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le 18 février 2004

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N° 1435 - tome 1 - 2ème partie

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 février 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (N° 1218), relatif aux responsabilités locales.

PAR M. Marc-Philippe DAUBRESSE,

Député.

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TOME I - 2ème partie

EXPOSÉ GÉNÉRAL - AUDITION

EXAMEN DES ARTICLES

Voir les numéros :

Sénat : 4, 31, 32, 33, 34, 41 et T.A. 10 (2003-2004).

Assemblée nationale : 1218, 1423, 1432 et 1434.

1ère partie du rapport

INTRODUCTION

AUDITION DE M. NICOLAS SARKOZY, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET DES LIBERTÉS LOCALES, ET DE M. PATRICK DEVEDJIAN, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUX LIBERTÉS LOCALES, ET DISCUSSION GÉNÉRALE

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, LE TOURISME ET LA FORMATION PROFESSIONNELLE

2ème partie du rapport

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES AU DÉVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES, AUX FONDS STRUCTURELS ET À LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT 107

Chapitre Ier La voirie 108

Article 12 A (nouveau) (art. 14-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982) Schéma régional des infrastructures et des transports 108

Article 12 (art. L. 111-1 et L. 121-1 du code de la voirie routière) Transfert partiel des routes nationales aux départements 110

Article 13 (art. L. 4433-24-1, L. 4433-24-2 et L. 4433-3 du code général des collectivités territoriales) Dispositions particulières relatives aux départements et régions d'outre-mer 116

Article 14 (art. L. 122-4, L. 151-6 à L. 151-11, L. 153-1 à L. 153-3, L. 153-5 et L. 153-6 du code de la voirie routière) Institution de péages sur la voirie routière 118

Article additionnel après l'article 14 (art. L. 131-9 [nouveau] du code de la voirie routière) Répartition des charges de réfection et d'entretien des ponts construits à l'occasion du percement de canaux 127

Article 15 (art. L. 116-2 du code de la voirie routière) Exercice de la police de la conservation du domaine public routier 127

Article 16 (art. L. 110-3 du code de la voirie routière) Définition et régime juridique des routes à grande circulation 128

Article 17 (art. 3 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs) Pouvoirs du préfet en matière de prévention des risques sur les routes à grande circulation 129

Avant l'article 18 130

Article 18 (art. L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales) Éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (fctva) des fonds de concours versés à l'État par les collectivités territoriales et leurs groupements pour des opérations d'aménagement du domaine public routier national 131

Article 19 Confirmation des engagements financiers conclus au titre des contrats de plan État-région 133

Article 20 (décrets impériaux des 12 avril 1856 et 23 juin 1866) Abrogation des décrets impériaux relatifs au financement de l'entretien de la voirie à Paris 134

Article 21 Maîtrise d'ouvrage d'opérations routières en cours lors du transfert de voirie 135

Chapitre II Les grands équipements 136

Article 22 (art. 105 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité) Transfert des aérodromes et hélistations civils 136

Article 23 (art. 38 de la Constitution) Habilitation à actualiser et adapter par ordonnance certaines dispositions du code de l'aviation civile 141

Article 24 (art. L. 101-1, L. 601-1 à L. 601-3 nouveaux du code des ports maritimes) Transfert des ports maritimes non autonomes de l'État 142

Article 25 (article 38 de la Constitution) Habilitation à actualiser et à adapter certaines dispositions du code des ports maritimes par ordonnance 146

Article 26 (art. 1er, 1er-1 bis nouveau, 1er-4, 1er-5 et 35 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure et art. 5 et 7 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983) Transfert des voies navigables fluviales et ports intérieurs 148

Article 27 (art. 18-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs) Compétences du département en matière d'infrastructures de transports ferrés ou guidés non urbains 151

Article 28 (art. L. 112-8 et L. 112-9 du code rural) Transfert à la région de la propriété des biens de l'État concédés aux sociétés d'aménagement régional 151

Chapitre III Les transports dans la région Île-de-France 153

Article 29 A (nouveau) (art. L. 4413-3 du code général des collectivités territoriales) Rôle de la région Île-de-France en matière de transports et déplacements 154

Article 29 (art. 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959) Organisation et compétences du syndicat des transports d'Île-de-France 156

Article 30 (art. 1-1 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959) Ressources du syndicat des transports d'Île-de-France et de la régie autonome des transports parisiens 158

Article 31 (art. 28-3 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982) Plan de déplacements urbains et plans locaux de déplacement dans la région Île-de-France 161

Article 32 (art. L. 213-13, L. 213-14 et L. 821-5 nouveau du code de l'éducation) Organisation des transports scolaires en région Île-de-France 164

Article 33 Entrée en vigueur des dispositions du présent chapitre 166

Article 34 Décrets en Conseil d'État 166

Chapitre IV Les fonds structurels européens 167

Article 35 Les fonds structurels européens 167

Chapitre V Les plans d'élimination des déchets 171

Article 36 (art. L. 541-14 du code de l'environnement) Les plans d'élimination des déchets ménagers 171

Article 37 (art. L. 541-15 du code de l'environnement) Compétences de l'État à l'égard des plans d'élimination des déchets ménagers 175

Article 37 bis (art. L. 541-13 du code de l'environnement) Pouvoir de substitution du préfet pour l'élaboration des plans d'élimination des déchets industriels spéciaux 177

Article 38 Dispositions transitoires 177

Article additionnel après l'article 38 Transfert expérimental aux régions des politiques de soutien au développement des énergies renouvelables et de maîtrise de la consommation d'énergie 177

TITRE III LA SOLIDARITÉ ET LA SANTÉ 178

Chapitre premier L'action sociale et médico-sociale 178

Article 39 (art. L. 121-1, chapitre V du titre IV du livre premier et art. L. 145-1 à L. 145-4 du code de l'action sociale et des familles) Affirmation du rôle de coordination du département en matière d'action sociale et d'insertion 178

Article 40 (art. L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles) Procédure d'élaboration des schémas départementaux d'organisation sociale et médico-sociale 181

Article 41 (art. L. 263-15, L. 263-16 et L. 263-17 du code de l'action sociale et des familles) Transfert aux départements des fonds d'aide aux jeunes en difficulté 184

Article 42 (art. L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles) Intégration des formations sociales dans le droit commun des diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'État 186

Article 43 (art. L. 451-2 du code de l'action sociale et des familles) Transfert aux régions de la responsabilité de la politique de formation des travailleurs sociaux 189

Article 44 (art. L. 451-2-1 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles) Relations financières entre les régions et les établissements dispensant des formations sociales 191

Article 45 (art. L. 451-3 du code de l'action sociale et des familles) Transfert aux régions des bourses en travail social 193

Article 46 (Art. L. 113-2 et L. 232-13 du code de l'action sociale et des familles) Affirmation de la compétence du département dans la conduite et la coordination de l'action en faveur des personnes âgées 194

Article 47 (chapitre IX [nouveau] du titre IV du livre Ier et art. L. 149-1 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles) Comités départementaux des retraités et personnes âgées 196

Chapitre II Mise en œuvre de la protection judiciaire de la jeunesse 197

Article 48 Extension, à titre expérimental, des compétences des départements pour la mise en œuvre des mesures d'assistance éducative dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse 197

Chapitre III Le logement social et la construction 201

Article 49 A (art. L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation) Transfert aux maires et aux présidents d'établissements publics de coopération intercommunale du contingent préfectoral de logements sociaux 201

Article 49 (art. L. 301-3, L. 301-5-1 à L. 301-5-3 [nouveaux], L. 302-1, L. 302-4 et L. 302-4-1, section 3 du chapitre II du titre préliminaire du livre III, art. L. 303-1, chapitre II du titre Ier du livre III du code de la construction et de l'habitation, art. 79 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983) Délégation de l'attribution des aides à la pierre aux établissements publics de coopération intercommunale fiscalité propre et aux départements - Programme locaux de l'habitat - Création d'un comité régional de l'habitat 203

Après l'article 49 216

Article additionnel après l'article 49 (art. L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales) Garanties apportées par les communes pour la réalisation d'opérations de logements locatifs sociaux 216

Article 50 (art. 1er, 2, 4, 6 à 8 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990, art. L. 115-3 et L. 261-4 du code de l'action sociale et des familles, art. 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000) Transfert aux départements des fonds de solidarité pour le logement 216

Article 51 (art. L. 822-1 et L. 822-2 du code de l'éducation) Transfert aux communes et à leurs groupements de la responsabilité des locaux destinés au logement des étudiants 222

Article 52 (art. L. 421-2-6 du code de l'urbanisme) Instruction des demandes de permis de construire 225

Après l'article 52 227

Article 52 bis (art. L. 430-7 du code de l'urbanisme) Autorisations relatives aux permis de démolir 227

Après l'article 52 bis 227

Chapitre IV La santé 228

Article 53 (art. L. 6115-7 du code de la santé publique) Participation de représentants des régions, avec voix consultative, dans les commissions exécutives des agences régionales de l'hospitalisation 228

Article 54 Expérimentation en matière de financement et de réalisation des équipements sanitaires 229

Article 55 (art. L. 1424-1 du code de la santé publique) Programmes régionaux de santé publique 231

Article 56 (art. L. 1423-1 à L. 1423-3, L. 2112-1, L. 2311-5, L. 3111-11, L. 3111-12 [nouveau], intitulé du chapitre II du titre Ier du livre Ier de la troisième partie, art. L. 3121-1, L. 3121-3 [nouveau] du code de la santé publique) Transfert à l'État de la responsabilité des campagnes de prévention et de lutte contre les grandes maladies 232

Article 57 (art. L. 3114-5, L. 3114-6 du code de la santé publique, art. Ier et 10-1 [nouveau] de la loi n° 64-1246 du 13 décembre 1964) Lutte contre les insectes vecteurs de maladies 235

Article 58 (art. L. 4311-7, L. 4311-8, intitulé du titre VIII du livre III de la quatrième partie, chapitre unique du titre VIII du livre III de la quatrième partie, art. L. 4381-1, chapitre II [nouveau] du titre VIII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique) Gestion des écoles de formation des professions paramédicales 236

Article 59 Transfert aux communes, à titre expérimental, de la responsabilité de la politique de résorption de l'insalubrité dans l'habitat 241

3ème partie du rapport

TITRE IV L'ÉDUCATION ET LA CULTURE

TITRE V TRANSFERTS DE SERVICES ET GARANTIES INDIVIDUELLES DES AGENTS

TITRE VI COMPENSATION DES TRANSFERT DE COMPÉTENCES

TITRE VII PARTICIPATION DES ÉLECTEURS AUX DÉCISIONS LOCALES ET ÉVALUATION DES POLITIQUES LOCALES

4ème partie du rapport

TITRE VIII MISSIONS ET ORGANISATION DE L'ÉTAT

TITRE IX DES COMMUNES ET DE L'INTERCOMMUNALITÉ

5ème partie du rapport

Chapitre V Dispositions relatives à l'intercommunalité 7

TITRE X DISPOSITIONS FINALES 30

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU DÉVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES,
AUX FONDS STRUCTURELS ET À LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

Le présent titre se compose de cinq chapitres portant respectivement sur :

- la voirie (chapitre Ier) ;

- les grands équipements (chapitre II) ;

- les transports dans la région Île-de-France (chapitre III) ;

- les fonds structurels (chapitre IV) ;

- les plans d'élimination des déchets (chapitre V).

Chapitre Ier

La voirie

Au titre des transferts de compétences prévus par le projet de loi sur les responsabilités locales figure celui d'une partie des routes nationales. La loi du 29 décembre 1971 avait déjà transféré de l'État aux départements 53 000 kilomètres de routes sur les 82 000 kilomètres du réseau national existant à l'époque. Il est aujourd'hui prévu de transférer aux départements 15 000 à 20 000 kilomètres de voiries, sur les 30 500 kilomètres que compte le réseau des autoroutes non concédées et des routes classées nationales (1).

Cette démarche de responsabilisation toujours plus marquée des collectivités territoriales est aussi une démarche visant à préserver la qualité de l'offre d'infrastructures routières. L'État est, en effet, un propriétaire sélectif : selon les estimations de la direction des routes, 39 % des routes nationales ordinaires ne présentent pas un niveau de qualité de service jugé satisfaisant. Les articles qui composent le présent chapitre sont donc porteurs d'améliorations importantes pour la vie quotidienne des conducteurs français.

Article 12 A (nouveau)

(art. 14-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982)


Schéma régional des infrastructures et des transports

Ajouté par le Sénat lors du débat en séance publique, cet article modifie la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (loti) :

-  en substituant, au II de l'article 14-1, un schéma régional des infrastructures et des transports au schéma régional des transports déjà existant ;

-  en précisant l'articulation de ce schéma avec les schémas de services collectifs prévus par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 sur l'aménagement du territoire dite loi Pasqua et le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire mis en place par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État ;

-  en expliquant le rôle de ce schéma.

Il reprend, sur le principe, deux alinéas qui avaient été placés, dans le projet de loi initiale, au I de l'article 12, consacré au rôle de l'État sur l'ensemble de la voirie. La mise en valeur du rôle de la région en matière de transport et d'infrastructures, au sein d'un article spécifique, est pleinement justifiée. Comme le souligne le rapport d'audit établi en février 2003 par l'inspection générale des finances et le conseil général des ponts et chaussées, « les grands projets d'infrastructures ont tous, dans des proportions variables, un intérêt national et un intérêt régional, voire local. Il est donc souhaitable que les collectivités territoriales et notamment les régions continuent d'être étroitement associées aux études et à la mise au point des projets, ainsi qu'à leur financement. » (2)

Tel est le sens de l'intervention de l'auteur de l'amendement insérant ce nouvel article, M. Gérard Longuet, lors du débat en séance publique : il s'agit d'assurer la cohérence entre la loti, les schémas de services conçus par la loi Pasqua du 4 février 1995 et la responsabilité de coordination qui est confiée à la région en matière de transports. Celle-ci s'affirme, en effet, de plus en plus comme un acteur essentiel dans ce domaine : « par le jeu conjugué de la LOTI et du transfert des compétences ferroviaires en matière de transport de voyageurs, elles ont une responsabilité ferroviaire. Le texte que nous examinons va y adjoindre une responsabilité sur les transports fluviaux et sur les bases aéroportuaires. » (3)

Dans ce contexte, le schéma régional des infrastructures et des transports est considéré comme un outil de nature à faciliter le « dialogue entre deux acteurs dont on n'imagine pas qu'ils ne puissent pas se retrouver à un moment ou à un autre : l'État, qui demeure propriétaire et maître d'ouvrage du réseau national, et les départements, qui sont déjà propriétaires de 360 000 kilomètres de routes, auxquels vont s'ajouter 20 000 kilomètres. » (4)

Plus largement, ce schéma devrait fonctionner comme l'outil de la cohérence de la politique des transports : or, celle-ci ne se limite pas à la route mais concerne l'ensemble des modes de transports. Le schéma de structures modal qu'est le schéma régional des infrastructures et des transports représentera donc un point d'appui de cette nécessaire intermodalité. Sur ce point, M. Jacques Oudin a, lors du débat au Sénat, appelé à une rénovation des schémas existants : « on s'aperçoit que - un peu comme pour les plans polmar dans un autre domaine - certains de ces schémas sont plus ou moins obsolètes faute d'avoir été actualisés, qu'ils ne sont pas toujours cohérents et qu'ils sont parfois loin d'être respectés. Cela signifie que nous devons faire un effort pour rénover rapidement ces schémas régionaux, pour les intégrer dans des approches interrégionales. » (5)

Occasion de rencontre et de réflexion en matière de transports, cadre de réflexion pour assurer la cohérence, ce schéma régional n'est donc en rien porteur d'une tutelle de la région sur les départements, pas plus qu'il ne conduit la région à interférer avec les projets de l'État. Ainsi, il ne comprend que les liaisons régionales et n'a certainement pas vocation à intégrer tous les réseaux départementaux, même si certains grands sites, par exemple des sites aéroportuaires, qui peuvent être régionaux ou inclus dans le schéma régional, peuvent y être intégrés. Il n'en reste pas moins que, sur leur domaine, « les propriétaires, que ce soit l'État ou les départements, font exactement ce qu'ils veulent. Mais, s'ils veulent faire quelque chose ensemble, ils le feront dans le cadre d'un schéma ayant le mérite d'associer dans la réflexion le routier et les autres modes de transport, notamment, en ce qui concerne les transports quotidiens de voyageurs, d'associer le routier et le ferroviaire. ».

Qui plus est, ce schéma est en cohérence avec le rôle de partenaire financier que joue quelquefois la région lors des opérations intéressant le réseau départemental et, surtout, le réseau national. De fait, plus de trente ans après le premier transfert de la majeure partie du réseau routier national vers les départements, les régions ne sont pas totalement étrangères au bilan positif de ce transfert : « les départements ont réalisé un travail remarquable. (...) Bien entendu, ce travail, les départements ne l'ont pas accompli seuls, mais en liaison avec les régions qui, souvent, leur ont apporté une aide financière substantielle. »

La Commission a été saisie de deux amendements respectivement présentés par Mme Valérie Pecresse et M. André Chassaigne, tendant à supprimer cet article. Mme Valérie Pecresse a indiqué que le dispositif proposé tendait à introduire une forme de tutelle des régions sur les départements en matière d'infrastructures routières. Après que le rapporteur eut indiqué que cet article concernait l'ensemble des moyens de transports, et pas uniquement les infrastructures routières, il a annoncé un amendement prenant en considération les préoccupations ainsi exprimées et garantissant pleinement le respect des compétences des départements en ce domaine. La Commission a rejeté ces amendements avant d'adopter celui du rapporteur (amendement n° 313). Puis, par cohérence avec ses précédents votes, la Commission a rejeté l'amendement n° 43 de M. Michel Bouvard.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, tendant à ouvrir la possibilité aux régions de se doter d'un fonds d'accompagnement financier des projets d'infrastructure prévues par le schéma régional, l'amendement rédactionnel n°124 de M. François Goulard, ainsi que l'amendement n° 135 de M. Jean-François Mancel, tendant à limiter le rôle dévolu par le projet de loi au schéma régional.

La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 314).

Puis la Commission a adopté l'article 12 A ainsi modifié.

Article 12

(art. L. 111-1 et L. 121-1 du code de la voirie routière)


Transfert partiel des routes nationales aux départements

L'article 12, qui prévoit le transfert de 20 000 kilomètres de routes supplémentaires, n'introduit pas un bouleversement mais parachève l'évolution amorcée il y a plus de trois décennies.

Le domaine public routier : un État garant de la cohérence et de l'efficacité du réseau

Ce transfert n'affecte pas le principe selon lequel l'État reste le garant de la cohérence et de l'efficacité du réseau routier, désormais affirmé à l'article L. 111-1 du code de la voirie routière relatif à la définition du domaine public routier (paragraphe I). Ce principe est décliné de manière non exhaustive : l'État a, « en particulier », une mission de sécurité, de cohérence de l'exploitation et de l'information des usagers, de connaissance statistique des réseaux et des trafics ainsi que de maintien, de développement et de diffusion des règles de l'art.

Sur proposition de M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques du Sénat, le Sénat a ajouté un alinéa tendant, d'une part, à permettre aux collectivités territoriales de définir conjointement avec l'État les axes de recherche dans le domaine des « règles de l'art » et, d'autre part, que les collectivités territoriales participent à la définition des normes et dispositions techniques qui découlent des recherches précitées.

Actuellement, cette expertise, qui concerne la recherche et la réalisation d'études techniques destinées à la voirie routière - dimensionnement de la chaussée, hauteur des ponts, caractéristiques des matériaux utilisés, etc. - est assurée par le réseau scientifique et technique rattaché au ministère de l'équipement. Ce réseau regroupe une trentaine d'organismes tels que le service d'études techniques des routes et autoroutes (setra), le centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (cetru), le laboratoire central des Ponts et Chaussées et les centres d'études techniques de l'équipement. Certes, des relations existent entre ces organismes et les collectivités territoriales qui ont elles-mêmes développé une expertise au niveau de leurs services techniques. Le Sénat a toutefois estimé que cela n'était pas suffisant, le transfert aux départements d'une grande partie de la voirie routière nationale laissant craindre un recentrage des études conduites par le réseau sur les besoins correspondant aux routes de grande dimension que conservera l'État, au détriment des routes de moindre importance qui auront été transférées. C'est pourquoi il a été jugé nécessaire que les collectivités territoriales participent à la définition initiale des axes de recherche par un copilotage du réseau scientifique et technique.

Le même problème se pose s'agissant de la définition des normes. En effet, actuellement, les collectivités territoriales ne sont pas présentes dans les organismes chargés d'élaborer les normes applicables à la voirie routière, qu'il s'agisse de l'association française de normalisation (afnor), sur le plan national, ou du Comité européen de normalisation à l'échelon de l'Union européenne. Le Sénat a souhaité, là encore, remédier à cette lacune afin que les collectivités territoriales puissent, par leur présence, éviter un dérapage dans la production des normes techniques applicables au réseau secondaire, d'autant plus que l'État, qui ne sera plus propriétaire de ce type de réseau, n'aura plus intérêt à en freiner l'élaboration. Il s'agit, en bref, de ne pas imposer de charges financières indirectes aux collectivités propriétaires des voies.

Votre rapporteur ne remet nullement en cause la pertinence de l'alinéa ajouté par le Sénat. Toutefois, s'il est normal que les collectivités territoriales soient associées à la définition des programmes de recherche et de développement des savoir-faire techniques dans le domaine routier, est-il justifié qu'elles interviennent dans ceux qui ne concernent que le domaine routier de l'État, notamment les autoroutes ? Initialement d'ailleurs, l'amendement de la commission des affaires économiques du Sénat mentionnait « des » et non « les » programmes de recherche, ce qui renvoyait implicitement à un partage des rôles. C'est en cours de discussion que la distinction a été supprimée, la commission des lois du Sénat s'étant prononcée en faveur d'un sous-amendement de M. Maurice Leroy. Votre rapporteur propose de la rétablir, en précisant que le travail conjoint de définition de ces programmes n'intervient que sur les réseaux relevant de la compétence des collectivités territoriales.

Le domaine public routier national : définition

Au 1er janvier 2002, le réseau routier national représentait environ 36 000 kilomètres, dont 9 300 kilomètres d'autoroutes (y compris autoroutes urbaines), pour une longueur de linéaire routier total de 970 000 kilomètres (6).

Au terme du nouveau transfert d'une partie du domaine routier national vers les départements, le réseau structurant, soit environ 10 000 kilomètres qui supportent en moyenne 15 000 véhicules/jour - fréquence qui devrait augmenter de 50 à 100 % dans les vingt ans à venir -, resterait dans le giron de l'État, régi par des normes spécifiques. Cela correspond à des segments routiers supportant de 10 000  véhicules/jour (routes nationales) à 25 000 véhicules/jour (autoroutes), là où le réseau départemental représente 1 000 véhicules/jour, ne nécessitant pas d'exploitation en temps réel. Ainsi, alors qu'il ne comporte que 4 % des linéaires, le réseau structurant supporte plus de 40 % du trafic, dont près des trois quarts de la circulation des poids lourds. Quant au réseau autoroutier, il concentre à lui seul 50 % de la circulation des poids lourds exprimée en tonnes-kilomètres. Entre 1990 et 1998, il a absorbé les trois quarts de la croissance du trafic poids lourds (7).

Le paragraphe II de l'article 12 définit ce réseau structurant selon quatre critères :

- axes de grand transit, ce qui recouvre les voies sur lesquelles s'effectue un trafic de marchandises important ou des liaisons à grandes distances ;

- liaisons interrégionales, qui désignant les itinéraires entre métropoles régionales et les voies accueillant un trafic moins dense, essentiellement de déplacements professionnels ;

- desserte des équipements d'intérêt économique national ou européen (ports, aéroports...) ;

- desserte équilibrée du territoire, ce qui désigne toutes les voies qui, sans entrer dans les critères ci-dessus, sont essentielles à la politique d'aménagement du territoire.

Il appartiendra à des décrets en conseil d'État fixent la liste des itinéraires entrant dans la définition du domaine public routier national telle qu'elle est proposée par le projet de loi.

Le domaine public routier départemental : une définition en creux

Toutes les routes n'entrant pas dans le champ de cette définition et absentes des décrets seront considérées comme relevant du domaine départemental : tel est ce qui ressort du paragraphe III qui dessine les contours du domaine public routier départemental. Le Sénat a introduit une étape supplémentaire dans cette procédure automatique, en prévoyant que le transfert n'intervenait qu'après avis des conseils généraux.

La méthode de définition, au sens de délimitation, du domaine public départemental est différente de celle adoptée pour le domaine national : est considérée comme départementale toute route qui n'est pas retenue dans les décrets mentionnés ci-dessus. Cela signifie que la voirie transférée relève du domaine public départemental, non parce qu'elle répond à des caractéristiques et critères qui lui donnent objectivement le statut départemental mais en vertu d'un processus par défaut : ce qui n'est pas national est, par défaut, départemental. C'est donc une définition en creux qui est proposée de la voirie départementale.

Un acte juridique « positif » donne cependant corps à ce transfert : il est, en effet, prévu que le transfert des routes - qui entraîne celui de leurs accessoires et dépendances - soit constaté par le représentant de l'État dans le département dans un délai de 18 mois après la publication du décret définissant, dans ledit département, le domaine public routier national. C'est cette décision qui fonde l'effectivité du transfert, c'est-à-dire le classement dans la voirie départementale et les droits et obligations correspondants, même si elle n'intervient qu'au 1er janvier de l'année qui suit. Afin de pallier la carence éventuelle de l'autorité préfectorale, le Sénat a introduit une disposition précisant que, en l'absence d'acte, le transfert interviendrait de plein droit le 1er janvier 2008.

Le projet de loi précise par ailleurs les effets juridiques du transfert : d'une part, il emporte cession aux départements des terrains acquis par l'État en vue de l'aménagement des routes transférées ; d'autre part, il emporte de plein droit mise à jour des documents d'urbanisme affectés par le transfert. Plus précisément, ce dernier effet est lié à la notification de la décision du préfet constatant le transfert. Qui plus est, si, comme le rappelle le présent article, les transferts sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire, leurs effets financiers ne sont pas nuls pour autant. Financièrement, le transfert des infrastructures s'accompagne en effet de celui du transfert des ressources que l'État y consacrait en entretien, réhabilitation et aménagements de sécurité et d'exploitation. (8)

Le Sénat a ajouté une disposition selon laquelle le représentant de l'État dans le département communiquait au conseil général toutes les informations dont il disposait sur le domaine public routier transféré. Cette disposition ne doit pas être interprétée comme une formalité conditionnant le transfert. En effet, le Gouvernement ayant systématiquement refusé de faire droit aux demandes d'audit préalable des biens et infrastructures à transférer, l'obligation faite au préfet de donner au futur propriétaire de ces biens toute information de nature à l'éclairer sur l'état réel de ce qu'il recevait est apparue comme une position de compromis, au contenu juridique certes flou - « toutes les informations dont il dispose » - mais au contenu politique sans ambiguïté. Cette disposition témoigne de l'esprit dans lequel le transfert intervient. Notamment, comme l'a expliqué le ministre délégué aux libertés locales lors de l'examen en séance publique, le 4 novembre dernier, « D'ores et déjà, sur mon initiative, une concertation a été engagée avec le ministère de l'équipement et les élus concernés. (...) Avant tout transfert, il est bien prévu une phase de concertation, et le projet de loi ne détermine pas précisément les itinéraires qui seront transférés. ». Et le ministre d'insister : « Il y aura bien une concertation avant tout transfert et celui-ci se fera par voie réglementaire. » (9)

Méthodes et contenu des transferts : les propositions de la commission

15 000 à 20 000 kilomètres de routes supplémentaires devraient être transférés aux départements, en sorte que le réseau routier national sera résiduel. La construction du projet de loi doit refléter cette logique. Au lieu de définir, au principal, le réseau routier national et de considérer le réseau départemental comme résiduel - ce qu'incite à penser la rédaction actuelle - il est plus logique de définir d'abord le réseau routier départemental, positivement, et non pas en creux, et, ensuite, le domaine public routier national. La question des modalités du transfert serait, dans ce schéma, renvoyée à un paragraphe distinct.

Par ailleurs, les critères définissant le domaine public routier national sont-ils suffisamment discriminants ? Si les premier (axes de grand transit) et troisième (desserte des équipements d'intérêt économique national ou européen) critères permettent de définir objectivement le réseau structurant, il n'en va pas de même pour les deuxième et quatrième. S'agissant du critère relatif à la nécessité d'assurer des liaisons interrégionales, le schéma régional prévu à l'article 12 A n'est-il pas de nature à garantir la cohérence entre métropoles régionales, dans la mesure où il est bien précisé que ce schéma « assure la cohérence régionale et interrégionale des itinéraires à grande circulation » ? En outre, on peut penser que, dans bien des cas, axes de grand transit et liaisons interrégionales se confondent. Quant au critère de la desserte équilibrée du territoire, il présente un caractère de fourre-tout qui laisse à l'État une marge d'appréciation telle que la définition de critères s'apparente à un exercice aussi formel que vain. En bref, l'État « fera son marché » et les départements auront le reste.

Pour que le transfert prévu soit davantage en phase avec l'esprit du projet de loi, votre rapporteur propose :

- de définir en tant que tel le domaine public routier départemental, en précisant qu'« il est constitué des routes, de leurs accessoires et de leurs dépendances, classés dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi et transférés dans le domaine public des départements après avis des conseils généraux. Les routes du domaine public routier national sont exclues de ce transfert. » ;

- de substituer aux quatre critères de définition du domaine public routier national proposés par le projet de loi un critère unique relatif à l'intérêt national ou européen des routes concernées ;

- d'appliquer ce critère non seulement au domaine routier à transférer, mais également à celui qui a déjà été transféré depuis plus de trente ans, certains axes ayant perdu leur caractère départemental et devant réintégrer le domaine public routier national ;

- de renvoyer la procédure de transfert à un paragraphe distinct.

La Commission a rejeté deux amendements de suppression présentés par MM. André Chassaigne et Bernard Derosier, avant d'adopter un amendement du rapporteur préservant le domaine de recherche propre à l'État sur le domaine routier relevant de sa compétence (amendement n° 315).

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement du rapporteur, co-signé par le président Pascal Clément, tendant à substituer à la combinaison de quatre critères, prévue par le projet de loi pour déterminer le domaine public routier national, le critère unique de l'intérêt national ou européen. Le rapporteur ayant jugé ambiguë la combinaison de critères proposées par le projet et souligné que cet amendement était lié à un amendement suivant, traitant le cas inverse du transfert dans le domaine national de routes départementales, le président Pascal Clément a souligné qu'il importait de corriger les contradictions dont souffre aujourd'hui le partage des compétences routières entre l'État et les collectivités territoriales. M. Robert Pandraud a relevé l'intérêt que revêtirait une transmission rapide du schéma des transferts routiers en cours d'élaboration par la direction des routes. En réponse à l'évocation par M. Émile Blessig de la question connexe des itinéraires de transports exceptionnels, le rapporteur a indiqué que l'article 16 du projet de loi maintenait un contrôle de l'État dans ce cas de figure.

M. Xavier de Roux ayant souligné que devait également être posée la question du transfert du financement, le président Pascal Clément a signalé que celui-ci était prévu par le projet et que, dès lors, les financements croisés État-département étaient destinés à disparaître pour ce qui concerne les routes transférées, mais que, en revanche, il était à craindre que les financements croisés demeurent la règle pour le domaine routier qui demeurerait de la compétence nationale, au financement duquel les collectivités territoriales seraient sans doute encore appelées à contribuer. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 316).

En conséquence, la Commission a rejeté deux amendements, devenus sans objet, n° 125 de M. François Goulard et n° 136 de M. Jean-François Mancel, ainsi qu'un amendement présenté par M. André Chassaigne, tendant à remplacer, au deuxième alinéa du II, le mot « desserte » par le mot « développement ». 

La Commission a adopté un amendement du rapporteur, co-signé par le président Pascal Clément, permettant le retour au domaine public routier national de routes départementales présentant un intérêt national ou européen (amendement n° 317).

En conséquence, la Commission a rejeté un amendement devenu sans objet, présenté par M. André Chassaigne, tendant à supprimer le III de l'article 12.

La Commission a ensuite adopté un amendement de conséquence du rapporteur, portant rédaction nouvelle dudit paragraphe III (amendement n° 318).

En conséquence, la Commission a rejeté cinq amendements de M. Bernard Derosier, et l'amendement n° 137 de M. Jean-François Mancel, devenus sans objet.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Bernard Derosier, prévoyant la conclusion de conventions entre les départements et l'État pour la remise en état, par celui-ci, du domaine routier national préalablement à son transfert. M. René Dosière a souligné combien il était souhaitable d'éviter le renouvellement des difficultés qui, vingt ans auparavant, avaient découlé du transfert des lycées aux régions.

La Commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

Article 13

(art. L. 4433-24-1, L. 4433-24-2 et L. 4433-3 du code général des collectivités territoriales)


Dispositions particulières relatives aux départements et régions d'outre-mer

L'objet de l'article 13, sur lequel le Sénat n'a procédé qu'à des modifications formelles, est de prévoir un dispositif de transfert des routes spécifique aux départements et régions d'outre-mer.

D'ores et déjà en effet, ces collectivités territoriales sont soumises à un régime particulier en la matière. La loi d'orientation pour l'outre-mer n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 a en effet instauré un mécanisme facultatif de transfert des routes nationales aux régions de Guadeloupe, Guyane, Martinique et de la Réunion, seule une demande de leur part étant susceptible d'enclencher le processus de transfert (article L. 4433-24-1 du code général des collectivités territoriales). Jusqu'à cette date, les routes nationales relevaient du patrimoine de l'État. En pratique cependant, seule la région de Martinique a mis à profit cette faculté, après avoir conclu des conventions de mise à disposition des personnels déconcentrés du ministère de l'équipement sur le fondement du décret n° 2002-382 du 19 mars 2002 relatif à cet objet.

Le projet de loi revient sur ce dispositif au profit d'un mécanisme de transfert plus proche de celui qui est mis en œuvre en métropole (paragraphe I). Dans sa nouvelle rédaction, l'article L. 4433-24-1 confie au représentant de l'État le soin d'organiser une concertation avec le département et la région en vue de déterminer la collectivité bénéficiaire du transfert de l'ensemble des routes nationales. A l'issue de cette concertation dont la durée maximale ne peut excéder neuf mois, le bénéficiaire est désigné par décret, selon le résultat de la concertation ; faute d'accord, la région est déclarée propriétaire es voies nationales de plein droit.

La procédure instaurée à l'article L. 4433-24-1 emprunte en réalité à la fois au dispositif actuellement en vigueur dans ces collectivités et au mécanisme de transfert des aéroports et des ports décrit aux articles 22 et 24 du projet de loi. Ainsi, contrairement à la métropole, c'est la région qui est considérée comme la collectivité « naturelle » en matière de transport, là où c'est le département qui est reconnu comme tel en métropole : la structure administrative (région monodépartementale) spécifique de ces collectivités explique évidemment cette différence. Reste que, dès lors que le transfert n'est plus volontaire mais imposé, le recours à une procédure de concertation mettant « en concurrence » les deux collectivités potentiellement susceptibles de bénéficier du transfert s'imposait : celle-ci est l'exacte transcription de l'appel à candidature imaginé en matière aéroportuaire et portuaire.

Le projet de loi initial comportait un alinéa supplémentaire, modifiant l'article L. 4433-24-2 du code précité afin de donner au président du conseil régional les pouvoirs normalement dévolus au président du conseil général sur son domaine public routier. La commission des lois du Sénat, suivie par l'ensemble des sénateurs, en a proposé la suppression au motif qu'il était redondant avec les dispositions de l'article L. 4433-24-1-1 du même code issues de la loi n° 2003-660 du 23 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer.

Les conséquences financières du transfert de la voirie nationale aux régions ou aux départements d'outre-mer sont traitées dans le II, qui envisage deux hypothèses :

-  soit la région devient propriétaire du réseau routier national, auquel cas le droit existant n'est pas modifié. Ainsi, une dotation financée par le produit de la taxe spéciale de consommation prévue à l'article 266 quater du code des douanes est affectée, au sein du budget de la région, à l'aménagement du réseau routier national ;

-  soit c'est le département qui est attributaire des routes nationales. Dans ce cas, la dotation précitée est affectée au budget du département, en plus des dotations dont il bénéficie déjà pour financer les dépenses d'investissement afférentes à la voirie dont il a la charge. Le projet de loi supprime en outre, par coordination, la mention des dépenses de fonctionnement assurées par l'État dans le cadre de sa mission de réalisation et d'entretien des voiries.

Ces dispositions financières spécifiques ne sont pas exclusives de l'application du titre V de la présente loi, relatif aux compensations financières, de même que de celle du titre VI, sur le transfert des services et des personnels (paragraphe III). De même, le transfert d'ores et déjà réalisé par la région Martinique sur le fondement de la loi du 13 décembre 2000 précitée bénéficie des dispositions inscrites dans ces deux titres : cette disposition vise à ne pas pénaliser la Martinique qui s'est vue attribuer la propriété des routes nationales sur la base d'un régime juridique abrogé par le présent projet de loi.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de M. André Chassaigne, la Commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14

(art. L. 122-4, L. 151-6 à L. 151-11, L. 153-1 à L. 153-3, L. 153-5 et L. 153-6
du code de la voirie routière)


Institution de péages sur la voirie routière

L'article 14 du projet de loi autorise l'instauration de péages non seulement sur les autoroutes concédées, comme le prévoit d'ores et déjà le droit actuel, mais également :

- sur les autoroutes non concédées par État (paragraphe I) ;

- et les routes express, qu'elles soient situées dans le domaine public routier national, départemental ou communal (paragraphe II). Dans ce dernier cas, l'autorisation sera donnée par délibération de l'organe délibérant de la collectivité propriétaire, après avis du conseil régional. Elle devra être justifiée par « l'utilité, les dimensions, le coût » de ladite route « ainsi que le service rendu aux usagers ».

Le présent article concerne également le régime des péages sur les ouvrages d'art (paragraphes III, III bis, IV et V).

Le péage : une réponse partielle aux besoins de financement des infrastructures routières et autoroutières

-  Un trafic routier en hausse dans les deux décennies à venir

Le rapport d'audit sur les grands projets d'infrastructures de transport évoqué précédemment est formel : les trafics vont continuer de s'accroître d'ici à 2020. Ainsi, la progression du trafic routier est évaluée à 50 % minimum par les schémas de services collectifs de transports.

Ce mode de transport reste le plus utilisé : ainsi, « pour les voyageurs, la part modale de la route s'est stabilisée à un niveau élevé depuis au moins une dizaine d'années : elle supporte près de 89 % des déplacements de personnes en 2001 soit une part sensiblement identique à celle de 1990 (...) Pour les transports de marchandises, la part du mode routier, déjà déterminante à la fin des années 80, a connu depuis une croissance importante : elle est ainsi passée entre 1990 et 2001 de 77 % à 83 % du trafic local intérieur hors oléoducs exprimé en milliards de tonnes-kilomètres » (10).

- Des besoins de financement croissant

Ce taux de croissance fait dire aux spécialistes que « pour continuer à disposer d'un système de transports performant, sûr et qui réponse aux besoins des particuliers et à ceux de l'économie dans l'espace européen, notre pays doit continuer à développer une politique d'investissement dans les infrastructures de transports ». (11)

Ces investissements sont de nature différente selon les réseaux considérés.

En matière autoroutière, en effet, la problématique d'investissement est déterminée par trois paramètres : l'achèvement en cours du maillage, la saturation de certains grands axes et la continuité autoroutière au droit des grandes agglomérations, qui pose la question de nouveaux contournements à péage.

S'agissant du réseau des grandes liaisons interrégionales d'aménagement du territoire non concédées qui constituent le réseau structurant, il « appelle non une extension, mais un aménagement progressif destiné à offrir une qualité de service fournie par un aménagement généralement prévu à terme à 2x2 voies. En outre, certaines de ces liaisons jouent un rôle majeur dans la structuration du réseau national notamment par la création de liaisons performantes ne passant pas par Paris. » (12)

Enfin, de manière générale, les auditeurs de l'inspection générale des finances et du conseil général des ponts et chaussées insistent sur la « nécessité, mise en évidence par plusieurs rapports (cour des comptes, conseil général des ponts et chaussées) d'augmenter les crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des réseaux d'infrastructures. (...) Il existe également des besoins financiers significatifs pour l'entretien et la réhabilitation du réseau routier. »

la hausse prévisible des dépenses d'entretien et de réhabilitation

« Sur la seule composante non concédée, le niveau d'entretien et de réhabilitation atteint ces dernières années a fait l'objet de critiques récurrentes. La Cour des Comptes a ainsi souligné en 2000 le bas niveau des dotations budgétaires affectées à l'entretien du réseau ordinaire et des ouvrages d'art. Elle a notamment estimé qu'une enveloppe annuelle supplémentaire de l'ordre de 230 millions d'euros sur 10 ans serait nécessaire pour parvenir à une maintenance « optimale » de l'existant.

Si les moyens affectés à l'entretien ont amorcé un rattrapage entre 2000 et 2002, ils demeurent sensiblement en retrait par rapport à l'enveloppe identifiée par la Cour puisqu'ils n'en représentent que 81 % en 2003. De fait, les projections transmises à la mission par la direction des Routes tablent sur une croissance importante des enveloppes consacrées à la restauration et l'entretien pour les années restant à courir jusqu'à l'achèvement du XIIème plan (690 millions d'euros par an en moyenne sur 2004-2006 contre 583 millions d'euros en 2003) puis leur stabilisation à un niveau élevé (770 millions d'euros par an en moyenne entre 2007 et 2020). Ces engagements potentiels sont pour supplémentaire très fortement dépendants des choix qui seront arrêtés dans le cadre du développement de la décentralisation. »

Source : rapport d'audit IGF - CGPC, février 2003.

- Un cadre de financement profondément rénové

L'une des conclusions majeures de l'audit réalisé en 2003 sur les grands projets d'infrastructures réside dans la nécessité de repenser en profondeur le mode de financement des infrastructures routières.

En effet, les pratiques antérieures de débudgétisation et d'affectation de prélèvements spécifiques sur l'usager ont été remises en cause.

C'est ainsi que, dans le domaine autoroutier, la pratique de l'adossement, qui n'était autre qu'un mode de débudgétisation, a presque totalement disparu. Ce mode de financement des infrastructures autoroutières, qui permettait au concessionnaire d'adosser le financement des nouvelles liaisons aux résultats dégagés par les sections déjà amorties, c'est-à-dire de financer les nouvelles sections d'autoroutes, éventuellement moins rentables, par les péages prélevés sur les sections plus anciennes, plus rentables et parfois déjà amorties, a disparu pour des raisons essentiellement juridiques. En effet, cette pratique était rendue possible par le fait que l'État choisissait de manière discrétionnaire un concessionnaire qui disposait d'un quasi-monopole sur une zone géographique déterminée. Or, tant du point de vue communautaire que du point de vue national, cette procédure a été jugée incompatible avec les règles de concurrence. Notamment, le Conseil d'État a estimé, dans un avis du 16 septembre 1999, que les concessions autoroutières entraient dans le champ des délégations de service public et que la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin, qui impose une mise en concurrence préalable pour l'attribution des délégations de service public, leur était applicable.

La mise en concurrence désormais systématique des concessions à attribuer - applicable seulement aux nouvelles d'entre elles - empêche « les sociétés d'autoroutes existantes de financer l'extension de leur réseau par l'intermédiaire de subventions croisées à partir d'activités pour lesquelles elles disposaient d'un monopole prolongé (13). [Elle] a contribué à "révéler la vérité des coûts". De ce fait, les opérations dont la concession est actuellement envisagée n'apparaissent plus qu'exceptionnellement rentables sans l'octroi de subventions parles pouvoirs publics. » (14)

De même, le principe d'une affectation aux investissements en infrastructures nouvelles des ressources liées à l'usage des réseaux de transports, telles que les deux taxes spécifiques (15) affectées au fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (fittvn), budget annexe créé pour financer de nouvelles infrastructures de transport, est également remis en cause.

Deux solutions alternatives aux débudgétisations et aux affectations de recettes sont envisageables :

- la contribution de l'usager ;

- les financements budgétaires.

Selon le rapport d'audit sur les grands projets d'infrastructures de transport, « les contributions provenant des usagers sont appelées à poursuivre leur progression. » Rappelons que ce rapport n'envisage que le cas des autoroutes concédées, tout système de péage étant interdit sur le reste du réseau dans l'état actuel du droit. Ce constat appelle cependant des remarques nuancées selon le réseau considéré. Les études menées par le conseil général des ponts et chaussées font notamment apparaître que, sur le réseau routier interurbain, « les usagers, particuliers et professionnels, paient en moyenne les coûts qu'ils génèrent. » Globalement valide, cette conclusion doit être modulée selon que l'on considère les différents types de véhicules et de réseaux. Selon la direction de la Prévision, « par type de véhicules, il ressort qu'en moyenne la sous-tarification est avérée pour les poids lourds et plus encore pour les véhicules légers fonctionnant au gazole. Par type de réseau, la sous-tarification est maximale sur le réseau des routes nationales ordinaires et dans une moindre mesure sur celui constitué par les routes nationales à plus de deux voies. »

Reste que, au vu des conditions d'équilibre financier des concessions potentielles, le prélèvement sur l'usager n'est pas une solution pérenne : conjuguée à la participation financière désormais limitée des gestionnaires d'infrastructures, cette situation nécessite automatiquement, en supplément, une mobilisation importante des financements budgétaires dans les projets d'infrastructures routières à venir. Selon le conseil général des ponts et chaussées, la part des concours publics représentera 86 % des besoins de financement et impliquera, outre l'État, les fonds communautaires mais également les collectivités territoriales.

Le projet de loi : des réponses juridiques adaptées aux défis à venir

- le réseau autoroutier : un régime modernisé

« L'usage des autoroutes est en principe gratuit » : tel est le principe sur lequel repose, en droit positif, le droit autoroutier, qui doit immédiatement être tempéré par l'exception importante dont il est assorti. Les autoroutes concédées peuvent être soumises à un droit de péage, destiné à assurer le remboursement des avances et des dépenses consenties par l'État et les collectivités ou établissements publics, l'exploitation de l'autoroute et, éventuellement, son entretien, son extension ainsi que la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire. Ce droit est autorisé par la convention de concession et le cahier des charges, documents approuvés par décret en Conseil d'État.

Pour répondre aux besoins du secteur autoroutier non concédé, le I de l'article 14 étend la possibilité d'instaurer un péage sur cette portion du réseau. Dans ce cas, le paiement du service rendu par l'usager est destiné à financer, en totalité ou partiellement, les dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure.

S'agissant de autoroutes concédées, le projet de loi ne change rien au droit positif : dans cette hypothèse, le péage a également pour but de couvrir la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le délégataire. Par ailleurs, le projet de loi précise, dans une rédaction clarifiée par rapport au droit existant, la fonction de la convention de délégation et du cahier des charges.

Sur proposition du sénateur Oudin, ont été ajoutés plusieurs alinéas destinés à régler, notamment, les problèmes apparus depuis la suppression de l'adossement et à prendre en considération le rôle croissant joué par les collectivités territoriales dans le financement des infrastructures autoroutières. Ainsi, en vertu de ces nouvelles dispositions, il serait désormais possible d'intégrer, par voie d'avenant au cahier des charges, des ouvrages ou aménagements non prévus, le cas échéant après déclaration de leur utilité publique. Cette possibilité est subordonnée à la condition que ces ouvrages soient nécessaires ou utiles à l'exploitation de l'autoroute, tout en ne représentant que des éléments accessoires de l'ouvrage principal. Pour leur financement, trois possibilités sont envisagées :

-  en principe, ce type de travaux supplémentaires doit être financé par l'augmentation des tarifs de péage ;

-  cependant, si celle-ci est excessive, le projet de loi autorise un allongement de la durée de délégation, l'une comme l'autre mesure de financement devant être strictement limitée « à ce qui est nécessaire pour compenser le coût actualisé des investissements réalisés, y compris les charges d'entretien et d'exploitation ». Le texte précise par ailleurs que « leur calcul tient compte des revenus actualisés éventuellement générés par ces investissements » et que « le taux d'actualisation reflète le coût du financement pour le délégataire. » ;

-  si aucune de ces deux solutions ne permet de couvrir la totalité du coût des investissements, l'État et les collectivités territoriales sont autorisés à apporter des concours financiers.

Ces dispositions reflètent une réalité : comme le souligne l'audit mené en février 2003, si, traditionnellement, la participation des collectivités locales était concentrée sur le réseau national non concédé aménagé progressivement dans le cadre des contrats de plan, elle est aujourd'hui également sollicitée pour le financement des nouvelles sections autoroutières et de ce qu'il est convenu d'appeler les « petits bouts » d'autoroute. Cette expression désigne les portions qui, sans être inscrites dans les contrats de concessions existants, leur sont intrinsèquement liées (prolongation limitée d'une autoroute existante, jonction de deux autoroutes, petits contournements urbains). Il convient de préciser que, dans ce cas précis, la pratique de l'adossement reste possible : bien que cette dérogation ne soit pas explicitement prévue par la loi Sapin, le Conseil d'État a reconnu cette possibilité dans son avis de 1999. Reste que, au vu de l'encadrement très strict dont elle fait l'objet, il est nécessaire de prévoir d'autres modalités de financement, comme s'y emploie l'amendement qui prévoit un système à triple détente (augmentation du péage, allongement de la durée de concession, concours publics).

Dans les faits, cependant, l'intervention de l'État et des collectivités locales risque d'être de plus en plus sollicitée. Cette remarque vaut tout autant pour le cas précis que nous examinons (les « petits bouts d'autoroute ») que pour les futures concessions. Tout d'abord, l'augmentation des tarifs de péage est encadrée par l'article 2 de la loti précitée, qui dispose que la mise en œuvre du droit aux transport « permet aux usagers de sa déplacer dans des conditions raisonnables d'accès, de qualité et de prix ». En outre, la multiplication des exigences, notamment environnementales, ne conduit pas toujours à favoriser les projets les plus économiques, tout au contraire. Enfin, même l'allongement de la durée de concession, déjà largement pratiquée, ne suffit pas toujours à compenser les coûts : ainsi, « les études montrent que le fait d'accroître la durée des nouvelles concessions n'influe que très faiblement sur les besoins en concours publics des autoroutes à faible trafic et ne constitue donc pas une réponse pertinente. A titre d'illustration, la simulation menée par la mission sur l'autoroute A 19 à partir des hypothèses de la direction des routes montre que la subvention serait de 222 millions d'euros pour une concession de 60 ans et de 221 millions d'euros pour une concession de 80 ans. Cette situation tient à la fois à la faiblesse des péages encaissés et à l'effet d'écrasement lié à l'actualisation. » (16)

C'est afin de prendre en compte cette implication croissante des collectivités territoriales que, sur proposition de M. Jacques Oudin, sénateur, le Sénat a adopté deux autres amendements :

- le premier prévoit que les collectivités territoriales peuvent recevoir leur juste part des recettes si, au-delà des prévisions initiales et après le remboursement des apports de capitaux du délégataire et du service de la dette, un excédent apparaît dans l'exécution du contrat ou de la concession.

Comme l'a rappelé l'auteur de l'amendement, dans la mesure où, de plus en plus fréquemment depuis la fin de l'adossement, les sociétés d'autoroutes exigent aujourd'hui des collectivités demanderesses qu'elles financent parfois en totalité les échangeurs, tant pour l'investissement que pour le fonctionnement, « il faut bien qu'intervienne à un moment donné un remboursement qui soit fonction de la rentabilité de l'ouvrage. Chacun aura perçu qu'il s'agit là d'une mesure d'équité entre l'ensemble des apporteurs de capitaux dans le cadre du financement d'un équipement afin d'éviter que la totalité des recettes ne soit perçue par certains et l'ensemble des dépenses assumé par d'autres. Ce serait une situation inique. » (17) ;

-  le second a pour but de permettre aux collectivités territoriales d'avoir accès à tous les éléments qui permettent de calculer et de suivre dans le temps l'équilibre financier de l'ouvrage en question. Il clarifie les comptes de la concession et permet aux collectivités d'être informées des conditions d'exécution de la concession comme les autres apporteurs de contributions financières et de revenir à une meilleure fortune si les excédents s'accumulent. En effet, si les contrats de concession autoroutière ou les conventions qui sont conclues entre un délégataire et une collectivité apportant son financement sont certes accompagnés d'un état initial des prévisions de trafic et de recettes ; en pratique, cependant, l'information des collectivités ne se fait pas de façon satisfaisante. Une telle situation n'est plus compatible avec l'implication croissante des collectivités territoriales dans le financement des autoroutes. D'où la demande de transparence des comptes des sociétés d'autoroutes introduite au I bis : selon le même orateur, « lorsqu'on accorde une concession de vingt ans, soixante ans ou quatre-vingt ans, il faut pouvoir en suivre l'évolution et les résultats. Il est difficile de prévoir le trafic à l'horizon de vingt ans, même si l'on peut toujours faire des projections. L'adoption de cet amendement permettra d'observer régulièrement le fonctionnement de la concession, de connaître ses dépenses et ses recettes et d'estimer le juste retour pour ceux qui ont apporté des capitaux en vue de la réalisation de cet investissement, qu'il s'agisse du délégataire, qui a droit à rémunération, ou de l'État ou des collectivités, qui ont droit, éventuellement, à remboursement en cas de bonne fortune. »

Votre rapporteur souscrit à l'objectif poursuivi par ces divers amendements. Il souhaite cependant en simplifier la rédaction et propose, s'agissant de domaines requérant des conditions d'application précises, eu égard à l'importance des montants financiers en jeu, de renvoyer l'application de ces dispositions à un décret en Conseil d'État.

- Une innovation : l'extension du péage aux routes express

Outre les autoroutes non concédées, les routes express (18) pourront également voir leur usage soumis à péage, aux termes des articles L. 151-6 à L. 151-11 nouveaux du code de la voirie routière : dans la même logique qu'au I, le paragraphe II ouvre aux collectivités propriétaires de ces voies (État, département, commune, y compris en cas de gestion de la route par un epci à fiscalité propre ou un syndicat mixte compétent en matière de création ou d'aménagement de voirie) la possibilité de faire payer l'usager plutôt que le contribuable local ou national.

Sur le fond, la décision de création d'un péage est subordonnée à deux types de conditions : les caractéristiques de la route express en question d'une part (utilité, dimensions, coût), le service rendu aux usagers d'autre part. Aux termes du projet de loi, l'objet du péage est, quant à lui, identique à celui qui justifie son existence sur une autoroute : il s'agit de ce que les spécialistes désignent sous le vocable de « péage d'infrastructure », c'est-à-dire dont l'objectif est le financement de l'infrastructure (construction, exploitation, entretien aménagement ou extension), et non d'un « péage sur voirie », créé afin de résorber le niveau de circulation sur des voiries particulièrement encombrées. En tout état de cause, ces préoccupations ne peuvent jouer que comme des objectifs secondaires.

Cette disposition du projet de loi introduit une innovation importante. Il faut souhaiter, à l'instar de l'avis du conseil national des transports, que le choix entre financement budgétaire et financement par le bénéficiaire du transport (péages ou redevances d'infrastructure, dans leur acceptation classique ou modernisé) s'effectuera « avec le souci :

-  que la participation des bénéficiaires du transport soit affectée aux investissements dans les transports suivant un système pérenne clairement défini ;

-  que l'ensemble se situe dans le cadre d'un dispositif national, harmonisé et équitable au niveau européen afin de ne pas pénaliser les entreprises nationales. »

Sur la forme, la décision de création d'un péage est subordonnée à :

- un décret en conseil d'État lorsque la route appartient à l'État ;

- la délibération de l'organe délibérant de la commune ou du département, après avis du conseil régional si ce dernier a financièrement participé et après avis des communes ayant un échangeur sur leur territoire.

Ces dernières dispositions sont le fruit de deux amendements sénatoriaux, le projet de loi initial se limitant à l'avis, en toutes circonstances, du conseil régional. Le Gouvernement s'est d'ailleurs opposé à la limitation de l'intervention du conseil régional, dans la mesure où la région a une mission générale à remplir en matière de cohérence des infrastructures. Votre rapporteur vous propose, au nom de ce principe de cohérence, de supprimer la restriction mise à l'intervention de la région. Quant à l'intervention des communes, elle a été suggérée dans cette rédaction par le Gouvernement, de préférence aux « communes limitrophes » proposées par Mme Gisèle Gautier. Votre rapporteur vous propose de viser plutôt les « communes traversées », ce qui est plus large que la rédaction proposée mais plus précis que les communes limitrophes. Il convient en outre de prévoir la consultation des établissements publics de coopération intercommunale (epci) à fiscalité propre :

Par ailleurs, comme pour les autoroutes, les missions de service public sur les routes express peuvent être déléguées, la convention de délégation et le cahier des charges - soumis à approbation par décret en Conseil d'État lorsque la route est nationale - précisant les conditions dans lesquelles le délégataire est autorisé à percevoir un péage.

Il revient enfin à un décret en Conseil d'État de déterminer les conditions d'application de l'ensemble de ces dispositions.

-  La rénovation du régime des péages sur les ouvrages d'art

Contrairement aux routes express, l'usage des ouvrages d'art appartenant à une voirie nationale, départementale, communale ou dont la gestion est dévolue à un epci à fiscalité propre ou un syndicat mixte compétent en matière de création ou d'aménagement et d'entretien de la voirie, peut d'ores et déjà être soumis à péage, en vertu des articles L. 153-1 à 153-6 du code de la voirie routière. Le III de l'article réécrit entièrement tous ces articles sur le modèle des articles L. 151-6 à L. 151-11, à l'exception de l'article L. 153-4, modifié très ponctuellement, et de l'article L. 153-6, abrogé.

Sur le fond, les conditions présidant à l'instauration d'un péage sur un ouvrage d'art à comprendre sur la voirie nationale, départementale ou communale ne diffèrent pas de celles envisagées en matière de route express. Toutefois, la mention relative au caractère « exceptionnel et temporaire » du péage est supprimée. Quant aux objectifs présidant à la création du péage, ils diffèrent légèrement de ce qui est prévu pour les routes express : en l'absence de concession, le péage ne peut financer que la construction de l'infrastructure ; en revanche, en cas de délégation, il couvre les dépenses liées à sa construction, à son exploitation et à son entretien ou à son exploitation et à son entretien si l'ouvrage est déjà construit.

C'est, en revanche, un parallélisme rédactionnel parfait avec le II relatif aux routes express qui prévaut également s'agissant des conditions de forme de la décision de création d'un péage sur un ouvrage d'art. En conséquence, votre rapporteur propose, par coordination, de rendre systématique l'avis de la région et de prévoir l'avis des communes traversées.

De même, la rédaction des dispositions concernant la convention de délégation et le cahier des charges annexé et l'application des dispositions par décret en Conseil d'État est reprise de celle du II.

En revanche, la spécificité de l'infrastructure concernée se traduit par l'ajout d'un alinéa, en partie repris de l'article L. 153-6 que le projet de loi abroge, qui précise que ne sont pas soumis au régime de péage qui vient d'être exposé les ouvrages d'art compris dans l'emprise des autoroutes et des routes express soumises à péage. Il s'agit ici d'éviter une double tarification de l'usager.

Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, la Commission a rejeté un amendement du même auteur visant à supprimer dans cet article la disposition paraissant remettre en cause le principe de gratuité applicable à la circulation sur les autoroutes, le rapporteur ayant indiqué que tel n'était pas le cas, puisque l'article L. 122-4 du code de la voirie routière n'était pas modifié par le projet de loi.

Le président Pascal Clément a relevé que la mise en place de péages urbains constituait une condition sine qua non du développement du réseau routier pour les zones géographiques aujourd'hui les moins bien desservies.

La Commission a ensuite adopté  trois amendements du rapporteur proposant respectivement : une clarification et une simplification rédactionnelles (amendement n° 319) ; un renvoi au décret des conditions d'application du dispositif de partage des résultats financiers des sociétés d'autoroutes concessionnaires, allégeant ainsi la rédaction jugée ambiguë adoptée par le Sénat à l'initiative de M. Jacques Oudin (amendement n° 320) ; enfin une précision dans la détermination des éléments devant figurer dans le corps du rapport relatif aux comptes des sociétés concessionnaires, prévu par l'article 14 (amendement n° 321).

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. André Chassaigne, tendant à supprimer l'institution d'un droit de péage sur les voies express, ainsi qu'un autre amendement du même auteur, prévoyant la suppression de l'article L.151-7 du code de la voirie routière.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant, en cas d'institution d'un péage sur une route express, l'avis systématique du conseil régional et de toutes les communes traversées, et supprimant en conséquence les critères de consultation retenus par le Sénat (amendement n° 322). La Commission a ensuite rejeté l'amendement n° 36 de M. Jacques Le Guen, devenu sans objet, ainsi que, pour la même raison, un amendement présenté par M. Bernard Derosier, tendant à instituer une procédure d'avis conforme des départements, au lieu d'un avis simple.

Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté sept amendements présentés par M. André Chassaigne, tendant respectivement à supprimer les articles L. 151-8, L. 151-9, L. 151-10, L. 151-11 du code de la voirie routière, le III de l'article 14, ainsi que les articles L. 153-1 et L. 153-2 du même code.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant, par parallélisme des formes avec le précédent, un avis systématique du conseil régional et des communes traversées, dans le cas où serait institué un péage pour l'usage d'un ouvrage d'art (amendement n° 323).

La Commission a rejeté, car devenus sans objet, un amendement présenté par M. Bernard Derosier tendant, dans ce même cas de figure, à transformer la procédure d'avis simple en avis conforme, ainsi que trois amendements présentés par M. André Chassaigne, tendant à supprimer l'article L. 153-3 du code de la voirie routière, le IV et le V de l'article 14.

La Commission a ensuite adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 14

(art. L. 131-9 [nouveau] du code de la voirie routière)


Répartition des charges de réfection et d'entretien des ponts
construits à l'occasion du percement de canaux

La Commission a adopté un amendement de M. Bernard Derosier, cosigné par M. Alain Gest, prévoyant que la répartition des charges de réfection et d'entretien des ponts construits à l'occasion du percement de canaux et assurant la continuité de la voirie départementale, ferait l'objet d'une convention entre l'État et les départements (amendement n° 531). Tout en exprimant ses doutes sur la recevabilité financière de l'amendement considéré, le rapporteur a néanmoins considéré que cette question appelait un réexamen, le ministre ayant lui-même reconnu, lors du débat au Sénat, la nécessité de telles conventions.

Article 15

(art. L. 116-2 du code de la voirie routière)


Exercice de la police de la conservation du domaine public routier

La police de la conservation du domaine public est aujourd'hui exercée :

- sur les voies de toutes catégories, par les agents de police municipale, les gardes champêtres des communes et les gardes particuliers assermentés ;

- sur les voies publiques ressortissant à leurs attributions, par les ingénieurs des ponts et chaussées et les ingénieurs, techniciens, conducteurs et agents des travaux publics de l'État, sous réserve de leur assermentation.

L'article 15 du projet de loi, adopté par le Sénat dans sa rédaction initiale, non seulement tire la conséquence du transfert d'une importante partie de la voirie nationale au profit des départements, mais comble également des vides juridiques.

Ainsi, il donne compétence aux agents du département commissionnés et assermentés à cet effet d'exercer la police de la conservation du domaine public routier départemental. Il s'agit là d'une mesure attendue depuis longtemps, la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes ayant transféré au président du conseil général les pouvoirs de police afférents à la conservation du domaine public routier départemental, sans que ce transfert ne soit complété par l'autorisation, pour les agents de la collectivité, de procéder, à la constatation des infractions survenues sur ce domaine.

Dans la même logique, dans les collectivités où la voirie nationale est transférée dans une autre collectivité territoriale que le département, cette compétence est reconnue aux agents de ladite collectivité, commissionnés et assermentés à cet effet par les autorités compétentes de chaque collectivité, dans les conditions prévues par les agents de l'État. Il s'agit, en Corse, des agents de la collectivité territoriale et, dans les départements d'outre-mer dont les voies sont propriété de la région, des agents de la région.

Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, la Commission a rejeté l'amendement n° 100 de M. Alain Gest, étendant aux présidents des conseils généraux la liste des personnes habilitées à constater les infractions liées à la publicité illégale le long des routes, le rapporteur ayant relevé que ce dispositif risquait de conduire à une dispersion excessive du pouvoir de police en la matière.

La Commission a ensuite adopté l'article 15 sans modification.

Article 16

(art. L. 110-3 du code de la voirie routière)


Définition et régime juridique des routes à grande circulation

L'article 16 du projet de loi procède à un profond remaniement de la notion de route à grande circulation, dont il fixe le régime au vu de la nouvelle domanialité de la plus grande partie du réseau routier.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 110-3 du code de la voirie routière en donne une définition succincte, axée autour du principe de continuité : ce sont les routes « qui assurent la continuité d'un itinéraire à fort trafic », justifiant à ce titre des règles particulières en matière de police de la circulation.

La définition proposée dans le projet de loi précise comment les routes à grande circulation assurent la continuité des itinéraires désormais dits « principaux ». Il s'agit « notamment » pour elles d'assurer :

- le délestage du trafic ;

- la circulation des transports exceptionnels, des convois et des transports militaires ;

- la desserte économique du territoire.

La liste de ces routes est fixée par décret, l'avis des collectivités propriétaires des voies étant désormais requis.

L'article 16 confère ensuite au préfet une compétence de garant du principe de continuité du service public routier sur la voirie ayant ce statut, quelle que soit sa domanialité. Il s'agit, à travers ce tempérament au principe de libre administration des collectivités territoriales, d'éviter toute opération (notamment technique) ou toute mesure rendant ces voies incompatibles avec leurs fonctions et, plus largement de permettre à l'État l'exercice de missions de souveraineté. Par exemple, si une collectivité locale est conduite à rétrécir une voie, il faut que le préfet puisse s'y opposer avec efficacité et rapidité, au vu des conséquences qu'une telle décision peut avoir en termes de sécurité. Comme l'a précisé le ministre délégué aux libertés locales lors de la séance publique au Sénat, cette disposition n'a pas « pour vocation, par exemple, de les [les collectivités territoriales] obliger à mettre une voie à certaines normes. Une telle disposition existe déjà : l'article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales prévoit, dans ce cas-là, si l'État impose des normes supplémentaires, que des compensations doivent être accordées à due concurrence. »

Tout projet doit donc être communiqué en amont au représentant de l'État, qui peut le refuser. Il convient de préciser qu'en tout état de cause la décision du préfet resterait justiciable d'un recours devant la juridiction administrative. Qui plus est, l'opposition du représentant de l'État est encadrée par des conditions de délai, à fixer par voie réglementaire : le projet de loi initial ne précisait pas la nature du décret en question, renvoyant l'application de l'ensemble des conditions du présent article à un décret du Conseil d'État ; le Sénat a souhaité préciser que la fixation de ce délai devait intervenir par décret en Conseil d'État, en plus de l'alinéa spécifiquement consacré à l'application de l'article 16. Il n'est pas certain que cette disposition fût utile ; la volonté de souligner que l'intervention du préfet, même a priori, n'a rien de commun avec un contrôle de légalité et que, dans la nouvelle France des responsabilités et libertés locales, elle ne va plus de soi, peut sans doute justifier ce luxe de précision.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Bernard Derosier, prévoyant de transformer la procédure d'avis simple prévue par le présent article pour l'établissement de la liste des routes à grande circulation, en un avis conforme, le rapporteur ayant considéré que cette modification était susceptible de donner naissance à une forme de tutelle des conseils généraux sur l'exercice de compétences régaliennes de l'État. La Commission a ensuite adopté deux amendements du rapporteur prévoyant de recueillir l'avis des groupements de collectivités territoriales (amendements nos 324 et 325). La Commission a rejeté l'amendement n° 102 présenté par M. Alain Gest, tendant à supprimer la faculté pour le représentant de l'État de s'opposer a priori à une modification des caractéristiques géométriques des routes à grande circulation qui serait souhaitée par les collectivités territoriales, le président Pascal Clément ayant indiqué qu'il s'agissait d'une question de nature réglementaire.

La Commission a ensuite adopté l'article 16 ainsi modifié.

Article 17

(art. 3 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs)


Pouvoirs du préfet en matière de prévention des risques sur les routes
à grande circulation

L'article 17, qui n'a fait l'objet que de modifications rédactionnelles ponctuelles au Sénat, renforce les pouvoirs du préfet en situation d'urgence, en complétant la liste des plans d'urgence aujourd'hui définie à l'article 3 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs.

D'ores et déjà, le représentant de l'État dans le département, en liaison avec les autorités et services compétents, est chargé d'élaborer les plans d'urgence suivants :

-  plans particuliers d'intervention, qui définissent les mesures à prendre aux abords de certaines installations ou ouvrages (sites comportant au moins une installation nucléaire de base, site de stockage souterrain de gaz combustible, d'hydrocarbures ou de produits chimiques de base à destination industrielle, aménagements hydrauliques de grande capacité, etc.) ;

-  plans destinés à porter secours à de nombreuses victimes ;

-  plans de secours spécialisés liés à un risque défini.

Le projet de loi ajoute à la liste les plans de gestion de trafic et les plans d'action en cas d'intempéries, susceptibles d'assurer la coordination des moyens à mettre en œuvre en situation de crise sur les voies routières.

Rappelons qu'en matière de trafic, le décret n° 2002-84 du 16 janvier 2002 confère d'ores et déjà au préfet de zone la compétence pour arrêter et mettre en œuvre les plans de gestion de trafic dépassant le cadre de son département. Le projet de loi introduit donc une mesure d'amélioration de la coordination de la gestion de crise en matière de trafic routier.

Quant à la disposition relative aux intempéries, elle est susceptible d'éviter que ne se répète, à l'avenir, l'épisode pénible du 4 janvier 2003 qui avaient vu plusieurs milliers de véhicules immobilisés sur l'autoroute A 10. Qui plus est, elle donne une base législative à des plans qui existent déjà dans certains départements, mais ne sont régis que par des circulaires ministérielles (« plan verglas » en Île-de-France ou « plan neige » dans la vallée du Rhône).

La Commission a adopté l'article 17 sans modification.

Avant l'article 18

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière, étendant aux investissements réalisés par des collectivités territoriales sur le domaine public routier d'une autre collectivité ou de l'État, dans le cadre d'actions de lutte contre les catastrophes naturelles, le bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (fctva). Le rapporteur a indiqué que, dans le cas des réparations consécutives à des catastrophes naturelles reconnues par arrêté, cet élargissement du périmètre du fctva ne lui semblait pas inconsidéré, mais que, dans l'attente d'un amendement proposant une nouvelle rédaction en ce sens, son avis était défavorable. La Commission a donc rejeté cet amendement.

Article 18

(art. L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales)


Éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (fctva) des fonds de concours versés à l'État
par les collectivités territoriales et leurs groupements pour des opérations d'aménagement du domaine public routier national

Dans sa rédaction initiale, l'article 18 prévoyait de rendre éligibles au fctva les fonds de concours versés par les collectivités territoriales à l'État pour des opérations d'aménagement du domaine routier national, à la condition que la collectivité concernée ait financé au moins la moitié du coût de ces opérations. À ce jour, en effet, en matière de voirie, les collectivités locales doivent notamment, pour pouvoir bénéficier des attributions du fctva, réaliser des équipements qui relèvent de leur domaine de compétences et qui sont destinés à être intégrés dans leur patrimoine à titre définitif. En effet, aux termes de l'article R. 1615-2 du code général des collectivités territoriales, les travaux réalisés pour le compte de tiers sont exclus du fctva, interprétation relativement récente, dans la mesure où, durant des années, les communes ne se voyaient pas refuser le remboursement sur ce type de travaux.

Estimant peu fréquente l'hypothèse selon laquelle une collectivité territoriale assurerait individuellement, pour chaque opération, plus de la moitié du financement en raison du grand nombre d'intervenants souvent impliqués dans les opérations d'aménagement du domaine public routier national, la commission des lois du Sénat avait proposé la suppression de l'exigence d'une participation majoritaire. Dans le même temps, elle avait également adopté un amendement dont elle reconnaissait le caractère alternatif et maximaliste, comme l'a indiqué le rapporteur de la commission des lois en séance public, qui prévoyait que soient éligibles au fctva tous les travaux réalisés sur un équipement public ou sur des biens appartenant à une autre collectivité. Simultanément, la commission des affaires économiques et la commission des finances du Sénat avaient également proposé de rendre éligibles à ce fonds les dépenses d'investissement réalisées sur le domaine public routier d'une autre collectivité territoriale.

Cette dernière proposition répond aux préoccupations de nombreux maires, inquiets de voir certains services de l'État leur refuser le bénéfice du remboursement de la tva pour des travaux réalisés, notamment, sur le domaine public routier départemental. Ainsi, la situation concrète que beaucoup de communes rurales connaissent est celle de la route départementale qui traverse un village et dont la commune refait les trottoirs : la commune est maître d'ouvrage mais, du fait des règles de partage de domanialité, la chaussée et les à-côtés de la rue principale appartiennent au département. Il s'agit donc d'une intervention sous maîtrise d'ouvrage de la commune sur la voirie départementale.

Lors du débat en séance publique, une rédaction a été adoptée, qui témoigne d'un compromis entre le Gouvernement et le Sénat. Elle prévoit de rendre éligibles au fctva les fonds de concours des collectivités locales (deuxième alinéa) et leurs dépenses d'investissement (troisième alinéa) sur le domaine public routier, qu'il soit national, départemental ou communal. Lors du débat en séance publique, les sénateurs se sont en effet ralliés à un amendement proposé par le Gouvernement, sous-amendé par la commission des lois, prévoyant l'éligibilité au fctva, d'une part, des fonds de concours versés par une collectivité territoriale à l'État ou à une autre collectivité territoriale, d'autre part des dépenses d'investissements afférentes à des travaux qu'elle peut réaliser sur le domaine public routier communal, départemental comme national.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette double évolution. S'il est important d'encadrer le fonctionnement du fctva afin d'éviter de possibles dérives, il était cependant temps de revoir un dispositif injuste et pénalisant, notamment pour les communes. Le dispositif adopté par le Sénat est, de toute façon, encadré de façon à éviter les abus :

-  ainsi, s'agissant de l'éligibilité des fonds de concours, il est prévu que le montant de ceux-ci soit déduit des dépenses réelles d'investissement prises en compte pour le calcul de l'attribution du fctva de la collectivité territoriale qui réalise les travaux ;

-  dans le cas de l'éligibilité des dépenses d'investissement, conformément à la pratique et au droit domanial en vigueur, un dispositif de conventionnement est ainsi prévu, seules ouvrant « droit aux attributions du fonds les dépenses d'investissement réalisées dans le cadre d'une convention avec l'État ou la collectivité territoriale propriétaire, précisant notamment les équipements à réaliser, le programme technique des travaux, les engagements financiers des parties. »

Pour des raisons techniques de coordination législative, le rapporteur vous propose toutefois la suppression du troisième alinéa relatif à l'éligibilité au fctva des dépenses d'investissement liées à des travaux sur le domaine routier. En effet, cette disposition existe d'ores et déjà dans notre droit puisqu'elle figure à l'article 51 de la loi de finances pour 2004. Lors du débat au Sénat sur le projet de loi de finances, un amendement du Gouvernement a, en effet, été adopté reprenant exactement le texte de ce troisième alinéa, alors que le Sénat avait d'ores et déjà adopté la disposition de l'article 18 lors du débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales. L'objet de ce doublon volontaire était qu'elle pût être applicable dès le 1er janvier 2004, le deuxième alinéa, relatif à l'éligibilité des fonds de concours au fctva, n'étant de toute façon applicable qu'au 1er janvier 2005, comme l'a confirmé M. Alain Lambert lors des débats budgétaires au Sénat.

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par Mme Valérie Pecresse, étendant le bénéfice du fctva, prévu par le projet de loi pour les fonds de concours versés par les collectivités territoriales pour leurs opérations d'aménagement du domaine routier national dont ils financent au moins la moitié du coût, à l'ensemble des fonds de concours, indépendamment de leur quote-part de participation financière aux travaux considérés. Après que le rapporteur eut répondu qu'il proposait, par coordination avec l'article 51 de la loi de finances pour 2004, qui l'avait déjà introduit dans le droit en vigueur, de supprimer le texte sur lequel portait cet amendement, la Commission l'a rejeté.

Pour la même raison, la Commission a rejeté un amendement présenté par M. André Chassaigne, étendant le bénéfice des dispositions de l'article 18 à l'ensemble des opérations d'investissement, et non pas uniquement au domaine routier, avant d'adopter l'amendement de suppression du dernier alinéa de l'article présenté par le rapporteur (amendement n° 326).

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Bernard Derosier, permettant la prise en charge par les communes, prévue dans une convention prévue à cet effet, des investissements réalisés sur les dépendances de la voirie départementale se trouvant dans leur agglomération. Le président Pascal Clément ayant relevé l'intérêt d'une telle démarche pour éviter que des conflits de compétence géographiques ne conduisent à empêcher la réalisation de travaux de voirie pourtant nécessaires, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 327).

La Commission a ensuite adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article 19

Confirmation des engagements financiers
conclus au titre des contrats de plan État-région

L'objet du présent article est d'affirmer la continuité des opérations menées dans le cadre des contrats de plan État-région.

Les dispositions de l'article 19 rappellent, en premier lieu, les obligations des collectivités locales en matière de financement des opérations routières inscrites aux contrats de plan État-région et, en second lieu, celles de l'État. Elles précisent ainsi que, sauf pour les aménagements de sécurité dont le financement est transféré aux départements, les transferts opérés en matière de voirie sont neutres pour l'application des contrats de plan en cours, venant à échéance en 2006 : les engagements financiers - 13 milliards d'euros pour les opérations routières sur la voirie nationale non concédée - pris dans ce cadre par les collectivités territoriales et l'État restent inchangés jusqu'au terme des contrats. Précisons, comme l'a rappelé le ministre délégué aux libertés locales, que le terme du contrat a lieu au moment de la remise de l'ouvrage et non pas à la fin des opérations engagées.

Cette disposition doit être lue en regard de l'amendement du gouvernement adopté à l'article 88 selon lequel « sous réserve des dispositions de l'article 19, l'État et les collectivités territoriales assurent le financement des opérations inscrites aux quatrièmes contrats de plan Etat-régions et relevant de domaines de compétences transférés, dans les conditions suivantes :

« 1° Les opérations engagées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi sont poursuivies jusqu'à leur terme, dans les conditions fixées par les contrats. Les sommes versées par l'État à ce titre sont déduites du montant annuel de la compensation financière mentionnée au II du présent article ;

« 2° Les opérations non engagées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et ressortissant à un domaine de compétences transféré, au titre duquel elles bénéficient d'une compensation financière, relèvent des collectivités territoriales nouvellement compétentes qui en assurent le financement. »

Comme le confirment les propos de M. Patrick Devedjian en séance publique, le 5 novembre dernier, les contrats de plans ne sont pas concernés par la distinction établie entre l'hypothèse où les opérations auront, au moment du transfert, déjà fait l'objet d'un engagement juridique et comptable et celle où aucun engagement n'aura eu lieu. En matière de d'opérations routières inscrites dans les contrats de plan en cours État-régions, qu'il ait eu ou non engagement juridique et comptable au moment du transfert, les contrats seront donc poursuivis dans les conditions prévues.

Par analogie avec les précédents amendements du rapporteur ayant le même objet, la Commission a adopté un amendement de celui-ci rectifiant dans l'article 19 l'oubli des groupements de collectivités territoriales (amendement n° 328). La Commission a été saisie de deux amendements concurrents, présentés respectivement par M. Bernard Derosier et par Mme Valérie Pecresse, tendant à faire courir les obligations de l'État et de la région relatives à la réalisation de travaux portant sur les routes nationales jusqu'à leur achèvement, et non uniquement jusqu'au terme des contrats de plan. Après que Mme Valérie Pecresse eut fait valoir que son amendement était moins restrictif que celui de M. Bernard Derosier, puisqu'il ne mentionnait pas les conditions fixées par les contrats eux-mêmes, le rapporteur a fait état de son avis favorable à cet amendement, tout en rappelant la position contraire exprimée par le Gouvernement au Sénat.

La Commission a adopté l'amendement de Mme Valérie Pecresse (amendement n° 329) et rejeté celui de M. Bernard Derosier.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. André Chassaigne, prévoyant le maintien du financement par l'État de ses engagements prévus par les contrats de plan État-région, y compris pour les aménagements de sécurité dont le projet prévoit de transférer le financement aux départements.

La Commission a ensuite adopté l'article 19 ainsi modifié.

Article 20

(décrets impériaux des 12 avril 1856 et 23 juin 1866)


Abrogation des décrets impériaux relatifs au financement de l'entretien
de la voirie à Paris

L'article 20, dans sa rédaction adoptée par le Sénat, abroge le décret impérial du 23 juin 1866 fixant le contingent de l'État dans les dépenses d'entretien des chaussées, des rues, quais, ponts, boulevards et places publiques de la ville de Paris. Le projet de loi initial proposait également l'abrogation du décret impérial du 12 avril 1856 : le Sénat a supprimé cette disposition après que le rapporteur de la commission des lois eut judicieusement fait remarquer que le décret de 1866 précité avait lui-même procédé à cette abrogation...

Ce décret institue un régime particulier puisqu'il prévoit que la ville de Paris entretient, en lieu et place de l'État, les routes nationales qui la traversent, afin de permettre un traitement identique pour l'ensemble de la voirie parisienne. Rappelons que le droit commun confie à l'État le soin d'entretenir les routes nationales, même lorsqu'elles traversent une commune.

Ce régime particulier, dit du « pavé de Paris », définit en conséquence les conditions de la participation de l'État à la prise en charge des dépenses ainsi effectuées par la ville de Paris au titre de l'entretien de la voirie nationale. Il s'agit en l'occurrence d'un mode de répartition des dépenses fondé sur un classement des voies par décret en Conseil d'État en « traverses et annexes des traverses des routes impériales ». Ce classement n'a jamais été concrétisé. Cependant, l'État a continué de verser à la ville de Paris une contribution particulière, distincte des dotations globalisées, qui s'est élevée à 13,226 millions d'euros en 2003.

Le présent article propose très pertinemment de mettre fin à un système qui, historiquement, a été source de multiples débats entre l'État et la ville de Paris, l'identification matérielle de la voirie nationale intra-muros n'ayant jamais été faite. Si la convention intervenue en 1960 entre la ville de Paris et l'État a certes apaisé ces tensions, la gestion de ce dossier n'en reste pas moins laborieuse. Sans compter les interventions successives de la Cour des comptes qui a contesté la justification de cette contribution particulière, en se prononçant pour son intégration dans une dotation globalisée. L'article 20 procède à cette réforme attendue, en intégrant cette contribution dans la dotation générale de décentralisation.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne puis adopté cet article sans modification.

Article 21

Maîtrise d'ouvrage d'opérations routières en cours lors du transfert de voirie

À l'instar de l'article 19 relatif aux contrats de plan État-région, le présent article traite des conséquences du transfert prévu par l'article 12 sur les opérations routières en cours. Il prévoit, par dérogation, que la maîtrise d'ouvrage sur des opérations - ou parties d'opérations - d'investissement en cours sur le réseau national transféré continuera à s'exercer dans les conditions actuelles, prévalant antérieurement au transfert de routes. Il s'agit là d'une mesure de bon sens, le transfert de la maîtrise d'ouvrage pouvant difficilement s'envisager en cours d'opération, en fonction de l'avancement des affaires et des marchés correspondants. Dans la même logique, il dispose que la maîtrise d'ouvrage est transférée lors de la mise en service des aménagements et, au plus tard, le 1er janvier 2007.

Il convient de préciser, comme l'a fait le ministre en séance publique au Sénat le 4 novembre dernier, que, bien que n'étant pas mentionnée, la maîtrise d'œuvre suit la maîtrise d'ouvrage : « Il y a deux cas de figure : soit le maître d'ouvrage réalise lui-même les travaux, et le transfert de la maîtrise d'ouvrage emporte automatiquement la maîtrise d'oeuvre ; soit le maître d'ouvrage délègue les travaux à un tiers par un marché de maître d'oeuvre ; dans ce cas, lors du transfert, il y aura obligatoirement un accord entre le nouveau maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre de l'opération par un avenant au marché, et les missions en cours d'exécution par le maître d'oeuvre seront automatiquement transférées. » (19)

Juridiquement, la déconnexion entre transfert de domanialité et transfert de la maîtrise d'ouvrage s'effectuera par convention, dont le Sénat a tenu à expliciter la qualité des parties concernées (l'État et la collectivité bénéficiaire du transfert) ou, à défaut, par arrêté du représentant de l'État dans le département.

Un décret en Conseil d'État est prévu pour fixer les modalités d'application du présent article.

La Commission a adopté l'article 21 sans modification.

Chapitre II

Les grands équipements

« L'harmonisation, la jonction et le développement des infrastructures à l'échelle du continent européen sont apparus comme des instruments clés pour permettre la circulation des marchandises et des personnes à l'intérieur de l'Europe et renforcer la cohésion économique et sociale de l'Union européenne. » (20)

Il peut paraître paradoxal, à première vue, qu'à l'heure où la datar met en avant la dimension européenne de la politique d'infrastructures, il soit proposé de transférer d'importantes compétences aux collectivités territoriales en matière aéroportuaire, portuaire, fluviale ou encore ferroviaires.

Le paradoxe n'est qu'apparent. À l'heure où le même organisme pointe les mises en garde répétées, par la Cour des comptes notamment, contre l'insuffisant entretien des grands infrastructures, il est temps d'appliquer un principe simple : celui de proximité, qui s'apparente à bien des égards au concept européen de subsidiarité.

Telle est la logique qui préside aux transferts de compétences proposés dans les articles 22 à 28 du présent projet de loi.

Article 22

(art. 105 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité)


Transfert des aérodromes et hélistations civils

Le présent article, modifié à la marge sur des points rédactionnels par le Sénat, prévoit le transfert d'environ 108 aérodromes, soit huit millions de passagers, du domaine de l'État vers celui des collectivités territoriales intéressées, collectivités qui, rappelons-le, ont créé plus de 300 aérodromes. Il s'agirait d'aérodromes à vocation locale à faible trafic de passagers ou de fret.

La question du transfert des aérodromes aux collectivités territoriales s'inscrit dans un débat qui n'est pas nouveau. Ainsi, un projet de loi en la matière avait été rejeté par le Parlement en 1983, ce qui avait « gelé » toute démarche de cette nature pour près de vingt ans. C'est, en effet, en 2002, que le transfert aux collectivités des aéroports appartenant à l'État a, à nouveau, été envisagé, sous forme expérimentale.

De fait, le droit français de l'aviation civile est, de longue date, conçu comme un droit décentralisé : les conditions de développement de l'aviation civile en France (rôle des pionniers, notamment) ont conduit à l'élaboration d'un régime souple, qui ouvre la possibilité, pour toute personne, de créer un aéroport en vue d'une ouverture à la circulation aérienne publique sous la seule réserve de la signature d'une convention avec l'État précisant les obligations de service public s'imposant à l'aérodrome concerné. De fait, de nombreux aéroports (près de 150 en métropole) ont été créés par des collectivités territoriales ou des groupements de telles collectivités. En outre, des aéroports appartenant à l'État ont été transférés par voie conventionnelle à des collectivités volontaires.

L'État détenant néanmoins toujours la responsabilité juridique du développement, de l'aménagement et de l'exploitation de plus d'une centaine d'aéroports de toute taille dont la plupart ont une vocation locale ou régionale, il existe encore des marges de progression pour la décentralisation accrue du secteur aéroportuaire, infrastructure clé pour la relance d'une démarche volontariste d'aménagement du territoire national.

-  Le paragraphe I définit le périmètre, l'objet, les bénéficiaires et le calendrier du transfert.

S'agissant de son périmètre, seraient en tout état de cause exclus du transfert les aérodromes « d'intérêt national ou international » et « ceux qui sont nécessaires à l'exercice des missions de l'État ». La liste en sera fixée par décret en Conseil d'État. Elle devrait inclure les aéroports de Paris - Aéroports de Paris gère quatorze aérodromes - et ceux des principales métropoles régionales, outre-mer inclus. Ainsi que l'a précisé le rapporteur de la commission des lois (21), sont destinés à rester dans le domaine national les aérodromes de Bâle-Mulhouse, Bordeaux-Mérignac, Cayenne-Rochambeau, Fort-de-France-Le Lamentin, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Montpellier-Méditerranée, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d'Azur, Pointe-à-Pitre-Le Raizet, Saint-Denis-Gillot, Strasbourg-Entzheim et Toulouse-Blagnac.

S'agissant de l'objet et du calendrier du transfert, sont concernés l'aménagement, l'entretien et la gestion des aérodromes civils appartenant à l'État à la date de publication de la présente loi, le transfert étant effectif au plus tard le 1er janvier 2007.

Votre rapporteur note que, pour ce qui concerne l'objet du transfert, la propriété n'est pas mentionnée, alors que les II et III confirment que tel est bien l'objet du transfert. Qui plus est, la lecture du I de l'article 24 relatif au transfert des ports, et construit de manière exactement similaire au présent article, confirme cette interprétation. Afin de lever toute ambiguïté, votre rapporteur propose de mentionner ce terme explicitement dès le début du I.

Une même lecture parallèle avec l'article relatif au transfert des ports conduit à s'interroger sur le décalage de date entre les deux types d'infrastructures, la clôture des procédures de transfert des ports étant prévue pour le 1er janvier 2006. Dans le souci constant de simplification qui est le sien, votre rapporteur propose d'unifier les calendriers, en choisissant le calendrier prévu pour les ports : le transfert des aérodromes concernés doit avoir lieu le 1er janvier 2006 au plus tard. Par coordination, toutes les dates intermédiaires (préavis notamment) doivent être avancées d'un an dans le présent article.

Enfin, les bénéficiaires sont les collectivités territoriales - ou leurs groupements - dans le ressort géographique desquelles sont situées ces infrastructures. On remarque que, contrairement au transfert du domaine routier, aucune collectivité ne se voit nommément attribuer la compétence en matière aéroportuaire.

- Le paragraphe II clarifie ce dernier point : l'absence de dévolution des aéroports à un type de collectivité s'explique aisément par le fait que, d'ores et déjà, tous les niveaux de collectivités territoriales sont compétents pour créer un aérodrome, les besoins en la matière étant fort divers (loisir, trafic local variable...). Rappelons par exemple, que, sur les quelque 300 aérodromes créés par les collectivités territoriales, seule une quinzaine enregistre un trafic supérieur à 100 000 passagers par an. La logique du bloc de compétences eût, par conséquent, été absurde en cette matière.

D'où la mise en place d'un dispositif de transfert qui allie concertation et compétition. Quatre scénarios sont envisagés par le II :

Scénario n° 1 : une collectivité demande à être bénéficiaire du transfert d'un aérodrome situé sur son territoire et ne figurant pas dans le décret susmentionné. Cette demande doit intervenir avant le 31 août 2006 et être notifiée simultanément par la collectivité qui en est l'auteur à l'État et aux autres collectivités intéressées. Si aucune autre demande n'apparaît dans les trois mois suivant la notification, la collectivité demanderesse est réputée bénéficiaire du transfert. Votre rapporteur relève que, pour les ports, le délai prévu est de six mois. Afin de simplifier le texte, il propose d'uniformiser ce délai, en s'alignant sur le régime des ports pour lesquels, eu égard à des raisons techniques (notamment, en cas de transfert partiel impliquant des travaux), six mois sont nécessaires.

Scénario n° 2 : plusieurs demandes sont présentées dans les conditions évoquées ci-dessus, soit en même temps, soit successivement, dans le délai de notification. Le représentant de l'État organise alors une concertation, dont il fixe la durée et dont l'objectif est d'aboutir à la présentation d'une demande unique. Les collectivités participant à la concertation s'accordent alors sur la candidature de l'une d'entre elles, qui est désignée comme bénéficiaire du transfert.

Scénario n° 3 : ce scénario diffère du précédent en ce qu'il postule que la concertation ne permet pas d'aboutir à un accord.

Le représentant de l'État dans la région désigne alors la collectivité bénéficiaire du transfert, en tenant compte des caractéristiques de l'aérodrome, notamment de son trafic et de sa zone d'attraction, ainsi que des enjeux économiques et d'aménagement du territoire. La région est prioritaire si elle est candidate.

Scénario n° 4 : aucune demande n'est présentée avant le 31 août 2006. Dans ce cas de carence, c'est le scénario n° 3 qui s'applique, avec l'intervention du représentant de l'État dans la région.

En complément de ces dispositions, le Sénat a ajouté une disposition similaire à celle qui est prévue pour les routes : dans les scénarios 1 à 3, le représentant de l'État dans le département est tenu de communiquer aux collectivités ou groupements sollicitant le transfert de compétence toutes les informations dont il dispose afin que le transfert s'effectue en connaissance de cause. Cette disposition vise, comme pour les routes, à pallier l'impossibilité, pour des raisons tant de coût que de délai, d'un audit préalable des infrastructures concernées.

- Le paragraphe III envisage les modalités ainsi que les effets et conséquences juridiques du transfert.

Si la loi fixe les conditions générales du transfert, en revanche, les conditions particulières de chaque transfert, notamment ses modalités et sa date d'entrée en vigueur, relèvent d'une convention entre l'État et le bénéficiaire. Cette procédure conventionnelle renvoie à l'article du code de l'aviation civile relatif à la création d'aérodromes : ainsi, aux termes de l'article L. 221-1 de ce code, « la création d'un aérodrome destiné à la circulation aérienne publique, lorsqu'il n'appartient pas à l'État, est subordonnée à la conclusion d'une convention entre le ministre chargé de l'aviation civile et la personne physique ou la personne morale de droit public ou de droit privé qui crée l'aérodrome. »

Quant aux effets et conséquences juridiques du transfert d'aérodromes, ils sont exactement calqués sur ceux qui prévalent en matière de voirie : la collectivité ou le groupement bénéficiaire succède à l'État dans l'ensemble des droits et obligations à l'égard des tiers ; le changement de domanialité n'induit aucun versement financier de quelque sorte par l'État en contrepartie du transfert des biens de l'aéroport. Toutefois, deux réserves sont introduites, tenant à l'éventuel recours à ces infrastructures par l'État pour l'exercice de ses missions de souveraineté. Le projet de loi exclut ainsi du transfert les emprises et installations nécessaires pour les besoins de la défense nationale, de la sécurité de la circulation aérienne, de la météorologie et de la sécurité civile. Il s'agit, par cette disposition, de préserver un maillage territorial apte à répondre sinon à des situations de crise, du moins à des besoins urgents ou que l'État est le seul à pouvoir mettre en œuvre. Ce dispositif est complété par un mécanisme de mise à disposition, à préciser dans la convention ou l'arrêté précités, des installations ou aménagements nécessaires au fonctionnement des services appelés à mettre en œuvre ces missions (police, sécurité, météorologie).

-  Afin de tenir compte des éventuelles hésitations de certaines collectivités, le paragraphe IV ouvre un droit à l'expérimentation, par une collectivité ou un groupement, du transfert d'un aérodrome, dans le délai d'un an à compter de la publication de la présente loi. Dans ce cadre, les biens visés au III font l'objet d'une mise à disposition.

Cette démarche n'est pas nouvelle : elle est calquée sur celle qu'ouvre l'article 105 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Ainsi, jusqu'au 27 février 2003, les collectivités territoriales pouvaient demander à se voir transférer, à titre expérimental, les compétences pour aménager, entretenir et exploiter, dans les conditions prévues par le code de l'aviation civile, les aérodromes civils. La loi précitée avait exclu de ce processus les aérodromes dont les biens étaient mis à la disposition d'une collectivité territoriale, d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte avant la date d'entrée en vigueur de l'expérimentation. L'expérimentation engagée sur le fondement de cette disposition législative est appelée à se clore au 31 décembre 2006.

Le dispositif expérimental prévu au présent paragraphe se substitue à ce mécanisme antérieur, d'ailleurs abrogé au paragraphe VIII. S'il est calé sur la même échéance - tous les actes engageant le bénéficiaire de l'expérimentation au-delà de cette date étant d'ailleurs soumis à l'accord préalable de l'État -, il est beaucoup plus précis quant au dispositif de sortie de l'expérimentation, point qui n'était pas précisé dans la loi relative à la démocratie de proximité. Est alors prévu un transfert de plein droit à la collectivité bénéficiaire de l'expérimentation, sauf si celle-ci a fait connaître son opposition avec un préavis de six mois.

-  Le paragraphe V envisage le cas particulier des aérodromes qui, tout en étant toujours propriété de l'État, sont mis à disposition d'une collectivité ou d'un groupement par voie conventionnelle. Dans cette hypothèse, une procédure très simple est prévue puisque le transfert est possible dès la publication de la présente loi, sur demande de la collectivité, l'échéance étant, là encore, fixée au 31 décembre 2006. Si, le 30 juin 2006 au plus tard, la collectivité résilie la convention, le transfert définitif s'effectue selon la procédure de droit commun décrite aux II et III. Par coordination, avec la modification du calendrier proposée au I, votre rapporteur vous propose que ces délais soient avancés d'un an.

-  Le paragraphe VI pose le principe de la prorogation des délégations de service public accordées par l'État sur les aérodromes faisant l'objet d'un transfert de compétences.

Deux cas de figure sont envisagés :

-  soit la délégation vient à échéance avant le transfert définitif. Dans cette hypothèse, elle est prorogée tacitement, sauf opposition du délégataire, par périodes de douze mois. A compter du transfert, la loi fixe l'échéance de la prorogation du contrat de délégation au premier anniversaire du transfert, à charge ensuite pour la collectivité de gérer librement ce contrat.

- soit la délégation vient à échéance au cours de l'année suivant le transfert définitif, avant sa première date anniversaire. Dans ce cas, la prorogation s'effectue jusqu'à cette dernière date.

-  Le paragraphe VII prévoit l'application aux hélistations civiles des dispositions des paragraphes I à VI.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne. Elle a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 330), ainsi que trois amendements du même auteur unifiant le calendrier de la procédure de décentralisation applicable aux aéroports avec celui prévu pour les ports (amendements nos 331, 332 et 333). Puis elle a rejeté un amendement présenté par M. Gérard Vignoble précisant que les aérodromes mixtes civils et militaires sont transférés dès lors qu'ils sont affectés principalement à une activité aérienne civile. Enfin, elle a rejeté un amendement de M. Bernard Derosier supprimant le sixième alinéa du II de cet article.

La Commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 23

(art. 38 de la Constitution)


Habilitation à actualiser et adapter par ordonnance certaines dispositions
du code de l'aviation civile

L'article 23 habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance à l'actualisation et à l'adaptation du livre II du code de l'aviation civile pour ce qui concerne la sûreté des vols et la sécurité de l'exploitation des aérodromes. Selon la formule habituelle, l'article précise que cette ordonnance devra être prise dans un délai d'un an suivant la publication de la présente loi, le projet de loi ratifiant cette ordonnance devant être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication. C'est à l'initiative du Sénat qu'a été introduit ce délai relativement bref, qui remplace celui de six mois habituellement prévu et que la commission des lois a estimé non « justifié ».

L'objet de l'habilitation, précisément défini comme requis par la jurisprudence constitutionnelle, devrait se traduire par trois types de modifications dans cette partie du code de l'aviation civile relative aux aérodromes (police, conditions d'exploitation, régime des servitudes aéronautiques) :

-  la définition d'un régime de certification des exploitants d'aéroports en matière de sécurité, conformément aux obligations internationales ;

-  la délimitation des compétences respectives de l'État et de l'exploitant en matière de contrôle des passagers et des bagages ;

-  la redéfinition du régime des servitudes aéronautiques.

La Commission a rejeté deux amendements de suppression présentés par M. André Chassaigne et par M. Bernard Derosier, puis adopté l'article 23 sans modification.

Article 24

(art. L. 101-1, L. 601-1 à L. 601-3 nouveaux du code des ports maritimes)


Transfert des ports maritimes non autonomes de l'État

Le présent article porte sur le transfert des ports d'intérêt national dépendant de l'État aux collectivités territoriales, principalement aux régions. Ce transfert complète celui résultant de la loi n° 83-663 du 22 Juillet 1983 qui avait transféré aux communes 228 ports de plaisance et, aux départements, 304 ports de commerce et de pêche, soit, à l'époque, 3 à 4 % du trafic total des ports maritimes français. A contrario, cette nouvelle étape représente le transfert d'une part beaucoup plus conséquente du trafic portuaire maritime, de l'ordre de 50 % du trafic de marchandises diverses et plus de 80 % du trafic de passagers, aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi. Celui-ci précise par ailleurs que « les dispositions de cet article tirent les enseignements de la première vague de décentralisation de 1983, avec les incertitudes, voire les incohérences dans l'application effective des pouvoirs confiés aux collectivités territoriales. »

La construction de l'article 24 évoque largement celle de l'article 22. Ainsi, les paragraphes I à IV sont, à quelques détails près, largement similaires aux paragraphes I, II, III et VI de l'article 22 relatif au transfert d'aérodromes civils. Les suivants comportent des spécificités : ainsi, le paragraphe V concerne le cas particulier de la Corse. Tranchant avec la structure de l'article 22, les paragraphes VI et VII introduisent un titre préliminaire et un livre supplémentaire dans le code des ports maritimes. Les VIII et IX procèdent à des abrogations diverses, les X, XI et XII concernant des dispositions ponctuelles.

-  Le paragraphe I définit le périmètre, l'objet et les bénéficiaires du transfert, dont le calendrier est renvoyé au paragraphe suivant, contrairement à l'article 22.

Sont susceptibles de transfert les ports non autonomes de l'État, c'est-à-dire les ports d'intérêt national et les ports contigus aux ports militaires. Rappelons, en effet, que le code des ports maritimes distingue les ports autonomes, les ports non autonomes de commerce, les ports de pêche et les ports de plaisance :

-  les ports autonomes sont, aux termes de l'article L. 111-1 du code des ports maritimes, « des établissements publics de l'État, dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière, placés sous la tutelle du ministre chargé des ports maritimes et soumis au contrôle économique et financier de l'État. » Il s'agit en fait des ports maritimes de commerce importants ;

-  quant aux ports non autonomes de commerce et de pêche visés par le transfert, il s'agit des ports d'intérêt national et des ports maritimes contigus aux ports militaires dont la liste en est fixée à l'article L. 121-7 du code des ports maritimes : soit, en métropole, Calais, Boulogne-sur-Mer, Dieppe, Caen-Ouistreham, Cherbourg, Saint-Malo, Brest, Le Fret, Roscanvel, Concarneau, Lorient, La Rochelle, La Pallice et Chef de Baie, des Minimes, Bayonne, Port-la-Nouvelle, Sète, Toulon, Nice, Ajaccio, Bastia ; outre-mer, Fort-de-France (Martinique), Degrad-des-Cannes et Larivot (Guyane), Saint-Pierre-et-Miquelon (Saint-Pierre et Miquelon) et Port-Réunion (Réunion).

S'agissant de l'objet et des bénéficiaires de l'opération, le transfert porte sur la propriété, l'aménagement, l'entretien et la gestion et est ouvert « aux collectivités territoriales ». À l'issue de ces transferts, le paysage juridique des ports maritimes de commerce et de pêche sera le suivant :

-  les ports maritimes autonomes, relevant de l'État, définis au titre Ier du livre Ier du code des ports maritimes ;

-  les ports maritimes (commerce, pêche, plaisance) relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements ;

-  les ports maritimes de Saint-Pierre et Miquelon, relevant de l'État.

Tel est d'ailleurs ce qu'indique l'article unique - article L. 101-1 nouveau - qui forme le titre préliminaire inséré par le paragraphe VI dans le code précité, sous la rubrique « organisation portuaire ».

La référence générale aux « collectivités territoriales » dans le I de l'article 24 comme dans l'article L. 101-1 nouveau du code des ports maritimes peut laisser croire à un transfert à la demande, à la manière de ce qui est prévu pour les aéroports. En réalité, chaque type de port a vocation à être transféré à une catégorie de collectivités. Le I doit en effet être lu à la lumière du II.

-  À l'instar du II de l'article 22, le paragraphe II précise, en effet, la procédure de transfert. Elle est, dans son déroulement, identique à celle prévue pour les ports : demande d'une collectivité de se voir transférer la totalité ou une partie du port (individualisable, d'un seul tenant et sans enclave), notification aux autres collectivités, attribution selon trois scénarios (22)- , aucun scénario correspondant à une absence de demande (scénario n° 4) n'étant envisagé - et communication de toutes les informations disponibles par le préfet aux collectivités candidates. Le scénario n° 3 (absence d'accord en cas de pluralité de demandes) diffère toutefois de ce qui est prévu en matière d'aéroports, pour lesquels c'est la région qui, in fine, est reconnue comme bénéficiaire ; dans le cas des ports, c'est une attribution par type d'infrastructure qui est prévue : à la région les ports de commerce ou les parties de port affectées au commerce ; au département les ports de pêche ou affectés en partie à cette activité.

Ainsi, contrairement aux aéroports, une spécialisation est prévue pour chaque type de collectivité, ce que confirme d'ailleurs la lecture du VII, qui, outre un titre préliminaire, introduit dans le code des ports maritimes, un livre VI relatif aux « ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements », qui comporte un article L. 601-1 prévoyant que :

-  la région ou la collectivité territoriale de Corse est compétente pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et pour aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche transférés en application du présent projet de loi, pour la Corse, de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 comme l'a précisé le Sénat ;

-  le département est compétente pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes de pêche et pour aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche transférés en application du présent projet de loi et de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 précitée ;

-  les communes ou, le cas échéant, les communautés de communes, urbaines ou d'agglomération sont compétentes pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes de plaisance et pour aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche transférés en application du présent projet de loi. Le Sénat a précisé que, s'agissant des départements qui assurent d'ores et déjà l'exploitation d'un port de plaisance, ils demeurent compétents et qu'une commune ou une des communautés précitées peut transférer, par voie de convention, à un département qui le demande, la compétence pour créer un port maritime de plaisance.

-  Comme le III de l'article 22, le paragraphe III envisage les modalités ainsi que les effets et conséquences juridiques du transfert (23). Il est à noter qu'aucune clause de sauvegarde n'est prévue pour les emprises liées, notamment, à la défense nationale, les ports militaires permettant d'ores et déjà à l'État de remplir l'ensemble de ses missions en la matière.

-  De même, le IV de cet article reprend exactement le dispositif prévu au VI de l'article 22 s'agissant des délégations de service public (24).

-  En revanche, le paragraphe V du présent article traite d'une hypothèse qui n'avait pas été envisagée pour les aéroports : celle d'un département qui transférerait les ports maritimes placés sous sa compétence à la région ou, selon le cas, à la collectivité territoriale de Corse. Ce transfert « horizontal », qui s'effectuerait en cas d'accord des deux collectivités, est d'ores et déjà rendu possible par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité mais n'a pas reçu d'application concrète. Dans ce cas, la région ou, le cas échéant, la collectivité de Corse, succèderait au département dans ses droits et obligations. Cette substitution ne pourrait donc avoir pour effet de remettre en cause ou de porter atteinte aux droits des délégataires de missions de services publics en cours.

Les modalités de ce transfert devront être réglées par convention : sont notamment concernés la délimitation des emprises ainsi que le transfert et la mise à disposition des personnels auprès de la région. La convention prévoit également le versement à la région ou à la collectivité territoriale de Corse du concours particulier créé au sein de la dotation générale de décentralisation au titre des ports maritimes de commerce et de pêche en application de l'article L. 1614-8 du code général des collectivités territoriales. Il reviendrait en fait aux départements de reverser une partie du concours particulier qu'ils reçoivent au sein de la dgf au titre des investissements exécutés ou subventionnés réalisés par l'État dans les ports maritimes de commerce ou de pêche. Tel est en effet l'objet de l'article L. 1614-8 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 précitée.

-  La plupart des dispositions contenues dans les paragraphes VI et VII modifiant le code des ports maritimes ont été évoquées précédemment. Précisons, en complément, que l'article L. 601-1 nouveau créé au livre VI nouveau dudit code relatif aux ports maritimes des collectivités territoriales- thème jusqu'alors absent de la partie législative de ce code - prévoit, outre la spécialisation des collectivités territoriales en matière de ports maritimes, une disposition dérogatoire pour les installations portuaires de Port-Cros, dont l'aménagement, l'entretien et la gestion sont confiées à l'organisme chargé du parc national de Port-Cros. Il s'agit, en l'occurrence, de l'établissement public national mentionné dans le décret n° 63-1235 du 14 décembre 1963 créant le parc national de Port-Cros.

Le paragraphe VII de l'article 24 introduit en outre, dans ce livre VI nouveau du code des ports maritimes, un article 601-2 nouveau, autorisant l'État à conclure des contrats d'objectifs, portant notamment sur le financement d'infrastructures, la sûreté et la sécurité portuaires, avec la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales compétent.

-  Les VIII et IX de l'article 24 prévoient un certain nombre d'abrogations de dispositions n'ayant plus lieu d'être.

Il en est ainsi de l'article 6 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 précitée, redondant avec l'article L. 601-2 nouveau du code des ports maritimes en ce qu'il définit la compétence des départements et des communes en la matière et devenu sans objet avec le transfert des ports maritimes d'intérêt national et des ports maritimes contigus aux ports militaires

De même, le dernier alinéa de l'article 9 de cette même loi, qui subroge, dans le chef du département ou de la commune, l'ensemble des droits et obligations à l'égard des tiers, est supprimé.

Enfin, le paragraphe IX abroge l'article 104 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, qui prévoyait une expérimentation du transfert des ports d'intérêt national en faveur des régions qui le souhaitent, jusqu'au 1er janvier 2007. A cet égard, votre rapporteur s'étonne qu'un tel dispositif expérimental n'ait pas été ouvert par le projet de loi, comme pour les aérodromes. Sans doute la décentralisation portuaire a-t-elle déjà vingt ans, ce qui peut expliquer que l'expérimentation ouverte en 2002 n'ait pas été demandée à ce jour. Cependant, dans la mesure où le transfert est aujourd'hui inéluctable, il peut être intéressant de laisser cette possibilité ouverte aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

-  Le paragraphe X unifie le régime des transferts intervenus sur le fondement de la loi n° 83-8 de 1983 précitée avec celui des transferts prévus dans le présent article. Dans la mesure où seuls l'aménagement et l'exploitation, et non la propriété, des ports maritimes ont été transférés, les dépendances du domaine public portuaire concerné sont restées dans le giron de l'État. C'est à leur transfert, à titre gratuit, que permet de procéder le présent paragraphe, sous réserve que la collectivité d'ores et déjà compétente pour l'aménagement et l'exploitation le demande.

- Les paragraphes XI et XII ont été introduits par le Sénat lors du débat en première lecture.

Le XI, issu de deux amendements identiques des rapporteurs des commissions des lois et des affaires économiques du Sénat, attribue la pleine propriété des plans d'eau des ports d'Ajaccio et de Bastia à la collectivité territoriale de Corse, par cohérence et harmonisation avec le projet de loi qui organise le transfert sans restriction aux collectivités territoriales et à leurs groupements des ports non autonomes relevant de l'État.

Le XII, proposé par M. Jean-Jacques Hyest, vise à prendre en compte la situation particulière des ports des départements d'outre-mer, notamment de la Réunion. En effet, le port de la Réunion est constitué de quatre composantes différentes : le port de commerce, le port de pêche, le port de plaisance et le port militaire. L'auteur de l'amendement ayant estimé qu'il n'était « pas envisageable que quatre tutelles différentes s'exercent sur la gestion d'une seule et même entité sans heurts et avec une efficacité optimale » (25), propose de confier à un décret en Conseil d'État le soin de fixer la liste des ports des départements d'outre-mer exclus du transfert au titre du présent article.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté un amendement de précision rédactionnelle présenté par le rapporteur (amendement n° 334). Elle a examiné un amendement présenté par M. Christian Estrosi, soumettant le transfert aux communes et à certains groupements de communes des ports maritimes dont l'activité principale est la plaisance, à l'avis des collectivités territoriales qui exerceront les compétences transférées à la date de la promulgation de la loi. Après que le rapporteur a estimé utile de prévoir une rédaction plus satisfaisante d'ici la réunion qui se tiendra en application de l'article 88 du Règlement, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur ouvrant la possibilité d'un transfert expérimental des ports (amendement n° 335).

Puis la Commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article 25

(article 38 de la Constitution)


Habilitation à actualiser et à adapter certaines dispositions
du code des ports maritimes par ordonnance

Le changement d'autorité concédante en matière portuaire oblige désormais l'État à clarifier un certain nombre de concepts et positions juridiques qui, jusque là, pouvaient être réglés au sein même de l'État, soit par voie réglementaire, soit par voie de circulaire (voies ferrées des ports, police portuaire, délégation de service public par le biais de concession d'installations portuaires,...). Le projet de loi prévoit donc que des ordonnances pourront clarifier ces questions.

Leur objet est très précisément défini par le présent article :

-  Il s'agit, en premier lieu, d'actualiser et d'adapter le livre III du code des ports maritimes relatif à la police des ports maritimes. Comme ce qui est prévu en matière aéroportuaire, l'enjeu est de délimiter les missions qui relèvent de l'État et celles qui dépendant des collectivités territoriales : comment s'exercent la sécurité et la sûreté du transport maritime ainsi que les opérations de police portuaire dans les ports dont l'activité dominante est le commerce ou qui accueillent des matières dangereuses ? Comment l'État exerce-t-il la police du plan d'eau portuaire ? Quelles sont les conditions d'accueil des navires en difficulté ? Par ailleurs, le transfert devra s'accompagner d'une définition des statuts des agents de l'État exerçant ces missions. Enfin, l'ordonnance donnera une définition des missions relevant des autres autorités portuaires, ainsi que des statuts des agents chargés de les exercer.

-  En deuxième lieu, les ordonnances visent à transposer en droit interne des dispositions communautaires applicables aux ports relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que des dispositions particulières applicables aux délégations de service public relatives à ces ports. Sont notamment concernés leur durée maximale et leur objet, qui pourra comprendre une ou plusieurs des activités portuaires, telles que le commerce, la pêche, la réparation navale ou les zones d'activités portuaires.

-  En troisième et dernier lieu, des mesures devront être prises pour actualiser les dispositions relatives aux voies ferrées portuaires, dont le régime est défini aux articles L. 411-1, L. 411-2, L. 421-1 et L. 441-1 du code des ports maritimes. Comme l'indique le rapport de la commission des lois du Sénat, « ces voies ferrées obéissent à un régime juridique particulier, dans la mesure où elles ne font pas partie du réseau ferré national géré par la SNCF. Le financement de ces voies obéit, en particulier, à des règles particulières, l'autorité portuaire participant au financement et à l'entretien des voies ferrées des quais. L'habilitation donnée au Gouvernement pourrait permettre l'amélioration de la législation actuelle, afin que soit notamment favorisé la desserte, par voies de chemin de fer, des ports maritimes, la desserte portuaire constituant un enjeu économique majeur. » (26)

Selon la formule habituelle, l'article 25 précise par ailleurs que cette ordonnance devra être prise dans un délai d'un an suivant la publication de la présente loi, le projet de loi ratifiant cette ordonnance devant être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication. C'est à l'initiative du Sénat qu'a été introduit ce délai relativement bref, qui remplace celui de six mois habituellement prévu et que la commission des lois a estimé, comme à l'article 23, « trop long ».

La Commission a rejeté deux amendements de suppression présentés par MM. André Chassaigne et Bernard Derosier.

Puis elle a adopté l'article 25 sans modification.

Article 26

(art. 1er, 1er-1 bis nouveau, 1er-4, 1er-5 et 35
du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure
et art. 5 et 7 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983)


Transfert des voies navigables fluviales et ports intérieurs

Le domaine public fluvial de l'État est une réalité ancienne puisque sa création remonte à l'édit de Moulins de février 1566. Tout au contraire, c'est très récemment qu'a été inscrit dans notre droit le domaine public fluvial des collectivités territoriales. En premier lieu, la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 a autorisé le transfert des voies navigables aux régions et des voies non navigables aux départements ainsi que des ports situés sur ces voies, sans toutefois prévoir de transfert du domaine. Cependant, il a fallu attendre la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels pour voir émerger dans notre droit la notion de domaine public fluvial des collectivités locales et de leurs groupements et introduite une procédure de transfert, aux collectivités territoriales, du domaine public fluvial de l'État. L'article 1er du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure évoque désormais parmi ses composantes « les cours d'eaux, canaux, lacs et plans d'eau appartenant au domaine public fluvial des collectivités territoriales et de leurs groupements ».

Ainsi, alors qu'en l'absence de transfert de domanialité, les collectivités territoriales ne pouvaient financer les travaux d'amélioration du domaine de l'État que par un transfert de gestion, quand bien même qu'un certain nombre d'entre elles souhaitaient développer la navigation touristique ou aménager certains ouvrages sur les cours d'eau, comme des ports de plaisance, elles auront désormais une marge de manœuvre importante dans l'aménagement fluvial. Sans compter que ce transfert met fin à l'imbrication des responsabilités qui pouvaient découler du régime précédent.

-  Le I du présent article vient compléter la définition du domaine public fluvial des collectivités territoriales en y faisant figurer la notion de « ports intérieurs », qui se substitue, dans l'ensemble du domaine public fluvial, au terme antérieur de « ports publics situés sur les voies navigables », mentionné au cinquième alinéa de ce même article.

Le projet de loi initial avait également introduit à la fin de cet article de définition du domaine public fluvial le principe de succession de la personne publique gestionnaire de ce domaine vers la collectivité ou le groupement bénéficiaire du transfert dans l'ensemble des droits et obligations à l'égard des tiers. Le Sénat a très justement estimé qu'une telle disposition n'avait nullement sa place dans un article de définition, la renvoyant à un paragraphe I bis nouveau.

-  Introduit par le Sénat, ce paragraphe I bis nouveau complète donc l'article 1-1 du même code, relatif aux modalités de constitution du domaine public fluvial des collectivités territoriales et régissant, notamment, à ce titre la procédure de transfert.

La loi n° 2003-699 précitée, qui a introduit cet article 1-1, subordonne la constitution de la nouvelle composante du domaine public fluvial formée par les cours d'eaux, canaux et plans d'eaux des collectivités territoriales à une procédure d'acquisition amiable, d'expropriation ou de transfert de propriété de l'État ou d'une autre personne publique. Ce dernier repose sur le principe du volontariat, avec priorité reconnue à la région, même si, compte tenu de la diversité des cours d'eau domaniaux et de leur longueur, il est proposé de laisser le libre choix à l'ensemble des collectivités territoriales pour demander à bénéficier de ce transfert.

Outre qu'y est repris l'alinéa supprimé au paragraphe précédent, une disposition similaire à celle qui a été introduite pour les transferts de voirie, d'aérodromes et de ports est insérée dans ce I bis, faisant obligation au représentant de l'État dans le département de communiquer aux collectivités qui le demandent toutes les informations dont il dispose sur le domaine public fluvial susceptible d'être transféré.

-  L'absence de mention, dans la procédure de transfert, des ports intérieurs, notion pourtant introduite dans la définition générale du domaine public fluvial des collectivités territoriales par le présent projet de loi, peut paraître étonnante. En fait, leurs création, aménagement et exploitation sont régis par un article spécifique, inséré par le paragraphe IV (article 1er-5), qui renvoie aux dispositions des articles 1-1 à 1-3 du même code. Sont toutefois exclus de ce champ des ports d'intérêt national inscrits sur une liste fixée par décret en Conseil d'État : il s'agit des ports dont l'importance économique ou le rôle en terme d'aménagement du territoire justifient qu'ils restent dans le giron de l'État. Le rapport de la commission des lois du Sénat mentionne à ce titre les ports autonomes de Paris et de Strasbourg, ainsi que certains ports situés dans le périmètre de la concession donnée à la Compagnie nationale du Rhône.

Par ailleurs, le projet de loi subordonne la création d'un port intérieur par une collectivité à l'accord du propriétaire de la voie ou du plan d'eau concernés, disposition logique au regard de la contiguïté et de l'interdépendance des deux domaines concernés.

-  Si les collectivités bénéficiant du transfert des cours d'eaux et canaux sur le fondement de la loi n° 2003-699 précitée s'en voient reconnaître la pleine et entière propriété, il en va différemment pour les collectivités « pionnières », qui ont bénéficié du transfert tronqué de 1983. Trois régions, la Bretagne, les Pays de Loire et la Picardie avaient, en effet, accepté un transfert de compétences selon ce dispositif. Le paragraphe II propose, dans la logique du projet de loi, de leur transférer la pleine propriété du domaine public fluvial à l'issue d'une expérimentation de trois ans. Ce délai est inférieur à celui prévu pour les collectivités bénéficiant du dispositif d'expérimentation prévu en 2003, qui est de six ans. Au terme de ce délai, les collectivités concernées peuvent soit en devenir également propriétaires, soit y renoncer.

Il peut paraître étonnant de prévoir un dispositif d'expérimentation pour des collectivités qui, depuis vingt ans, sont compétentes en matière d'aménagement et d'exploitation. En fait, c'est le Sénat qui n'a pas souhaité un transfert de propriété automatique, comme le proposait le projet de loi initial, au motif qu'« il est en effet injuste de refuser à ces trois régions la liberté de choisir qui est reconnue aux autres, d'autant que recevoir la propriété d'un domaine comporte des enjeux autrement plus lourds que d'en assurer la simple gestion. » D'où la proposition de nos collègues sénateurs de rattacher le transfert de propriété, pour les trois régions en cause, au dispositif d'expérimentation. Le raisonnement du Sénat est juste : il n'est pas souhaitable d'imposer le transfert de propriété à ces collectivités. Cependant, le rattachement au régime de l'expérimentation n'est pas satisfaisant : pourquoi ne pas plutôt prévoir un transfert de propriété automatique aux trois régions concernées, au 1er janvier 2006, sauf décision contraire de leur part prise, au plus tard, au 30 juin 2005 ?

Ce même paragraphe confère également aux régions ayant obtenu le transfert des cours d'eaux et canaux la possibilité de déléguer, par convention, tout ou partie de leurs compétences à des collectivités territoriales qui en feraient la demande. Cette disposition a été introduite au Sénat par un amendement de M. Gérard Longuet.

Enfin, comme dans le reste du projet de loi, il est précisé que les transferts sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe ou honoraire.

-  Les paragraphes III, V et VI prévoient des mesures de coordination.

Le III prend en compte la création du domaine public fluvial des collectivités territoriales au regard des pouvoirs de police de l'État en matière de navigation et d'utilisation de l'énergie hydraulique. La formulation employée jusqu'alors de « réglementation générale » était adaptée à l'époque où l'État, seul propriétaire, prenait des règlements applicables à l'ensemble des voies ; désormais, les collectivités territoriales pourront prendre des réglementations particulières, dont la coordination avec la réglementation générale de l'État pourrait susciter des contentieux. Le terme de « police » prévient tout conflit de ce type.

Le V étend le paiement de la redevance redevable en cas de prise d'eau sur les cours d'eaux et canaux aux prises d'eau sur les ports intérieurs.

Enfin, le VI abroge des dispositions devenues sans objet de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 : sont concernées le transfert de gestion des canaux, cours d'eau, lacs, plans domaniaux et ports fluviaux et une disposition redondante avec l'article 1-4 du code du domaine public fluvial sur les pouvoirs de police de la navigation reconnus à l'État.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, avant d'adopter un amendement du rapporteur rendant automatique le transfert de propriété aux collectivités territoriales des cours d'eaux et autres infrastructures visées par cet article sauf refus explicite de ces collectivités (amendement n° 336).

La Commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.

Article 27

(art. 18-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs)


Compétences du départementen matière d'infrastructures de transports ferrés ou guidés non urbains

Certains départements envisagent actuellement d'entreprendre la construction et la gestion d'infrastructures de transports ferrés ou guidés de voyageurs. Or, aucun texte ne leur reconnaissant une compétence pour la création et l'exploitation d'une ligne ferroviaire ou d'un tramway, le Conseil d'État a estimé, dans un avis du 25 mars 2003, qu'il était interdit aux départements d'exploiter ou de créer un réseau ferroviaire.

L'article 27, modifié très marginalement par le Sénat, propose donc de reconnaître la compétence des départements pour la création et l'exploitation d'infrastructures de transports ferrés ou guidés non urbains, sans qu'elle ait pour objet ou pour effet d'empiéter, d'une part, sur les missions de l'établissement public « Réseau ferré de France », et d'autre part, sur les attributions des autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains à l'intérieur des périmètres de transports urbains (ptu), afin d'éviter une concurrence stérile avec des réseaux ferrés ou routiers urbains. Un triple garde-fou est donc posé par cet article 18-1 inséré dans la loti : les infrastructures visées sont non urbaines ; elles ne concernent que le transport de personnes et sont d'intérêt local.

Il convient de préciser qu'à l'intérieur des ptu, les dessertes locales des voies ferrées établies par le département seront créées ou modifiées en accord avec l'autorité organisatrice des transports urbains.

En raison de leur régime spécifique en matière de transports de personnes, ni les départements d'outre-mer (27), ni les départements de la région Île-de-France (28) ne sont concernés par ces dispositions.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté l'article 27 sans modification.

Article 28

(art. L. 112-8 et L. 112-9 du code rural)


Transfert à la région de la propriété des biens de l'État concédés aux sociétés d'aménagement régional

L'article 28 procède au transfert des biens de l'État concédés aux sociétés d'aménagement régional, au profit de la région.

Créées en application de la loi n° 51-592 du 24 mai 1951 relative aux comptes spéciaux du Trésor, dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 112-8 et L. 112-9 du nouveau code rural, les sociétés d'aménagement régional (sar) ont pour objet la mise en valeur des régions via l'étude, l'exécution et l'exploitation d'ouvrages intéressant plusieurs départements ministériels et bénéficiant de plusieurs sources de financement. Sociétés d'économie mixte, au capital desquelles l'État ne participe pas directement, elles associent ainsi essentiellement des collectivités territoriales - en vertu de l'article L. 112-9 du code rural, les départements et régions peuvent être associés, à leur demande, à la définition des missions de ces sociétés -, des institutions consulaires et des organismes bancaires.

Trois sociétés ont été créées sur ce fondement, principalement en vue de conduire une politique de grands travaux d'aménagement du territoire - essentiellement hydrauliques - dans les régions du Sud de la France. Il s'agit de la Société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale (scp) en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, de la Compagnie nationale d'aménagement de la région Bas-Rhône et du Languedoc (brl) en Languedoc Roussillon, et de la Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne (cacg), en région Midi-Pyrénées essentiellement, et en Aquitaine. Leur mission, menée à bien sur la base d'une concession octroyée par l'État, s'appuie sur la mise en œuvre d'un équipement hydraulique d'envergure (retenues, canaux, réseaux d'irrigation...), dont la construction est aujourd'hui achevée. C'est pourquoi les activités des sar se sont diversifiées au fil du temps, conformément aux objectifs fixés par l'État dans ses lettres de mission, dont la dernière date du 6 novembre 1995.

Les programmes de grands ouvrages d'infrastructure étant aujourd'hui achevés, il est proposé de transférer aux régions la propriété des ouvrages de l'État concédés aux sar, « disposition propre à mieux impliquer et à responsabiliser les acteurs locaux dans la gestion de ce patrimoine important pour l'économie de leur région » aux termes même de l'exposé des motifs du projet de loi.

Selon une rédaction désormais usuelle, le paragraphe I définit les modalités et les effets de ce transfert, effectué à la demande de l'assemblée délibérante de la région sur le territoire de laquelle sont situés les biens de la société. Est prévu un mécanisme de subrogation semblable à ceux qui existent pour les voiries et tous les grands équipements mentionnés aux articles précédents, de même que la disposition classique se référant à la neutralité financière de l'opération de transfert. De même, l'article 28 renvoie à une concession ou, à défaut, à un arrêté du ministre chargé de l'agriculture pour définir les modalités du transfert. Le Sénat a, par parallélisme, prévu que le représentant de l'État dans la région communiquerait à celle-ci toutes les informations lui permettant de bénéficier du transfert des biens en connaissance de cause. Enfin, il est prévu que les concessions en cours à la date du transfert se poursuivent sans changement jusqu'à leur échéance, sauf décision contraire des deux cocontractants.

Par coordination avec le transfert de propriété, le paragraphe II autorise le conseil régional à concéder, par délibération, l'étude, l'exécution et l'exploitation des ouvrages nécessitant des sources de financements plurielles et impliquant plusieurs départements ministériels « à un établissement public doté de l'autonomie financière, à une société d'économie mixte ou à toute autre forme d'organisme groupant l'ensemble des personnes publiques et privées intéressées, à condition que la majorité des capitaux appartienne à des personnes publiques ». Qui plus est, cette faculté qui était subordonnée, avant le transfert, à un décret en conseil des ministres, est désormais conditionnée par la prise d'un décret en Conseil d'État lorsque la région n'a pas souhaité bénéficier du transfert des biens de la sar.

Le paragraphe III prévoit enfin l'abrogation de la disposition du code rural qui permettait, comme il a été mentionné ci-dessus, aux départements et régions d'être associés à la définition des missions des sar. Notons que cette abrogation, qui a pour conséquence, quelque peu paradoxale, d'écarter totalement les régions du fonctionnement des sar si elles se refusaient à considérer le transfert ouvert au présent article, constitue une incitation forte pour qu'elles l'acceptent.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, ainsi que deux amendements présentés par M. Pierre Morel-A-L'Huissier tenant compte du fait que les sociétés d'aménagement régional ont, au-delà de leur mission définie dans le cadre de la concession hydraulique, un rôle de développement rural défini dans une lettre de mission. La Commission a également rejeté un amendement du même auteur maintenant les droits d'eau accordés aux sociétés dont les concessions font l'objet d'un transfert.

La Commission a adopté l'article 28 sans modification.

Chapitre III

Les transports dans la région Île-de-France

La nécessité d'instaurer une autorité organisatrice des transports en région parisienne apparaît dès les années 1930, avec la création du comité des transports parisiens : cet organisme, dont la fondation avait été réclamée dès 1935 par Raoul Dautry sur le modèle du London Passenger Transport Board, vit le jour avec le décret-loi du 12 novembre 1938, à un moment de crise de l'offre de transports en commun et de montée en puissance de l'automobile. Cependant, c'est dans le décret du 14 novembre 1949 fixant l'organisation des transports de voyageurs et l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 qu'il faut rechercher les origines directes de l'actuel syndicat des transports d'Île-de-France (stif). Celle-ci crée, en effet, un syndicat des transports parisiens (stp), établissement public administratif associant l'État, la Ville de Paris, les départements de la Seine, de la Seine et Oise et de la Seine et Marne, chargé de l'organisation et la coordination technique et tarifaire des transports en commun de voyageurs dans la région dite des transports parisiens. L'arrivée de Paul Delouvrier à la tête du stp, en 1968, correspond à une profonde réorganisation du syndicat, regroupant désormais, outre l'État, l'ensemble des départements de la région parisienne - ville de Paris, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis, Val de Marne, Val d'Oise et Yvelines - au sein d'un organisme qui acquiert l'autonomie financière.

La spécificité de l'organisation francilienne en matière de transports perdure malgré les évolutions de la décentralisation et de l'organisation des transports : la création de la région Île-de-France comme l'adoption de la loti en 1982, qui organise notamment les services de transports en commun en France, ne remettent pas en question une organisation toujours fixée par le décret de 1949 et l'ordonnance de 1959. Il faut attendre l'intervention de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 sur la solidarité et le renouvellement urbains, pour voir la Région Île-de-France, « attendue depuis vingt ans » (29), entrer dans l'établissement public, qui acquiert alors son actuelle dénomination.

Pour importante qu'elle soit, l'entrée de la région au conseil d'administration du syndicat des transports d'Île-de-France (stif) n'a, toutefois, nullement remis en cause la prééminence de l'État dans cet organe qui reste présidé par le préfet de région, préfet de Paris, dont la voix est prépondérante, et soumis à un contrôle économique financier spécifique. Le moment est venu d'accomplir l'étape décisive qui rapprochera l'organisation des transports en Île-de-France des principes et modalités issus de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 confiant à une autorité décentralisée compétente la pleine responsabilité de l'organisation et du fonctionnement des réseaux de transport. Tel est l'objet des articles qui composent le présent chapitre.

Article 29 A (nouveau)

(art. L. 4413-3 du code général des collectivités territoriales)


Rôle de la région Île-de-France en matière de transports et déplacements

Cet article, issu d'un amendement proposé en séance publique au Sénat, le 5 novembre dernier, par M. Roger Karoutchi, a pour objet de tirer les conséquences de la décentralisation des transports publics en Île-de-France, en articulant le rôle désormais prééminent de la région au sein du stif, d'une part avec ceux qu'elle est appelée à jouer en matière de transport et, d'autre part avec les compétences spécifiques de l'État dans la région capitale. La normalisation du rôle de la région dans ces domaines nécessite effectivement de redéfinir exactement les rôles de chacun et de préciser l'articulation entre plusieurs dispositions législatives.

De fait, celles-ci sont multiples :

-  en premier lieu, l'actuel article L. 4413-3 du code général des collectivités territoriales confère à la région un rôle de définition et de mise en œuvre de la politique régionale de circulation et de transport de voyageurs ;

-  en deuxième lieu, en vertu de l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme, la région Île-de-France est chargée d'élaborer, en association avec l'État, un schéma directeur régional, ayant « pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique et l'utilisation de l'espace ». Plus précisément, « il précise les moyens à mettre en œuvre pour (...) coordonner l'offre de déplacement » ;

-  en troisième lieu, l'article 14-1 de la loti, d'ailleurs modifié par l'article 12 du présent projet, confie à la région le soin d'élaborer un schéma régional des transports, qui s'appellerait désormais schéma régional des infrastructures et des transports ;

-  enfin, en vertu de l'article 28-3 de cette même loi, le plan de déplacements urbains normalement confié à l'autorité organisatrice des transports dans le périmètre où il est situé est élaboré, dans la région Île-de-France, par l'État. Cependant, l'article 31 du présent projet de loi transfère cette compétence au STIF.

Le nouvel article introduit par le Sénat procède donc à une nouvelle rédaction de l'article 4413-3 du code précité, en en faisant l'article de synthèse des dispositions diverses qui viennent d'être présentées :

-  la région est désormais responsable de la définition de la politique régionale des déplacements, qui s'inscrit dans le cadre, d'une part, du schéma directeur régional prévu par l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme et, d'autre part, du plan de déplacements urbains précité ;

-  l'outil de cette politique est le schéma régional des transports, dont la dénomination doit d'ailleurs être modifiée par coordination avec l'article 12 A du projet de loi, qui le dénomme désormais schéma régional des infrastructures et des transports. Ce schéma serait arrêté par la région d'Île-de-France, en association avec le stif.

Par ailleurs, l'article 29 A nouveau vise à permettre à la région d'intervenir dans le financement des aménagements de sécurité sur les autoroutes non concédées et les routes d'Île-de-France. Le texte initial de l'amendement visait l'ensemble des autoroutes mais, à la suite de l'intervention en ce sens de M. Michel Charasse, le champ a été limité au secteur non concédé. Comme l'a expliqué M. Roger Karoutchi, cette disposition ne fait qu'inscrire dans la loi une pratique d'ores et déjà existante : « dans la mesure où la région intervient déjà, à la demande des collectivités locales, en matière de financement des aménagements de sécurité routière sur l'ensemble du territoire de Île-de-France, cet amendement va en réalité conforter une pratique qui existe d'ores et déjà dans notre région. »

S'il a reçu l'avis favorable du Gouvernement, l'amendement introduisant cet article a cependant suscité une certaine perplexité dans les rangs sénatoriaux, notamment exprimée par le rapporteur de la commission des lois. M. Jean-Pierre Schosteck s'est ainsi demandé si « cet amendement ne risqu[ait]e pas de poser certaines difficultés dans la mesure où il n'est fait référence au stif qu'au sujet de l'élaboration du schéma régional des transports, alors que le syndicat disposera, après l'adoption de ce projet de loi, de compétences d'organisation pour l'ensemble des transports de personnes. En réalité, ce que l'on n'a pas bien perçu, c'est l'articulation entre les déplacements et les transports. Dans ces conditions, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat. »

Votre rapporteur ne perçoit pas d'incohérence dans le texte proposé : il n'existe pas de concurrence entre la région et le stif, ce dernier étant au contraire le moyen idoine d'associer les départements composant la région Île-de-France à la politique régionale de transports. Sans cette référence, les départements seraient exclus du processus, alors qu'ils sont associés, en l'état actuel du droit, à la définition de la politique régionale de circulation et de transport de voyageurs, au travers des avis qu'ils donnent à la région en vertu de l'article 4413-3 du code précité. Qui plus est, il n'existe pas d'identité entre la politique de déplacement et la politique des transports, cette dernière étant plutôt un sous-ensemble de la précédente dans la mesure où elle n'intègre pas les dimensions urbanistique et prospective constitutives d'une politique globale des déplacements.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne. Elle a adopté l'amendement de coordination avec l'article 12 A présenté par le rapporteur (amendement n° 337).

Puis la Commission a adopté l'article 29 A ainsi modifié.

Article 29

(art. 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959)


Organisation et compétences du syndicat des transports d'Île-de-France

La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi sru, a engagé une réforme du stif dont la logique doit être confortée. Notamment, la régionalisation expérimentée dans le cadre de cette loi a permis des progrès en matière de transport, se traduisant, en particulier, par des ouvertures de lignes et de gares.

Restait à aller au bout du processus : tel est l'objectif poursuivi par le présent article, qui réécrit l'article 1er de l'ordonnance de 1959. Il conforte l'essentiel des acquis du système de régulation des transports de voyageurs à l'œuvre depuis plus de quarante ans (coordination multimodale, regroupement des ressources dédiées à l'exploitation des réseaux, contractualisation avec les entreprises, intégration tarifaire), en procédant à la transformation du stif pour en faire un véritable établissement public territorial, regroupant, à l'exclusion de l'État, l'ensemble des collectivités précitées, et présidé par le président du conseil régional. De fait, la région d'Île-de-France est la collectivité « naturelle » de rattachement de l'établissement public, compte tenu de l'importance des financements qu'elle consacre aux investissements de transports collectifs. Sont ainsi sauvegardés les principaux acquis du stif, sans que, pour autant, la présence de différents niveaux de collectivités dans cet organe n'en rende la gestion trop lourde.

C'est ainsi que le paragraphe I de l'article 1er de l'ordonnance précitée supprime la référence à l'État dans la liste des membres composant le stif et modifie le statut du stif, tout en précisant que le stif, établissement public, se substitue au stif, syndicat doté de la personnalité morale, à compter du 1er janvier 2005 au plus tard. Le principe de continuité administrative est garantie par les mécanismes classiques de transfert : subrogation dans les droits et obligations à l'égard des tiers, ainsi que dans les délibérations et actes du syndicat, gratuité du transfert et absence de tout échange financier entre les deux organes.

Un certain nombre des missions de l'établissement public, présentées dans le paragraphe II, ne sont pas modifiées par rapport au droit existant : fixation des relations à desservir, désignation des exploitants, définition du mode technique d'exécution des services, des conditions générales d'exploitation et de la politique tarifaire. D'autres sont ajoutées par le projet de loi : définition des conditions de financement des services, veille sur la cohérence des programmes d'investissement. Des missions à destination de publics spécifiques lui sont par ailleurs assignées : transport des personnes à mobilité réduite, services de transports à la demande - ce qui vise notamment les scolaires et personnes dépendantes ou handicapées - et, dans une logique de rapprochement de la situation existant sur le reste du territoire depuis 1984, responsabilité de l'organisation et du fonctionnement des transports scolaires, assortie de la consultation, au moins une fois par an, du conseil interacadémique d'Île-de-France. C'est là une avancée qu'il faut souligner : sur ce point aussi, l'Île-de-France bénéficie d'une décentralisation accrue, même si sa spécificité justifie que ce soit la région, et non les départements comme partout en France, qui exerce la compétence des transports scolaires. Il convient, de toute façon, de rappeler que les départements sont membres du syndicat,

En outre, le stif se voit attribuer la compétence de l'organisation du transport public fluvial régulier de personnes, mode de transport qui n'était jusqu'alors reconnu par aucun texte. Enfin, ses compétences seront étendues à la maîtrise d'ouvrage en matière de réalisation d'infrastructures de transport, dans la limite des attributions reconnues à Réseau ferré de France et à la ratp. À ce jour, si le syndicat ne dispose pas au sens strict de capacité de maîtrise d'ouvrage, celle-ci étant assurée par la ratp, Réseau ferré de France - ou par les collectivités territoriales ou par État pour les aménagements de voirie liés à la réalisation de système de transport -, le syndicat veille toutefois à la cohérence des plans d'investissement concernant les services de transports publics de voyageurs et approuve les schémas de principe et avant-projets d'infrastructures nouvelles qui ont été pour l'essentiel contractualisées entre l'État et la Région dans le contrat de plan État-Région.

En vertu de ce même paragraphe II de l'article 29, l'affirmation d'une collectivité majoritaire est combinée avec la possibilité, pour l'autorité organisatrice unique, de pouvoir consentir à des collectivités de niveau infrarégional (départements, agglomérations) de très larges délégations, notamment pour l'organisation de réseaux de proximité : ce procédé ne doit concerner que des périmètres ou des services définis par convention. Quant aux transports scolaires, aux services à la demande, au transport des personnes à mobilité réduite et aux transports fluviaux, il revient au stif de les donner en régie à une personne publique ou, via une convention, d'en confier la gestion à une entreprise ou une association.

Le paragraphe III, prévoyant une clé de répartition du financement des charges liées à l'exploitation des services de transport entre les membres du syndicat, ne fait que reprendre une disposition existante. Celle-ci est toutefois assortie de deux précisions : l'une visant à rappeler le caractère de dépenses obligatoires de ces contributions, l'autre précisant que la majorité des deux tiers des membres du syndicat est requise pour modifier cette répartition. Ce même paragraphe met en outre à la charge du syndicat les frais de transport individuel des élèves et des étudiants handicapés vers les établissements scolaires et universitaires.

C'est dans le paragraphe IV que sont définies les modalités de fonctionnement du stif, et notamment les règles de majorité. Celles-ci sont, effet, bouleversées par la fin de la composition paritaire du syndicat qu'entraîne le départ de l'État et de l'abrogation de la règle de prépondérance reconnu au président d'alors, à savoir le préfet. Dans le nouveau schéma, il reviendra à un conseil, composé de représentants des collectivités territoriales qui en sont membres, d'administrer le syndicat, la région d'Île-de-France disposant de la majorité des sièges. Fallait-il prévoir la présence des collectivités délégataires ? Cette « fausse bonne idée » n'a pas été retenue : la participation des autorités organisatrices de second rang aurait, en effet, des conséquences ennuyeuses, en les contraignant à contribuer au financement du stif, chaque membre devant apporter une contribution financière, et rendrait difficile le fonctionnement du conseil d'administration du stif. Quant au président du syndicat, il est élu parmi les représentants du conseil régional d'Île-de-France.

Si le paragraphe VII renvoie à un décret en Conseil d'État pour fixer les statuts de cet établissement public, la loi requiert toutefois une majorité qualifiée des deux tiers pour les principales décisions que sont les délégations d'attributions relevant du syndicat et les modifications de répartition des contributions des membres du syndicat. La logique du système et la composition du conseil d'administration réclament à l'évidence une telle majorité qualifiée des deux tiers, afin qu'aucune collectivité ne domine les autres sur des questions aussi importantes.

Quant à l'État, il reste présent, en amont et en aval des actes et décisions du syndicat : d'une part, le représentant de l'État dans la région d'Île-de-France est entendu à sa demande par le conseil d'administration du syndicat ; d'autre part, plus classiquement, le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire des actes du syndicat sont exercés par le représentant de l'État dans la région d'Île-de-France.

Enfin, les paragraphes V et VI, relatifs aux règles de fonctionnement comptables et financières du syndicat, soumettent ce dernier à la première partie du livre II du code des juridictions financières et précisent que le comptable du syndicat est un comptable public nommé par le ministre chargé du budget.

Aucune de ces dispositions n'a fait l'objet de modifications substantielles au Sénat. De même, la Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne. Elle a examiné un amendement présenté par Mme Valérie Pecresse transférant l'ensemble des charges résultant de l'exploitation des services de transports à la région d'Île-de-France. Après que le rapporteur a rappelé que les décisions en matière de financement doivent être prises à la majorité qualifiée, ce qui garantit une marge de manœuvre importante de l'ensemble des collectivités publiques concernées et que M. René Dosière a émis des doutes sur la recevabilité financière du transfert proposé, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté l'article 29 sans modification.

Article 30

(art. 1-1 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959)


Ressources du syndicat des transports d'Île-de-France
et de la régie autonome des transports parisiens

L'article 30 tire les conséquences financières du retrait de l'État dans le fonctionnement du syndicat des transports d'Île-de-France. Comme l'a rappelé M. Jean-Pierre Fourcade lors du débat en séance publique au Sénat le 5 novembre dernier, il « doit permettre de mettre fin à la vieille querelle qui veut que les habitants de la région Île-de-France soient favorisés parce que État finance en grande partie leurs transports. (...) nous entrons ainsi dans un système normal de financement des transports en commun de la région Île-de-France. » (30)

Jusqu'alors, en effet, les ressources du syndicat dépendaient pour une part non négligeable du versement de l'État (15,81 % dans le budget pour 2003).


RECETTES DU STIF DANS LE BUDGET PRÉVISIONNEL INITIAL POUR 2003

RECETTES

(en millions d'euros)

Versement transport

2436,6

État

584,68

Région

211,68

Départements

341,43

Subventions spécifiques État et Région (Imagine'R, politique de la ville...)

35,10

Produits des amendes

86,00

Divers

3,91

Total

3699,70

Le tableau ci-dessus indique clairement que l'État est, à ce jour, la personne morale qui contribue, de loin, le plus largement aux ressources du stif. L'article 30 vise, par conséquent, à permettre au stif de bénéficier de nouvelles catégories de ressources, afin de compenser la perte du concours financier que État apporte actuellement au syndicat en sa qualité de membre.

Les six sources de financement actuelles sont évidemment conservées. Il s'agit :

-  des concours financiers des collectivités territoriales membres du syndicat ;

-  du produit du versement destiné aux transports en commun perçu à l'intérieur de la région d'Île-de-France sur le fondement des articles L. 2531-2 et suivants du code général des collectivités territoriales. Cette contribution est due par les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique, à but non lucratif, dont l'activité est de caractère social, lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés. Elle est affectée, en priorité, aux dépenses d'investissement et de fonctionnement des transports de personnes, mais peut également contribuer à financer des mesures tarifaires ou des dépenses d'exploitation d'ouvrages et d'équipements affectés au transport. Le présent article 30 ajoute d'ailleurs à cette liste le financement des opérations visant à favoriser l'usage combiné des transports en commun et de la bicyclette. L'assiette du versement de transport est constituée par le montant des salaires payés. Le taux du versement exprimé en pourcentage des salaires est fixé, au plus, à 2,6 % à Paris et dans le département des Hauts-de-Seine, à 1,7 % dans les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et 1,4 % dans les départements de l'Essonne, des Yvelines, du Val-d'Oise et de la Seine-et-Marne. Jusqu'alors fixé par décret, ce taux sera désormais déterminé par le syndicat en vertu du présent article, qui n'en modifie pas les plafonds ;

-  de la part du produit des amendes de police relatives à la circulation routière ;

-  de toutes autres contributions, subventions ou avances qui lui sont apportées par l'État et par les collectivités publiques ou par tout organisme public ou privé notamment pour la mise en oeuvre de politiques d'aide à l'usage des transports collectifs au bénéfice de certaines catégories particulières d'usagers ;

-  des produits de son domaine ;

-  et des redevances pour services rendus et produits divers.

En plus de ces six sources de financement existantes, le texte prévoit trois ressources nouvelles :  le produit d'emprunts ;  les versements au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;  et une dotation forfaitaire.

Cette dernière correspondait, dans le projet de loi initial, à ce qu'avait dépensé l'État, l'année précédant la transformation du syndicat, au titre du transport scolaire, des bourses de fréquentation scolaire, du financement des frais de premier établissement des services de transports réservés aux élèves, des frais de transports des élèves des écoles maternelles en zone rurale, du transport des élèves et étudiants gravement handicapés et des tarifications spécifiques consenties aux élèves et aux étudiants
. Sur proposition de M. Roger Karoutchi, le Sénat a souhaité fonder cette dotation sur la moyenne des dépenses actualisées exposées par l'État sur une période de trois ans. Il a considéré, en effet, que cette règle de trois ans valant, en vertu de l'article 88, pour l'ensemble des transferts, il était logique qu'elle fût appliquée pour ce transfert spécifique, étant « en quelque sorte une règle d'intégration dans le régime général des transferts de compétences pour l'ensemble des collectivités » (31). Le Gouvernement, rappelant sa position de principe selon laquelle il accepterait, pour la compensation, le système de référence que le Parlement choisirait, s'est rangé à la proposition sénatoriale.

Le débat sur la question des trois ans rejoint celui sur l'évolution des ressources du syndicat à la suite du transfert dont il est bénéficiaire. En la matière, le présent article prévoyait, dans sa rédaction initiale, d'assortir le transfert du versement annuel aux collectivités intéressées, en contrepartie des charges nouvelles en résultant, d'une compensation forfaitaire indexée, dont le montant serait fixé par décret en Conseil d'État. Cette disposition a suscité de fortes réticences, notamment de la part d'élus Île-de-France. M. Jean-Pierre Fourcade s'est ainsi ému de « voir figurer dans ce texte des résidus des mécanismes de compensation traditionnels laissant au Conseil État le soin de fixer les modalités de la compensation » : « Je crains que le rédacteur de cet article n'ait oublié que nous avons voté une révision constitutionnelle et que le Gouvernement a approuvé une proposition de loi organique, sans parler de l'article 88 de ce texte (...) Nous avons fait un gros effort et lors de la réforme constitutionnelle et dans le texte lui-même pour que la compensation réponde à des règles législatives fixées chaque année par la loi de finances. » (32) Le même discours a été tenu par M. Roger Karoutchi, qui a proposé au Sénat, qui l'a accepté, de renvoyer les conditions d'indexation aux règles prévues aux articles L. 1614-1 à L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales. Il s'agit de permettre un ajustement automatique de cette dotation en cas de modification des règles de droit, c'est-à-dire de faire bénéficier le stif des garanties de l'article 88.

Enfin, l'article 30 contient une disposition importante, relative au versement, par l'État, à la ratp d'un concours financier, à raison des charges de retraite qu'elle supporte. Ce sont, en effet, 674 millions d'euros qui sont versés chaque année par la régie au titre des prestations vieillesse de ses 38 500 ayant droits, dont 414 millions d'euros proviennent de la contribution du syndicat à la régie et correspondent au besoin de financement de la régie en la matière. En effet, le financement de ces prestations ne peut s'effectuer grâce aux seules cotisations salariales et patronales. Le retrait de l'État du stif, alors même qu'il contribuait pour la moitié au financement du déficit de ce régime, imposait de substituer à ce mécanisme un concours financier spécifique qui s'ajouterait aux ressources dont dispose d'ores et déjà la ratp en vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 précitée.

L'article 30 contient une dernière disposition d'abrogation de l'article 4413-3 du code général des collectivités territoriales. Ce dernier ayant été adopté dans une nouvelle rédaction à l'article 29 A, il convient de supprimer cette disposition. Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, la Commission a donc adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 338).

La Commission a adopté l'article 30 ainsi modifié.

Article 31

(art. 28-3 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982)


Plan de déplacements urbains
et plans locaux de déplacement dans la région Île-de-France

Le paragraphe I de l'article 31 tire également les conséquences des nouvelles règles de fonctionnement du stif, en confiant à ce dernier la charge d'élaborer et de réviser le plan de déplacements urbains. Celle-ci est actuellement exercée par l'État, le syndicat n'étant qu'associé à l'élaboration de ce plan. Par inversion avec le dispositif actuel, ce sont maintenant les services de l'État qui y seront associés.

Le plan de déplacements urbains : principes et objectifs
(articles 28 et 28-1 de la loti)

Le plan de déplacements urbains définit les principes de l'organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement, dans le périmètre de transports urbains. Il doit être compatible avec les orientations des schémas directeurs et des schémas de secteur, des directives territoriales d'aménagement définies par le code de l'urbanisme, ainsi qu'avec le plan régional pour la qualité de l'air s'il existe. Il couvre l'ensemble du territoire compris à l'intérieur du périmètre. Il vise à assurer un équilibre durable entre les besoins en matière de mobilité et de facilité d'accès, d'une part, et la protection de l'environnement et de la santé, d'autre part. Il a comme objectif un usage coordonné de tous les modes de déplacements, notamment par une affectation appropriée de la voirie, ainsi que la promotion des modes les moins polluants et les moins consommateurs d'énergie. Il précise les mesures d'aménagement et d'exploitation à mettre en oeuvre. Il est accompagné d'une étude des modalités de son financement et de la couverture des coûts d'exploitation des mesures qu'il contient.

Les orientations du plan de déplacements urbains portent sur :

« 1° La diminution du trafic automobile ;

« 2° Le développement des transports collectifs et des moyens de déplacement économes et les moins polluants, notamment l'usage de la bicyclette et la marche à pied ;

« 3° L'aménagement et l'exploitation du réseau principal de voirie d'agglomération, afin de rendre plus efficace son usage, notamment en l'affectant aux différents modes de transport et en favorisant la mise en oeuvre d'actions d'information sur la circulation ;

« 4° L'organisation du stationnement sur le domaine public, sur voirie et souterrain, notamment la classification des voies selon les catégories d'usagers admis à y faire stationner leur véhicule, et les conditions de sa tarification, selon les différentes catégories de véhicules et d'utilisateurs, en privilégiant les véhicules peu polluants ;

« 5° Le transport et la livraison des marchandises de façon à en réduire les impacts sur la circulation et l'environnement ;

« 6° L'encouragement pour les entreprises et les collectivités publiques à favoriser le transport de leur personnel, notamment par l'utilisation des transports en commun et du covoiturage » .

La nouvelle compétence du stif en matière de plan de déplacements urbains rapproche la région Île-de-France du droit commun, dans la mesure où l'élaboration des plans de déplacements urbains est, sur l'ensemble du territoire national, également le fruit de l'action conjointe des collectivités territoriales et de l'État : ainsi, c'est à la demande du (des) maire(s) ou du président de l'établissement public chargé d'organiser les transports publics de personnes que le préfet constate la création et la délimitation du périmètre de déplacements urbains. Ensuite, le plan de déplacements urbains est élaboré ou révisé à l'initiative de l'autorité compétente pour l'organisation des transports urbains sur le territoire qu'il couvre, les services de l'État étant associés à son élaboration. L'Île-de-France garde toutefois une spécificité dans la mesure où le syndicat agirait « pour le compte des collectivités qui le constituent ».

La mécanique administrative complexe dans laquelle ce plan s'insère n'est pas modifiée par rapport au droit existant. Ainsi, les prescriptions du plan de déplacements urbains sont subordonnées au respect des orientations du schéma directeur de la région Île-de-France ; en revanche, c'est le plan de déplacements urbains qui sert de référence aux schémas de cohérence territoriale, aux schémas de secteur et aux plans locaux d'urbanisme :

-  les premiers, définis à l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme, ont notamment pour fonction de présenter, sur la base du diagnostic des besoins du territoire en la matière « le projet d'aménagement et de développement durable retenu, qui fixe les objectifs des politiques publiques d'urbanisme en matière (...) de déplacements des personnes et des marchandises, de stationnement des véhicules et de régulation du trafic automobile » et de définir « les objectifs relatifs à l'équilibre(...) entre l'urbanisation et la création de dessertes en transports collectifs. » En outre, « Ils peuvent définir les grands projets d'équipements et (...) subordonner les extensions urbaines à la création de dessertes en transports collectifs. » ;

-  les schémas de secteur constituent, aux termes du même article, des compléments aux schémas de cohérence territoriale qui, sur certaines parties, en détaillent et en précisent le contenu ;

-  quant aux plans locaux d'urbanisme, définis par l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, ils ont pour objet, dans le respect des deux schémas précédent, de présenter des projets d'aménagement et de développement durable définissant les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme, sur la base du diagnostic précisant les besoins répertoriés, notamment en matière de transports.

Comme pour tous les plans de déplacements urbains, une large concertation est prévue au stade de l'élaboration du plan, associant, s'ils le souhaitent, les représentants des professions et des usagers des transports, les chambres de commerce et d'industrie et les associations agréées de protection de l'environnement. Le Sénat a souhaité élargir la place faite aux représentants des milieux économiques dans la définition de la politique des transports en Île-de-France : c'est pourquoi, sur proposition de sa commission des lois, il a étendu la consultation à l'ensemble des chambres consulaires lors de l'élaboration du plan de déplacement urbain.

Le processus d'adoption du plan fait l'objet de modifications consécutives au rôle nouveau du stif en la matière : le projet de plan est tout d'abord adopté par délibération du conseil régional d'Île-de-France, sur proposition du syndicat. L'avis préalable des conseils municipaux et généraux continue d'être requis, ces collectivités disposant pour ce faire d'un délai de six mois à l'issue duquel leur avis est réputé émis : la seule différence avec le processus décisionnel actuel est qu'il était alors réputé favorable. Le Sénat a, en outre, prévu que soit sollicité l'avis des organes délibérants des groupements de collectivités territoriales ayant compétence en matière de déplacements.

Vient ensuite le stade l'enquête publique, dont l'issue peut éventuellement conduire à des modifications du plan. Celui-ci est alors soumis pour avis au représentant de l'État dans la région, ainsi qu'au préfet de police, avant son adoption définitive par le conseil régional. Toutefois, en cas de désaccord persistant - six mois après la fin de l'enquête publique - entre la région et l'État ou si la mise en œuvre du plan est de nature à compromettre gravement la réalisation et l'exploitation d'une infrastructure de transport d'intérêt national, c'est ce dernier qui a le dernier mot, le plan étant, dans ce cas, adopté par décret en Conseil d'État.

En dépit de l'allongement de la durée de son élaboration, la périodicité de révision du plan reste de cinq ans. Une procédure simplifiée est toutefois prévue en la matière, permettant au représentant de l'État de mettre en demeure le syndicat d'y procéder et, à défaut, à l'issue d'un délai de six mois, au gouvernement d'ouvrir la procédure de révision par un décret en Conseil d'État qui en précise l'objet. Le Sénat a, sur ce point, modifié la rédaction initiale qui prévoyait seulement une consultation du syndicat, ce qui revenait à priver ce dernier de la faculté de réviser lui-même le plan sur demande du représentant de l'État et à ne lui laisser cette compétence que tous les cinq ans.

Le paragraphe II de l'article 31 modifie, quant à lui, l'article 28-4 de la loti, relatif aux plans locaux de déplacements urbains, qui sont au plans de déplacements urbains ce que les schémas de secteur sont aux schémas de cohérence territoriale. Les changements apportés au droit existant visent :

-  tout d'abord, à actualiser une référence, à la suite de la codification des dispositions de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement. C'est sur proposition de la commission des lois du Sénat qu'a été ajoutée cette disposition ;

-  ensuite, à tirer les conséquences dans cet article de la loi du 13 décembre 2000 sur la solidarité et le renouvellement urbains. Celle-ci a en effet substitué aux actuels plans d'occupation des sols les plans locaux d'urbanisme ;

-  enfin, à ouvrir à la ville de Paris la possibilité de prendre l'initiative d'élaborer un plan local de déplacement, dans les mêmes conditions de forme et de procédure, sachant que son approbation en reviendrait, après enquête publique, au conseil de Paris.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté l'article 31 sans modification.

Article 32

(art. L. 213-13, L. 213-14 et L. 821-5 nouveau du code de l'éducation)


Organisation des transports scolaires en région Île-de-France

L'article 32, que le Sénat a modifié à la marge, sur des points strictement rédactionnels, conforte encore le processus de normalisation de la région Île-de-France par rapport aux autres régions françaises. En effet, alors que les responsabilités exercées par l'État en matière d'organisation et de financement des transports scolaires ont été transférées depuis le 1er septembre 1984 aux départements et aux autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains (en pratique, les communautés urbaines ou les communautés d'agglomération), cette compétence est restée du ressort de l'État dans la région Île-de-France. De fait, la législation spécifique annoncée par l'article 31de la loi du 22 juillet 1983 (article L. 213-13 du code l'éducation) n'est jamais intervenue. Le présent article met fin à cette exception et, par souci de cohérence et de lisibilité pour les usagers, prévoit un transfert global du dispositif des transports scolaires en Île-de-France, y compris la carte Imagin'R des étudiants et le transport individuel des élèves et étudiants handicapés. Comme l'explique l'exposé des motifs, « ce dispositif, actuellement financé sur les budgets de l'enseignement scolaire et supérieur, sera géré par le Syndicat des transports en Île-de-France (stif). »

A cet effet, de nouvelles dispositions en matière d'organisation et de financement des transports scolaires sont introduites dans le code de l'éducation :

-  l'article L. 213-13 précité est actualisé et renvoie, par coordination, aux dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959 précitée, modifiée par l'article 29 qui donne au stif compétence sur les transports scolaires. ;

-  les articles L. 213-14 et L. 821-5 du code de l'éducation font écho aux dispositions du b) du III de l'article 1er de ladite ordonnance, relatives à la prise en charge des frais de transport individuel des élèves et des étudiants handicapés vers les établissements scolaires et universitaires par le syndicat.

Une période transitoire est cependant prévue pour la mise en œuvre de ce transfert dans l'organisation des transports scolaires, afin de prendre en compte le fait qu'actuellement, ce service est parfois assuré, en région Île-de-France, par des personnes morales de droit public ou de droit privés ayant passé une convention avec l'État. En effet, si, dans les départements de la petite couronne, la majorité des déplacements des élèves s'effectue sur des lignes régulières de transports publics de voyageurs, il existe, selon le rapporteur de la commission des lois du Sénat, une vingtaine de services spéciaux de transports scolaires, chiffre qui atteint 1 200 dans les départements de la grande couronne (33).

Afin de prendre en compte cette situation de fait, ces services spéciaux sont maintenus sous leur forme juridique actuel pour un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur du nouveau statut du stif - soit jusqu'au 1er janvier 2008 au plus tard, en vertu de l'article 33. A l'issue de cette période, soit une convention entre le syndicat et les personnes organisatrices de ces services, prise en vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 précitée, proroge la situation actuelle ; soit, en l'absence de convention, le stif devient automatiquement compétent pour remplir cette mission et est subrogé dans les droits et obligations des diverses personnes morales concernées pour l'exécution des contrats en cours. La loi supplée par ailleurs l'absence de convention en faisant obligation au stif de fournir à ces services des ressources d'un montant au moins égal à celles qu'elles auront reçu de l'État dans l'année précédant la transformation du syndicat.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 339).

Puis la Commission a adopté l'article 32 ainsi modifié.

Article 33

Entrée en vigueur des dispositions du présent chapitre

L'article 33 précise les conditions d'entrée en vigueur des articles composant le présent chapitre relatif aux transports dans la région Île-de-France.

Le Gouvernement propose de subordonner cette entrée en vigueur à la publication du décret prévu à l'article 30, par lequel l'État contribue à l'équilibre du régime des retraites des agents de la ratp : la transformation du stif interviendrait dès le 1er janvier suivant la publication de ce décret, au plus tard le 1er janvier 2006. En bref, dans le projet de loi initial, soit cette publication intervenait d'ici à la fin de l'année 2004, et le « nouveau stif » voyait le jour dès le début de l'année prochaine ; soit tout le processus était reporté d'un an. M. Roger Karoutchi a convaincu le Sénat, et le Gouvernement qui s'en est remis sur le sujet à « l'allant des élus d'Île-de-France », de fixer l'entrée en vigueur des articles 29 à 32 au plus tard au 1er janvier 2005.

Au vu de l'attente que suscite la réforme du stif, ce choix est tout à fait pertinent. Cependant, le Sénat n'ayant pas tiré toutes les conséquences de cette modification, le texte manque quelque peu de cohérence rédactionnelle. Afin de rétablir la logique du dispositif, votre rapporteur propose de fixer l'entrée en vigueur de ces dispositions à compter de la parution du décret précité, au plus tard au 1er janvier 2005.

Le Sénat a également ajouté dans cet article une disposition baptisé « état des lieux », similaire à celle qu'il a introduite dans tous les articles traitant de transfert et qui fait obligation au représentant de l'État dans la région de communiquer aux collectivités territoriales membres du stif toutes les informations dont il dispose sur le syndicat.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté un amendement de cohérence rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 340).

Puis elle a adopté l'article 33 ainsi modifié.

Article 34

Décrets en Conseil d'État

En vertu du présent article, des décrets en Conseil d'État viendront préciser en tant que de besoin les modalités d'application du chapitre III.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, puis adopté l'article 34 sans modification.

Chapitre IV

Les fonds structurels européens

Article 35

Les fonds structurels européens

L'article 35 prévoit de confier, à titre expérimental, aux régions ou à d'autres collectivités territoriales, la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de paiement des fonds structurels.

Les fonds structurels sont les outils financiers de la politique régionale communautaire, consacrée par l'Acte unique européen. Ils visent à réduire les écarts de développement entre les régions.

La réforme des fonds structurels intervenue en 2000 privilégie la subsidiarité et la simplification en contrepartie d'un contrôle et d'une évaluation renforcés.

Quatre fonds financent la politique de cohésion sociale et économique communautaire : le fonds européen de développement régional (feder), le fonds social européen (fse), le fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section orientation (feoga), l'instrument financier d'orientation de la pêche (ifop).

Les fonds structurels répondent à trois objectifs prioritaires :

-  objectif 1 : promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement. En France, seuls les départements d'outre-mer sont concernés par ce nouvel objectif. La Corse et le Hainaut français bénéficient d'un dispositif de « soutien transitoire objectif 1 » ;

-  objectif 2 : soutenir la reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle ;

-  objectif 3 : soutenir l'adaptation et la modernisation des politiques et systèmes d'éducation, de formation et d'emploi.

69,7 % des crédits sont consacrés à l'objectif 1, 11,5 % à l'objectif 2 et 12,3 % à l'objectif 3.

Les fonds sont répartis entre les programmes d'initiative nationale qui représentent 94,65 % du montant global, les programmes d'initiative communautaire et les actions innovatrices.

Les programmes d'initiative communautaire sont au nombre de quatre : Leader +, dédié au développement local en milieu rural, Interreg III pour les actions de coopération transfrontalière, transnationale ou interrégionale, Equal en faveur de la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'emploi et Urban II pour les zones urbaines en difficulté.

La gestion des fonds structurels obéit à quatre principes :

-  le principe de concentration : les fonds visent uniquement les trois objectifs et les quatre initiatives communautaires cités ci-contre ;

-  le principe de programmation : leur mise en œuvre s'effectue dans le cadre de programmes pluriannuels ;

-  le principe d'additionnalité : les fonds structurels constituent un complément de financement ;

-  le principe de partenariat : les actions sont décidées dans le cadre d'une concertation entre la Commission, les États et les collectivités territoriales impliquées.

La France bénéficie pour la programmation 2000-2006 de 14,62 milliards d'euros au titre des programmes d'initiative nationale, de 1,046 milliards d'euros au titre des programmes d'initiative communautaire et de plusieurs dizaines de millions d'euros au titre des actions innovatrices.

Pour bénéficier des fonds structurels, les États membres doivent se conformer aux principes de programmation définis par la Commission et présenter leurs propres programmes.

Ces programmes sont établis par le Gouvernement français, en collaboration avec les instances régionales lorsqu'ils correspondent à un objectif territorialisé, au travers d'un document unique de programmation (docup). Ce document est ensuite soumis à la Commission qui doit l'approuver. Ce document détaille les interventions à financer par axes et mesure, en indiquant pour chaque mesure la répartition des participations financières. Il est accompagné d'un complément de programmation.

Pour la mise en œuvre de ces fonds, le règlement du Conseil du 21 juin 1999 (34) a distingué deux autorités : une autorité de gestion et une autorité de paiement.

L'autorité de gestion est responsable de l'efficacité, de la régularité de la gestion et de la mise en œuvre d'un programme. Elle est aussi responsable de la sélection des opérations et du dispositif d'évaluation.

L'autorité de paiement certifie les dépenses et assure l'appel des crédits communautaires auprès de la Commission. Destinataire de ces crédits, elle est ensuite chargée de leur versement aux bénéficiaires du programme.

Le préfet assume actuellement ces deux fonctions, appuyé par les secrétariats généraux pour les affaires régionales (sgar) qui exercent une responsabilité opérationnelle.

Face aux difficultés françaises en matière d'utilisation des crédits européens, les procédures ont été simplifiées par une circulaire du Premier ministre du 15 juillet 2002 et deux circulaires interministérielles du 19 août et du 27 novembre 2002. Ces mesures répondent au souci d'alléger les procédures, de renforcer l'appui aux projets et de mieux associer les collectivités locales à la gestion des fonds structurels européens. Parallèlement a été engagée en Alsace une expérience pilote consistant à confier au conseil régional, en lieu et place du préfet, le rôle d'autorité de gestion du programme objectif 2 Alsace.

Les réformes engagées ont déjà produit leurs effets puisque toutes les régions françaises ont évité pour l'année 2003 la procédure dite du « dégagement d'office », en vertu de laquelle les crédits non utilisés sont réputés perdus.

Faisant le point sur l'expérimentation menée en Alsace, le président du conseil régional a reconnu que celle-ci avait apporté « une meilleure lisibilité par les acteurs locaux, une plus grande rapidité de paiements et plus de cohérence d'intervention et de synergie des acteurs » qui s'est traduit par le traitement de 457 dossiers dans les douze premiers mois contre 288 au cours des seize mois précédents.

Dans la perspective de l'élargissement qui risque de transférer la majeure partie des fonds structurels vers les nouveaux adhérents, la France doit démontrer son intérêt pour les crédits européens en faisant la preuve de sa capacité à les consommer. L'expérimentation du transfert aux collectivités territoriales de cette responsabilité doit permettre de répondre à cette exigence. Les résultats de l'expérience alsacienne incitent à poursuivre dans cette voie.

Il s'agit donc de passer d'une gestion déconcentrée à une gestion décentralisée des fonds structurels et de donner une base légale aux expérimentations.

Le droit communautaire permet aux États membres de désigner les autorités gestionnaires des fonds structurels : « En application du principe de subsidiarité, la mise en œuvre des interventions relève des États membres au niveau territorial approprié en fonction de la situation spécifique de chaque État membre » (35).

L'article 35 prévoit de confier, par une expérimentation, aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse qui en font la demande, la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de paiement. Si ces collectivités ne le souhaitent pas, les autres collectivités territoriales, leurs groupements ou un groupement d'intérêt public peuvent se porter candidats.

· Cette expérimentation est encadrée par une convention qui précise :

-  le programme mis en œuvre ;

-  les conditions dans lesquelles l'autorité satisfait aux obligations imposées à l'État par la législation communautaire.

· L'article 35 pose le principe de la responsabilité financière de l'autorité expérimentatrice. A ce titre, elle assumera la charge des corrections ou sanctions financières résultant de contrôles nationaux et communautaires ou d'arrêts de la Cour de justice des communautés européennes. Cette responsabilité n'empêche pas l'autorité de se retourner ensuite contre les personnes dont les actes sont à l'origine de la procédure.

· Le Sénat a introduit la possibilité pour l'autorité publique expérimentatrice de déléguer, par convention, la fonction d'autorité de paiement, à l'exception de la certification des dépenses, à un groupement d'intérêt public, une institution financière spécialisée ou des institutions ou services autorisés à effectuer des opérations de banque. Cette novation a pour objet de renforcer l'efficacité des procédures et de raccourcir les délais de paiement. S'il apparaît incontournable de confier aux collectivités territoriales les fonctions de programmation, d'instruction des dossiers, de contrôle et d'évaluation des programmes réalisés, la fonction de caissier peut légitimement être assurée par des organismes dont c'est la vocation première. Les collectivités seraient ainsi déchargées d'une tâche qu'elles n'ont pas nécessairement les moyens de maîtriser afin de se consacrer à leur mission essentielle de gestion des fonds structurels.

· L'article 35 prévoit une évaluation des expérimentations menées.

D'une part, l'autorité publique expérimentatrice doit dresser le bilan de son expérimentation au 31 décembre 2005 qu'elle adresse au représentant de l'État dans la région.

D'autre part, le gouvernement doit déposer au Parlement au cours du premier semestre 2006 un bilan des expérimentations engagées au titre du présent projet de loi.

· Un terme est fixé pour l'expérimentation. Le projet de loi précise que cette expérimentation concerne les fonds structurels pour la période 2000/2006.

S'appuyant sur les principes constitutionnels de l'expérimentation, M. Michel Charasse a présenté un amendement, adopté par le Sénat, tendant à préciser les modalités d'achèvement des expérimentations. Cet amendement prévoit donc que les conventions conclues sur le fondement de l'article 35 seront caduques le 31 décembre 2008 sauf dispositions législatives contraires. Le terme retenu de 2008 correspond à l'issue de la période de paiement du programme 2000/2006. Cette nouvelle disposition conforte le rôle du Parlement dans l'évaluation des expérimentations.

· Le Sénat, sur un amendement du rapporteur, a opéré la validation législative des décisions antérieures d'expérimentation afin d'en établir la sécurité juridique. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la validation répond aux deux conditions suivantes : respect de l'autorité de la chose jugée et justification par un motif d'intérêt général.

· Enfin, afin de ne pas retarder les expérimentations couvrant une période déjà entamée, un amendement de la commission des lois du Sénat prévoit l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 35 dès la publication de la présente loi.

L'expérimentation prévue par cet article s'inscrit dans le cadre défini par l'article 37-1 de la Constitution qui dispose que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».

En vertu de l'article 83 du projet de loi, cette expérimentation s'accompagnera d'une mise à disposition des services ou parties de services ainsi que de leurs personnels, exerçant antérieurement la compétence transférée.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne. Elle a adopté l'article 35 sans modification.

Chapitre V

Les plans d'élimination des déchets

Article 36

(Article L. 541-14 du code de l'environnement)


Les plans d'élimination des déchets ménagers

Les déchets traités par les communes représentent 47 millions de tonnes par an, dont 28 millions proviennent des déchets ménagers. La production de déchets augmente chaque année de 1 %.

Selon la communication de la ministre de l'environnement au Conseil des ministres du 4 juin 2003, la France s'achemine vers une situation critique en matière de capacité d'élimination des déchets ; plus de la moitié des départements devraient dans les prochaines années être confrontés à la pénurie avec pour conséquence une augmentation des distances de transport, une augmentation des coûts et un risque de réapparition des exutoires illégaux.

L'article L. 541-1 du code de l'environnement fixe les objectifs en matière d'élimination des déchets et donne la définition suivante du déchet : « tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon ».

La loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux a affirmé la compétence des collectivités territoriales en matière de gestion des déchets.

Le code de l'environnement prévoit trois catégories de plans de gestion des déchets :

-  les plans nationaux (article L. 541-11 du code de l'environnement) ; actuellement seuls les déchets contenant ou contaminés par des pcb (polychlorobiphényls) font l'objet d'un tel plan, approuvé par arrêté ministériel du 26 février 2003.

-  les plans régionaux d'élimination des déchets industriels spéciaux (predis) (article L. 541-13) dont la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a confié l'élaboration aux régions.

-  les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés (pdedma) (article L. 541-14).

Les plans d'élimination des déchets ménagers et assimilés ont été créés par la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées, conformément aux directives communautaires. Leur régime a ensuite été modifié par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier », mise en œuvre par le décret n° 96-1008 relatif aux plans d'élimination des déchets ménagers et assimilés.

Les contraintes communautaires pèsent sur la gestion des déchets en France. La directive du Conseil du 15 juillet 1975 relative aux déchets prescrivaient déjà l'établissement de plans de gestion des déchets portant sur les types, quantités et origines des déchets à valoriser ou à éliminer. La directive du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d'emballage, dans son article 14, exige l'existence de plans pour ce type de déchets.

Dans son rapport au Conseil et au Parlement européen du 19 mai 2003 concernant la mise en œuvre de la législation communautaire en matière de déchets, la Commission regrette les défaillances de la France, comme de l'Italie et du Royaume-Uni, dans l'instauration de ces plans alors que la planification est un « élément central de la politique de gestion des déchets car sans planification adéquate, les États membres ne peuvent ni rendre compte, ni s'occuper des déchets qui se présentent sur leur territoire ».

La France a d'ailleurs été condamnée par la Cour de justice des communautés européennes au motif qu'« en n'établissant pas des plans de gestion des déchets pour l'ensemble de son territoire, en n'élaborant pas, pour certaines régions ou certains départements, de tels plans pour les déchets contenant des polychlorobiphényles, pour les déchets de soins ainsi que pour les déchets ménagers spéciaux et en n'ayant pas inclus un chapitre spécifique relatif aux déchets d'emballages dans tous les plans de gestion des déchets ayant été adoptés, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent » (36).

Dans son rapport d'information sur la gestion des déchets ménagers sur le territoire (37), M. Émile Blessig pointait les lacunes de plans départementaux. Il parvenait à la conclusion que « la solution pourrait résider dans un transfert pur et simple de la compétence d'élimination des déchets aux départements, à la condition que les responsabilités des collectivités locales ainsi que les financements soient clairement définis ».

L'article 36 modifie l'article L. 541-14 du code de l'environnement relatif aux plans départementaux d'élimination des déchets ménagers.

Aux termes de l'article L. 541-14, chaque département doit être couvert par un plan, départemental ou interdépartemental, d'élimination des déchets ménagers et de ceux mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales qui peuvent être collectés et traités sans sujétions techniques particulières, à l'instar des déchets industriels banals (dib).

Le plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés (pdedma) est un document d'inventaire et de synthèse à caractère prospectif, destiné à orienter et coordonner les actions des pouvoirs publics et des organismes privés impliqués.

Il a pour objet :

-  de dresser l'inventaire des types, des quantités et des origines des déchets à éliminer et des installations existantes appropriées ;

-  de recenser les documents d'orientation et les programmes des personnes morales de droit public et de leurs concessionnaires dans le domaine des déchets ;

-  d'énoncer les priorités à retenir, compte tenu notamment des évolutions démographiques et économiques prévisibles, non seulement pour la création d'installations nouvelles mais également pour la collecte, le tri et le traitement des déchets.

Il existe actuellement deux plans interdépartementaux, l'un pour la Corse, l'autre pour la Drôme et l'Ardèche et quatre plans ont été annulés par la justice administrative : Alpes-Maritimes (28 mars 2000), Bouches-du-Rhône (24 juin 2003), gironde (2 mars 2000) et Var (18 avril 2000).

Jusqu'à présent, l'initiative et la responsabilité de l'élaboration du plan appartenaient à l'État, sauf si un département demandait à exercer cette compétence. Treize départements ont obtenu cette compétence en vertu de la loi Barnier : Aisne, Creuse, Lozère, Haute-Marne, Mayenne, Meuse, Morbihan, Haut-Rhin, somme, Tarn et Garonne, Essonne, Réunion, Val d'Oise.

Le projet de loi confie au département une compétence de droit commun pour l'élaboration des plans d'élimination des déchets ménagers et assimilés.

Le projet de loi prévoit pour l'Île-de-France l'existence d'un plan régional d'élimination des déchets ménagers et assimilés. En effet, la particularité de cet espace géographique (densité d'urbanisation, capacité des stockage réduite voire inexistante à Paris et dans la petite couronne) et les solidarités interdépartementales fortes conduisent à promouvoir un périmètre régional pour la gestion des déchets ménagers.

Le président du conseil général ou celui du conseil régional pour l'Île-de-France se voit transférer la responsabilité de l'initiative et de l'élaboration du plan. Le Sénat a adopté un amendement de la commission des affaires économiques et du Plan tendant à associer à ce processus les collectivités territoriales ou leurs groupements qui exercent une compétence en matière d'élimination ou de traitement des déchets.

L'élaboration du plan donne lieu à une concertation avec une commission consultative composée de représentants des communes et de leurs groupements, du conseil général, de l'État, des organismes publics, des professionnels concernés et des associations agréées de protection de l'environnement. Par coordination avec la création d'un plan régional pour l'Île-de-France, le projet de loi complète cette liste avec le conseil régional d'Île-de-France. Le Sénat a pour sa part ajouté les associations agréées de protection de consommateurs, dont la participation à la gestion des déchets doit être renforcée, et les conseils généraux d'Île-de-France.

Le projet de plan est ensuite soumis pour avis au conseil départemental d'hygiène ainsi qu'aux conseils généraux des départements limitrophes et, par coordination avec le transfert de compétences, au représentant de l'État et aux conseils généraux d'Île-de-France. Le projet peut être modifié pour tenir compte des avis émis. Le Sénat a prévu pour la région Île-de-France la consultation du représentant de l'État dans la région et des conseils départementaux d'hygiène situés sur le territoire de la région. L'amendement du Sénat précise également que les avis sont réputés favorables s'ils n'ont pas été formulés dans un délai de trois mois, afin d'éviter tout blocage du processus.

Le projet de loi prévoit de solliciter l'avis du conseil général et du conseil régional d'Île-de-France lorsque l'État élabore le plan à la suite de la carence des responsables de son élaboration, conformément à l'article L. 541-15 du code de l'environnement, tel que modifié par l'article 37 du projet de loi.

Le projet de plan est enfin soumis à enquête publique puis, conséquence de leur nouvelle compétence, approuvé par délibération du conseil général ou du conseil régional pour l'Île-de-France.

Le Sénat a introduit une nouvelle disposition dans cet article modifiant l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, relatif aux responsabilités des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (epci) en matière d'élimination des déchets ménagers. En vertu de cet article, le département peut se voir confier, à la demande des communes ou es EPCI, la responsabilité du traitement, de la mise en décharge des déchets ultimes et des opérations de transport, de tri ou de stockage.

Le Sénat a prévu que la convention fixant les modalités de ce transfert précise les équipements pour lesquels la maîtrise d'ouvrage est confiée aux départements afin de faciliter la réalisation d'équipements identifiés par le plan départemental.

La Commission a rejeté l'amendement de suppression n° 139 présenté par M. Jean-François Mancel. Elle a été saisie d'un amendement présenté par Mme Valérie Pecresse associant, dans la région Île-de-France, les départements à l'élaboration du plan d'élimination des déchets. MM. Guy Geoffroy et Robert Pandraud ont soutenu cet amendement en faisant observer que le transfert du traitement des déchets d'un département à l'autre ne devait pas intervenir sans que les départements concernés soient consultés par la région et que cette consultation ne retarderait en aucune manière des procédures déjà aujourd'hui très longues. En réponse à M. Jérôme Lambert, le rapporteur a précisé que l'article 36 ne concernait que les déchets d'origine ménagère. La Commission a adopté l'amendement de Mme Valérie Pecresse (amendement n° 341).

La Commission a rejeté l'amendement n° 187 de M. Jacques Pélissard, déjà satisfait par le texte adopté par le Sénat. Elle a examiné un amendement présenté par M. Bernard Derosier substituant une simple transmission à la soumission pour avis au préfet du projet de plan. Le rapporteur ayant précisé qu'il était favorable à cette substitution, dès lors qu'une nouvelle rédaction serait présentée, la Commission a rejeté l'amendement. Elle a également rejeté un amendement du même auteur soumettant le projet de plan lorsqu'il est élaboré par l'État à un avis conforme des conseils généraux, ainsi que l'amendement n° 186 de M. Jacques Pélissard prévoyant une procédure d'urgence en cas de carence dans l'élaboration du plan.

La Commission a adopté l'article 36 ainsi modifié.

Article 37

(art. L. 541-15 du code de l'environnement)


Compétences de l'État à l'égard des plans d'élimination
des déchets ménagers

Cet article modifie l'article L. 541-15 du code de l'environnement afin de déterminer les pouvoirs du représentant de l'État en cas de défaillance du conseil général ou du conseil régional d'Île-de-France dans l'élaboration du plan d'élimination des déchets.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 541-15 du code de l'environnement exige la compatibilité avec les catégories précitées de plans d'élimination des déchets, des décisions des personnes morales de droit public et de leurs concessionnaires dans ce domaine.

Dans cette même logique de respect des plans, l'article impose de rendre les prescriptions applicables aux installations existantes compatibles avec les plans, dans un délai de cinq ans pour les plans nationaux et dans un délai de trois ans pour les plans régionaux et départementaux.

Le présent article supprime cette disposition en raison de la nouvelle compétence départementale dans l'élaboration des plans.

En effet, d'une part, la vocation prospective des plans leur interdit d'imposer des prescriptions particulières aux installations existantes. Le contenu du plan, décrit à l'article précédent, n'engendre pas de conséquences pour les installations existantes.

D'autre part, il convient de distinguer la planification qui relève désormais du conseil général, de la police des installations qui incombe à l'État. En raison de leurs conséquences pour l'environnement et la santé, les installations de traitement des déchets relèvent en effet pour la plupart de la nomenclature des installations classées, définies à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Elles obéissent de ce fait à des règles très contraignantes - autorisation préfectorale pour l'ouverture et la fermeture - auxquelles ne peuvent se substituer les prescriptions d'un plan n'offrant pas les mêmes garanties. La police de telles installations est assurée par l'inspection des installations classées, placée sous l'autorité du préfet. Elle veille au respect de la réglementation et des dispositions de l'arrêté préfectoral.

L'article L. 541-15 dans ses deux derniers alinéas dispose qu'un décret en Conseil d'État fixe les modalités et procédures d'élaboration et de publication des plans nationaux, régionaux et départementaux, le parallélisme des formes s'imposant pour leur révision.

Actuellement, le décret détermine d'une part les modalités de consultation du public, les mesures de publicité requises et la procédure simplifiée de révision. Il fixe d'autre part les conditions dans lesquelles l'État élabore le plan régional d'élimination des déchets industriels et spéciaux lorsque le conseil régional, après y avoir été invité, n'a pas adopté le plan dans un délai de dix-huit mois.

Le présent article procède à une réécriture de cette dernière disposition. Tirant les conséquences de la nouvelle compétence du conseil général, il prévoit le cas d'une carence du conseil général dans l'élaboration du plan départemental. Il introduit en outre la possibilité pour le préfet de demander une nouvelle délibération.

Selon les termes du projet de loi, le décret fixe donc, en premier lieu, les conditions dans lesquelles le représentant de l'État peut demander, au conseil général ou régional en Île-de-France, une nouvelle délibération sur le projet ou la révision du plan départemental d'élimination des déchets.

Il détermine, en second lieu, les conditions dans lesquelles l'État élabore les plans régionaux ou départementaux lorsque, en dépit de l'invitation du préfet à y procéder, ils n'ont pas été adoptés dans un délai de dix-huit mois.

Le Sénat, sur proposition conjointe de la commission des lois et de la commission des affaires économiques, a adopté une nouvelle rédaction afin de parvenir à un exact parallélisme entre les plans régionaux et les plans départementaux d'une part et entre l'élaboration et la révision d'autre part. Outre une réécriture globale, le texte du Sénat élargit au plan régional la procédure de la nouvelle délibération, qui s'applique également à l'élaboration. Cette délibération est demandée au président du conseil régional ou général suivant le plan concerné. Il prévoit en outre la substitution du préfet en cas de carence du conseil général ou régional dans la procédure de révision.

La Commission a rejeté un amendement de suppression du paragraphe 1° de cet article présenté par M. Bernard Derosier et adopté l'article 37 sans modification.

Article 37 bis

(article L. 541-13 du code de l'environnement)


Pouvoir de substitution du préfet pour l'élaboration des plans d'élimination des déchets industriels spéciaux

Cet article, introduit par le Sénat à l'initiative de la commission des lois et de la commission des affaires économiques, complète l'article L. 541-13 du code de l'environnement afin de prévoir la consultation du conseil régional lorsque le préfet exerce son pouvoir de substitution dans l'élaboration du plan régional d'élimination des déchets industriels spéciaux, faisant suite à une carence du conseil régional.

Ce nouvel article traduit l'exigence d'un dispositif similaire pour les plans régionaux et les plans départementaux. L'article 36 du présent projet de loi prévoyant une consultation du conseil général ou du conseil régional pour l'Île-de-France lorsque le préfet élabore le plan départemental d'élimination des déchets, il convient de prévoir une disposition semblable pour l'élaboration du plan régional.

La Commission a rejeté un amendement de M. Bernard Derosier subordonnant l'adoption du plan d'élimination des déchets industriels, lorsqu'il est élaboré par l'État, à un avis conforme du conseil régional. La Commission a adopté l'article 37 bis sans modification.

Article 38

Dispositions transitoires

Les dispositions transitoires, inscrites dans cet article, prévoient que les procédures actuellement en vigueur s'appliqueront aux plans départementaux d'élimination des déchets en cours d'élaboration ou de révision à la date de publication de la présente loi. Ils seront donc approuvés par le préfet, sauf transfert déjà opéré, et resteront applicables jusqu'à leur révision selon la nouvelle procédure.La Commission a adopté l'article 38 sans modification.

Article additionnel après l'article38

Transfert expérimental aux régions des politiques de soutien au développement des énergies renouvelables et de maîtrise de la consommation d'énergie

La Commission a adopté un amendement de M. Émile Blessig (amendement n° 342) autorisant, pendant une période de cinq ans, le transfert expérimental à la région du soutien au développement des énergies renouvelables et à la maîtrise de la consommation d'énergie. Une convention entre l'Etat, la région et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie doit en fixer les modalités.

TITRE III

LA SOLIDARITÉ ET LA SANTÉ

Chapitre premier

L'action sociale et médico-sociale

Article 39

(art. L. 121-1, chapitre V du titre IV du livre premier et art. L. 145-1 à L. 145-4
du code de l'action sociale et des familles)


Affirmation du rôle de coordination du département en matière
d'action sociale et d'insertion

La loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État a mis fin à un système complexe de financements croisés, en vigueur depuis 1953, dans lequel trois niveaux de collectivités publiques - État, département, communes - se partageaient financièrement la charge de l'aide sociale. La participation de l'État variait ainsi en fonction des prestations et de la richesse relative des départements.

La loi du 22 juillet 1983 a ainsi substitué au partage financier en vigueur depuis 1953 un partage par nature de dépenses : elle a fait du département la collectivité de droit commun de l'aide sociale et confié à l'État une compétence d'attribution pour les prestations se rattachant à l'idée de solidarité nationale (38).

En vingt ans, les départements ont su développer en la matière une véritable politique novatrice, les budgets des conseils généraux accordant désormais aux problématiques sociales une part prépondérante : ainsi, en 1999, l'action sociale représentait 54 %, contre 48 % en 1984, des budgets de fonctionnement. Concrètement, la dépense nette d'action sociale départementale a progressé de 145 % entre 1984 et 2002, alors que durant cette même période, l'indice des prix à la consommation n'a progressé que de 52 % environ. Si l'on procède à une analyse par secteur, on constate que la part de l'insertion et de l'accompagnement social dans la dépense nette d'action sociale (hors aide médicale) est passée, entre 1984 et 2002, de 18 à 26 %. Celle du soutien aux personnes handicapées est passée, durant la même période, de 16 à 22 %.

Pour autant, et en dépit des efforts accomplis, la décentralisation en matière d'aide sociale a été critiquée : le rapport annuel du Conseil d'État en 1993 juge la répartition des compétences trop complexe ; le rapport remis par M. Jean Picq au Premier Ministre sur les responsabilités et l'organisation de l'État note pour sa part que : « en matière sociale, les responsabilités restent mal définies. Les missions sociales sont partagées entre l'État et la sécurité sociale, entre l'État et les collectivités locales, entre les collectivités publiques, à but lucratif ou non. Pour traiter sur le terrain des situations nécessairement très diverses, ce partage des rôles est un atout considérable. Encore faut-il, pour en tirer tout le fruit, répartir les compétences le plus simplement possible et coordonner les différentes actions de telle sorte que cette complexité n'ait pas d'inconvénients trop lourds pour les citoyens. Or les compétences ne sont pas toujours réparties au mieux ».

Il est vrai que, en dépit des intentions du législateur, la logique de « bloc de compétences » en matière d'action sociale a trouvé rapidement ses limites : pour des raisons historiques, les communes ont gardé, à travers notamment les centres communaux d'action sociale, un rôle tout à fait prépondérant en matière de prise en charge des indigents. L'État a en outre conservé son pouvoir de réglementation générale en fixant le taux minimum de prestations d'aide sociale légale et les conditions minimales d'accès à celles-ci. Enfin, le secteur associatif apparaît comme un partenaire indispensable en matière d'action sociale, puisque étaient recensées, en 2002, 115 000 associations oeuvrant dans le domaine sanitaire et social, 7 000 d'entre elles gérant directement des établissements ou des services d'accueil de personnes relevant de l'action sociale.

La mission commune d'information du Sénat chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales a ainsi fait référence à juste titre à « l'émiettement structurel du secteur social » (39).

Dans ce contexte, l'article 39 du projet de loi a pour objet de réaffirmer la primauté du département en matière d'action sociale ; il s'inscrit pour cela dans le prolongement de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, qui consacre, dans l'avant-dernier alinéa de l'article 72, la notion de collectivité chef de file : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune ».

C'est donc cette fonction de pilotage que le projet de loi s'efforce de rénover : dans sa rédaction initiale, l'article 39 propose, dans son premier paragraphe, de poser le principe selon lequel le département :

-  définit et met en œuvre la politique d'action sociale, sous réserve des compétences définies par la loi à l'État, aux autres collectivités territoriales et aux organismes de sécurité sociale ;

-  assure la coordination des dispositifs et services qui concourent à l'insertion et à la lutte contre l'exclusion :

-  s'assure à cet effet de la participation de l'ensemble des personnes ou organismes intéressés.

Ainsi que le rappelle au Sénat la rapporteure pour la commission des Affaires sociales, Mme Annick Bocandé, le terme d'action sociale qui figure dans la rédaction de l'article 39 du projet de loi doit être compris dans son acception la plus large, et non par opposition avec celui d'aide sociale : l'aide sociale légale concerne l'ensemble des prestations dont les conditions d'attribution sont fixées par la loi pour l'ensemble des résidents ; par opposition, dans son sens strict, l'action sociale repose sur des mécanismes facultatifs dépendant de l'initiative de différents intervenants : « on ne voit pas en effet comment le rôle de chef de file du département pourrait être limité à la seule action sociale facultative, dans la mesure où celle-ci relève du bon vouloir des collectivités publiques. L'action sociale visée s'entend de l'ensemble des actions, dispositifs et services qui concourent au développement social et à la lutte contre les exclusions (40)».

Le Sénat, à l'initiative de sa rapporteure pour avis, a souhaité donner un contenu plus dense à ce rôle de chef de file ; constatant que l'affirmation du principe de la compétence du département sur la mise en œuvre de la politique d'action sociale ne conduit en réalité à aucune modification de fond, le Sénat a choisi de mieux articuler entre eux des dispositifs qui continuent à relever de différents acteurs.

Le Sénat a précisé dans un premier temps que le département doit tenir compte des actions entreprises par l'État, les autres collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale quand il définit sa politique globale d'action sociale. Il a en outre élargi le rôle de coordination du département à l'ensemble des actions entreprises en matière sociale, et non, comme le prévoyait la rédaction initiale, aux seules actions menées en matière de prévention et de lutte contre les exclusions. Il a ensuite précisé le principe d'une participation de l'ensemble des acteurs ou organismes intéressés en renvoyant pour cela à l'article L. 116-1 du code de l'action sociale et des familles, qui désigne les acteurs intervenant en matière d'action sociale : par cette référence sont désignés l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale, les associations ainsi que les institutions sociales et médico-sociales au sens de l'article L. 311-1 du code.

Le Sénat n'a pas, en revanche, modifié le second paragraphe de l'article, qui abroge le chapitre V (coordination des interventions) du titre IV (institutions) du livre premier (dispositions générales), ainsi que les articles L. 145-1 à L. 145-4 qui le composent. Plusieurs dispositifs seraient ainsi supprimés :

-  les commissions de l'action sociale d'urgence (casu) ; mises en place par convention entre le préfet et le conseil général, ces commissions sont chargées d'assurer la coordination des dispositifs susceptibles d'allouer des aides, notamment financières, aux personnes et aux familles rencontrant de graves difficultés financières ;

-  le comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions ; ce comité est chargé d'établir un diagnostic des besoins et d'examiner l'adéquation à ceux-ci des différents programmes, plans et schémas départementaux ;

-  les conventions de coordination, signées entre les collectivités territoriales et les organismes intervenant en matière d'action sociale ; ces conventions déterminent le niveau de territoire pertinent pour la coordination et précisent les objectifs poursuivis et les moyens pour les atteindre.

Ces trois dispositifs ne paraissent pas effectivement avoir fait la preuve de leur utilité ; l'article 39 s'attache donc à rationaliser les structures dans un souci de simplification. Pour autant, l'abrogation des quatre articles dans le code de l'action sociale et des familles ne saurait être interprétée comme un retour en arrière en matière de concertation : rien n'interdit en effet, dans les départements où de telles structures ont montré leur efficacité, de maintenir une telle architecture. Simplement, le projet de loi mise désormais sur la liberté d'organisation du département pour procéder à la concertation nécessaire à la mise en œuvre de la politique de l'action sociale.

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, ainsi qu'un amendement du même auteur limitant le rôle du département en matière sociale à des fonctions d'appui et de complément des politiques sociales nationales.

Puis elle a adopté l'article 39 sans modification.

Article 40

(art. L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles)


Procédure d'élaboration des schémas départementaux
d'organisation sociale et médico-sociale

Cet article a pour objet de modifier les conditions d'élaboration des schémas départementaux d'organisation sociale et médico-sociale, afin de renforcer le pouvoir de décision de l'échelon départemental.

Définis à l'article L. 312-4 du code de l'action sociale et de la famille, les schémas d'organisation sociale et médico-sociale ont pour objet d'apprécier la nature, le niveau et l'évolution des besoins sociaux et médico-sociaux de la population, de dresser le bilan quantitatif et qualitatif de l'offre sociale et médico-sociale existante, de déterminer les perspectives et les objectifs de développement de l'offre sociale et médico-sociale, de préciser le cadre de la coopération et de la coordination entre les établissements et services sociaux et médico-sociaux, enfin de définir les critères d'évaluation des actions mises en oeuvre dans leur cadre.

Ils peuvent être assortis, sans que cette disposition revête un caractère obligatoire, d'une annexe précisant la programmation pluriannuelle des établissements et services à créer, transformer ou supprimer. Les autorisations de création, de transformation ou d'extension d'établissements et de services doivent être compatibles avec les objectifs du schéma d'organisation dont elles relèvent.

L'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles prévoit trois types de schémas :

-  Les schémas nationaux, arrêtés par le ministre chargé des affaires sociales, après avis du comité national de l'organisation sanitaire et sociale, pour les établissements ou services accueillant des catégories de personnes, dont la liste est fixée par décret, pour lesquelles les besoins ne peuvent être appréciés qu'à ce niveau ;

-  Les schémas départementaux, arrêtés conjointement par le représentant de l'État dans le département et par le président du conseil général après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale et d'une commission départementale consultative comprenant notamment des représentants des collectivités territoriales, des professions sanitaires et sociales, des institutions sociales et médico-sociales et des personnes accueillies par ces institutions ou susceptibles de l'être.

En cas de désaccord, le préfet et le président du conseil général arrêtent, chacun séparément, un schéma départemental pour les établissements qui les concernent ou dont les prestations sont prises en charge au titre de leur compétence. Enfin, si les éléments du schéma n'ont pas été arrêtés soit dans un délai de deux ans après la publication de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, soit dans un délai d'un an après la date d'expiration du schéma précédent, il revient au représentant de l'État d'en arrêter les principes dans un délai de trois mois.

-  Les schémas régionaux, fixés par le représentant de l'État dans la région après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale et transmis pour information aux présidents des conseils généraux concernés, qui établissent la synthèse des éléments des schémas départementaux relatifs aux seuls établissements ou services relevant de la compétence de l'État. Ils intègrent par ailleurs les schémas concernant, d'une part les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, arrêtés par le représentant de l'État dans la région après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale, d'autre part les centres de rééducation professionnelle, également arrêtés par le représentant de l'État dans la région après avis non seulement du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale mais également du comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle et du conseil régional.

Le projet de loi propose de modifier uniquement les dispositions relatives aux schémas départementaux, les schémas nationaux et régionaux restant de la seule compétence de l'État. S'agissant des schémas départementaux, la distinction qui était faite entre la compétence du représentant de l'État et celle du président du conseil général en cas de désaccord est supprimée ; il est ainsi proposé de ne confier la responsabilité de l'élaboration du schéma qu'au seul président de conseil général. Cette élaboration se fait toutefois en concertation avec le représentant de l'État, après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale. En outre, le président du conseil général associe des représentants des autres collectivités territoriales, des professions sanitaires et sociales, des institutions sociales et médico-sociales et des personnes accueillies dans ces institutions ou susceptibles de l'être ; les conditions de cette association sont déterminées par délibération du conseil général.

Le représentant de l'État dans le département doit faire connaître au président du conseil général les orientations devant être prises en compte pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux pris en charge par l'État ou l'assurance maladie.

Le projet de loi met en place une date butoir avant laquelle le président du conseil général doit avoir arrêté le schéma ; ainsi, si le schéma n'a pas été fixé dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi relative aux responsabilités locales, soit selon l'article 126 du projet de loi, un an après le 1er janvier 2005, le représentant de l'État dispose d'un pouvoir de substitution. Le dernier alinéa de l'article précise que ce pouvoir de substitution joue également pour les schémas ultérieurs, si le nouveau schéma n'a pas été arrêté dans le délai d'un an suivant l'expiration des effets du schéma précédent. Il faut rappeler qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-4, les schémas sont arrêtés pour une période maximale de cinq ans.

Le dispositif proposé par le projet de loi s'inscrit dans une recherche de cohérence et de simplification : il n'y aurait désormais plus qu'un seul document dont la responsabilité unique incombe, sauf en cas de désaccord avec le préfet, au département. En outre, les modalités d'association à la définition du schéma des représentants des autres collectivités territoriales ou du secteur social ne sont plus fixées par décret mais laissées à la libre appréciation du département.

Le Sénat a, sur proposition de M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur au nom de la commission des Lois et de Mme Annick Bocandé, rapporteure au nom de la commission des Affaires sociales, très largement modifié la rédaction initiale, dans le sens d'une simplification des dispositions.

Il a d'abord prévu que la responsabilité du schéma départemental incombe au conseil général, et non à son seul président : il a estimé qu'une telle compétence s'imposait s'agissant d'un document qui engage le département sur plusieurs années. Il a également supprimé l'obligation faite au responsable du schéma départemental de procéder à des concertations avec des personnes publiques ou morales désignées par la loi. Le Sénat a en effet considéré qu'une telle disposition alourdissait inutilement la procédure ; il a également estimé que ce cadre de concertation imposé trahissait un manque de confiance vis-à-vis des élus locaux ; comme le note le rapporteur de la commission des Lois, « on n'imagine pas que le conseil général, chargé d'élaborer ce projet de schéma ne procède pas aux consultations nécessaires ».

Le Sénat a également souhaité préciser le délai dans lequel le schéma devrait être adopté ; celui-ci est désormais fixé à six mois, à compter de la transmission par le préfet des orientations de l'État. Ce délai, qui se substitue à celui de la date de publication de la loi, permet de ne pas sanctionner le conseil général pour une adoption tardive du schéma alors que les orientations du préfet ne lui seraient pas parvenues en temps utile.

Enfin, le Sénat a proposé de compléter l'article par un paragraphe supprimant, dans l'article L. 312-4, les références aux dispositifs de coordination mentionnés au chapitre V du titre IV du livre Ier, dispositifs supprimés par l'article 39 du projet. En outre, le projet transférant au seul conseil général la responsabilité d'arrêter le schéma, la modification apportée par le Sénat confie l'initiative de sa modification à lui seul.

Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, la Commission a adopté l'amendement n° 106 présenté par M. Alain Gest supprimant l'avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale dans l'élaboration des schémas départementaux. Elle a en revanche rejeté quatre amendements identiques de MM. François Goulard (n° 3), Pierre Morel-A-L'Huissier, Rudy Salles et Bruno Bourg-Broc (n° 74) soumettant le schéma départemental à l'avis du conseil départemental consultatif des personnes handicapées, ainsi qu'un amendement n° 140 présenté par M. Jean-François Mancel cantonnant le représentant de l'État dans un rôle consultatif.

Elle a également adopté un amendement de Mme Valérie Pecresse imposant au représentant de l'État un délai de six mois pour faire connaître les orientations que le schéma doit prendre en compte et adopté l'article 40 ainsi modifié (amendement n° 343). Il s'agit ainsi d'instaurer un parallélisme des procédures avec les délais imposés au conseil général.

Puis la Commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 41

(art. L. 263-15, L. 263-16 et L. 263-17 du code de l'action sociale et des familles)


Transfert aux départements des fonds d'aide aux jeunes en difficulté

Les fonds d'aide aux jeunes en difficulté ont été institués par l'article 9 de la loi n° 89-905 du 19 décembre 1989, modifié par la suite par la loi n° 97-722 du 29 juillet 1992, qui a généralisé et rendu obligatoires les fonds départementaux institués en 1990, dans l'objectif de couvrir l'ensemble du territoire national. En outre, la loi a prévu que, par convention, des fonds locaux puissent être créés dans le ressort du territoire départemental.

Les fonds départementaux et locaux permettent d'accorder des aides financières à des jeunes qui, compte tenu de leur âge, ne bénéficient pas du rmi ; ces fonds ont également pour objectif de mettre en œuvre des mesures d'accompagnement social visant les jeunes en situation de grande précarité, voire de marginalisation.

Le financement des fonds départementaux est assuré à parité par l'État et le département. Peuvent également participer les régions, les communes ainsi que les caisses d'allocations familiales. La participation du département constitue une dépense obligatoire pour le département, à hauteur de la contribution financière de l'État. Dans ce cadre, le préfet notifie chaque année au département le montant de la contribution de l'État.

Une étude sur l'utilisation du Fonds d'aide aux jeunes (faj) révèle que 163 000 demandes ont été instruites par les commissions d'attributions, le nombre de jeunes bénéficiaires s'élevant à 103 000, soit un taux d'admission de près de 65 %. Dans plus de huit cas sur dix, le demandeur est connu de la structure qui instruit la demande ; en outre, un demandeur sur cinq est suivi dans le cadre du programme trace. Les aides financières sont destinées en priorité à la subsistance et aux transports. Les montants moyens attribués varient entre 91,47 € et 609,80 € selon les départements.

Dans le cadre d'une responsabilisation accrue des départements en matière d'aide sociale, l'article 41 du projet de loi propose de confier l'entière responsabilité des fonds d'aides aux jeunes en difficultés aux départements, en supprimant le co-pilotage et le co-financement des fonds par l'État.

Le premier paragraphe de l'article donne, dans cet objectif, une nouvelle rédaction de l'article L. 263-15 du code de l'action sociale et des familles ; le premier alinéa proposé pour cette nouvelle rédaction réaffirme le double objectif du fonds, qui est de favoriser l'insertion sociale et professionnelle des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans, ainsi que d'apporter à ces jeunes des secours temporaires de nature à faire face à des besoins urgents.

Considérant qu'il s'agissait d'une précision redondante, le Sénat, à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, a supprimé la référence aux besoins urgents, pour ne garder que celle portant sur les secours temporaires.

La Commission, après avoir rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par M. André Chassaigne, a rétabli, sur propositions identiques de MM. Bernard Derosier et Jean-Christophe Lagarde, cette notion d'urgence dans l'octroi des aides aux jeunes (amendement n° 344), l'amendement présenté par M. André Chassaigne se trouvant dès lors satisfait.

Les deuxième et troisième alinéas exposent le dispositif institutionnel : le fonds d'aide aux jeunes est placé sous l'autorité du président du conseil général et vient se substituer au fonds actuel. Le financement est assuré par le département, la région, les communes ou les organismes de sécurité sociale pouvant y participer. Le Sénat a complété cette liste en ouvrant également aux groupements de collectivités la possibilité de participer financièrement aux fonds.

Afin de garantir aux usagers les mêmes droits que précédemment, les deuxième et troisième paragraphes proposés pour le nouvel article L. 263-15 encadrent les conditions d'attribution par le département : ainsi, aucune durée minimale de résidence dans le département ne peut être exigée pour l'attribution d'une aide ; en outre, la mise en place d'un suivi dans la démarche d'insertion est rendue obligatoire. Enfin, il est prévu un examen des demandes sans que soit tenue compte la participation des personnes tenues à l'obligation alimentaire des personnes intéressées, le département conservant toutefois, en application de l'article L. 132-8, la faculté de récupérer les sommes avancées en cas de retour à une situation plus avantageuse ou dans le cadre d'une succession. La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cette possibilité de récupérer les sommes avancées en cas de meilleure fortune, compte tenu du caractère lourd de la procédure et de la faiblesse des montants en jeu (amendement n° 345).

Sous ces réserves, le projet de loi renvoie à un règlement intérieur, arrêté après avis du conseil départemental d'insertion, le soin de déterminer les conditions et les modalités d'attribution des aides ainsi que les conditions de mise en œuvre des mesures d'accompagnement : l'existence légale des comités locaux d'attribution des aides est ainsi supprimée, leur maintien ou leur création étant laissée à la libre appréciation des départements. Le Sénat, sur l'initiative conjointe de M. Jean-Pierre Schosteck et Mme Annick Bocandé, a précisé que le règlement intérieur était arrêté par le conseil général.

La Commission a rejeté deux amendements présentés par MM. Jean-Christophe Lagarde et Bernard Derosier précisant cette notion d'urgence dans le règlement intérieur des fonds.

Le deuxième paragraphe propose une nouvelle rédaction de l'article L.263-15 du code de l'action sociale et des familles. Il ouvre ainsi la possibilité de confier à une ou plusieurs collectivités territoriales ou leurs groupements la gestion de tout ou partie du fonds ; ce dispositif vient donc se substituer aux fonds locaux d'insertion, créés par convention avec le département et qui permettaient aux communes de gérer à leur niveau les modalités d'attribution des aides.

Tout en approuvant le principe de cette délégation, le Sénat a cependant considéré que la possibilité de confier la délégation de la gestion du fonds à la région était peu réaliste ; le rapporteur de la commission des Lois, M. Jean-Pierre Schosteck a donc proposé un amendement réduisant la liste des délégataires possibles aux seules communes et à leurs groupements.

Le nouvel article L. 263-15 permet également au président du conseil général de confier la gestion financière et comptable du fonds départemental, sous sa responsabilité et son contrôle, à un organisme de sécurité sociale, une association ou un groupement d'intérêt public.

Ces deux modalités de délégation permettent d'assouplir les modalités de gestion des fonds d'aides aux jeunes en difficultés, tout en créant les conditions réussies d'un partenariat rénové entre collectivités locales et organismes de protection sociale.

Le troisième paragraphe supprime, par coordination, l'article L. 263-17 qui avait trait aux modalités de cofinancement des fonds par l'État et le département.

La Commission a rejeté un amendement de M. Bernard Derosier renvoyant à une convention avec l'État les modalités de financement du fonds, puis adopté l'article ainsi modifié.

Article 42

(art. L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles)


Intégration des formations sociales dans le droit commun
des diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'État

On recense actuellement, dans le dispositif de formation, 313 établissements, 348 sites et 676 sections de formation, dispensant au moins une formation en travail social. Sur les dix dernières années, les effectifs en formation en travail social ont progressé de 35,7 % et les diplômes de 34 %. Ces chiffres reflètent les besoins croissants de prise en charge dans le domaine social.

Le cadre actuel régissant ces formations sociales est issu de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions ; bien qu'affirmant le principe de la participation des formations sociales au service public de la formation, cette loi a cependant prévu, par un renvoi au pouvoir réglementaire, une procédure de création des titres et diplômes dérogatoire. La formation sociale s'appuie ainsi sur un dispositif particulier fondé sur des formations spécifiques liées aux objectifs de prise en charge de populations fragiles. Les diplômes sont délivrés par le préfet de région, ou, dans certains cas, par le recteur d'académie.

Le présent article s'attache ainsi à intégrer les formations sociales dans le droit commun des diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'État. Une telle disposition devrait ainsi concerner un public de près de 35 000 étudiants, dont 25 000 en formation initiale.

Il est proposé à cette fin une nouvelle rédaction de l'article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles, qui a trait actuellement aux établissements publics ou privés dispensant des formations sociales.

Dans un premier alinéa, il est rappelé, par une rédaction proche du droit actuel, que les formations sociales contribuent à la qualification et à la promotion des professionnels et des personnels salariés et non salariés engagées dans la lutte contre les exclusions, la perte d'autonomie et la maltraitance, la prévention et la réparation des handicaps ou inadaptations ainsi que la promotion du développement social. Le Sénat, sur proposition de la rapporteure de la commission des Affaires sociales, a précisé cette rédaction en substituant à la notion de réparation des handicaps, celle, plus adéquate, de compensation de la perte d'autonomie et en insistant sur l'impératif de cohésion sociale. Par ailleurs, à l'initiative du même auteur a été introduit une phrase supplémentaire visant, à l'instar de la rédaction actuelle, à imposer la recherche en travail social comme l'une des missions des formations sociales.

Le deuxième alinéa de l'article L. 451-1 constitue la véritable novation du projet de loi, puisqu'il institue la responsabilité de l'État dans la création et l'organisation des diplômes et titres du travail social ; il est fait pour cela référence aux dispositifs de droit commun en matière de formation, par un renvoi à l'article L. 335-6 du code de l'éducation, qui dispose que les diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'État sont créés par décret et organisés par arrêté des ministres compétents. Le projet de loi précise que cette nouvelle responsabilité de l'État se fait dans le cadre des orientations définies par le ministre en charge des affaires sociales, après avis du conseil supérieur de travail social.

Il est ainsi mis fin, par cette rédaction, au schéma national des formations sociales, qui était auparavant arrêté par le ministre en charge des affaires sociales et qui s'attachait à coordonner les différentes filières de formation des travailleurs sociaux, en lien notamment avec l'enseignement supérieur. Ce rôle de planification serait désormais imparti à la région, celle-ci étant dorénavant compétente, aux termes de l'article 43 du projet de loi, pour élaborer un schéma régional de formation.

Tout en réaffirmant la participation au service public de formation des établissements dispensant des formations sociales, le troisième alinéa de l'article simplifie les procédures ayant trait à leur création en substituant à la procédure d'agrément celle de déclaration d'activité auprès du préfet de région. La procédure renvoie, pour cette déclaration, au 3 de l'article L. 920-4 du code du travail, qui a trait aux conventions de formation professionnelle passées par les établissements d'enseignement. La déclaration d'activité prévoit la transmission au préfet de région des renseignements concernant la personne gestionnaire de l'établissement, l'annulation de l'agrément en cas de manquement, la caducité en l'absence d'activité pendant deux ans, l'obligation d'adresser une déclaration rectificative en cas de changement d'activité et la communication au conseil régional des bilans pédagogiques et financiers des établissements.

Le Sénat a adopté un amendement rédactionnel visant à clarifier la notion de formation sociale, puis a substitué à la procédure de déclaration d'activité une simple déclaration préalable auprès du préfet de région ; il a néanmoins ajouté, par une référence aux 2 et 4 de l'article L. 920-4 du code du travail, une obligation pour les responsables d'établissement d'enseignement de justifier des titres et qualités des personnels d'enseignement et d'encadrement employés ; ces responsables ne doivent pas, par ailleurs, avoir fait l'objet de condamnation pénale à raison de faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs et à l'honneur.

L'avant dernier alinéa de l'article définit par ailleurs les missions de contrôle de l'État, chargé de faire respecter les programmes ainsi que la qualité des enseignements ; avec cette rédaction est supprimée la liste d'aptitude nationale régissant les emplois de personnels directeurs et de formateurs. Tout en refusant de rétablir cette liste, le Sénat, sur proposition de sa rapporteure pour avis, a décidé de confier à l'État, au titre de son rôle de garant de la qualité des enseignements, la responsabilité de veiller à la qualification des formateurs et directeurs d'établissements.

Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, la Commission a examiné un amendement de Mme Valérie Pecresse prévoyant l'association des départements à la définition des diplômes et au contenu des formations, compte tenu de la forte implication des départements en matière sociale. M. René Dosière a estimé que cette proposition contrevenait au principe selon lequel la définition des diplômes et du contenu des formations relevait de la seule compétence de l'État et rappelé qu'il existait des organismes nationaux rassemblant l'ensemble des acteurs. Le président Pascal Clément a relevé que les départements étaient les principaux acteurs de l'aide sociale et qu'ils connaissaient parfaitement les besoins sociaux, ce qui leur donnait une légitimité pour exprimer leur avis en ce domaine. M. Pierre Lequiller a souligné qu'il convenait de faire une distinction entre la simple association, proposée par l'amendement, et la participation à la définition des diplômes et des contenus. Pour lever toute ambiguïté, le rapporteur a estimé opportun de substituer à « l'association » des collectivités locales la simple « consultation » sur le contenu des formations. La Commission a adopté la rectification proposée par le rapporteur, ainsi que l'amendement (amendement n° 346).

Le dernier alinéa de l'article 42 renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer les modalités d'application du présent article, avec notamment la définition des sanctions encourues en cas de manquements aux prescriptions édictées par l'article. La disposition, qui figure dans l'actuel article L. 451-1, selon laquelle l'État garantit aux établissements le financement des dépenses de fonctionnement afférentes à ces formations est ainsi supprimée ; elle a vocation à être remplacée par une autre disposition figurant à l'article 44 du projet de loi, confiant aux régions le soin d'assurer le financement des établissements.

La Commission a adopté l'article 42 ainsi modifié.

Article 43

(art. L. 451-2 du code de l'action sociale et des familles)


Transfert aux régions de la responsabilité
de la politique de formation des travailleurs sociaux

Dans la continuité de l'article 42, cet article s'attache à déterminer les conditions d'agrément par la région des établissements dispensant des formations sociales.

L'article propose dans cet objectif une nouvelle rédaction de l'article L. 451-2 du code de l'action sociale et des familles ; dans sa rédaction actuelle, l'article L. 451-2 précise les conditions de financement par l'État des organismes dispensant des formations sociales.

Aux termes de la nouvelle rédaction proposée, la région deviendrait compétente pour définir et mettre en œuvre la politique de formation des travailleurs sociaux. C'est à elle qu'est imparti le soin de recenser les besoins nécessaires à la conduite de l'action sociale et médico-sociale, d'assurer la synthèse des résultats et d'indiquer comment répondre aux besoins.

La rédaction initiale du projet de loi inscrivait ce recensement des besoins dans le cadre de l'élaboration du schéma prévisionnel des formations, mentionné à l'article L. 214-1 du code de l'éducation. Le Sénat a jugé ce schéma, qui porte essentiellement sur les formations secondaires, inadapté et a proposé en conséquence, à l'initiative de Mme Annick Bocandé, un repositionnement de ces formations dans le cadre du schéma régional des formations sociales. Les schémas régionaux des formations sociales ont été créés par la loi du 29 juillet 1988 relative à la lutte contre les exclusions, comme une déclinaison à l'échelon local du schéma national des formations sociales mentionné à l'article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles. Bien que le schéma national ait été supprimé par l'article 42 du projet de loi, il n'en demeure pas moins que les schémas régionaux gardent toute leur pertinence et apparaissent de facto comme l'outil le mieux adapté pour répondre aux nouvelles responsabilités imparties aux régions. La commission des Affaires sociales du Sénat plaidait cependant à juste titre pour une évolution de ces schémas régionaux, amenés à changer du fait, notamment, de la suppression du schéma national.

Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, ainsi que les amendements n° 4 de M. François Goulard et n° 75 de M. Bruno Bourg-Broc et des amendements présentés par MM. Rudy Salles et Pierre Morel-A-L'Huissier, tendant à prévoir l'avis des fédérations ou organismes représentatifs des institutions sociales et médico-sociales dans le cadre de l'élaboration du schéma régional des formations sociales, la Commission a examiné un amendement de Mme Valérie Pecresse prévoyant que la région indique, au plus tard à la fin de l'année qui suit la publication de la loi, les suites qu'elle compte donner aux besoins de formation recensés au cours de l'élaboration du schéma régional des formations sociales. Le rapporteur ayant approuvé son intention, mais fait valoir que le délai imparti était excessivement contraignant, Mme Valérie Pecresse l'a rectifié pour supprimer la condition de délai. La Commission a alors adopté cet amendement (amendement n° 347).

Le Sénat a également rendu obligatoire l'association des départements dans le recensement des besoins en formation sociale au niveau régional ; le conseil général apparaît effectivement comme un acteur de premier plan dans la définition du travail social, puisque sur 806 000 travailleurs sociaux recensés, 59 000 seraient employés par les conseils généraux, essentiellement des assistantes maternelles, des éducateurs spécialisés et des assistants de service social.

Dans le cadre de cette nouvelle compétence en matière de formation en travail social, la région se voit confier la responsabilité de l'agrément des établissements dispensant des formations sociales ; il lui revient également, dans les conditions fixées à l'article L. 451-2-1, tel que rédigé par l'article 44 du projet de loi, d'assurer le financement de ces établissements.

Comme il a été vu précédemment à l'article 42, l'agrément des établissements était auparavant accordé par le ou les représentants des ministres compétents dans la région et, le cas échéant, l'académie de région. Les conditions d'agrément se trouvent donc décentralisées, même si, on l'a vu à l'article précédent, les établissements dispensant des formations sociales initiales et continues restent soumis à une déclaration préalable auprès du préfet de région. Le projet de loi initial renvoyait au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les conditions d'agrément : le Sénat a exprimé ses craintes qu'une telle disposition ne lie excessivement la compétence de la région dans ses nouvelles prérogatives d'agrément. Il a en conséquence adopté un amendement présenté par Mme Annick Bocandé visant à ne renvoyer au pouvoir réglementaire que le soin de fixer « les conditions minimales d'agrément » de ces établissements.

S'agissant du financement, le projet de loi revient sur les dispositions initiales de l'article L. 451-2 qui précisait que l'aide financière de l'État était constituée par une subvention couvrant d'une part, les dépenses liées à l'emploi des formateurs, et d'autre part, les dépenses d'ordre administratif et pédagogique sur la base d'un forfait national par étudiant ; ces dispositions sont reprises pour être adaptées à la nouvelle compétence de la région à l'article 44 du projet de loi.

La région se voit en outre reconnaître la possibilité de déléguer à un ou plusieurs départements, sur leur demande, la mise en œuvre de cette compétence d'agrément, dans des conditions prévues par une convention ; le Sénat n'a adopté sur cette disposition qu'un amendement d'ordre rédactionnel, mais la commission des Affaires sociales, par la voix de sa rapporteure a fait connaître ses réserves sur les conditions d'une telle délégation. Un amendement de suppression avait été déposé, puis retiré, le ministre délégué aux libertés locales ayant plaidé pour que puisse être préservé, par cette disposition, un élément de souplesse dans la gestion des agréments. Il a ainsi rappelé que les départements étaient directement concernés par la formation des travailleurs sociaux, puisqu'ils en étaient les principaux employeurs. Il convient dès lors de leur ouvrir la possibilité d'une telle compétence, du moment que les conventions de délégation entre la région et le département reposent sur le principe du volontariat et du contrat.

La Commission a adopté l'article 43 ainsi modifié.

Article 44

(art. L. 451-2-1 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles)


Relations financières entre les régions et les établissements
dispensant des formations sociales

Aux termes de cet article, il est créé un nouvel article L. 451-2-1 au sein du code de l'action sociale et des familles afin de déterminer les conditions de financement par les régions des établissements dispensant des formations sociales.

En l'état actuel de la législation, c'est à l'État qu'il revient de financer ces établissements ; l'article L. 451-2 précise à cet effet que l'aide financière de l'État est constituée par une subvention couvrant, d'une part, les dépenses liées à l'emploi des formateurs, et d'autre part, les dépenses d'ordre administratif et pédagogique sur la base d'un forfait national par étudiant.

Le financement par le ministère des Affaires sociales recouvre en fait deux types de dépenses :

-  les crédits de fonctionnement, inscrits au chapitre 43-33 du budget de l'État : une enveloppe de crédits est ainsi déléguée par la direction de l'action sociale à chaque préfet de région par l'intermédiaire de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales. Celui-ci la répartit entre les écoles de formation de sa région. Le coût moyen de subvention par année s'élève à environ 3 000 euros ;

-  les crédits d'équipement, inscrits au chapitre 66-20, article 50, du budget de l'État. Ces crédits, destinés à la construction, à la rénovation ou aux gros travaux dans les centres de formation, sont affectés par le préfet de région.

Le projet de loi propose, dans le premier alinéa du nouvel article L. 451-2-1, de fonder les relations financières entre la région et les établissements d'enseignement sur le mode conventionnel. Le Sénat a précisé que cette convention concernait uniquement les établissements d'enseignement, la référence aux organismes d'enseignement, qui figurait auparavant dans la rédaction initiale, ayant été supprimée.

Le deuxième alinéa précise que l'aide financière apportée par la région dans le cadre de cette convention prend la forme d'une subvention annuelle couvrant d'une part les dépenses d'investissement, d'entretien et de fonctionnement des locaux, d'autre part les dépenses administratives et celles liées à leur activité pédagogique.

Le dernier alinéa de l'article indique qu'aucune condition de résidence n'est opposable aux étudiants et que la gratuité des études, hors frais d'inscription, leur est assurée.

Le Sénat, tout en approuvant le principe du financement par les régions, a très largement modifié les conditions de financement de ces établissements.

Il a en premier lieu considéré qu'il était injustifié de faire supporter par les régions la totalité des dépenses d'investissement, alors que ces dépenses ne sont pas actuellement à la charge de l'État. En l'absence de toute évaluation du patrimoine de ces établissements, il paraît effectivement excessif de faire porter une telle charge par les régions, et ce, d'autant plus que à l'heure actuelle, près de 80 % de ces centres relèvent du statut de droit privé ; une telle règle exclusive de financement serait dérogatoire au droit commun.

La rédaction ainsi retenue par le Sénat s'inspire des dispositions actuelles de l'article L. 451-2 qui font référence aux dépenses administratives et aux dépenses liées à l'activité pédagogique des établissements : celles-ci seront entièrement prises en charge par les régions. S'agissant des dépenses d'investissement, ainsi que celles liées à l'entretien et au fonctionnement des locaux, le principe posé est celui d'une participation de la région, dans des conditions définies par délibération du conseil régional.

Le Sénat a également modifié le dernier alinéa proposé pour le nouvel article L. 451-2, qui garantissait aux étudiants qu'il ne leur serait pas imposée une condition de résidence et leur assurait en outre un enseignement gratuit, sous réserve des frais d'inscription.

Si le Sénat n'est pas revenu sur la première de ces garanties, il a souhaité en revanche, sur proposition de sa rapporteure pour avis, aménager le principe de gratuité des études. La suppression des frais de scolarité, prévus dans la rédaction actuelle de l'article L. 451-2, risque en effet d'entraîner un transfert de charges important pour les régions, que le simple transfert des crédits budgétaires alloués par l'État au fonctionnement des établissements ne permettra pas de compenser. Ce principe de gratuité des études, qui parait par ailleurs sans équivalent dans les autres formations dispensées dans l'enseignement supérieur, prive ainsi les établissements d'une ressource importante. La rédaction adoptée réintroduit donc la possibilité faite aux établissements de percevoir des frais de scolarité, ceux-ci devant correspondre à une rémunération pour services rendus aux étudiants. En contrepartie, le Sénat a fixé un maximum pour les droits d'inscription, ces frais ne pouvant être supérieurs à un montant fixé chaque année par référence au niveau arrêté pour les droits de scolarité dans les instituts universitaires professionnalisés.

Dans le même objectif de ne pas transférer des charges indues aux régions, le Sénat a également réintroduit la disposition figurant dans la rédaction actuelle de l'article L. 451-2, autorisant les établissements à bénéficier de rémunérations de services, participations des employeurs ou subventions des collectivités publiques. Une telle disposition permet notamment de préserver les systèmes mis en place par certains départements pour la prise en charge de leurs travailleurs sociaux.

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par Mme Valérie Pecresse rétablissant la rédaction initiale de l'article en prévoyant que l'aide financière accordée par la région aux établissements qu'elle agrée pour dispenser des formations sociales initiales est constituée par une subvention annuelle. Le rapporteur s'étant déclaré défavorable à un dispositif ayant pour effet d'exclure toute autre ressource de ces établissements, y compris leur autofinancement, cet amendement a été rejeté, ainsi que deux amendements de suppression présentés par MM. André Chassaigne et Bernard Derosier. La Commission a ensuite adopté l'article sans modification.

Article 45

(art. L. 451-3 du code de l'action sociale et des familles)


Transfert aux régions des bourses en travail social

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 451-3 du code de l'action sociale et des familles dispose que les étudiants inscrits dans les établissements dispensant des formations sociales peuvent prétendre à l'attribution d'aides financières de l'État, dont le taux et les conditions d'attributions sont fixés par décret.

Le montant des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 s'élève à 19,29 millions d'euros, contre 18,15 millions inscrits dans la précédente loi de finances. Au titre de l'année scolaire 2002-2003, 5 838 étudiants ont pu bénéficier d'une bourse d'État.

Le présent article a pour objet, dans la continuité des précédents articles, de confier aux régions le soin d'attribuer ces bourses ; il est toutefois précisé que la nature et le niveau des aides devront être fixés par délibération du conseil régional. Le dernier alinéa de l'article renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les règles minimales de taux et de barème de ces aides.

La rédaction ainsi proposée supprime le dernier alinéa de l'actuel article L. 451-3, qui garantit aux étudiants inscrits dans une formation sociale la liberté d'information et d'expression, dans des conditions compatibles avec l'ordre public et les activités d'enseignement et de recherche. Cette rédaction n'a pas été reprise dans le nouvel article L. 451-3 car il s'agit de droits fondamentaux d'ores et déjà protégés par la Constitution.

Sur cet article 45, le Sénat a adopté un amendement présenté par le rapporteur de la commission des Lois, M. Jean-Pierre Schosteck, afin de préciser qu'il revient au conseil régional de fixer non seulement la nature et le montant des aides, mais également leurs conditions d'attribution.

La Commission a rejeté deux amendements de suppression présentés par MM. André Chassaigne et Bernard Derosier, puis un amendement de ce dernier tendant à prévoir la réalisation par l'État d'un audit préalable au transfert aux régions des aides aux étudiants, après que M. René Dosière eut fait valoir que l'article 45 prévoyait un important transfert de charges vers les budgets des régions.

La Commission a ensuite adopté cet article sans modification.

Article 46

(Art. L. 113-2 et L. 232-13 du code de l'action sociale et des familles)


Affirmation de la compétence du département dans la conduite
et la coordination de l'action en faveur des personnes âgées

Le secteur de la prise en charge sociale et médico-sociale des personnes âgées a connu ces dernière années un développement très important ; en ce qui concerne les maisons de retraite et les structures d'accueil, au nombre de 10 000 actuellement, la loi relative à la prestation spécifique dépendance, en 1997, puis, en 2001, la loi relative à l'allocation personnalisée d'autonomie ont contribué à organiser le secteur selon une réforme globale destinée à assurer une meilleure qualité de service. Parallèlement, les services à domicile, médicalisés ou non, ont également fait l'objet d'une requalification juridique introduite par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, rénovant l'action sociale et médico-sociale.

En dépit de cette réorganisation, le secteur reste marqué par la grande diversité des intervenants ; l'article 46 du projet de loi propose alors de renforcer le département dans son rôle de pilotage du secteur. Ce choix du département s'impose à l'évidence puisque celui-ci est déjà compétent en matière d'aide sociale aux personnes âgées et qu'il lui revient de gérer l'allocation personnalisée d'autonomie. Ce rôle de chef de file s'inscrit par ailleurs dans la continuité des articles 39 et 40 du projet de loi, qui confirment le rôle du département en matière d'action sociale.

Le premier paragraphe de l'article a pour objet d'insérer, en tête de l'article L. 113-2 du code de l'action sociale et des familles, relatif aux prestations servies aux personnes âgées, un nouvel alinéa affirmant la compétence du département pour :

-  définir et mettre en œuvre l'action sociale en faveur des personnes âgées ;

-  coordonner, dans le cadre du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale mentionné à l'article L. 312-4, les actions menées par les différents intervenants ; ce schéma d'organisation, dont les conditions d'élaboration sont modifiées par l'article 40 du projet de loi, vise à apprécier les besoins, à dresser un bilan quantitatif et qualitatif de l'offre sociale et médico-sociale existante, à déterminer les perspectives et les objectifs de développement, à définir les critères d'évaluation et à préciser le cadre de la coopération entre tous les organismes concernés.

-  définir des territoires de coordination de l'action gérontologique de proximité ;

-  établir les modalités d'information du public et de coordination des prestataires en s'appuyant notamment sur des centres locaux d'information et de coordination.

Les centres locaux d'information et de coordination (clic) sont destinés à mieux répondre aux besoins des personnes âgées et de leur entourage, sans considération liée à leur état de dépendance, leur revenu ou leur âge. Cette coordination doit être articulée à une évaluation des besoins de la personne et à un recensement de l'offre en termes de services, de places et de formation.

La création des clic s'appuie sur les structures existantes, qu'elles soient des organismes de services à domicile ou qu'elles dépendent d'un établissement hospitalier, d'une institution sociale ou médico-sociale ou d'une collectivité territoriale, par l'intermédiaire notamment des centres communaux d'action sociale. Il revient au ministère chargé des Affaires sociales de financer ces nouvelles structures par des conventions visant à « labelliser » les initiatives menées sur la base de ces principes.

Créés en 2000 à titre expérimental, les clic ont reçu une consécration législative par la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisées d'autonomie. Ils constituent la dernière génération des instances de coordination gérontologique ; c'est pour cette raison que le Sénat a souhaité, à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois et de la rapporteure de la commission des Affaires sociales, renforcer le rôle des départements en plaçant directement les clic sous leur responsabilité. Le Sénat a ainsi précisé la rédaction du projet de loi en confiant aux départements la gestion, l'organisation et le financement des clic. Les centres locaux d'information et de coordination qui relèveraient encore de l'État, à la date de publication de la présente loi, seront transférés par des conventions aux départements dans un délai maximum de douze mois.

Les sénateurs ont également précisé le rôle de coordination du département en indiquant qu'il doit veiller à la cohérence des actions respectives des centres locaux d'information et de coordination, des équipes médico-sociales de l'allocation personnalisée d'autonomie versée aux personnes âgées prises en charge à domicile, et mentionnées au premier alinéa L. 232-3, ainsi que des établissements et services qui accueillent les personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociales, et qui sont mentionnés au 6  du I de l'article L. 312-1.

Enfin, les sénateurs, toujours à l'initiative de la rapporteure pour avis, ont précisé que la coordination gérontologique peut être mise en œuvre par la voie de la contractualisation. Cet amendement apporte effectivement un élément de souplesse en laissant aux départements une latitude suffisante pour choisir les partenaires les mieux à même d'améliorer la prise en charge des personnes âgées.

Le deuxième paragraphe de l'article propose une suppression des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 232-13 du code de l'action sociale et des familles : ces dispositions relatives au schéma départemental de coordination gérontologique et à la définition des territoires de coordination avaient été introduites dans le code de l'action sociale et des familles dans le cadre de l'allocation personnalisée d'autonomie. Le premier paragraphe du présent article a pour objet de les reprendre dans des dispositions plus générales que celles de l'apa et procède donc, par coordination, dans le deuxième paragraphe, à leur abrogation.

Ayant rejeté deux amendements, l'un de suppression présenté par M. André Chassaigne, l'autre de M. Bernard Derosier tendant à prévoir un dispositif de conventionnement entre l'État et le département, la Commission a examiné un amendement de Mme Valérie Pecresse, étendant aux départements, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, la politique en faveur des personnes âgées. Le rapporteur a considéré que la rédaction de l'amendement devait être précisée, en particulier pour tenir compte des strictes limites posées par l'article 72, alinéa 4 de la Constitution. Cet amendement ayant été rejeté, la Commission a adopté l'article 46 sans modification.

Article 47

(chapitre IX [nouveau] du titre IV du livre Ier et art. L. 149-1 [nouveau]
du code de l'action sociale et des familles)


Comités départementaux
des retraités et personnes âgées

Le présent article a pour objet de créer un chapitre IX au sein du livre Ier (« Dispositions générales ») du titre IV (« institutions ») du code de l'action sociale et des familles qui serait consacré aux comités départementaux des retraités et personnes âgées. Composé d'un article unique, l'article L. 149-1, ce chapitre permettrait de reconnaître une existence législative aux instances départementales de participation des retraités et personnes âgées instituées par le décret n° 82-697 du 4 août 1982.

Actuellement présidés par les préfets, ces comités seront désormais placés auprès du président du conseil général ; il est prévu de confier à ce dernier le soin d'en arrêter la composition. L'exposé des motifs du projet de loi, tout en laissant aux présidents de conseils généraux toute latitude dans l'organisation des modalités de travail de ces comités, précise qu'ils pourraient ainsi être associés à l'élaboration du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale qui relève désormais, en application de l'article 40 du projet de loi, de la seule responsabilité du conseil général. Ces modalités de participation pourraient notamment concerner le schéma s'appliquant aux établissements accueillant des personnes âgées ou leur apportant une assistance à domicile.

Cette totale liberté confiée au président du conseil général a suscité de nombreuses inquiétudes, qui ont conduit le rapporteur à proposer un amendement, adopté par la Commission, confiant au pouvoir réglementaire national le soin de d'arrêter les modalités de fonctionnement et de composition du coderpa (amendement n° 348: il s'agit ainsi de s'assurer d'une représentation égale des retraités et des personnes âgées sur l'ensemble du territoire.

La Commission a en conséquence rejeté un amendement de M. André Chassaigne tendant à préciser la composition et le rôle de ces comités, puis adopté l'article 47 ainsi modifié.

Chapitre II

Mise en
œuvre de la protection judiciaire de la jeunesse

Article 48

Extension, à titre expérimental, des compétences des départements
pour la mise en œuvre des mesures d'assistance éducative dans le cadre
de la protection judiciaire de la jeunesse

Cet article permet d'étendre les compétences du département en matière de mise en œuvre de mesures d'assistance éducative. Cette extension de compétences se fait cependant dans le cadre expérimental prévu par l'article 37-1 de la Constitution, qui autorise désormais, pour un objet et une durée limités, des normes de caractère dérogatoire.

Les lois de décentralisation ont attribué aux départements une large compétence et une grande autonomie dans le domaine de l'aide sociale, et plus particulièrement de l'aide sociale en direction des familles et des enfants. À ce titre, la loi du 6 janvier 1986 précise que le département, en coordination avec les autres services publics doit mettre en œuvre une politique de protection de l'enfance.

Les missions générales du service départemental sont définies par l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et de la famille : les services de l'aide sociale à l'enfance (ase) doivent ainsi apporter un soutien aux mineurs et à leur familles, organiser des actions afin de prévenir la marginalisation, mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs, pourvoir à l'ensemble de leurs besoins lorsqu'ils sont confiés aux services de l'ase et mener toute action de prévention en direction de l'enfance maltraitée.

Dans le cadre de leurs missions, les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance peuvent apporter un soutien matériel aux familles en difficultés, fournir des prestations d'aide à domicile et même proposer le placement de l'enfant ; ces actions se font toutefois en accord avec les parents et ont une vocation essentiellement préventive.

Il revient cependant au seul juge des enfants d'imposer des mesures d'assistance éducative, telles que prévues aux articles 375 à 375-9 du code civil. Ces mesures sont prises par le juge à la suite d'un signalement ou d'une demande des parents ou de la personne en charge de l'enfant, lorsqu'il existe un danger pour sa santé, sa sécurité ou sa moralité. Elles ont pour objet d'aménager les droits de l'autorité parentale et leurs conditions d'exercice. Elles consistent essentiellement dans le prononcé de l'assistance éducative en milieu ouvert (aemo) et le placement :

-  l'aemo est une mesure d'accompagnement et d'aide aux familles en difficulté prévue à l'article 375-2 du code civil. Elle permet au juge de désigner une personne qualifiée ou un service d'observation, d'éducation ou de rééducation en milieu ouvert chargé de suivre le développement de l'enfant et d'en faire rapport au juge périodiquement ;

-  le placement est prévu à l'article 375-3 du code civil et est prononcé par le juge lorsque le retrait du milieu familial apparaît nécessaire. Le juge peut ainsi confier l'enfant à celui des père et mère qui n'avait pas l'exercice de l'autorité parentale ou chez lequel l'enfant n'avait pas de résidence habituelle, ou à un autre membre de la famille ou un tiers digne de confiance ou à un service ou établissement sanitaire ou d'éducation ordinaire ou spécialisé ou à un service départemental de l'aide sociale à l'enfance.

Ces deux mesures, qui peuvent éventuellement être combinées, relèvent de l'assistance éducative ; bien que prononcées par un juge, elles sont liées à la protection de l'enfance en danger et conservent donc un aspect de prévention très marqué. Elles se font, dans la mesure du possible, avec l'adhésion de la famille. Elles sont entièrement à la charge des conseils généraux, par le biais des services d'aide sociale à l'enfance et constituent ainsi des dépenses obligatoires aux termes de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles.

Il en va différemment des pouvoirs du juge des enfants lorsqu'il tranche au pénal, pour des actes de délinquance commis par des mineurs. Le juge, sur le fondement de l'ordonnance du 2 février 1945 peut soit prendre des mesures « éducatives », d'assistance, de protection, de surveillance et d'éducation, soit prononcer une mesure de placement du mineur délinquant dans un établissement ou une structure appropriée. Dans le premier cas, les mesures s'apparentent aux mesures d'assistance éducative prises dans le cadre de l'enfance en danger, notamment parce qu'elles font appel très largement au service départemental de l'ase ; dans le second cas, le placement se fait au titre de la protection judiciaire de la jeunesse et est financé par le budget de l'État.

Tout en étant clairement définies par les textes, les dispositions relatives aux mesures d'assistance éducative et celles concernant les mesures relatives à l'enfance délinquante sont parfois difficiles à distinguer l'une d'entre elles ; les problématiques relatives à la protection de l'enfance en danger et la prévention de la délinquance des mineurs apparaissent en effet étroitement liées. Compte tenu de la porosité des frontières entre les deux dispositifs, et également, il faut bien le reconnaître, d'une « culture » des juges pour enfants fondée sur la prévention, de nombreux jeunes sont placés sous mesure d'assistance éducative alors qu'ils relèveraient en fait d'un régime d'éducation surveillée.

Les conséquences financières pour les départements ne sont pas minces : alors que l'État prend en charge l'ensemble des mesures pénales prononcées sur le fondement de l'ordonnance de 1945 et les mesures civiles d'investigation préalables à la décision judiciaire ou encore celles concernant les jeunes majeurs, le département est tenu, aux termes de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles, de financer les mesures de placement en foyer ou famille d'accueil prononcées sur le fondement civil ainsi que les mesures d'assistance éducative en milieu ouvert et les mesures de placement pénal pour les mineurs de moins de 13 ans.

Cette coexistence des dispositifs, dont un rapport récent de la Cour des comptes vient de souligner la complexité(41), implique obligatoirement un partenariat étroit entre l'État et les départements : dans cet objectif ont été mis en place les schémas départementaux de la protection de l'enfance, visant à définir, en concertation avec l'autorité judiciaire, les réponses qualitatives et quantitatives à mettre en œuvre pour répondre aux besoins repérés en matière de prise en charge éducative des enfants en difficulté. Au 1er juillet 2003, on comptait 47 schémas signés et 37 en cours d'élaboration.

L'article 48 du projet de loi s'inscrit dans cette démarche de concertation : l'expérimentation proposée a pour objet de confier aux départements le soin d'assurer la mise en œuvre des mesures d'assistance éducative décidées par le juge. Ce dernier disposera ainsi d'un interlocuteur unique en matière de prise en charge civile. La continuité de l'intervention éducative se trouve ainsi renforcée.

L'expérimentation, initialement prévue sur quatre ans et fixée à cinq par le Sénat, porte sur les articles 375 à 375-8 du code civil ; dans les départements retenus pour l'expérimentation, le service de l'aide sociale à l'enfance sera seul compétent pour mettre en œuvre les mesures d'assistance éducative prononcées par le juge, à l'exception :

-  de celles confiées à des personnes physiques, qu'il s'agisse de la désignation d'une personne qualifiée pour la mise en œuvre d'une aemo ou d'un cas de placement auprès d'un des deux parents, d'un membre de la famille ou d'un tiers digne de confiance ;

-  des placements dans les établissements recevant, en application de l'article 375-9 du code civil, des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux.

Les services de l'aide sociale à l'enfance auront ainsi le choix d'assurer eux-mêmes les mesures d'assistance éducative, de faire appel à des organismes publics ou privés, ou de confier l'enfant à des personnes physiques. L'habilitation à recevoir les mineurs est alors délivrée non plus par le représentant de l'État dans le département, mais par le président du conseil général, après l'accord des procureurs de la République et des présidents des tribunaux de grande instance situés dans le département.

Les services et établissements ainsi habilités resteraient soumis aux contrôles de l'autorité judiciaire et des services relevant de l'autorité du garde des Sceaux, dans les conditions prévues à l'article L. 313-20 du code de l'action sociale et des familles.

Les départements disposeront d'un délai pour se porter candidat à l'expérimentation : initialement prévu pour six mois, ce délai a été porté à un an sur proposition du rapporteur de la commission des Lois. Le garde des Sceaux dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur les candidatures retenues ; le délai qui lui est imparti pour prendre sa décision est de quatre mois suivant le dépôt des candidatures. Une fois retenu, les départements pilotes devront passer une convention avec l'État qui déterminera les modalités d'extension de cette compétence, s'agissant notamment des moyens impartis en crédits et en personnel.

Sans que cette précision ne figure expressément dans la loi, il est possible d'envisager que la convention précise également les conditions de révocation de la mesure ainsi que la mise en œuvre jointe d'une mesure de placement par l'ase et d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert (42). Sur cette dernière possibilité, le rapporteur a proposé un amendement, qui a été adopté par la Commission, apportant une précision explicite en faisant référence à l'article 375-4 du Code civil (amendement n° 349).

Il parait toutefois exclu, à la lecture de l'article, qu'un magistrat d'un département soumis à expérimentation puisse placer directement, de lui-même, un mineur dans un établissement situé hors de ce département : une telle possibilité reviendrait à contourner les modalités de l'expérimentation. Dès lors, dans les départements pilotes, s'il apparaît qu'un mineur doit être pris en charge hors du département, le service de l'aide sociale à l'enfance organisera le placement extérieur.

Une évaluation de l'expérimentation est prévue ; elle doit faire l'objet d'un rapport établi par le Gouvernement et transmis au Parlement, auquel sont jointes les observations des départements pilotes. Ce rapport devra être remis six mois avant la fin de l'expérimentation, délai préféré par le Sénat à celui de trois mois proposé initialement.

Dans un dernier paragraphe, l'article 48 prévoit les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation ; pour les mesures en cours au moment de l'entrée en vigueur de l'expérimentation, elles seront maintenues et mises en œuvre jusqu'à leur terme par la personne physique ou morale - service de l'État ou association - qui en était initialement chargée et pourront même, si la convention le prévoit, faire l'objet d'un renouvellement sur les mêmes bases : il s'agit ainsi de garantir, lorsque l'intérêt du mineur l'exige, la continuité de l'intervention éducative. Cette faculté de renouvellement n'est toutefois autorisée que lorsqu'il s'agit d'une mesure assurée par un service de l'État. Pour les mesures assurées par une association, le renouvellement se fera dans le cadre des pouvoirs confiés à l'ase par l'expérimentation.

La Commission a été saisie de deux amendements de suppression, l'un de M. André Chassaigne, l'autre de M. René Dosière, lequel a fait valoir que cet article est lourd de conséquences pour le rôle et les compétences des juges des enfants. Se fondant sur son expérience, le président Pascal Clément a insisté sur la valeur de l'appréciation des travailleurs sociaux et sur l'utilité de les associer aux décisions de placement des mineurs en milieu fermé prises par les juges des enfants. Le rapporteur, tout en comprenant l'intention des auteurs des amendements, en a souhaité le rejet ; la Commission a en conséquence rejeté les amendements de suppression, puis adopté l'article 48 ainsi modifié.

Chapitre III

Le logement social et la construction

Article 49 A

(art. L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation)


Transfert aux maires et aux présidents d'établissements publics de
coopération intercommunale du contingent préfectoral de logements sociaux

Introduit au Sénat sur proposition de sa commission des Lois, l'article 49 A a pour objet de modifier l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation afin de transférer aux maires, ou, par délégation du maire, aux présidents d'epci compétents en matière de logement, le contingent préfectoral de réservation de logements au profit des personnes prioritaires, notamment mal logées ou défavorisées.

En l'état actuel de la législation, les préfets disposent d'un droit de réservation des logements sociaux qui leur permet de rendre effective l'attribution de logements à des personnes prioritaires. Le contingent ainsi mis à disposition ne peut excéder 30 % du patrimoine du bailleur, dont 5 % pour les fonctionnaires et 25 % pour les personnes défavorisées. Ce droit de réservation se fait généralement par convention avec les bailleurs sociaux, ce qui permet d'aboutir à une gestion concertée du parc social de logement. Sur le contingent ainsi réservé, le préfet dispose d'un droit de proposition, les bailleurs sociaux pouvant refuser les candidats présentés par le préfet pourvu que leur refus soit motivé.

Les collectivités territoriales ne bénéficient pas des mêmes prérogatives que le préfet ; en contrepartie de leur garantie d'emprunts, le total des logements qui est réservé aux collectivités territoriales, à leurs groupements, et aux chambres de commerce et d'industrie ne peut excéder 20 % des logements de chaque programme. Ce taux peut toutefois être dépassé lorsqu'il y a un apport de terrain ou un financement, sans autre limitation que celle consistant à ne pas empiéter sur le contingent du préfet.

La pratique des contingents préfectoraux ne paraît pas avoir produit les résultats escomptés ; il semblerait en effet que les départements dans lesquels les logements réservés sont bien identifiés et suivis dans le temps sont rares ; en outre, dans près de la moitié des départements où le contingent préfectoral de logements sociaux est géré, le droit de réservation n'est exercé que lors de la première attribution du logement. Ainsi, l'efficacité d'une telle procédure a pu être contestée, au regard des résultats recensés : en 1996, 24 420 ménages ont pu être relogés dans 54 départements, alors que le droit de tirage théorique s'élève à 81 250 logements. Parallèlement, la demande des maires pour gérer les questions de logement au plus près des réalités se fait pressante, notamment dans le cadre de l'obligation résultant de l'article L. 314-1 du code de l'urbanisme, qui les astreint à reloger les personnes occupant des logements faisant l'objet d'une opération d'aménagement déclarée d'utilité publique. Une telle procédure de relogement est pourtant le préalable indispensable pour mener à bien des opérations en matière de résorption de l'habitat insalubre.

Dès lors, et compte tenu de la nécessité de redynamiser une procédure essentielle pour le logement des plus défavorisés, le projet de loi prévoyait initialement, dans le paragraphe II de l'article 49, une délégation de tout ou partie du contingent préfectoral à l'établissement public de coopération intercommunale ou au département compétent en matière de logement. Le Sénat a souhaité aller plus loin dans ce mouvement de décentralisation en proposant non plus une délégation, mais un transfert. Il modifie pour cela l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation pour substituer à la compétence du représentant de l'État celle du maire ou, par délégation, le président de l'établissement public de coopération intercommunale.

Le rapporteur, qui assure par ailleurs les fonctions de Président du Conseil national de l'habitat, ne méconnaît pas les tensions et difficultés qui résultent de la gestion de ces contingents réservés ; il partage ainsi les préoccupations des sénateurs de voir confier aux élus, plus proches du terrain, une réelle responsabilité en la matière. Néanmoins, si l'intervention des élus assure l'adéquation de la décision aux réalités locales, il n'en reste pas moins que l'État se doit d'être le garant des grands équilibres et de la solidarité nationale. Dans sa décision sur la loi relative à la mise en œuvre du droit au logement, le Conseil constitutionnel a ainsi qualifié les actions en faveur du logement des personnes défavorisées « d'exigence d'intérêt national » (43). Les auditions menées par le rapporteur auprès d'associations d'élus ou de professionnels ont toutes montré la nécessité de confier à l'État ce rôle de garant en matière de droit au logement, qui est un droit fondamental.

En outre, le dispositif adopté par les sénateurs suscite l'inquiétude du côté des bailleurs, qui craignent qu'un tel transfert, sans contrepartie, ne dissuade les maires d'accorder leur garantie aux emprunts pour la construction de hlm, garantie qui ouvre aujourd'hui le droit à des contingents réservés supplémentaires.

Pour ces raisons, le rapporteur propose un amendement qui rétablit, comme le prévoyait initialement le projet de loi à l'article 49, un dispositif de délégation aux départements et établissements publics de coopération intercommunale bénéficiant d'une délégation des aides à la pierre, tout en prévoyant un encadrement de ces droits à réservation dans le cadre des objectifs fixés par le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (pdalpd). Dans le cadre de ce plan, les autorités délégataires seront obligées d'effectuer les réservations au profit des personnes prioritaires ; l'État, par l'intermédiaire du préfet, sera tenu informé, trimestre par trimestre, des réservations effectuées dans le cadre de ces contingents. Il peut en outre à tout moment demander à un corps d'inspection national le soin d'examiner les conditions dans lesquelles le président de l'epci ou du conseil général procède à ces réservations. En cas de manquement aux obligations prévues dans le plan départemental, le préfet pourrait récupérer ces droits de réservation et exercer les actions qui s'imposent.

La rédaction proposée permet également de reporter sur l'établissement public de coopération intercommunale la charge de la garantie accordée aux emprunts nécessaires aux opérations immobilières, les communes pouvant prétendre au titre de ces garanties à des contingents de logements supplémentaires.

La Commission a adopté cet amendement de rédaction globale de l'article (amendement n° 350), après avoir rejeté quatre amendements de suppression présentés respectivement par M. Alain Gest (n° 110) et MM. André Chassaigne, Jean-Jack Queyranne et Gérard Vignoble, ainsi qu'un amendement de M. Pierre Morel-A-L'Huissier devenu sans objet.

Article 49

(Art. L. 301-3, L. 301-5-1 à L. 301-5-3 [nouveaux], L. 302-1, L. 302-4 et L. 302-4-1,
section 3 du chapitre II du titre préliminaire du livre III, art. L. 303-1,
chapitre II du titre Ier du livre III du code de la construction et de l'habitation,
art. 79 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983)


Délégation de l'attribution des aides à la pierre aux établissements publics
de coopération intercommunale fiscalité propre et aux départements -
Programme locaux de l'habitat - Création d'un comité régional de l'habitat

Cet article a pour objet de prévoir les conditions de délégation par l'État de ses compétences en matière d'attribution d'aides à la pierre aux établissements publics de coopération intercommunale ou aux départements qui en font la demande. Il permet également d'élargir les possibilités d'aides au logement reconnues aux collectivités territoriales.

La loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État a reconnu aux collectivités locales une faculté d'intervention en matière de logement en disposant que « les communes, les départements, les régions définissent dans le cadre de leurs compétences respectives, leur priorité en matière d'habitat ».

Ainsi, il revient à la région, dans le cadre de ses compétences concernant la promotion du développement économique et social, de définir les priorités en matière d'habitat, après consultation des départements et au vu, le cas échéant, des programmes locaux d'habitat qui lui sont adressés par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale. Elle peut alors compléter l'aide de l'État par des subventions, prêts, bonifications d'intérêt ou garanties d'emprunt. La région peut également engager, seule ou par voie de contractualisation, notamment avec l'État, un programme d'aides destinées à favoriser la qualité de l'habitat, l'amélioration des quartiers et des logements existants, l'équipement des terrains à bâtir.

Les départements ont, quant à eux, privilégié les missions destinées à favoriser l'accession à la propriété et l'amélioration de l'habitat. 80 % de ces collectivités interviennent ainsi en faveur des populations les plus modestes. Les départements participent également, à parité avec l'État au financement des Fonds de solidarité logement ainsi qu'au financement des Fonds départementaux d'aides aux accédants en difficulté. Ils apportent également leur garantie aux emprunts contractés par les organismes hlm et concourent au logement des publics en difficulté par le biais des plans départementaux d'action pour les logements des plus défavorisés.

Les communes bénéficient en premier lieu de contingents de réservation dans le parc hlm, en contrepartie de garanties d'emprunts. Elles contribuent, par l'intermédiaire le plus souvent des groupements intercommunaux, aux actions et aides financières en faveur du logement social. Les programmes locaux de l'habitat (plh) arrêtés par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale déterminent les opérations prioritaires de logement, notamment en faveur des personnes mal logées ou défavorisées.

Au total, en 2000, les interventions en faveur du logement des collectivités locales se sont élevées à 430 millions d'euros, soit 264 millions d'euros pour les communes et leurs groupements, 95 pour les départements et 71 pour les régions.

L'article 49 du projet de loi prévoit de conforter le rôle des collectivités locales en matière de logement en prévoyant dans un premier temps les conditions d'une délégation des aides à la pierre.

1. La délégation des aides à la pierre

Le premier paragraphe propose une nouvelle rédaction de l'article L. 301-3 du code de la construction et de l'habitation afin de préciser les aides publiques susceptibles d'être déléguées.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 301-3 opère une distinction entre les actions d'intérêt national et les interventions locales ; pour ces dernières, il revient au représentant de l'État dans la région de répartir les crédits entre les départements après consultation du conseil régional et prise en compte des priorités régionales en matière d'habitat. C'est ensuite au préfet dans le département de répartir les aides entres les communes après avis du conseil général et prise en compte des programmes locaux de l'habitat élaboré par les communes ou les groupements intercommunaux.

La rédaction proposée au premier paragraphe de l'article 49 pour le nouvel article L. 301-3 précise en premier lieu les aides à la pierre concernées par la procédure de délégation ; il s'agirait ainsi :

-  des aides publiques en faveur de la construction, de la réhabilitation et de la démolition des logements sociaux ;

-  des aides en faveur de la rénovation de l'habitat privé ;

-  des aides destinées à la création de places d'hébergement ;

-  des aides directes en faveur de l'accession sociale à la propriété, pour les seuls départements et régions d'outre-mer.

L'exception faite pour l'outre-mer se justifie par un mécanisme particulier à ces départements, dénommé « ligne budgétaire unique » (lbu) permettant de financer sur une même ligne budgétaire l'ensemble des actions en faveur du logement, y compris celles destinées à l'accession à la propriété, réservées en métropole au secteur bancaire. Compte tenu de ces spécificités, la Commission, après avoir rejeté un amendement de suppression de M. André Chassaigne, a rejeté un amendement de M. Jean-Jack Queyranne étendant les possibilités de délégation à l'ensemble des logements sociaux et aux aides en faveur de l'action foncière pour le logement social, sur le modèle du dispositif ultra-marin. Elle a également rejeté deux amendements du même auteur établissant une simple faculté de délégation s'agissant des aides destinées à la création de places d'hébergement.

Le Sénat a souhaité ajouter, à l'initiative de M. Philippe Richert, les aides à l'acquisition de logements, en coordination avec la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui autorise désormais l'acquisition par les organismes hlm de logements existants avec les aides de l'État ou celles de la Caisse des dépôts et consignations.

Si l'on totalise les crédits en dépenses ordinaires et autorisations de programme prévues en loi de finances pour 2004, l'ensemble des aides à la pierre susceptibles de faire l'objet d'une délégation s'élèverait à 774 millions d'euros.

Le choix de la délégation a été préféré à celui d'un transfert ; il permet ainsi de concilier l'impératif de solidarité nationale, qui relève de la responsabilité de l'État avec le principe de subsidiarité qui prévoit l'exercice d'une compétence au plus près des réalités du terrain. Le principe de la délégation repose en effet sur la signature d'une convention entre le délégant et le délégataire permettant d'assigner des objectifs et d'en contrôler les résultats ; le choix des bénéficiaires de la délégation est à ce titre essentiel car de lui dépend la réussite du dispositif.

Le projet de loi a ainsi opté prioritairement pour l'échelon intercommunal, en indiquant que le bénéfice de la délégation de compétence serait en priorité réservé aux communautés urbaines, aux communautés d'agglomération, aux syndicats d'agglomération nouvelles ainsi qu'aux communautés de communes de plus de 50 000 habitants et comptant au moins une commune de plus de 15 000 habitants.

À titre subsidiaire, si aucun groupement ne demande ou n'obtient la délégation, le projet de loi prévoit de l'accorder aux départements qui en font la demande.

Quel que soit le délégataire, la gestion de la délégation est subordonnée à la conclusion d'une convention avec l'État définissant précisément les objectifs à atteindre, dans le cadre notamment, pour les établissements publics de coopération intercommunale, des programmes locaux de l'habitat définis au niveau intercommunal.

Les modalités de répartition des crédits sont les suivantes :

-  le montant total des aides à la pierre est réparti entre les régions en fonction notamment des données sociales et démographiques, de l'état du patrimoine de logements ainsi que la situation du marché locatif ;

-  la dotation régionale est ensuite répartie par le représentant de l'État dans la région, après consultation du comité régional de l'habitat, ou, dans les régions d'outre-mer, le conseil départemental de l'habitat ; cette répartition s'effectue entre les epci et, pour le reste du territoire, le département ayant signé une convention de délégation.

En l'absence de convention avec un département, les aides à la pierre resteraient gérées par l'État par l'intermédiaire du préfet de région ; ce dernier aurait alors à déterminer les montants directement affectés au préfet du département ainsi qu'à l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat pour les opérations situées hors du périmètre des epci ayant passé une convention de délégation. L'affectation de ces crédits devra néanmoins tenir compte du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées. La Commission a rejeté un amendement de M. André Chassaigne renforçant le caractère normatif de ce plan en indiquant que l'affectation devrait « respecter » et non simplement « tenir compte » des orientations qui y sont définies.

Le système retenu par le projet de loi comprend ainsi trois niveaux de gestion : il consiste à déléguer aux groupements qui en font la demande, puis, en l'absence de groupements sélectionnés ou pour les zones hors intercommunalité, au département, et en l'absence de délégation au département, à opérer une gestion directe par l'État.

Tout en validant un tel dispositif, le Sénat a souhaité en élargir le nombre de bénéficiaires : sur proposition conjointe du rapporteur de la commission des Lois, M. Jean-Pierre Schosteck, et du rapporteur de la commission des Affaires économiques, M. Georges Gruillot, la seconde assemblée a supprimé les seuils de 50 000 et 15 000 habitants pour les communautés de communes susceptibles de se voir confier la gestion des aides à la pierre. Les sénateurs ont considéré qu'un tel seuil était inutile, dans la mesure où la décision finale d'accorder la délégation revenait au seul préfet de région : il lui appartiendra alors de vérifier si la communauté de communes présente toutes les garanties pour gérer une telle délégation. Présentant ainsi l'amendement, M. Jean-Pierre Schosteck indiquait que « tout seuil étant, bien sûr, source d'arbitraire et d'injustice, le préfet appréciera localement si le degré d'intégration, les moyens financiers, le nombre de logements sociaux dont dispose la communauté de communes rendent pertinente une telle délégation (44) ».

Il apparaît pourtant essentiel que la possibilité de conclure de telles délégations soient réservées à des groupements suffisamment importants ; les seuils retenus dans le projet de loi initial permettent ainsi de retenir les communautés de communes correspondant à des « bassins d'habitat » pertinents. Avec l'instauration de ces seuils démographiques, qui sont identiques à ceux requis pour la création d'une communauté d'agglomération, le Gouvernement souhaitait ne pas pénaliser les établissements publics de coopération intercommunale qui ont l'envergure des communautés d'agglomération mais sont restées, pour des raisons diverses, des communautés de communes. L'objectif était ainsi de confier la délégation à des groupements suffisamment importants pour couvrir des bassins d'habitat pertinents.

L'amendement adopté par le Sénat présente au contraire le risque de favoriser un éparpillement de la gestion des aides à la pierre. Du fait de la multiplication du nombre de groupements retenus pour la délégation de crédits, le département ne pourrait se voir confier que les zones « interstitielles », alors qu'il convient au contraire de lui reconnaître, dans les zones rurales, un véritable rôle de coordination et de correction des déséquilibres entre les communes.

En outre, la gestion de la délégation de crédits exige une envergure financière suffisante dans la mesure où les aides à la pierre ne constituent bien souvent qu'un premier apport dans le financement des opérations ; il reviendra ensuite aux groupements de trouver les financements complémentaires. Dès lors, seules les communautés de communes de taille conséquente peuvent mener à bien de telles opérations.

En conséquence, la Commission a examiné deux amendements, l'un du rapporteur, l'autre de M. Michel Piron, rétablissant le texte initial de l'article qui précisait les seuils à partir desquels les communautés de communes peuvent se voir confier la gestion des délégations des aides à la pierre. M. Alain Gest lui ayant demandé pour quelle raison un seuil de 50 000 habitants, pour les communautés de communes comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, avait été préféré à un simple renvoi aux communautés urbaines et communautés d'agglomération, le rapporteur a indiqué qu'il s'agissait de tenir compte du cas de quelques communautés de communes de plus de 50 000 habitants n'ayant pas voulu opter pour un changement de statut. La Commission a adopté l'amendement du rapporteur auquel s'est associé M. Michel Piron (amendement n° 351).

Le Sénat a par ailleurs complété le paragraphe I de l'article 49 par deux amendements ; le premier, présenté par M. Eric Doligé, contribue à la bonne information du Parlement en obligeant le Gouvernement à présenter, au moment du dépôt du projet de loi de finances, le tableau des dotations notifiées au préfet de région et de leur répartition intrarégionale effectuée par les préfets.

Le second, présenté par M. Jean-Claude Gaudin, confie au président de l'établissement public de coopération intercommunale ou au président du conseil général ayant obtenu délégation le soin d'agréer les opérations de logement social mentionnées au premier alinéa de l'article L. 301-3 du code de la construction et de l'habitation. Une telle responsabilité est en cohérence avec la délégation des aides à la pierre accordée ; il paraît effectivement illogique de maintenir l'agrément du préfet dans de telles conditions.

Le paragraphe II a pour objet de définir le contenu des conventions signées entre les epci ou les départements, et l'État. Il crée à cet effet trois nouveaux articles :

-  L'article L. 301-5-1 du code de la construction et de l'habitation concerne les epci.

Il subordonne la conclusion de convention de délégation à la définition d'un programme local de l'habitat par le groupement ; la convention est conclue pour six ans renouvelables et doit fixer le montant prévisionnel des droits à engagement alloués par l'État à l'epci ainsi que le montant des crédits qu'il affecte lui-même à la réalisation des objectifs assignés à la convention. La Commission a rejeté un amendement présenté par M. André Chassaigne imposant que la convention fixe les modalités d'une obligation de résultat.

Au Sénat, le rapporteur de la commission des Affaires économiques, M. Georges Gruillot, a proposé que ce paritarisme de financement soit renforcé en supprimant le caractère prévisionnel des montants engagés par l'État ; adoptée avec l'avis favorable du Gouvernement, la nouvelle rédaction prévoit ainsi que le montant des crédits de l'État soit alloué dans la limite des dotations ouvertes en loi de finances, traduisant ainsi le caractère certain des montants engagés. Dans le même objectif de visibilité des engagements, le Sénat a également précisé que la convention devait déterminer l'échéancier des versements des crédits de paiement.

La convention détermine également les modalités de versement des crédits de paiement, définies en fonction de la nature et de la durée prévisionnelle de réalisation des opérations à programmer, étant précisé que le montant des crédits de paiement est fixé chaque année en fonction des engagements constatés les années précédentes et des engagements prévisionnels de l'année considérée ; elle doit en outre fixer les modalités du retrait éventuel des droits à engagement, ainsi que les conditions de reversement des crédits de paiement non consommés ; enfin, la convention précise les modalités de versement des crédits que la Caisse des dépôts et consignations affecte à la réalisation des opérations visées dans la convention.

La convention peut également prévoir d'adapter, dans les limites fixées par décret en Conseil d'État, les conditions d'octroi des aides de l'État, selon les secteurs géographiques et en raison des particularités locales, sociales et démographiques et de la situation du marché du logement.

Le rapporteur a présenté un amendement permettant, dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, un conventionnement global pour la gestion du logement social. Il a fait valoir que, sur ce sujet du conventionnement global, le Gouvernement lui avait soumis un amendement ayant pour objet de permettre des actions de péréquation en matière d'habitat dans le cadre d'un dispositif de conventionnement généralisé ; il a estimé néanmoins que le dispositif proposé risquait de déboucher sur un mode de fonctionnement d'économie administrée, raison pour laquelle il proposait aujourd'hui un dispositif plus léger prévoyant des modalités d'adaptation aux normes dans la convention de délégation. La Commission a alors adopté l'amendement du rapporteur et rejeté en conséquence un amendement de M. Jean-Jack Queyranne proposant des modalités d'adaptation portant sur les conditions de financement des opérations, de plafonds de loyer et de plafonds de garantie (amendement n° 352).

Dans la rédaction initiale du projet, la convention aurait dû également déterminer, au sein des montants engagés par l'État, ceux qui donnent lieu à paiement par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, en application des décisions prises par l'epci. Le Sénat, sur proposition de M. Dominique Braye, a souhaité supprimer cette distinction entre crédits destinés à l'amélioration du parc privé et ceux relevant du secteur social en confiant à l'epci la gestion de l'ensemble. L'auteur de l'amendement a mis en avant la complexité qui résultait de cette double commande, entre une politique de l'habitat décentralisée et une gestion comptable relevant d'un organisme central.

La Commission a, sur cette rédaction du Sénat, adopté deux amendements du rapporteur tendant respectivement à apporter une précision assurant que les crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (anah) demeurent identifiés, et à clarifier la rédaction pour traiter séparément des aides au logement social et des aides à l'habitat privé (amendements n° 353 et 354). Ce dernier amendement a été complété par un amendement de Mme Valérie Pecresse tendant à préciser que ne peuvent être retirés que les droits à engagement de crédits susceptibles de ne pas être utilisés.

La Commission a également adopté un amendement présenté par le rapporteur confiant le paiement des aides en faveur de l'habitat privé à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat mais réservant la possibilité à l'établissement public d'assurer s'il le désire le paiement direct de ces aides (amendement n° 355).

Le Sénat a supprimé, par coordination avec l'amendement adopté en article additionnel avant l'article 49 transférant aux maires la gestion des contingents préfectoraux, l'alinéa qui prévoyait les conditions de délégation de ces contingents à l'epci signant la convention. Il a ajouté en revanche une précision sur l'agrément des opérations et introduit, sur proposition de M. Jean-Yves Mano une disposition sur l'obligation d'évaluation du dispositif au terme de la convention.

-  L'article L. 301-5-2 concerne les conventions signées avec les départements.

La durée de la convention, six ans renouvelables, est identique à celle prévue pour les epci.

Le deuxième alinéa confirme la vocation supplétive des conventions signées au niveau départemental en indiquant qu'elles ne peuvent concerner que les territoires situés hors du périmètre des epci ayant signé une convention. Conformément à ce principe, le nouvel article L. 301-5-2, dans son dernier alinéa, envisage par ailleurs le cas où un établissement public de coopération intercommunale viendrait à signer une convention de délégation postérieurement à la signature de la convention avec le département : dans cette hypothèse, un avenant devra être apporté à cette dernière afin d'en retrancher, à compter du 1er janvier de l'année suivante, le périmètre de l'epci.

Les objectifs assignés à la convention sont également précisés dans le deuxième alinéa ; elle doit ainsi définir les conditions de mise en place d'un dispositif d'observation de l'habitat et préciser, en application du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées et en tenant compte des programmes locaux de l'habitat, les objectifs poursuivis et les actions à mettre en œuvre en matière de réalisation, de réhabilitation et démolition de logements locatifs sociaux et de places d'hébergement, ainsi qu'en matière de rénovation de l'habitat privé, notamment dans le cadre d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat dont il lui revient d'arrêter la liste. La convention doit également définir les objectifs en matière de lutte contre l'habitat indigne, terme préféré par le Sénat à celui de « taudis » figurant initialement dans le projet de loi, ainsi qu'arrêter la liste des opérations de résorption de l'habitat insalubre à réaliser.

Les modalités financières devant figurer dans la convention sont identiques à celles retenues pour les epci ; le Sénat a donc procédé aux mêmes modifications, en précisant les conditions d'engagement des crédits de l'État et l'échéancier de versement. Cependant, le Sénat n'a pas supprimé, comme il l'a fait pour les conventions avec les epci, la distinction entre les crédits gérés directement par le délégataire et ceux gérés par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

Comme pour les epci, il est prévu également que la convention fixe en accord avec la Caisse des dépôts et consignations l'enveloppe des prêts sur fonds d'épargne que cet établissement peut affecter aux opérations définies dans la convention ; celle-ci peut également prévoir les modalités d'adaptation, dans les limites fixées par décret en Conseil d'État, des conditions d'octroi des aides de l'État, selon les secteurs géographiques et en raison des particularités locales, sociales et démographiques et de la situation du marché du logement.

Le Sénat a supprimé, par coordination avec l'amendement adopté avant l'article 49, la disposition portant sur les contingents préfectoraux de réservation de logements locatifs d'organismes d'habitation à loyer modéré ; la rédaction initiale prévoyait, comme pour les epci, une délégation de la gestion de ces contingents au département, par la voie de convention.

La Commission a rejeté, par coordination avec l'amendement adopté à l'article 49 A, un amendement de M. Jean-Jack Queyranne rétablissant la délégation du contingent des logements réservés au préfet, puis rejeté un amendement de coordination de M. André Chassaigne tendant à prévoir une obligation de résultat pour les conventions conclues par les départements.

La Commission a ensuite adopté quatre amendements du rapporteur, les trois premiers tendant à harmoniser la rédaction de l'article L. 301-5-2 relatif aux départements avec celle proposée pour les epci à l'article L. 301-5-1, s'agissant notamment de la distinction entre aides au logement social et aides à l'habitat privé (amendements n° 356, 357 et 358), et le dernier à étendre aux conventions entre l'État et le département le dispositif d'évaluation introduit par le Sénat pour les conventions entre l'État et les epci (amendement n° 359).

-  L'article L. 301-5-3 étend les dispositions relatives aux deux types de conventions aux départements et régions d'outre-mer.

2. La redéfinition des programmes locaux de l'habitat

Le troisième paragraphe de l'article 49 modifie l'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitation afin de redéfinir la portée des programmes locaux de l'habitat, dans le cadre notamment des nouvelles possibilités offertes par la délégation des aides à la pierre.

Créés par l'article 78 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales, les programmes locaux de l'habitat ont pour objet de répondre aux besoins en logements et d'assurer une répartition équilibrée de l'offre de logements entre quartiers et entre communes. Modifiés depuis 1983 par des dispositions législatives successives, dont la dernière en date est la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, les programmes locaux de l'habitat sont dorénavant élaborés pour une durée de cinq ans au moins, par un établissement public de coopération intercommunale, ou, en cas d'impossibilité, par une commune. La loi sru a confirmé le rôle central des plh en en renforçant les effets juridiques, les programmes locaux d'urbanisme et les cartes communales devant leur être compatibles.

La nécessité de confirmer la vocation intercommunale des programmes locaux de l'habitat est désormais clairement admise. Dans cet objectif, la rédaction proposée pour le premier alinéa de l'article L. 302-1 impose que le programme local de l'habitat couvre l'ensemble du périmètre de l'epci. La rédaction actuelle de l'article L. 302-1 laissait en effet toute latitude à l'epci pour définir un plh « pour tout ou partie d'une agglomération ou pour un ensemble de communes qui entendent par leur coopération répondre à des objectifs communs en matière d'habitat ».

En outre, la durée des plh est portée à six ans, au lieu de cinq actuellement : un tel allongement permet de faire coïncider les plh non seulement avec la durée d'une mandature de conseiller municipal ou de conseiller général, mais également avec la durée des conventions de délégation en matière d'attribution des aides à la pierre signées avec l'État.

Le projet de loi modifie également le troisième alinéa de l'article L. 302-1 afin de préciser que le programme local de l'habitat doit répondre aux besoins en logement et en hébergement, précision qui ne figure pas dans la rédaction actuelle, et doit favoriser également le renouvellement urbain, en plus de la mixité sociale.

Enfin, le projet de loi complète l'article L. 302-1 par huit alinéas qui, tout en définissant le contenu des plh, se bornent à reprendre des dispositions qui figurent aujourd'hui dans la partie réglementaire du code de la construction et de l'habitation. Les programmes locaux de l'habitat devront ainsi comprendre un diagnostic, l'énoncé d'objectifs et de principes ainsi qu'un programme détaillé d'actions. Ce programme devrait également être décliné par secteurs géographiques.

Le Sénat, sur proposition de son rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques, a enrichi le contenu de ces programmes en imposant également la mise en place d'un dispositif d'observation de l'habitat ; il s'agit ainsi de reprendre la rédaction proposée pour les conventions de délégation signées avec le département en matière d'attribution d'aides à la pierre, qui doivent prévoir un tel dispositif, dans l'objectif de la signature d'une telle convention entre l'epci et l'État.

Après le rejet de deux amendements de coordination avec des amendements précédents de MJean-Jack Queyranne, la Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que le programme local de l'habitat comporte également un diagnostic sur l'hébergement des personnes défavorisées (amendement n° 360), ainsi qu'un amendement cosigné par le même auteur et M. Gérard Vignoble prévoyant en outre un diagnostic en matière de logement étudiant (amendement n° 361).

Les quatrième et cinquième paragraphes ont pour objet d'abroger des dispositions du code de la construction et de l'habitation devenues sans objet du fait de la redéfinition des programmes locaux de l'habitat.

Il s'agit ainsi de supprimer :

-  l'article L. 302-4, qui prévoit les conditions dans lesquelles l'État pouvait accorder, par voie conventionnelle, une aide aux epci pour la poursuite des objectifs du plh, notamment celui relatif au quota de 20 % de logements locatifs sociaux introduit par la loi sru. Un tel dispositif relève désormais des conventions de délégation de gestion des aides à la pierre ;

-  l'article L. 302-4-1, qui prévoit la possibilité pour une commune d'élaborer un plh en cas de carence de l'échelon intercommunal ;

-  l'article L. 302-10, qui fait obligation aux communes comprenant une zone urbaine sensible de se doter d'un programme local de l'habitat ; une telle disposition, comme celle de l'article L. 302-4-1 est désormais en contradiction avec l'article L. 302-1 qui confie à l'échelon intercommunal et à lui seul le soin d'élaborer un plh.

Le sixième paragraphe complète l'article L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation afin de confier au président de l'epci ou au président du conseil général, lorsque l'epci ou le département bénéficie d'une délégation de gestion des aides à la pierre, le soin de signer, au lieu et place du préfet, mais au nom de l'État, les conventions relatives aux opérations programmées d'amélioration de l'habitat.

3. De nouvelles possibilités d'aides pour le logement

Le septième paragraphe tend en premier lieu à rectifier les intitulés du chapitre II du livre III du code de la construction et de l'habitation consacrés aux garanties de l'État, des collectivités territoriales et des régions, ces dernières étant des collectivités locales à part entière.

Il insère en deuxième lieu un nouvel article L. 312-2-1 qui autorise les collectivités territoriales et leurs groupements à verser des aides au logement.

Le versement de ces aides pourra se faire en complément ou indépendamment d'une aide de l'État ; elles seront destinées aussi bien à la réalisation, à la réhabilitation ou à la démolition de logements locatifs et de places d'hébergement, qu'à des opérations de rénovation urbaine, à des propriétaires occupants pour l'amélioration de l'habitat ou à des accédants à la propriété ; elles pourront également venir en complément des aides personnelles au logement.

Le projet de loi prévoit ainsi des conditions d'octroi extrêmement libres, la seule restriction étant, pour les accédants à la propriété, un versement sous condition de ressources. Cette restriction n'étant pas prévue dans les textes actuels, s'agissant des aides aux propriétaires bailleurs, la Commission a adopté un amendement du rapporteur la supprimant (amendement n° 362). Les sénateurs, animés du souci de préserver les collectivités locales d'engagements financiers inconsidérés, ainsi que de conserver une cohérence à l'ensemble du dispositif d'aides au logement, ont cependant introduit cette même condition de ressources pour les aides aux propriétaires occupants ainsi que celles liées à la réalisation, la réhabilitation ou la démolition de logements locatifs.

La rédaction initiale du projet de loi prévoyait également que les collectivités locales et leurs groupements auraient la faculté de conclure à cet effet des conventions avec l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, par lesquelles elles lui confieraient la gestion des aides destinées aux propriétaires bailleurs et occupants. Le Sénat, sur l'initiative conjointe de MM. Jean-Claude Gaudin et Gérard Collomb, ont adopté un amendement inversant les possibilités de délégation, l'anah pouvant ainsi confier la gestion des aides aux collectivités ou à leurs groupements. Une telle modification s'inscrit dans la continuité des amendements adoptés précédemment qui ont confié à l'epci délégataire des aides à la pierre le soin de gérer directement les crédits de l'Agence nationale.

4. La gestion des aides destinées à l'amélioration de l'habitat

Le huitième paragraphe insère un nouvel article L. 321-1-1 dans le code de la construction et de l'habitation afin de prévoir les modalités de gestion des aides destinées à l'amélioration de l'habitat.

Dans un premier alinéa, la rédaction initiale du nouvel article prévoyait la création de commissions locales d'amélioration de l'habitat, chargées de décider de l'attribution des aides de l'État en faveur de la rénovation de l'habitat privé. Ces commissions prenaient place dans le cadre des conventions signées entre l'État et un epci ou un département pour la délégation de la gestion des aides à la pierre. Présidées par un représentant de l'epci ou du département, leur création était néanmoins laissée à la libre appréciation des signataires.

Le deuxième alinéa prévoyait l'obligation pour l'epci ou le département bénéficiaire d'une délégation de gestion de signer une convention avec l'Agence nationale de l'amélioration pour l'habitat afin de déterminer les conditions dans lesquelles l'Agence serait amenée à gérer les aides destinées aux propriétaires privés. Il est également précisé que la convention peut arrêter, dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, des règles particulières d'octroi des aides gérées par l'anah, en fonction de critères économiques, sociaux ou géographiques.

Le Sénat a profondément modifié l'économie de ce nouvel article ; il a, en premier lieu, sur proposition de M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur au nom de la commission des Lois, supprimé les dispositions relatives aux commissions locales d'amélioration de l'habitat. S'agissant d'une simple faculté, et non d'une obligation, le Sénat a considéré qu'il n'était pas nécessaire d'en faire mention dans la loi.

Il a de même, par coordination avec les modifications apportées précédemment, inversé les conditions de délégation de gestion entre l'anah et les collectivités ou groupements bénéficiaires d'une délégation de gestion des aides à la pierre : la convention signée entre l'anah et le département ou l'epci devra ainsi prévoir les conditions de gestion par l'établissement public des aides destinées aux propriétaires privés.

La Commission a adopté un amendement permettant de mieux distinguer la gestion des crédits à l'amélioration de l'habitat privé lorsque l'anah en confie la gestion à un délégataire (amendement n° 363).

5. La substitution d'un comité régional au comité départemental de l'habitat

Le neuvième paragraphe modifie le chapitre IV du titre VI du livre III du code de la construction et de l'habitation relatif au conseil départemental de l'habitat.

En l'état actuel de la législation, le comité départemental de l'habitat est chargé de donner un avis sur la programmation des crédits de l'État. L'article 49 du projet de loi confiant désormais au préfet de région le soin de répartir les crédits de l'État entre les départements, le remplacement du comité départemental par un comité régional s'impose, dans un souci de cohérence et de simplification.

Ce comité disposera des mêmes attributions que l'actuel comité départemental : il sera ainsi chargé de procéder aux concertations permettant de mieux répondre aux besoins en matière d'habitat et de favoriser la cohérence des politiques locales.

Dans les départements et régions d'outre-mer, ce comité conservera un caractère départemental.

Les dixième et onzième paragraphes opèrent des modifications de coordination rendues nécessaires par la substitution d'un comité régional à un comité départemental. Le paragraphe X est une disposition « balai » qui permet de remplacer dans tous les textes législatifs le comité départemental de l'habitat par le comité régional de l'habitat ; le paragraphe XI abroge l'article 79 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relatif à la création des comités départementaux de l'habitat.

6. Dispositions transitoires

Le douzième paragraphe contient des dispositions transitoires qui permettent aux epci ne disposant pas d'un programme local de l'habitat ou disposant d'un plh non-conforme aux nouvelles règles prévues dans le projet de loi, de signer malgré cela des conventions de gestion de délégation des aides à la pierre. Il s'agit donc d'une dérogation à la règle énoncée au premier alinéa de l'article L. 301-5-1 qui subordonne la signature d'une convention de délégation à la définition préalable d'un programme local de l'habitat.

Les conditions de cette dérogation sont toutefois strictement encadrées : elle ne peut être signée que pour une durée limitée de trois ans et n'est en outre valable que jusqu'au 31 décembre 2006 : cette convention ne pourra être en conséquence renouvelée que si l'epci a arrêté, entre temps, un programme local de l'habitat en conformité avec les nouvelles dispositions législatives.

Une telle convention de trois ans doit préciser les conditions de mise en œuvre d'un dispositif d'observation de l'habitat et les objectifs et moyens de la politique prévue sur son territoire, selon les mêmes modalités que celles prévues pour les conventions de délégation de droit commun prévues pour les epci.

Le Sénat a substitué, sur le modèle de l'amendement adopté précédemment, le terme « habitat indigne » à celui de « taudis ».

La Commission a adopté un amendement du rapporteur réservant les dispositions transitoires en matière de délégations à la pierre aux epci ayant pris une délibération en vue de l'élaboration d'un programme local de l'habitat conforme aux dispositions de la loi (amendement n° 364).

7. Les opérations de rénovation urbaine

Introduit sur initiative conjointe de la commission des Lois et de la commission des Affaires économiques, le treizième paragraphe a pour objet de modifier l'article 11 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine afin de prévoir les modalités de délégation des crédits gérés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

La loi du 1er août précitée a prévu la création d'une Agence nationale pour la rénovation urbaine chargée de collecter les crédits nationaux destinés à restructurer les quartiers situés en zone urbaine sensible. La centralisation ainsi instituée avait pour but de créer un guichet unique pour la mise en œuvre du programme national de rénovation urbaine.

Constatant cependant que les programmes locaux de l'habitat avaient notamment pour tâche, en application du III de l'article 49 du projet de loi, de favoriser le renouvellement urbain, les sénateurs ont jugé préférable de prévoir les modalités d'une convention ad hoc entre l'anru et les départements ou epci bénéficiaires d'une convention de délégation de gestion des aides à la pierre.

La rédaction adoptée permet ainsi de déléguer à ces groupements ou collectivités la gestion des concours financiers attribués au titre des conventions pluriannuelles prévues à l'article 10 de la loi du 1er août 2003. Elle prévoit également que le préfet du département, délégué territorial de l'Agence, signe ces conventions au nom de l'Agence et assure l'exécution du suivi local des conventions de gestion et des conventions pluriannuelles.

La Commission a rejeté deux amendements de M. Jean-Jack Queyranne tendant, respectivement, à prévoir que l'epci signataire d'une convention de délégation de compétences prévue par l'article L. 301-5-1 du code de la construction et de l'habitation serait obligatoirement signataire de la convention avec l'anru et à prévoir que la préparation et l'évaluation de cette convention est réalisée conjointement par le préfet de région et l'epci. Puis elle a adopté deux amendements identiques du rapporteur et de M. Jean-Jack Queyranne, tendant à confier au préfet de région la gestion des délégations des crédits de l'anru (amendement n° 365). Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur permettant une délégation du préfet de région au représentant de l'État dans le département (amendement n° 366).

La Commission a adopté l'article 49 ainsi modifié.

Après l'article 49

La Commission a rejeté un amendement de Mme Valérie Pecresse tendant à prévoir un dispositif d'expérimentation départementale de l'exercice des compétences en matière de logement, après que le rapporteur eut exprimé des réserves tenant à la fois au manque de précision de la rédaction de l'article et à la remise en cause du rôle de l'État comme garant du droit au logement.

Article additionnel après l'article 49

(art.
L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales)


Garanties apportées par les communes pour la réalisation d'opérations de logements locatifs sociaux

Afin de répondre aux inquiétudes des associations de logement social, le rapporteur a présenté un amendement, qui a été adopté, maintenant la possibilité pour les communes qui le souhaitent de garantir les emprunts afférents à la réalisation d'opérations de logements locatifs sociaux, même lorsque la compétence a été transférée à un établissement public de coopération intercommunale (amendement n° 367).

Article 50

(art. 1er, 2, 4, 6 à 8 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990, art. L. 115-3 et L. 261-4
du code de l'action sociale et des familles, art. 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000)


Transfert aux départements des fonds de solidarité pour le logement

Cet article a pour objet de transférer aux départements la gestion des fonds de solidarité pour le logement, tout en étendant la compétence de ces fonds aux aides pour les impayés d'eau, d'énergie et de téléphone. Il modifie pour cela les modalités d'élaboration du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.

1. Le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (pdalpd)

Le premier paragraphe de l'article modifie en premier lieu l'article 1er de la loi du 31 mai 1990 qui garantit à toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières une aide de la collectivité pour accéder ou se maintenir dans un logement décent et indépendant. La rédaction proposée permet de compléter cette garantie d'aide en indiquant qu'elle vaut aussi pour la fourniture d'eau, d'énergie et de services téléphoniques.

L'article 2 de la loi du 31 mai 1990 est modifié en conséquence : cet article permet de rendre effectif la garantie d'aide prévue à l'article 1er par la voie d'un instrument de planification et de coordination qui est le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.

Compte tenu de la modification apportée à l'article 1er, le projet de loi prévoit d'intégrer les mesures destinées à garantir aux personnes défavorisées la fourniture d'eau, d'énergie et de services téléphoniques dans le pdalpd.

Dans sa rédaction initiale, l'article maintenait la cogestion entre le préfet et le département qui existe actuellement pour l'élaboration du pdalpd en lui conservant une durée de trois ans. Le projet se limite ainsi à simplifier les modalités de concertation dans la phase d'élaboration en ne faisant plus mention que de l'association des communes et de leurs groupements, ainsi que des personnes morales y ayant vocation. En outre, est supprimé l'alinéa permettant, en cas de désaccord entre le représentant de l'État et le président du conseil général, de faire arrêter le pdalpd par les ministres en charge des collectivités territoriales, du logement et des affaires sociales.

Une fois élaboré, le pdalpd est rendu public par le président du conseil général et le préfet, après avis du conseil départemental de l'habitat et du conseil départemental de l'insertion. Un comité responsable du plan est créé, co-présidé par le préfet et le président du conseil général ; ce dernier doit y rendre compte du bilan d'activité du fonds de solidarité pour le logement.

Sur les modalités d'élaboration du pdalpd, le Sénat a adopté plusieurs amendements qui ont profondément modifié l'économie du dispositif.

Il a supprimé en premier lieu, sur proposition de sa commission des Affaires sociales, le principe d'une élaboration conjointe du pdalpd : le département serait désormais le seul maître d'œuvre dans la rédaction du plan départemental. Les sénateurs ont en effet jugé qu'une telle responsabilité était en cohérence avec le transfert complet du Fonds de solidarité pour le logement aux départements, ces collectivités ne pouvant se voir imposer des programmes d'aides dont ils ne maîtrisaient pas au départ les objectifs. Il a en conséquence supprimé la coprésidence du préfet et du président de conseil général au sein du comité responsable du plan.

Il a en outre supprimé l'avis du comité départemental de l'habitat requis préalablement à la publicité du plan.

Le Sénat a également réintroduit, sur proposition de sa commission des Affaires économiques, la liste des personnes morales pouvant être associées à l'élaboration des pdalpd en s'inspirant de la liste figurant dans la rédaction actuelle de l'article 3 de la loi du 31 mai 1990 ; il n'a toutefois pas fait mention des régions, qui ne seront donc plus associées à l'élaboration du plan, et a ajouté les opérateurs de téléphonie et les prestataires de services d'eau et d'énergie, par cohérence avec les dispositions précédentes confiant de nouveaux champs de compétences au pdalpd.

Le rapporteur propose de revenir au principe d'une co-gestion du pdalpd entre préfet et département ; le fonds de solidarité pour le logement ne constitue en effet qu'un dispositif parmi d'autres dépendant du plan départemental. L'article 49 du projet de loi mentionne ainsi le plan départemental comme instrument de coordination dans le cadre des conventions de délégation des aides à la pierre. Il en est de même pour les départements non délégataires, des aides à la pierre gérées directement par l'État.

De même, l'amendement proposé par le rapporteur avant l'article 49 relatif à la gestion des contingents préfectoraux de logements sociaux s'inscrit dans le cadre du plan départemental. Le fait de ne confier l'élaboration de ce plan qu'au seul département présente alors le risque d'instituer une tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, les maires des communes devant se conformer à des choix arrêtés par une autre collectivité territoriale.

Dès lors, le fait d'associer l'État à l'élaboration du plan garantit la cohérence des politiques du logement, tout en lui permettant d'assumer la mission de solidarité nationale qui lui est impartie.

En conséquence, la Commission, après avoir rejeté deux amendements de suppression de l'article présentés par MM. André Chassaigne et Jean-Jack Queyranne, a adopté deux amendements identiques, respectivement présentés par le rapporteur et M. Jean-Jack Queyranne, rétablissant la cogestion État-département dans l'élaboration du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (pdalpd) (amendement n° 368). Elle a ensuite rejeté par coordination un amendement de M. André Chassaigne prévoyant, outre la participation de l'État, l'évaluation du plan départemental puis adopté un amendement du rapporteur tendant à revenir à la rédaction initiale du projet de loi par coordination avec l'amendement précédent qui rétablit le principe de cogestion du pdalpd (amendement n° 369). Elle a également adopté un amendement du même auteur supprimant la mention de la garantie du fonds de solidarité pour le logement (fsl) dans les zones urbaines sensibles (zus) (amendement n° 370).

2. Le fonds de solidarité pour le logement (fsl)

Dans le même paragraphe, l'article 50 du projet de loi modifie la loi du 31 mai 1990 afin de transférer les fonds de solidarité pour le logement aux départements.

Il modifie en premier lieu son article 6, afin d'élargir les catégories de bénéficiaires du fsl : pourront ainsi accéder à une aide du fonds de solidarité pour le logement outre les locataires, les personnes entrant dans un logement locatif et les sous-locataires, les résidents des foyers-logements.

L'aide financière accordée par le fsl est prévue, comme c'est le cas actuellement, sous forme d'aides financières, de cautions, de prêts, de garanties ou de subventions ; le Sénat, à l'initiative de M. Dominique Braye, a également prévu la possibilité d'aide financière sous forme d'avances remboursables.

Ces aides sont destinées aux personnes qui se trouvent dans l'impossibilité d'assumer le paiement des loyers et des charges ; le projet de loi étend cette garantie aux frais d'assurance locative, ainsi qu'aux charges liées à la fourniture d'eau, d'énergie et de services téléphoniques, et prévoit explicitement une disposition permettant la prise en charge des dettes liées aux impayés de loyers et de facture d'eau, d'énergie et de téléphone, lorsque leur apurement conditionne l'accès à un nouveau logement.

Le dispositif d'aide aux propriétaires-occupants reste inchangé, de même que celui qui concerne les mesures d'accompagnement social, individuelles ou collectives, pour le maintien de familles dans un logement et celles relatives aux garanties financières accordées aux associations. Sur ces dispositions, le Sénat a uniquement modifié le dispositif relatif aux conventions passées avec les organismes et associations en matière d'accompagnement social par coordination avec l'amendement adopté précédemment confiant l'entière responsabilité du pdalpd au département.

À ces diverses formes d'aides, le projet de loi ajoute celle destinée à financer les suppléments de dépense de gestion aux associations, centres communaux ou intercommunaux d'action sociale ou autres organismes à but non lucratif et aux unions d'économie sociale qui sous-louent des logements à des personnes défavorisées ou qui en assurent la gestion immobilière pour le compte de propriétaires. Cette dernière aide peut aussi être accordée, selon des critères financiers et sociaux, aux organismes précités et aux bailleurs sociaux qui louent directement des logements à des personnes défavorisées.

Le projet de loi propose également une nouvelle rédaction des articles 6-1 à 8 de la loi du 31 mai 1990.

Aux termes du nouvel article 6-1, il revient au règlement intérieur du fonds de prévoir les conditions d'octroi des aides. Plusieurs garanties sont prévues à cet effet, qui s'inspirent des conditions actuelles : les règles d'octroi doivent être conformes aux priorités définies par le pdalpd, ne peuvent reposer sur une condition de résidence et ne peuvent faire l'objet d'une contrepartie sous forme de contribution ou participation au frais de dossier.

Le projet de loi, reprenant en cela la rédaction de l'actuel article 6, prévoit également que la décision d'attribution ne peut reposer sur d'autres considérations que celles liées aux ressources des personnes et l'importance et la nature des difficultés qu'elles rencontrent. Ce principe a cependant été assoupli au Sénat puisque, à l'initiative de M. Michel Charasse, a été introduite une disposition permettant au département de prendre en compte également le patrimoine du demandeur.

Le projet de loi prévoit également les conditions d'attribution d'aides en cas d'urgence, lorsque ces aides conditionnent la signature d'un bail, qu'elles évitent des coupures d'eau, d'énergie ou de téléphone ou qu'elles concernent des personnes ou des familles assignées aux fins de résiliation de bail.

La nouvelle rédaction proposée pour l'article 6-2 détermine les conditions de saisine du fonds. Les demandes d'aides pourraient ainsi être présentées par :

-  toute personne ou famille en difficulté et, sous réserve de son accord, toute personne ou organisme y ayant intérêt ou vocation ;

-  la commission départementale, présidée par le préfet, compétente pour décider du maintien de l'aide personnalisée au logement lorsque son bénéficiaire ne règle pas la part de dépense de logement restant à sa charge (cette commission devrait être recréée puisque ses tâches sont actuellement confiées à la section des aides publiques au logement du conseil départemental de l'habitat que l'article 49 du présent projet de loi tend à supprimer) ;

-  l'organisme payeur de l'aide au logement ;

-  le représentant de l'État dans le département.

Toute décision de refus doit être motivée. La Commission a rejeté un amendement de M. André Chassaigne prévoyant que toute demande d'aide doit faire l'objet d'une instruction et d'une décision notifiée dans un délai de deux mois, le rapporteur ayant indiqué qu'il était satisfait par l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Le texte proposé pour l'article 6-3 permet de préciser les modalités de financement du fonds ; celui-ci sera désormais à la seule charge du département, alors que l'État y contribue actuellement à parité.

Il revient donc au département de déterminer seul le montant qu'il entend réserver au financement du fonds. Peuvent toutefois participer, s'ils le souhaitent, les autres collectivités locales et les établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que toute personne publique ou privée y ayant vocation. Cette notion a été précisée, sur proposition du rapporteur de la commission des Affaires économiques, afin de renvoyer plus explicitement aux personnes désignées par le premier alinéa de l'article 3, tel que modifié par le Sénat, qui sont les distributeurs d'eau et d'énergie, les opérateurs de services téléphoniques, ainsi que les collectivités et organismes ayant été associés à l'élaboration du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.

La Commission a rejeté un amendement de M. André Chassaigne confiant à l'État et au département le financement du fsl, le rapporteur ayant fait valoir que la décentralisation du fsl impliquait obligatoirement un financement par le seul département. La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Gérard Vignoble prévoyant un financement à parité de ce fonds entre l'État et le département, le rapporteur l'ayant jugé contraire au principe même de la décentralisation. Elle a également rejeté un amendement de M. Jean-Jack Queyranne tendant à préciser que le département devait assurer dans la durée un financement du fsl à hauteur des apports de l'État et du département au cours des deux ou trois dernières années.

La Commission a ensuite rejeté un amendement de Mme Valérie Pecresse tendant à prévoir une compensation aux départements pour l'extension du fsl aux impayés d'eau, d'énergie et de téléphone, le rapporteur ayant observé que cet amendement était satisfait par l'article 88 du projet de loi. Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Bernard Derosier confiant la définition des modalités de financement de ce fonds à une convention passée entre l'État et le département. Puis la Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que les distributeurs d'eau et d'énergie, ainsi que les opérateurs de services téléphoniques apportent une participation minimale au fsl, l'auteur de l'amendement ayant indiqué qu'il s'agissait ainsi d'alléger la charge des départements (amendement n° 371). Par coordination, la Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Jack Queyranne ayant le même objet.

La nouvelle rédaction proposée pour l'article 6-4 permet au département de confier, par convention, la gestion financière et comptable du fonds de solidarité pour le logement à une caisse d'allocations familiales, à une caisse de mutualité sociale agricole ou à une association agréée à cet effet. Actuellement, les articles 6-1 et 6-2 prévoient que la gestion financière et comptable des fonds est assurée soit par le groupement d'intérêt public constitué à cet effet, soit par une caisse d'allocations familiales, soit par une association agréée par le représentant de l'État dans le département.

À l'instar des dispositions prévues à l'article 41 pour la gestion des Fonds d'aide aux jeunes, le Sénat, sur proposition conjointe de la commission des Lois et de la commission des Affaires sociales a donné une nouvelle rédaction à l'article 6-4 afin de permettre au département de confier par convention, sous sa responsabilité et son contrôle, la gestion financière et comptable du fonds de solidarité pour le logement à un organisme de sécurité sociale, une association agréée à cet effet ou un groupement d'intérêt public.

La nouvelle rédaction proposée pour l'article 7 permet au conseil général, par convention avec une ou plusieurs collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales, de créer des fonds locaux habilités à octroyer tout ou partie des aides du fonds de solidarité pour le logement. À cette possibilité, déjà prévue à l'article 6 de la loi du 31 mai 1990, le projet de loi ajoute la création de droit d'un fonds de solidarité intercommunal lorsque la demande émane d'un établissement public de coopération intercommunale ayant conclu une convention de délégation avec l'État pour attribuer les aides à la pierre.

Sur ce dispositif, le Sénat a adopté un amendement présenté par M. Jean-Yves Mano supprimant la création de droit d'un fonds de solidarité intercommunal.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir la rédaction initiale (amendement n° 372).

La rédaction proposée pour le nouvel article 8 renvoie à un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national de l'habitat, les modalités d'application de ces nouvelles dispositions.

3. Les dispositions de coordination

Le deuxième paragraphe du présent article réécrit l'article L. 115-3 et abroge l'article L. 261-4 du code de l'action sociale et des familles afin de tirer la conséquence de l'extension du champ des fonds de solidarité pour le logement aux aides pour les impayés d'eau, d'énergie et de téléphone. Le Sénat n'a adopté qu'un amendement de coordination avec un amendement de M. Michel Charasse adopté précédemment, permettant de prendre en compte le patrimoine du demandeur dans l'octroi d'une aide financière.

Le troisième paragraphe tend à opérer une coordination analogue à l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Le quatrième paragraphe prévoit le transfert des droits et obligations des fonds de solidarité pour le logement ainsi que des fonds et dispositifs d'aide aux impayés d'énergie, d'eau et de téléphone, existant à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, c'est-à-dire au 1er janvier 2005.

La Commission a adopté l'article 50 ainsi modifié.

Article 51

(art. L. 822-1 et L. 822-2 du code de l'éducation)


Transfert aux communes et à leurs groupements de la responsabilité
des locaux destinés au logement des étudiants

Le présent article a pour objet de transférer aux communes et à leurs groupements la responsabilité des locaux destinés au logement étudiant.

Le premier paragraphe propose une nouvelle rédaction de l'article L. 822-1 du code de l'éducation, actuellement consacré au Centre national des œuvres universitaires et scolaires.

Il est proposé dans un premier alinéa de reconnaître au réseau des œuvres universitaires une mission d'aide sociale envers les étudiants ; il doit ainsi répondre aux besoins de leurs études, en favorisant notamment leur mobilité.

À ce titre, la nouvelle rédaction proposée prévoit, dans un deuxième alinéa, de confier aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (crous) les décisions d'admission des étudiants au bénéfice des œuvres universitaires.

Le troisième alinéa confie aux communes ou à leurs groupements la charge de la construction, de la reconstruction, de l'extension, des grosses réparations et de l'équipement des locaux destinés au logement des étudiants. Le transfert proposé n'inclut donc pas les dépenses de fonctionnement, qui resteraient à la charge de l'État.

Dans un quatrième alinéa, il est prévu de régler par arrêté du représentant de l'État les conséquences qui s'attachent à ce transfert s'agissant des biens appartenant à l'État et affectés au logement étudiant : les biens de l'État seraient ainsi transféré sur décision du préfet. Le même alinéa précise que la gestion de ces logements resterait de la compétence du crous, ce dernier étant cependant tenu de respecter les objectifs de gestion qui lui seraient assignés par convention avec la commune ou l'epci propriétaire du bâtiment.

Le cinquième alinéa règle le cas des conventions conclues avant la date d'entrée en vigueur de la loi, entre les organismes publics d'habitations à loyer modéré ou des sociétés d'économie mixte, l'État et un centre régional des œuvres universitaires pour les opérations concernant la construction ou la réhabilitation de logements sociaux étudiants. Ces conventions seront poursuivies jusqu'à leur date d'expiration, puis à compter de cette date, seront prises en charge par les communes ou leurs groupements qui se substitueraient à l'État pour les droits et obligations résultant de ces conventions. Ils pourront néanmoins y mettre fin à condition d'en supporter les charges financières.

Le dernier alinéa prévoit un dispositif spécifique à la région Île-de-France, pour laquelle un schéma serait élaboré par le conseil régional ; les autres régions auront par ailleurs la faculté de signer des conventions avec les communes et leurs groupements.

Le Sénat, sur proposition de sa commission des Affaires culturelles, a apporté une modification précisant les missions assignées au réseau des œuvres universitaires en indiquant qu'il devait veiller à adapter les prestations aux besoins de leurs études, et proposé une nouvelle rédaction du deuxième alinéa qui permet de faire référence à la responsabilité des crous en matière de décision d'attribution de logements. Sur ce point, la Commission a jugé la rédaction trop restrictive et adopté , après avoir rejeté un amendement de suppression de M. André Chassaigne, un amendement rétablissant le texte initial, plus conforme à la réalité de l'action des CROUS (amendement n° 373).

En outre, l'examen de l'article par le Sénat a suscité une initiative conjointe de la commission des Lois, et des deux commissions saisies pour avis, la commission des Affaires culturelles et la commission des Affaires sociales, afin de ne réserver le transfert du logement étudiant qu'aux seules communes et groupements qui en feraient la demande. Les sénateurs ont en effet mis en avant la vétusté du parc de logement étudiant et son inadéquation aux besoins actuels ; M. Jean-Pierre Schosteck indique ainsi dans son rapport que le coût de la réhabilitation du parc existant est estimé à environ 1,4 milliard d'euros ; les besoins en logement pour les vingt prochaines années seraient de 20 000, dont 15 000 pour la seule région parisienne. Compte tenu de cette situation, le transfert généralisé du logement étudiant risque d'entraîner des charges considérables pour les communes et leurs groupements.

Suivant cette même logique, le Sénat a encadré les conditions du transfert en assortissant la signature de la convention entre le crous et la commune ou le groupement à l'établissement d'un diagnostic de l'état des logements.

En Commission, un débat s'est engagé sur l'utilité de procéder à un diagnostic : la Commission a ainsi été saisie d'un amendement de M. René Dosière tendant à préciser que l'arrêté du préfet transférant les biens appartenant à l'État et affectés aux logements des étudiants comprend un diagnostic de l'état de ces logements, le programme des travaux nécessaires et le montant des participations du cédant et du cessionnaire pour le réaliser. M. Philippe Vuilque ayant jugé indispensable, compte tenu de l'état dégradé de nombre de ces logements, que soit assuré le financement de ces remises aux normes, le rapporteur a jugé que cette question pourrait être réglée dans la convention relative à la gestion de ces logements. La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté un amendement de M. André Chassaigne subordonnant toute décision de désaffectation des logements des étudiants à l'accord du préfet, le rapporteur ayant jugé cette disposition contraire à l'esprit de la décentralisation. Suite aux réserves exprimées par le président Pascal Clément, le rapporteur a ensuite retiré un amendement tendant à supprimer la disposition introduite par le Sénat, imposant l'établissement d'un diagnostic dans la convention entre le crous et la collectivité territoriale. La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. André Chassaigne imposant la participation d'élus locaux au sein des conseils d'administration du centre national et des crous, le rapporteur ayant jugé cet amendement contraire à la logique du projet de loi.

La rédaction adoptée par le Sénat précise par ailleurs les conditions du transfert de biens en indiquant qu'il était effectué à titre gratuit et ne pouvait en conséquence donner lieu au versement d'un droit, taxe ou honoraire : cette rédaction s'appuie sur les dispositions des articles 1042 A et 1043 du code général des impôts s'agissant des exonérations en matière de droit d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droit de timbre. Sur les conditions de ce transfert, la Commission a adopté un amendement de précision présenté par le rapporteur (amendement n° 374).

S'agissant des décisions d'attribution des logements étudiants, le Sénat a supprimé, également sur proposition de sa commission des Lois et de sa commission des Affaires culturelles, une disposition redondante, puisque figurait par deux fois le fait que la décision incombe au crous. Le Sénat a ensuite adopté un amendement présenté par M. Michel Charasse prévoyant que la convention entre le crous et la commune ou le groupement devra inclure les modalités de participation de l'échelon local à la décision d'attribution.

Elle a rejeté un amendement de M. Michel Piron ouvrant la possibilité de confier les décisions d'attribution des logements destinés aux étudiants aux universités par délégation du crous. L'auteur de l'amendement ayant souligné que cette disposition permettrait de prendre des décisions adaptées aux besoins concrets des étudiants et qu'elle suscitait l'accord des présidents d'université, le rapporteur a souligné la complexité du dispositif ainsi présenté et proposer é de réfléchir à une rédaction alternative. M. André Chassaigne a retiré un amendement confiant aux crous territorialement compétents la gestion de l'ensemble des logements étudiants, le rapporteur ayant indiqué qu'il était satisfait par le projet de loi.

Le dispositif spécifique à l'Île-de-France a été largement remanié : à l'initiative de M. Roger Karoutchi, le schéma régional a été supprimé au profit d'un transfert de la compétence à la région. Ce transfert n'a toutefois lieu que si la région le demande et après que la commune ou l'epci compétent ait renoncé à l'exercer dans un délai d'un an après avoir été invité à le faire.

Les sénateurs ont par ailleurs supprimé sur proposition de M. Dominique Braye le dispositif de contractualisation entre région et collectivités attributaires : reposant sur le volontariat, de telles pratiques n'ont pas à figurer dans la loi.

Enfin, à l'initiative de M. Christian Cointat, l'article L. 822-1 a été complété par un alinéa permettant au Conseil supérieur des Français de l'étranger de saisir pour avis le centre national et les centres régionaux de toutes propositions en matière d'accès aux logements étudiants des Français établis hors de France désireux de poursuivre leurs études dans leur pays.

Le second paragraphe de l'article 51 propose une nouvelle rédaction de l'article L. 822-2 du code de l'éducation, actuellement consacré au conseil d'administration du Conseil national des œuvres universitaires et scolaires, afin de reprendre dans une rédaction plus simple les articles L. 822-1 et L. 822-2 ; par rapport à la rédaction actuelle de ces deux articles, la rédaction proposée prévoit la présence de représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements, dans des conditions fixées par décret, dans les conseils d'administration du centre national et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires.

La Commission a adopté l'article 51 ainsi modifié.

Article 52

(art. L. 421-2-6 du code de l'urbanisme)


Instruction des demandes de permis de construire

Cet article a pour objet de modifier l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme, afin de réserver aux seules communes et établissements publics de coopération intercommunale de moins de 10 000 habitants la faculté de disposer des services déconcentrés de l'État pour l'instruction des permis de construire.

Présentée alors comme une avancée fondamentale de la décentralisation, la loi du 7 janvier 1983 a confié aux communes dotées d'un plan d'occupation des sols la compétence pour instruire les demandes de permis de construire, compétence autrefois réservée à l'État. Cette compétence n'est pas exclusive puisqu'elle peut être déléguée à un établissement public de coopération intercommunale qui l'exerce alors au nom de l'établissement.

Nonobstant ce transfert de compétences, et compte tenu de la technicité des questions d'urbanisme, l'article L.421-2-6 du code de l'urbanisme prévoit que le maire ou le président de l'établissement public compétent peut disposer gratuitement, et en tant que de besoin, des services déconcentrés de l'État pour effectuer l'étude technique des demandes. Il précise également, s'agissant de cette assistance technique, que pendant la durée de la mise à disposition, les services et les personnels agissent en concertation permanente avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qu'il leur confie.

Le dispositif proposé par le premier paragraphe de l'article 52 consiste à n'autoriser cette assistance technique que pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale de moins de 10 000 habitants ; les communes ou groupements instruisant eux-mêmes leurs demandes de permis de construire conserveraient néanmoins la faculté de faire appel aux services déconcentrés de l'État pour une assistance juridique et technique, qui n'aurait plus toutefois qu'un caractère ponctuel.

La suppression de l'assistance technique imposant une réorganisation des services municipaux ou intercommunaux - qui se voient désormais confier l'instruction des demandes -, le paragraphe II de l'article reporte l'entrée en vigueur de ces dispositions au 1er janvier 2006.

Le Sénat a adopté cet article sans modification ; le rapporteur de la commission des Lois a mis en avant le fait que l'instruction des permis de construire par les services de la dde n'apportait, dans la pratique, aucune garantie juridique aux communes en terme de contrôle de légalité. Il a plaidé en conséquence pour l'achèvement du mouvement de décentralisation en considérant qu'une commune avait tout intérêt à constituer son propre service et à instruire elle-même les demandes de permis de construire. Il a jugé que la suppression de l'assistance technique pour les communes et groupements de plus de 10 000 habitants permettrait aux dde de se consacrer aux communes plus petites, qui ont davantage besoin d'une aide technique.

Le ministre délégué aux Libertés locales a rappelé en séance que, sur près de 37 000 communes, 950 comptaient plus de 10 000 habitants. Sur ces 950 communes, 600 ont déjà fait le choix d'instruire elles-mêmes leur permis de construire. L'article 52 concernerait ainsi 350 villes qui ne se sont pas encore dotées des services compétents.

Les auditions menées par le rapporteur, et notamment l'association des petites villes de France, ont permis néanmoins de montrer que la suppression de l'assistance technique par les dde revêtait une importance symbolique au-delà de la portée pratique de l'article : dans un projet de loi qui se veut une étape décisive de la décentralisation, qui prévoit des mesures conséquentes en faveur des régions, des départements et des intercommunalités, il paraît particulièrement regrettable que l'une des seules mesures relatives aux petites villes soit la suppression d'un service dont elles disposaient auparavant gratuitement. Cette mesure, qui, comme l'a rappelé le ministre en séance, ne serait pas compensée financièrement puisqu'elle porte sur une compétence déjà exercée par les communes (45), n'apparaît dès lors pas opportune dans un contexte de bouleversement profond des lois de décentralisation. L'argument avancé par le ministre en séance peut en outre être renversé : s'agissant d'une disposition qui ne concerne que 350 villes, il importe de prendre le temps de la réflexion nécessaire.

En conséquence, la Commission a été saisie de deux amendements de suppression de l'article, respectivement présentés par le rapporteur et M. André Chassaigne. Le rapporteur a rappelé que cet article limitait aux seules communes et epci comprenant moins de 10 000 habitants la faculté offerte aux maires ou aux présidents d'epci de confier l'instruction des permis de construire aux services déconcentrés de l'État. Soulignant que cet amendement avait recueilli un consensus chez les maires, il a indiqué qu'il aurait pour effet de maintenir les dispositions figurant aujourd'hui dans le code de l'urbanisme et qui prévoient la gratuité de l'assistance technique offerte par la dde. M. Xavier de Roux et le président Pascal Clément ont toutefois exprimé des doutes sur la gratuité de cette assistance. Tout en supposant que le Gouvernement s'opposerait à l'adoption de l'amendement, le rapporteur a précisé que sa discussion permettrait de l'interroger sur l'application du texte en vigueur.

La Commission a adopté ces amendements et donc supprimé l'article 52 (amendement n° 375).

Après l'article 52

La Commission a rejeté les amendements nos 130 et 118 présentés par M. François Goulard, le premier tendant à permettre qu'un ouvrage routier situé pour l'essentiel de son tracé à plus de deux kilomètres du rivage, puisse être ponctuellement à une distance inférieure, le second tendant à confier au président du conseil régional la faculté de donner son accord aux constructions et installations liées aux activités agricoles ou forestières en bordure du littoral.

Article 52 bis

(art. L. 430-7 du code de l'urbanisme)


Autorisations relatives aux permis de démolir

Introduit au Sénat par un amendement de M. Jean-Yves Mano, avec l'avis favorable du Gouvernement, l'article 52 bis supprime la dernière phrase de l'article L. 430-7 du code de l'urbanisme, qui subordonne la délivrance du permis de démolir à l'autorisation du ministre chargé du logement ou à son délégué. Cette autorisation, tacite ou expresse, peut être assortie de conditions.

Dans un souci de simplification et de décentralisation, la rédaction proposée permet de supprimer cet accord, qui, dans la pratique, était délivré par le préfet. Il reviendra ainsi aux maires, sous réserve du contrôle de légalité, de vérifier par eux-mêmes que les permis de démolir délivrés sont conformes aux prescriptions des articles L. 430-1 à L. 430-8 du code de l'urbanisme.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Après l'article 52 bis

Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté un amendement de Mme Valérie Pecresse, approuvé par MM. Xavier de Roux et Robert Pandraud tendant à permettre aux départements d'être associés au schéma directeur de la région Île-de-France. Elle a également rejeté un amendement du même auteur ouvrant un droit à l'expérimentation en matière de planification urbaine pour les départements qui le souhaitent, le rapporteur l'ayant jugé trop imprécis.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Christophe Caresche tendant à confier au maire, dans les communes de l'agglomération parisienne, le pouvoir de fixer et mettre en œuvre la réglementation relative au changement d'usage des locaux d'habitation. Défendant cet amendement, M. René Dosière a indiqué qu'il s'agissait de rétablir, conformément aux principes de la décentralisation, la cohérence des décisions en matière d'urbanisme, aujourd'hui réparties entre le préfet, compétent pour se prononcer sur les demandes de changement d'usage des locaux d'habitation, et les maires. Si M. Francis Delattre a jugé possible de confier cette compétence au maire, le rapporteur a exprimé des réserves sur cet amendement, en soulignant que toute modification des dispositions applicables à Paris, Lyon et Marseille devait faire préalablement l'objet d'une recherche de consensus. La Commission a donc rejeté cet amendement.

Chapitre IV

La santé

Article 53

(art. L. 6115-7 du code de la santé publique)


Participation de représentants des régions, avec voix consultative,
dans les commissions exécutives des agences régionales de l'hospitalisation

Les agences régionales de l'hospitalisation, créées par l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996, ont pour mission de définir et de mettre en œuvre la politique régionale de l'offre de soins hospitaliers, d'analyser et de coordonner l'activité des établissements de santé publics et privés et de déterminer leurs ressources. Plus concrètement, elles sont chargées de fixer les limites des secteurs sanitaires et psychiatriques, d'arrêter les schémas régionaux d'organisation sanitaire et doivent également se prononcer sur les demandes d'autorisation relatives aux établissements de santé publics ou privés ainsi que sur les retraits d'autorisation. L'agence régionale de l'hospitalisation adresse chaque année un rapport d'activité à la conférence régionale de santé qui présente les actions des établissements de santé correspondant aux priorités de santé publique établies par ladite conférence.

Les agences régionales de l'hospitalisation constituent ainsi, avec le conseil régional de santé et l'union régionale des caisses d'assurance maladie, les instruments essentiels de garantie de l'accès aux soins au niveau régional. Ce rôle va en outre s'affirmer à l'avenir, la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ayant prévu d'élargir les compétences des directeurs des agences régionales d'hospitalisation par le transfert de nombre de compétences exercées jusqu'alors par les préfets. Dans cet objectif, l'ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 a d'ores et déjà confié aux directeurs des agences les compétences en matière de suspension de l'exercice de la médecine en cas d'urgence et danger grave, et transféré aux agences régionales de l'hospitalisation la délivrance des autorisations sanitaires relatives à la création, la conversion et le regroupement des activités de soins.

Sur le plan institutionnel, les agences régionales de l'hospitalisation sont des personnes morales de droit public dotées de l'autonomie administrative et financière, constituées sous la forme de groupement d'intérêt public entre l'État et les organismes d'assurance-maladie, dont au moins la caisse régionale d'assurance-maladie ainsi que l'union régionale des caisses d'assurance maladie.

Présidée par un directeur nommé par décret, l'agence régionale de l'hospitalisation est gérée par une commission exécutive composée à parité par des représentants de l'État, désignés par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, et des représentants administratifs et médicaux des organismes d'assurance maladie, désignés par les organismes parties à la commission constitutive.

L'article 53 a pour objet d'élargir la composition de cette commission par la désignation de deux représentants de la région, siégeant à titre consultatif. Il s'agit ainsi d'associer la région à ce qui constitue désormais un outil indispensable de l'aménagement du territoire en matière sanitaire. Ainsi que l'a souligné le ministre délégué aux libertés locales en séance au Sénat, la région reste libre de décider des modalités de sa participation à la commission exécutive  : elle peut ainsi choisir de désigner des personnalités qualifiées ou des conseillers régionaux.

La rédaction retenue, que le Sénat a d'ailleurs adopté sans modification, procède à une réserve d'application concernant l'article 54 du projet de loi ; il s'agit en effet de tenir compte des possibilités nouvelles prévues à cet article, qui permettent à la région de participer au financement et à la réalisation d'équipements sanitaires : dans ce cas, la commission exécutive de l'agence régionale devient tripartite, pour comprendre à égalité avec les représentants de l'État et des organismes d'assurance maladie, des représentants de la région siégeant avec voix délibérative.

Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 54

Expérimentation en matière de financement
et de réalisation des équipements sanitaires

Dans le prolongement du précédent article qui vise à impliquer davantage les régions dans le développement sanitaire de leur territoire, le présent article permet aux régions qui le souhaiteraient de participer au financement et à la réalisation des équipements sanitaires, en coordination étroite avec les agences régionales de l'hospitalisation.

Le dispositif proposé s'appuie sur la technique de l'expérimentation ; la rédaction adoptée par le Sénat est issue d'un amendement de rédaction globale présenté par le rapporteur de la commission des Lois. Son économie diffère très largement de celle proposée initialement dans le projet de loi, dans la mesure où il est proposé un renversement des conditions de l'expérimentation. Alors qu'il était prévu au départ une expérimentation arrêtée sur une durée de cinq ans, pour les agences régionales de l'hospitalisation volontaires, et dont la liste aurait été arrêtée par décret, la rédaction adoptée prévoit une expérimentation à l'initiative des régions. Ainsi, l'expérimentation est ouverte dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi, pendant lequel les régions sont habilitées à présenter leur candidature. Au terme de ce délai, un décret arrête la liste des régions susceptibles de participer au financement et à la réalisation d'équipements sanitaires.

Une fois admise la participation à l'expérimentation, le président du conseil régional signe avec le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation une convention fixant les modalités de participation de la région au financement des équipements sanitaires. Un sous-amendement présenté par M. Josselin de Rohan a restreint la portée initiale de la rédaction proposée en supprimant toute possibilité de financement de l'agence elle-même : s'agissant d'un organisme dépendant de l'État, chargée de mettre en œuvre une politique arrêtée par lui, une telle possibilité aurait été source de confusion.

Ainsi que le souligne M. Jean-Pierre Schosteck dans son rapport, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation serait tenu de passer une telle convention dès lors que la candidature de la région aurait été retenue ; il devra cependant avoir recueilli au préalable l'avis de sa commission exécutive. Dans un souci du respect du parallélisme des formes, un sous-amendement de M. Michel Dreyfus-Schmidt a prévu une délibération du conseil régional.

La rédaction adoptée par le Sénat ne précise plus la durée des conventions, fixée initialement sur une période pouvant aller de trois ans minimum à cinq ans maximum. Toutefois, dans la mesure où il est précisé au premier alinéa que l'expérimentation a lieu pour quatre ans, il faut en déduire que la convention ne peut fixer un terme au-delà de cette durée de quatre ans.

La signature de la convention entraîne une modification de la composition de la commission exécutive ; en cas de financement de la région, celle-ci serait désormais composée par tiers des représentants de l'État, des représentants administratifs et médicaux des organismes d'assurance maladie tels qu'ils sont mentionnés à l'article L. 6115-7 du code de la santé publique, et des représentants de la région. À la différence de la rédaction proposée à l'article 53, ces derniers sont désignés par le conseil régional en son sein, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. La rédaction adoptée par le Sénat n'a fait ici que reprendre, en les explicitant, les dispositions initiales du projet.

Il est précisé que dans le cas d'une composition tripartite, il n'est pas fait application du quatrième alinéa de l'article L. 6115-7 : issu de l'article 53 du projet de loi, ce quatrième alinéa précise que les délégués de la région n'ont que voix consultative au sein de l'agence régionale. Cette disposition ne saurait trouver à s'appliquer dans le cas présent puisqu'il s'agit au contraire de faire participer à part entière le conseil régional au fonctionnement de l'agence.

Le dernier alinéa, ajouté à l'initiative du Sénat, précise que dans un délai de six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d'évaluation assorti des observations des régions et des agences régionales de l'hospitalisation y ayant participé : il s'agit de se conformer avec cette disposition aux prescriptions édictées par le Conseil constitutionnel en matière d'expérimentation, qui imposent au législateur de prévoir les modalités de l'évaluation avant une éventuelle généralisation.

La Commission a rejeté un amendement de suppression de l'article de M. André Chassaigne, ainsi qu'un amendement de M. Gérard Vignoble tendant à permettre aux régions de participer aux formations médicales et para-médicales, le rapporteur ayant indiqué que cet amendement était satisfait en partie par l'article 58 du projet de loi.

Elle a été saisie d'un amendement du même auteur tendant à permettre aux régions de participer à la prévention et à l'éducation de la santé. Le rapporteur a jugé cet amendement contraire à l'article 56 du projet qui tend à confier à l'État la politique de prévention ; en réponse à une interrogation de M. Xavier de Roux sur le point de savoir si les termes d'« équipements sanitaires » incluaient les hôpitaux, il a fait part de son intention de substituer à cette notion celle d'« équipements lourds », tout en souhaitant connaître au préalable les décisions de la commission des Affaires culturelles saisie pour avis. La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite rejeté trois amendements de M. Gérard Vignoble : le premier tendant à permettre aux régions de participer à l'organisation des soins ; le second associant les organismes d'assurance complémentaire à la politique de santé au sein de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation ; le dernier tendant à prévoir des représentants du conseil régional de la santé au sein de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 55

(art. L. 1424-1 du code de la santé publique)


Programmes régionaux de santé publique

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 1424-1 du code de la santé publique se limite à reproduire, selon la technique du code pilote et du code suiveur, l'intégralité de l'article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales relatif aux compétences du conseil régional. Cet article intéresse le code de la santé publique dans la mesure où il dispose que le conseil régional a compétence pour promouvoir le développement sanitaire et social.

L'article 55 a pour objet de substituer une nouvelle rédaction à l'article L. 1424 du code de la santé publique, afin de préciser les compétences de la région en matière sanitaire et sociale, dans le cadre de l'article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales. Le conseil régional serait ainsi compétent pour définir les objectifs particuliers à la région en matière de santé et élaborer les actions régionales correspondantes.

Le Sénat, tout en approuvant la rédaction proposée, a supprimé l'article au motif qu'une telle disposition figure déjà à l'article 2 du projet de loi relatif à la santé publique, en cours de discussion actuellement au Parlement.

La Commission a maintenu la suppression de l'article.

Article 56

(art. L. 1423-1 à L. 1423-3, L. 2112-1, L. 2311-5, L. 3111-11, L. 3111-12 [nouveau],
intitulé du chapitre II du titre Ier du livre Ier de la troisième partie, art. L. 3121-1,
L. 3121-3 [nouveau] du code de la santé publique)


Transfert à l'État de la responsabilité des campagnes de prévention
et de lutte contre les grandes maladies

La loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 a confié aux départements la responsabilité de la protection sanitaire de la famille et de l'enfance ; cette responsabilité porte plus précisément sur les campagnes de vaccination, ainsi que sur la lutte contre les pathologies à incidence sociale, telles que la tuberculose, les maladies vénériennes, les infections sexuellement transmissibles et la lutte contre la lèpre. Les départements sont également compétents en matière de politique de dépistage précoce des affections cancéreuses.

Ce partage des compétences entre l'État et les départements auquel a procédé le législateur s'est révélé inadapté à l'évolution des enjeux sanitaires.

Il manque en premier lieu de cohérence, puisqu'il n'implique pas, pour des raisons essentiellement historiques, la lutte contre le sida ou les hépatites. Ainsi, aux termes de l'article L. 3121-1 du code de la santé publique, « la définition de la politique de lutte contre le virus de l'immuno-déficience humaine relève de l'État ». Il s'ensuit une dichotomie des politiques de prévention pour des maladies, sida et infections sexuellement transmissibles, qui ont pourtant des problématiques connexes. Un rapport récent de l'Inspection générale des Affaires sociales consacré à la politique de prévention (46) souligne à ce sujet que : « les personnes venant consulter pour une maladie sexuellement transmissible sont aussi celles qui sont le plus exposées à une contamination par le virus du sida ».

Le rapport de l'Inspection soulève un autre risque d'incohérence, qui résulte de la compétence de l'État en matière de surveillance épidémiologique des maladies transmissibles, y compris celles pour lesquelles le département est compétent en matière de prévention : « un tel partage, s'agissant de pathologies touchant souvent les mêmes profils de population, complique le travail des acteurs de soin, et fragilise la pérennité des dispositifs mis en place, dont certains s'avèrent redondants et d'autres au contraire lacunaires ». La lutte contre le cancer connaît les mêmes difficultés : le dépistage précoce et la surveillance des anciens malades sont confiés au département ; le traitement de la maladie relève du système de soins de droit commun ; enfin, les programmes de dépistage organisé des maladies aux conséquences mortelles évitables, parmi lesquelles figurent certains types de cancer, relèvent de l'État depuis 1998.

Ce partage des compétences fait en outre l'objet d'une application disparate selon les départements, suivant le degré d'implication des acteurs locaux. C'est notamment le cas en matière de dépistage du cancer, où seulement le tiers des départements a mis en place un dépistage organisé du cancer du sein. En matière de lutte contre les infections sexuellement transmissibles, treize départements ne se sont pas encore dotés d'un lieu de consultation. Les mêmes disparités prévalent dans le domaine de la lutte contre la tuberculose, pour laquelle sept départements n'ont pas encore de lieu fixe de consultation antituberculeuse alors que dans douze départements, le nombre de ces lieux est supérieur à 1 pour 100 000 habitants.

Enfin, le partage de compétences n'apparaît pas non plus efficient en terme de santé publique : l'exposé des motifs du projet de loi fait notamment référence à la politique de dépistage de la tuberculose et aux difficultés pour les départements de suivre les évolutions de la science. Il en résulte des retards en matière de prophylaxie, qui peuvent être à l'origine de contaminations secondaires.

Dans ces conditions, il est apparu préférable de revenir sur les lois de décentralisation de 1983 en faisant de l'État le responsable des campagnes de prévention et de lutte contre les grandes maladies. Cette recentralisation - la seule du projet de loi - est conforme au principe du droit à la santé et de l'égal accès aux soins dont l'État se porte garant.

Le premier paragraphe de l'article propose une réécriture des articles L. 1423-1 et L. 1423-2 ; s'il confirme à l'article L. 1423-1 la compétence du département en matière de protection sanitaire de la famille et de l'enfance, il supprime toute disposition relative à l'action du département en matière de lutte contre la tuberculose, la lèpre et le cancer.

La rédaction proposée pour l'article L. 1423-2 consistait à permettre aux départements, par convention avec l'État, de participer à la mise en œuvre des programmes de santé définis en application du titre premier du livre quatrième de la première partie, notamment dans les programmes de dépistage des cancers ; le Sénat, sur proposition de sa commission des Lois a supprimé cette disposition en insistant sur la responsabilité première qui incombe à l'État en la matière. Il a ainsi craint que de telles possibilités de conventionnement n'aboutissent à un financement par les collectivités locales de responsabilités qui relèvent de l'État et de lui seul.

Le deuxième paragraphe abroge en conséquence l'article L. 1423-3 consacré aux dispensaires antivénériens en tant que services départementaux. Le Sénat, par coordination avec l'amendement adopté au premier paragraphe, en a complété la rédaction pour faire mention également de l'abrogation de l'article L. 1423-2.

Le troisième paragraphe propose une simple rédaction de coordination qui permet de tenir compte, à l'article L. 2112-1 consacré au service départemental de protection maternelle et infantile, de la réécriture de l'article L. 1423-1 au premier paragraphe.

Le quatrième paragraphe modifie l'article L. 2311-5 consacré aux activités des centres de planification ou d'éducation familiale, afin d'étendre la compétence de ces centres au dépistage et traitement du sida ; il substitue, dans le même temps, à l'expression « maladies transmises par la voie sexuelle » celle de « infections sexuellement transmissibles ».

Le Sénat a supprimé le paragraphe, sur proposition de sa commission des Lois, au motif qu'une telle disposition était étrangère à l'objet d'un projet de loi consacré aux responsabilités locales et qu'elle trouverait davantage sa place dans le projet de loi relatif à la santé publique, en cours de discussion au Parlement.

Le cinquième paragraphe propose une nouvelle rédaction de l'article L. 3111-11 consacré, dans sa rédaction actuelle, à la compétence du département en matière de services départementaux de vaccination ; alors que le projet de loi prévoyait la mise en place de conventions entre l'État et les collectivités territoriales en matière de vaccination, le Sénat a préféré une rédaction précisant les conditions de gratuité des vaccinations effectuées dans des établissements et organismes habilités.

Cette modification, dans le prolongement de l'amendement adopté au premier paragraphe, traduit le refus des sénateurs de voir traitées conventionnellement des politiques qui relèvent désormais de la seule responsabilité de l'État.

En conséquence, le Sénat a supprimé le sixième paragraphe, qui concernait la gratuité des vaccinations, ces dispositions figurant désormais au cinquième paragraphe.

Les septième et huitième paragraphes sont consacrés à la lutte contre la tuberculose et la lèpre ; l'intitulé du chapitre II du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est modifié en conséquence et l'article L. 3112-2, qui concernait les vaccins antituberculeux, précise désormais que la lutte contre la tuberculose et la lèpre relève de l'État. Le Sénat a supprimé néanmoins l'alinéa autorisant, dans ces domaines, des conventions entre l'État et les collectivités locales.

Le neuvième paragraphe propose une nouvelle rédaction de l'article L. 3112-3, consacré, dans sa rédaction actuelle, aux services départementaux des dispensaires antituberculeux et services de vaccination antituberculeux bcg ; la rédaction proposée par le projet de loi renvoyait au pouvoir réglementaire le soin de préciser les dispositions du chapitre concernant la lutte contre la tuberculose et la lèpre. Elle précisait également les conditions de gratuité de vaccination, du suivi médical et de la délivrance des médicaments pratiqués par des établissements ou organismes autorisés en faisant notamment référence à ceux qui pourraient être habilités à la suite de conventions avec les collectivités locales. Par coordination, le Sénat a supprimé cette référence, et proposé une amélioration rédactionnelle du dispositif.

Le dixième paragraphe abroge les articles L. 3112-4 et L. 3112-5 du code de la santé publique relatifs au fonctionnement des dispensaires antituberculeux et des services de vaccination bcg, par coordination avec la suppression de la compétence du département en la matière.

Les onzième et douzième paragraphes sont consacrés à la lutte contre l'infection par le virus de l'immuno-déficience humaine et les infections sexuellement transmissibles. L'intitulé du titre II du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est modifié en conséquence et l'article L. 3121-1, qui se limite à affirmer la compétence de l'État en matière de lutte contre le sida, est complété afin de faire également référence aux infections sexuellement transmissibles. Par coordination avec les amendements précédemment adoptés, le Sénat a supprimé les dispositions autorisant, dans ces deux domaines, l'État à conclure des conventions avec les collectivités territoriales.

Le treizième paragraphe insère un nouvel article L. 3121-3 ayant pour objet, dans un premier alinéa, de confier à un arrêté du ministre chargé de la santé le soin d'encadrer l'activité des structures chargées de la prévention, du dépistage, du diagnostic et du traitement ambulatoire des infections sexuellement transmissibles et, dans un deuxième alinéa, de garantir la gratuité des prestations fournies par ces structures et l'anonymat des personnes y ayant recours. Le Sénat a adopté un amendement améliorant la rédaction de l'article tout en confirmant la seule responsabilité de l'État dans ce domaine.

La Commission a été saisie d'un amendement de suppression présenté par M. André Chassaigne, qui s'est opposé à la centralisation des compétences en matière de prévention sanitaire, aujourd'hui exercées de façon satisfaisante par les départements ou les régions. Il a ajouté que cette recentralisation était d'autant plus contestable qu'elle laissait aux départements le financement du coût des actions menées en ce domaine. Tout en reconnaissant que la centralisation complète proposée par cet article était conforme au principe de solidarité nationale en matière d'accès aux soins, le rapporteur a indiqué qu'elle lui semblait néanmoins excessivement rigide dans ses modalités, puisqu'elle ne tenait pas compte des efforts fournis par de nombreux départements en matière de prévention et de vaccination. C'est pourquoi, il a invité la Commission, qui l'a suivi, à rejeter l'amendement de suppression de cet article et à adopter son amendement prévoyant l'intervention des collectivités locales à leur demande (amendement n° 376).

Elle a adopté l'article 56 ainsi modifié.

Article 57

(art. L. 3114-5, L. 3114-6 du code de la santé publique, art. Ier et 10-1 [nouveau]
de la loi n° 64-1246 du 13 décembre 1964)


Lutte contre les insectes vecteurs de maladies

L'article L. 2114-5 du code de la santé publique, précisé par le décret n° 88-49 du 12 janvier 1998 confie compétence à l'État pour la lutte contre les insectes vecteurs de maladies humaines.

En revanche, la lutte contre les moustiques ressortit à la compétence des conseils généraux et des communes, en application de la loi du 16 décembre 1964 relative à la lutte contre les moustiques et de la loi du 30 décembre 1974. Dans le cadre de cette législation, les départements concernés ont été amenés à créer au sein de leur administration des services de démoustication, comme c'est le cas en Martinique, ou ont eu recours à des ententes interdépartementales de démoustication regroupant plusieurs départements (eid Méditerranée, eid Rhône-Alpes, eid Atlantique).

La répartition des compétences entre État et département se révèle particulièrement difficile dans ce secteur puisqu'elle repose sur une distinction très artificielle entre insectes piqueurs, pour lesquels sont compétents les départements, et insectes porteurs de maladies infectieuses, dits insectes vectoriels, qui relèvent de la compétence de l'État ; cette distinction est d'autant plus infondée que les moyens mis en œuvre et les compétences techniques à mobiliser sont identiques.

Le présent article a ainsi pour objet de redonner une cohérence dans la politique de lutte contre les insectes en prévoyant de confier aux représentants de l'État dans le département un rôle de coordination.

Le premier paragraphe propose une nouvelle rédaction de l'article L. 3114-5 du code de la santé publique afin de prévoir un arrêté du ministre chargé de la santé établissant la liste des départements concernés par la présence d'insectes vectoriels. Il est précisé que dans ces départements, les mesures de lutte contre ces insectes relèvent de la compétence de l'État. Le décret déterminant la nature des mesures à prendre est pris après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France.

Le deuxième paragraphe supprime en conséquence le 3° de l'article L. 3114-6, dont la rédaction a été reprise au deuxième alinéa de l'article L. 3114-5.

Le troisième paragraphe propose une nouvelle rédaction de l'article 1er de la loi n° 64-1246 du 16 décembre 1964 relative à la lutte contre les moustiques. Alors que le texte actuel prévoit l'organisation de la lutte contre les moustiques dans le département du Languedoc-Roussillon et, à leur demande, dans les autres départements concernés, le projet fait désormais référence à un arrêté préfectoral définissant les zones de lutte contre les moustiques. Cet arrêté, pris après avis du conseil départemental d'hygiène, concernerait les départements où est constatée l'existence de conditions entraînant le développement de maladies humaines transmises par l'intermédiaire d'insectes, et dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la santé, et les départements où les moustiques constituent une menace pour la santé de la population, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre en charge de la santé et du ministre en charge de l'environnement. Les arrêtés préfectoraux pourraient également concerner, en tant que de besoin, les départements dont les conseils généraux en feraient la demande.

Le quatrième paragraphe insère un nouvel article 7-1 dans la loi n° 64-1246 du 16 décembre 1964 afin de permettre aux représentants de l'État dans les départements concernés, de prendre toutes mesures utiles à la lutte contre les insectes vecteurs de maladie.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de cet article de M. André Chassaigne, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 58

(art. L. 4311-7, L. 4311-8, intitulé du titre VIII du livre III de la quatrième partie,
chapitre unique du titre VIII du livre III de la quatrième partie, art. L. 4381-1,
chapitre II [nouveau] du titre VIII du livre III de la quatrième partie
du code de la santé publique)


Gestion des écoles de formation des professions paramédicales

Les professions médicales et paramédicales se caractérisent par le fait que leur exercice est réglementé par une disposition législative ou un texte pris en application d'une loi ; on compte ainsi aujourd'hui parmi les professions paramédicales, les infirmiers, les aide-soignants, les masseurs kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les psychomotriciens, les orthophonistes, les orthoptistes, les diététiciens, les manipulateurs d'électroradiologie médicale, les techniciens de laboratoire, les opticiens lunetiers et les audioprothésistes.

Au-delà de cet aspect réglementé de la profession, les professions paramédicales sont difficilement assimilables les unes aux autres : certaines professions, telles que celle de sage-femme, d'infirmier, de masseur-kinésithérapeute, d'orthophoniste ou de psychomotricien, sont soumises à un numerus clausus, d'autres sont d'accès libre et dépendent en fait des capacités d'accueil des établissements. La formation est universitaire, pour les sages-femmes, ou dispensée dans des instituts de formation, financés en grande partie par les organismes d'assurance-maladie. Les formations les plus courtes sont sur un an, pour les aides-soignants, et les plus longues sur quatre ans pour les orthophonistes.

Le projet de loi ne remet pas en cause les spécificités de chaque profession ; il se limite à décentraliser les conditions d'agrément des instituts dispensant les formations, ainsi que leurs modalités de financement. Fidèle au principe du chef de file de la région en matière de formation professionnelle, il confie à celle-ci la responsabilité de définir des quotas entre les écoles au sein de la région ; l'État reste cependant compétent pour fixer les numerus clausus et délivrer les diplômes.

Le premier paragraphe, par une modification de l'article L. 4311-7 du code de la santé publique, supprime la compétence du ministre chargé de la santé pour agréer les instituts de formation en soins infirmiers : les candidats au diplôme d'État d'infirmier ne seront désormais admis à passer les examens que s'ils ont accompli leur scolarité dans un institut de formation, agréé dans les conditions prévues par l'article L. 4382-3 : cet article, inséré par le paragraphe VI de l'article, confie à la région la compétence pour autoriser les instituts de formation des professions paramédicales.

Le deuxième paragraphe supprime l'article L. 4311-8 qui prévoyait l'agrément des directeurs des instituts de formation par le ministre chargé de la santé : cette compétence serait désormais confiée, dans les conditions prévues à l'article L. 4382-3 tel que rédigé dans le paragraphe VI de l'article, au président du conseil régional, après avis du préfet de région.

Les troisième et quatrième paragraphes proposent des modifications d'intitulés de chapitre, par coordination avec le paragraphe VI de l'article ; l'intitulé du titre VIII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique fait ainsi désormais référence aux « dispositions communes et compétences respectives de l'État et de la région ».

Le cinquième paragraphe supprime l'article L. 4381-1 qui concernait les numerus clausus de certaines professions paramédicales ; ces dispositions étant reprises à l'article L. 4382-2 introduit par le paragraphe VI de l'article.

Le sixième paragraphe complète le titre VIII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique, par un chapitre II consacré aux compétences respectives de l'État et de la région. Il insère six nouveaux articles, qui ont pour objet de redéfinir les compétences respectives de l'État et de la région pour l'ensemble des formations paramédicales, à l'exception des sages-femmes et des préparateurs en pharmacie, qui font l'objet de dispositions spécifiques.

L'article L. 4382-1 reconnaît ainsi à l'État la compétence pour fixer les conditions d'accès aux formations paramédicales, déterminer les programmes de formation, l'organisation des études, les modalités d'évaluation des candidats et délivrer les diplômes.

Les professions concernées sont celles mentionnées aux titres Ier à VII du présent livre, à savoir les professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, ergothérapeute et psychomotricien, orthophoniste et orthoptiste, manipulateur en électro-radiologie médicale, audioprothésiste, opticien-lunetier, diététicien ; pour des raisons de cohérence des parcours professionnels, l'article L. 4382-1 ajoute à ces professions celles d'ambulancier, aide-soignant, auxiliaire de puériculture, et technicien de laboratoire d'analyse médicale.

L'article L. 4382-2, reprenant les dispositions de l'actuel article L. 4382-1, abrogé par le paragraphe V de l'article, définit les conditions de fixation du numerus clausus, pour les seules professions mentionnées aux titres Ier à VII du présent livre. Le nombre des étudiants ou élèves admis à entreprendre des études en vue de l'obtention des diplômes correspondants sera fixé au plan national et, pour chaque région, par le ministre de la santé, après avis du conseil régional. Ce nombre sera ensuite réparti entre les instituts et les écoles, par le conseil régional.

Le Sénat, sur proposition du rapporteur de la commission des Lois a précisé les modalités de fixation de ces quotas, en imposant une compétence partagée entre le ministre de la santé et le ministre chargé de l'enseignement supérieur.

Après avoir rejeté deux amendements, le premier de suppression de l'article présenté par M. André Chassaigne, le second de M. Bernard Derosier, prévoyant que le nombre des étudiants admis à entreprendre des études paramédicales est fixé au plan national et pour chaque région, par les ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur, après avis conforme des conseils régionaux, la Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que la signature du ministre chargé de l'enseignement supérieur n'est requise que lorsque les formations qui sont en cause relèvent de sa compétence (amendement n° 377).

En outre, il a souhaité inscrire la répartition des élèves au niveau régional dans le cadre plus large des compétences reconnues à la région en matière de formation professionnelle ; il a ainsi adopté un amendement faisant référence au schéma régional des formations sanitaires, schéma sur lequel devra s'appuyer la région pour procéder à la répartition(47).

L'article L. 4382-3 confie à la région, ou, plus précisément, après l'adoption d'un amendement au Sénat, au président du conseil régional, le soin d'autoriser la création des instituts ou écoles de formation pour l'ensemble des formations mentionnées précédemment à l'article L. 4382-1, après avis du préfet de région. Dans les mêmes conditions, le président du conseil régional agrée les directeurs de ces instituts ou écoles.

Ces autorisations et agréments pourront toujours être retirés en cas de manquements aux dispositions législatives ou réglementaires régissant l'organisation des formations, et d'incapacité ou faute grave de leurs dirigeants. Un décret viendra préciser les conditions dans lesquelles ces autorisations et agréments sont accordés.

L'article L. 4382-4 attribue également compétence à la région pour accorder les aides aux élèves et étudiants suivant les formations aux professions paramédicales. La nature et le niveau de ces aides seront déterminés par délibération du conseil régional ; il est précisé néanmoins, qu'un décret viendra fixer les règles minimales de taux et de barème de ces aides.

Par un amendement du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a également attribué au conseil régional compétence pour déterminer les conditions d'attribution de ces aides, sans toutefois que puisse être opposée aux étudiants une condition de résidence.

L'article L. 4382-5 concerne les modalités de financement des écoles et instituts agréés ; il opère pour cela une distinction entre établissements publics et établissements privés, les premiers ayant leurs charges de fonctionnement et d'équipement pris en charge entièrement par les régions alors que les seconds ne peuvent en recevoir que des participations. Les établissements privés se trouvent donc dans l'obligation de trouver d'autres financements que la région.

Il est précisé également, suivant le principe d'annualité budgétaire, que les subventions de fonctionnement accordées aux organismes qui gèrent les écoles et instituts sont versées annuellement. Les dépenses et les ressources de ces établissements sont en outre retranscrites dans un budget spécifique.

L'article L. 4382-5 précise également le statut afférent au personnel des organismes habilités à dispenser des formations : le personnel exerçant dans des écoles et instituts relevant d'un établissement public de santé est régi par les dispositions générales de la fonction publique, le Sénat ayant précisé qu'il s'agissait de la fonction publique hospitalière. S'agissant des établissements privés, la rédaction de l'article L. 4382-5 prévoit qu'ils recrutent, gèrent et rémunèrent eux-mêmes leur personnel.

Le Sénat, sur proposition du rapporteur de la commission des Lois, a complété la rédaction de l'article afin de prévoir, pour les organismes relevant de l'enseignement supérieur, que la signature d'une convention avec la région sur les quotas de formation et les subventions de fonctionnement vaut également agrément et autorisation de l'établissement, tels que prévus à l'article L. 4382-3. Ce dispositif permet de simplifier les relations entre la région et les écoles de formation, pour celles qui dépendent de structures universitaires.

Enfin, le texte proposé pour l'article L. 4382-6 renvoie à un décret en Conseil d'État les modalités d'application du nouveau chapitre.

Le paragraphe VI bis a été introduit au Sénat sur proposition de M. Eric Doligé : il prévoit que la mise en œuvre de l'article L. 4382-5 s'accompagne d'une communication aux régions de toutes les informations concernant la charge de fonctionnement et d'équipement des établissements concernés. Il s'agit ainsi de respecter le principe de loyauté qui doit présider à tout transfert entre l'État et les collectivités locales ; pour autant, une telle obligation de communication ne saurait être assimilée à un audit préalable, qui retarderait inutilement les conditions du transfert. Cet ajout du Sénat s'inspire des amendements préalablement adoptés aux articles 22 et 24 concernant le transfert des infrastructures portuaires et aéroportuaires.

S'agissant plus généralement des conditions financières dans lesquelles seront effectués les transferts, l'article 89 du projet de loi prévoit une disposition spécifique de compensation : ces établissements étant financés le plus souvent par l'assurance-maladie, il a paru nécessaire de mettre en place un double dispositif de compensation, visant à la fois la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances.

Les paragraphes VII et VIII reprennent, pour les écoles de formation à la profession de sage-femme, les dispositions introduites au chapitre VI pour les formations aux professions paramédicales, aides-soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers et techniciens de laboratoire. Ils prévoient, sur le même modèle, un agrément des écoles par la région, l'attribution de subventions aux étudiants et le financement des écoles, en reprenant la distinction public-privé introduite précédemment pour les formations paramédicales.

Le Sénat a adopté, par coordination avec les amendements adoptés au chapitre VI, plusieurs amendements de précision, dont un amendement prohibant toute condition de résidence pour l'attribution des aides aux étudiants.

Les paragraphes IX, X et XI reprennent les dispositions du chapitre VI pour le transposer à la profession de préparateur en pharmacie. Il est proposé en premier lieu de déplacer l'actuel chapitre II du titre IV du livre II de la quatrième partie du code, consacré aux dispositions pénales, pour le mettre en chapitre III ; serait alors introduit, entre le chapitre Ier et le chapitre III, un nouveau chapitre II consacré aux compétences respectives de l'État et de la région.

Aux termes du nouvel article L. 4242-1, l'État est confirmé dans sa compétence pour fixer les conditions d'accès à la formation de préparateur en pharmacie ; il lui revient ainsi de déterminer le programme de formation, l'organisation des études, les modalités d'évaluation des élèves, et de délivrer les diplômes. La région se voit confier la charge du fonctionnement et de l'équipement des centres de formation ; un renvoi aux dispositions générales de l'article L. 4382-5 est prévu à cet effet.

Enfin, le dernier paragraphe prévoit la substitution de la région à l'État dans ses droits et obligations relatifs au fonctionnement et à l'équipement des écoles de formation et instituts privés.

La Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 59

Transfert aux communes, à titre expérimental, de la responsabilité
de la politique de résorption de l'insalubrité dans l'habitat

Aux termes de cet article, les communes auraient la possibilité d'acquérir les compétences actuellement dévolues aux préfets en matière de lutte contre l'insalubrité et le saturnisme dans les locaux à usage d'habitation. Ce transfert se ferait toutefois non pas à titre pérenne, mais dans le cadre d'une expérimentation.

Les procédures liées à la lutte contre l'insalubrité et le saturnisme se caractérisent par une multiplicité des procédures et des intervenants.

S'agissant de la lutte contre l'habitat insalubre, prévue aux articles L. 1331-23 à L. 1331-32 du code de la santé publique, il revient au préfet, saisi d'un rapport motivé émanant du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ou du directeur du service municipal chargé de l'hygiène, dans les communes où existe un service communal d'hygiène et de santé, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à l'insalubrité. Il consulte pour cela préalablement le conseil départemental d'hygiène, qui doit, dans un délai de deux mois, émettre un avis sur la réalité et les causes de l'insalubrité, ainsi que sur les moyens envisagés pour y remédier.

Les intéressés peuvent avoir communication de la saisine du préfet et présenter leurs observations devant le conseil départemental d'hygiène ou, à Paris, la commission des logements insalubres.

Deux cas peuvent alors se produire : le conseil départemental d'hygiène conclut à l'insalubrité de l'immeuble et l'impossibilité d'y remédier ; il revient alors au préfet de prononcer l'interdiction définitive d'habiter ou prescrire toutes mesures appropriées pour mettre les locaux dans la situation d'être hors d'état d'habitation, éventuellement en prescrivant la démolition de l'immeuble. Si le conseil départemental a conclu, au contraire, à la possibilité de remédier à l'insalubrité, le préfet ordonne l'exécution des travaux nécessaires, assortie, le cas échéant d'une interdiction temporaire d'habiter. Ces travaux sont à la charge du propriétaire, sauf s'il est démontré que les occupants sont à l'origine de l'insalubrité constatée. Le préfet constate par arrêté la conformité des travaux réalisés à la prescription initiale et prononce alors la levée de l'arrêté d'insalubrité.

La lutte contre le saturnisme, liée à la présence de plomb dans les peintures, est prévue aux articles L. 1334-1 à L. 1334-6 du code de la santé publique. Saisi par un médecin ayant constaté un cas de saturnisme, le préfet est dans l'obligation de demander un diagnostic de l'état de l'immeuble. En cas de présence de plomb, le propriétaire doit mettre en œuvre les travaux de rénovation de l'immeuble. En cas de refus de sa part, les travaux peuvent être engagés à ses frais, après décision en référé du président du tribunal de grande instance. Le préfet contrôle l'état d'exécution des travaux un mois après la notification au propriétaire de sa décision.

Dans la pratique, l'exercice de ces compétences par le préfet peut se révéler délicat ; il se confond souvent avec l'exercice des pouvoirs de police du maire en matière de salubrité, reconnu à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ou avec la police des immeubles menaçant ruine, dont l'exercice est également imparti aux maires en application de l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales. En outre, les communes sont directement impliquées dans la lutte contre l'insalubrité dans la mesure où les services communaux d'hygiène et de santé, lorsqu'ils existent, sont chargés d'instruire les dossiers préalablement à la déclaration d'insalubrité prononcée par le préfet.

Ainsi, compte tenu de la très grande proximité des procédures et des acteurs intervenant dans ce domaine, le projet de loi prévoit une expérimentation permettant de confier aux maires la responsabilité de l'ensemble des dispositifs relatifs à la lutte contre l'insalubrité et le saturnisme.

Cette expérimentation serait toutefois ouverte aux seules communes disposant d'un service communal d'hygiène et de santé créé avant le 1er janvier 1984 et exerçant, par dérogation aux règles de droit commun, des attributions en matière de vaccination ou de désinfection, ainsi qu'en matière de contrôle administratif et technique des règles d'hygiène. Cette condition limite à 208 le nombre de communes susceptibles de participer à l'expérimentation. Une exception est faite pour Paris, qui n'a pas de service communal d'hygiène et de santé, mais dispose d'une commission des logements insalubres, qui tient lieu de service communal(48).

L'expérimentation était prévue initialement sur trois ans ; le Sénat a allongé ce délai d'un an afin de s'aligner sur le délai de quatre ans retenu par le projet de loi pour les autres expérimentations. Il a également prévu, sur le modèle des précédentes expérimentations, un délai d'un an permettant aux communes de se porter candidates. Une fois le délai expiré, un décret fixe la liste des communes autorisées à participer.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Voir la suite du rapport

1 () Le réseau autoroutier concédé représente aujourd'hui 8 000 kilomètres de voiries.

2 () Rapport d'audit sur les grands projets d'infrastructures de transport établi par l'inspection générale des finances (igf) et le conseil général des ponts et chaussées (cgpc), février 2003.

3 () JO Sénat, 4 novembre 2003, pp. 7419-7420.

4 () Ibid.

5 () Ibid.

6 () Source : Rapport d'audit sur les grands projets d'infrastructures de transport établi par l'inspection générale des finances et le conseil général des ponts et chaussées, février 2003.

7 () Ibid.

8 () Voir plus loin le commentaire sous l'article 89.

9 () JO Débats, Sénat, p. 7428.

10 () Rapport d'audit précité. Chiffres issus du 39ème rapport de la commission des comptes des transports de la nation, octobre 2002. Données en milliards de voyageurs-kilomètres.

11 () Ibid.

12 () Ibid.

13 () Pour compenser la dégradation de la rentabilité moyenne de l'activité du concessionnaire résultant de la pratique de l'adossement, l'État allongeait généralement la durée du contrat de concession.

14 () Rap. cit.

15 () Taxe d'aménagement du territoire(TAT), perçue sur les sociétés d'autoroutes et répercutée sur les péages autoroutiers et taxe sur la production d'énergie hydroélectrique, essentiellement supportée par EDF.

16 () Rap. cit.

17 () JO Débats Sénat, séance du 4 novembre 2003, p.7436.

18 () Aux termes de l'article L. 151-1 du code de la voirie routière, « les routes express sont des routes ou sections de routes appartenant au domaine public de l'État, des départements ou des communes accessibles seulement en es points aménagés à cet effet et qui peuvent être interdites à certaines catégories d'usagers ou de véhicules ».

19 () JO Débats Sénat, 4 novembre 2003, p. 7461.

20 () DATAR, La France en Europe : quelle ambition pour la politique des transports ?, Étude prospective, 2003.

21 () Cf. rapport Sénat n° 31 précité, p. 141.

22 () Cf. commentaires sous l'article 22.

23 () Cf. commentaires sous cet article.

24 () Id.

25 () JO débats, Sénat, séance du 4 novembre 2003, p. 7472.

26 () Rapport Sénat n° 31, op. cit., p. 161.

27 ()En vertu de l'article 50 de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, ce sont les régions qui sont compétentes en la matière.

28 ()Cf. articles 29 à 33 du présent projet de loi.

29 () Le moniteur des travaux publics et du bâtiment, n° 5122, 25 janvier 2002.

30 () JO Débats, Sénat, séance du 5 novembre 2003, p. 7504.

31 () JO débats, Sénat, 5 novembre 2003, p. 7506.

32 () JO Débats, Sénat, séance du 5 novembre 2003, p. 7505.

33 () Rapport Sénat n° 31 de M. Jean-Pierre Schosteck, p. 192.

34 () Règlement du Conseil CE 1260/1999, J.O. n) L 161 du 26 juin 1999.

35 () Article 8 du règlement du Conseil précité

36 () Arrêt C 292/99 du 2 mai 2002, Commission c. France.

37 () Rapport d'information de l'Assemblée nationale n° 1169 de M. Émile Blessig au nom de la délégation pour l'aménagement du territoire.

38 () Aux termes de l'article L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles, l'État reste compétent pour les dépenses d'aide sociale engagées en faveur des personnes sans domicile de secours ; l'aide médicale en faveur des étrangers et des réfugiés ; l'allocation simple aux personnes âgées ; l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation différentielle aux personnes handicapées.

39 () Pour une République territoriale : l'unité dans la diversité, Rapport n° 447 (1999-2000) de M. Michel Mercier, sénateur.

40 () Avis n° 33 (2003-2004) de Mme Annick Bocandé au nom de la commission des Affaires sociales.

41 () Rapport public particulier sur la protection judiciaire de la jeunesse, juillet 2003.

42 () La jonction d'un placement et d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert n'est théoriquement pas possible lorsque le placement est effectué par l'ASE : Cass. 1ere Civ., 29 juin 1994.

43 () Décision n° 90-274 DC du 29 mai 1990.

44 () JO Sénat, séance du 6 novembre 2003, p. 7628.

45 () L'article 72-2 de la Constitution impose une compensation financière de l'État pour tout transfert de compétence et toute création ou extension de compétences qui auraient pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités locales.

46 () Santé, pour une politique de prévention durable, Rapport annuel 2003 de l'Inspection générale des Affaires sociales.

47 () Aux termes de l'article 7 du projet de loi, la région arrête le plan régional de développement des formations professionnelles, qui vaut également schéma prévisionnel des formations sanitaires.

48 () CE, 22 mars 1985, Synd. des copropriétaires du 6-18 rue de Chevalier de la Barre.


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