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le 26 avril 2005

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N° 2251

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 avril 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 1893, autorisant l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles,

PAR M. JEAN-MARC NESME,

Député

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INTRODUCTION 5

I - LE CONTENU DE LA CONVENTION ET DU PROTOCOLE 7

A - LA NÉCESSITÉ DE SAUVEGARDER LE PATRIMOINE AUDIOVISUEL EUROPÉEN 7

B - LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION ET L'OBLIGATION DE DÉPÔT LÉGAL 8

II - QUELQUES AJUSTEMENTS NÉCESSAIRES EN DROIT INTERNE 11

A - LE DISPOSITIF FRANÇAIS DE DÉPÔT LÉGAL DES IMAGES 11

B - LES AJUSTEMENTS NÉCESSAIRES 12

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

ETAT DES RATIFICATIONS 19

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles (n° 1893). Le texte de la Convention a été ouvert à la signature à Strasbourg le 8 novembre 2001. Le projet de loi s'y rapportant a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 3 novembre 2004.

La convention et le protocole, élaborés dans le cadre du Conseil de l'Europe, visent à généraliser la conservation des images en instaurant un dépôt légal des films de cinéma et de télévision dans l'ensemble des Etats membres du Conseil. Les règles françaises en la matière sont pour l'essentiel compatibles avec les stipulations de cette Convention. Quelques ajustements seront néanmoins nécessaires.

I - LE CONTENU DE LA CONVENTION ET DU PROTOCOLE

A - La nécessité de sauvegarder le patrimoine audiovisuel européen

Le Conseil de l'Europe mène depuis son origine une importante action dans le domaine de la coopération culturelle. A ce titre, il a cherché à favoriser la promotion du cinéma en Europe comme en attestent les actes suivants : la recommandation sur le cinéma et l'Etat (1979), la recommandation sur la conservation du patrimoine cinématographique européen (1985), la résolution relative à l'Année européenne du cinéma et de la télévision (1987), la recommandation relative à la distribution des films en Europe (1987), la résolution instituant le Fonds Eurimages (1988), la recommandation sur le cinéma pour enfants et adolescents (1990). La convention et le protocole dont l'Assemblée nationale est saisie s'inscrivent dans le prolongement de ces différentes décisions du Conseil.

Alors que dans la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe la sauvegarde du patrimoine audiovisuel dépend uniquement de dépôts volontaires, la généralisation du système du dépôt légal doit permettre d'écarter le risque de voir disparaître certaines œuvres du patrimoine audiovisuel européen.

Il est certes nécessaire de collecter les films, mais aussi d'éviter qu'ils ne se dégradent dans le temps. Les films les plus anciens, sur nitrate, souffrent d'une décomposition qui entraîne l'effacement progressif des images. Les films en triacétate, qui se sont imposés à partir des années cinquante, sont également affectés d'une dégradation dénommée « syndrome du vinaigre », qui cause leur dégradation irréversible en l'absence de bonnes conditions d'entreposage. Dans la période la plus récente, le développement des techniques numériques apporte des solutions intéressantes à ces problèmes de conservation, encore faut-il développer des techniques de gestion à long terme des données numérisées.

La Convention du Conseil de l'Europe sur la sauvegarde du patrimoine audiovisuel et son protocole entendent répondre à ce défi. Elle pose ainsi le principe de la collecte et de la conservation des productions audiovisuelles dans le respect des conventions internationales existantes applicables en la matière :

-  la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (1886, révisée par l'Acte de Paris en 1971) ;

-  la Convention de Rome sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion (1961) ;

-  la Convention pour la protection des producteurs de phonogrammes contre la reproduction non autorisée de leurs phonogrammes (1971) ;

-  l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent le commerce (ADPIC, 1994) ;

-  le Traité de l'Office mondial de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d'auteur (1991) ;

-  le Traité de l'OMPI sur les interprétations / exécutions et les phonogrammes (1996).

B - Le champ d'application de la convention et l'obligation de dépôt légal

Le patrimoine audiovisuel concerne non seulement le cinéma, mais également la télévision, la vidéo et, de plus en plus, les produits du multimédia, de l'interactivité, ainsi que d'autres produits en cours de développement au moyen des nouvelles technologies de l'information et de la communication. C'est ce vaste ensemble qui doit être protégé. Pour cette raison, la Convention, dans ses principes, s'applique à l'ensemble des « images en mouvement ». Dans ce contexte, les supports ne sont pas explicitement mentionnés, rendant ainsi possible l'application de la Convention à toute nouvelle forme d'expression audiovisuelle.

Les modalités d'application du dépôt légal aux images en mouvement autres que les œuvres cinématographiques doivent être précisées dans des protocoles élaborés ultérieurement, conformément à l'article 18, paragraphe 1 de la Convention. Le premier protocole conclu à cette fin concernant la protection des productions télévisuelles a été joint à la Convention dans le cadre de la procédure d'approbation par les autorités françaises. En revanche ni le son, ni l'image fixe, ne sont couverts par la Convention, leur protection étant assurée par d'autres textes.

La définition de la notion d'images en mouvement se fonde sur la recommandation adoptée par l'Unesco lors de sa XXIème session le 27 octobre 1980 :

« On entend par images en mouvement toute série d'images fixées sur un support (quelles que soient la méthode de captation et la nature du support - notamment film, bande, disque, etc. - utilisées initialement ou ultérieurement pour les fixer), accompagnées ou non d'une sonorisation qui, lorsqu'elles sont projetées, donnent une impression de mouvement et qui ont pour objet la communication ou la distribution au public ou ont été réalisées à des fins de documentation ; elles seront présumées comprendre notamment les éléments appartenant aux catégories suivantes :

a.     productions cinématographiques (telles que longs métrages, courts métrages, films de vulgarisation scientifique, bandes d'actualité et documentaires, films d'animation et films didactiques) ;

b.     productions télévisuelles réalisées par ou pour les organismes de radiodiffusion,

c.     productions vidéographiques (contenues dans les vidéogrammes) autres que celles dont il est question aux alinéas (a) et (b) ci-dessus. »

La Convention distingue les organismes devant recueillir le dépôt légal, de ceux devant recevoir le dépôt volontaire. S'agissant des organismes d'archives, elle insiste sur la nécessité de protéger les images en mouvement faisant partie du patrimoine audiovisuel, dans le but de garantir l'existence d'au moins un exemplaire de chaque oeuvre. Quant aux organismes de dépôt volontaire, comme les cinémathèques, la Convention indique que leur mission présente avant tout un caractère culturel. Sous réserve de respecter cette distinction, les Parties peuvent décider que soient réunis en une seule et même structure les deux types de dépôt de ces images.

Dès l'entrée en vigueur de la Convention, chaque Partie est tenue d'instituer un système de dépôt légal pour toutes les œuvres cinématographiques. Aucun système d'échantillonnage ne peut leur être appliqué, ce qui leur garantit une protection absolue. En revanche, le protocole sur la protection des productions audiovisuelles prévoit, compte tenu de la masse d'images produites pour la télévision, un échantillonnage dont les règles doivent être définies par les Parties.

La Convention ne détermine pas les modalités de dépôt légal des images en mouvement autres que les œuvres cinématographiques. Aussi, elle renvoie à des protocoles additionnels le soin de définir les conditions et les modalités pratiques de collecte et de conservation de ces images. Ces protocoles devront prendre en considération la spécificité de chacune des catégories d'images concernées, ainsi que des progrès technologiques.

Afin d'éviter une charge financière trop lourde pour les Parties, la Convention ne prévoit pas d'obligation rétroactive de dépôt légal. Les œuvres produites antérieurement à la signature de la présente Convention pourront faire l'objet d'un dépôt volontaire. De même, seules les productions nationales sont visées par l'obligation de dépôt légal. Comme le précise la Convention européenne sur la coproduction cinématographique du 2 octobre 1992, on entend par « production nationale », les images en mouvement dont le producteur ou l'un au moins des coproducteurs a son siège ou sa résidence habituelle sur le territoire de l'Etat intéressé.

Les modalités des trois obligations imposées - la conservation, la restauration et la disponibilité à des fins scientifiques, culturelles et de recherche - doivent être réglées dans le droit interne de chaque Partie. Celui-ci tiendra compte de l'ensemble des intérêts publics, dans les limites du respect des droits d'auteur et des droits voisins.

Le dépôt légal prévu par la Convention concerne les images en mouvement destinées à être montrées au public. Cette formule inclut dans le champ d'application de la Convention d'éventuelles œuvres, inachevées ou non distribuées au public, notamment à cause de censures.

La Convention ne crée aucune obligation s'agissant des produits non nationaux. Toutefois, chaque Partie reste libre d'étendre la portée du dépôt légal volontaire et de décider, par exemple, de recueillir le dépôt des images en mouvement distribuées sur son territoire national. Ce principe reste valable pour toute disposition de la présente Convention, laquelle ne fixe que des standards minimaux.

Enfin, un comité permanent sera chargé du suivi de la Convention. Ce comité procédera notamment à l'examen de son fonctionnement et de sa mise en œuvre. Il sera composé de représentants des Parties à la Convention.

II - QUELQUES AJUSTEMENTS NÉCESSAIRES EN DROIT INTERNE

A - Le dispositif français de dépôt légal des images

Pour l'essentiel, la France satisfait d'ores et déjà aux obligations énumérées par la Convention et son protocole. La loi n° 92-546 du 20 juin 1992 (modifiée par l'ordonnance du 20 février 2004) et le décret d'application n°93-1429 du 31 décembre 1993 régissent actuellement le dépôt légal sur le territoire français.

Le dépôt légal est organisé en vue de permettre :

-  la collecte et la conservation des documents de toute nature publiés, produits ou diffusés en France ;

-  la constitution et la diffusion de bibliographies nationales ;

-  la consultation des documents, sous réserve des secrets protégés par la loi, dans des conditions conformes à la législation sur la propriété intellectuelle et compatibles avec leur conservation.

Le dépôt légal s'applique aux documents imprimés, graphiques, photographiques, sonores, audiovisuels, multimédias, quel que soit leur procédé technique de production, d'édition ou de diffusion, dès lors qu'ils sont mis à la disposition d'un public. Il concerne également les progiciels, les bases de données, les systèmes experts et les autres produits de l'intelligence artificielle, dès lors qu'il sont mis à disposition du public par la diffusion d'un support matériel, quelle que soit la nature de ce support.

La recherche d'une meilleure adéquation entre le dépôt légal et la nature des productions culturelles contemporaines a conduit à élargir la liste des documents concernés par l'obligation de dépôt et à répartir la responsabilité de leur gestion entre plusieurs organismes.

Les organismes dépositaires sont les suivants :

-  le Centre national de la cinématographie (CNC) pour l'ensemble des vidéogrammes fixés sur support photochimique, ainsi que les matériels de promotion des films ;

-  la Bibliothèque nationale de France (BNF) pour les documents imprimés et graphiques de toutes sortes, notamment les livres, périodiques, brochures, estampes, gravures, cartes postales, affiches, cartes, plans, globes et atlas géographiques, partitions musicales, chorégraphies et documents photographiques, ainsi que les progiciels, bases de données et systèmes experts (cédéroms, disquettes ...), les phonogrammes de toute nature, les vidéogrammes non fixés sur support photochimique, les documents multimédias ;

-  l'Institut national de l'audiovisuel (INA) pour les documents sonores et audiovisuels radiodiffusés et télédiffusés et leurs documents d'accompagnement ;

-  le ministère de l'Intérieur pour les documents de toute nature, édités ou importés en France métropolitaine, tels les livres, cartes, plans, partitions musicales, cartes postales, gravures, affiches et autres, à la condition qu'il s'agisse de documents imprimés, ce qui exclut les photocopies ou les manuscrits.

Sont également déposées toutes les publications dites « périodiques » :

-  au ministère de l'Intérieur lorsque le siège social de l'éditeur ou importateur est situé à Paris ;

-  à la préfecture du ressort, lorsque le siège social de l'éditeur ou importateur est situé hors de Paris.

La Cinémathèque française a par ailleurs joué un rôle pionnier en matière de conservation des films. Fondée en 1936 par Henri Langlois, Georges Franju, Paul-Auguste Harlé et Jean Mitry, la Cinémathèque est une association à but non lucratif dont la mission est de conserver et montrer au public le patrimoine cinématographique français et étranger sous toutes ses formes : les films, mais aussi tous les éléments significatifs de leur conception (scénarios, maquettes...), de leur fabrication (décors, costumes, appareils...), de leur diffusion (affiches, photographies...) et de leur accompagnement intellectuel (recherche historique, esthétique...). La Cinémathèque française est aujourd'hui le dépositaire de plus de 40 000 films, 120 courts métrages, 1 500 objets, 1 000 costumes.

B - Les ajustements nécessaires

Le dépôt légal des œuvres cinématographiques effectué au CNC concerne uniquement les vidéogrammes fixés sur support photochimique, conformément à l'article 2-1 du code de l'industrie cinématographique. Le champ d'application de la Convention, qui s'étend à l'ensemble des « images en mouvement », est plus large, puisqu'il inclut les films sur support numérique. A l'heure actuelle, les vidéogrammes sur support numérique sont déposés à la BNF, quand bien même ils constituent des supports d'exploitation d'œuvres cinématographiques. Une modification du code de l'industrie cinématographique est donc souhaitable, afin que l'ensemble des œuvres cinématographiques, quels que soient leur support (photochimique et numérique), soient toutes déposées auprès du CNC.

L'obligation de dépôt légal prévue par la convention s'applique aux œuvres destinées à être diffusées en salle, y compris si celles-ci ne l'ont pas été ou si elles n'ont pas été communiquées au public. La loi du 20 juin 1992 dispose que « les documents (...) font l'objet d'un dépôt obligatoire (...) dès lors qu'ils sont mis à la disposition d'un public ». Par ailleurs, le décret du 31 décembre 1993 n'astreint au dépôt légal que les documents cinématographiques ayant obtenu un visa d'exploitation et qui sont représentés pour la première fois sur le territoire national dans une salle de spectacle cinématographique. Ces deux dispositions devront être modifiées afin de permettre l'application pleine et entière de la convention.

Enfin, la convention impose le dépôt légal des œuvres cinématographiques « produites ou coproduites sur le territoire de la partie concernée ». Cette exigence n'existe pas en droit français, puisqu'il ne prévoit pas d'obligation de dépôt légal pour les œuvres coproduites sur le territoire national, mais présentées pour la première fois au public dans un autre pays. Si la convention prévoit une dispense dès lors qu'un mécanisme de coopération entre les Etats signataires est mise en œuvre, il pourrait néanmoins être utile d'insérer une disposition en ce sens dans le système législatif et réglementaire en vigueur.

CONCLUSION

A ce jour, la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel a été signée par 12 Etats : l'Autriche, la Bulgarie, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Islande, la Lituanie, Monaco, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie et la Turquie. Seuls deux de ces Etats l'ont ratifiée : la Lituanie et Monaco.

Alors que notre pays est attaché à la diversité culturelle et qu'il défend le développement de la production cinématographique européenne, la ratification rapide de cette convention par la France constituerait un geste utile. Pour cette raison, votre Rapporteur propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 13 avril 2005.

Après l'exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 1893).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1893).

Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel

Traité ouvert à la signature des Etats membres et des autres Etats Parties à la Convention culturelle européenne, ainsi qu'à celle de la Communauté européenne, et à l'adhésion des autres Etats membres

Ouverture à la signature : le 8 novembre 2001 à Strasbourg

Entrée en vigueur : conditions : 5 ratifications comprenant 4 Etats membres

Situation au 22 mars 2004 - Etats membres du Conseil de l'Europe

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Etats non membres du Conseil de l'Europe

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Organisations internationales

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Renvois :a.: Adhésion - s.: Signature sans réserve de ratification - su.: Succession - r.: signature "ad referendum".
R.: Réserves - D.: Déclarations - A.: Autorités - T.: Application territoriale - C.: Communication - O.: Objection.

Source : Bureau des Traités sur http://conventions.coe.int

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N° 2251 -Rapport sur le projet de loi n° 1893, autorisant l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles (Jean-Marc Nesme)


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