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le 12 décembre 2003

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N° 1277

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 décembre 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1101), de M. Jacques BRUNHES et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête visant, à partir du bilan des politiques publiques destinées à promouvoir la langue française au plan national, européen et international, à proposer des mesures pour leur amélioration et le cas échéant, leur réorientation,

PAR M. Yves BOISSEAU,

Député.

--

Culture et communication - Société.

INTRODUCTION 5

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 7

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 9

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

INTRODUCTION

Le 3 novembre 2003 a été mise en distribution la proposition de résolution (n° 1101) déposée par M. Jacques Brunhes tendant à la création d'une commission d'enquête visant, à partir du bilan des politiques publiques destinées à promouvoir la langue française au plan national, européen et international, à proposer des mesures pour leur amélioration et le cas échéant, leur réorientation.

Cette commission serait notamment chargée de rassembler les différentes études effectuées sur cette question, d'analyser les suites données aux préconisations qui ont pu être faites et de mener une « réflexion globale sur les causes de l'efficacité limitée de l'action gouvernementale » en matière de défense et de promotion de la langue française.

Selon l'usage, le rapporteur examinera la recevabilité de la proposition de résolution avant de s'interroger sur l'opportunité de créer une telle commission d'enquête.

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires  et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première exigence posée par ces textes est de déterminer avec précision, dans la proposition de résolution, les faits pouvant donner lieu à enquête.

En l'occurrence, M. Jacques Brunhes évoque de façon détaillée les menaces pesant sur la place et l'usage du français dans le monde - et tout particulièrement dans l'Union européenne élargie - et dresse une liste très complète des différentes politiques et études mises en œuvre pour remédier au déclin de notre langue et assurer sa promotion. On peut donc considérer que les faits visés sont formulés de façon suffisamment précise pour justifier, a priori, la création d'une commission d'enquête.

La seconde exigence concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

Par lettre du 12 novembre 2003, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait savoir à M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, que plusieurs procédures étaient en cours devant divers tribunaux de police mais que, compte tenu du caractère général de la proposition de résolution, l'existence de ces procédures ne paraissait pas faire obstacle à son adoption.

La proposition de résolution est donc recevable.

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Si les conditions de recevabilité semblent réunies, il reste à déterminer s'il convient, en opportunité, de créer ou non une commission d'enquête sur les politiques publiques de promotion de la langue française.

Nul ne peut contester la légitimité des préoccupations de l'auteur de la proposition de résolution. En s'appuyant sur les données contenues dans le rapport annuel au Parlement de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, il souligne, pour le déplorer, le recul manifeste du français face à l'anglais, non seulement dans les relations internationales mais également dans notre pays, au sein des entreprises ou dans le secteur scientifique. On ne peut donc que le suivre lorsqu'il fait de la défense de la langue française en Europe et dans le monde un enjeu culturel, scientifique, économique et politique de premier plan pour le combat que mène la France en faveur de la diversité culturelle.

M. Jacques Brunhes reconnaît par ailleurs dans son exposé des motifs que les gouvernements successifs ont bien pris la dimension de ce défi et se sont attachés, depuis plusieurs années, d'une part à renforcer et à rénover les structures institutionnelles multilatérales de la francophonie et d'autre part à étoffer le dispositif institutionnel et légal français en faveur de notre langue. Il cite ainsi en exemple la mise en place du Haut conseil de la francophonie en 1984, du Conseil supérieur de la langue française et de la Délégation générale à la langue française en 1989 ou encore l'adoption de la loi « Toubon » du 4 août 1984 ou la réorganisation de l'Organisation internationale de la francophonie en 2002.

Pour autant, l'auteur de la proposition de résolution considère que l'action gouvernementale est d'une efficacité limitée et que toutes les mesures prises et les actions menées ne sont pas suffisantes pour répondre à la menace de globalisation linguistique et enrayer le déclin de notre langue dans le monde. Il souhaite donc qu'une commission d'enquête fasse un bilan des politiques publiques destinées à promouvoir la langue française au plan national, européen et international et propose des mesures pour leur amélioration et le cas échéant, leur réorientation.

A l'appui de cette demande, M. Jacques Brunhes signale que si l'Assemblée nationale dispose de tout un ensemble de travaux, d'études, d'enquêtes et de données sur la situation du français dans le monde, il n'existe pas de « vision d'ensemble » du domaine et des différentes actions qui sont menées ou ont été proposées. « Une commission d'enquête [...] permettrait de rassembler les données, d'éliminer les lacunes s'agissant de secteurs peu ou pas étudiés, d'évaluer la prise en compte des propositions formulées dans les divers rapports et leur impact ainsi que d'en formuler de nouvelles ».

En réalité, au regard des très nombreux documents disponibles et publiés encore tout récemment par différentes sources, tant du côté du gouvernement que du Parlement, il ne semble pas que la constitution d'une telle commission d'enquête constitue une priorité.

Ce n'est pas que le sujet ne le mérite pas mais l'enquête a, en quelque sorte, déjà lieu en continu à travers les travaux d'étude, d'information, de suivi et de proposition émanant de différentes instances parlementaires (rapports d'information et propositions de résolution des délégations pour l'Union européenne, rapports d'information, rapports et avis budgétaires des commissions permanentes), gouvernementale (le rapport au Parlement 2003 de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France sur l'emploi de la langue française vient de paraître), multilatérales (rapport sur « la francophonie dans le monde en 2002 et 2003 » de l'Organisation internationale de la francophonie) ou encore du Conseil économique et social (rapport de M. Bernard Cariot d'octobre 2003 sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger).

M. Jacques Brunhes en a d'ailleurs bien conscience puisqu'il présente dans sa proposition de résolution une liste très complète des travaux parlementaires réalisés sur le sujet et évoque précisément le rapport de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France et celui de l'Organisation internationale de la francophonie. Certes, il juge que ces données « restent éparses et concernent des sujets délimités » et que certains sujets n'ont pas été bien étudiés, mais ce jugement apparaît bien sévère au regard de la richesse et de la complémentarité de la littérature disponible sur le sujet. Qu'apporterait un rapport supplémentaire sur une question déjà aussi bien étudiée ?

Quant à l'évaluation de l'efficacité des politiques conduites et à la formulation de nouvelles propositions d'action, ce sont des tâches qui relèvent pleinement de la compétence du groupe d'études sur la francophonie et la culture française, qui a de plus l'avantage d'avoir été créé pour l'ensemble de la législature et non pas pour une durée limitée à six mois comme la commission d'enquête réclamée par M. Jacques Brunhes.

Des propositions ont par ailleurs été encore tout récemment formulées à l'Assemblée nationale par M. Michel Herbillon dans son rapport d'information sur « Les langues dans l'Union élargie : pour une Europe en V.O. », présenté en juin 2003 au nom de la délégation pour l'Union européenne (n° 902) ou encore par M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur les crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales pour 2004 (n° 1111 tome I).

Enfin, un débat en séance publique aura lieu en janvier prochain sur la proposition de résolution relative à la diversité linguistique dans l'Union européenne adoptée par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne en conclusion du rapport d'information précité de M. Michel Herbillon. Cette inscription en séance plénière, relativement exceptionnelle, souligne bien toute l'importance que l'Assemblée nationale accorde à la question de la défense et de la valorisation de la langue française dans un contexte de menace pour la diversité culturelle. Ce débat sera bien évidemment l'occasion pour tous les députés intéressés de formuler les critiques et les propositions qu'ils jugeront utiles ou nécessaires.

Au bénéfice des observations qui viennent d'être formulées, le rapporteur conclut donc au rejet de la proposition de résolution n° 1101.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la présente proposition de résolution au cours de sa séance du mardi 9 décembre 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Michel Herbillon, président, a déclaré que l'inscription, à l'ordre du jour de la séance du 6 janvier 2004, de l'examen de la proposition de résolution relative à la diversité linguistique dans l'Union européenne illustre l'importance accordée à la question de la défense de la langue française par le Parlement et le gouvernement. En effet, il est important de prendre conscience que l'avenir de la langue française se joue avant tout en Europe et dans le monde francophone. La délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a d'ailleurs décidé de suivre avec attention l'évolution du dossier de l'usage du français et de la diversité linguistique dans l'Union au travers d'un rapport annuel d'évaluation.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution no 1101.

N° 1277 - Rapport sur la proposition de résolution portant création d'une commission d'enquête sur la promotion de la langue française (M. Yves Boisseau)


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