implantation des organisations syndicales représentatives. L'idée est de ne pas entraver l'émergence d'une nouvelle organisation dans un relatif désert syndical. Ce critère des effectifs est d'ailleurs de plus en plus lié à celui de l'audience, et notamment des résultats recueillis lors des élections professionnelles. La jurisprudence n'hésite pas non plus à délaisser quelque peu les critères d'ancienneté et d'expérience au profit d'une notion moins discriminante pour les organisations récentes et plus apte à prouver la représentativité, celle de l'activité.

L'absence de l'une des conditions ne suffit pas à prouver le défaut de représentativité de l'organisation, à l'exception du critère d'indépendance consubstantiel à l'exercice de la liberté syndicale. Encore l'absence de cette condition doit elle être prouvée par celui qui la conteste. S'agissant des autres critères, c'est à l'organisation de prouver qu'elle en réunit certains - un seul critère ne pouvant asseoir la représentativité, le juge raisonnant sur un faisceau d'indices. En fin de compte, la jurisprudence semble désormais privilégier une application empirique des critères fondée sur l'appréciation de l'indépendance du syndicat et de son influence. Ce critère permet de mesurer à la fois l'authenticité et la réalité de l'organisation et de son action et constitue l'essence même de la représentativité. La Cour de cassation a d'ailleurs dans un arrêt du 3 décembre 2002, Syndicat Sud - Caisses d'épargne, renoncé à exercer un contrôle sur l'appréciation de la réunion des différents critères, dès lors que ceux de l'indépendance et de l'influence sont caractérisés, dans un attendu ainsi formulé : « dès lors qu'il constate l'indépendance et caractérise l'influence du syndicat au regard des critères énumérés par l'article L. 133-2 du code du travail, le tribunal d'instance apprécie souverainement la représentativité.»

Le projet de loi ne modifie en rien ces règles de représentativité des organisations syndicales de salariés et d'employeurs.

B - La signature d'accords minoritaires est susceptible de s'imposer à tous sous certaines conditions

Il suffit de la signature d'une organisation syndicale représentative, même minoritaire, pour qu'un accord ou une convention soit valide. Cette approche résulte de la conception du syndicalisme exprimée par l'article L. 411-1 du code du travail selon lequel chacun d'entre eux assure la défense des intérêts collectifs de la profession. Le pluralisme syndical s'accompagne d'une reconnaissance de l'égalité de chacun d'entre eux, fût-il ultra-minoritaire, de sa capacité à engager tous les salariés dès lors qu'il est représentatif.

L'application de l'accord est cependant soumise à certaines conditions destinées à en assurer la légitimité :

- Tout d'abord, il convient de rappeler que la négociation d'un accord doit être engagée avec la totalité des organisations syndicales représentatives. Le non-respect de cette obligation constitue un acte de discrimination.

- Ensuite, il convient de rappeler que l'unanimité des parties est requise pour certains accords particuliers : il en va notamment ainsi des accords relatifs à l'organisation des élections en vertu des articles L. 423-3 et L. 423-13 du code du travail. On observera que cette unanimité peut résulter d'une signature unanime ou de l'adhésion ultérieure des organisations non-signataires sur le fondement de l'article L. 132-9 du code du travail.

- Si l'application d'un accord signé au niveau de l'entreprise ou de l'établissement ne pose en principe pas de difficultés, employeur et salariés étant de facto engagés, celle d'une convention ou accord de branche, professionnel ou interprofessionnel suppose l'application d'une procédure particulière dite d'extension. Celle-ci vise à rendre le texte applicable à l'ensemble des employeurs entrant dans le champ de la convention ou de l'accord et non pas seulement aux employeurs adhérents de l'organisation patronale représentative signataire. Cette procédure appelle des modalités particulières de conclusion visées à l'article L. 133-1 du code du travail, l'inclusion dans le champ de l'accord d'un certain nombre de clauses obligatoires visées à l'article L. 133-5 du code du travail et la mise en œuvre d'une procédure réglementaire associant la commission nationale de la négociation collective. Deux organisations syndicales représentatives de salariés ou d'employeurs peuvent en vertu de l'article L. 133-11 s'opposer à cette procédure d'extension, ce qui se traduit par un alourdissement de ses conditions de mise en œuvre.

Le principe de l'accord minoritaire n'en est pas moins contesté compte tenu du caractère dérogatoire de certains accords. La question tourne autour de la légitimité d'une organisation syndicale minoritaire à conclure un accord comportant des dispositions moins favorables aux salariés que celles découlant de la loi ou d'un accord collectif de niveau supérieur. En dépit du principe de faveur posé par le code du travail, la multiplication des accords dérogatoires (accords de modulation par exemple) ou aux effets ambigus (comme les accords de réduction du temps de travail) a impliqué la mise en place de mesures destinées à s'assurer au minimum de la non-opposition de la majorité des organisations représentatives de salariés à ces accords. C'est cette logique d'approbation majoritaire - ou, à défaut, de non-opposition - qu'entend développer le présent article.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Dans le droit fil de la position commune du 16 juillet 2001 (point I.2), le présent article modifie les règles de conclusion des accords collectifs de travail en liant leur validité à un accord majoritaire (c'est-à-dire de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ de l'accord ou des organisations représentatives représentant la majorité des salariés) ou en l'absence d'opposition majoritaire. Ce principe est décliné de façon adaptée aux différents niveaux de négociation.

Le paragraphe I prévoit que l'accord interprofessionnel est valide dès lors qu'il ne fait pas l'objet9 d'une opposition de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives au plan interprofessionnel, au niveau local, régional ou national selon le champ de l'accord.

Cette disposition constitue une reprise partielle des dispositions de la position commune selon laquelle : « Un accord national interprofessionnel (...), quel que soit le nombre d'organisations syndicales représentatives signataires, n'entrerait en vigueur que dans la mesure où la majorité des organisations syndicales représentatives n'aurait pas fait usage de leur droit d'opposition. »

On notera cependant que le texte proposé s'en démarque sur deux points : d'une part, il transpose utilement cette proposition à l'ensemble des accords interprofessionnels quel qu'en soit le niveau ; d'autre part, il ne vise que les organisations syndicales de salariés pas celles des employeurs, ce qui laisse persister la possibilité pour une organisation patronale minoritaire de conclure un accord interprofessionnel.

Il introduit plusieurs novations importantes par rapport au droit actuel de l'opposition :

- Le droit d'opposition peut actuellement être exercé lors de la révision de l'accord interprofessionnel sur le fondement du III de l'article L. 132-7 du code du travail. Il ne peut émaner que de l'une ou plusieurs des parties adhérentes ou signataires de l'accord initial (à condition qu'elles soient majoritaires). Il est par ailleurs possible de déroger aux dispositions relatives à ce droit d'opposition par voie conventionnelle dans l'accord initial10. La conséquence de l'exercice du droit d'opposition n'est pas d'invalider l'accord initial mais uniquement le ou les avenants frappés d'opposition.

- Il peut également être exercé dans le cadre la procédure d'extension d'un accord interprofessionnel prévue à l'article L. 133-11 du code du travail. Dans ce cas, le droit d'opposition peut être exercé par deux organisations syndicales représentatives (soit patronales soit salariées et sans qu'elles soient nécessairement majoritaires) si l'accord n'a pas été signé de façon unanime. Il convient de noter que cette opposition n'entraîne ni la nullité de l'accord, ni l'impossibilité de l'étendre : sa seule conséquence est de provoquer une nouvelle consultation de la commission nationale de la négociation collective et de contraindre le ministre à motiver sa décision d'extension.

Le droit d'opposition mis en place par le présent paragraphe, s'il est lié à une condition de majorité, couvre l'ensemble du champ des accords interprofessionnels et produit des effets juridiques importants puisqu'il empêche ab initio la conclusion d'un accord interprofessionnel. La signature d'un accord minoritaire restera possible mais l'accord sera invalidé par le simple exercice du droit d'opposition des organisations majoritaires. Ainsi, au plan national, un tel accord ne devra pas faire l'objet d'une opposition de trois des cinq confédérations visées par l'arrêté interministériel de 1966.

Conforme à l'esprit de la position commune, la rédaction proposée appelle cependant trois observations :

- Son interprétation est susceptible de faire difficulté dans le cas d'un accord interprofessionnel dont le champ ne concernerait qu'un nombre pair d'organisations syndicales représentatives (cas par exemple d'un accord n'intéressant pas les cadres et pour lequel la CGC ne pourrait prouver sa représentativité). Faut-il en cas d'opposition de la moitié de ces organisations le considérer comme valide ? Une lecture stricte du texte incite à penser que non.

- Le projet de loi ne prévoit pas de modifier l'article L. 133-11 du code du travail relatif au droit d'opposition dans la procédure d'extension. Le maintien de la rédaction actuelle permet de résoudre le problème de l'application d'un accord minoritaire du côté patronal. On observera qu'il permet de maintenir un deuxième verrou du côté salarié qui permettrait éventuellement à deux organisations syndicales - pas nécessairement majoritaires - de freiner l'extension d'un accord auquel la majorité de ces organisations ne se serait pas opposée. Toutefois, le maintien de ce droit d'opposition se justifie compte tenu de la nature interprofessionnelle des organisations qui exercent ainsi un ultime droit de regard sur la négociation de branche et par le fait cette opposition n'est pas bloquante dans le processus d'extension.

- Le projet de loi, comme la position commune, ne retient pas l'idée d'un engagement positif, par le biais d'un accord nécessairement majoritaire, comme condition de la validité d'un accord interprofessionnel. Techniquement possible à mettre en œuvre, une telle idée paraît de nature à bloquer durablement la négociation collective interprofessionnelle.

Le paragraphe II détermine les règles de conclusion applicables aux conventions de branche et aux accords professionnels. Il prévoit ainsi qu'une convention de branche ou un accord professionnel étendu peut subordonner la validité des accords conclus dans son champ au principe de l'accord majoritaire. A défaut d'une telle disposition le droit d'opposition des organisations majoritaires s'applique.

Il va donc au-delà de la position commune qui dispose qu'« un accord de branche, quel que soit le nombre d'organisations syndicales représentatives signataires, n'entrerait en vigueur que dans la mesure où la majorité des organisations syndicales représentatives n'aurait pas fait usage de leur droit d'opposition ».

Le premier alinéa étend aux conventions de branche et accords interprofessionnels11 la condition de validité posée au paragraphe I de l'absence d'exercice de leur droit d'opposition par la majorité des organisations syndicales représentatives de salariés qui constitue désormais la condition minimale de légitimité dans la conclusion des accords collectifs de travail.

Dès lors qu'elle a répondu à cette exigence, la convention de branche peut être étendue dans les conditions prévues aux articles L. 133-1 à L. 133-17 du code du travail. Deux organisations représentatives de salariés ou deux organisations représentatives de salariés peuvent sur le fondement de l'article L. 133-11 exercer leur droit d'opposition dans les conditions rappelées précédemment (cf. supra le commentaire du paragraphe I du présent article). S'ajoutent au cas de l'absence de signature unanime de la convention, deux autres cas ouvrant droit à opposition : l'absence de certaines clauses prévues à l'article L. 133-5 du code du travail et la non-couverture par la convention de l'ensemble des catégories professionnelles de la branche. Si l'extension est opérée, elle peut donner effet à d'éventuelles dispositions conventionnelles allant au-delà de l'exigence minimale du droit d'opposition des organisations majoritaires.

La convention étendue peut en effet instaurer le principe de l'accord majoritaire pour les conventions conclues dans son champ d'application. Il s'agit ainsi de permettre à la branche de mettre en place un accord sur la méthode de négociation à partir duquel pourront s'organiser les véritables négociations sur le fond de la convention. Si cette disposition ne figurait pas dans la position commune, elle est conforme au souci de celle-ci de voir la branche jouer « un rôle structurant ».

Les cinq alinéas suivants précise les conditions de mise en œuvre de ces accords majoritaires. Deux solutions alternatives sont prévues pour apprécier le caractère représentatif par une ou des organisations syndicales de salariés de « la majorité des salariés de la branche » 12 :

1° La première solution, visée aux troisième et cinquième alinéas du présent paragraphe consiste à apprécier la représentativité par le biais d'une consultation périodique des salariés de la branche.

Cette consultation est ouverte aux salariés répondant aux conditions d'électorat fixées pour les élections des délégués du personnel ou aux comités d'entreprise (on rappellera simplement pour mémoire qu'ils doivent jouir de leurs droits civiques et être présents depuis plus de trois mois dans l'entreprise). Le texte rappelle que cette consultation doit naturellement répondre aux grands principes du droit électoral (liberté de vote, secret du suffrage, égalité devant le suffrage, ...). Sous ces réserves, la convention étendue détermine les modalités et la périodicité de la consultation : sur ce dernier point, la convention de branche pouvant être à durée indéterminée, il ne semble pas au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que cette périodicité puisse excéder une durée raisonnable. Peut-être conviendrait-il d'être plus précis sur ce point. Il conviendrait de même de préciser quel est le juge judiciaire compétent pour les contestations relatives à cette consultation.

2° La seconde solution, visée aux quatrième et sixième alinéas du présent paragraphe, consiste à se fonder sur les résultats des dernières élections des représentants du personnel (comités d'entreprise ou, à défaut, délégués du personnel). Le texte renvoie à la convention de branche étendue pour les modalités de décompte de ces résultats.

Les deux solutions sont placées sur le même plan. La première présente les avantages suivants :

- elle fournit une illustration de la représentativité à un instant donné dans l'ensemble de la branche, alors que les élections des représentants du personnel peuvent fournir une image désuète de cette représentativité ;

- elle permet de prendre en compte les suffrages des salariés appartenant aux petites entreprises dépourvues d'institutions représentatives du personnel ;

- elle déconnecte la question de la représentativité au niveau de la branche de la présence syndicale dans l'entreprise liée à un contexte très spécifique.

La seconde permet en revanche de disposer de résultats représentatifs dans les entreprises concernées compte tenu de l'importance du taux de participation aux élections professionnelles.

L'avant-dernier alinéa du paragraphe renvoie pour le renouvellement et la révision de la convention ou de l'accord visé au premier alinéa - dont on ne sait avec précision s'il s'agit de la convention (ou l'accord) étendue n'ayant pas fait l'objet d'une opposition ou des accords et conventions soumis à l'accord majoritaire sur le fondement de celle-ci - à l'article L. 132-7 du code du travail (modifié par l'article 35 du projet de loi) et pour sa dénonciation à l'article L. 132-8 du même code. Le rapporteur observe que ce renvoi aux dispositions de droit commun paraît imprécis, inutile et ambigu. L'absence d'une telle clause pour les accords interprofessionnels signifie-t-elle par exemple qu'ils dérogent au droit commun ?

Le dernier alinéa du paragraphe étend l'exigence minimale d'une absence d'opposition des organisations syndicales majoritaires aux conventions intervenant dans la branche ou dans le champ d'un accord professionnel à défaut de la conclusion d'une convention de branche ou d'un accord étendu prévoyant le recours à l'accord majoritaire dans les conditions fixées au présent paragraphe.

Le paragraphe III confirme le rôle structurant de la branche. La convention de branche (ou l'accord professionnel) détermine en effet les règles de conclusion des conventions ou accords collectifs d'entreprise ou d'établissement 13 et lie leur validité soit à un accord majoritaire soit à une absence d'opposition des organisations majoritaires.

Il est à noter que la référence faite à la convention de branche ou à l'accord professionnel conclu « conformément aux dispositions du II » ouvre cette faculté aux textes conventionnels étendus ou non, qu'ils soient conclus sur le mode l'accord majoritaire ou en l'absence d'opposition des organisations majoritaires.

Il convient également de noter que cette condition renforcée de mise en œuvre d'accords d'entreprise ne constitue pas une première. En effet, l'article 19 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 subordonnait l'octroi des aides à la réduction du temps de travail à une signature majoritaire ou à l'approbation par une majorité de salariés de l'accord de passage à trente-cinq heures. L'accord conclu dans d'autres conditions restait valide mais ne donnait pas lieu au versement d'aides.

Inspiré de la position commune et donc plus proche du présent dispositif, on ne saurait manquer de rappeler que la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques a prévu dans son article 2 que la validité des accords fixant les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise lorsque l'employeur projette de prononcer le licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés sur une même période de trente jours est « subordonnée à une consultation du comité d'entreprise et à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ».

Cette disposition est conforme, y compris dans la possibilité d'opter pour l'une ou l'autre des modalités fixées aux 1° et 2° du paragraphe, au texte de la position commune qui a souhaité voir cette condition généralisée. La formule selon laquelle la convention retient « l'une ou l'autre des modalités » semble pouvoir permettre à la branche de permettre à certaines entreprises de recourir à l'une et aux autres à l'autre solution. Le caractère exclusif du « ou » vise simplement à exclure la possibilité pour la branche de laisser ce choix à l'entreprise.

Le 1° du présent paragraphe prévoit la possibilité de soumettre les accords d'entreprise à un accord majoritaire.

Cette condition de majorité ne porte pas sur le nombre des organisations représentatives mais sur la part des suffrages qu'elles ont recueilli aux dernières élections professionnelles (élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel). Les organisations signataires doivent avoir recueilli 50 % des suffrages exprimés. Cette disposition pose une difficulté d'application : ces élections comportent en effet deux tours si le nombre de votants est inférieur au premier tour à la moitié des électeurs inscrits en vertu des articles L. 423-14 et L. 433-10 du code du travail. Dès lors, il semble utile de préciser quel est le tour servant de fondement à la condition de majorité et opportun de retenir le premier tour.

A défaut de l'obtention de cette condition de majorité, les organisations syndicales signataires et non-signataires peuvent, dans des conditions fixées par décret, soumettre l'accord à l'approbation des salariés de l'entreprise ou de l'établissement.

Il convient sur ce point de relever deux nuances entre le texte du projet et celui de la position commune. Celle-ci prévoit « la signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives signataires ayant obtenu au moins 50 % des votants lors des dernières élections de CE ou DP dans l'entreprise. A défaut, pour entrer en vigueur, l'accord devrait être soumis à l'approbation de la majorité du personnel de l'entreprise à l'initiative des organisations syndicales signataires ». On ne comprend pas très bien l'intérêt qu'auraient les organisations non signataires à provoquer une telle consultation, sauf dans le cas où elles seraient assurées d'un résultat négatif, et cette faculté ne semble en tout pas de nature à encourager la négociation collective. Par ailleurs, la notion de « majorité du personnel » peut être perçue comme plus contraignante que la condition de la moitié des suffrages exprimés par le personnel prévue par le texte mais la rédaction retenue est de nature à favoriser l'approbation des accords.

Le 2° du présent paragraphe prévoit une solution alternative avec un droit d'opposition pour les organisations syndicales ayant réuni la majorité des suffrages exprimés dans les conditions visées au 1°.

Ce droit d'opposition s'exerce dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'accord, comparable à celui actuellement prévu par l'article L. 132-26 du code du travail. On rappellera que ce droit s'exerce à l'encontre des accords dérogatoires à des dispositions législatives, réglementaires ou, si la loi les y autorise, conventionnelles. Il convient d'observer que ce droit est ouvert aux organisations ayant recueilli les voix de plus de la moitié des « électeurs inscrits » condition différente de celle de la condition de majorité prévue par le présent paragraphe qui vise les suffrages exprimés.

Ces dispositions ne règlent pas explicitement le cas - certes rare - des entreprises dotées d'au moins un délégué syndical mais dépourvues d'institutions représentatives du personnel. Deux interprétations sont possibles face au silence du texte. La première est de considérer que les accords conclus par ces entreprises peuvent continuer sur le fondement de l'article L. 132-2 du code du travail à être conclus par des organisations syndicales minoritaires selon les règles actuelles. Cette interprétation poserait une difficulté technique résultant de la suppression du droit d'opposition classique de l'article L. 132-26 du code du travail par l'article 41 du projet de loi. Les syndicats majoritaires ne pourraient en aucune manière s'opposer à la signature d'un accord minoritaire. La seconde consiste à assimiler cette situation à celle prévue par le texte de non-satisfaction de la condition de majorité et d'autoriser le recours à l'accord majoritaire fondé sur l'approbation de la majorité des salariés en l'absence d'institutions représentatives du personnel. Cette interprétation possible dans l'état du texte semble la plus conforme à sa logique.

L'avant-dernier alinéa adapte le calcul de la condition de majorité pour les accords visant une catégorie professionnelle constituant un collège particulier - on pense naturellement aux cadres - en appréciant la condition de majorité au regard des résultats obtenus dans ledit collège - et subordonne la validité de l'accord à l'approbation des organisations syndicales représentatives ainsi majoritaires ou à leur non-opposition.

Le dernier alinéa prévoit, par défaut, en cas d'absence d'accord de branche prévoyant le recours à l'accord majoritaire, que c'est le droit d'opposition des organisations représentant la majorité des salariés qui s'applique.

Cette disposition diffère du texte de la position commune qui prévoyait qu'« en l'absence d'accord de branche, les accords d'entreprise devraient, pour entrer en vigueur, être conclus dans les conditions définies soit au point a) [1° du présent paragraphe], soit au point b) [2° du présent paragraphe] ci-dessus ».

Le paragraphe IV précise les conditions de notification du texte de la convention ou de l'accord collectif adopté.

Chacune des parties (organisations d'employeurs ou de salariés) signataires peut notifier sa conclusion à l'ensemble des organisations représentatives (d'employeurs et de salariés). Cette notification revêt une importance particulière puisqu'elle conditionne l'application de l'accord et, avant celle-ci, sert de date de référence pour l'application du délai d'opposition.

Le paragraphe V décline les modalités d'exercice du droit d'opposition et les conséquences liées à celui-ci.

Le premier alinéa prévoit classiquement que l'opposition est écrite, motivée et qu'elle fait état des points de désaccord. Il est ensuite indiqué que l'opposition est transmise aux signataires. La clause est également classique : on peut cependant se demander si, dans un souci de transparence, elle ne devrait pas comme le texte de l'accord, être transmise à l'ensemble des organisations représentatives.

Tous les accords, à l'exception des accords d'entreprise ayant fait l'objet d'une approbation par une ou des organisations syndicales représentant la moitié des salariés ou approuvée directement par celle-ci (en vertu du 2° du III du présent article), ne peuvent être déposés en vertu de l'article L. 132-10 du code du travail qu'à l'expiration du délai d'opposition. Cette disposition appelle deux observations. Il conviendrait tout d'abord compte tenu de la suppression du droit d'opposition de l'article L. 132-26 de modifier l'article L. 132-10 par cohérence. Ensuite, il conviendrait d'exclure explicitement les conventions de branche ou accords professionnels conclus sur un mode majoritaire (c'est-à-dire sur les dispositions des alinéas du II du présent article autres que celles prévues au premier et au dernier dudit II) du délai d'opposition puisque le droit d'opposition ne leur est pas applicable.

Les conséquences de l'exercice du droit d'opposition ou de l'absence d'approbation par la majorité des salariés sont que les conventions ou accords concernés sont réputés non écrits. Il conviendrait de préciser que la notion de « majorité des salariés » couvre également la non approbation par les organisations représentatives de cette majorité des salariés (cas des accords conclus sur le fondement du II et, pour partie, du 1° du III).

*

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz de suppression de l'article.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Vidalies faisant de l'existence d'un accord majoritaire la condition de validité des accords collectifs à tous les niveaux de négociation.

M. Alain Vidalies a indiqué qu'il s'agit du premier volet d'une série d'amendements concernant la règle de l'accord majoritaire en vue d'effectuer une réelle avancée dans sa mise en œuvre et de régler la question de la représentativité. Ce premier amendement pose le principe de l'appréciation de la représentativité sur la base d'une consultation des salariés organisée tous les cinq ans par branche professionnelle.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur, a indiqué que la position commune des organisations syndicales du 16 juillet 2001 constitue le socle du présent projet de loi. Il répond à la demande des partenaires sociaux d'adapter les règles de conclusion des accords collectifs pendant une période transitoire avant l'adoption de règles définitives. Le choix a été fait de ne pas forcer l'accord majoritaire. L'imposer à tous les niveaux de négociation pourrait bloquer le dialogue social. On peut critiquer cette introduction graduelle de l'accord majoritaire, privilégié au niveau de l'entreprise et, dans une moindre mesure, de la branche : faut-il rappeler que le présent texte s'applique à l'ensemble du champ de la négociation quant la loi Aubry II l'avait cantonné à la réduction du temps de travail ? L'avancée est conséquente et il ne semble pas possible de forcer la marche. En conséquence, tous les amendements allant dans ce sens recevront un avis défavorable du rapporteur.

M. Alain Vidalies a considéré que le choix fait d'une démarche expérimentale en matière d'accords majoritaires n'est pas judicieux. Cette approche homéopathique est contestable. Il est faux de soutenir que le projet de loi serait fidèle à la position commune et d'ailleurs les organisations syndicales le contestent. De nombreuses difficultés sont à prévoir si le texte est maintenu en l'état, s'agissant notamment du droit d'opposition déterminé en fonction du nombre d'organisations syndicales représentatives. Qu'adviendra-t-il de ces calculs si l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) par exemple, est jugée représentative au terme de l'examen de son recours par le Conseil d'Etat ?

Le rapporteur a confirmé que le texte respecte la position commune, et en conséquence le souhait des partenaires sociaux, et a estimé que, en cas de partage égal des organisations représentatives dans l'hypothèse où celles-ci seraient en nombre pair, il faudrait par exemple au niveau interprofessionnel recueillir l'accord de quatre organisations sur six. Il appartiendra au ministre de confirmer cette interprétation.

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz tendant à faire de l'accord majoritaire la condition de validité d'un accord interprofessionnel.

La commission a rejeté un amendement de M. Alain Vidalies liant la validité d'un accord interprofessionnel à sa signature par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections prud'homales.

La commission a rejeté deux amendements de M. Maxime Gremetz : le premier substituant au droit d'opposition de la majorité des organisations syndicales celui d'une ou des organisations syndicales représentant la majorité des salariés ; le second portant de quinze jours à un mois le délai dans lequel doit s'exercer le droit d'opposition à un accord interprofessionnel.

La commission a rejeté un amendement de M. Alain Vidalies soumettant la validité d'un accord de branche à sa signature par une ou des organisations syndicales majoritaires dans les élections de représentativité de la branche professionnelle.

La commission a rejeté trois amendements de M. Maxime Gremetz  déclinant selon des modalités variées l'obligation de recueillir un accord majoritaire au niveau de la branche.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Vidalies visant à calculer la majorité en fonction des suffrages exprimés, que ce soit pour la consultation spécifique au sein de la branche ou pour les élections du personnel.

M. Alain Vidalies a indiqué qu'il s'agit d'une précision utile compte tenu du caractère flou du texte sur le mode de calcul de la majorité des salariés.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que la juridiction compétente sur la contestation de la consultation de branche est le tribunal d'instance.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer tendant à rendre obligatoire la participation des salariés aux consultations dans la branche et aux élections professionnelles.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable considérant que la liberté de vote consiste aussi en la liberté de ne pas voter et s'est interrogé sur les sanctions dont une telle obligation devrait être assortie.

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a adopté un amendement du rapporteur visant à supprimer l'avant-dernier alinéa du II de l'article, redondant au vu des règles de droit commun en matière de renouvellement, de révision et de dénonciation.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Vidalies rendant obligatoire la conclusion d'un accord de méthode au niveau de la branche.

M. Alain Vidalies a précisé qu'il s'agit d'éviter de tomber dans la règle de l'opposition majoritaire des organisations syndicales pour valider un accord de branche.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté un amendement de précision du rapporteur.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Vidalies visant à conditionner la validité d'un accord d'entreprise à sa signature par une ou des organisations syndicales représentatives de la majorité des salariés de l'entreprise au vu des résultats de la consultation sur la représentativité dans la branche.

La commission a rejeté l'amendement.

M. Maxime Gremetz a protesté contre la tenue concomitante de la réunion de la commission et de la rencontre organisée par le Président de l'Assemblée nationale avec les parlementaires des pays adhérents à l'Union européenne.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz liant la validité de l'accord d'entreprise ou d'établissement à un accord majoritaire.

M. Maxime Gremetz a rappelé qu'il défend de façon constante depuis 1982 le principe de l'accord majoritaire et précisé que, lorsque les règles de la majorité ne sont pas réunies, l'accord doit être soumis à l'approbation des salariés.

Le rapporteur ayant répété que l'article 34 repose sur la reprise au plus près de la position commune adoptée par les organisations syndicales, M. Maxime Gremetz a protesté, rappelant que les principales organisations syndicales souhaitent l'organisation, le même jour dans toutes les entreprises, d'une élection de représentativité au niveau des branches ainsi qu'un changement des critères de représentativité, ce qui permettrait à de nouveaux syndicats, comme l'UNSA, d'être déclarés représentatifs.

Le rapporteur a donné lecture d'un extrait de la position commune adoptée par sept des huit organisations syndicales représentatives et a conclu au caractère fidèle de la transposition opérée.

M. Gaëtan Gorce a indiqué qu'aucune disposition relative à une période transitoire ne figure dans la position commune et, qu'en tout cas, les organisations syndicales signataires ne se retrouvent pas dans les propositions du gouvernement.

M. Maxime Gremetz a ajouté que, si l'on veut s'appuyer sur la position commune, il faut alors reprendre l'intégralité de ses dispositions dans le projet de loi et tenir compte de leur expression actuelle : toutes les organisations syndicales se sont prononcées, au niveau national, contre le projet de loi.

Le rapporteur a contesté ce point, indiquant qu'au cours des auditions qu'il a réalisées, aucune organisation syndicale n'a exprimé son opposition à l'ensemble du projet de loi, même si des désaccords ont pu être formulés sur certains points.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Vidalies proposant qu'au niveau de la branche, l'accord de méthode relatif aux conditions de validité des accords d'entreprise soit étendu et s'applique à l'ensemble des entreprises de la branche concernée.

M. Alain Vidalies a expliqué que l'amendement est similaire à un amendement de précision présenté précédemment par le rapporteur et adopté par la commission.

Le rapporteur a répondu qu'en dépit de la proximité des deux dispositifs, le présent amendement ne revêt pas du tout la même portée. Il n'est pas conforme aux dispositions de la position commune dès lors qu'il contraint à l'adoption d'un accord de méthode majoritaire.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Francis Vercamer ayant pour objet d'ajouter une condition supplémentaire de représentativité pour la conclusion d'accords majoritaires, en instituant un seuil de 33 % des inscrits en sus de la majorité des exprimés.

M. Francis Vercamer a fait valoir qu'il est important de prendre en compte le nombre des inscrits, dans la mesure où les organisations syndicales qui signent les accords majoritaires doivent avoir une réelle légitimité, en particulier au sein de l'entreprise.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement, après avoir souligné qu'il rend très difficile la conclusion d'accords majoritaires et risque de déséquilibrer le système et de créer un véritable blocage de la négociation.

M. Maxime Gremetz a, pour sa part, souhaité que l'on ne soit pas plus exigeant avec les salariés qu'avec les politiques, en rappelant le débat auquel avait donné lieu l'institution d'un seuil de 10 % du nombre des électeurs inscrits (pour les élections régionales et européennes). Il faut tout d'abord souligner toute l'importance des suffrages exprimés, comme en témoignent par exemple les élections professionnelles à EDF, lors desquelles la CGT a réuni près de 85 % des suffrages exprimés, soit un niveau très supérieur au seuil de 33 % des inscrits proposé par l'amendement. En outre, si l'on doit se réjouir de l'augmentation du taux de participation des salariés aux élections professionnelles, il ne faut pas pour autant être plus exigeant avec les salariés car, de même que pour les élections politiques, le faible taux de participation s'explique moins par l'incivisme que par l'absence d'offre qui réponde aux attentes des électeurs ou des salariés.

Rejoignant les propos tenus par M. Maxime Gremetz, M. Alain Vidalies a ajouté que l'amendement revêt une portée singulière à la veille des prochaines élections régionales et semble peu opportun.

M. Francis Vercamer a tout d'abord répondu que la notion d'inscrits est prise en compte dans les élections politiques et que l'amendement est cohérent avec celui examiné précédemment afin d'instituer une obligation de vote. Il faut par ailleurs faire preuve de prudence concernant les accords d'entreprises qui peuvent déroger aux accords de branches si l'on veut éviter d'exacerber la concurrence et de favoriser le dumping social entre les entreprises d'une même branche.

M. Maxime Gremetz s'est également déclaré hostile au principe des accords dérogatoires mais a souligné que l'amendement couvre un champ beaucoup plus large que ces seuls accords.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur visant à préciser que la condition de majorité est appréciée au vu des résultats du premier tour des élections professionnelles.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Vidalies ayant pour objet de préciser les modalités d'organisation de la consultation des salariés.

M. Alain Vidalies a indiqué que l'amendement reprend les dispositions prévues par l'article 19 de la loi du 19 janvier 2000, dite « loi Aubry II », en matière de consultation.

Le rapporteur ayant fait valoir que le décret paraît plus protecteur que les accords d'entreprise, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Alain Vidalies supprimant les dispositions de l'article relatives au droit d'opposition majoritaire aux accords d'entreprise pour ne laisser subsister que la seule voie de l'accord majoritaire.

M. Alain Vidalies a expliqué que l'amendement s'inscrit toujours dans la même logique de promotion des accords majoritaires, par opposition aux « majorités d'opposition ».

M. Gaëtan Gorce a relevé le caractère cocasse du concept d'opposition majoritaire. Le projet de loi soulève un problème de fond dans la mesure où, s'il n'y a pas d'élections professionnelles, du fait de carence ou de blocage, il ne peut y avoir d'opposition aux accords. C'est pourquoi un amendement sera présenté ultérieurement afin de combler ce vide juridique.

Le rapporteur a observé que la question est pertinente même si l'on peut estimer que les termes « si les organisations syndicales ou signataires ne satisfont pas à la condition de majorité » couvrent le cas de l'absence de représentants du personnel. Cette interprétation méritera d'être confirmée en séance publique par le gouvernement.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à substituer au délai de huit jours prévu par le projet de loi un délai de quinze jours pour permettre aux salariés d'exercer leur droit d'opposition à l'accord d'entreprise.

M. Maxime Gremetz a jugé nécessaire d'assurer une réelle information des salariés sur les enjeux du droit d'opposition et de garantir ainsi la démocratie sociale.

Le rapporteur a répondu qu'un délai supérieur à huit jours n'est pas nécessaire pour s'opposer et qu'il convient d'en rester aux dispositions actuelles du code du travail.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné deux amendements identiques de MM. Maxime Gremetz et Alain Vidalies visant à supprimer le droit d'opposition aux accords d'entreprise ne concernant qu'une catégorie professionnelle et ne laisser subsister que la seule voie de l'accord majoritaire.

M. Maxime Gremetz a expliqué qu'il s'agit de privilégier le principe de l'accord majoritaire, qui relève d'une démarche constructive et positive, plutôt que le principe, négatif, d'opposition.

M. Alain Vidalies a indiqué que plusieurs amendements seraient présentés afin de promouvoir le principe des accords majoritaires.

La commission a rejeté les deux amendements.

La commission a adopté un amendement de précision du rapporteur destiné à éviter toute confusion entre les « accords-cadres » de branche et les accords conclus sur leur fondement.

La commission a ensuite examiné deux amendements identiques de MM. Maxime Gremetz et Alain Vidalies faisant primer le principe de l'accord majoritaire sur l'exercice du droit d'opposition pour la validation des accords d'entreprise, en cas d'absence d'accord de branche.

M. Maxime Gremetz a rappelé que le dispositif proposé par le projet de loi permettra aux signataires des accords de branche de prévoir ou non la possibilité de dérogation. De ce fait, trois organisations minoritaires pourraient faire prévaloir sur des accords dérogatoires leur volonté contre deux organisations syndicales représentant une majorité des salariés.

M. Alain Vidalies a pour sa part souligné que la détermination de nouvelles règles d'élaboration des normes constitue un choix lourd de conséquences en remettant en cause l'un des fondements de la vie conventionnelle.

La commission a rejeté les deux amendements.

La commission a adopté deux amendements identiques du rapporteur et de M. Francis Vercamer précisant que seules les oppositions majoritaires sont de nature à faire obstacle à l'application d'un accord collectif.

La commission a adopté un amendement du rapporteur précisant quels sont les conventions et accords ne pouvant être déposés avant l'expiration du délai d'opposition, les accords conclus avec une majorité d'engagement n'ayant pas à être soumis à ce délai.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer précisant que l'opposition majoritaire ne fait pas obstacle à l'application unilatérale par l'employeur des mesures dont la mise en œuvre n'est pas subordonnée à la conclusion d'un accord collectif.

M. Francis Vercamer a indiqué qu'il ne faut pas empêcher l'application de mesures qui ne dérogent pas à un accord collectif de niveau supérieur ou à une disposition législative ou réglementaire. Il s'agit en effet de relancer le dialogue social et non d'inciter l'employeur à ne plus recourir à la négociation pour chercher d'emblée l'application unilatérale de ces mesures. Pourquoi un employeur souhaitant accorder une hausse des salaires de 2 % ne pourrait-il pas la mettre en œuvre si les organisations syndicales ont souhaité majoritairement 4 % d'augmentation et ont donc refusé de conclure un accord ?

Le rapporteur a estimé que la jurisprudence permet sous certaines réserves une telle application unilatérale mais qu'il sera utile de demander des précisions au ministre en séance publique sur ce point. Pour autant, l'amendement ne semble pas nécessaire.

M. Gaëtan Gorce s'est interrogé sur la raison pour laquelle on offrirait à l'employeur la possibilité de passer outre à l'opposition majoritaire. L'adoption de cet amendement priverait la négociation de tout son sens. On peut donc se demander en quoi le ministre aurait des interprétations à fournir sur ce point.

La commission a rejeté l'amendement, puis elle a adopté l'article 34 ainsi modifié.

Après l'article 34

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer dissociant le régime juridique des conventions collectives conclues antérieurement à l'adoption de la loi du régime juridique des conventions postérieures.

M. Francis Vercamer a expliqué que le code du travail prévoit actuellement l'incorporation d'office à la convention collective de branche des accords collectifs conclus postérieurement qui auraient le même champ territorial ou professionnel. En raison de l'autonomisation des niveaux de négociation prévue par le projet de loi, il ne faut pas que les nouvelles conventions, incorporées aux conventions antérieures, invalident de facto les mesures dérogatoires permises par l'accord de niveau supérieur.

Le rapporteur a estimé que l'amendement doit être expertisé afin notamment d'examiner sa cohérence avec l'article 39 du projet de loi qui maintient la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux accords conclus antérieurement. A ce stade du débat, l'adoption de l'amendement n'est pas souhaitable.

La commission a rejeté l'amendement.

Article 35

(article L. 132-7 du code du travail)


Renouvellement et révision des conventions et accords collectifs du travail

Cet article procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 132-7 du code du travail relatif au renouvellement et à la révision des conventions et accords collectifs de travail afin d'en adapter les modalités aux nouvelles règles de conclusion des accords collectifs de travail mises en place par l'article 34 du projet.

Le premier alinéa du nouvel article L. 132-7 prévoit - dans une rédaction légèrement modifiée mais identique sur le fond - que c'est la convention (ou l'accord) qui fixe elle-même ses modalités de renouvellement et de révision. La question est particulièrement importante dans la mesure où la procédure de révision ne revêt pas le caractère dramatique et ne crée par de situation d'incertitude juridique liés à la dénonciation d'une convention ou d'un accord. Il est toutefois bien entendu possible de modifier ces conditions de renouvellement et de révision par accord des parties à la condition que cet accord soit unanime.

Le deuxième alinéa adapte les règles relatives aux signataires des avenants de révision aux nouvelles règles de conclusion des conventions et accords collectifs de travail fixées par l'article 34.

Il pose, comme l'article L. 132-7 actuel, le principe selon lequel seuls les signataires de la convention (ou de l'accord collectif) initiale ou y ayant adhéré ultérieurement sur le fondement de l'article L. 132-9 du code du travail sont habilités à signer un avenant de révision. Toutefois, en vertu d'une jurisprudence constante, l'ensemble des organisations représentatives - dans le champ de la convention ou de l'avenant - doit être convoqué à la négociation sous peine de nullité de l'avenant.

La nouveauté introduite par le présent alinéa porte sur les conditions de conclusion de l'avenant par les signataires. L'actuel article L. 132-7 prévoit un mécanisme relativement complexe : lorsque l'avenant réduit ou supprime un ou plusieurs avantages individuels ou collectifs 14 dont bénéficiaient les salariés en vertu du texte initial, est ouvert au niveau de l'entreprise ou de la branche un droit d'opposition aux organisations syndicales majoritaires 15. La nouvelle rédaction propose tout simplement d'appliquer aux avenants de révision les mêmes règles de conclusion que celles applicables à la convention (ou l'accord) initiale. La condition ainsi posée de l'obtention d'un accord majoritaire ou, à tout le moins, de l'absence d'opposition majoritaire justifie naturellement la suppression de la procédure d'opposition spécifique aux avenants de révision.

Le troisième alinéa traite des effets de la conclusion d'un avenant de révision.

Compte tenu des garanties liées à l'accord majoritaire entourant la conclusion de ces avenants, le projet de loi confirme sans ambiguïté la solution retenue dans l'actuel article L. 132-7 issu de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 face aux ambiguïtés liées à la jurisprudence de la Cour de cassation dans l'arrêt d'assemblée plénière du 20 mars 1992, Basirico. La Cour de cassation avait en effet admis que les salariés pouvaient - lorsque l'avenant de révision n'était pas signé par tous les signataires de la convention (ou de l'accord) initial - se prévaloir de la disposition la plus favorable.

Le présent alinéa confirme la solution législative retenue en 1992 selon laquelle l'avenant « se substitue de plein droit » aux stipulations antérieures et est « opposable à l'ensemble des employeurs et des salariés liés » par la convention ou l'accord. La Cour de Cassation en a tiré de façon logique et dépourvue de toute ambiguïté comme conséquence que « lorsque le statut d'un salarié dans l'entreprise résulte exclusivement de dispositions conventionnelles, les modifications régulièrement apportées à ces dispositions s'imposent, sauf clause contraire, à lui, sans qu'il pousse prétendre au maintien de droits acquis. »

On notera que le présent texte reprend à l'identique la notion d'opposabilité à l'ensemble des employeurs dont la Cour de cassation a précisé la portée (cf. par exemple Cass. Soc. 10 juin 1998, n° 96-43.111) : les avenants de révision ne sont applicables qu'aux employeurs signataires ou membres des groupements ou des organisations d'employeurs signataires. Pour être applicable à l'ensemble des employeurs dans le champ de la convention ou de l'accord, l'avenant doit faire l'objet d'une procédure d'extension.

*

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz liant la validité d'un avenant à une convention ou un accord à sa conclusion par un accord majoritaire.

La commission a adopté l'article 35 sans modification.

Article 36

(article L. 132-13 du code du travail)


Articulation entre les accords interprofessionnels et les conventions de branche

Cet article s'inscrit dans la démarche générale prônée par la position commune du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective adoptée par la majorité des partenaires sociaux d'une « articulation dynamique et maîtrisée des niveaux de négociation ». Il s'agit ainsi de créer une hiérarchie des normes plus souple que la hiérarchie actuelle, favorisant dans une logique de subsidiarité une meilleure adéquation des règles aux besoins des acteurs sociaux tout en conservant les garanties sociales nécessaires.

Il modifie donc les conditions d'articulation entre les dispositions conventionnelles de niveau interprofessionnel et celles conclues au niveau de la branche en conservant le principe de la primauté de l'accord interprofessionnel sauf si celui-ci consent lui-même à des dérogations au niveau de la branche. Cet article répond donc à la même logique que celle développée à l'article 37 s'agissant de l'articulation entre les dispositions conventionnelles au niveau de la branche et celles découlant de la négociation au niveau de l'entreprise ou de l'établissement.

Avant d'en venir à l'analyse détaillée des dispositions du présent article, il semble opportun de préciser quels sont les éléments de la hiérarchie des normes actuelle touchés par le présent projet de loi et ceux qui, au contraire, ne font l'objet d'aucune modification.

On rappellera d'emblée que la hiérarchie des normes traditionnelle repose sur le principe dit « de faveur ». Chaque niveau de normes ne peut déroger aux niveaux supérieurs que dans un sens plus favorable aux salariés. C'est cette logique qui a permis de justifier pendant des décennies la possibilité pour une organisation syndicale représentative minoritaire de signer des conventions ou accords susceptibles sous certaines conditions d'être opposés à l'ensemble des salariés. Encore faut-il noter que ce principe de faveur a connu depuis 1982 des entorses de plus en plus nombreuses.

I - Le projet de loi ne remet pas en cause les éléments essentiels de la hiérarchie des normes actuelle.

On a pu parfois évoquer du fait des ambitions de la position commune et des débats intervenus dans le cadre de la « refondation sociale » un possible bouleversement de la hiérarchie des normes du droit du travail. Le présent article ainsi que les articles 37 et 38 qui lui sont liés n'affecte aucunement trois de ses éléments essentiels : la répartition constitutionnelle des compétences et la soumission de l'ensemble des normes aux exigences constitutionnelles ; le rôle central de la loi dans l'articulation des normes et la mise en œuvre du principe de faveur ; le maintien du principe de faveur s'agissant de l'articulation des normes conventionnelles et du contrat de travail.

A - Le respect par l'ensemble des normes des exigences constitutionnelles

1 - Une répartition des compétences constitutionnelles non modifiée

Les débats entourant la « refondation sociale » et l'élaboration de la position commune ont notamment porté sur l'insuffisance de la liberté laissée aux partenaires sociaux dans l'élaboration des normes de droit du travail. Centrés sur la rigidité de la hiérarchie des normes actuelles, sur les travers d'un droit essentiellement législatif, ils ont débouché sur la revendication par les partenaires sociaux d'une plus grande autonomie normative. Ainsi, la position commune dispose que : « pour exister et plus encore pour se développer, la négociation collective doit disposer d'un espace suffisant, au sein duquel les interlocuteurs sociaux peuvent exercer leurs pleines responsabilités pour définir, adapter et améliorer les règles destinées à régir les rapports des salariés et des employeurs dans leur vie professionnelle. À l'inverse, si l'ensemble de ces règles est prédéterminé à l'avance, dans le détail et de façon quasi intangible par la loi et le règlement, la nécessité du compromis disparaît et la négociation collective s'appauvrit progressivement. »

Ces débats et la position commune ont donné lieu à un débat sur une possible « nouvelle constitution sociale », une adaptation de nos règles constitutionnelles à la création d'un domaine prioritairement réservé de la négociation collective. Le point III.3 de la position commune16 prévoit ainsi que : 

« __les interlocuteurs sociaux puissent au niveau national interprofessionnel, prendre, s'ils le souhaitent, le relais d'une initiative des pouvoirs publics dans leur champ de compétence,

___les accords auxquels ils parviendraient dans une telle hypothèse, ou encore à leur propre initiative dans un domaine qui requiert des modifications législatives, puissent entrer en vigueur dans le respect de leur équilibre. En pratique, la mise en œuvre de ces principes est susceptible d'être organisée sous plusieurs formes. À titre d'exemple, on pourrait concevoir que préalablement à toute initiative législative dans le domaine social, les interlocuteurs sociaux doivent être officiellement saisis par les pouvoirs publics d'une demande d'avis sur son opportunité.

À l'issue de cette consultation, si l'initiative était maintenue, la faculté devrait leur être offerte de traiter le thème faisant l'objet de ladite initiative par voie conventionnelle dans un délai à déterminer. En cas de refus des interlocuteurs sociaux de traiter la question par la négociation collective ou en l'absence d'accord à l'issue du délai fixé pour la négociation, l'initiative législative reprendrait son cours. À l'inverse, si la négociation aboutissait à un accord, celui-ci devrait être repris par le législateur dans le respect de son équilibre. »

Le projet de loi ne modifie en rien les dispositions constitutionnelles en vigueur. La négociation collective ne constitue que l'une des voies de la détermination des conditions de travail par les salariés ou leurs délégués, principe constitutionnel issu du huitième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996 sur la loi relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et groupes d'entreprise de dimension communautaire ainsi qu'au développement de la négociation collective : « Considérant (...)qu'aux termes du huitième alinéa du même préambule : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. » ; que si ces dispositions confèrent aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment 17 par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, (...) »

Il n'y a donc de reconnaissance d'un droit constitutionnel à la négociation collective non plus que de domaine réservé à celle-ci. Si le projet de loi entend favoriser le développement de la négociation collective, celle-ci s'inscrit dans le cadre constitutionnel existant et doit notamment respecter les prescriptions du législateur dès lors que l'article 34 de la Constitution dispose que celle-ci fixe les principes fondamentaux du droit du travail.

2 - La soumission des normes négociées aux exigences constitutionnelles - 
et plus largement à un ordre public absolu - garantie par la loi

La loi est de fait seule compétente pour mettre en œuvre un certain nombre de règles de droit, notamment celles ayant trait à des principes constitutionnels. Cette compétence exclusive de la loi se traduit par l'existence dans l'article L. 132-4 du code du travail, après une première phrase autorisant les conventions à déroger à la loi lorsqu'elles comportent des dispositions plus favorables, d'une seconde phrase prévoyant que les conventions et accords collectifs de travail « ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public de ces lois et règlements. »

Le sens de cet ordre public absolu est éclairé par l'avis du Conseil d'Etat rendu en assemblée le 22 décembre 1973 : « Une convention collective de travail ne saurait légalement déroger ni aux dispositions qui, par leurs termes mêmes, présentent un caractère impératif, ni aux principes fondamentaux énoncés dans la Constitution ou aux règles du droit interne ou - le cas échéant, international - lorsque ces principes ou règles débordent le domaine du droit du travail ou intéressent des avantages ou garanties échappant, par leur nature, aux rapports conventionnels »

Il serait vain de vouloir définir le contenu de cet ordre public absolu de façon exhaustive mais on peut en donner quelques illustrations.

On peut ainsi mentionner l'article L. 141-9 du code du travail qui interdit les clauses conventionnelles d'indexation sur le SMIC. Une telle clause serait naturellement favorable aux salariés mais la loi fait prévaloir l'intérêt général qui commande d'éviter les dérives inflationnistes sur l'intérêt particulier des salariés.

On peut également penser aux clauses conventionnelles relatives à l'exercice du droit de grève. Ainsi, l'arrêt Transports Séroul du 7 juin 1995 rappelle que les conventions ne peuvent avoir pour effet de limiter ou de réglementer l'exercice par les salariés du droit de grève constitutionnellement reconnu. Il s'agit là d'une application sans ambiguïté du préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. »

L'existence de règles relevant la compétence exclusive du législateur n'a pas échappé aux partenaires sociaux. La position commune évoque ainsi un « domaine du législateur, dans lequel il exercerait la souveraineté qu'il tient du suffrage universel, pour fixer, conformément à l'article 34 de la Constitution, les principes généraux destinés, d'une part, à garantir le respect des traités internationaux ratifiés par la France et, d'autre part, à déterminer les règles relevant de l'intérêt général de la nation tels que par exemple les durées maximales du travail, l'âge minimum d'accès au travail, la durée du repos hebdomadaire, le droit aux congés payés, le droit à la représentation collective, l'exercice de la liberté syndicale, le droit de grève, la protection de la maternité, etc. » Toutefois, la position est ambiguë en ce qu'elle poursuit en estimant que : « Ces principes généraux devraient se voir conférer une valeur d'ordre public social ».

Le présent projet de loi ne modifie en rien l'article 34 de la Constitution et l'article L. 132-4 du code du travail. Dès lors, on ne peut que rappeler les termes de la décision du Conseil constitutionnel n° 96-383 DC précitée : « Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical ; [il] appartient au législateur de fixer les conditions et garanties de la mise en oeuvre des dispositions à valeur constitutionnelle (...)

B - La loi maîtresse de l'articulation des normes

En dehors des règles d'ordre public précédemment évoquées, il est permis aux conventions de déroger aux dispositions législatives dans un sens plus favorable aux salariés, conformément au principe dit de faveur. Depuis 1982, est également autorisé le fait d'y déroger dans un sens qui peut être moins favorable selon des règles bien encadrées.

1 - La loi, socle minimal des droits, peut être améliorée en vertu du principe de faveur.

Dès lors qu'il n'existe pas de domaine exclusif de la négociation collective et un domaine exclusif de la loi somme toute restreint, celui occupé conjointement par la loi et les sources conventionnelles est vaste. Aux principes fondamentaux du droit du travail relevant de la loi - celle-ci pouvant aller très loin dans le détail de ces principes en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel - fait écho l'article L. 131-1 du code du travail qui permet à la négociation collective de traiter de l'ensemble des conditions de travail, de l'emploi et des garanties sociales.

Depuis la loi du 24 juin 193618, la relation entre les deux sources est dominée par la notion d'ordre public social. Il est loisible aux conventions collectives d'améliorer le socle minimal de droits fixé par la loi. Tel est le sens de l'article L. 132-4 du code du travail qui dispose que « La convention et l'accord collectif de travail peut comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et réglements en vigueur ».

Le Conseil d'Etat a dans son avis précité explicité la portée du principe de faveur ainsi posé par le code du travail :

« Considérant, d'une part, qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 31-a du livre 1er du code du travail, une convention collective « peut comporter des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles des lois et règlements en vigueur. (...) » ; qu'il résulte des termes mêmes de cet article que, conformément d'ailleurs aux principes généraux du droit du travail, les dispositions législatives ou réglementaires prises dans le domaine de ce droit présentent un caractère d'ordre public en tant qu'elles garantissent aux travailleurs des avantages minimaux, lesquels ne peuvent, en aucun cas, être supprimés ou réduits, mais ne font pas obstacle à ce que ces garanties ou avantages soient accrus ou à ce que des garanties ou avantages non prévus par les dispositions législatives ou réglementaires soient institués par voie conventionnelle (...) »

A ce principe général du droit, par lui réaffirmé au contentieux dans un arrêt d'assemblée le 8 juillet 1994, fait écho la valeur de principe fondamental que lui reconnaît la Cour de cassation dans deux arrêts du 17 juillet 1996 (EDF et SNCF) dans les termes suivants : « Attendu qu'en vertu du principe fondamental, en droit du travail, selon lequel la situation des salariés doit être régie, en cas de conflit de normes, par celle qui leur est la plus favorable, (...) » et « la cour d'appel, qui se trouvait en présence d'un conflit de normes, devait, conformément au principe fondamental du droit du travail régissant la matière, choisir entre ces deux textes, également applicables, celui dont les dispositions étaient les plus favorables aux salariés ».

Le Conseil constitutionnel lui accorde la même valeur dans la décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989 sur la loi modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion dans le considérant suivant : « (...) constitue un principe fondamental du droit du travail, le principe selon lequel une convention collective de travail peut contenir des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles des lois et règlements ».

Dès lors, seule la loi peut fixer des limites à ce principe de faveur à l'exclusion de toute norme réglementaire ou a fortiori conventionnelle.

L'article L. 132-4 du code du travail n'est pas modifié par le projet de loi et aucune de ses dispositions n'étend ni ne restreint le domaine exclusif de la loi. L'articulation entre celle-ci et les normes conventionnelles n'est aucunement modifiée.

2 - La loi peut également d'ores et déjà consentir des dérogations dans un sens moins favorable.

Il est également possible au législateur de prévoir des dérogations à cette règle du plus favorable.

a) Une mise en œuvre du principe de faveur parfois malaisée

Sa mise en œuvre s'avère parfois délicate et pèse sur la capacité normative des partenaires sociaux. Comment apprécier le caractère plus ou moins favorable d'une norme conventionnelle par rapport à la loi ? Seule une comparaison avantage par avantage pour chaque salarié serait à même de préserver les droits que celui-ci tire des dispositions légales. Toutefois ce mode de comparaison n'est guère adapté à la multiplication des accords « donnant-donnant », faits de concessions réciproques, notamment du côté des salariés dans le but de préserver l'emploi. Dès lors, la Cour de cassation applique une méthode de comparaison des avantages pour l'ensemble des salariés. S'ajoute à cette première difficulté celle tenant au caractère non-mesurable de certains avantages et le caractère plus ou moins favorable de l'accord n'est pas toujours vérifiable. Doit-on dans le doute privilégier le résultat du dialogue entre les parties à cet accord ou le maintien du socle légal ?

Ces incertitudes entravent l'action normative des partenaires sociaux et freine l'adaptation des normes aux besoins des acteurs de terrain, pas nécessairement dans un sens défavorable mais selon des modalités différentes.

b) L'introduction des accords dérogatoires

Dès lors, on comprend que le législateur ait souhaité introduire, sur des thèmes donnés, la possibilité pour la négociation collective de poser des règles différentes de celles des lois et règlements - pas nécessairement défavorables, en particulier dans l'économie générale de l'accord, sinon on ne voit guère ce qui pourrait inciter une organisation syndicale à signer.

Si l'on excepte l'ordonnance du 27 septembre 1967, c'est avec l'ordonnance du 16 janvier 1982 que la loi consacre la possibilité de conclure des accords dérogatoires à la loi. Le domaine privilégié de ces dérogations est celui de l'organisation et du temps de travail avec la mise en place d'organisations plus flexibles (annualisation, modulations, ...). Les évolutions successives de la législation ont non seulement confirmé mais renforcé le caractère dérogatoire des normes conventionnelles applicables en la matière.

D'autres domaines sont concernés de façon plus ponctuelle : on peut par exemple relever la rédaction de l'article L. 123-3 du code du travail19 qui permet de négocier des mesures temporaires au seul bénéfice des femmes en totale dérogation avec l'article L. 123-220.

On observera que ces accords dérogatoires - outre qu'ils doivent faire l'objet d'une habilitation législative expresse21 - peuvent faire l'objet d'un droit d'opposition sur le fondement de l'article L. 132-26 du code du travail (droit ouvert à l'organisation ou aux organisations syndicales ayant recueilli les voix de la moitié des inscrits lors des dernières élections professionnelles). Toutefois, la portée de ce droit est réduite par l'assimilation faite par le juge22 des accords y ouvrant droit aux seuls accords moins favorables, conception plus restrictive que celle d'accords « dérogatoires » visée dans le code du travail.

En conclusion, l'accord dérogatoire n'est pas nécessairement défavorable aux salariés, son utilisation est encadrée et surtout ne peut intervenir qu'en vertu d'une disposition législative expresse. Or, aucune disposition du texte n'ouvre de nouveaux champs de dérogation à la loi par la voie conventionnelle.

Il convient d'observer que le législateur serait pourtant en droit d'opérer une telle extension, le Conseil constitutionnel ayant enfin levé toute ambiguïté sur l'éventuelle valeur constitutionnelle du principe de faveur.

On rappellera qu'après l'avoir qualifié de « principe fondamental du droit du travail » dans sa décision n° 89-257 DC précitée, il a écarté le grief de l'atteinte qui lui aurait été portée - dans sa décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996 sur la loi relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective - comme manquant en fait et a jugé le moyen inopérant dans sa décision n° 97-388 DC du 20 mars 1997 sur la loi créant les plans d'épargne retraite.

La décision rendue le 12 janvier 2003 ne laisse plus place au moindre doute :

« Considérant que, selon les députés requérants, les dispositions déférées porteraient atteinte à un principe fondamental reconnu par les lois de la République en vertu duquel la loi ne pourrait permettre aux accords collectifs de travail de déroger aux lois et règlements ou aux conventions de portée plus large que dans un sens plus favorable aux salariés ;

« Considérant que le principe ainsi invoqué ne résulte d'aucune disposition législative antérieure à la Constitution de 1946, et notamment pas de la loi du 24 juin 1936 susvisée ; que, dès lors, il ne saurait être regardé comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, par suite, le grief n'est pas fondé. »

Principe essentiel, le principe de faveur n'est pas un principe intangible comme en attestent d'ailleurs ses multiples atténuations dans le droit positif.

C - Une protection forte du contrat de travail face aux normes conventionnelles supérieures

L'article L. 135-2 du code du travail dispose que « Lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord collectif de travail, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf dispositions plus favorables. » Il s'agit là de l'application du principe de faveur au contrat de travail.

Toutefois, cette application ne va pas sans quelque nuance. En effet, l'article L. 135-2, norme de valeur législative, peut dans le cas des accords dérogatoires entrer en contradiction avec l'habilitation législative ainsi donnée aux partenaires sociaux pour adopter des dispositions conventionnelles éventuellement moins favorables.

La doctrine reste partagée sur cette question. Une partie d'entre elle souligne que l'application stricte du principe de faveur de l'article L. 135-2 pourrait, en cas de maintien pour tous les salariés de dispositions plus favorables du contrat de travail, vider l'accord collectif de tout effet. Dès lors, en vertu du principe selon lequel « Speciala generalibus derogant », en l'absence de dispositions expresse, les accords collectifs dérogatoires devraient s'appliquer aux contrats de travail même plus favorables. L'autre partie de la doctrine souligne que le caractère dérogatoire des accords ne signifie pas nécessairement que ceux-ci sont moins favorables et que la dérogation s'applique à l'article L. 132-4 du code du travail et non à l'article L. 135-2. Dès lors, le salarié pourrait se fonder sur l'existence de clauses de son contrat de travail opposables aux accords dérogatoires pour écarter l'application de dispositions moins favorables. Telle est d'ailleurs la solution retenue par la jurisprudence depuis les arrêts de la Cour de cassation du 17 juillet 1996 précités, confirmés par exemple par un arrêt de la chambre sociale de cette même Cour du 26 octobre 1999 qui énonce que « s'il est possible pour l'employeur de déroger, par engagement unilatéral, aux dispositions précitées, la dérogation ne peut pas, en vertu du principe fondamental du droit du travail énoncé dans l'article L. 132-4 du code du travail, être opposée au salarié si elle est moins favorable à ce dernier. »

On notera d'ailleurs que cette application, certes mesurée mais dépourvue d'ambiguïté, du principe de faveur au contrat de travail a conduit le législateur à affirmer dans l'article 30 de la loi n° 2000-37 relative à la réduction négociée du temps de travail du 19 janvier 2000 que l'application du principe de faveur au contrat de travail est purement et simplement écartée dans l'application des accords collectifs de réduction du temps de travail.

Hormis ce cas, le principe de faveur est donc applicable à la relation entre dispositions conventionnelles et contrat de travail et n'est aucunement modifié par le présent texte.

On voit donc clairement à la lumière des développements précédents que la négociation collective est fortement encadrée par les normes constitutionnelles, législatives et réglementaires, d'une part, et, d'autre part, par la forte protection du contrat de travail. Dès lors, et tel est le sens du présent article et de l'article 37, le seul moyen de donner davantage d'espace à la négociation collective sans remettre en cause ces garanties consiste à assouplir l'articulation des différents niveaux de normes conventionnelles.

II - Le projet de loi permet en revanche une articulation plus souple des normes d'origine conventionnelle.

Si le principe de faveur régit normalement les relations entre les différents niveaux de normes conventionnelles, l'émergence d'un ordre public dérogatoire perturbe son application et, ajoutée à d'autres facteurs, plaide pour une nouvelle articulation des normes conventionnelles.

A - L'application du principe de faveur entre normes conventionnelles de niveaux différents connaît déjà des assouplissements

En vertu des dispositions des articles L. 132-1323 et L. 132-2324 du code du travail, le principe de faveur s'applique aux relations entre normes conventionnelles, chaque niveau ne pouvant prévoir que des dispositions plus favorables aux salariés que le niveau supérieur. L'adoption à celui-ci de normes plus favorables contraint même les niveaux inférieurs ou les accords au champ professionnel ou territorial à s'adapter.

Toutefois, comme dans l'articulation des normes conventionnelles avec la loi, l'application du principe de faveur connaît des atténuations.

La première d'entre elles tient à l'application du principe par la jurisprudence. S'agissant des bénéficiaires de l'avantage, la Cour de cassation prend en compte l'intérêt de la collectivité des travailleurs et non celui d'un salarié isolé. S'agissant des avantages, la Cour a dans un arrêt du 19 février 1997 substitué à la méthode classique fondée sur la comparaison de groupes d'avantages une appréciation globale de l'accord. Ainsi, la Cour juge que le maintien de l'emploi par exemple peut constituer une contrepartie à des avantages moindres pour les salariés en places.

La seconde atténuation résulte de l'exclusion légale - puisque seule la loi est habilitée à y procéder - de l'application du principe de faveur dans certaines situations. On citera à titre d'exemples :

- l'article L. 132-24, en matière salariale, qui prévoit que « Les clauses salariales des conventions ou accords d'entreprise ou d'établissement peuvent prévoir des modalités particulières d'application des majorations de salaires décidées par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l'entreprise, à condition que l'augmentation de la masse salariale totale soit au moins égale à l'augmentation qui résulterait de l'application des majorations accordées par les conventions ou accords précités pour les salariés concernés et que les salaires minima hiérarchiques soient respectés » ;

- l'article L. 212-10, en matière d'organisation et de temps de travail, qui prévoit que « Les accords d'entreprise ou d'établissement prévus à l'article L. 212-8, au cinquième alinéa de l'article L. 212-5-1 et à l'article L. 212-7-1 qui dérogent aux dispositions législatives ou conventionnelles25 peuvent faire l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26. »

Il n'en demeure pas moins que l'articulation de ces normes reste très rigide comme en atteste l'arrêt du 24 septembre dernier de la cour d'appel de Paris. Celle-ci a annulé un avenant à la convention collective nationale des sociétés d'assurances dont certaines dispositions relatives au contingent d'heures supplémentaires ou à la définition des cadres en forfait jours n'étaient applicables qu'en l'absence de dispositions d'un accord d'entreprise sur le même sujet ou sauf dispositions différentes - donc éventuellement moins favorables - d'un tel accord. La cour d'appel a confirmé le caractère impératif - sauf habilitation législative expresse - des dispositions de la convention de niveau supérieur.

C'est sur ce point qu'entend revenir le projet de loi, en premier lieu dans le présent article.

B - De nombreux arguments militent en faveur d'une articulation moins rigide mais contrôlée

Le fondement essentiel de cet assouplissement est une meilleure adaptation des normes à la complexité et à l'hétérogénéité de l'organisation du travail et de la production, une modernisation d'un droit largement organisé et rigidifié autour d'une conception industrielle du monde du travail antinomique de l'individualisation croissante de la relation de travail. Il repose également sur la réactivité qu'implique la contrainte de compétitivité dans une économie ouverte. Enfin, il satisfait à une demande des partenaires sociaux de disposer d'une plus grande latitude dans l'articulation de normes dont ils décident, déjà encadrées au niveau supérieur par la loi et au niveau inférieur par la résistance du contrat de travail.

La position commune (point I.1) fait donc la proposition suivante :

« (...) pour faciliter le développement de la négociation collective à tous les niveaux, chaque niveau de négociation, national interprofessionnel, de branche, et d'entreprise, doit pouvoir négocier de telle sorte que les dispositions conclues à un niveau plus ou moins centralisé (interprofessionnel ou de branche) s'imposent aux niveaux décentralisés (entreprise) en l'absence d'accord portant sur le même objet. »

Le présent article en constitue l'application à l'articulation des accords interprofessionnels et des conventions de branche ou accords professionnels. L'article 37 en prévoit l'application s'agissant des accords d'entreprise et d'établissement (Cf. infra le commentaire de cet article).

Le paragraphe I traite au stade leur conclusion de l'articulation d'accords interprofessionnels, de conventions de branche ou d'accords professionnels avec des normes de niveau supérieur ou au champ territorial ou professionnel plus large. La question essentielle est évidemment l'articulation entre les niveaux interprofessionel et de branche.

Le principe de faveur posé par l'actuel article L. 132-13 du code du travail n'est pas remis en cause. Il est toujours possible de prévoir des dispositions plus favorables. Toutefois, le présent paragraphe autorise une dérogation générale à ce principe permettant l'adoption de dispositions dérogatoires - donc éventuellement défavorables - à la condition que la norme supérieure ne s'y soit pas expressément opposée. La légitimité de cette dérogation repose sur le caractère majoritaire des accords désormais conclus selon les modalités décrites à l'article 34 du projet de loi. Rien ne semble interdire que les parties à cet accord de rang supérieur prévoient que cette dérogation s'applique à tout ou partie de ses dispositions.

On notera que si une norme de niveau supérieur - par exemple un accord interprofessionnel - ne prévoit pas expressément l'interdiction de telles dérogations, celles-ci sont de droit et ne nécessitent pas d'habilitation conventionnelle expresse. En conséquence, si un accord interprofessionnel veut conserver son impérativité à l'égard de la convention de branche, il faut qu'il l'indique explicitement.

Le paragraphe II transpose le même mécanisme aux adaptations des normes de rang inférieur aux évolutions de celles de rang supérieur. Cette disposition vise de façon logique à éviter que les accords et conventions de rang supérieur retrouvent leur impérativité automatique - du fait de l'adoption de dispositions plus favorables que celles des conventions et accords de rang inférieur - à l'occasion de leur révision ou de leur renouvellement.

*

La commission a examiné deux amendements identiques de MM. Maxime Gremetz et Alain Vidalies de suppression de l'article.

M. Maxime Gremetz s'est opposé à la remise en cause du principe de faveur opérée au détour de cet article. La législation sociale, conquise de haute lutte, prévoit qu'aucun accord signé, quel que soit son niveau, ne peut être moins favorable aux salariés qu'un texte de niveau supérieur. Ce principe permet de garantir l'égalité des salariés, notamment en l'absence d'organisations syndicales dans certaines entreprises, et d'assurer la protection de leurs droits fondamentaux.

M. Alain Vidalies s'est demandé pour quelles raisons le principe de faveur est remis en cause alors que le projet de loi s'inscrit dans une démarche de renouveau de la négociation collective. Ce principe organise les rapports entre les partenaires sociaux depuis des décennies et garantit un équilibre et une homogénéité du droit social dans l'ensemble des branches professionnelles. Il s'agit d'un aspect fondamental tant pour les salariés que pour les employeurs, par exemple par rapport au droit de la concurrence. Le supprimer débouchera sur un nouveau modèle de société atomisée.

M. Francis Vercamer a souligné la nécessité d'être prudent vis-à-vis de cet article. Les accords doivent bien prévoir la possibilité de dérogations mais il ne faut pas ouvrir sans limite la porte à toute dérogation.

Le rapporteur a rappelé que les articles 36 et 37 du projet de loi permettent de négocier au plus près des besoins des salariés et des entreprises. Le principe de faveur a déjà connu quelques entorses, avec l'apparition des accords dérogatoires en 1982 ou la loi Delebarre en 1986. L'articulation entre la loi et les accords collectifs n'est pas remise en cause : les accords ne peuvent donc qu'être plus favorables que la loi, sauf dérogations déjà existantes. Il n'est pas non plus dérogé au régime de faveur s'agissant du contrat de travail qui permet d'opposer des clauses plus favorables à celles de l'accord d'entreprise. La négociation collective est ainsi encadrée par le haut (la loi) et par le bas (les contrats de travail).

Les dispositions qui changent concernent la possibilité de déroger par un accord négocié de niveau inférieur à un accord de niveau supérieur, sauf interdiction explicite par celui-ci. Cette possibilité est légitime au regard de la garantie que constitue en vertu de l'article 34 la signature des accords sur une base majoritaire.

M. Gaëtan Gorce a déclaré ne pas être convaincu par le bouleversement des règles de la négociation collective opéré par cet article. Devoir prévoir de ne pas pouvoir déroger à une règle lors de la négociation d'un accord aboutit à la fois à modifier la hiérarchie des normes et l'équilibre de la négociation. La situation devient systématiquement défavorable aux droits des salariés et il n'est pas possible de la justifier par l'existence de quelques dérogations liées à la mise en œuvre de la réduction du temps de travail. L'onde positive provoquée par le principe de faveur, s'étendant à toutes les branches et les entreprises et donc à tous les salariés, est désormais bloquée par la barrière juridique que constitue la nécessité de prévoir expressément dans un accord négocié l'application au niveau inférieur de dispositions favorables. A la différence de l'article 34 de faible portée, le présent article constitue une véritable « révolution juridique » - selon le mot du ministre - et est la marque d'une réaction politique.

M. Francis Vercamer a estimé préférable d'encadrer les dérogations au principe de faveur plutôt que de le supprimer afin d'éviter la déresponsabilisation des partenaires sociaux au niveau des branches professionnelles.

M. Maxime Gremetz a rappelé que tous les syndicats sont opposés à cette remise en cause du principe de faveur. On peut également regretter la désinvolture avec laquelle le ministre a considéré les remarques pertinentes de juristes reconnus du droit du travail.

La commission a rejeté les deux amendements.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Francis Vercamer précisant que l'accord collectif supérieur doit prévoir la possibilité pour un accord collectif inférieur de comporter certaines dispositions moins favorables aux salariés.

M. Francis Vercamer a estimé nécessaire de conforter l'accord collectif supérieur comme niveau de négociation des cas où une dérogation moins favorable aux salariés est possible. Les accords de branche ou interprofessionnels doivent en effet avoir un rôle structurant exprimant la solidarité entre salariés. Les dérogations ne doivent être possibles au niveau d'un accord d'entreprise qu'en fonction de nécessités locales ou particulières. Cet amendement permet de traduire au mieux le souhait des signataires de la position commune du 16 juillet 2001, qui aspirent à une « articulation dynamique et maîtrisée des niveaux de négociation ».

M. Alain Vidalies a considéré que cet amendement de repli permet au moins de définir au niveau des accords de branche à quoi il peut être possible de déroger. La rédaction du projet de loi vicie en effet toute forme de négociation collective en posant comme principe qu'il est toujours possible de déroger au résultat de la négociation.

Le rapporteur s'est exprimé contre cet amendement en rappelant que les partenaires sociaux signataires de la position commune ont envisagé un rôle supplétif des accords de niveau supérieur par rapport aux accords décentralisés d'entreprise.

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite examiné deux amendements de M. Alain Vidalies imposant que la remise en cause du principe de faveur soit prévue par une décision explicite de l'accord de niveau supérieur.

M. Gaëtan Gorce n'a pas estimé possible de s'en remettre au seul silence de l'accord collectif pour l'application d'un principe aussi essentiel. Il faut donc remettre les choses dans le bon ordre en prévoyant qu'aucune dérogation n'est possible au niveau local si elle n'a pas été autorisée par le niveau supérieur. Cette disposition du projet de loi ne pourrait d'ailleurs pas être mise en œuvre si le principe majoritaire cher au ministre s'appliquait au niveau politique car tous les groupes parlementaires sauf un y sont opposés. On peut d'ailleurs se demander s'il ne serait pas souhaitable de rendre service au ministre en supprimant une disposition qui lui a été imposée à la suite des positions qu'il a prises concernant la suppression d'un jour férié pour financer l'effort de solidarité en faveur des personnes âgées.

Le rapporteur a estimé que la rédaction du projet de loi permet plus de souplesse.

M. Alain Vidalies a considéré que l'application du principe de faveur doit rester la règle. C'est donc sa remise en cause qui doit être expresse et non l'inverse. On ne peut pas justifier un tel bouleversement de l'ordre social seulement par une volonté de souplesse, sans être incohérent avec la position commune du 16 juillet 2001.

La commission a rejeté les deux amendements, puis elle a adopté l'article 36 sans modification.

Article 37

(article L. 132-23 du code du travail)


Articulation entre les accords d'entreprise ou d'établissement et les accords interprofessionnels, professionnels et conventions de branche

Cet article, comme l'article 36, s'inscrit dans la démarche générale prônée par la position commune du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective adoptée par la majorité des partenaires sociaux d'une « articulation dynamique et maîtrisée des niveaux de négociation ». Il s'agit ainsi de créer une hiérarchie des normes plus souple que la hiérarchie actuelle, favorisant dans une logique de subsidiarité une meilleure adéquation des règles aux besoins des acteurs sociaux tout en conservant les garanties sociales nécessaires.

Sans altérer l'encadrement de la négociation collective par les dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires, d'une part, et les dispositions protectrices du contrat de travail (sur la hiérarchie des normes résultant du projet de loi, cf. supra le commentaire de l'article 36), il modifie les conditions d'articulation entre les accords d'entreprise ou d'établissement et les dispositions conventionnelles de niveau supérieur ou au champ territorial ou professionnel plus large.

L'article complète l'article L. 132-23 du code du travail par deux alinéas.

Dès lors, les dispositions actuelles de cet article ne sont pas remises en cause. L'accord (ou la convention) d'entreprise (ou d'établissement)26 a vocation à adapter les dispositions des accords ou conventions de rang supérieur (branche, accord professionnel ou interprofessionnel) « aux conditions particulières » de l'entreprise ou de l'établissement. L'accord d'entreprise peut prévoir des dispositions nouvelles ou des dispositions plus favorables aux salariés en vertu du principe de faveur décliné par la deuxième phrase du premier alinéa de l'article.

Comme à l'article 36, l'évolution introduite par le projet de loi concerne la capacité de l'accord d'entreprise à comporter des dispositions dérogatoires - éventuellement moins favorables - aux dispositions conventionnelles de niveau supérieur ou au champ territorial ou professionnel plus large27. On rappellera que de telles possibilités de dérogation se justifient au regard de la légitimité accrue des signataires induite par les nouvelles règles de conclusion des accords fixées par l'article 34 du projet de loi. On observera également que cette légitimité entraîne logiquement la suppression du droit d'opposition actuel prévu par l'article L. 132-26 du code du travail.

Les deux alinéas ajoutés par le présent article ouvrent cette faculté générale de dérogation à tous les domaines où le code du travail renvoie pour son application à la convention de branche ou à l'accord d'entreprise sous deux réserves :

- La première, comparable à celle figurant à l'article 36, tient à l'interdiction expresse de telles dérogations - qui ne remettrait pas en cause les habilitations législatives spécifiques - par une norme de niveau supérieur ou au champ plus large. La convention de branche peut ainsi vouloir exercer son rôle « structurant » en conservant son impérativité mais elle doit l'indiquer explicitement (deuxième alinéa du présent article).

- La seconde, propre à cet article, exclut certains domaines de la possibilité d'adopter des dispositions dérogatoires par accord d'entreprise (premier alinéa du présent article). Sont ainsi exclus : les salaires minimum, les classifications, la protection sociale complémentaire et la mutualisation des fonds de la formation professionnelle.

Cette disposition est conforme au schéma souhaité par les partenaires sociaux dans la position commune de juillet 2001 : « La branche joue un rôle structurant de solidarité, d'encadrement et d'impulsion de la négociation d'entreprise à travers l'existence de règles communes à la profession. (...) Chaque niveau doit respecter les dispositions d'ordre public social définies par la loi et les dispositions des accords interprofessionnels ou de branche auxquels leurs signataires ont entendu conférer un caractère normatif et impératif qui peuvent être constitutives de garanties minimales. En outre un certain nombre de limites peuvent tenir à l'objet de la négociation, comme c'est le cas des mécanismes de mutualisation interentreprises, des classifications et des minima de branche par exemple (...) » Seule la protection sociale complémentaire n'était pas explicitement évoquée mais la liste n'était pas limitative et son exclusion du champ des dérogations semble cohérente avec la volonté de laisser les garanties collectives à la responsabilité de la branche.

On notera que cet article ne prévoit pas de clause spécifique comme celle prévue au II de l'article 36 afin de permettre le maintien de dispositions dérogatoires ou devenant telles après renouvellement ou révision de l'accord de niveau supérieur ou au champ plus large. En effet, le deuxième alinéa de l'article L. 132-23 prévoit l'obligation pour les accords d'entreprise de s'adapter à de telles évolutions mais ne prévoit pas l'application du principe de faveur. Si celle-ci était jusqu'à présent la règle, les deux alinéas du présent article permettent qu'il en aille autrement et l'adaptation peut laisser subsister des dispositions dérogatoires ou le devenant (dès lors pour ces dernières qu'elles ne portent pas sur les matières exclues par le troisième alinéa du nouvel article L. 132-23).

Le rapporteur propose d'adopter cet article sans modification.

*

La commission a examiné deux amendements de suppression de l'article de MM. Alain Vidalies et Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer a retiré son amendement. Dans la mesure où la suppression de l'article 36 n'a pas été votée, ce dernier n'a plus d'objet.

M. Alain Vidalies a indiqué que l'article 37 est, dans sa rédaction actuelle, lourd de conséquences puisqu'il remet en cause la hiérarchie des normes entre les accords d'entreprise et les accords de branches. Cette modification va entraîner une atomisation du travail comme elle existe dans certains pays. Sur ce point, il est intéressant de remarquer que les pays dans lesquels, traditionnellement, le droit social s'est conclu autour d'accords au niveau de l'entreprise ont évolué, ces dernières années, vers la recherche de normes supérieures de façon à harmoniser des règles disparates. La voie que la France s'apprête à emprunter est rigoureusement inverse. Par ailleurs, le choix du gouvernement n'a fait l'objet d'aucune discussion préalable avec les partenaires sociaux. Il introduit une course au moins-disant social largement préjudiciable aux salariés et à la qualité des relations sociales. L'introduction tardive de cette mesure est donc l'expression d'un choix idéologique de la part du gouvernement.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Vidalies visant à ce que l'interdiction de déroger au niveau de l'entreprise aux accords de branche ne porte pas uniquement sur le seul salaire minimum mais sur l'ensemble des salaires.

M. Alain Vidalies a indiqué qu'il s'agit d'un amendement de précision visant à éviter qu'une surenchère au moins-disant social se mette en place au niveau des entreprises et a souhaité obtenir la précision suivante : l'ensemble des salaires intégrés dans les classifications sont-ils protégés par les accords de branche ou bien cette protection ne vaut-elle que pour le salaire minimum ?

Le rapporteur a répondu que l'entreprise ne peut selon lui déroger ni au niveau de salaire minimum ni au niveau des salaires liés à une classification fixés par les accords de branche.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à supprimer la remise en cause du principe de faveur que constituerait la généralisation des accords d'entreprise dérogatoires.

M. Maxime Gremetz a indiqué que cette remise en cause constitue un recul social sans précédent. C'est la première fois qu'un gouvernement de droite revient sur des conquêtes sociales aussi fondamentales et aussi anciennes.

Après avoir répondu à M. Maxime Gremetz que le précédent gouvernement n'a pas hésité à remettre en cause l'interdiction du travail de nuit pour les femmes qui remontait à 1892, le rapporteur a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Alain Vidalies visant à ce que la dérogation aux accords de branche ne devienne pas la règle mais soit explicitement autorisée par la branche.

M. Alain Vidalies a indiqué qu'il convient, pour le moins, que la possibilité de dérogation offerte à l'entreprise soit expressément prévue et son champ d'application limitativement défini.

M. Alain Néri a estimé que le projet de loi s'apparente à un manuel scolaire de grammaire dans lequel les exceptions sont plus nombreuses que les règles.

M. Francis Vercamer a indiqué qu'il souscrit à l'amendement de M. Alain Vidalies.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer dont l'objet est d'imposer aux entreprises de justifier de circonstances économiques particulières pour pouvoir déroger à un accord collectif de niveau supérieur.

M. Francis Vercamer a précisé que le dispositif prévoit, dans le délai d'un an, le réexamen des circonstances économiques qui ont présidé à l'octroi de cette dérogation.

Le rapporteur a émis un avis défavorable au motif que la fixation des délais de révision relève des conventions collectives.

La commission a rejeté l'amendement et adopté l'article 37 sans modification.

Article 38

Extension du domaine des accords d'entreprise ou d'établissement
à celui des conventions ou accords de branche

Cet article tire les conséquences de l'extension du champ des accords d'entreprise ou d'établissement dérogatoires aux conventions ou accords de branche autorisée par l'article 37 en prévoyant d'ajouter un renvoi aux accords d'entreprise et d'établissement lorsque le code du travail prévoit le renvoi aux conventions ou accords de branche.

En effet, dès lors que la dérogation est par principe possible, il convient de préciser que la mise en œuvre des dispositions visées ne passe pas seulement par le niveau de la branche. Il convient de préciser que la dérogation étant possible que la convention ou l'accord de branche soit ou non étendu, le renvoi opéré par le présent article vise la mise en œuvre de dispositions législatives par convention ou accord de branche sans considération de son éventuelle extension.

Il est à noter que ce renvoi exclut cependant deux cas particuliers :

- Le premier concerne la mise en place d'horaires d'équivalence visée au dernier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail. En effet, cette mise en place d'horaires d'équivalence suppose jusqu'à présent non seulement la conclusion d'une convention ou d'un accord de branche mais l'adoption après celle-ci d'un décret. Outre la lourdeur du processus administratif qu'entraînerait la publication d'un décret pour chaque entreprise ou établissement recourant au dispositif28, il semble opportun de laisser au niveau de la branche le soin de fixer des normes applicables à l'ensemble de la profession. De fait, la totalité des professions concernées semble aujourd'hui couverte par un décret suivant des dispositions conventionnelles ou un décret en Conseil d'Etat29.

- Le second concerne la définition du travailleur de nuit visée à l'article L. 213-2 du code du travail. En effet, l'article 2 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail dispose dans son article 2 que l'on définit comme travailleur de nuit :

« a) d'une part, tout travailleur qui accomplit durant la période nocturne au moins trois heures de son temps de travail journalier accomplies normalement ;

b) d'autre part, tout travailleur qui est susceptible d'accomplir, durant la période nocturne, une certaine partie de son temps de travail annuel, définie selon le choix de l'État membre concerné :

i) par la législation nationale, après consultation des partenaires sociaux ou

ii) par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux au niveau national ou régional30 »

En conséquence, un accord d'entreprise ne saurait poser sa propre définition du travailleur de nuit.

Il convient, compte tenu du caractère général de la formulation du présent article, de préciser quels sont les articles du code du travail concernés par le renvoi à l'accord d'entreprise ou d'établissement.

Tableau des dispositions visées
(ouverture à la négociation d'entreprise)

Articles

Thème

Objet de la négociation

Niveau actuel de négociation

L. 122-1-1

Contrat de travail

Contrat à durée déterminée

Cas de conclusion de CDD

Convention ou accord collectif étendu

L. 122-3-4

2e alinéa

Contrat de travail

Contrat à durée déterminée

Limitation de l'indemnité de fin de contrat à 6 % (contre 10 %) et action de formation

Branche étendu

L. 124-2-1

Contrat de travail

Travail temporaire

Usage de non-recours au CDI à raison de la nature de l'activité et du caractère temporaire de l'emploi

Convention ou accord collectif étendu

L. 124-4-1

Contrat de travail

Travail temporaire

Fixation de la période d'essai

Branche étendu

L. 124-4-4

5e alinéa (1°)

Contrat de travail

Travail temporaire

Cas de suppression de l'indemnité de fin de mission

Branche étendu

L. 124-21-1

Contrat de travail

Travail temporaire

Définition du champ des missions de travail temporaire (extension aux actions en lien avec l'activité professionnelle de ces salariés)

Convention ou accord collectif étendu

L. 212-4-4

Durée du travail :
Temps partiel

Réduction du délai de prévenance et contreparties à cette réduction

Décalage jusqu'au tiers des heures au-delà de la durée stipulée au contrat

Clauses obligatoires sur les garanties de droit temps complet

Fixation d'une période minimale de travail continue et limitation du nombre d'interruptions d'activité ou interruption supérieure à 2 heures.

Branche étendu

L. 212-4-6 4° et 8°

Durée du travail :
Temps partiel modulé

Réduction du délai de prévenance à minima 3 jours

Limitation du nombre d'interruptions d'activité
ou interruption supérieure à 2 heures.

Branche étendu

L. 212-5
I

Durée du travail

Réduction a minima (10 %) du
taux de majoration des heures supplémentaires

Branche étendu

L. 212-5-2

Durée du travail

Heures supplémentaires

Travail saisonnier

Détermination des périodes de référence pour le décompte
des heures supplémentaires
et des repos compensateurs

Branche étendu

L. 212-6

Durée du travail

Contingent d'heures supplémentaires

Branche étendu

L. 212-7

Durée du travail

Durée maximale hebdomadaire moyenne portée de 44 à 46 heures

Accord de branche et décret

L. 213-3

Travail de nuit

Dérogations à la durée du travail quotidienne et hebdomadaire

Branche étendu

L. 220-1

Durée du travail

Dérogation au repos quotidien
de 11 heures

Branche étendu

L. 221-4

Durée du travail

Dérogation au repos
de 2 jours des jeunes travailleurs

Branche étendu

L. 221-5-1

Durée du travail

Equipes de suppléance -
repos par roulement

Branche étendu

L. 227-1

12e alinéa

Compte épargne-temps

Conditions de transfert

Accord interprofessionnel ou accord de branche étendu

L. 236-10

4e alinéa

Santé et sécurité au travail

Hygiène, sécurité et conditions de travail - formation spécifique des membres du CHSCT, établissements de moins de 300 salariés

Branche ou,
à défaut, réglementaire

L. 322-1

Emploi

Fonds national de l'emploi

Adaptation des salariés aux évolutions de l'emploi

Accords professionnels ou interprofessionnels

L. 322-4-6-4

Emploi

Fonds national de l'emploi

Accompagnement et bilan de compétences

Branche

L. 322-12

5e alinéa

Emploi

Travail à temps partiel

Plusieurs interruptions d'activité
au cours de la journée

Branche étendu

L. 352-3

4e alinéa

Emploi

Régime des accords conclus entre employeurs et travailleurs et relatifs aux allocations d'assurance des travailleurs privés d'emploi

Accords professionnels ou interprofessionnels nationaux ou régionaux

L. 721-11

Dispositions particulières à certaines professions

Travailleurs à domicile

Tableau des temps nécessaires à l'exécution de travaux

Accord collectif étendu, à défaut réglementaire

L.721-12

Dispositions particulières à certaines professions

Travailleurs à domicile

Fixation des salaires

Accord collectif étendu

L. 931-8-1

1er alinéa

Formation professionnelle continue

Droits des salariés
en matière de formation

Congé de formation

Interprofessionnel étendu
ou, le cas échéant, branche étendu

L. 931-8-2

4e alinéa

Formation professionnelle continue

Droits des salariés
en matière de formation

Congé de formation : conditions de rémunération plus favorables

Interprofessionnel étendu
ou, le cas échéant, branche étendu

L. 931-28

IV

Formation professionnelle continue

Droits des salariés
en matière de formation

Droits des cadres

Interprofessionnel étendu
ou, le cas échéant, branche étendu

L. 934-2

(actuel
L. 933-2)

Formation professionnelle continue

Droits des salariés
en matière de formation

Conditions d'application
d'éventuelles clauses financières convenues avant l'engagement de certaines actions de formation, applicables en cas de démission.

Convention ou accord collectif de branche

L. 934-5

(actuel
L. 933-4)

Formation professionnelle continue

Droits des salariés
en matière de formation

Programme de formation

Branche

L. 952-1

1er alinéa

Formation professionnelle continue

Participation des employeurs occupant moins de dix salariés au développement de la formation professionnelle continue

Convention ou accord collectif étendu

L. 952-2

2e alinéa

Formation professionnelle continue

Participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue

Mutualisation des cotisations

Branche étendu

L. 954

1er alinéa

Formation professionnelle continue

Participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue

Contribution pour les salariés intermittents du spectacle

Branche étendu

L. 961-9

3e alinéa

Formation professio-nelle continue

Aides financières accordées aux stagiaires de formation professionnelle

Création de fonds d'assurance - formation

Branche

L. 961-10

1er alinéa

Formation professionnelle continue

Aides financières aux stagiaires
de la formation professionnelle

Création de fonds d'assurance - formation pour indépendants, libéraux et non salariés

Branche

Cet inventaire des dispositions concernées ne semble malheureusement pas suffisant pour adopter l'article en l'état qui ne permet quasiment aucune des insertions projetées, même au prix d'une interprétation souple de l'article :

- l'insertion ne vise que la mise en œuvre des accords ou conventions « de branche », dès lors il ne semble pas possible de l'appliquer aux dispositions visant également les accords interprofessionnels ;

- la mention de la branche n'est pas pertinente puisque dans près de la moitié des cas, le terme de branche ne figure pas et le fait que la négociation ait lieu au niveau de la branche ne peut qu'être déduit de l'existence d'une procédure d'extension ;

- certaines dispositions prévoient un recours au décret : faut-il le prévoir dans le cas d'accords d'entreprise ?

- l'insertion pose parfois des problèmes de cohérence avec d'autres dispositions textuelles (voir par exemple l'article L. 322-7) et des questions de fond : ainsi, la transférabilité du compte épargne temps d'une entreprise à l'autre peut-elle relever de l'accord collectif d'entreprise ? L'accord d'entreprise peut-il intervenir dans la mutualisation des fonds régie par les articles L. 961-9 et L. 961-10 en dépit des dispositions du premier alinéa de l'article 37 du projet de loi ? Faut-il procéder à l'extension de la compétence de l'accord d'entreprise aux contrats et périodes de professionnalisation ?

Enfin, on notera que la modification proposée du champ de la négociation d'entreprise suppose l'adoption de mesures de coordination dans le code rural et le code du travail maritime.

Il convient donc de procéder à une réécriture de l'article prévoyant la modification pertinente de chacune des dispositions concernées dans ces différents codes.

*

La commission a examiné trois amendements de MM. Maxime Gremetz, Alain Vidalies et Francis Vercamer de suppression de l'article.

M. Francis Vercamer a retiré son amendement pour les raisons évoquées dans le débat sur l'article 37.

M. Maxime Gremetz a indiqué que l'article 38 illustre parfaitement la teneur du projet de loi : une remise en cause des acquis d'un droit social que beaucoup de pays étrangers prennent pour modèle, la liquidation du principe de faveur.

M. Gaëtan Gorce a souligné que cet article pose de nombreuses questions. Plus de trente articles du code du travail - parmi lesquels ceux fixant les conditions de recours au contrat à durée déterminée, ceux déterminant les modalités du travail à temps partiel ou ceux définissant le régime des heures supplémentaires - sont visés par cette mesure qui permettra la mise en œuvre de dispositions législatives après la simple conclusion d'un accord d'entreprise ou d'établissement. Pourquoi piétiner ainsi la négociation de branche ? Le gouvernement n'a donné aucune explication propre à éclairer sa démarche. On ne peut que s'étonner de sa volonté de faire adopter un tel dispositif quand celui-ci soulève l'opposition unanime de l'ensemble des représentants syndicaux et ne satisfait que le MEDEF.

Le rapporteur a indiqué que les dispositions de l'article 38 n'ont pas d'autre but que d'introduire plus de souplesse pour les entreprises à l'égard des accords de branche et de rapprocher ainsi la négociation des besoins des employeurs et des salariés.

M. Alain Vidalies s'est ému du fait que le rapporteur ne réponde pas aux préoccupations exprimées. En effet, avec l'adoption de cet article dans sa rédaction actuelle, le niveau de référence en matière de droit social ne sera plus la branche mais l'entreprise. Il n'est pas exclu que ces dispositions contreviennent à la Constitution puisque les accords conclus sur son fondement dérogeront à des normes dont la supériorité était au moment de leur conclusion garantie par la loi. Par ailleurs, il est curieux de constater que cet article a été introduit au dernier moment dans le projet de loi. Il ne figurait pas dans la première version du texte transmise au Conseil d'Etat et le ministre des affaires sociales, M. François Fillon, comme le gouvernement, avaient alors exprimé leurs réserves sur un tel dispositif.

La commission a rejeté les deux amendements.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Alain Vidalies visant à exclure du champ de cet article les dispositions du code du travail relatives au contrat et à la période de professionnalisation.

M. Alain Vidalies a indiqué que cet amendement vise à opérer une cohérence entre les deux parties du projet de loi en évitant que la formation professionnelle soit soumise aux nouvelles modalités du dialogue social.

Le rapporteur a émis un avis défavorable à cet amendement tout en indiquant que le champ couvert par les dispositions de l'article 38 devra être mieux précisé.

M. Gaëtan Gorce s'est réjoui de la remarque du rapporteur, y voyant la preuve d'une hésitation de la majorité face à cette démarche visant à réinterpréter les accords des partenaires sociaux.

La commission a rejeté l'amendement et adopté l'article 38 sans modification.

Article 39

Maintien de la valeur hiérarchique des conventions et accords antérieurs

Cet article a pour objet la sécurisation des conventions et accords conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi. Il pose pour ce faire le principe du maintien de la valeur hiérarchique des accords de niveaux supérieurs que leur avaient accordée les signataires.

Il convient de distinguer deux situations :

- Certaines conventions (ou accords) antérieures dérogeaient aux dispositions conventionnelles de rang supérieur ou au champ professionnel ou territorial plus large sur le fondement de dispositions légales déjà existantes : celles-ci n'étant pas remises en cause, l'articulation de ces normes - qui devient par les articles 36 et 37 du projet de loi la règle à défaut de dispositions contraires - n'est aucunement modifiée par le projet de loi. La clause de sécurisation est donc inutile dans ce cas.

- En revanche, en vertu du principe de faveur affirmé par les actuels articles L. 132-4, L. 132-13 et L. 132-23 du code du travail, les dispositions des accords de niveaux inférieurs ne peuvent, sauf dérogations légales, qu'adapter les accords de rang supérieur, prévoir des dispositions nouvelles ou des dispositions plus favorables. Les signataires de ces conventions ou accords de niveaux supérieurs ont entendu leur conférer une valeur hiérarchique supérieure, leurs dispositions étaient impératives et non supplétives. Dès lors, la présente clause de sécurisation vise à éviter que la seule conclusion de conventions ou accords de niveaux inférieurs sur le fondement de la présente loi ne remette automatiquement en cause, en vertu des articles 36 et 37 du projet de loi, la valeur hiérarchique des conventions et accords de niveaux supérieurs du fait de l'absence dans ceux-ci d'interdiction expresse d'y déroger. Ainsi, la sécurisation permettra que ne soient pas remis en cause les accords de branche ne comprenant pas de possibilité de dérogation au profit d'accords de niveau inférieur. Les négociations de branche conserveront donc leur rôle de pivot, notamment vis-à-vis des petites et moyennes entreprises. Si la négociation d'entreprise pourra acquérir une certaine autonomie, ce sera à la branche d'en définir au cas par cas l'ampleur

Cette clause, respectueuse de la volonté exprimée par les partenaires sociaux lors de la conclusion des conventions et accords antérieurs à la présente loi et conforme à la position commune de juillet 200131, est non seulement opportune par égard vis-à-vis des signataires mais juridiquement nécessaire au vu de la jurisprudence constitutionnelle telle qu'exprimée notamment dans la décision du 13 janvier 2003 n° 2002-465 DC sur la loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi. Le fait que les accords et conventions de niveaux inférieurs postérieurs à la présente loi puissent remettre en cause ceux de niveaux supérieurs conclus antérieurement à la présente loi - qui plus est dans un sens éventuellement défavorable aux salariés - porterait en effet une atteinte probablement injustifiée à la liberté contractuelle, à l'économie des contrats légalement conclus.

*

La commission a examiné un amendement de M. Alain Vidalies visant à réaffirmer le principe selon lequel une convention ou un accord collectif ne peut comporter des clauses moins favorables que celles des conventions et accords d'un niveau supérieur conclus avant la publication de la présente loi.

M. Alain Vidalies a indiqué que la nouvelle rédaction est plus conforme à l'exposé des motifs du projet de loi. Il a souligné que la rédaction actuelle sera source de contentieux et pose de nombreux problèmes.

M. Gaëtan Gorce s'est interrogé sur l'interprétation qu'il convient de faire de cet article. Son applicabilité à un accord de niveau inférieur est-elle assujettie à la volonté expressément formulée par les signataires de conférer à l'accord conclu avant la loi une valeur impérative ? Dans l'hypothèse d'une dénonciation ou d'une révision de l'accord, ses dispositions continueront-elles de s'imposer au niveau inférieur ? Tout cela milite en faveur d'une sécurisation de ce dispositif.

Le rapporteur a indiqué que la valeur de l'accord doit être appréciée au regard du droit en vigueur à l'époque de la signature et que la rédaction de l'amendement proposé porte atteinte à la liberté contractuelle.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Vidalies visant à substituer la valeur « reconnue » aux conventions à celle « accordée par les signataires » afin d'éviter tout contentieux sur l'interprétation a posteriori de la volonté des signataires.

M. Alain Vidalies a de nouveau insisté sur le fait que la rédaction actuelle de cet article conduit à une incertitude juridique absolue. En cas de contentieux il sera très délicat de rechercher quelle était la volonté des signataires quant à la valeur hiérarchique d'un accord puisque le principe était l'application du principe de faveur sans qu'il soit besoin de le préciser.

Le rapporteur a rappelé qu'il ne s'agit pas d'interpréter la volonté des signataires mais d'apprécier la valeur juridique que sa signature confère à l'accord.

M. Alain Vidalies a estimé que l'argumentation du rapporteur est en contradiction avec le texte de l'article.

La commission a rejeté l'amendement.

M. Gaëtan Gorce a mis l'accent sur le fait que la supériorité de l'accord de branche sur l'accord d'entreprise n'est plus désormais absolue mais conditionnée à la volonté expresse des parties ce qui ne manquera pas de susciter de nombreux problèmes juridiques.

La commission a adopté l'article 39 sans modification.

Article 40

(articles L. 132-18 et L. 132-19-1 [nouveau] du code du travail)


Conventions et accords de groupe

Cet article ancre les conventions et accords de groupe dans le droit positif et détermine les règles de conclusion qui leur sont applicables.

Le paragraphe I ajoute, en modifiant l'article L. 132-18 du code du travail, les conventions et accords de groupe aux accords et conventions régis par la section III du chapitre II du titre III du livre Ier du code du travail relative aux conventions et accords collectifs d'entreprise. Il ancre ainsi dans le droit positif l'existence de la négociation de groupe jusqu'à présent régie par les seules règles jurisprudentielles.

Il tire ainsi les conséquences, s'agissant de la validité juridique d'accords de groupe, de l'arrêt de la Cour de cassation du 30 avril 2003, Fédération des employés et cadres CGT-Force ouvrière et autres c/ Société Axa France assurances SA et autres. Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour a souligné la possibilité de conclure un accord de groupe sur le fondement de l'article L. 132-2 du code du travail et pas nécessairement dans le cadre des accords d'entreprise : « des employeurs et des syndicats représentatifs peuvent instituer, par voie d'accord collectif, en vue de négocier des accords portant sur des sujets d'intérêt commun aux personnels des entreprises concernées du groupe, une représentation syndicale de groupe composée de délégués choisis par les organisations syndicales selon des modalités préétablies, dès lors que les négociations pour lesquelles il lui donne compétence ne se substituent pas à la négociation d'entreprise ; (...) un tel accord, qui ne requiert pas l'unanimité des organisations syndicales représentatives, est opposable aux organisations non signataires ».

Le paragraphe II crée un article L. 132-19-1 dans le code du travail définissant les règles spécifiques applicables à ces accords de groupe.

L'accord ou la convention est conclu entre l'entreprise dominante du groupe au sens du II de l'article L. 439-1 du code du travail et les organisations syndicales de salariés représentatives. On notera que si la représentativité est appréciée au regard des critères habituels (cf. supra le I du commentaire de l'article 34), ceux-ci sont examinés à l'échelle du groupe et non de l'entreprise dominante.

Les effets d'une telle convention (ou accord) de groupe sont identiques à ceux attachés aux accords collectifs d'entreprise. Il en va notamment ainsi de leur opposabilité aux organisations non-signataires et à l'ensemble des salariés.

Les conditions de validité des conventions ou accords conclus sont celles de droit commun applicables aux accords d'entreprise ou d'établissement prévues au IV de l'article L. 132-2-2 du code du travail (cf. supra le II du commentaire de l'article 34).

En revanche, le dernier alinéa inverse la logique retenue à l'article 37 s'agissant de l'articulation des normes conventionnelles : le principe de faveur visé à l'article L. 132-23 du code du travail est normalement applicable de droit et il ne peut être dérogé aux conventions et accords de branche auxquels sont liés les entreprises du groupe que par autorisation explicite de ces conventions et accords.

Cet article constitue une clarification utile du régime applicable à la négociation de groupe. Il appelle deux observations :

- On relèvera ainsi que la condition posée par la Cour de cassation dans l'arrêt Axa selon laquelle « les négociations [de groupe] ne se substituent pas à la négociation d'entreprise » n'est pas reprise.

- On peut également s'interroger sur le caractère suffisamment souple du dispositif : il est concevable que la négociation ne concerne pas nécessairement tout le groupe, cas qui ne semble pas prévu et qui pose en particulier dans ce cas la question de la partie patronale habilitée à négocier (notamment dans le cas extrême ou l'entreprise dominante ne serait pas partie à l'accord).

*

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à appliquer aux conventions et accords de groupe le principe de l'accord majoritaire.

M. Alain Vidalies s'est interrogé sur la rédaction de l'exposé des motifs de cet article qui évoque notamment la possible fragilisation des relations sociales si l'on admettait la dérogation à un accord de branche par un accord de groupe. Elle souligne, de façon contradictoire avec la philosophie des accords dérogatoires encouragés par ailleurs, le danger réel que représentent ceux-ci.

Le rapporteur a indiqué que la restriction opérée par l'article pour les accords de groupe tient au fait que des conventions collectives différentes peuvent s'appliquer aux entreprises d'un même groupe.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz tendant à supprimer la remise en cause du principe de faveur que constituerait l'autorisation de dérogation aux accords de branche.

La commission a adopté l'article 40 sans modification.

Article 41

(article L. 132-26 du code du travail)


Négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical

Cet article opère une nouvelle rédaction de l'article L. 132-26 du code du travail. Les dispositions actuelles relatives à la suppression du droit d'opposition aux accords d'entreprises dérogatoires, compte tenu de la mise en œuvre des règles d'approbation ou d'opposition majoritaires mises en place par l'article 34 du projet de loi, sont remplacées par les règles de conclusion des accords collectifs en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise.

I - Un dispositif nécessaire et désormais familier

Le constat fréquemment fait de la faiblesse du taux de syndicalisation en France est illustré par le fait que nombre d'entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises, sont dépourvues de délégué syndical. Il convient de rappeler que les dispositions relatives à la représentation syndicale dans l'entreprise n'ont à la différence de celles entourant l'élection des représentants du personnel (comités d'entreprise et délégués du personnel) pas de caractère contraignant. La mise en place de délégués syndicaux ne constitue pas une obligation juridique mais une faculté.

La désignation d'un délégué syndical ne peut intervenir que lorsque l'effectif d'au moins cinquante salariés (en équivalent temps plein) a été atteint dans l'entreprise pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes en vertu de l'article L. 412-11 du code du travail. Dans les entreprises où ce seuil n'est pas atteint, les organisations syndicales représentatives peuvent désigner un délégué du personnel, pour la durée de son mandat, comme délégué syndical. En définitive, comme le relève l'étude d'octobre 2000, intitulée « Où sont les délégués syndicaux ? », réalisée par la direction de l'animation de la recherche des études et des statistiques (DARES) du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité : « l'implantation des organisations dans les entreprises de moins de 50 salariés pour la section syndicale ou les délégués du personnel faisant office de délégués syndicaux, comme dans celles de cinquante salariés ou plus pour les délégués syndicaux, dépend de leurs capacités à créer les conditions à partir desquelles elles peuvent faire valoir leurs droits. »

Dès lors, la capacité de l'employeur à négocier bute sur l'éventuelle absence de délégué syndical. Il convient donc de prévoir des alternatives à la négociation collective classique. Le dispositif proposé dans le présent article répond à cet objectif. Il n'est cependant pas le premier puisque tant l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 relatif aux négociations collectives - repris par l'article 6 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective - que l'article 19 de la loi n° 2000-37 du 17 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail prévoyaient des dispositions au but comparable.

On observera d'ailleurs que ces deux dispositifs ont permis au Conseil constitutionnel de confirmer que les organisations syndicales, si elles ont une vocation naturelle à conclure des accords collectifs, n'en ont pas le monopole :

« Considérant qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale... » ; qu'aux termes du huitième alinéa du même préambule : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. » ; que si ces dispositions confèrent aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, elles n'attribuent pas pour autant à celles-ci un monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective ; que des salariés désignés par la voie de l'élection ou titulaires d'un mandat assurant leur représentativité, peuvent également participer à la détermination collective des conditions de travail dès lors que leur intervention n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à celle des organisations syndicales représentatives »32

L'encadrement posé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996 est le suivant :

- l'octroi d'une compétence en matière de négociation à des acteurs autres que les syndicats ne peut être que subsidiaire à l'action de ceux-ci ;

- la compétence ne peut être assumée que par des acteurs tirant leur légitimité de l'élection (représentants du personnel) ou d'un mandat garantissant leur représentativité (salariés mandatés par une organisation syndicale) ;

- la loi doit garantir à ces négociateurs « par défaut » une protection équivalente à celle dont bénéficient les négociateurs syndicaux.

Fort de cette connaissance du cadre constitutionnel et tirant les leçons des expériences antérieures, le projet de loi propose dans cet article un dispositif s'inspirant pour l'essentiel de celui de l'article 6 de la loi précitée. On notera toutefois une différence fondamentale : il n'est plus expérimental mais entre dans le droit commun de la négociation collective. On notera qu'il est conforme au souhait exprimé par les partenaires sociaux dans la position commune de juillet 2001 (point I.2.2) :

« Le développement de la négociation collective ne devrait pas être limité, au moins dans l'immédiat, par l'absence d'une section syndicale dans l'entreprise. Il conviendrait dès lors, de donner aux branches professionnelles qui le souhaitent, la possibilité de négocier pour une période expérimentale de 5 ans la mise en œuvre du dispositif ci-après :

a) dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, des accords collectifs pourront être conclus avec les représentants élus du personnel (CE ou à défaut DP). Toutefois, l'accord collectif signé dans ces conditions, ne serait opérationnel qu'après validation par une commission paritaire de branche.

b) dans les entreprises où les élections de représentants du personnel auront conduit à un procès-verbal de carence, des accords collectifs pourront être conclus avec un salarié de l'entreprise mandaté par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives en vue d'une négociation déterminée.

Toutefois, l'accord collectif signé dans ces conditions ne serait opérationnel qu'après approbation par la majorité du personnel de l'entreprise concernée. L'accord de branche devra fixer la liste des thèmes de négociation susceptibles d'être menées dans les entreprises dans les conditions précitées, le seuil d'effectifs en deçà duquel ces dispositions seront applicables, les conditions d'exercice du mandat de négociateur, ainsi que leurs modalités de suivi par l'Observatoire paritaire de branche de la négociation collective. Ces dispositions ne font pas échec à la possibilité pour les négociateurs de branches de recourir à d'autres dispositifs, notamment ceux déjà prévus à cet effet par les dispositions légales actuellement en vigueur, dans le respect des prérogatives des organisations syndicales représentatives. »

II - Les dispositions proposées

Le paragraphe I du nouvel article L. 132-26 prévoit qu'il est possible, sous réserve qu'un accord de branche le prévoie, de déroger aux règles de droit commun de la négociation collective sur les points suivants :

- la présence parmi les signataires d'une organisation syndicale représentative des salariés (articles L. 132-2, et L. 132-19 et L. 132-20 s'agissant des règles propres aux accords d'entreprise ou d'établissement) ;

- les règles de droit commun de conclusion des accords collectifs (régies par le nouvel article L. 132-2-2 du code du travail issu de l'article 34 du projet), qui impliquent cette même présence ;

- les règles relatives à la révision et au renouvellement des accords qui supposent là encore une présence syndicale (article L. 132-7 du code du travail).

On observera que l'exigence relative à l'accord de branche garantit l'encadrement par les organisations syndicales majoritaires de la mise en place de ces modes de négociation alternatifs.

Le paragraphe II prévoit un premier mode alternatif de négociation confiant la responsabilité de celle-ci aux représentants élus du personnel.

Les conditions en sont les suivantes :

- Il ne peut être mis en place qu'en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise ou l'établissement, ou de délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés.

- La capacité de négocier et conclure des accords est donnée aux élus du personnel au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel.

- L'accord négocié doit être validé par une commission paritaire nationale de branche dont les modalités de fonctionnement sont déterminées par l'accord de branche visé au paragraphe I.

- Le dépôt s'effectue dans les conditions de droit commun si ce n'est que le procès-verbal des délibérations de la commission paritaire précitée donnant force d'accord au projet négocié doit être joint à l'accord.

- La commission peut en outre en assurer le suivi.

Ce paragraphe s'inspire très largement de l'article 6 de la loi du 12 novembre 1996 précitée. Il s'en distingue cependant sur deux points :

- le premier est le caractère national de la commission paritaire ;

- le second, essentiel, porte sur le champ de la négociation ainsi ouvert : il n'est apporté aucune restriction à son champ alors les lois relatives à la réduction du temps de travail le limitaient à la conclusion d'accords de réduction du temps de travail et que la loi de 1996 précitée prévoyait qu'il porterait sur « la mise en œuvre des mesures dont l'application est légalement subordonnée à un accord collectif ».

Le paragraphe III prévoit un second mode alternatif de négociation, subsidiaire au précédent, confiant la responsabilité de celle-ci à un ou plusieurs salariés mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales dans les conditions suivantes :

- Il ne peut être mis en place qu'en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise ou l'établissement, ou de délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés et en l'absence de représentants du personnel élus susceptibles de se voir confier cette mission sur le fondement du paragraphe II de l'article. Le texte renforce même cette exigence par rapport au dispositif de 1996 en prévoyant que l'absence de représentants du personnel doit avoir donné lieu à un constat de carence. L'employeur doit ainsi prouver qu'il n'a pu organiser de telles élections. On observera que cette hiérarchie des modes de négociation est conforme à celle retenue en 1996 mais inverse de celle retenue par l'article 19 de la loi du 17 janvier 2000 précitée.

- Seules les organisations syndicales représentatives au niveau national sont habilitées à mandater un salarié. Chacune d'entre elles ne peut en mandater qu'un seul. Il conviendrait de prévoir qu'elles sont informées par l'employeur de sa volonté d'engager des négociations.

- La validité de l'accord signé par un salarié mandaté est subordonnée à l'approbation à la majorité des suffrages exprimés par les salariés. Les modalités de cette consultation sont fixées par voie réglementaire. On observera que le texte se distingue sur ce point de la loi de 1996 qui ne prévoyait pas de mécanisme d'approbation des salariés et de la loi de 2000 qui en confiait les modalités à un accord entre les parties.

- Les conditions de dépôt sont celles de droit commun.

Par ailleurs, le salarié mandaté jouit d'un régime de protection garantissant son indépendance par son assimilation, dès que l'employeur a connaissance de l'imminence de sa désignation, aux salariés protégés dont le régime juridique est fixé par l'article L. 412-8 du code du travail. Le délai ouvrant droit au régime de l'autorisation administrative de licenciement s'applique pendant douze mois à l'expiration du mandat, c'est-à-dire après la conclusion de l'accord, ou, en cas d'échec de la négociation, pendant la même durée à compter de l'établissement d'un procès-verbal de désaccord.

Sur ce point, le rapporteur observe qu'il serait opportun de conforter l'indépendance du salarié mandaté en introduisant les dispositions du troisième alinéa du VI de l'article 19 de la loi du 17 janvier 2000 précitée prévoyant que le salarié mandaté ne soit ni apparenté au chef d'entreprise ni assimilable à celui-ci par ses pouvoirs (exercice d'une délégation ou gestion des ressources humaines par exemple).

Le paragraphe IV prévoit les conditions de renouvellement, de révision et de dénonciation spécifiques aux accords conclus sur le fondement des paragraphes II et III.

*

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à favoriser la primauté de la représentation syndicale pour la négociation.

M. Maxime Gremetz a rappelé qu'auparavant les accords d'entreprise devaient être plus favorables que les accords de branche et que ce principe est malheureusement abandonné. Il en résulte que des salariés mandatés par l'entreprise pourront négocier des accords dérogatoires à tout l'ordonnancement juridique.

Le rapporteur a préconisé, en l'absence de délégué syndical, de faire confiance d'abord aux représentants élus du personnel, dont la légitimité est importante, pour négocier des accords.

M. Maxime Gremetz a souligné les problèmes qui ne vont pas manquer de se poser dans les petites entreprises. Il a insisté sur le fait que toutes les organisations syndicales ont émis des critiques face aux risques potentiels de ce dispositif.

Le rapporteur a rappelé que le mandatement ne constitue qu'une des trois possibilités ouvertes aux entreprises pour négocier.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné deux amendements identiques de MM. Maxime Gremetz et Alain Vidalies, de suppression du dispositif habilitant les représentants du personnel à négocier des accords en l'absence de délégué syndical.

M. Alain Vidalies a expliqué que ce paragraphe remet en cause le rôle des syndicats dans le dialogue social en reconnaissant dans certains cas un pouvoir de négociation aux comités d'entreprises et aux délégués du personnel. Le débat sur les rôles respectifs des syndicats et des organes représentatifs du personnel en matière de négociation sociale est fort ancien mais il avait jusqu'à présent été tranché en faveur des syndicats, à travers, notamment, la création du mandatement. Le projet de loi fait aujourd'hui un choix radicalement inverse qui risque de conduire à l'éclatement de la démocratie sociale dans notre pays.

M. Maxime Gremetz a observé que, dans le cas du mandatement, que l'on peut certes contester dans son principe, il existe néanmoins un garde-fou, une garantie de base, puisque les salariés mandatés sont désignés par les organisations syndicales représentatives et ne peuvent pas négocier en dehors de leur mandat. Avec les dispositions prévues dans le II de l'article, ce garde-fou disparaît. La seule solution réelle est donc, comme le préconise M. Bernard Thibaut, de rendre obligatoire les élections professionnelles dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

La commission a rejeté les deux amendements.

La commission a également rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz visant à généraliser la possibilité de recourir au mandatement dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ou de représentant élu du personnel, sans qu'il soit nécessaire que les accords de branche le prévoient.

La commission a rejeté un amendement de conséquence de M. Alain Vidalies.

La commission a examiné un amendement du rapporteur précisant les conditions de mise en œuvre du mandatement.

Le rapporteur a expliqué qu'il s'agit d'une part de prévoir que les organisations syndicales représentatives au plan national sont informées de la volonté de l'employeur d'entamer des négociations et, d'autre part, d'assurer l'indépendance du salarié mandaté.

M. Alain Vidalies a demandé si la notion d'apparentement à l'employeur du salarié mandaté utilisée par l'amendement est juridiquement validée.

Après que le rapporteur a assuré que cette notion est d'ores et déjà définie par les articles L. 423-8 et L. 433-5 du code du travail, la commission a adopté l'amendement.

La commission a rejeté un amendement de conséquence de M. Alain Vidalies.

Elle a ensuite adopté l'article 41 ainsi modifié.

Article 42

(article L. 132-30 du code du travail)


Commissions paritaires et dialogue social territorial

Cet article a pour objet le développement du dialogue social territorial.

Il s'inscrit dans la lignée de l'orientation prônée par les partenaires sociaux dans la position commune de juillet 2001 (point II.3) : « La volonté des interlocuteurs sociaux d'élargir le dialogue social doit également trouver une traduction concrète au niveau territorial interprofessionnel. Ce dialogue social interprofessionnel territorial (...) doit être l'occasion, à l'initiative des interlocuteurs concernés, d'échanges et de débats réguliers sur le développement local dans sa dimension sociale et économique. Les COPIRE constituent, dans leur champ de compétence, un lieu de développement de ce dialogue social. »

Le paragraphe I propose de remplacer l'intitulé actuel, « Dispositions particulières aux entreprises de moins de cinquante salariés », de la section IV du chapitre II du titre III du livre Ier du code du travail par l'intitulé « Commissions paritaires » en cohérence avec la modification de l'article L. 132-30 du code du travail opérée par le paragraphe II du présent article.

Le paragraphe II opère une nouvelle rédaction de l'article L. 132-30 du code du travail destinée à simplifier et encourager le dialogue social territorial.

Les novations introduites par cet article sont les suivantes :

- Ce dialogue n'est plus limité aux entreprises de moins de cinquante salariés.

- Le dialogue social territorial n'est plus seulement décliné au plan local ; il peut également avoir lieu au niveau départemental ou régional.

Ce dernier point est particulièrement cohérent avec la décentralisation d'un certain nombre de compétences. La mention par le 1° du nouvel article L. 132-30 du fait que les commissions paritaires peuvent en particulier conclure des accords collectifs en matière d'emploi et de formation continue répond à cette logique.

Les missions des commissions paritaires professionnelles33 ou interprofessionnelles instituées par convention ou accord collectif de travail sont clarifiées et confirmées :

- mission générale d'encouragement de la négociation et de développement du dialogue social ;

- mission de conciliation entre employeurs et salariés ;

- mission de négociation sur des sujets d'intérêt local.

La confirmation de cette dernière mission est particulièrement importante. En effet, la position commune affirme que : « Ce dialogue social interprofessionnel territorial ne saurait avoir de capacité normative ». Toutefois, cette restriction d'une possibilité de négociation déjà existante semble aller à l'inverse de l'esprit du projet de loi et de celui animant les partenaires sociaux eux-mêmes.

Le rapporteur propose donc d'adopter l'article sans modification.

*

La commission a examiné un amendement de M. Alain Vidalies de suppression de l'article.

M. Alain Vidalies a souligné que, sous couvert de simplification, la nouvelle rédaction de l'article L. 132-30 du code du travail proposée par l'article remet en cause les garanties individuelles et collectives des salariés qui siègent dans les commissions paritaires locales, alors que ceux-ci doivent être considérés comme des salariés protégés, au même titre que les représentants syndicaux ou les délégués du personnel. Ces garanties sont-elles apportées par ailleurs ?

Le rapporteur s'est opposé à l'amendement en soulignant l'importance des commissions paritaires locales pour la cohérence du dialogue social territorial. Quant aux salariés siégeant dans ces commissions paritaires, leur protection entrera dans le champ de la négociation de branche tel qu'élargi par l'article 46.

La commission a rejeté l'amendement de suppression.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz précisant que les commissions paritaires locales regroupent des entreprises de moins de cinquante salariés.

La commission a ensuite adopté l'article 42 sans modification.

Article 43

(article L. 135-7 du code du travail)


Information sur le droit conventionnel applicable dans l'entreprise

Cet article a pour objet de renforcer les dispositions relatives à l'information des représentants du personnel et des salariés sur les dispositions conventionnelles applicables dans l'entreprise et l'établissement actuellement prévues à l'article L. 135-7 du code du travail.

Le paragraphe I prévoit - ce qui n'était pas le cas dans la rédaction actuelle de l'article L. 135-7 - que ces conditions d'information sont définies par accord de branche. Lorsque celui-ci ne fait pas l'objet d'une procédure d'extension, l'information se fait dans les conditions prévues au paragraphe II. On notera que, en vertu du principe de faveur, les dispositions de l'accord de branche prévu au présent paragraphe ne peuvent être moins favorables aux salariés que celles prévues par le paragraphe II. Ce paragraphe illustre par ailleurs les défauts précédemment évoqués de l'actuelle rédaction de l'article 38 : en vertu de celui-ci, il conviendrait de prévoir la possibilité pour l'accord d'entreprise de fixer les conditions d'information du personnel.

Le paragraphe II définit les conditions d'information du personnel en cas d'absence d'accord de branche étendu.

Le premier alinéa prévoit - obligation nouvelle par rapport à la rédaction actuelle de l'article L. 135-7 - que le salarié reçoit au moment de l'embauche une « notice d'information » sur le droit conventionnel applicable dans l'entreprise ou l'établissement. Compte tenu de la fréquente lourdeur des documents conventionnels, une simple notice d'information semble constituer à la fois une obligation raisonnable et une information plus accessible pour le salarié que les documents eux-mêmes.

Le deuxième alinéa reprend l'obligation pour l'employeur, déjà prévue par l'actuel article L. 135-7, de transmettre les textes conventionnels par lesquels il est lié aux institutions représentatives du personnel (comité d'entreprise, le cas échéant, comité d'établissement, et délégués du personnel) ainsi qu'aux délégués syndicaux34. On observera que cette obligation ne vise pas les éventuelles mises à jour du texte initial dont les conditions de transmission sont régies par l'article L. 135-8 du code du travail.

Le troisième alinéa reprend une autre obligation déjà prévue par l'actuel article L. 135-7, celle de tenir les textes conventionnels à la disposition des salariés sur le lieu de travail et d'informer les salariés de la possibilité de les consulter. On observera là aussi que l'obligation ne vise pas expressément la mise à disposition d'un texte à jour. Par ailleurs, on peut se demander, dans le même esprit que l'usage de l'intranet prévu par l'article 45 du projet de loi, s'il ne serait pas utile d'instituer une obligation pour l'employeur de mettre à disposition des salariés de l'entreprise les textes conventionnels sur le site intranet de l'entreprise.

*

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant que l'accord de branche définissant les conditions d'information des salariés sur le droit conventionnel qui leur est applicable ne peut être moins favorable que les dispositions légales applicables en l'absence d'un tel accord, après que le rapporteur a indiqué que le principe de faveur édicté par l'article 132-4 du code du travail satisfait cette préoccupation.

La commission a adopté un amendement de cohérence du rapporteur.

La commission a examiné en discussion commune deux amendements de MM. Maxime Gremetz et Alain Vidalies tendant à renforcer l'information des salariés sur le droit conventionnel en prévoyant que l'employeur fournit à celui-ci un exemplaire de la convention au moment de l'embauche.

M. Maxime Gremetz a souligné que nombreux sont les salariés qui n'ont pas connaissance du contenu de la convention.

Le rapporteur a jugé qu'une telle obligation serait lourde à mettre en œuvre et que les documents sont souvent peu lisibles. Il a par ailleurs rappelé que la convention peut être consultée sur place dans l'entreprise. Il a enfin indiqué qu'il proposerait un amendement instituant la diffusion du texte de la convention sur le site intranet de l'entreprise lorsqu'il en existe un.

M. Maxime Gremetz a considéré qu'il y a là une contradiction : d'un côté, on estime que les gens lisent de moins en moins et l'on veut privilégier l'écrit et, de l'autre, on les incite à la consultation en ligne. Il a indiqué que, dans sa commune, les procès-verbaux ne sont plus disponibles que sur internet au détriment du support papier. De plus, les conventions ne sont pas affichées dans les entreprises.

Après avoir fait part de son accord avec les propos tenus par le rapporteur, M. Georges Colombier a estimé que, si Maxime Gremetz a raison sur le fond, la lecture sur un écran demeure de la lecture.

La commission a rejeté les deux amendements.

La commission a adopté trois amendements du rapporteur tendant respectivement à :

- clarifier le texte en levant toute ambiguïté quant au caractère obligatoire de la transmission des documents conventionnels aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux ;

- prévoir que les documents conventionnels en consultation dans l'entreprise doivent être actualisés ;

- garantir la mise à disposition par l'employeur sur l'intranet de l'entreprise des documents conventionnels.

La commission a adopté l'article 43 ainsi modifié.

Article 44

(article L. 132-5-1 du code du travail)


Droit de saisine des organisations syndicales de salariés
de thèmes de négociation

Cet article insère un article L. 132-5-1 dans le code du travail créant un droit de saisine des employeurs par les organisations syndicales de salariés de thèmes de négociation.

Il assure ainsi la mise en œuvre de la volonté exprimée par les partenaires sociaux dans la position commune de juillet 2001 (point II.3) :

« Ce droit a pour objet d'éviter que des demandes adressées par les organisations syndicales de salariés restent sans réponse et que l'équilibre des parties soit assuré y compris en matière de droit d'initiative. La négociation de branche fixera les modalités de la saisine tant au niveau de la branche que de l'entreprise, en fonction des pratiques de la profession et des caractéristiques des entreprises qui la composent telle que, par exemple, l'inscription à l'ordre du jour d'une réunion paritaire annuelle des demandes adressées par les organisations syndicales depuis la dernière réunion et qui n'auraient pas reçu de réponse de la partie patronale dans l'intervalle. Au niveau national interprofessionnel, l'engagement sera pris de donner une réponse toute demande émanant d'une organisation syndicale représentative. Cette nouvelle obligation de réponse patronale à une saisine syndicale constitue la réponse à d'éventuelles nouvelles obligations légales de négocier sur des thèmes facultatifs. » 

Ce droit s'exerce dans les conditions suivantes :

- Il s'exerce au niveau de la branche ou de l'entreprise.

- Ses modalités sont obligatoirement fixées par la convention de branche ou accord professionnel35.

- Il ne peut émaner que d'une (ou plusieurs) organisation syndicale de salariés représentative dans l'entreprise ou au niveau de la branche selon le niveau auquel ce droit de saisine s'exerce.

- Ce droit de saisine peut porter sur des thèmes dont le champ n'est pas limité mais ne peut conduire à la remise en cause de l'obligation de négocier au niveau de l'entreprise en vertu de l'article L. 132-27 ou au niveau de la branche en vertu de l'article L. 132-12 sur les thèmes définis par ces articles.

Le rapporteur propose d'adopter cet article sans modification.

*

La commission a adopté l'article 44 sans modification.

Article 45

(article L. 412-8 du code du travail)


Modalités d'accès et d'utilisation des NTIC par les organisations
syndicales de salariés dans les entreprises

Cet article complète l'actuel article L. 412-8 du code du travail relatif à la diffusion des informations syndicales dans l'entreprise afin d'encadrer l'usage syndical des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC).

Reprenant le souci exprimé par les partenaires sociaux dans la position commune de juillet 2001 (point II.4)36, cet article codifie les règles d'ores et déjà utilisées par nombre d'entreprises sans base juridique claire.

A la différence de la position commune qui souhaitait que le point fasse l'objet d'une négociation au niveau de la branche, le présent article confie la mise en œuvre de cette forme de communication syndicale à l'accord d'entreprise. Ce renvoi à la négociation d'entreprise semble justifié dès lors que l'encadrement relativement précis opéré par la loi laisse à la négociation le seul soin d'en définir les modalités d'application. On observera que la simple ouverture par la loi de la faculté pour les branches de négocier sur la question sans en préciser les conditions essentielles d'application aurait été susceptible de contrevenir aux exigences posées par la jurisprudence constitutionnelle en matière de liberté et d'indépendance syndicales.

L'accord d'entreprise peut autoriser et définir les conditions concrètes de la diffusion de tracts et publications de nature syndicale sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise. On observera que la possibilité de mettre en place un tel site syndical ne doit pas méconnaître le principe de non-discrimination syndicale et doit donc être ouverte aux syndicats signataires de l'accord mais également aux organisations non-signataires.

Il en va de même pour l'autre mode de diffusion des informations syndicales que constitue l'usage de la messagerie électronique de l'entreprise. Toutefois, cet usage est soumis à certaines conditions restrictives :

- Ainsi, il doit « être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne pas entraver l'accomplissement du travail ». Cette formulation permet ainsi de légitimer les restrictions - en termes d'heures de diffusion de messages groupés aux heures creuses d'usage du réseau par exemple - à l'usage de la messagerie à des fins syndicales.

- En outre, l'accord doit préciser les conditions visant « à préserver la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message ». Cette formulation permet notamment de contraindre les syndicats utilisateurs à assortir leur courrier de clauses facilitant pour le salarié la possibilité de refuser d'autres messages de même nature. Elle préserve ainsi le principe de liberté syndicale qui consiste aussi en la possibilité de ne pas être associé à l'action syndicale37.

Il convient d'observer que les règles relatives à l'usage syndical de la messagerie ne sauraient porter atteinte au secret de la correspondance qui s'attache également au courrier électronique même si ce principe n'est pas rappelé dans la rédaction proposée du présent article.

*

La commission a examiné en discussion commune deux amendements de MM. Alain Vidalies et Maxime Gremetz tendant à inclure dans l'accord d'entreprise les modalités de mise à disposition des salariés du contenu des conventions.

La commission a rejeté les amendements.

La commission a adopté l'article 45 sans modification.

Article 46

(article L. 133-5 du code du travail)


Dispositions tendant à améliorer l'exercice du droit syndical

Cet article reprend la préoccupation exprimée dans le point II.3 de la position commune de juillet 2001 d'une meilleure reconnaissance des acteurs du dialogue social :

« La négociation de branche devra rechercher des dispositions facilitant le déroulement de carrière et l'exercice de leurs fonctions des salariés exerçant des responsabilités syndicales ainsi que des mesures destinées à renforcer l'effectivité de la représentation collective dans les entreprises.

Une telle démarche participe de la cohérence d'ensemble du dispositif. Elle passe en priorité par la mobilisation des dispositifs légaux et conventionnels existants. Ainsi, la reconnaissance réciproque des interlocuteurs syndicaux et patronaux dans leur identité et leurs responsabilités respectives constituent, par définition, une condition de l'existence d'un véritable dialogue social. Elle se doit d'être actée paritairement et de trouver en outre une traduction concrète dans le renvoi aux branches professionnelles de négociations sur le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales de façon à s'assurer que l'exercice normal de telles responsabilités ne pénalise pas l'évolution professionnelle des intéressés.

L'objectif de telles négociations est de définir un certain nombre « d'actions positives » destinées à donner une traduction concrète au principe, posé par le code du travail, de non-discrimination en raison de l'exercice d'activités syndicales. Dans cette perspective, les négociateurs de branche organiseront dans les meilleurs délais leurs réflexions autour de plusieurs thèmes tels que :

- conciliation de l'activité professionnelle et de l'exercice de mandats représentatifs,

- mise en œuvre de l'égalité de traitement (en matière de rémunération, d'accès à la formation, de déroulement de carrière...) entre les détenteurs d'un mandat représentatif et les autres salariés de l'entreprise,

- droit, garanties et conditions d'exercice d'un mandat syndical extérieur à l'entreprise au regard du contrat de travail,

- prise en compte de l'expérience acquise dans l'exercice d'un mandat dans le déroulement de carrière de l'intéressé,

- optimisation des conditions d'accès au congé de formation économique, sociale et syndicale en vue de faciliter la formation des négociateurs salariés. »

Cette prise en compte du souhait des partenaires sociaux passe par l'inclusion dans les thèmes que doit obligatoirement, en vertu de l'article L. 133-5 du code du travail, comporter la convention de branche pour être étendue, de deux nouveaux thèmes :

- le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l'exercice de leurs fonctions (paragraphe I) ;

- les conditions d'exercice des mandats de négociation et de représentation au niveau de la branche (paragraphe II).

On observera que cette disposition permettra une utile clarification et une plus grande transparence des conditions d'exercice des mandats de représentation, par exemple au sein des organismes paritaires.

Le rapporteur propose d'adopter cet article sans modification.

*

La commission a adopté l'article 46 sans modification.

Article 47

(articles L. 123-4, L. 212-4-6, L. 212-4-12, L. 212-10, L. 212-15-3 et L. 227-1 du code du travail, article L. 713-18 du code rural et article II-2° de l'ordonnance n°82-283 du 26 mars 1982
portant création des chèques vacances)


Dispositions de coordination

Cet article prévoit des dispositions de coordination au sein de divers textes tenant compte de la suppression du droit d'opposition aux accords d'entreprises dérogatoires de l'actuel article L. 132-26 du code du travail.

Le paragraphe I prévoit les dispositions de coordination nécessaires au sein du code du travail, c'est-à-dire la suppression de la référence au droit d'opposition de l'article L. 132-26 dans les articles suivants :

- article L. 123-4 relatif au plan pour l'égalité professionnelle (1°) ;

- article L. 212-4-6 relatif à la modulation (2°) ;

- article L. 212-4-12 relatif au travail intermittent (3°) ;

- article L. 212-10 relatif aux sanctions des violations par les accords d'entreprise de dispositions législatives ou conventionnelles de rang supérieur (4°) ;

- article L. 212-15-3 relatif à la mise en place de forfaits en heures ou en jours pour les cadres (5°) ;

- article L. 213-1 relatif à la mise en œuvre du travail de nuit (6°) ;

- article L. 227-1 relatif à la création d'un compte épargne temps (7°).

On relèvera que le 8° qui procède à la même opération dans l'article II-2° de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques vacances n'a pas sa place dans le présent paragraphe mais devrait faire l'objet d'un paragraphe spécifique puisque cet article n'est pas codifié dans le code du travail.

On observera en outre qu'il convient également de supprimer la référence à l'article L. 132-26 figurant à l'article L. 132-10 du code du travail.

Le paragraphe II propose de procéder à la même coordination à l'article L. 713-18 du code rural prévoyant dans celui-ci des dispositions de nature comparable à celle de l'article L. 212-10 du code du travail.

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article de M. Maxime Gremetz.

La commission a adopté deux amendements du rapporteur de coordination et de précision rédactionnelle.

La commission a adopté l'article 47 ainsi modifié.

Article 48

Application des dispositions du titre II de la loi à Mayotte

Le présent article autorise le gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à modifier par voie d'ordonnance la partie législative du code du travail de Mayotte pour appliquer, en les adaptant, les dispositions du présent titre.

Le rapporteur propose d'adopter cet article sans modification.

*

La commission a adopté l'article 48 sans modification.

Article additionnel avant l'article 49

(article L. 136-1 et L. 136-2 du code du travail)


Composition et missions de la commission nationale de la négociation collective

La commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à améliorer le dialogue entre les différentes sources normatives en matière de droit du travail.

M. Maxime Gremetz a demandé que la représentation parlementaire, composée de trois députés et trois sénateurs, prévue au I de l'amendement soit modifiée. Il serait préférable d'adopter une représentation parlementaire identique à celle existant au conseil d'orientation des retraites.

Le rapporteur s'est interrogé sur le risque éventuel de modification de l'équilibre interne de la commission que comporte cette proposition.

M. René Couanau, président, a jugé que, si l'on se fonde sur le nombre de groupes présents au Sénat, on risque de multiplier le nombre des parlementaires.

M. Jean-Marie Geveaux, après avoir fait part de son accord sur le fond avec M. Maxime Gremetz, a souligné la qualité de l'amendement et suggéré que la question de la représentation parlementaire au sein de la commission soit réglée au cours du débat en séance publique.

Le rapporteur a suggéré une rédaction mentionnant « des députés et des sénateurs représentant les groupes constitués dans chaque assemblée ».

M. Alain Vidalies s'est interrogé sur la compatibilité du dispositif avec certains principes constitutionnels et politiques.

La commission a adopté l'amendement ainsi rectifié.

Article 49

Rapport sur l'application de la loi

Cet article prévoit la remise par le gouvernement d'un rapport au Parlement avant le 31 décembre 2007 sur l'application de la présente loi. Ce rapport fait avant sa présentation l'objet d'un avis de la commission nationale de la négociation collective.

L'opportunité d'un tel rapport ne fait aucun doute. Il pourrait notamment servir de fondement à une éventuelle évolution de la législation si nécessaire.

Cette démarche est cohérente avec le souhait exprimé par les partenaires sociaux dans la position commune de juillet 2001 (point I.2) de voir le nouveau mode de conclusion des accords collectifs faire l'objet d'une évaluation et d'une éventuelle adaptation à l'issue d'une « période transitoire destinée à permettre les évolutions que les interlocuteurs sociaux jugeraient nécessaires et à s'assurer notamment que le nouveau mode de conclusion des accords constitue une étape positive au regard du double objectif de développer la négociation collective et de renforcer sa légitimité ».

La position commune poursuit en précisant que les partenaires sociaux pourraient « mettre à profit la période ci-dessus pour déterminer les conditions qui paraîtraient les mieux adaptées en vue d'atteindre le double objectif précité de développer la négociation collective et de renforcer la légitimité des accords (interprofessionnels, de branche, d'entreprise) ».

La rédaction proposée appelle cependant deux observations :

- il serait intéressant que l'avis de la commission nationale de la négociation collective soit motivé ;

- il ne semble pas utile que le bilan porte sur l'application de l'ensemble de la loi mais simplement sur le présent titre.

*

La commission a adopté deux amendements du rapporteur tendant respectivement à faire de l'avis de la Commission nationale de la négociation collective sur le rapport d'application de la loi un avis motivé et à prévoir que le rapport remis au Parlement après avis de la Commission nationale de la négociation collective ne porte pas sur l'ensemble de la loi mais sur l'application de son titre II relatif au dialogue social.

La commission a adopté l'article 49 ainsi modifié.

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

Chapitre Ier

Garanties de certaines créances salariales

Article 50

(article L. 143-11-3 du code du travail)


Garantie de certaines créances salariales

Cet article vise à limiter les effets de la pratique actuelle consistant à conclure un accord collectif dans une entreprise en difficulté dont la charge n'incombe pas in fine à l'employeur signataire mais à l'Association pour la garantie des salaires (AGS).

L'AGS, instituée en application de la loi n° 73-1194 du 27 décembre 1973 instituant le régime d'assurance des créances de salariés - à laquelle tout employeur d'au moins un salarié est tenu de s'affilier -, a pour mission de garantir les créances salariales des employés d'entreprises faisant l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

En vertu de l'article L. 143-11-3 qu'il est proposé de compléter par le présent article, sont notamment couvertes les créances exigibles à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

S'est développée ces dernières années dans certaines entreprises en difficulté une pratique consistant à conclure un accord collectif en dépit des difficultés de l'entreprise en escomptant que son coût sera assumé non pas l'employeur mais par l'AGS.

Or, celle-ci est l'expression de la solidarité des employeurs puisque ses fonds proviennent à plus de 60 % des cotisations des employeurs. Il ne semble pas acceptable que certaines entreprises abusent de cette solidarité d'autant que la situation financière de l'AGS s'est fortement dégradée ces dernières années.

On rappellera que les avances versées par l'AGS s'élevaient en 2000 à 1,131 milliard d'euros et à 1,735 en 2002. Le taux d'appel des cotisations descendu à 0,1 % en juillet 2001 a désormais retrouvé son niveau de 1996 et pèse sur le coût de l'emploi et donc sur l'emploi lui-même.

Evolution des principaux paramètres de l'activité de l'AGS

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

AVANCES (en millions d'euros, source DFI)

1 296

1 366

1 149

1 178

1 131

1 295

1 735

RECUPERATIONS (en millions d'euros, source DFI)

498

574

652

612

564

501

532

COTISATIONS (en millions d'euros, source DFI)

828

678

707

681

569

358

785

TAUX D'APPEL DES COTISATIONS (au 01/01 puis au 07/01)

0,35 %

puis 0,25 %

0,25 %

0,25 %

0,25 %

puis 0,20 %

0,20 %

puis 0,15 %

0,10 %

0,20 %

puis 0,30 %

Nombre de défaillances d'entreprise (par date de publication, source INSEE)

55 984

52 323

46 743

41 339

37 572

36 218

37 325

Nombre de dossiers AGS ouverts par année de jugement d'ouverture

30 796

30 253

27 550

24 928

21 898

21 098

22 164

Nombre de dossiers de plus de 100 salariés

148

147

126

138

129

178

203

Nombre de salariés bénéficiaires au cours de l'année

338 628

325 007

246 251

201 228

179 569

207 133

282 159

Nombre de salariés enregistrés par année de jugement d'ouverture

128 275

165 040

166 636

193 697

186 990

Cumul des avances depuis le 01/01/1986 (en millions d'euros)

10 803

12 170

13 319

14 497

15 627

16 923

18 658

Cumul des récupérations depuis le 01/01/1986 (en millions d'euros)

3 126

3 700

4 352

4 964

5 528

6 029

6 561

Taux de récupération nouvelle loi

28,9 %

30,4 %

33,7 %

34,2 %

35,4 %

36,3 %

35,2 %

Nombre de procédures prud'homales

40 895

42 367

40 159

37 256

38 736

38 386

36 544

Nombre d'arrêts de la cour de cassation rendus

5 237

6 355

6 280

6 519

8 850

8 503

NC

Nombre d'arrêts de la Cour de cassation rendus avec
constitution de l'AGS

47

82

43

57

46

45

51

Source : AGS

En conséquence, le présent article propose d'exclure de la garantie la part des créances salariales issue, dans le cas d'un licenciement pour motif économique, de l'application d'un accord d'entreprise conclu et déposé (sur le fondement de l'article L. 132-10 du code du travail) moins de dix-huit mois avant la date d'ouverture du jugement, s'inspirant ainsi de la « période suspecte » prévue à l'article L. 621-7 du code de commerce.

Le rapporteur propose d'adopter cet article sans modification.

*

La commission a examiné un amendement de suppression de l'article de M. Maxime Gremetz.

M. Alain Vidalies a estimé que cet article répond à la nécessité de préserver l'UNEDIC et l'ASSEDIC de certaines fraudes.

La commission a adopté l'article 50 sans modification.

Après l'article 50

Après que M. René Couanau, président, a indiqué que les articles 51 et 52 figurent d'ores et déjà dans la loi de finances et ont été en conséquence retirés par le gouvernement, la commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz étendant l'agrément visé à l'article L. 129-1 du code du travail aux associations sans but lucratif, dont les activités concernent l'assistance aux personnes qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile ou d'une aide à mobilité dans l'environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile.

Le rapporteur ayant jugé que - s'il partage l'esprit de l'amendement -, celui-ci semble couvert par la rédaction actuelle du code du travail, la commission a rejeté l'amendement.

M. Maxime Gremetz a demandé que le projet de loi soit scindé en deux parties et que chacune de ces parties fasse pour son adoption l'objet d'un vote séparé. Il a estimé que la commission doit se prononcer sur deux textes différents artificiellement accolés et que le gouvernement aurait dû faire adopter en premier lieu par le Parlement l'accord historique sur la formation professionnelle. Il s'est déclaré en parfait accord avec le titre Ier, mais farouchement opposé au contenu du titre II portant sur le dialogue social. Ce couplage de textes est d'autant moins justifié que le ministre a prétexté un problème de temps.

Le rapporteur a souligné la cohérence du projet de loi qui, d'une part, fournit au dialogue social une méthode et, d'autre part, propose d'en consacrer la réussite concrète. Il a, en conséquence, donné un avis défavorable à un vote séparé.

M. Alain Vidalies a estimé que mêler les deux textes, les niveaux de négociation, constitue une approche maladroite par sa radicalité et a donné un avis favorable au vote séparé car il n'y a pas de lien entre les deux parties du texte : la première partie du projet est même l'inverse d'une première application de la seconde partie !

M. Georges Colombier a indiqué qu'au conseil général de l'Isère, en raison des différences d'appréciation politique, le vote par division constitue souvent une solution commode. Cette méthode pourrait peut-être s'appliquer au projet de loi.

M. René Couanau, président, a fait part de son hostilité au principe d'un vote séparé sur le texte.

M. Claude Gaillard a estimé que le vote séparé sur ce texte n'est pas justifié car il existe un lien entre ces deux titres qui concourent tous deux à l'amélioration des relations professionnelles.

La commission a rejeté la demande de vote séparé formulée par M. Maxime Gremetz.

*

* *

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

En conséquence, et sous réserve des amendements qu'elle propose, la commission des affaires culturelles, familiales et sociale demande à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi n° 1233.

Tableau comparatif

1 Article L. 931-20 du code du travail.

2 Article L. 954 du code du travail.

3 Source : rapport n° 1781 précité de la mission d'évaluation et de contrôle.

4 L'ensemble des données financières présentées dans le présent commentaire d'article sont extraites des rapports « jaunes » formation professionnelle annexés aux PLF.

5 Dans la mesure où était déjà mentionné dans la rédaction en vigueur l'article L. 950-1 du code du travail, qui fonde l'obligation de formation de tout employeur non public en général, on pouvait en tirer une compétence générale des services de contrôle, mais il existait de fait une ambiguïté.

6 Cf., par exemple, arrêté du 22 août 1985 pris pour l'application de l'article R 322-1 du code du travail.

7 Article 8 de l'ANI, a) et b) du 2.

8 Critères définis pour la capacité à conclure des conventions ou accords susceptibles d'être étendus ou élargis mais utilisés par extension à tous les niveaux de négociation.

9 Dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification.

10 On notera que cette faculté n'est pas ouverte par le présent article.

11 Ceux-ci seront dans la suite des développements assimilés aux conventions de branches.

12 On notera en effet qu'il ne s'agit plus cette fois d'une majorité d'organisations représentatives (appréciée par rapport au nombre d'organisations) mais d'organisations représentant la majorité des salariés.

13 Pour la commodité de la lecture, sauf exceptions, on désignera l'ensemble de ces accords ou conventions par le terme « accords d'entreprise ».

14 On notera que cette notion est interprétée de façon large puisqu'une circulaire du 16 mars 1993 précise qu'il n'y a pas à faire une appréciation globale de l'avenant.

15 Dans le cas d'un avenant à un accord d'entreprise, le droit d'opposition est ouvert aux organisations non-signataires de cet avenant ; dans le cas d'une convention de branche, seules les organisations parties au texte initial ou y ayant adhéré et non-signataires de l'avenant peuvent exercer ce droit.

16 Les mots soulignés ci-après le sont par le rapporteur.

17 Souligné par le rapporteur.

18 L'article 31vc du code du travail tel qu'il résulte de la loi dispose que « Les conventions collectives ne doivent pas contenir de dispositions contraires aux lois et règlements en vigueur, mais peuvent stipuler des dispositions plus favorables ».

19   « Les dispositions des articles L. 123-1 et L. 123-2 ne font pas obstacle à l'intervention de mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes visant à établir l'égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes.

« Les mesures ci-dessus prévues résultent soit de dispositions réglementaires prises dans les domaines de l'embauche, de la formation, de la promotion, de l'organisation et des conditions de travail, soit en application des dispositions du 9º de l'article L. 133-5, de stipulations de conventions collectives étendues ou d'accords collectifs étendus, soit de l'application des dispositions de l'article L. 123-4. »

20 « Aucune clause réservant le bénéfice d'une mesure quelconque à un ou des salariés en considération du sexe ne peut, à peine de nullité, être insérée dans une convention collective de travail, un accord collectif ou un contrat de travail, à moins que ladite clause n'ait pour objet l'application des dispositions des articles L. 122-25 à L. 122-27, L. 122-32 ou L. 224-1 à L. 224-5 du présent code. »

21 Sur les conséquences de l'absence d'une telle habilitation et l'annulation d'un acte réglementaire autorisant une telle dérogation, cf. CE, 27 juillet 2001, Fédération nationale des transports Force ouvrière.

22 Sur ce point, voir CE, 8 juillet 1994, arrêt précité.

23 « Une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel ne peut comporter des dispositions moins favorables aux salariés que celles qui leur sont applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large.

« S'il vient à être conclu une convention ou un accord de niveau supérieur à la convention ou à l'accord intervenu, les parties adaptent celles des clauses de leur convention ou accord antérieur qui seraient moins favorables aux salariés. »

24 « La convention ou les accords d'entreprise ou d'établissements peuvent adapter les dispositions des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l'entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés. La convention ou les accords peuvent comporter des dispositions nouvelles et des clauses plus favorables aux salariés.

3Dans le cas où des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels viennent à s'appliquer dans l'entreprise postérieurement à la conclusion de conventions ou accords négociés conformément à la présente section, les dispositions de ces conventions ou accords sont adaptées en conséquence. »

25 Souligné par le rapporteur.

26 Dans les développements qui suivent, l'ensemble de ces conventions sera englobé sous le terme « accord d'entreprise ».

27 En dehors des habilitations législatives expresses déjà existantes.

28 Elle ne semble cependant pas supérieure, au contraire, à celle entraînée par la conclusion d'accords d'entreprises sur le fondement de l'article L. 212-7 pourtant autorisée par le présent article.

29 Possibilité ouverte par l'article L. 212-4 précité.

30 Souligné par le rapporteur

31 Cf. point I.1 : « Cette disposition ne remet pas en cause la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux accords conclus avant son entrée en vigueur. »

32 Décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996 sur la loi relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective.

33 On observera que le dialogue social territorial s'applique également au champ professionnel et non au seul champ interprofessionnel comme le prévoit la position commune.

34 La rédaction proposée devra être légèrement amendée afin de dissiper toute ambiguïté sur l'obligation de transmission aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux.

35 On observera là encore qu'il s'agit d'un domaine de négociation exclu de la négociation d'entreprise en dépit des dispositions actuelles de l'article 38.

36 « Les branches s'emploieront paritairement à définir des orientations pour un code de bonne conduite relatif aux modalités d'accès et d'utilisation des NTIC par les organisations syndicales de salariés dans les entreprises, à partir d'un seuil d'effectifs fixé par la branche. »

37 Pour une disposition de nature comparable, voir l'article L. 411-5 du code du travail.


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