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le 25 novembre 2004

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N° 1878

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 octobre 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

- LE PROJET DE LOI (n° 1043), autorisant la ratification du traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre la République française et la Principauté de Monaco,

- LE PROJET DE LOI (n° 1437) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, signée à Paris le 18 mai 1963 et modifiée par l'avenant du 25 juin 1969 (ensemble un échange de lettres)

PAR M. JEAN-CLAUDE GUIBAL,

Député

--

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LE CADRE JURIDIQUE DES RELATIONS BILATÉRALES ADAPTÉ ET LA       SOUVERAINETÉ DE MONACO RENFORCÉE 7

A - UNE COMMUNAUTÉ DE DESTIN PLUTÔT QU'UNE « AMITIÉ PROTECTRICE » 7

B - LA CONCERTATION BILATÉRALE PLUTÔT QUE L'ENTENTE PRÉALABLE 7

1) Le fonctionnement de la clause d'entente préalable datant de 1918 8

2) La Principauté de Monaco et l'Union européenne 8

3) L'étendue de la concertation prévue par le traité de 2002 8

4) La Commission de coopération franco-monégasque se substitue
    à la Commission mixte franco-monégasque
9

C - UNE INFORMATION PLUTÔT QU'UN AGRÉMENT EN CAS
     DE MODIFICATION DE L'ORDRE SUCCESSORAL
9

D - UNE ÉVOLUTION DE LA REPRÉSENTATION DIPLOMATIQUE BILATÉRALE 10

1) La diplomatie monégasque 10

2) L'assistance consulaire française 11

3) La représentation diplomatique bilatérale 11

II - LA RÉVISION EN COURS DE DIFFÉRENTS ASPECTS
     DES RELATIONS BILATÉRALES
13

A - UN DOMAINE RÉGLÉ : LES RELATIONS FISCALES, AVEC LA SIGNATURE
      DE L'AVENANT À LA CONVENTION FISCALE DU 18 MAI 1963.
13

B - PLUSIEURS DOMAINES FONT L'OBJET DE NÉGOCIATIONS EN COURS 14

1) Le domaine financier : vers une mise à niveau de la législation 14

2) Le domaine de l'entraide judiciaire pénale 16

3) Le domaine de la coopération administrative 17

C - LES AUTRES DOMAINES POSSIBLES D'AMÉLIORATION DES
     RELATIONS FRANCO-MONÉGASQUES
18

1) Les relations dans le domaine social restent incomplètes 18

2) Les relations entre la Principauté et les collectivités locales limitrophes :
    un cadre juridique à élaborer pour tenir compte des nouvelles
    répartitions de compétences résultant des lois de décentralisation
. 19

CONCLUSION 23

EXAMEN EN COMMISSION DU 13 JANVIER 2004 25

AUDITION DE M. COLIN DE VERDIÈRE - 30 JUIN 2004 28

EXAMEN EN COMMISSION DU 20 OCTOBRE 2004 32

ANNEXE 1 : BILAN DE MISE EN œUVRE DES CONCLUSIONS DE 2001 RELATIVES
                       À SEPT ASPECTS DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET
                       FINANCIÈRES ENTRE LA FRANCE ET MONACO
37

ANNEXE 2: CONCLUSIONS DU RAPPORT ÉTABLI PAR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE
                       POUR LES RELATIONS JUDICIAIRES (OCTOBRE 2000)
39

Mesdames, Messieurs,

Les deux présents projets de loi s'inscrivent dans un mouvement général de modernisation des relations entre la France et la Principauté de Monaco. Le premier autorise la ratification du traité d'amitié et de coopération, signé le 24 octobre 2002, qui a vocation à remplacer le traité du 17 juillet 1918. Quant au second projet de loi, il autorise l'approbation de l'avenant à la convention fiscale du 18 mai 1963 : en effet, dans le nouveau cadre offert par le traité de 2002, il est prévu que les relations entre la France et Monaco dans certains domaines seront modernisées par la signature de conventions particulières. D'ores et déjà, une telle convention a donc été signée dans le domaine fiscal, elle sera suivie de conventions équivalentes dans d'autres domaines, tels que ceux de la coopération administrative ou de l'entraide judiciaire en matière pénale.

Les autorités de la Principauté avaient demandé dès 1945 la refondation de la relation entre les deux Etats. Le Prince Rainier, quant à lui, soutient depuis son couronnement en 1950 la révision du traité d'origine, dont les formulations sont il est vrai apparues désuètes et la teneur de moins en moins adaptée aux réalités actuelles.

Aussi le traité du 24 octobre 2002 répond-il à ce souhait constant des autorités de la Principauté, en lui conférant une plus grande autonomie et en renforçant les éléments de sa souveraineté.

Le traité de 1918 définissait les relations franco-monégasques en plaçant la Principauté sous « l'amitié protectrice » de la France. Les relations de la Principauté seront dorénavant inscrites dans une « communauté de destin » avec notre pays.

La négociation du traité s'est déroulée de 1998 à 2002. Il apparaît très succinct ; néanmoins le traité de 1918 n'était pas plus explicite. Il s'agit en réalité d'un cadre politique et non technique, qui permet d'inscrire dans des conventions spécialisées les différents aspects des relations bilatérales.

Si la souveraineté de la Principauté sort renforcée de cette révision, néanmoins, les actions conduites par celle-ci dans l'exercice de cette souveraineté continueront à s'accorder avec les intérêts fondamentaux de la République française, comme l'indique l'article premier du traité.

Le traité du 24 octobre 2002 reprend l'engagement de la France de garantir l'exercice de la souveraineté monégasque déjà inscrit dans le traité de 1918 : l'article 1er du nouveau traité prévoit que « la France assure à Monaco la défense de son indépendance et de sa souveraineté et garantit l'intégrité du territoire monégasque dans les mêmes conditions que le sien ».

Si la matérialité de la souveraineté de la Principauté est renforcée, la France a aussi demandé des contreparties à la Principauté, qui s'inscriront dans une révision plus large des relations bilatérales : sont concernées les matières financières, fiscales et judiciaires. D'ores et déjà, les négociations ont abouti dans le domaine fiscal, avec la signature de l'avenant à la Convention fiscale de 1963. Il a donc semblé intéressant à votre Rapporteur de présenter dans un même rapport les deux différents projets de loi, lesquels s'inscrivent dans un même mouvement de modernisation et de rénovation des relations franco-monégasques.

I - LE CADRE JURIDIQUE DES RELATIONS BILATÉRALES ADAPTÉ
ET LA SOUVERAINETÉ DE MONACO RENFORCÉE

A - Une communauté de destin plutôt qu'une « amitié protectrice »

Le traité de 1918 stipule, dans son préambule, que les intérêts de la Principauté de Monaco sont nécessairement liés à ceux de la France, qui exerce sur la Principauté son « amitié protectrice ». Désormais, à celle-ci se substitue, dans le préambule du nouveau Traité, une « communauté de destin ».

L'article 1er du traité de 1918 indique que la France est garante de l'indépendance et de la souveraineté de la Principauté « comme si ce territoire faisait partie de la France ». Les alinéas suivants précisent que l'exercice de la souveraineté monégasque doit être en parfaite conformité avec les intérêts politiques militaires, navals et économiques de la France.

C'est sur ce dernier point que le nouveau traité apporte la modification la plus sensible. En effet, l'impératif de parfaite conformité est remplacé par la concertation ; néanmoins, les autorités françaises ont voulu éviter, lors de la rédaction du présent traité, de passer d'un engagement d'agir « en parfaite conformité », à un système qui ne prévoirait aucune forme de concertation. La notion d'un « accord » avec les intérêts fondamentaux français a été introduite, y compris dans le domaine touchant à la sécurité.

B - La concertation bilatérale plutôt que l'entente préalable

Les articles 1 et 2 du traité du 24 octobre 2002, en prévoyant une concertation bilatérale dans les domaines essentiels (politique, économie, sécurité, défense et relations internationales), renforcent l'autorité de la Principauté.

Le mécanisme d'entente préalable décrit à l'article 2 du Traité de 1918 est remplacé par une « concertation appropriée et régulière ». C'est l'évolution la plus significative dans l'exercice de sa souveraineté par la Principauté. Le système du traité de 1918 limitait en effet cet exercice. La nouvelle rédaction confère une plus grande autorité à la Principauté sans pour autant introduire la symétrie des obligations. Alors que la convergence de l'action extérieure de la Principauté avec les intérêts fondamentaux de la République française est requise, la France s'engage à prendre en compte « les intérêts fondamentaux » de la Principauté, ce qui est conforme à la nature des choses.

1) Le fonctionnement de la clause d'entente préalable datant de 1918

La clause d'entente préalable en vigueur depuis le Traité de 1918 fonctionne de façon satisfaisante, selon les autorités françaises. Le ministère des Affaires étrangères reçoit de fréquentes demandes d'avis et de consultation sur les traités, et le fonctionnement des organisations internationales de la part des autorités monégasques et y répond systématiquement.

La Principauté est en effet membre de nombreuses organisations internationales. Elle est notamment membre des Nations unies depuis le 28 mai 1993. Tant au sein des Nations unies que dans les organisations internationales, la Principauté prend en compte les choix français, en ayant recours éventuellement à cette procédure de consultation préalable des autorités françaises.

2) La Principauté de Monaco et l'Union européenne

La concertation revêt un aspect particulier en matière communautaire : la Principauté n'est pas membre de l'Union européenne mais entretient avec elle depuis fin 1999 des relations diplomatiques. Par le jeu de conventions avec la France, la Principauté a été intégrée dans deux dispositifs juridiques : le territoire douanier de l'Union européenne (conséquence de l'union douanière de la Principauté avec la France) et le régime de TVA intracommunautaire.

En outre, la France a obtenu de l'Union européenne mandat pour négocier avec Monaco les mises à jour et les adaptations nécessaires à la mise en circulation de l'euro dans la Principauté : une Convention monétaire a été signée les 24 et 26 décembre 2001 qui précise les obligations communautaires applicables à Monaco. Enfin, la mise en conformité de la législation financière monégasque avec la réglementation communautaire est examinée dans le cadre d'un groupe de travail franco-monégasque auquel participe le ministère de l'Economie, des finances et de l'industrie.

3) L'étendue de la concertation prévue par le traité de 2002

La concertation a vocation à s'appliquer à tous les domaines intéressant les relations internationales des deux Etats (positions dans les enceintes internationales, soutiens réciproques...). Les échanges sont et devraient rester très fréquents eu égard à l'importance de la coopération administrative entre le ministère des Affaires étrangères et la Principauté de Monaco. La concertation s'opère le plus souvent à Paris au ministère des Affaires étrangères entre la Direction de la coopération européenne et la chancellerie de l'ambassade de la Principauté à Paris et, en Principauté, entre la Direction des relations extérieures et le Consulat général de France à Monaco.

Cette concertation peut également intervenir en tant que de besoin entre les représentations et délégations participant à une même réunion, par exemple dans l'enceinte des Nations unies.

4) La Commission de coopération franco-monégasque se substitue à la Commission mixte franco-monégasque

Instituée par l'échange de lettres du 21 novembre 1968, la Commission mixte avait initialement pour mission de faire des propositions pour favoriser le développement économique de la Principauté de Monaco.

La Commission mixte franco-monégasque a vocation à traiter de l'ensemble de la coopération administrative intéressant les deux Etats : notamment le développement économique de la Principauté, les questions de voisinage, les questions consulaires, l'application de la législation communautaire en Principauté et toute autre question que les Parties jugent utile d'inscrire à l'ordre du jour d'une session.

A la suite d'un échange de lettres du 17 octobre 1994 entre le Premier ministre français et le Prince souverain de Monaco, il fut décidé de confier la présidence de la Commission mixte au Secrétaire général adjoint du ministère des Affaires étrangères et au Ministre d'Etat de la Principauté de Monaco.

Les sessions de la Commission sont organisées par le ministère des Affaires étrangères en collaboration avec la Direction des relations extérieures de la Principauté. Sa composition varie en fonction des thèmes abordés : des représentants des services compétents participent aux réunions.

Dès que le Traité du 24 octobre 2002 sera entré en vigueur, la Commission mixte sera remplacée, en vertu de l'article 7, par la Commission de coopération franco-monégasque. Il stipule en effet que cette Commission « devient le cadre de ces consultations [régulières sur les situations d'intérêt commun], ainsi que les Commissions qui pourraient être instituées par les conventions ad hoc ». La Commission de coopération, dont le statut juridique est clarifié par rapport à la Commission mixte actuelle, deviendra ainsi le lieu privilégié de la concertation bilatérale entre la France et Monaco.

Cette commission pourrait être co-présidée par le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et le Ministre d'Etat de la Principauté de Monaco. Elle devrait se réunir une fois par an alternativement à Paris et à Monaco.

C - Une information plutôt qu'un agrément en cas de modification de l'ordre successoral

L'une des raisons de la conclusion du traité en 1918 fut l'apparition d'un problème successoral ayant soulevé une profonde inquiétude chez les autorités françaises. A l'époque en effet, Louis, le fils du Prince régnant Albert 1er, âgé de 48 ans est combattant dans l'armée française. En cas de décès, et faute de descendant, le trône reviendrait à une branche issue de la Princesse Florestine, sœur de Charles III (père d'Albert 1er) : celle du duc allemand d'Uracht-Wurtemberg. Une telle hypothèse successorale ne fut pas du goût des autorités françaises, surtout en 1918.

L'un des objectifs du traité bilatéral a donc été de donner à la France les moyens d'intervenir dans la procédure de dévolution de la Couronne, afin d'éviter une telle situation. En vertu de l' article 2 du traité de 1918, les autorités françaises devaient donner leur agrément (« entente préalable ») en cas de modification ; cet article n'a en fait jamais été appliqué, la succession s'étant déroulée selon les procédures prévues et aucune vacance n'étant survenue.

La souveraineté de la Principauté dans ce domaine est aujourd'hui renforcée par la formulation de l'article 3 du nouveau texte : celui-ci prévoit une simple « information » de la France en cas de modification de l'ordre successoral à la Couronne.

L'ordre de succession est d'ailleurs aujourd'hui plus prévisible en vertu de l'article 10 de la Constitution monégasque modifié par la loi monégasque 1249 du 2 avril 2002. Cet article prévoit que la succession au Trône s'effectue dans la descendance directe et légitime du Prince par ordre de primogéniture avec priorité masculine au même degré de parenté. Le même article envisage les cas où, d'une part, le Prince n'aurait pas ou plus de descendance directe, et, d'autre part, où l'héritier désigné renoncerait à la succession ou ne pourrait pas en bénéficier (décès). Les dispositions de la Constitution permettent de prévoir l'ordre successoral dans des conditions satisfaisantes. Toutefois, et c'est l'objet de l'alinéa 4 de l'article 10, le cas peut se présenter où les dispositions des trois premiers alinéas ne permettraient pas la désignation d'un successeur, soit faute d'un candidat, soit du fait de l'incapacité du successeur pressenti.

Au nom de la « communauté de destin », le nouveau traité prévoit que les autorités françaises sont « informées » de tout fait qui entraînerait une modification de l'ordre successoral : décès, incapacité ou renoncement du successeur désigné et, éventuellement, impossibilité de désigner un candidat dans l'ordre successoral prévu par la Constitution. Si un tel cas se produisait, la désignation du successeur appartiendrait aux instances monégasques désignées par la Constitution de la Principauté.

D - Une évolution de la représentation diplomatique bilatérale

1) La diplomatie monégasque

La Principauté entretient des représentations diplomatiques en France, en Allemagne (accréditée également auprès de l'Office des Nations unies à Vienne), en Belgique (accréditée auprès du Luxembourg et des Pays-Bas, ainsi qu'auprès des Communautés européennes), en Italie, en Espagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Suisse (accréditée auprès de la Principauté du Liechtenstein), au Saint-Siège ainsi que deux missions permanentes auprès de l'Organisation des Nations unies, une à New York et l'autre à Genève.

La Principauté a ouvert 104 missions consulaires dans 53 pays d'Europe, d'Asie, d'Afrique et d'Amérique. De même, 77 pays sont représentés auprès du Prince de Monaco. Deux le sont par des consuls de carrière (France, Italie) résidant sur place, 57 par des consuls honoraires et 18 Consuls généraux de carrière résidant à Nice, Marseille ou Paris, sont accrédités auprès de la Principauté de Monaco.

2) L'assistance consulaire française

L'assistance consulaire française à la Principauté découle du principe « d'amitié protectrice » énoncé dans le Traité de 1918. Elle figure également dans le Traité du 24 octobre 2002. Elle s'appuie sur la Convention de voisinage du 18 mai 1963 modifiée par l'échange de lettres du 15 décembre 1997 incorporant la Principauté dans l'espace Schengen. A ce titre, les autorités consulaires françaises délivrent les visas pour la Principauté et les ressortissants monégasques jouissent de la protection consulaire française.

En matière d'assistance diplomatique, des échanges d'informations entre le Consulat général de France et la Direction monégasque des relations extérieures, et, à Paris, entre la Sous-direction de l'Europe méridionale du ministère des Affaires étrangères et l'ambassade de la Principauté nourrissent la coopération administrative bilatérale. L'appui peut être autant technique (accueil de stagiaires, transmission de notes verbales aux ministères techniques, gestion du détachement des fonctionnaires français en Principauté), que diplomatique (demandes de consultation sur des accords internationaux et, le cas échéant, sur des textes en cours de négociation dans les instances internationales, constitution de dossiers pour les visites à l'étranger des autorités monégasques).

3) La représentation diplomatique bilatérale

Les représentations auprès des deux capitales sont des représentations diplomatiques et consulaires de plein droit (ambassade de la Principauté de Monaco à Paris et Consulat général de France à Monaco). Les représentations assurent le travail diplomatique traditionnel de suivi de la relation franco-monégasque dans tous les domaines : politique, économique, financier et culturel ainsi que l'ensemble des missions consulaires habituelles au sens de la Convention de Vienne de 1963.

Le présent traité pourrait avoir pour conséquence le rehaussement du niveau de notre représentation diplomatique. Alors que la Principauté est représentée aujourd'hui en France par un ambassadeur, la France ne l'est à Monaco que par un consul général. Les Monégasques souhaitent que notre pays installe une ambassade dans la Principauté, cependant la décision n'a pas encore été prise du côté français. Elle pourrait alors conduire d'autres pays à nommer des ambassadeurs dans la Principauté.

Le traité du 24 octobre 2002 ouvre également la possibilité pour les ressortissants monégasques d'avoir recours à des représentations diplomatiques ou consulaires autres que les représentations françaises, dans l'hypothèse où ni la France, ni aucun autre pays de l'Union européenne ne seraient représentés dans le pays en question. Cette clause apparaît cependant comme largement théorique.

Sur le plan juridique, la signature du traité du 24 octobre 2002 n'emporte aucune conséquence en termes d'obligations de renégociation ou d'adaptation des traités qui lui sont antérieurs. L'article 6 du nouveau Traité du 24 octobre 2002 prévoit que « les conventions en vigueur à la date du présent Traité le demeurent ». De façon générale, la dernière volonté exprimée par les parties doit l'emporter sur les engagements précédents en cas de contrariété.

II - LA RÉVISION EN COURS DE DIFFÉRENTS
ASPECTS DES RELATIONS BILATÉRALES

Comme votre Rapporteur l'a indiqué en introduction, le travail de réactualisation du traité de 1918 a été engagé à la demande des autorités monégasques, mais sous la condition d'une révision des relations bilatérales dans plusieurs domaines, afin de mieux garantir les intérêts fondamentaux français : outre les intérêts territoriaux que nous avons déjà évoqués, il s'agit également des intérêts financiers, économiques et de sécurité. Il est donc logique d'évoquer ici les problèmes existants et l'objet des négociations en cours.

A - Un domaine réglé : les relations fiscales, avec la signature de l'avenant à la convention fiscale du 18 mai 1963.

Les relations fiscales entre la France et la Principauté de Monaco sont actuellement régies par la convention fiscale du 18 mai 1963, conclue afin de régler la crise de 1962. Depuis cette date, en dépit de la signature d'un premier avenant en 1969, le contexte a profondément évolué et il devenait nécessaire d'adapter la convention fiscale de 1963.

L'article premier permet de corriger les évolutions anormales dans la déduction des rémunérations des dirigeants de l'assiette de l'impôt monégasque sur les bénéfices.

L'article 2 permettra d'assujettir à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) les résidents français installés à Monaco depuis 1989. Assujettis à l'impôt sur le revenu en application de la convention de 1963, ces derniers ne le sont pas à l'ISF, puisque cet impôt a été créé en 1989, postérieurement à la signature de la convention fiscale. D'après les informations communiquées à votre Rapporteur, cette disposition de l'avenant concerne environ deux cents contribuables, soit une base taxable de plus de 800 millions d'euros. Par ailleurs, l'avenant (article 4 et 5) permet dorénavant des échanges de renseignements entre les deux Parties en matière d'impôt sur la fortune.

Concernant les personnes physiques, l'avenant poursuit donc la logique initiale, qui vise à considérer les citoyens français résidents à Monaco comme des contribuables français classiques. Cependant, s'ils se voient reconnaître les mêmes obligations que celles des Français domiciliés en France, il serait souhaitable que les résidents français installés à Monaco puissent bénéficier d'une complète égalité de traitement avec ceux qui résident en France, notamment en termes d'abattements et d'exonérations. En effet, on constate d'ores et déjà une baisse continue du nombre de résidents français en Principauté. Ils étaient 12 000 en 1984 et ne sont déjà plus que 8 000 en 2004. L'influence française à Monaco s'en trouve amoindrie d'autant.

L'article 3 supprime l'interdiction, prévue par la convention de 1963, de déduire les versements effectués par des personnes physiques ou morales, imposables en France, à des bénéficiaires établies à Monaco. Cette règle, plus stricte que la règle de droit commun, a été régulièrement contestée par les entreprises françaises détenant des filiales dans la Principauté, par les entreprises monégasques détenant des filiales en France ainsi que par les autorités monégasques.

L'avenant est par ailleurs complété par un échange de lettres, lequel contient des dispositions, très attendues par la France, en matière de partage des recettes de Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). En effet, la convention fiscale du 18 mai 1963 prévoit un partage du produit total des perceptions opérées, sur le territoire des deux Etats : la TVA est en principe encaissée dans le pays où la marchandise qu'elle frappe est consommée, mais le montant de ces perceptions respectives était presque impossible à calculer entre deux territoires aussi imbriqués que ceux de la République française et de la Principauté de Monaco. Ainsi, il a été décidé d'établir une règle de répartition de ces taxes entre le Trésor monégasque et le Trésor français. Cependant, cette règle de répartition est devenue de plus en plus favorable à la Principauté, entraînant une augmentation continue des reversements effectués par le Trésor français au Trésor monégasque.

L'échange de lettres qui complète l'avenant modifie cette règle de partage afin de l'actualiser et de prendre en compte les évolutions intervenues depuis 1963 : il en résulte une diminution des reversements de TVA effectués par la France au profit de Monaco. En effet, il a été décidé, sur proposition de la France, d'évaluer sur une nouvelle base, à partir de l'année 2001, le niveau des reversements dus par la France à Monaco. Le montant choisi, c'est-à-dire la nouvelle référence, s'élève à 108 millions d'euros, alors que la moyenne des reversements à la fin des années 1990 dépassait les 125 millions d'euros. De plus, un nouveau mode d'indexation a été mis en place, permettant de stabiliser le montant de ce reversement. Enfin, les Parties ont décidé de se concerter en 2005 afin d'évaluer cette nouvelle formule de partage des recettes de TVA.

La mise en œuvre de l'avenant à la convention fiscale du 18 mai 1963 contribuera donc aussi à la rénovation des relations entre la France et Monaco. Elle s'inscrit pleinement dans le mouvement occasionné par la signature du nouveau Traité d'amitié et de coopération.

B - Plusieurs domaines font l'objet de négociations en cours

1) Le domaine financier : vers une mise à niveau de la législation

Un rapport, effectué en octobre 2000 par le Directeur du Trésor sur les relations économiques et financières de la France avec la Principauté de Monaco, avait mis en évidence des faiblesses et des lacunes dans de nombreux domaines (relations douanières et fiscales, monnaie, banque, finance, assurance, lutte contre le blanchiment des capitaux) et formulé plusieurs propositions d'actions afin d'y remédier.

Les négociations qui se sont ensuite engagées sur la base du rapport précité entre le Gouvernement princier et MM. Rouvillois et Cailleteau, représentants du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ont abouti à un relevé de conclusions présenté le 18 octobre 2001, qui comporte un certain nombre de recommandations portant notamment sur la mise en circulation de l'euro à Monaco, la mise à niveau de la législation financière et le renforcement de la législation antiblanchiment.

La convention monétaire conclue entre la France, au nom de la Communauté européenne, et Monaco, le 24 décembre 2001, autorise la Principauté à émettre des euros à face nationale monégasque (frappés par la Monnaie de Paris) dans la limite de 1/500e de la frappe française et prévoit la transposition en droit monégasque des règles communautaires en matière de lutte contre la contrefaçon de l'euro. La convention monétaire prévoit en outre l'accès des établissements de crédit agréés à Monaco à l'ensemble des systèmes de paiement de la zone euro, ce qui constitue un progrès notable dans l'application à Monaco des règles du droit européen.

Enfin, en application de cette même convention, un accord de principe a été trouvé sur l'adhésion des établissements monégasques au fonds de garantie des titres français.

Par ailleurs, un échange de lettres entre la France et Monaco, signées les 6 avril et 10 mai 2001 et portant sur la surveillance harmonisée des établissements de crédit installés dans la Principauté permet désormais d'assurer davantage de transparence et d'améliorer les conditions de contrôle. Les établissements de crédit installés à Monaco peuvent désormais communiquer à leur société mère les informations nécessaires à la surveillance consolidée par une autorité de surveillance étrangère. La Commission bancaire française peut procéder à des enquêtes à la demande d'autorités étrangères avec une simple information préalable du gouvernement princier et effectuer à Monaco des inspections conjointes avec les autorités de contrôle étrangères.

En outre, les autorités françaises ont obtenu de la Principauté monégasque qu'elle prenne, en application de la convention monétaire précitée (Art. 11) « des mesures d'effets équivalents à la directive communautaire relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, selon les recommandations du Groupe d'action financière internationale contre le blanchiment des capitaux (GAFI) ». Cette disposition qui permet de soumettre les autorités monégasques aux dispositions communautaires en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux, tout en liant cette soumission au standard international que représentent les recommandations du GAFI, représente un très réel succès dans le dossier de la prévention du blanchiment à Monaco. Ceci permet d'assurer que Monaco devra faire évoluer son dispositif au fur et à mesure de l'évolution des recommandations du GAFI.

Cette avancée a été accompagnée par la signature, en 2003, d'un échange de lettres entre la Commission bancaire et le Gouvernement princier portant sur l'organisation de la coopération entre l'autorité de contrôle bancaire française et le service monégasque chargé de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le SICCFIN. Cet échange de lettres précise notamment les conditions dans lesquelles la Commission bancaire apporte son soutien en matière de formation pour le contrôle des obligations déclaratives des établissements bancaires.

La mise en œuvre par les parties à la Convention monétaire de leurs engagements respectifs fait l'objet d'une revue périodique dans le cadre d'un comité mixte auquel sont associées les autorités françaises et monégasques, ainsi que la Commission européenne et la Banque centrale européenne.

Par ailleurs, le Prince de Monaco s'est engagé, dans une lettre adressée au Président de la République en octobre 2000, à mettre en place des mesures équivalentes à celles adoptées par les États membres de la Communauté européenne dans le cadre de la directive sur la fiscalité de l'épargne des non-résidents adoptée lors du conseil ECOFIN du 3 juin 2003. La Commission européenne conduit en effet des négociations sur ce thème avec la Principauté de Monaco ainsi qu'avec Andorre, le Liechtenstein, Saint-Marin et la Suisse. Les éléments relatifs à la fiscalité de l'épargne de l'accord finalisé avec ce dernier pays ont vocation à servir de référence à l'égard des quatre autres Etats tiers européens.

Enfin, le groupe de travail bilatéral chargé de la question de la mise à niveau de la législation financière applicable à Monaco, auquel participent côté français les autorités de contrôle (Commission bancaire, COB et CMF), a commencé ses travaux en mars 2003.

Il a procédé à un état des lieux des services d'investissement et autres services financiers effectivement offerts en Principauté et de leur réglementation et a identifié les domaines dans lesquels une mise à niveau des normes applicables est nécessaire.

Actuellement, la finalisation des projets de texte étudiés au sein du groupe de travail demeure suspendue à la résolution de la question du contrôle et des sanctions des pratiques des établissements installés à Monaco.

2) Le domaine de l'entraide judiciaire pénale

Les relations judiciaires entre la France et la Principauté de Monaco dans le domaine de la justice pénale ont fait l'objet d'un rapport du ministère de la Justice, présenté en octobre 2000 ; ce rapport était suivi de propositions d'actions dans les domaines de l'organisation judiciaire de la Principauté, de l'entraide répressive et de la lutte contre le blanchiment.

Sur cette base, la France et la Principauté de Monaco ont convenu, en 2001, d'engager des négociations bilatérales en vue d'établir une convention d'entraide judiciaire en matière pénale dans le but de moderniser, en les complétant ou en les remplaçant, les stipulations de la convention franco-monégasque du 21 septembre 1949.

Trois sessions de négociation se sont déroulées en 2003 et une en juillet 2004 sur la base d'un projet de convention communiqué par la partie française.

Le souhait des autorités françaises est d'aboutir à l'adoption d'un instrument, dont les dispositions reprendraient celles de la convention européenne de 1959 et des accords et conventions conclus au sein de l'Union européenne (convention d'entraide judiciaire pénale du 29 mai 2000 et son protocole additionnel du 16 octobre 2001). En effet, la Principauté n'est partie ni à la convention du Conseil de l'Europe de 1957 sur l'extradition ni à celle de 1959 sur l'entraide judiciaire pénale, conventions qu'elle devrait, selon les informations communiquées à votre Rapporteur, ratifier et appliquer d'ici deux ans, suite à son adhésion au Conseil de l'Europe en septembre 2004.

Ainsi, le projet en cours de discussion comporte de nombreuses dispositions relatives à la simplification et l'assouplissement de la présentation des demandes d'entraide, l'extension du champ de l'entraide judiciaire et l'instauration de formes spécifiques de coopération (équipes communes d'enquête, transfèrement des personnes détenues aux fins d'entraide, enquêtes discrètes ou sous couverture, auditions par vidéoconférence, livraisons surveillées et échanges de condamnations).

Certaines propositions font encore l'objet de négociations avec les autorités monégasques. Il en va ainsi des dispositions proposées par la partie française, relatives à la transmission directe des demandes d'entraide entre autorités judiciaires, à l'assouplissement du principe de spécialité qui permet à l'Etat requis de limiter les utilisations des informations transmises à l'Etat requérant, à l'entraide judiciaire pour la poursuite des infractions fiscales et au recueil d'informations en matière bancaire. En matière fiscale, il semble que la partie monégasque ait fait part d'une certaine ouverture lors de la session de juillet dernier, permettant de trouver une solution de compromis.

Ainsi, bien que toutes ces questions ne soient pas encore résolues, les négociations qui se poursuivent laissent espérer une conclusion dans un avenir proche d'une convention d'entraide judiciaire, même si aucune date n'a encore été fixée sur une prochaine rencontre.

3) Le domaine de la coopération administrative

Dans l'esprit d'adaptation aux réalités présentes qui a mené à la négociation du traité de 2002, la France et Monaco ont réfléchi à la rédaction d'une convention sur la coopération administrative qui se substituerait à la Convention du 28 juillet 1930 relative au détachement de fonctionnaires français en Principauté et de fonctionnaires monégasques en France.

Les Monégasques souhaitaient que le principe de libre accès des ressortissants monégasques aux emplois publics soit admis tout en souhaitant continuer de faire appel, en priorité sur toute autre nationalité, à des ressortissants français, voire à des fonctionnaires français en détachement, pour tout un ensemble d'emplois et de fonctions auxquels l'étroitesse de la population monégasque ne permet pas de répondre. Les autorités françaises rejoignaient cette préoccupation conforme en particulier aux conventions internationales, dont celles du Conseil de l'Europe qui prévoient explicitement le droit des citoyens d'un État à accéder à tous les emplois publics de cet Etat.

La négociation a donc porté sur la manière dont serait conciliée cette préoccupation partagée et la nécessité de s'assurer que les titulaires de certaines fonctions ou emplois « sensibles », parce qu'ils mettent en cause les intérêts fondamentaux des deux États, jouissent de la confiance respective des deux États. Il a donc été prévu que ces emplois pourraient continuer d'être exercés par des fonctionnaires français, en priorité par rapport aux ressortissants de tout autre pays. Par ailleurs, les modalités d'application de cette convention seront mises en œuvre par la future Commission de coopération franco-monégasque, instituée par le traité de 2002.

Les Monégasques souhaitaient par ailleurs pouvoir, de manière plus effective, accéder à la Fonction publique française, les mécanismes de la Convention de 1930 et de ses textes d'application s'étant révélés plutôt dissuasifs. La France a accepté, à l'instar de ce qui prévaut pour les ressortissants andorrans, l'accès des Monégasques à notre Fonction publique dans les mêmes conditions que les ressortissants des pays membres de l'Union européenne.

Le texte d'une future convention a été arrêté. Il prévoit l'approfondissement de la coopération administrative entre les deux États sous le contrôle de la Commission de coopération franco-monégasque. Auditionné par la Commission des Affaires étrangères le 30 juin 2004, M. Hubert Colin de Verdière, alors Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, a indiqué « qu'un accord a été obtenu, même si le texte qui a été paraphé n'a pas encore fait l'objet d'une procédure de conclusion formelle. Celle-ci n'interviendra que lorsqu'un accord aura été obtenu sur l'ensemble des sujets restant en discussion. Ensuite, la nouvelle convention sera soumise au Parlement français pour qu'il en autorise l'approbation ». Pour autant, il faut noter que la simple perspective de cette révision de la Convention de 1930 a suffi à satisfaire le Conseil de l'Europe, qui s'en est contenté pour accepter l'adhésion de la Principauté de Monaco, devenue effective le 5 octobre 2004.

Ainsi, votre Rapporteur constate l'important degré d'avancement des discussions pour rénover les relations entre la France et Monaco dans de nombreux domaines. Le Gouvernement français lui a d'ailleurs indiqué que les négociations en cours constituaient un ensemble et, qu'en conséquence, la formalisation juridique de ces accords n'interviendrait que lorsque toutes ces négociations seront achevées.

C - Les autres domaines possibles d'amélioration des relations franco-monégasques

1) Les relations dans le domaine social restent incomplètes

En matière de protection sociale, la France et la Principauté de Monaco sont liées par la convention de sécurité sociale du 28 février 1952. A l'origine destinée à permettre aux travailleurs salariés affiliés à la sécurité sociale monégasque de bénéficier de prestations plus développées en France, cette convention a été amendée à plusieurs reprises, notamment par l'avenant n°5 du 20 juillet 1998, afin de l'adapter aux évolutions des systèmes de soins et des législations des deux Etats et d'en étendre le champ d'application.

Toutes les branches d'assurance de la sécurité sociale (maladie-maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, invalidité et vieillesse) font ainsi l'objet d'une coordination.

S'agissant plus particulièrement de l'assurance-vieillesse, il peut, si nécessaire, être fait appel, pour la liquidation des pensions, aux périodes d'assurance accomplies sur le territoire de l'autre État (totalisation), chaque État rémunérant les périodes d'assurance accomplies sous sa législation en vertu de la proratisation. En outre, les pensions sont exportables ; nos compatriotes ayant cotisé auprès de la Caisse de compensation monégasque peuvent donc percevoir leurs arrérages, y compris s'ils ne résident pas à Monaco.

Un problème demeure cependant. En vertu de l'avenant n° 5 précité, les retraités français ayant exercé leur activité professionnelle en Principauté ont l'obligation, s'ils résident en France, de s'affilier au régime français de sécurité sociale lors de l'ouverture de leurs droits à la retraite. Or, dans cette situation, ces retraités perdent le niveau de prestations servi par la caisse de compensation des services sociaux monégasques à laquelle ils ont cotisé tout ou partie de leur vie professionnelle. Ils doivent en outre contribuer au titre de la CSG et de la CRDS.

La prise en charge moins favorable par la France ne satisfait pas les frontaliers et nécessiterait une modification de la réglementation. C'est pourquoi votre Rapporteur appelle le Gouvernement à engager une renégociation de la convention sur la sécurité sociale, afin que ces personnes puissent continuer à percevoir les prestations sociales de la Caisse de compensation des services sociaux de Monaco, au prorata des années travaillées dans la Principauté.

2) Les relations entre la Principauté et les collectivités locales limitrophes : un cadre juridique à élaborer pour tenir compte des nouvelles répartitions de compétences résultant des lois de décentralisation.

Les relations techniques entre l'entité internationale qu'est la Principauté de Monaco et les collectivités locales voisines sont appelées à prendre une nouvelle dimension depuis que certaines de celles-ci se sont vu attribuer des compétences dans les domaines des transports, de l'habitat, de l'emploi du développement économique ou de l'environnement.

Ainsi par exemple, la Principauté a signé une convention avec le SIVOM de Villefranche-sur-Mer le 10 septembre 2003, qui avait pour objet la réalisation de travaux de confortement de falaises par ledit SIVOM contre rémunération de la Principauté. Le SIVOM n'étant pas une autorité disposant de la capacité juridique pour conclure un accord avec un Etat étranger, la convention a été dénoncée au titre du contrôle de légalité.

En pareille circonstance, les collectivités locales peuvent avoir recours à une émanation de l'État Monégasque, relevant du droit privé, le plus souvent la Société Immobilière Domaniale Monégasque (S.I.D.M). La Préfecture des Alpes-Maritimes estime que le SIVOM de Villefranche-sur-Mer devrait traiter avec cette entité.

Dans un autre cas, les services de l'Etat ont fait observer au Syndicat Intercommunal des eaux des corniches et du littoral (S.I.E.C.L.) qu'il n'avait pas compétence pour contracter avec l'État monégasque pour la rénovation d'une canalisation d'eau entre l'usine de traitement des eaux du canal de la Vésubie, située au col de Villefranche, et la commune de Roquebrune-Cap-Martin. Cette rénovation s'avère cependant indispensable pour garantir la sécurité de l'installation.

Pour remédier à cette difficulté, une convention « relative à la rénovation d'une canalisation entre la Principauté et la France » a été signée le 21 janvier 2004 entre le Ministre d'Etat de la Principauté et le Consul général de France. Elle comportera des annexes où figureront les clauses techniques concernant notamment les relations avec le syndicat intercommunal et le concessionnaire.

L'absence d'arrangement général sur les relations entre les collectivités locales et la Principauté est un inconvénient car les problèmes techniques qui se posent couramment appellent, chaque fois, la conclusion d'une convention bilatérale. Rien n'empêche certes cette conclusion, mais elle se fait toujours attendre, sujette aux lenteurs administratives.

Il convient donc que les collectivités locales françaises limitrophes de la Principauté et compétentes en matière de transport, d'habitat, d'emploi, de développement économique, d'environnement ou d'adduction d'eau soient associées, à titre consultatif, à tous les travaux de la commission mixte, puis de la commission de coopération franco-monégasque lorsqu'elle se substituera à cette dernière.

Une autre difficulté demeure, relative aux conditions de l'intervention des sapeurs pompiers. De façon générale, une convention bilatérale prévoit la gratuité des secours lorsque les personnes sont transportées par les services d'urgence SAMU et SMUR, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes procédant au remboursement des frais de transport. Cependant, lorsque les administrés de tout ou partie des communes limitrophes de la Principauté composent le numéro d'urgence, ils sont secourus par les sapeurs pompiers monégasques, qui les transportent vers le Centre hospitalier Princesse Grâce. La prise en charge par les sapeurs pompiers monégasques est alors facturée, depuis 2000, mais non remboursée par la CPAM, puisqu'en France, les sapeurs pompiers ne sont pas financés par la Sécurité sociale mais par l'impôt. On estime à une centaine par an le nombre d'interventions des sapeurs pompiers monégasques au profit d'administrés résidant en France.

Il est souhaitable qu'un accord soit enfin trouvé avec la CPAM, car la situation actuelle porte atteinte tant au principe de la gratuité des interventions des Sapeurs pompiers qu'à l'égalité des citoyens dans leur accès au service public, et ce d'autant que ces administrés participent au financement du Service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes.

Cette question fait aujourd'hui l'objet d'une analyse en cours auprès de la Préfecture des Alpes-Maritimes. Elle a été évoquée sans pouvoir être résolue lors de la commission mixte du 22 janvier 2004.

Plus globalement, il serait souhaitable que les collectivités locales limitrophes de Monaco, et notamment la Communauté d'agglomération de la Riviera française, puissent bénéficier d'une compensation partielle des investissements qu'elles doivent assumer en raison de leur proximité avec la Principauté qui les contraint à supporter le financement d'investissements coûteux (transport, voierie, aménagement...), sur le modèle de ce qui existe dans le cadre des relations entre Annemasse et le Canton de Genève. On pourrait par exemple imaginer la création d'une dotation supplémentaire pour les collectivités concernées, abondée par une partie de l'économie faite sur les reversements de TVA, suite à l'entrée en vigueur du nouveau mode de calcul.

CONCLUSION

Le traité d'amitié et de coopération du 24 octobre 2002 effectue une adaptation et une modernisation indispensable du cadre de la relation entre la France et la Principauté de Monaco.

Le bon fonctionnement de « l'entente préalable » en matière de relations internationales, inscrite dans le traité du 17 juillet 1918, laisse présager que la concertation entre les deux parties, réunies par une communauté de destin telle qu'affirmée au préambule du traité du 24 octobre 2002, restera pleinement satisfaisante.

La négociation du traité a été l'occasion de renégocier, et donc de moderniser, de nombreux aspects très importants des relations bilatérales, ce dont il faut se féliciter, même si certains aspects de la coopération bilatérale appellent encore des améliorations.

D'ores et déjà, un premier accord a été signé ; il s'agit de l'avenant à la convention fiscale de 1963. Votre Rapporteur souhaite donc que l'Assemblée nationale autorise l'approbation de cet avenant en même temps qu'il autorise la ratification du traité d'amitié et de coopération. Pour autant, il faut garder à l'esprit que ce dernier traité constitue un cadre général, qui a donc vocation à entrer en vigueur au plus vite afin de faciliter les négociations dans des domaines plus précis (relations financières, entraide judiciaire en matière pénale, coopération administrative). Il semblerait donc contre-productif à votre Rapporteur d'attendre la conclusion de l'ensemble des négociations en cours avant de procéder à la ratification du traité d'amitié et de coopération. En effet, la mise en œuvre rapide de ce dernier serait un signe de confiance dans la qualité des relations franco-monégasques qui ne pourrait qu'entraîner une accélération des négociations dans les autres domaines.

Pour ces raisons, votre Rapporteur vous recommande l'adoption des deux présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 13 janvier 2004, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Claude Guibal, le projet de loi autorisant la ratification du traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre la République française et la Principauté de Monaco (n° 1043).

M. Jean-Claude Guibal a expliqué que la France et la Principauté de Monaco étaient liées par deux traités : le Traité d'amitié et de coopération du 17 juillet 1918 et la Convention du 28 juillet 1930 relative à l'accession des sujets monégasques à certains emplois publics en France et au recrutement de certains fonctionnaires de la Principauté.

Le présent traité, signé le 24 octobre 2002, a vocation à remplacer dès sa ratification le Traité d'amitié de 1918, dont le Prince Rainier, depuis son couronnement en 1950, souhaite la révision afin que la Principauté ne soit plus soumise à la « souveraineté encadrée » qui caractérise actuellement ses relations avec la France. Il est vrai que les dispositions du Traité de 1918 sont devenues moins adaptées aux réalités d'aujourd'hui.

Le présent traité répond donc au souhait des autorités de la Principauté, en conférant à celle-ci une plus grande autonomie et en renforçant les éléments de sa souveraineté. Néanmoins les actions conduites par Monaco dans l'exercice de cette souveraineté devront continuer à s'accorder avec les intérêts fondamentaux de la République française. Il existe des contreparties à cette évolution et la signature de ce nouveau traité avec la Principauté de Monaco va de pair avec l'actualisation de nos relations bilatérales dans le domaine financier, le domaine fiscal et le domaine judiciaire.

Le Rapporteur a ensuite présenté les principaux éléments de l'adaptation du Traité de 1918 qui définit les relations bilatérales et place la Principauté sous « l'amitié protectrice » de la France. Ces relations seront dorénavant inscrites dans une « communauté de destin » avec notre pays. Alors que le Traité de 1918 prévoyait que l'exercice de la souveraineté monégasque devait être « en parfaite conformité » avec les intérêts politiques, militaires et économiques de la France, le nouveau traité remplace cet impératif par la notion d' « accord » avec les intérêts fondamentaux français. Un mécanisme de concertation bilatérale est prévu dans les domaines essentiels (politique, économie, sécurité, défense et relations internationales).

Sur le plan international, le mécanisme « d'entente préalable » prévu par le Traité de 1918 est remplacé par une procédure de concertation « appropriée et régulière ». La nouvelle rédaction confère ainsi une plus grande autorité à la Principauté sans pour autant introduire la symétrie des obligations. Alors que la convergence de l'action extérieure de la Principauté avec les intérêts fondamentaux de la République française est requise, la France s'engage à prendre en compte les intérêts fondamentaux de la Principauté.

Le nouveau traité prévoit une procédure de simple information, et non plus un agrément, en cas de modification de l'ordre successoral à la Couronne dans la Principauté. Le Rapporteur a rappelé que l'un des objectifs du Traité de 1918 visait à donner à la France les moyens d'intervenir dans cette hypothèse. Le Rapporteur a indiqué que différentes solutions de succession à la Couronne sont ainsi évoquées aujourd'hui, et que la France n'y est pas indifférente.

Le présent traité pourrait avoir pour conséquence le rehaussement du niveau de notre représentation diplomatique. Aujourd'hui la Principauté est représentée en France par un ambassadeur, la France est représentée à Monaco par un consul général. Les Monégasques souhaitent que notre pays installe une ambassade dans la Principauté, cependant la décision n'a pas encore été prise du côté français. Une telle décision pourrait alors conduire d'autres pays à nommer des ambassadeurs dans la Principauté.

Le Rapporteur a par ailleurs rappelé que, si la Principauté monégasque disposait d'un certain nombre de représentations diplomatiques notamment auprès de l'ONU, sa candidature au Conseil de l'Europe était toujours en cours d'examen.

Le Rapporteur a ensuite présenté l'état des négociations en ce qui concerne la révision des relations bilatérales dans les domaines économique et financier, entreprise afin de mieux garantir les intérêts fondamentaux français. La législation monégasque souffrant de lacunes sur de nombreux points (relations douanières et fiscales, monnaie, banque, finance, assurance, lutte contre le blanchiment des capitaux), les négociations entre le Gouvernement princier et les représentants du Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ont abouti à un certain nombre de recommandations, suivies d'effet dans le cadre de la convention de 2001 relative à la mise en circulation de l'euro à Monaco et dans le cadre de la mise à jour de la convention fiscale, intervenue en 2002.

Des engagements ont été pris pour la prévention du blanchiment dans le cadre de la Convention monétaire de 2001, pour établir la surveillance harmonisée des établissements de crédit installés dans la Principauté, ce qui devrait permettre davantage de transparence et l'amélioration des contrôles. En outre, les autorités françaises ont obtenu que les autorités monégasques soient soumises aux dispositions communautaires en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux, et qu'elles adaptent leur législation à mesure de l'évolution des recommandations du GAFI.

Dans le domaine fiscal, un avenant à la convention de 1963 et un échange de lettres ont été signés à Monaco le 26 mai 2003 et vont être prochainement soumis à ratification. La coopération bilatérale devrait être améliorée sur les points suivants : l'assiette du reversement des recettes de TVA de la France à Monaco, la limitation de la déduction des rémunérations des dirigeants de société de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, les modalités de l'assujettissement des résidents français installés à Monaco à l'impôt de solidarité sur la fortune. L'ensemble de ces acquis traduit une évolution importante et très positive des relations bilatérales. Le Rapporteur a cependant souligné que l'assujettissement à l'ISF provoquait le départ de résidents français et risquait d'amener une prépondérance des résidents italiens dans la Principauté.

Un groupe de travail bilatéral sur la mise à niveau de la législation financière applicable à Monaco a commencé ses travaux en mars 2003. Cette mise à niveau a été jugée nécessaire s'agissant notamment des services d'investissement et des services financiers mais l'adoption finale d'un texte est suspendue à la question non encore résolue du contrôle et des sanctions des pratiques des établissements financiers installés à Monaco.

Dans le domaine de l'entraide judiciaire pénale, des négociations ont également commencé en 2003 pour moderniser la convention d'entraide pénale datant de 1949, afin notamment d'y intégrer les dispositions de la convention européenne de 1959 et celles des conventions conclues au sein de l'Union européenne.

Le Rapporteur a cependant regretté que la révision entreprise ne concerne pas le domaine social et celui des relations entre la Principauté et les collectivités locales limitrophes. Des problèmes se posent en effet, qui ne trouvent pas de solution satisfaisante. Il en est ainsi de l'obligation, pour les retraités français ayant exercé leur activité professionnelle en Principauté et qui résident en France, de s'affilier au régime français de sécurité sociale lors de l'ouverture de leurs droits à la retraite, et de perdre le meilleur niveau de prestations servi par la caisse monégasque de compensation des services sociaux à laquelle ils ont cotisé tout ou partie de leur vie professionnelle.

Les relations entre la Principauté de Monaco et les collectivités locales limitrophes nécessiteraient l'élaboration d'un cadre juridique général pour résoudre les problèmes de compétence : en effet, la Principauté étant considérée juridiquement comme une entité internationale et non comme une collectivité locale, ses relations techniques avec les collectivités locales voisines en sont rendues plus compliquées. La solution de problèmes techniques appelle, à chaque fois, la conclusion d'une convention bilatérale, ce qui peut prendre des années alors que les parties concernées sont d'accord.

En conclusion, le Rapporteur a estimé opportunes toutes ces révisions entreprises à l'occasion de la renégociation du Traité de 1918 et a souhaité que ces révisions soient élargies aux autres aspects évoqués.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que le présent traité s'inscrivait dans la perspective de doter la principauté de Monaco d'un certain nombre de compétences nouvelles.

M. Jacques Myard a considéré que ce nouveau traité constituait une erreur dans la mesure où Monaco n'est pas un Etat entièrement souverain et a proposé de reporter le vote de la Commission des Affaires étrangères dans l'attente d'informations complémentaires de la part du Ministre des Affaires étrangères, invité à venir s'exprimer devant la Commission.

Conformément à cette proposition, la Commission des Affaires étrangères a décidé de reporter son vote sur le projet de loi (n° 1043).

*

*       *

Au cours de sa réunion du 30 juin 2004, la Commission a entendu M. Hubert Colin de Verdière, Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, sur les relations franco-monégasques.

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Hubert Colin de Verdière d'avoir accepté de se rendre devant la Commission pour faire le point sur l'évolution des relations franco-monégasques. Il a rappelé que la Commission des Affaires étrangères avait commencé l'examen du projet de loi autorisant la ratification du Traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre la France et Monaco mais attendait, avant de se prononcer définitivement, d'être informée sur l'ensemble des négociations en cours concernant les relations entre les deux pays, notamment sur la fiscalité, sur la renégociation de la convention de 1930 et sur l'entraide judiciaire en matière pénale.

M. Hubert Colin de Verdière a tout d'abord expliqué les raisons qui justifiaient de remplacer le Traité signé en 1918, adopté dans le contexte particulier de la première guerre mondiale, à laquelle participait le Prince héritier dans les rangs de l'armée française et alors que les perspectives de succession étaient assez obscures. Il avait alors semblé nécessaire d'inscrire dans un texte solennel la proximité particulière existant entre la France et Monaco. Mais aujourd'hui, ce Traité de 1918 est un peu daté dans sa philosophie générale compte tenu de l'évolution de la situation : la Principauté dispose ainsi depuis 1962 d'une Constitution qui précise clairement les conditions de succession, et plus personne ne remet en cause les liens particuliers qui existent avec la France. Par ailleurs, Monaco a connu de profondes mutations économiques et est devenu un bassin d'emploi pour nos compatriotes, qui valorise le potentiel économique de la Côte d'Azur.

M. Hubert Colin de Verdière a néanmoins souligné que le Traité de 1918 reconnaissait déjà explicitement la souveraineté de la Principauté, laquelle était d'ailleurs devenue membre des Nations unies et avait posé sa candidature au Conseil de l'Europe en 1998. L'acceptation de cette candidature dépend de certaines conditions concernant l'ordre juridique interne, le respect des principes démocratiques et la nature des liens avec la France, notamment dans le cadre de la convention de 1930.

Monaco a légitimement souhaité que le texte fondateur de ses relations avec la France soit mis à jour, tout en réaffirmant « la communauté de destin » entre les deux pays, expression rarement utilisée pour qualifier les relations entre deux Etats souverains.

M. Hubert Colin de Verdière a ensuite fait le point sur les autres sujets de discussion entre la France et Monaco. Dans le domaine fiscal, monétaire et financier, à la suite d'un rapport rédigé en 2000 par le directeur du Trésor, un groupe de travail de l'Inspection des finances, la mission Rouvillois-Cailleteau, a fait le recensement de l'ensemble des mesures qu'il convenait de prendre pour s'assurer que les activités financières à Monaco respectent les règles communes nécessaires attendues de la part d'un pays étroitement lié à la France et à l'Union européenne. Actuellement, l'application de ces mesures en est au dernier stade.

Sur la mise à jour de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale, les travaux, qui ont commencé il y a deux ans, ne sont pas encore achevés et vont reprendre le 9 juillet. D'ores et déjà, les discussions ont permis de grands progrès dans le sens d'un rapprochement des stipulations franco-monégasques avec les règles prévues entre les Etats membres de l'Union européenne. Il va en effet de soi que rien ne doit entraver la coopération judiciaire entre la France et Monaco.

S'agissant de la convention de 1930, sa modification ne constitue que l'un des sujets de négociation, même si elle a une visibilité politique particulière ; cela dit, dans le cadre de la Convention de 1930, c'était déjà le Prince qui nommait le ministre d'Etat. La coopération administrative franco-monégasque doit s'inscrire dans le respect du principe de « communauté de destin » : la France doit ainsi assurer le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Principauté, laquelle doit faire en sorte que soient pris en compte les intérêts fondamentaux de la République française. Il est donc indispensable que les personnes occupant les fonctions et emplois les plus « sensibles » jouissent de la confiance des deux Etats. Mais, il est également nécessaire de respecter le principe de non discrimination, particulièrement en ce qui concerne l'accès des citoyens monégasques à la fonction publique de leur propre pays. C'est sur cette base qu'un accord a été obtenu, même si le texte qui a été paraphé n'a pas encore fait l'objet d'une procédure de conclusion formelle. Celle-ci n'interviendra que lorsqu'un accord aura été obtenu sur l'ensemble des sujets restant en discussion. Ensuite, la nouvelle convention sera soumise au Parlement français pour qu'il en autorise l'approbation.

Cependant, il doit être clair que la petite taille de la population monégasque permettra difficilement de pourvoir tous les postes de la fonction publique par des ressortissants de la Principauté. Il a donc été prévu que ces emplois pourraient continuer d'être exercés par des fonctionnaires français, en priorité par rapport aux ressortissants de tout autre pays. Enfin, les modalités d'application de cette nouvelle convention seront examinées par la future Commission de coopération franco-monégasque, instituée par le Traité d'amitié et de coopération de 2002.

Se référant à certains articles de presse qui évoquaient la souveraineté « recouvrée » de Monaco, le Président Edouard Balladur a interrogé M. Hubert Colin de Verdière pour savoir si, dans le passé, la Principauté de Monaco avait bénéficié du statut d'Etat souverain. Après avoir ensuite fait remarquer que Monaco n'était pas membre de l'Union européenne, il s'est demandé s'il pourrait le devenir et quelle serait, le cas échéant, la position de la France. Enfin, il a souhaité que soit précisée la disposition du projet de convention relative aux relations administratives entre la France et Monaco, mentionnant la nécessité, pour les fonctionnaires nommés par le Prince aux plus hautes fonctions politiques et administratives, de « jouir de la confiance de la France », se demandant notamment si cela signifiait un maintien de l'actuelle procédure d'agrément par la France.

M. Hubert Colin de Verdière a fait valoir que, dès le traité de 1861, la souveraineté de Monaco existait bel et bien, le traité de 1918, ainsi que les lettres, alors confidentielles, qui l'accompagnaient, étant également dépourvus d'ambiguïté à cet égard, ainsi qu'en témoigne l'affirmation de « l'indépendance et de la souveraineté » de Monaco par l'article premier.

Quant à la possibilité pour Monaco de solliciter son adhésion à l'Union européenne, au-delà de la lourdeur et de la complexité que représenteraient, pour Monaco, des négociations formelles d'adhésion, elle n'est en rien interdite par les traités et conventions en vigueur ou en cours de négociation. De leur côté, les autorités européennes ont fait valoir que les « micro-Etats » pourraient organiser leurs liens avec l'Union, soit par des traités bilatéraux, soit en s'en remettant aux Etats avec lesquels ils entretiennent des relations privilégiées : c'est d'ailleurs à ce titre qu'en matière monétaire, la France a négocié le traité intégrant Monaco dans la zone euro, conformément à une pratique de longue date qui donne à la Banque de France et aux autorités de contrôle bancaires françaises un très large pouvoir monétaire et bancaire dans la Principauté.

Concernant la nomination des autorités publiques à Monaco, dès lors, en premier lieu, que la future convention pose clairement le principe de la nécessité, pour un nombre limité d'entre elles - énumérées par ladite convention - de jouir de la confiance des deux Etats, en deuxième lieu que le traité conclu en 2002 instaure un mécanisme de consultation permanente via la commission de coopération franco-monégasque, en troisième lieu que des consultations particulières seront prévues dans ce cadre concernant ces emplois, l'objectif essentiel pour la France de préservation de ses intérêts fondamentaux en matière politique, économique et de sécurité est pleinement atteint.

M. Jacques Myard a rappelé qu'au vu du droit international, un Etat se devait, pour être qualifié de souverain, de réunir trois caractéristiques : un territoire, une population et un imperium. Il a estimé que Monaco ne pouvait sérieusement être considéré comme remplissant ces trois conditions : s'il possède un territoire, au demeurant minuscule, et une population, très faible d'ailleurs, il n'existe pas d'exercice effectif de la souveraineté à Monaco. Faisant valoir que la Principauté ne comportait ni prison, ni circuit autonome de fourniture et de distribution d'eau, il a considéré que Monaco était un Etat croupion. Il s'est donc élevé contre la reconnaissance d'une égalité de souveraineté entre la France et Monaco, qu'il a qualifiée de novation juridique, et dont il a estimé qu'elle privait la France de toute garantie juridique, à l'avenir, en cas de dénonciation, par Monaco, de ses engagements avec la France ou de décision, par la Principauté, de se rapprocher de l'Italie. Il a estimé que rien, sinon la vanité de certains, ne justifiait cette hypothèque sur l'avenir ni le changement d'un statut dont le fonctionnement avait jusqu'alors donné pleine satisfaction.

M. Jean-Claude Guibal, Rapporteur, a déclaré qu'il ne souscrivait pas aux propos de M. Jacques Myard et il a estimé que l'imperium n'était pas fonction de la taille des Etats : Monaco est donc bien un Etat souverain. Il faut dès lors organiser la relation entre les deux Etats en tenant compte de leurs liens privilégiés. L'adaptation des textes régissant ces relations est nécessaire pour permettre l'adhésion de Monaco au Conseil de l'Europe, alors même que la Principauté considère, non sans malice, que son statut en fait la dernière des colonies françaises. Il va de soi que cette adaptation doit se faire dans le respect des intérêts politiques, économiques et de la sécurité de la France. Par ailleurs, il convient d'enrayer la baisse de l'effectif de la communauté française à Monaco, alors même que l'assujettissement des résidents français de la Principauté à l'impôt sur la fortune (ISF) accélère la diminution de leur nombre. Monaco constitue en outre un véritable bassin d'emploi pour les Français, puisque 27 000 d'entre eux vivant dans les communes voisines y travaillent. Il est donc essentiel de conforter les relations de bon voisinage entre la France et la Principauté.

Le Président Edouard Balladur a estimé qu'un assujettissement à l'ISF des résidents français à Monaco était une conséquence logique de la convention de 1963 et s'est étonné qu'il ne soit pas intervenu plus tôt. Par ailleurs, il a souhaité savoir s'il était préférable que la Commission attende d'être juridiquement saisie de l'ensemble des textes intéressant les relations franco-monégasques, pour se prononcer sur chacun d'entre eux ou si elle ne devait pas plutôt statuer dès à présent sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité de 2002. Il s'est demandé quelles novations ce traité apportait en terme de souveraineté de la Principauté. En application du nouveau traité, si Monaco demandait par exemple à la France son appui pour adhérer à l'Union européenne, celle-ci serait-elle dans l'obligation de le lui accorder ?

M. Axel Poniatowski a demandé si Monaco avait formellement sollicité son adhésion à l'Union européenne et comment la Principauté envisageait ses relations avec l'Union.

M. Hubert Colin de Verdière a rappelé que la convention fiscale entre la France et Monaco du 19 mai 1963 avait été conclue dans un climat de crise et avait abouti à la mise en place d'un régime fiscal spécifique pour les résidents français de la Principauté. Il a précisé que la directive européenne relative à la fiscalité de l'épargne devrait prochainement s'appliquer à Monaco, ce qui aboutira à la mise en place d'une retenue à la source et à l'instauration de procédures d'échanges d'information en cas de fraude.

Il a estimé que l'on ne pouvait pas reconstruire l'histoire a posteriori et que le traité de 1918 avait d'ores et déjà donné à Monaco son indépendance. Monaco a un territoire, une population et des institutions comprenant un exécutif et un conseil national élu. La Principauté a par ailleurs une économie forte qui constitue un pôle d'attraction pour l'ensemble de la Côte d'Azur et dont les retombées en termes d'emploi sont bénéfiques. La Représentation nationale qui doit être pleinement informée des négociations en cours sera saisie ultérieurement de la modification de la convention de 1930 ouvrant aux Monégasques l'accès aux fonctions ministérielles aujourd'hui réservées à des Français et permettant aux ressortissants monégasques d'accéder à la fonction publique française dans les mêmes conditions que les Andorrans et l'ensemble des ressortissants communautaires. La convention sur l'entraide judiciaire en matière pénale sera également soumise au Parlement. Dans ces conditions, le report de l'examen du projet de loi relatif au traité d'amitié et de coopération de 2002 ne pourrait que compliquer la tâche des négociateurs, car ce texte constitue une première étape, dont découlent les autres conventions. L'adoption du projet de loi soumis à l'Assemblée nationale permettrait donc d'assurer davantage les négociateurs dans leur démarche.

Le traité de 2002 introduit une notion nouvelle dans son préambule, celle d'une « communauté de destin » entre la France et Monaco. Il met par ailleurs à jour les règles relatives à la succession du Prince de Monaco, en tenant compte des dispositions de la Constitution monégasque de 1962. Enfin, le caractère inaliénable du territoire de Monaco est affirmé. Ce traité constitue donc une occasion de prendre acte des changements intervenus depuis 1918 sans remettre en cause le caractère particulier de la relation entre la France et Monaco. Pour cette raison, l'hypothèse évoquée par certains parlementaires selon laquelle la Principauté pourrait violer ce traité dès sa signature paraît hautement improbable.

Le traité prévoit que la France doit apporter son appui aux demandes de Monaco tendant à son adhésion aux organisations internationales. Cette clause s'applique au cas où la Principauté solliciterait son adhésion à l'Union européenne. A ce jour elle n'a toutefois pas formulé une telle demande et cette démarche n'est pas d'actualité. En revanche, la Principauté pourra conclure des accords avec l'Union comparables à ceux passés par la Suisse, le Lichtenstein ou l'Islande.

M. Jean-Claude Guibal, rapporteur, a estimé que les nouveaux textes régissant les relations franco-monégasques n'allaient pas changer les pratiques, même s'ils peuvent nourrir des inquiétudes sur le moyen ou le long terme. Si l'actuel gouvernement monégasque comporte des ressortissants français, cela ne l'empêche pas pour autant de tenir le plus grand compte des intérêts monégasques. Au-delà du débat sur la souveraineté monégasque, l'adhésion de la Principauté au Conseil de l'Europe, voire à l'Union européenne, est de nature à calmer les inquiétudes qui se manifestent et doit favoriser la logique de synergie entre la France et Monaco.

Le Président Edouard Balladur a indiqué que la Commission déciderait à la rentrée prochaine du point de savoir si elle se prononcera, sans attendre d'être saisie de l'ensemble des textes régissant les relations franco-monégasques, sur l'autorisation de ratifier le traité franco-monégasque de 2002 et il a souhaité qu'elle puisse être en possession de tous les éléments justifiant de la nécessité d'examiner ce texte indépendamment des conventions en cours de négociation.

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Au cours de sa réunion du mercredi 20 octobre 2004, la Commission a repris l'examen du projet de loi (n° 1043), autorisant la ratification du traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre la République française et la Principauté de Monaco et examiné le projet de loi (n° 1437) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, signée à Paris le 18 mai 1963 et modifiée par l'avenant du 25 juin 1969 (ensemble un échange de lettres) .

M. Jean-Claude Guibal, Rapporteur, a tout d'abord rappelé que la Commission avait commencé le 13 janvier dernier l'examen du projet de loi autorisant la ratification du Traité d'amitié et de coopération entre la France et Monaco, signé le 24 octobre 2002. Mais, dans la mesure où ce Traité s'inscrit dans le cadre général d'une rénovation d'ensemble des relations entre la France et Monaco, la Commission avait souhaité être informée, avant de se prononcer, sur les négociations en cours entre les deux pays sur des domaines spécifiques, tels que la fiscalité, la coopération judiciaire en matière pénale ou encore la coopération administrative. Pour répondre à ce souhait, le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères s'est donc rendu devant la Commission le 30 juin dernier afin de faire le point sur les relations franco-monégasques.

Le Rapporteur a ensuite brièvement rappelé les principales stipulations du Traité d'amitié et de coopération du 24 octobre 2002 qui a pour vocation de remplacer le Traité d'amitié de 1918 dont les modalités ne sont plus adaptées à la situation actuelle et encadrent trop la souveraineté monégasque. Mais si le Traité de 2002 apporte des éléments de nature à renforcer la souveraineté de la Principauté, il ne fait pas des relations franco-monégasques des relations interétatiques de droit commun. Ainsi, le concept « d'amitié protectrice » est remplacé par celui de « communauté de destin », concept qui reste très fort et qui est très inhabituel dans les relations entre Etats. De même, si la disposition relative à la nécessité d'une « parfaite conformité » de l'exercice de la souveraineté monégasque avec les intérêts politiques, économiques et militaires de la France disparaît, il faut cependant préciser que le Traité 2002 prévoit que les actions de la Principauté doivent « s'accorder » avec les intérêts fondamentaux de la République française. Sur le plan international, le mécanisme « d'entente préalable » du Traité de 1918 est remplacé par une procédure de concertation « appropriée et régulière ».

M. Jean-Claude Guibal a ensuite précisé que le Traité du 24 octobre 2002 était un simple cadre général pour le développement des relations entre la France et Monaco. Il s'inscrit donc dans une révision plus large des relations bilatérales, dans les domaines fiscaux, judiciaires et administratifs.

D'ores et déjà, des résultats ont été obtenus en ce qui concerne la fiscalité, conformément aux souhaits exprimés par la partie française. La réussite de ces négociations a en effet abouti à la signature d'un avenant à la Convention fiscale de 1963. Cet avenant est globalement satisfaisant pour la France, qui obtient tout d'abord l'assujettissement à l'ISF des Français, résidents monégasques depuis 1989. Il s'agit ainsi d'aller au bout de la logique de 1963 en considérant ces résidents français comme des contribuables français à part entière : il faut cependant préciser que cette politique conduit à une baisse constante de la communauté française résidant à Monaco, ce qui n'est pas dans l'intérêt de la France. Par ailleurs, l'avenant prévoit la mise en œuvre d'une nouvelle règle pour le partage des recettes de TVA, les reversements effectués par la France au profit du Trésor monégasque ayant parfois été considérés comme excessifs. Ce problème résultait de la formule de calcul de ce reversement désormais modifié par l'avenant dans un sens plus favorable à la France.

Puis, le Rapporteur a fait le point sur les autres négociations franco-monégasques en cours. En ce qui concerne la coopération administrative, la révision de la convention de 1930, qui prévoit notamment que les principaux postes de responsabilité de l'administration monégasque sont pourvus par des fonctionnaires français, fait désormais l'objet d'un projet de convention finalisé. Ce projet est plutôt rassurant pour la France puisqu'il n'empêcherait pas la Principauté de continuer à recourir en priorité à des fonctionnaires français. De plus, en tout état de cause, il sera nécessaire que les personnes occupant les emplois les plus sensibles jouissent de la confiance des deux Etats.

L'autre domaine sensible des relations franco-monégasques est celui de la coopération judiciaire en matière pénale. Les négociations ont commencé il y a deux ans et ont permis des avancées significatives permettant d'envisager le rapprochement des stipulations franco-monégasques avec les règles prévues entre les Etats membres de l'Union européenne. Il reste à régler la question de la transmission directe des demandes d'entraide judiciaire entre juges, sans passer par une autorité centrale, et celle de l'inclusion des infractions fiscales dans le périmètre de cette entraide. Une session de négociations s'est déroulée en juillet dernier dans un excellent climat, permettant d'espérer une conclusion prochaine des négociations.

Dans ce contexte, la Commission doit-elle d'ores et déjà autoriser la ratification des deux Traités déjà signés ou doit-elle attendre, pour se prononcer, de disposer de l'ensemble des textes soumis à ratification ? Le Rapporteur a estimé que la première option était la meilleure dans la mesure où le Traité d'amitié et de coopération du 24 octobre 2002 constitue le cadre général de la modernisation des relations franco-monégasques, qui commande en quelque sorte tous les autres textes particuliers, dont la négociation pourrait être fragilisée par un refus de ratification du Traité de 2002.

Avant de conclure, le Rapporteur a souhaité que la modernisation des relations franco-monégasques se traduise dans des domaines plus concrets (sécurité sociale, coopération avec les collectivités locales limitrophes de Monaco...). Il a ensuite recommandé l'adoption des deux projets de loi.

Le Président Edouard Balladur, après avoir rappelé que le Traité de 1918 fondait les relations entre la France et Monaco sur le principe de l'amitié protectrice, a souhaité savoir quelle était la situation antérieure.

Mme Martine Aurillac a demandé s'il était possible qu'en devenant un Etat pleinement souverain, Monaco envisage d'adhérer à l'Union européenne et quelle était la position de la France à ce sujet.

M. Jacques Myard a regretté de ne pas avoir suffisamment d'éléments de comparaison entre le Traité de 1918 et celui de 2002. Par ailleurs, quels sont les retours financiers de la Principauté vers les territoires français limitrophes ? Monaco n'ayant pas la capacité d'exercer un quelconque imperium, il n'est pas sérieux de vouloir en faire un Etat de plein exercice. Le nouveau statut, qui écarte les Français des fonctions gouvernementales, risque en outre de favoriser la prise de pouvoir par un système mafieux. Pour ces raisons, il est souhaitable que la Commission reporte une nouvelle fois son vote.

M. Jean-Paul Bacquet a rappelé que le Traité d'amitié de 1918 avait eu pour seul objet de légitimer l'existence de la Principauté de Monaco qui constituait déjà, à cette époque, une entité artificielle. En 1945, le Gouvernement français avait d'ailleurs envisagé l'intégration de Monaco à la France mais n'était pas allé au bout de cette démarche. Le Traité qui nous est aujourd'hui soumis est de nature à susciter des inquiétudes car, comme en 1918, il aura pour principale finalité de légaliser une situation douteuse.

M. André Schneider a rappelé que la délégation française au Conseil de l'Europe s'était prononcée à l'unanimité pour l'entrée de la Principauté au Conseil de l'Europe.

Le Rapporteur a apporté les éléments de réponses suivants :

- concernant le statut de la Principauté avant 1918, celle-ci était pleinement indépendante depuis le Traité bilatéral de 1861, qui avait également permis le rattachement de Menton et Roquebrune à la France ;

- s'agissant d'une éventuelle candidature de Monaco à l'Union européenne, le Traité de 2002 ne permettrait effectivement pas à la France de s'y opposer. La Principauté serait donc libre de faire une telle demande, dans le respect des intérêts fondamentaux de la France. Sur le fond, il est impossible de savoir si une telle hypothèse est envisageable à terme, d'autant que, dans le contexte de la mondialisation et des intégrations régionales, les micro-Etats semblent particulièrement avantagés du fait de leur souplesse ;

- il n'est pas possible d'exclure a priori le risque que les réseaux mafieux exercent leur influence, ni à Monaco ni partout ailleurs dans le monde, y compris en Europe, et pas seulement dans des micro-Etats. Il est vrai que les réseaux criminels tentent d'asseoir leur pouvoir en cherchant à prendre le contrôle d'Etats ou de collectivités : il s'agit d'un phénomène mondial contre lequel les moyens diplomatiques classiques sont peu efficaces et qui doivent être combattus par des outils beaucoup plus contraignants ;

- concernant les relations financières entre la France et la Principauté de Monaco, celles-ci ont tout d'abord un aspect fiscal, avec les reversements de TVA effectués au profit du Trésor monégasque puisque les recettes de cet impôt doivent revenir au pays dans lequel les biens sont consommés, et non celui dans lequel ils sont achetés. Ces reversements sont de l'ordre de 110 millions d'euros par an. Par ailleurs, les relations financières sont très fortes, mais de façon moins officielle, dans l'autre sens : en effet, 27 000 résidents français travaillent, et donc reçoivent un salaire, à Monaco. Cependant, il est légitime de se demander si les employeurs monégasques ne devraient pas participer d'une façon ou d'une autre au financement des infrastructures (logement, transports, assainissement...) situées en France mais liées à l'existence du bassin d'emplois que constitue la Principauté de Monaco.

Le Président Edouard Balladur, rappelant que la Commission débattait pour la troisième fois des relations franco-monégasques, a estimé qu'elle était dorénavant suffisamment informée. A cet égard, il a fait valoir que l'ensemble des arguments avancés ne s'opposait pas à l'approbation des deux conventions en débat.

S'agissant tout d'abord de l'éventuelle adhésion de la Principauté de Monaco à l'Union européenne, il a observé qu'elle était juridiquement possible, à l'instar de celle des autres micro-Etats européens (Andorre, San Marino, Liechtenstein) et ajouté qu'elle ferait apparaître les limites du système actuel de représentation égalitaire des Etats au sein de l'Union, qui ne tient pas suffisamment compte de leur poids relatif.

Concernant ensuite la question de l'imperium de Monaco, il a fait valoir que, sans assimiler le cas présent aux décolonisations qu'avait connues la France dans le passé, il pouvait néanmoins être observé que le transfert de l'imperium du protecteur au protégé était bien au cœur du processus de décolonisation.

Quant à s'appuyer sur un scénario-catastrophe qui verrait des organisations criminelles s'implanter à Monaco pour refuser la présente évolution, le Président a, en écho au Rapporteur, jugé que ce risque existait partout dans le monde.

Enfin, il a estimé que la ratification des présentes conventions ne conduirait certainement pas au relâchement des liens entre la France et Monaco et que notre pays garderait les moyens de faire entendre son point de vue, la Principauté restant étroitement dépendante de la France dans nombre de domaines vitaux.

En conclusion, le Président Edouard Balladur a fait valoir qu'on ne pouvait soutenir que Monaco, membre de l'ONU depuis dix ans, depuis peu membre du Conseil de l'Europe, ne pouvait prétendre à un statut plus conforme à ce rôle nouveau.

M. Jacques Myard a précisé que le problème tenait, non au principe du transfert de l'imperium, mais à l'exercice effectif de cet attribut : Monaco est-il un Etat capable de défendre sa souveraineté ? Il a estimé que la réponse à cette question était négative, le rocher de Monaco ressemblant surtout à une principauté d'opérette, dotée certes d'un casino, d'un aquarium et d'une société des Bains de mer, mais dépourvue de toute autonomie en matière d'approvisionnement en eau et en électricité ainsi que, par exemple, d'établissement pénitentiaire.

Il a considéré par conséquent que la ratification des conventions en débat assimilerait les interventions de la France à des cas d'ingérence au regard du droit international. Il a enfin demandé que les conventions soumises à ratification fassent l'objet d'un débat en séance publique. Il a indiqué en conséquence qu'il voterait contre l'adoption du projet de loi autorisant la ratification du nouveau Traité d'amitié avec Monaco et qu'il s'abstiendrait sur le projet de loi autorisant la ratification de l'avenant à la Convention fiscale.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 1043 et 1437).

ANNEXE 1

Bilan de mise en œuvre des conclusions de 2001 relatives à sept aspects des relations économiques et financières entre la France et Monaco.

Observations du relevé de conclusion

Bilan

1° - Lutte contre le blanchiment

Accord SICCFIN-Commission bancaire sur la formation pour le contrôle des obligations déclaratives des établissements bancaires

Conclusion rapide des échanges en cours entre SICCFIN et les services italiens

Prévoir la saisine directe de l'autorité judiciaire par SICCFIN

L'accord finalisé au printemps 2003 sur la coopération SICCFIN - CB a été signé par le Ministre d'Etat et par le Gouverneur de la Banque de France, président de la Commission bancaire.

SICCFIN a intensifié sa coopération avec Tracfin (France) et d'autres autorités de renseignement européennes

2° - Contrôle des organismes financiers

Donner aux commissions de contrôle un pouvoir propre de sanction conformément aux dispositions internationalement reconnues en la matière

Fusion des deux commissions

Renvoi à un groupe de travail de la réflexion sur la mise au point de textes sur les services d'investissement et autres services financiers

Ces questions sont en cours d'examen au sein du groupe de travail bilatéral qui a débuté ses travaux en mars 2003

3° - Fonds communs de placement

Soutien des autorités françaises à l'obtention par Monaco du label européen (demande monégasque)

Question renvoyée à la conclusion des travaux du groupe de travail susmentionné

4° - Trusts

Limitation très stricte du développement des trusts non-testamentaires en Principauté

Engagement de principe de la Principauté de limiter la constitution de trusts aux trusts patrimoniaux. Compte tenu de l'absence de standard international en la matière, il s'agit du seul engagement qui pouvait être demandé à la Principauté.

5° - Questions fiscales

Assujettissement des résidents français à l'ISF

Crédits et réductions d'impôts liés aux frais de garde d'enfant et d'emploi d'un salarié à domicile

Prise en compte de la rémunération des dirigeants dans l'impôt monégasque sur les bénéfices

Application des articles 4B et 164-C du CGI

Partage de la TVA

Contrôles

L'ensemble de ces questions a fait l'objet d'une révision de la convention fiscale franco-monégasque de 1963 qui sera prochainement soumise à ratification.

6° - Questions douanières

Echange de lettres complétant l'article 11 de la convention douanière portant sur l'adjonction à l'OPJ français d'un OPJ monégasque

La DGDDI indique que le problème est en pratique résolu

7° - Divers

Renvoi à l'issue des travaux du groupe de travail sur la législation financière de l'examen de la question de la création de compagnies d'assurance monégasques sur laquelle la France exprime une réserve de principe

Le groupe de travail n'a pas terminé ses travaux

ANNEXE 2

Conclusions du rapport établi par le Ministère de la Justice

pour les relations judiciaires (octobre 2000)

Objet

Propositions

ORGANISATION JUDICIAIRE

Maintenir la proportion existante des magistrats français détachés mais réduire la durée des détachements à 3 ans renouvelables une fois.

Définir pour les magistrats détachés des incompatibilités avec l'exercice de certaines fonctions publiques ou privées ultérieures à Monaco à l'issue de leur détachement.

ENTRAIDE REPRESSIVE

Adhésion de Monaco aux principales conventions internationales, déjà mises en œuvre par la France :

- la convention du Conseil de l'Europe du 20 avril 1959 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et les instruments subséquents,

- la convention du Conseil de l'Europe du 13 décembre 1957 relative à l'extradition et les textes subséquents,

- la convention des Nations unies du 20 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes,

- la convention du Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990 sur le blanchiment, le dépistage, la saisie et la confiscation des produits du crime.

Réactualisation entre la France et Monaco de leurs accords bilatéraux, notamment aux fins de développer l'entraide répressive.

Veiller à l'exécution effective par Monaco des commissions rogatoires dans des délais utiles pour les enquêtes.

LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT

Réviser la législation autorisant la reconnaissance à Monaco de trusts et fiducies étrangers afin de s'assurer de l'identité des ayants droit économiques.

Prendre des mesures de nature à donner à SICCFIN les moyens d'exercer effectivement sa mission.

Créer un système centralisé d'informations sur les titulaires des comptes bancaires du type du FICOBA

Développer une coopération judiciaire pour la lutte contre l'argent sale à un double niveau :

- européen : en mettant à l'étude l'établissement de liens de Monaco avec le réseau judiciaire européen

- bilatéral avec la France : par l'invitation aux conférences régionales d'action publique, aux séminaires de formation et à la réalisation d'expertises ou d'audits.

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N° 1878 - Rapport sur le projet de loi, autorisant la ratification du traité destiné à adapter les rapports de coopération France-Monaco et le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention fiscale France- Monaco (M. Jean-Claude Guibal)


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