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N° 2220

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 mars 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI (n° 1966) ratifiant l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports

PAR M. YVES BOISSEAU,

Député.

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INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 7

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 7

II.- EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE 9

Article unique : Ratification de l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 sous réserve de rectifications 9

TABLEAU COMPARATIF 29

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 37

INTRODUCTION

La loi n° 2004-237 du 18 mars 2004 a autorisé le gouvernement « à prendre, par ordonnance, les dispositions législatives nécessaires à la transposition [de diverses directives communautaires nommément visées], ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition ».

Cette habilitation opérée dans le cadre défini à l'article 38 de la Constitution s'inscrit dans une démarche volontariste, engagée par le gouvernement, de réduction du retard récurrent de transposition des directives communautaires qui caractérise notre pays : sur quinze Etats membres, la France se trouvait ainsi classée par la Commission européenne dernière ex aequo avec la Belgique au 30 novembre 2003 pour ce qui est de la transposition des directives relatives au marché intérieur... Au demeurant, une telle procédure d'habilitation aux fins de mise en conformité communautaire avait déjà été utilisée auparavant, notamment avec la loi n° 2001-1 du 3 janvier 2001.

Quinze ordonnances ont été prises en application de la loi d'habilitation du 18 mars 2004, dont huit ont déjà été ratifiées par le Parlement ; pour les autres, seul un projet de loi de ratification a été déposé. Il convient en effet de rappeler que selon la Constitution :

- l'habilitation de l'article 38 est donnée pour une durée limitée, au-delà de laquelle les matières législatives qui ont fait l'objet d'ordonnances ne peuvent à nouveau être modifiées que par la loi ;

- les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication, sans avoir à être ratifiées, mais deviennent caduques en l'absence de dépôt d'un projet de loi de ratification dans un délai fixé par la loi d'habilitation ; en revanche, ce projet peut très bien ne jamais être débattu ni a fortiori adopté par le Parlement sans que la validité de l'ordonnance soit remise en cause.

L'article 1er de la loi d'habilitation précitée liste un certain nombre de directives dont il autorise la transposition par voie d'ordonnance, dont la directive qui en 2000 a étendu partiellement au secteur des transports l'applicabilité des dispositions générales en vigueur dans l'Union européenne depuis 1993 en ce qui concerne le temps de travail. L'article 7 de la même loi habilite plus généralement le gouvernement à adapter par voie d'ordonnance le droit national du temps de travail aux caractéristiques particulières des activités de transport.

L'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports, prise à la toute fin du délai de huit mois prévu par la loi du 18 mars précitée, correspond à la mise en œuvre de ces points de la loi d'habilitation.

L'adaptation du droit du temps de travail que réalise l'ordonnance du 12 novembre constitue l'un des éléments du « plan de mobilisation et de développement en faveur du transport routier de marchandises » présenté au Conseil des ministres du 8 septembre 2004 par M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Ce plan vise à relancer un secteur confronté à de lourdes difficultés structurelles et conjoncturelles et qui subit une concurrence de plus en plus sévère, en particulier de la part des nouveaux membres de l'Union européenne. Il comporte un volet social qui implique des mesures législatives autorisant des dérogations, pour les activités de transports, au droit commun national exposé dans le code du travail. Ces mesures législatives sont l'objet de l'ordonnance ; elles seront ensuite déclinées par voie réglementaire et/ou par voie d'accords collectifs.

Pour aller à l'essentiel, on peut dire que le volet social du plan de mobilisation recherche un équilibre entre la compétitivité des entreprises de transport et les garanties à apporter pour la sécurité routière et les conditions de travail des salariés. A cette fin, il maintient les durées en vigueur de « temps de service » (on reviendra sur ce concept propre au secteur des transports) qui correspondent à la déclinaison sectorielle de la durée légale du travail, accroît modérément certains des maxima hebdomadaires de temps de service prévus, et surtout promeut une modulation du temps de travail sur une base trimestrielle en simplifiant le régime sectoriel de repos compensateur.

Le présent projet de loi vise à ratifier l'ordonnance précitée du 12 novembre 2004. Il a été déposé le 1er décembre 2004, dans le délai prévu par la loi d'habilitation du 18 mars 2004 (soit la fin du deuxième mois à compter de l'expiration du délai de huit mois fixé pour la prise des ordonnances).

Le présent projet propose accessoirement d'apporter des modifications de portée limitée au texte de l'ordonnance précitée. Les matières abordées par celle-ci, de nature législative, ne pouvant plus être depuis l'expiration du délai de huit mois prévu par la loi d'habilitation être traitées que par la loi, ces modifications impliquent l'examen et l'adoption par le Parlement du présent projet de loi.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 30 mars 2005.

Après l'exposé du rapporteur, le président Jean-Michel Dubernard l'a félicité pour ce travail technique de haut niveau, établi sur la base d'une législation fort complexe.

M. Gaëtan Gorce a interrogé le rapporteur sur les différences entre la nouvelle réglementation et celle qui s'applique aujourd'hui et sur le point de vue des partenaires sociaux sur cette réforme.

Mme Pascale Gruny a souligné la complexité du sujet en précisant que la directive améliore plutôt les conditions de suivi de l'organisation du travail concernant les heures travaillées et les repos compensateurs, sujet délicat dans les transports. Les chauffeurs ne voulaient auparavant pas prendre leurs repos compensateurs, trop nombreux. En ce sens, l'ordonnance apporte une amélioration sensible. Par ailleurs, il est exact de souligner que la pratique du cabotage par des transporteurs communautaires n'est pas contrôlée en France.

En réponse, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- Le décompte des heures supplémentaires et des repos compensateurs se fera désormais sur une base trimestrielle.

- Les temps de service hebdomadaires sont maintenus à 43 heures pour les grands routiers, 39 heures pour les routiers courtes distances et 35 heures pour les convoyeurs de fonds et conducteurs de messageries. Les durées maximales hebdomadaires resteront toutes inférieures au plafond de 60 heures de la directive communautaire, mais certaines sont relevées : on passe ainsi de 48 à 52 heures sur une semaine isolée pour les routiers courtes distances et de 50 à 53 heures en moyenne hebdomadaire maximale pour les grands routiers.

- S'agissant du travail de nuit, l'ordonnance prévoit une période nocturne de 22 heures à 5 heures, alors que le droit commun l'établit de 21 heures à 6 heures. La durée du temps de travail des travailleurs de nuit des transports ne devra pas dépasser 8 heures par jour en moyenne et, dans les transports routiers, un plafond absolu à 10 heures par jour est posé dès lors que du travail de nuit est effectué.

- En ce qui concerne les bateliers, un service continu peut être assuré grâce à un accord professionnel qui fait alterner une semaine de travail où les salariés font chaque jour deux quarts de six heures et une semaine de repos. L'ordonnance donne une base légale à cette organisation.

- Pour le cabotage, la situation est différente entre les quinze anciens membres de l'Union européenne et les nouveaux adhérents, provisoirement exclus du droit au cabotage dans les anciens Etats-membres. Mais tout le monde fait état de contournements et de fraudes.

M. Pierre Hellier a observé que la réforme ne transpose pas complètement les plafonds communautaires dans le droit national.

Après avoir précisé que les droits nationaux peuvent rester plus favorables aux salariés que les règles minimales posées dans le droit communautaire, le rapporteur a déclaré avoir auditionné les partenaires sociaux les plus représentatifs, tant syndicaux que patronaux. Les représentants des employeurs s'estiment relativement satisfaits de la nouvelle organisation du travail, plus simple à appliquer, tandis que ceux des salariés critiquent essentiellement le décompte des temps travaillés sur trois mois, les autres mesures de la réforme ne suscitant pas d'observations.

II.- EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Ratification de l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004
sous réserve de rectifications

Le paragraphe I de l'article unique du présent projet de loi a pour objet de ratifier en l'état plusieurs articles de l'ordonnance du 12 novembre 2004 « portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports », tandis que les paragraphes II, III et IV ont pour objet de conditionner la ratification d'autres articles de ladite ordonnance à des modifications mineures de leur texte. Le rapporteur présentera donc d'abord le contenu de l'ordonnance du 12 novembre, puis les rectifications souhaitées par le gouvernement.

A. L'ordonnance du 12 novembre 2004

L'ordonnance du 12 novembre 2004 a été prise en application des articles 1er et 7 de la loi d'habilitation n° 2004-237 du 18 mars 2004.

Parmi les directives dont l'article 1er de cette loi autorise nommément la transposition, figure en effet la « directive 2000/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 2000 modifiant la directive 93/104/CE du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail afin de couvrir les secteurs et activités exclus de ladite directive ».

Par ailleurs, l'article 7 de la même loi étend l'habilitation, « outre [aux] mesures législatives nécessaires à la transposition de la directive [précitée] », aux « mesures d'adaptation des dispositions, notamment celles du code du travail et du code du travail maritime, relatives à la durée du travail, au travail de nuit, au repos quotidien et au repos hebdomadaire ainsi qu'aux congés payés et au bulletin de paye, rendues nécessaires par les caractéristiques particulières des activités concernées par la directive ».

L'ordonnance du 12 novembre s'inscrit donc dans une double logique de transposition de règles communautaires et d'adaptation des règles du code du travail aux contraintes des activités de transports. Avant de présenter la motivation et le contenu de cette ordonnance, il est donc nécessaire de rappeler le cadre juridique complexe, tant communautaire que national, qui régissait auparavant le temps de travail dans les différentes activités de transport.

1. Le cadre juridique en vigueur avant l'ordonnance du 12 novembre 2004

a) Un cadre communautaire complexe et évolutif

Les règles communautaires concernant les temps dans les transports sont complexes car se mêlent des dispositions de portée générale et des dispositions de portée sectorielle, des dispositions motivées par le souci de protéger les travailleurs et d'harmoniser a minima les conditions sociales et des dispositions plus inspirées par un souci de sécurité routière qui portent uniquement sur les temps de conduite. Toutes ces dispositions posent seulement des planchers ou des plafonds, les législations nationales pouvant toujours être plus favorables aux salariés et à la sécurité routière.

Il existe principalement trois instruments communautaires en vigueur dans le champ concerné par le présent texte.

· Le règlement « temps de conduite »

Le règlement communautaire n° 3820/85 du 20 décembre 1985 (1) relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route encadre non des temps de travail, mais seulement des temps de conduite. A ce titre, il ne concerne par définition que les conducteurs de véhicules, pas d'autres salariés, qu'ils soient mobiles ou sédentaires, des entreprises de transports ; et pour ces conducteurs, les temps de travail autres que de conduite - par exemple les temps de chargement - ne sont pas encadrés. Par ailleurs, sont exclues du champ du règlement diverses catégories de transports, notamment ceux effectués par des véhicules de moins de 3,5 tonnes et des véhicules permettant de transporter moins de dix personnes ainsi que les transports de voyageurs sur des lignes régulières dont le parcours ne dépasse pas cinquante kilomètres : bref ce règlement ne concerne guère que les chauffeurs routiers et les conducteurs de cars sur de longues distances.

Le règlement encadre les temps de conduite de ces chauffeurs (sous réserve de diverses dérogations possibles dans le détail desquelles on n'entrera pas) :

- la durée totale de conduite au cours d'une journée (c'est-à-dire entre deux repos journaliers : voir infra) ne doit pas dépasser neuf heures ; elle peut toutefois être portée à dix heures deux fois par semaine (on en déduit donc, compte tenu du repos hebdomadaire - voir infra - revenant après six jours de travail, que la semaine de travail est limitée à cinquante-six heures) ;

- les conducteurs ont droit à un repos quotidien minimal d'au moins onze heures consécutives, qui peut toutefois être réduit à neuf heures trois fois par semaine ou être fractionné sous conditions ;

- toutes les quatre heures et demie de conduite, une pause de quarante-cinq minutes doit être observée (elle peut également être fractionnée) ;

- les conducteurs ont droit à un repos hebdomadaire de quarante-cinq heures (pouvant être réduit sous conditions et seulement bihebdomadaire pour les transports internationaux de voyageurs) ;

- le temps de conduite ne peut excéder quatre-vingt-dix heures sur deux semaines.

· La directive générale « temps de travail »

La directive n° 2003/88 du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, actuellement en vigueur, se borne à reprendre et actualiser les dispositions d'une directive plus ancienne, remontant au 23 novembre 1993 (2), à laquelle elle se substitue.

Il s'agit d'un dispositif de portée générale, visant en principe à apporter une protection minimale à tous les travailleurs européens. Toutefois des dérogations sectorielles existent et la version initiale de ce dispositif, celle de 1993, excluait explicitement de son champ d'application l'ensemble des activités de transports (« aériens, ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux et lacustres... »). Mais cette exception a été supprimée par une directive modificatrice en 2000.

Cette dernière, reprise dans la directive de 2003, n'a en fait que partiellement réintégré dans le « droit commun » communautaire les salariés des transports car elle a maintenu des régimes dérogatoires. Selon le dispositif en vigueur :

- certaines garanties s'appliquent à tous les travailleurs, dont deux essentiellement : la durée moyenne hebdomadaire du travail, calculée sur une période de référence ne dépassant pas quatre mois, ne doit pas excéder quarante-huit heures ; chacun a droit à quatre semaines au moins de congés payés annuels ;

- d'autres garanties ont une portée moins générale : il s'agit du principe d'un repos journalier de onze heures au moins et d'un repos hebdomadaire de trente-cinq heures au moins, de l'obligation de pause après six heures de travail et de la limitation à huit heures quotidiennes du travail de nuit. Ces garanties ne s'appliquent pas aux « travailleurs mobiles », pour lesquels joue la subsidiarité : il est seulement demandé aux Etats membres de prendre « les mesures nécessaires pour garantir que ces travailleurs mobiles ont droit à un repos suffisant... » (article 20 de la directive). Quant aux salariés des transports urbains et ceux du secteur ferroviaire travaillant à bord des trains ou dont les activités sont liées à leur trafic, ils bénéficient de ces règles générales mais des dérogations peuvent y être apportées (article 17, §3).

· La directive « temps de travail dans le transport routier »

La directive n° 2002/15 du 11 mars 2002 relative à l'aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier concerne, conformément à son intitulé, un champ limité : les seuls « travailleurs mobiles » - ce qui exclut les personnels sédentaires mais va au-delà des seuls conducteurs - du transport routier - défini par référence au champ visé par le règlement de 1985 (voir supra).

Cette directive se distingue du règlement de 1985 en ne réglementant pas le seul temps de conduite, mais le temps de travail des salariés concernés. Elle donne une définition de ce temps de travail qu'elle oppose au « temps de disponibilité » : le temps de travail intègre le temps de conduite, mais aussi les temps de chargement et déchargement des véhicules, de nettoyage et d'entretien, etc., ainsi que les périodes d'attente lorsque leur durée prévisible n'est pas connue à l'avance ; en revanche ne constituent pas, selon la directive, du temps de travail les périodes d'inactivité dont la durée prévisible est connue à l'avance, telles que celles passées à accompagner un véhicule embarqué sur un ferry-boat, à attendre à une frontière ou à ne pas conduire lorsqu'un véhicule a deux chauffeurs qui se relaient.

Sous réserve là encore de dérogations possibles, la directive limite le temps de travail ainsi défini à soixante heures sur une semaine donnée et à quarante-huit par semaine en moyenne sur une période de référence de quatre mois. Elle impose une pause après six heures de travail ; cette pause est de trente minutes au moins, portées à quarante-cinq si le temps de travail quotidien dépasse neuf heures. Enfin, si du travail est effectué durant la période de nuit, définie comme étant une période d'au moins quatre heures fixée par les législations nationales dans le créneau minuit-sept heures, le temps de travail quotidien doit être limité à dix heures.

Bien que la directive n° 2002/15 ne soit pas formellement visée par la loi d'habilitation du 18 mars 2004, plusieurs de ces dispositions sont reprises par l'ordonnance du 12 novembre. Outre que cette transposition est urgente, la date limite posée par le texte de la directive pour ce faire étant le 23 mars 2005, on doit observer que les dispositions reprises dans l'ordonnance en matière de limite quotidienne absolue du temps de travail en cas de travail durant la période nocturne et de pauses concourent à la protection des travailleurs. De plus, on peut penser qu'il est de l'intérêt vital du transport routier français que cette directive soit transposée et appliquée par l'ensemble des membres de l'Union européenne : dans le rapport consécutif à la mission que lui avait confiée le Premier ministre (3), notre collègue Francis Hillmeyer relève ainsi, dans une comparaison ne portant que sur les anciens Etats membres (les « Quinze »), que l'application générale de la directive réduirait de 20 % à 3-4 % les écarts entre les temps de conduite et de travail maximaux des chauffeurs routiers français et ceux de leurs collègues européens soumis aux réglementations les plus souples (ou laxistes selon le point de vue) en matière de temps ; on voit l'enjeu pour la compétitivité comparée. Mais si notre pays veut pouvoir exiger de ses partenaires la transposition complète et contrôlée de la directive n° 2002/15, encore doit-il aussi être irréprochable à cet égard...

· Le règlement « cabotage »

Il convient enfin de signaler, s'agissant du cadre communautaire, que les services de transports ne sont que marginalement concernés par la proposition de directive communautaire « relative aux services dans le marché intérieur », dite directive Bolkestein : cette proposition exclut de son champ divers secteurs d'activités, dont l'ensemble des transports (sauf les transports de fonds et les transports funéraires), au motif que ces secteurs font déjà l'objet d'une réglementation communautaire spécifique.

Les conditions de l'ouverture à la concurrence intracommunautaire des transports de marchandises ont notamment été régies par le règlement communautaire n° 3118/93 du 25 octobre 1993. Ce règlement a libéralisé, avec une période transitoire de 1994 à 1998, le cabotage, c'est-à-dire l'accomplissement de transports de marchandises à l'intérieur d'un Etat-membre par un prestataire établi dans un autre Etat-membre. Le cabotage ne peut cependant être exercé qu'« à titre temporaire », formule imprécise qui a donné lieu à contentieux (4), et sous réserve de respecter la réglementation du pays où il est exercé dans divers domaines, dont le respect des temps de conduite et de repos et le paiement de la TVA. Dans le cadre de l'élargissement à vingt-cinq, des périodes dérogatoires où le cabotage est interdit aux entreprises des nouveaux membres ont été prévues, mais le contrôle en est difficile. De nombreuses dérives sont constatées, parfois facilitées par des réglementations laxistes, comme celle qui autorise la location de camions étrangers avec leur chauffeur (étranger) pour travailler en France.

b) Une réglementation nationale fortement dérogatoire

L'ordonnance du 12 novembre 2004 est loin de constituer la première disposition nationale dérogatoire pour ce qui est du temps de travail dans les transports routiers.

La réglementation nationale en la matière est actuellement contenue pour l'essentiel dans le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 (plusieurs fois modifié depuis, la dernière fois par le décret n° 2002-622 du 25 avril 2002, dit « décret Gayssot ») relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier et dans le décret n° 2003-1242 du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes.

La base légale de cette réglementation spécifique, dérogatoire aux dispositions législatives du code du travail, pouvait se trouver, avant l'ordonnance du 12 novembre 2004 :

- dans l'article 10 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (LOTI), selon lequel (dans les transports) « la réglementation relative à la durée du travail et à la durée de conduite tient compte du progrès des conditions techniques, économiques et sociales et des sujétions particulières liées à l'irrégularité des cycles de travail, aux contraintes de lieux et d'horaires et aux responsabilités encourues à l'égard des personnes transportées et des tiers » ;

- dans l'article 7 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail (dite Aubry I) excluant du champ couvert par la réglementation de droit commun du repos quotidien et des pauses les personnels roulants et navigants des transports ;

- dans les rares (5) dispositions de la partie législative du code du travail qui autorisent de manière permanente des dérogations à la législation du temps de travail par décret (ou a fortiori à l'initiative de l'employeur), notamment ses articles L. 212-1 (pour le dépassement du plafond quotidien de dix heures de travail), L. 212-2 (pour l'application de la durée légale du travail définie à l'article L. 212-1 à « certains cas » et « certains emplois »), L. 212-4 (pour établir dans certains métiers des régimes d'équivalence permettant de ne compter que partiellement comme temps de travail effectif les périodes où le salarié est à son poste, du fait des périodes d'inaction qu'ils comportent) et L. 212-9, § I (pour la mise en ouvre de la réduction du temps de travail sur une base mensuelle et non hebdomadaire).

Le caractère soit très général et donc insuffisamment normatif, dans le cas de la LOTI, soit incomplet, dans le cas du code du travail, de ces éléments de base légale a pu fonder des recours juridictionnels couronnés de succès contre certains des décrets modifiant le décret fondateur précité n° 83-40 (6). L'un des mérites de l'ordonnance du 12 novembre 2004, en dehors des modifications du droit qu'elle apporte, est de conforter la base légale des décrets de 1983 et 2003.

Sans entrer dans le détail de ces décrets, extrêmement complexes, on peut mettre en lumière les points saillants de cette réglementation dans son équilibre actuel issu du décret Gayssot :

- Elle s'écarte des distinctions faites par la réglementation européenne en couvrant toutes les activités de transport, quels que soient les véhicules (elle s'applique ainsi aux transports scolaires, taxis, ambulances, convoyeurs de fonds, etc., et pas seulement aux camions et cars longue distance).

- Elle repose sur une notion spécifique, le temps de service, qui inclut implicitement des heures d'équivalence et diffère explicitement, dans un sens extensif et donc favorable aux salariés, de la définition européenne rappelée supra du temps de travail effectif dans les transports : correspondant au temps passé au service de l'employeur, le temps de service des routiers comprend ainsi tous les temps d'attente et le temps non consacré à la conduite lorsqu'un véhicule a deux chauffeurs se relayant pour un long trajet, ce qui a de lourdes conséquences sur la compétitivité des entreprises françaises pour les transports internationaux (dans les transports de voyageurs, la règle est un peu différente : ce temps de non-conduite est considéré comme du travail effectif pour la moitié de sa durée).

- La durée du travail peut être gérée sur des bases autres qu'hebdomadaire (7), soit dans les conditions de droit commun suite à un accord collectif, soit, dans les transports de marchandises, sur autorisation de l'inspection du travail sans que la période de référence retenue dépasse alors un mois. Dans les transports de voyageurs, cette période de référence dérogatoire peut seulement être de deux semaines.

- La réglementation prévoit des temps de service normaux et maximaux supérieurs dans certains cas aux dispositions du droit commun national, mais inférieurs aux plafonds communautaires lorsqu'ils existent.

Pour les temps hebdomadaires, sont distingués en la matière les transports de marchandises et de voyageurs, puis, selon des critères d'ailleurs contestés, trois catégories parmi les personnels roulants des premiers : les chauffeurs « grands routiers » ou « longue distance » (d'après un critère prenant en compte le nombre de repos journaliers, c'est-à-dire de nuits, qu'ils sont amenés à passer hors de chez eux) ; les autres conducteurs de poids lourds ; enfin les conducteurs de messageries et convoyeurs de fonds. Si cette dernière catégorie se voit appliquer le droit commun, ce n'est pas le cas des deux autres, comme il apparaît sur le tableau ci-après.

Les différents temps hebdomadaires en vigueur

Durée « normale » du travail ou du service

Durée moyenne hebdomadaire maximale sur une période de référence

Durée maximale sur une semaine isolée

Plafonds communautaires (fondés sur une définition du temps de travail différente des définitions nationales)

Néant

48 heures en moyenne sur une période de référence de quatre mois au plus

Pour les travailleurs mobiles des transports routiers : 60 heures (dont 56 au plus de conduite)

Droit national :

« Grands routiers »

43 heures

50 heures sur une période de référence d'un mois au plus

56 heures

Autres personnels roulants marchandises

39 heures

48 heures sur une période de référence d'un mois au plus

48 heures

Convoyeurs de fonds, messageries, transports de voyageurs (et droit commun)

35 heures

44 heures sur une période de référence de douze semaines

Pour ce qui est du temps de travail quotidien, le maximum est fixé à dix heures pouvant pour les personnels roulants être portées à douze heures deux fois par semaine (sous conditions).

- Enfin, cette réglementation comprend un régime spécifique des heures supplémentaires. Pour l'application de la réglementation du repos compensateur, le décompte des heures supplémentaires n'est opéré que lorsque sont dépassés les temps de service réglementaires, qui excèdent dans certains cas, comme on l'a vu, les trente-cinq heures de droit commun ; le repos compensateur est accordé aux chauffeurs routiers sur la base d'une réglementation dérogatoire très complexe, soit sur une base conventionnelle lorsque certains quanta horaires sont dépassés sur une durée d'un mois (le repos étant alors qualifié de « récupérateur »), soit sur une base légale lorsque l'horaire hebdomadaire dépasse quarante-cinq heures ou que le contingent annuel de droit commun d'heures supplémentaires est dépassé. En revanche, suite à un accord de branche, la rémunération horaire est en tout état de cause majorée dès la trente-sixième de travail hebdomadaire (ce seuil pouvant aussi être apprécié sur le mois, sur autorisation de l'inspection du travail).

2. Les dispositions de l'ordonnance du 12 novembre 2004

a) Un élément du « plan de mobilisation et de développement en faveur du transport routier de marchandises »

L'ordonnance du 12 novembre 2004 constitue en fait l'un des éléments matériels du « plan de mobilisation et de développement en faveur du transport routier de marchandises » présenté au Conseil des ministres du 8 septembre précédent par M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. La mise au point de ce plan avait été précédée de deux missions préparatoires, confiées successivement à notre collègue Francis Hillmeyer, parlementaire en mission, et à M. Georges Dobias. Par ailleurs, les mesures initiales du plan ont été renforcées au mois d'octobre pour compenser le renchérissement soudain des carburants.

Le secteur du transport routier est confronté à des difficultés structurelles qu'aggravent des éléments conjoncturels (croissance économique ralentie en 2001-2003, évolution du coût des carburants). Il est par ailleurs inquiet des conséquences de l'élargissement à l'est de l'Union européenne (8) et de la concurrence qui en résulte : en quelques années la part des transports internationaux dans le chiffre d'affaires de la profession est tombée de 29 % à 18 % et le pavillon français est réellement menacé.

Or il s'agit d'un secteur important dans l'économie et l'emploi nationaux : les 41 000 entreprises de transport routier de marchandises représentent 330 000 emplois et génèrent 1,2 % du PIB. Le transport routier est également un secteur où, suite notamment aux importantes revalorisations salariales consenties depuis une décennie dans le cadre du « contrat de progrès » de 1994, les charges de main-d'œuvre sont lourdes, puisqu'elles y représentent 32 % du chiffre d'affaires hors sous-traitance, venant au premier rang des charges d'exploitation loin devant le carburant : dans ces conditions, la question de la conciliation entre des conditions sociales satisfaisantes et la préservation de la compétitivité y est déterminante.

Le gouvernement a donc proposé un plan comportant trois volets : un volet fiscal reposant notamment sur la stabilisation pour trois ans de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) applicable au gazole professionnel, le déplafonnement du mécanisme de remboursement d'une part de cette taxe aux professionnels, le triplement du montant par véhicule et l'élargissement du champ du dégrèvement spécifique existant en matière de taxe professionnelle (dans l'attente de la réforme générale de cette taxe) ; un volet de renforcement de la lutte contre les pratiques illégales telles que le cabotage effectué irrégulièrement par des poids lourds étrangers sur le territoire français ; un volet social.

Partant notamment du constat fait par M. Francis Hillmeyer sur le caractère particulièrement strict de la réglementation française, qui impose les temps de conduite et de travail les plus faibles d'Europe, les principales propositions de ce volet social consistent à maintenir les durées en vigueur des « temps de service » dus par les salariés, accroître modérément certains des maxima hebdomadaires de temps de service pouvant être atteints et surtout permettre une modulation du temps de travail sur une base trimestrielle, voire quadrimestrielle par accord collectif.

La mise en œuvre de ces mesures impliquait certaines mesures législatives, afin d'inscrire dans la partie législative du code du travail la possibilité de diverses dérogations sectorielles à ses règles générales. Tel est l'objet de l'ordonnance du 12 novembre. Cette mise en œuvre passera aussi par des mesures réglementaires et, on doit l'espérer, par des accords collectifs.

Les mesures dérogatoires de l'ordonnance relèvent principalement de trois champs du droit du temps de travail : les périodes de référence à prendre en compte pour la mesure du temps de travail et l'application des réglementations qui en découlent comme celles des heures supplémentaires et des horaires hebdomadaires maximaux ; la réglementation du travail de nuit ; celle des pauses et des repos.

b) La réglementation des temps de travail maximaux et des heures supplémentaires

L'article 1er de l'ordonnance du 12 novembre insère dans le code du travail un article L. 212-18 nouveau qui constituera la base légale de diverses dérogations possibles en matière de décompte des heures de travail pour le calcul des heures supplémentaires et des repos compensateurs, ainsi que de durées maximales de travail autorisées.

Ces dérogations pourront être consécutives à des accords collectifs, mais aussi être décidées par décret après consultation des partenaires sociaux, ce qui constitue une spécificité dans un code du travail, qui conditionne le plus souvent les dérogations au droit du temps de travail à un accord collectif.

Ces dérogations sont susceptibles de s'appliquer à l'ensemble des salariés des entreprises de transport routier, de navigation intérieure et de transport ferroviaire, et pas aux seuls personnels « roulants » ou « mobiles » selon les terminologies des réglementations nationales ou communautaires présentées supra (ce qui ne signifie pas nécessairement, pour autant, que des dérogations au droit commun seront mises en œuvre pour les personnels sédentaires des entreprises de transports, puisque l'ordonnance, comme on l'a dit, crée seulement une base légale à d'éventuelles dérogations par voie réglementaire ou conventionnelle). Sont en revanche exclus de leur champ les agents, « soumis à des règles spéciales » - ce qui renvoie aux dispositions spécifiques prévues par une loi du 3 octobre 1940 -, de la SNCF, de la RATP et des entreprises de transport public urbain réguliers de voyageurs (bref les bus et métros...).

Les dérogations par voie réglementaire pourront porter sur les points suivants :

- l'organisation du temps de travail sous formes de cycles (et son décompte avec comme référence le cycle) quand bien même la répartition du travail ne se répéterait pas d'un cycle à l'autre (alors que le droit commun du travail par cycles exige cette répétition : il correspond au fonctionnement des entreprises en « trois-huit » où le retour pour les salariés des horaires décalés est régulier et cyclique, mais sans que ce cycle coïncide nécessairement avec une semaine ou un mois calendaires) ;

- dans les secteurs routier et fluvial (donc pas dans le secteur ferroviaire), la période de référence pour le décompte des heures supplémentaires, qui pourra être portée à trois mois (le droit commun étant la semaine) ;

- dans ces mêmes secteurs, la possibilité de prendre le repos compensateur dû pour des heures supplémentaires dans les trois mois suivant celles-ci (et non les deux mois du droit commun) et l'ouverture des droits à ce repos sur la seule base du nombre d'heures supplémentaires effectuées (ce qui permettra d'écarter les liens faits par le code du travail entre le repos compensateur et, d'une part, le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires fixé par décret, d'autre part, le dépassement d'un horaire hebdomadaire de quarante et une heures dans les entreprises de plus de vingt salariés) ;

- toujours dans les transports routiers et fluviaux, la possibilité de porter à quarante-six heures, et non quarante-quatre, la durée maximale du travail moyennée sur une période de référence de trois mois.

A ces dérogations par voie réglementaire, l'ordonnance ajoute des possibilités de dérogations par voie conventionnelle :

- d'une part, aux dispositions que comporteront les décrets dérogatoires susmentionnés dans de nombreux domaines (ces dérogations conventionnelles pourront notamment avoir pour effet de porter de trois à quatre mois les périodes de référence pour le calcul de la durée maximale hebdomadaire moyenne de travail de quarante-six heures et le décompte des heures supplémentaires) ;

- d'autre part, pour le seul personnel navigant sur des bateaux « exploités en relèves » dont le temps de travail est annualisé, au respect des durées maximales légales du travail quotidiennes (dix heures) et hebdomadaires (quarante-huit heures sur une semaine et quarante-quatre en moyenne sur douze semaines). Ces dernières dérogations, formellement très lourdes puisqu'elles touchent à des dispositions fondamentales de protection des salariés, seront entourées d'une garantie procédurale forte : elles ne pourront être prévues que par convention ou accord de branche étendu (la négociation au niveau de la branche, où les parties syndicales sont bien organisées, garantit une bonne prise en compte des intérêts des salariés et la nécessité d'un arrêté d'extension signifie que le gouvernement contrôlera le résultat de cette négociation). En pratique, cette disposition vise à fournir une base légale à l'organisation actuelle du travail dans la batellerie pour les bateaux exploités en service continu, organisation le plus souvent fondée sur l'alternance d'une semaine de travail où les salariés sont de service douze heures au plus par jour (avec par exemple deux quarts de six heures) et d'une semaine de repos.

Enfin, l'article 1er de l'ordonnance insère dans le code du travail un article L. 212-19 visant à exclure l'application éventuelle du régime du forfait des itinérants non cadres aux personnels roulants du transport routier. On rappelle en effet que la deuxième loi de réduction du temps de travail (n° 2000-37 du 19 janvier 2000) a reconnu la spécificité de l'organisation du travail des cadres en autorisant le décompte de leur temps sur la base de forfaits annuels exprimés en heures ou en jours ; elle a également autorisé les forfaits annuels en heures pour les « salariés itinérants non cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps (...) ». Cette définition paraît difficilement applicable à des chauffeurs routiers, sauf exception, compte tenu de ce qu'est l'organisation du temps dans les entreprises de transport routier. L'ordonnance exclut en tout état de cause l'application du forfait annuel dans ce secteur, ce qui est cohérent avec l'option d'un décompte des temps sur le trimestre ou au plus le quadrimestre et du maintien, évidemment nécessaire pour la sécurité routière, d'un régime d'heures supplémentaires et de repos compensateurs.

c) La réglementation spécifique du travail de nuit

L'article 2 de l'ordonnance du 12 novembre vise à insérer dans le code du travail des dispositions spécifiques relatives au travail de nuit dans les transports.

Ces dispositions s'appliquent, comme celles des autres articles de l'ordonnance, à l'ensemble des transports routiers, ferroviaires et fluviaux hors entreprises à statuts, mais s'en distinguent en ne visant que les personnels roulants ou navigants.

Le travail de nuit fait l'objet d'une protection particulière tant dans le droit communautaire que dans le droit national.

Les minima communautaires, découlant des directives n° 2002/15 du 11 mars 2002 et 2003/88 du 4 novembre 2003 précitées, sont les suivants : pour l'ensemble des travailleurs non « mobiles », le temps de travail des travailleurs de nuit ne doit pas excéder huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures ; pour les roulants des transports routiers, les législations nationales doivent définir une période de nuit d'au moins quatre heures prises dans l'intervalle minuit-7 heures, tout travail effectué dans cette période entraînant la limitation à dix heures du travail quotidien.

Dans le respect de ces principes, l'ordonnance fixe les règles suivantes :

- La période de nuit est définie dans les transports comme étant l'intervalle 22 heures-5 heures, et non l'intervalle 21 heures-6 heures du droit commun. Une autre période de sept heures prise dans l'intervalle 21 heures-7 heures peut être substituée à la période susmentionnée par accord collectif ou sur autorisation de l'inspection du travail.

- Du fait de la disposition de coordination prévue au second alinéa de l'article 3 de l'ordonnance, la définition du travailleur de nuit est identique à celle du code du travail : celui qui accomplit au moins deux fois par semaine, selon son horaire habituel, trois heures de travail durant la période de nuit, ou bien un certain nombre d'heures de nuit durant une période de référence (ce nombre et cette période étant fixés par accord collectif étendu ou décret en Conseil d'Etat).

- La durée maximale du travail quotidien du travailleur de nuit est fixée dans les transports comme dans le droit commun à huit heures, mais, dans les transports, cette durée, appréciée par « période de vingt-quatre heures » (qui peut ne pas coïncider avec un jour), n'est pas un absolu mais une moyenne à ne pas dépasser sur une période de référence définie par accord collectif étendu ou décret en Conseil d'Etat. Il peut par ailleurs être dérogé à cette durée maximale par accord collectif sous réserve de repos compensateur (étant précisé que ces repos doivent être équivalents au dépassement horaire dans les transports ferroviaires).

Le rapporteur tient à signaler que cette disposition de plafonnement du temps de travail moyen des travailleurs de nuit aurait pu poser dans la batellerie un réel problème, selon l'interprétation donnée, compte tenu de l'organisation du travail qui a été présentée supra, où alternent sept jours de douze heures de travail (qui incluent nécessairement plus de trois heures en période de nuit) et sept jours de repos : selon que l'on prend ou non ces jours de repos en compte pour le calcul de la moyenne, on arrive à un horaire quotidien moyen de six heures ou de douze heures. Ce point méritait d'être clarifié car il n'est pas souhaitable que soit remise en cause une organisation du travail qui a été actée par un accord professionnel et semble satisfaire les représentants tant patronaux que syndicaux. A cette fin, la commission a adopté un amendement du gouvernement.

- Enfin, dans les seuls transports routiers, conformément à la directive n° 2002/15 précitée, dès lors qu'un roulant accomplit une partie de son travail dans l'intervalle minuit-5 heures (sans nécessairement être un travailleur de nuit au sens défini supra), son temps de travail du jour ne peut excéder dix heures (sauf « circonstances exceptionnelles »).

L'ordonnance du 12 novembre ne comprend aucune mesure spécifique d'adaptation ou d'exclusion d'autres dispositions du droit commun du travail de nuit telles que le plafonnement à quarante heures hebdomadaires en moyenne sur douze semaines, avec dérogations possibles jusqu'à quarante-quatre heures (dernier alinéa de l'article L. 213-3 du code du travail), et l'obligation de compensation sous forme de repos compensateur et non pas seulement sous forme financière (article L. 213-4 de ce code) : la combinaison de l'article 6 de cette ordonnance (voir infra) - qui étend aux personnels roulants des transports terrestres l'application des règles de droit commun du repos quotidien - et de l'article 224 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale - qui établit une équivalence entre les champs d'application des règles de droit commun du repos quotidien et celles du travail de nuit - conduit à l'applicabilité directe dans les transports terrestres de ces dispositions de droit commun non mentionnées dans l'ordonnance.

On doit enfin observer que les règles posées par l'ordonnance apparaissent plus protectrices pour les salariés (ou restrictives pour les entreprises, selon le point de vue) que celles fixées dans l'accord de branche du 14 novembre 2001, qui, en contrepartie de substantielles compensations, tendait à aligner les plafonds de temps applicables au travail de nuit à ceux applicables au travail de jour selon le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 précité. Cet accord semblait donc remis en cause. L'amendement susmentionné du gouvernement, adopté par la commission, permettra de mieux prendre en compte le compromis dégagé par les partenaires sociaux en 2001.

d) La réglementation spécifique des pauses et des repos quotidiens et hebdomadaires

Sur la question des repos et des pauses, il faut d'abord signaler que la loi Aubry I, qui a en 1998 inséré dans le code du travail les dispositions de droit commun en matière de repos quotidien et de pauses dans le travail, en application de la directive communautaire « temps de travail » du 23 novembre 1993 précitée, avait cependant exclu du champ de ces dispositions, par son article 7, les personnels roulants et navigants des transports. Bien que discutable puisque dès 1985 le règlement « temps de conduite » a encadré le temps de repos des chauffeurs routiers dans un souci de sécurité, cette option était compréhensible puisque les transports étaient alors hors du champ de la directive « temps de travail ». En tout état de cause, l'adoption en 2000, puis en 2002, de directives européennes réglementant le temps de travail dans les transports (et comportant des dispositions relatives aux repos et aux pauses) rendait plus gênante cette exemption légale, même s'il existe par ailleurs, depuis 1983, dans le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 précité, des dispositions réglementaires détaillées quant à l'amplitude de la journée de travail dans les transports routiers, ses coupures éventuelles et la durée quotidienne du travail maximale.

L'article 6 de l'ordonnance du 12 novembre restreint donc le champ de l'exemption légale susmentionnée, qui n'est conservée que pour les personnels navigants de l'aviation ou employés sur les navires (terme qui renvoie, par opposition à bateaux, à la seule navigation maritime) et est donc supprimée pour les roulants des transports terrestres et la batellerie.

L'article 4 crée quant à lui un nouvel article L. 220-3 dans le code du travail, afin de constituer la base légale de règles dérogatoires en matière de repos quotidien et de pauses dans les transports.

Les points sur lesquels le droit sectoriel des transports pourra s'écarter du droit commun sont les suivants :

- la faculté de déroger par décret à la règle du repos quotidien minimal de onze heures consécutives, alors que le droit commun exige un accord collectif (sauf cas exceptionnels). Comme en matière de durées de référence pour le décompte des heures supplémentaires et de durées maximales hebdomadaires autorisées, ces dérogations visent potentiellement l'ensemble des salariés des entreprises de transport, et non les seuls roulants. Elles devront cependant être justifiées par les « caractéristiques particulières de l'activité ». Sont concernés aussi bien les transports routiers que fluviaux et ferroviaires, hors entreprises à statuts. A titre d'illustration des dérogations susceptibles d'exister, le décret n° 83-40 en vigueur fixe à dix heures, et non onze, le repos quotidien minimal dans les transports non régis par le règlement communautaire n° 3820/85 du 20 décembre 1985 précité (lequel ne concerne, rappelons-le, que les chauffeurs routiers ou de cars longue distance, pour lesquels il prévoit un repos quotidien minimal d'au moins onze heures pouvant être réduit à neuf heures trois fois par semaine) ;

- la possibilité, pour les personnels roulants ou navigants du secteur ferroviaire et de la batellerie, d'un accord collectif prévoyant le report de la pause de vingt minutes due après six heures de travail jusqu'à la fin de la journée suivante. Cette mesure de souplesse tient compte des contraintes externes qui s'imposent tant à la batellerie (les passages d'écluses par exemple) qu'au service dans les trains (les horaires de départ et d'arrivée).

Enfin, pour les personnels roulants du transport routier, l'ordonnance reprend fidèlement la directive n° 2002/15 du 11 mars 2002 précitée : obligation d'accorder une pause de trente minutes au moins lorsque le temps de travail quotidien excède six heures ; pause portée à quarante-cinq minutes si ce temps excède neuf heures ; possibilité de fractionner les pauses qui doivent cependant durer au moins quinze minutes ; rappel enfin, de l'obligation d'appliquer par ailleurs les pauses dans la conduite imposées par le règlement n° 3820/85 précité (voir supra).

Il est à noter qu'en appliquant ces règles à l'ensemble des transports routiers, l'ordonnance va un peu au-delà des obligations communautaires, puisque la directive de 2002 ne couvre pas, notamment, les transports par petits véhicules (moins de 3,5 tonnes ou dix passagers) non plus que les transports locaux (moins de cinquante kilomètres) réguliers de voyageurs. L'extension d'obligations strictes de pauses aux transports locaux, soumis à la fois à des obligations de régularité et aux aléas de la circulation urbaine ou périurbaine, n'est pas sans y poser quelques problèmes organisationnels.

L'article 5 traite quant à lui du repos hebdomadaire : il prévoit simplement que l'ensemble des dispositions du code du travail relatives au repos hebdomadaire (dit aussi « dominical ») « s'appliquent selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat » à l'ensemble des activités de transports routiers, ferroviaires et fluviaux, hors entreprises à statut ; le dispositif précédent ne prévoyait de renvoi au décret que dans le cas de la navigation intérieure. On peut s'interroger sur la portée de cette formulation, dans la mesure où, contrairement à la bonne règle, elle ne précise pas sur quel point précis ce décret pourra s'écarter du droit commun.

e) Le volet réglementaire de la réforme

Afin notamment de mettre en œuvre l'ordonnance du 12 novembre 2004, le gouvernement a soumis à la consultation des partenaires sociaux un projet de décret révisant le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 précité. Ce projet, ajusté suite à cette consultation, a été inscrit à l'ordre du jour du Conseil des ministres du 30 mars. On peut présenter les principaux points de ce texte - lequel devrait être publié dans les jours suivant le dépôt du présent rapport -, qui concernent en particulier le décompte trimestriel du temps de service et la réforme du repos compensateur.

S'agissant des temps de service hebdomadaires et de leur décompte sur des périodes de référence plus longues, le tableau ci-après récapitule les aménagements proposés.

Conformément à ce qu'autorise l'ordonnance du 12 novembre, les heures supplémentaires pourraient être décomptées sur une base trimestrielle, y compris pour les convoyeurs de fonds et conducteurs de messageries. Restent définies comme heures supplémentaires toutes celles effectuées au-delà des durées hebdomadaires ou désormais trimestrielles de temps de service.

Le projet de décret répond à une préoccupation exprimée par les organisations de salariés en précisant que les trimestres (ou les quadrimestres par accord collectif) sur lesquels le temps de travail sera décompté seront nécessairement calendaires (pour les trimestres, janvier-mars, puis avril-juin, etc.). Par ailleurs, il est à noter que le régime conventionnel de majoration des heures « non supplémentaires » effectuées entre trente-cinq heures et le temps de service et décomptées sur une base hebdomadaire ou mensuelle reste en place.

Temps de service et maxima hebdomadaires : les modifications proposées

Temps de service

Durée moyenne hebdomadaire maximale

Durée maximale sur une semaine isolée

« Grands routiers »

Inchangé :
43 heures, mais il est précisé que cela représente
559 heures par trimestre

Portée de 50 à
53 heures sur une période de référence portée d'un à trois mois, voire quatre par accord collectif

Inchangée :
56 heures

Autres personnels roulants marchandises

Inchangé :
39 heures, mais il est précisé que cela représente
507 heures par trimestre

Portée de 48 à 50 heures sur une période de référence portée d'un à trois mois, voire quatre par accord collectif

Portée de 48
à 52 heures

Convoyeurs de fonds, messageries

Inchangé :
35 heures, mais il est précisé que cela représente
455 heures par trimestre

44 heures (inchangée) sur une période de référence trimestrielle ou quadrimestrielle par accord collectif

Inchangée :
48 heures

Le régime du repos compensateur serait fortement simplifié et moins favorable aux salariés que les dispositifs en vigueur : il y aurait un repos compensateur trimestriel d'une journée à partir de la quarante et unième heure supplémentaire par trimestre, une journée et demie à partir de quatre-vingtième et deux et demies au-delà de la cent huitième.

La nouvelle rédaction du décret ouvrirait par ailleurs une porte (en renvoyant implicitement à un éventuel futur accord de branche ou décret en Conseil d'Etat) pour permettre un décompte des périodes où un deuxième chauffeur ne conduit pas selon le régime général des équivalences, lequel permet de considérer que des périodes d'inaction où le salarié est cependant à la disposition de l'employeur (par exemple des gardes dans des établissements médico-sociaux) ne comptent que pour partie comme travail effectif.

Cette nouvelle rédaction fixerait enfin un plafond différent à la durée quotidienne du travail effectif, toujours limitée à dix heures avec deux dérogations à douze par semaine, et à celle du temps de service, portée à douze.

B. Les rectifications proposées par le gouvernement

Selon les termes mêmes de l'exposé des motifs du présent projet de loi, les modifications proposées par le gouvernement dans le texte de l'ordonnance du 12 novembre 2004 constituent seulement des « corrections destinées à [en] améliorer la compréhension ».

Les paragraphes II et III du présent article unique reviennent sur les articles 2 et 3 de l'ordonnance. Le second alinéa de cet article 3 a inséré dans l'article L. 213-2 du code du travail, qui définit le « travailleur de nuit », des renvois au nouvel article L. 213-11 créé par l'ordonnance, renvois justifiés par la référence dans cette définition à la notion de période de nuit pour laquelle l'article L. 213-11 instaure une définition alternative dérogatoire dans les transports. Il est proposé de supprimer ce second alinéa et d'expliciter plutôt à l'article L. 213-11 lui-même le lien à faire entre la définition générale du travailleur de nuit (qui reste applicable dans les transports) et celle, dérogatoire, de la période de nuit dans ce secteur.

Le paragraphe IV modifie l'article 7 de la loi Aubry I précitée tel qu'il est réécrit par l'article 6 de l'ordonnance (afin de réintégrer dans le champ du code du travail, en ce qui concerne le repos quotidien et les pauses, les transports terrestres et fluviaux). Il s'agit d'y supprimer la mention des personnels employés sur les navires (maritimes), mention superflue puisque ces salariés ne sont pas régis par le code du travail, mais par le code du travail maritime : cela n'a donc pas de sens de les exclure du champ d'application de telle ou telle disposition d'un code du travail qui par définition ne les concerne pas.

*

La commission a examiné l'amendement n° 1 du gouvernement modifiant les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance du 12 novembre 2004 en matière de travail de nuit.

Le rapporteur a précisé qu'alors que la durée maximale du travail quotidien des chauffeurs routiers est de dix heures, avec deux dérogations à douze heures par semaine, l'ordonnance prévoit pour les travailleurs de nuit des transports un plafond quotidien de huit heures en moyenne, ce qui serait très contraignant. Le gouvernement propose de n'appliquer dans les transports routiers, en cas de travail de nuit, que le plafond absolu de dix heures par jour issu du droit communautaire, voie moyenne prenant en compte l'accord de branche sur le travail de nuit intervenu le 14 novembre 2001.

Le président Jean-Michel Dubernard a estimé que cet amendement est important, car il vise à tenir compte de la volonté des partenaires sociaux en respectant les accords de branche passés dans les transports routiers et la navigation fluviale.

La commission a adopté l'amendement, puis elle a adopté l'article unique du projet de loi ainsi modifié.

*

En conséquence, et sous réserve de l'amendement qu'elle propose, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports - n° 1966.

TABLEAU COMPARATIF

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Ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports

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Texte du projet de loi

___

Propositions de la

Commission

___

Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports

Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports

Article unique

Article unique

Art. 1er. - Le chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail est complété par une section 7 ainsi rédigée :

« Section 7

« Dispositions particulières relatives à certains salariés du secteur des transports

I.- Les articles 1er, 4, 5 et 7 de l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports sont ratifiés.

I.- Non modifié

« Art. L. 212-18. - Les dispositions de la présente section s'appliquent aux salariés des entreprises de transport routier, de navigation intérieure, de transport ferroviaire ainsi que des entreprises assurant la restauration et exploitant les places couchées dans les trains. Toutefois elles ne s'appliquent pas aux salariés, soumis à des règles spéciales, de la Société nationale des chemins de fer français, des entreprises exploitant des voies ferrées d'intérêt local, de la Régie autonome des transports parisiens et des entreprises de transport public urbain régulier de voyageurs.

« Des décrets, pris après consultation des organisations syndicales représentatives au plan national des employeurs et des salariés des secteurs d'activité mentionnés au premier alinéa et au vu, le cas échéant, des résultats des négociations intervenues entre ces dernières, déterminent les conditions dans lesquelles il peut être dérogé :

« 1° Pour l'ensemble des salariés de ces entreprises, aux dispositions de l'article L. 212-7-1, afin de permettre l'organisation de la durée du travail sous forme de cycles de travail d'une durée pouvant aller jusqu'à douze semaines et sans que la répartition du travail à l'intérieur d'un cycle se répète à l'identique d'un cycle à l'autre ;

« 2° Pour les salariés des entreprises de transport routier et de navigation intérieure :

« a) A l'article L. 212-5, pour la période de référence servant au décompte des heures supplémentaires, sans que la période de référence soit supérieure à trois mois ;

« b) A l'article L. 212-5-1, en vue de déterminer le droit à un repos compensateur en fonction du seul nombre des heures supplémentaires effectuées et porter à trois mois au plus le délai dans lequel ce repos doit être pris ;

« c) A l'article L. 212-7, en ce qui concerne la durée maximale hebdomadaire moyenne de travail, dans la limite de quarante-six heures par semaine, calculée sur une période de référence de trois mois.

« Il peut être dérogé, par convention ou accord collectif étendu ou par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement à celles des dispositions de ces décrets qui sont relatives à l'aménagement et à la répartition des horaires de travail à l'intérieur de la semaine, aux conditions de recours aux astreintes, aux modalités de récupération des heures de travail perdues, à la période de référence sur laquelle est calculée la durée maximale hebdomadaire moyenne de travail et sont décomptées les heures supplémentaires, dans la limite de quatre mois, à l'amplitude de la journée de travail et aux coupures.

« Il peut être dérogé par convention ou accord collectif de branche étendu aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 212-8 pour le personnel navigant travaillant sur des bateaux exploités en relèves.

« Art. L. 212-19. - Le second alinéa du II de l'article L. 212-15-3 relatif aux salariés itinérants non cadres n'est pas applicable aux salariés appartenant au personnel roulant des entreprises de transport routier. »

Art. 4. - Le chapitre préliminaire du titre II du livre II du code du travail est complété par un article L. 220-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 220-3. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux salariés des entreprises de transport routier, de navigation intérieure, de transport ferroviaire ainsi que des entreprises assurant la restauration et exploitant les places couchées dans les trains. Toutefois elles ne s'appliquent pas aux salariés, soumis à des règles spéciales, de la Société nationale des chemins de fer français, des entreprises exploitant des voies ferrées d'intérêt local, de la Régie autonome des transports parisiens et des entreprises de transport public urbain régulier de voyageurs.

« A défaut d'accord prévu à l'article L. 220-1 et lorsque les caractéristiques particulières de l'activité le justifient, un décret peut prévoir les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à la durée minimale de repos quotidien fixée à onze heures consécutives.

« En outre, par dérogation à l'article L. 220-2, pour les personnels roulants ou navigants des entreprises relevant du premier alinéa ci-dessus à l'exception des entreprises de transport routier, une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir le remplacement de la période de pause par une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante.

« Les salariés appartenant au personnel roulant des entreprises de transport routier bénéficient d'une pause d'au moins trente minutes lorsque le temps total de leur travail quotidien est supérieur à six heures, le temps de pause étant porté à au moins quarante-cinq minutes lorsque le temps total de leur travail quotidien est supérieur à neuf heures. Les pauses peuvent être subdivisées en périodes d'une durée d'au moins quinze minutes chacune. L'application de ces dispositions ne peut avoir pour effet de réduire les pauses dues à raison du temps de conduite en application du règlement (CEE) n° 3820/85 du 20 décembre 1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route. »

Art. 5. - Le second alinéa de l'article L. 221-1 du code du travail est remplacé par les dispositions suivantes :

« Pour les salariés des entreprises de transport routier, de navigation intérieure, de transport ferroviaire et des entreprises assurant la restauration ainsi que l'exploitation des places couchées dans les trains, elles s'appliquent selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Elles ne s'appliquent pas aux salariés, soumis à des règles spéciales, de la Société nationale des chemins de fer français, des entreprises exploitant des voies ferrées d'intérêt local, de la Régie autonome des transports parisiens et des entreprises de transport public urbain régulier de voyageurs. »

Art. 7. - Le Premier ministre, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, le ministre délégué aux relations du travail et le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Art. 2. - Le chapitre III du titre Ier du livre II du code du travail est complété par une section 3 ainsi rédigée :

II.- L'article 2 de la même ordonnance est ratifié sous réserve de la modification suivante :

II.- L'article ...

... réserve des modifications suivantes à l'article L. 213-11 du code du travail :

« Section 3

« Dispositions particulières relatives à certains salariés du secteur des transports

« Art. L. 213-11. - Les dispositions de la présente section s'appliquent aux salariés appartenant au personnel roulant ou navigant des entreprises de transport routier, de navigation intérieure, de transport ferroviaire ainsi que des entreprises assurant la restauration et exploitant les places couchées dans les trains. Toutefois, elles ne s'appliquent pas aux salariés, soumis à des règles spéciales, de la Société nationale des chemins de fer français, des entreprises exploitant des voies ferrées d'intérêt local, de la Régie autonome des transports parisiens et des entreprises de transport public urbain régulier de voyageurs.

« I. - Tout travail entre 22 heures et 5 heures est considéré comme travail de nuit.

« Une autre période de sept heures consécutives, comprise entre 21 heures et 7 heures mais comprenant en tout état de cause l'intervalle entre 24 heures et 5 heures, peut être substituée à la période fixée à l'alinéa précédent par une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement. A défaut d'accord et lorsque les caractéristiques particulières de l'activité de l'entreprise le justifient, cette substitution peut être autorisée par l'inspecteur du travail après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel s'ils existent.

Le I de l'article L. 213-11 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Le I est complété ...

... rédigé :

« Pour l'application de l'article L. 213-2 relatif à la définition du travailleur de nuit, la période nocturne à retenir est celle définie ci-dessus. »

« Pour ...

...celle définie en application des deux alinéas précédents. »

« II. - La durée quotidienne de travail effectuée par un travailleur de nuit ne peut excéder huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures sur une période de référence définie par convention ou accord collectif étendu ou, à défaut, par décret en Conseil d'Etat pris après consultation des organisations syndicales représentatives au plan national des employeurs et des salariés des secteurs d'activité intéressés.

« Il peut être dérogé à la durée quotidienne de travail fixée à l'alinéa précédent par convention ou accord collectif étendu ou par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement, sous réserve que ces conventions ou accords prévoient en contrepartie des périodes de repos compensateur dont ils déterminent la durée. Pour les personnels roulants des entreprises de transport ferroviaire et les personnels des entreprises assurant la restauration ainsi que l'exploitation des places couchées dans les trains, ces conventions ou accords doivent prévoir des périodes équivalentes de repos compensateur.

2° Le dernier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les personnels navigants des entreprises de navigation intérieure, une convention ou un accord de branche peuvent déroger à la durée quotidienne de travail fixée à l'alinéa précédent, sous réserve de prévoir une durée quotidienne du travail des travailleurs de nuit qui n'excède pas douze heures par période de vingt-quatre heures et que ceux-ci bénéficient, outre des jours de repos et de congés légaux, de jours de repos supplémentaires en nombre suffisant. »

3° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables au personnel roulant des entreprises de transport routier. »

4° Le III est ainsi rédigé :

« III. - Lorsqu'un salarié appartenant au personnel roulant d'une entreprise de transport routier accomplit, sur une période de vingt-quatre heures, une partie de son travail dans l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures, la durée quotidienne de son travail ne peut excéder dix heures conformément au second alinéa de l'article L. 212-1. Il ne peut être dérogé à ces dispositions qu'en cas de circonstances exceptionnelles, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret pris après consultation des organisations syndicales représentatives au plan national des employeurs et des salariés du secteur. »

« III.- La durée quotidienne du travail d'un salarié appartenant au personnel roulant d'une entreprise de transport routier ne peut excéder dix heures conformément au second alinéa de l'article L. 212-1 lorsque ce salarié est un travailleur de nui ou lorsqu'il accomplit, sur une période de vingt-quatre heures, une partie de son travail dans l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures. Il ne peut être dérogé à ces dispositions qu'en cas de circonstances exceptionnelles dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret après consultation des organisations syndicales représentatives au plan national des employeurs et des salariés du secteur. »

5° Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« IV.- Les dispositions de l'article L. 212-3 ne sont pas applicables aux salariés relevant du présent article. »

Amendement n° 1 du Gouvernement

Art. 3. - Au premier alinéa de l'article L. 122-25-1-1 du code du travail, les mots : « à l'article L. 213-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 213-2 et L. 213-11 ».

Aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 213-2 du code du travail, les mots : « à l'article L. 213-1-1 » et : « de l'article L. 213-1-1 » sont remplacés, respectivement, par les mots : « aux articles L. 213-1-1 et L. 213-11 » et : « des articles L. 213-1-1 et L. 213-11 ».

III.- L'article 3 de la même ordonnance est ratifié sous réserve de la suppression de son second alinéa.

III.- Non modifié

Art. 6. - L'article 7 de la loi du 13 juin 1998 susvisée est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 7. - Les dispositions des articles L. 220-1 et L. 220-2 du code du travail ne s'appliquent pas aux personnels navigants de l'aviation civile et aux personnels employés sur les navires. »

IV.- L'article 6 de la même ordonnance est ratifié sous réserve de la suppression, à l'article 7 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, des mots : « et aux personnels employés sur les navires ».

IV.- Non modifié

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

_ Fédération nationale des transports routiers (FNTR) - M. Jean-Paul Deneuville, délégué général, et Mme Florence Berthelot, déléguée aux affaires juridiques et réglementaires

_ Union nationale des organisations syndicales des transporteurs routiers (UNOSTRA) - M. Christian Rose, secrétaire national, et M. Jean-Yves Thomas, président de la commission sociale

_ Fédération des entreprises de transport et logistique de France (TLF) - M. Alain Fauqueur, président, M. Hervé Cornède, délégué général, et Mme Laure Dubois, déléguée aux affaires sociales

_ CGT-Syndicat général de la marine fluviale - M. Daniel Depricq, secrétaire national, et M. Libauban, membre du secrétariat national

_ CFDT-Union fédérale route - M. Patrice Huart, secrétaire général

_ CGT-Fédération nationale des syndicats de transports - Mme Sylvette Concas, secrétaire du bureau fédéral, M. Patrick Vancraeyenest et M. Dominique Cornil, membres du bureau fédéral

_ FO-Fédération nationale des transports - M. Gérard Apruzzese, secrétaire général, et M. Thierry Ecoffard, secrétaire général-adjoint

_ Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) - M. Philippe Détré, président, M. Serge Nossovitch, secrétaire général, et M. Henry, responsable des affaires sociales

_ Comité des armateurs fluviaux (CAF) - M. Jean-François Dalaise, président

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N° 2220 - Rapport sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports (M. Yves Boisseau)

1 () Il est à noter que ce règlement est en cours de révision : une proposition en ce sens a fait l'objet d'un accord politique au Conseil des ministres des transports en juin 2004, puis d'une position commune en décembre. Les modifications envisagées sont limitées mais devraient permettre de mieux identifier la semaine de conduite et son lien avec la semaine de travail.

2 () Ce sont cette directive de 1993 et celle qui en a étendu en 2000 le champ au secteur des qui sont visées par la loi d'habilitation lorsqu'elle mentionne la transposition de la « directive 2000/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 2000 modifiant la directive 93/104/CE du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail afin de couvrir les secteurs et activités exclus de ladite directive ».

3 () « Mission parlementaire Transport routier de marchandises », février 2004, Francis Hillmeyer.

4 () Entre les Etats-membres ayant voulu, comme la France, définir ce « temporaire » et la Commission européenne.

5 () Le plus souvent, le code du travail conditionne les dérogations à la règle légale, soit à des situations exceptionnelles, soit à la conclusion d'un accord collectif.

6 () Voir notamment l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 novembre 2001, Fédération nationale des transports FO- Fédération générale des transports de l'équipement CFDT, dans lequel la juridiction a annulé pour défaut de base légale les dispositions du décret n° 2000-69 du 27 janvier 2000 qui fixaient un régime spécifique d'heures supplémentaires et de repos compensateur dans les transports routiers, ainsi que celles y prévoyant un temps de travail hebdomadaire maximal excédant le plafond légal général de quarante-huit heures majoré des « heures d'équivalence » instituées par le décret.

7 () On rappelle que le temps de travail du salarié français « ordinaire » (sans application de dispositifs dérogatoires) est en principe mesuré et géré sur une base quotidienne et hebdomadaire : la journée de travail effectif ne peut excéder dix heures et un repos quotidien de onze heures doit être observé ; la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures par semaine, les heures décomptées en sus dans la semaine étant des heures supplémentaires, sans qu'un plafond de quarante-huit heures ne puisse être dépassé ; enfin, un repos dominical est dû.

8 () Il est significatif à cet égard que ce soit l'élargissement à vingt-cinq qui justifie principalement, dans la lettre que lui a adressée le Premier ministre le 27 août 2003, la mission confiée à M. Hillmeyer.


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