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le 13 juillet 2005

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N° 2451

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 juillet 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2234, autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Communauté du Pacifique,

PAR M. ERIC RAOULT,

Député

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INTRODUCTION 5

I - LA COMMUNAUTÉ DU PACIFIQUE : LA PLUS ANCIENNE ORGANISATION DE LA RÉGION 7

A - L'OBJET DE CETTE COMMUNAUTÉ : APPORTER UNE ASSISTANCE TECHNIQUE AUX ETATS ET TERRITOIRES DE LA RÉGION 7

1) De la Commission du Pacifique Sud ... 7

2) ... A la Communauté du Pacifique 7

B - SON FONCTIONNEMENT 8

1) Les organes internes 8

2) Les politiques menées par la Communauté du Pacifique 9

3) Le financement de la Communauté 10

C - LES ENJEUX ACTUELS 12

1) Favoriser une meilleure coordination entre les organisations dans le Pacifique 12

2) Maintenir le fonctionnement efficace de la CPS 13

D - LA PLACE DES COLLECTIVITÉS FRANÇAISES D'OUTRE MER 14

1) La présence des collectivités françaises d'outre-mer au sein de la Communauté du Pacifique 14

2) Le rôle de la Nouvelle-Calédonie dans la négociation de l'accord de siège et la consultation des collectivités d'outre-mer du Pacifique 15

II - UN NOUVEL ACCORD DE SIÈGE 17

A - L'OBJET DE L'ACCORD 17

1) Le siège de la Communauté et ses implantations locales 17

2) Les raisons justifiant la conclusion d'un nouvel accord de siège 17

B - LE CONTENU DE L'ACCORD 18

1) Personnalité juridique de la CPS 18

2) Inviolabilité 18

3) Privilèges et immunités de la CPS 18

4) Privilèges et immunités des représentants et du personnel 19

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale est saisie du projet de loi n° 2234 autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Communauté du Pacifique. L'occasion nous est ainsi offerte de nous pencher sur le rôle de la Communauté du Pacifique, très active dans cette partie du monde marquée par sa complexité.

L'Océan Pacifique couvre, en effet, 180 millions de km², - soit le tiers de la planète - et s'étire des Philippines à Panama sur une longueur de 17 500 km, soit la moitié de la circonférence du globe. Hors l'Australie et la Nouvelle-Zélande, le Pacifique compte huit millions d'habitants, dont plus de cinq millions vivent en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Les 55 000 km² de terres émergées se répartissent en trois grandes aires géographiques : la Mélanésie (ensemble formé par la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon, Vanuatu, la Nouvelle-Calédonie et Fidji) ; la Polynésie (Hawaï, les îles Cook, Niue, la Polynésie française, les Samoa américaines, le Samoa, Tokelau, Tonga, Tuvalu, Wallis et Futuna) ; la Micronésie (les îles Mariannes du Nord, Guam, Palau, les Etats fédérés de la Micronésie, les îles Marshall, Nauru, Kiribati).

Cette myriade d'archipels au niveau de vie souvent bas a besoin d'une entité fédératrice qui soit en mesure de coordonner les efforts engagés pour assurer le développement de ces îles. La Communauté du Pacifique joue ce rôle de manière active.

Le siège de cette organisation se trouve à Nouméa. La France est membre de cette instance comme la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna. En outre, le français constitue l'une de ses deux langues de travail avec l'anglais. Tout nous porte donc à nous intéresser à cette organisation régionale, la plus ancienne dans le Pacifique.

I - LA COMMUNAUTÉ DU PACIFIQUE :
LA PLUS ANCIENNE ORGANISATION DE LA RÉGION

A - L'objet de cette Communauté : apporter une assistance technique aux Etats et territoires de la région

1) De la Commission du Pacifique Sud ...

C'est la Convention de Canberra qui crée, en 1947, la Commission du Pacifique Sud (CPS). Elle est conçue, dès l'origine, comme une institution apolitique dont l'objet est d'apporter une assistance technique aux pays de la région sur laquelle elle concentre son action.

La CPS agit en partenariat avec les États et territoires membres ainsi qu'avec d'autres organisations et bailleurs de fonds afin de mettre en œuvre des programmes destinés à renforcer les compétences techniques, professionnelles, scientifiques et les capacités de recherche, de planification et de gestion des populations océaniennes. Elle s'efforce de fournir directement aux Etats et territoires insulaires de la région les informations et conseils nécessaires avec pour objectif de leur permettre de décider, en pleine connaissance de cause, de leur développement et de leur bien-être futurs.

2) ... A la Communauté du Pacifique

Après cinquante années de fonctionnement il a été décidé, en 1998, de changer la dénomination de cette organisation qui est devenue ainsi la Communauté du Pacifique. Toutefois, par commodité, le sigle « CPS » est toujours utilisé et signifie « Communauté du Pacifique-Secrétariat ». Cette évolution a été justifiée notamment par l'entrée de plusieurs Etats dans l'organisation situés géographiquement au nord de l'équateur : Etats fédérés de Micronésie, Palau, Guam, Commonwealth des Mariannes du Nord, îles Marshall. Ces pays souhaitaient - ce qui est compréhensible - que soit supprimée toute référence au « sud » (1).

Lors de sa fondation, la CPS regroupait la France, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni ainsi que les Pays-Bas. Ces derniers s'en retirèrent en 1962 lorsqu'ils cessèrent d'administrer la Nouvelle-Guinée hollandaise, aujourd'hui Irian Jaya. Au fil de l'évolution institutionnelle des territoires de la région et du mouvement de décolonisation, l'organisation a accueilli en son sein tous les pays et territoires océaniens, quel que soit leur statut.

La Communauté du Pacifique regroupe aujourd'hui vingt-six membres dont vingt-deux États et territoires océaniens et quatre des pays fondateurs, le Royaume-Uni ayant décidé de mettre un terme à toute aide bilatérale et régionale directe aux pays insulaires et s'étant retiré de la CPS à compter du 1er janvier 2005.

Aujourd'hui les vingt-six membres de la Communauté du Pacifique sont : les États fédérés de Micronésie, Guam, les îles Cook, les îles Fidji, les îles Marianne du Nord, les îles Marshall, les îles Salomon, Kiribati, Nauru, Niue, la Nouvelle-Calédonie, Palau, la Papouasie-Nouvelle Guinée, Pitcairn, la Polynésie française, Samoa, les Samoa américaines, Tokelau, Tonga, Tuvalu, Vanuatu, Wallis et Futuna, l'Australie, la France, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis.

B - Son fonctionnement

1) Les organes internes

La Convention de Canberra du 6 février 1947 demeure le seul acte juridique contraignant fixant le cadre de l'organisation. Néanmoins la réunion de la Communauté du Pacifique qui s'est tenue, en 1999, à Papeete a abouti à l'adoption de la « Déclaration de Tahiti Nui », document de politique générale qui précise le mode de fonctionnement de la CPS.

L'organe directeur de l'organisation est la Conférence de la Communauté du Pacifique qui se réunit tous les deux ans dans un État ou un territoire qui se propose de l'accueillir. Elle est chargée d'élaborer les politiques de l'organisation.

De son côté, le Comité des Représentants des Gouvernements et Administrations (CRGA) se réunit tous les ans à Nouméa, les années où aucune Conférence de la Communauté n'est prévue. La Conférence rassemble les ministres des Etats et territoires membres alors que le CRGA est composée de hauts fonctionnaires. La prochaine conférence de la CPS se tiendra en novembre 2005 à Palau.

C'est le CRGA qui s'acquitte désormais d'une bonne partie des responsabilités naguère dévolues à la Conférence. Au sein de ces instances, les décisions sont prises à l'issue de débats fondés sur la tradition océanienne du consensus. A de plus rares occasions, si les efforts concertés n'ont pas permis de parvenir à un consensus, un vote peut avoir lieu.

La Conférence nomme un directeur général pour un mandat de deux ans renouvelable deux fois dans la limite de six ans. Ce poste est occupé aujourd'hui par Mme Lourdes Pangelinan, originaire de Guam, dont le troisième et dernier mandat arrivera à expiration le 31 décembre 2005. Le directeur général est assisté par deux directeurs généraux adjoints : le premier réside à Suva aux îles Fidji où il dirige l'antenne de la Communauté du Pacifique - il s'agit de M. Jimmie Rodgers, originaire des îles Salomon - et le second - M. Yves Corbel, ressortissant français - est installé à Nouméa.

Pour l'accomplissement de sa mission, le directeur général dispose d'un Secrétariat général doté d'un effectif de 217 agents dont 134 sont basés à Nouméa. Le Secrétariat général comprend trois grandes divisions : les ressources sociales qui relèvent du directeur général adjoint de Nouméa, les ressources terrestres dirigées par son collègue de Suva et les ressources marines directement placées sous la responsabilité du directeur général.

2) Les politiques menées par la Communauté du Pacifique

Chaque département de la Communauté du Pacifique développe des programmes spécifiques, le plus souvent en étroite collaboration avec d'autres organisations nationales ou internationales.

Le département des ressources marines s'illustre particulièrement au sein de la CPS. Il accorde une attention toute particulière à la gestion des stocks de thonidés dans le Pacifique occidental tropical. La pêcherie hauturière de thon, marlins et autres espèces assimilées passe, en effet, pour être l'une des rares pêcheries importantes qui ne soit pas encore surexploitée, ni même exploitée à pleine capacité. La CPS a donc depuis longtemps engagé d'importants programmes pour l'évaluation des stocks de thonidés dans cette zone. Elle aide aussi les Océaniens à affirmer davantage leur présence économique dans le secteur halieutique et développe de nombreuses activités en matière de formation, de gestion et d'évaluation des ressources ou d'information.

Le département « agriculture et foresterie », basé à Suva, a, de son côté, mis l'accent, au cours des derniers exercices, sur la lutte contre les nuisibles, la protection des végétaux, la formation paravétérinaire, le contrôle zoosanitaire, la valorisation et l'amélioration de la qualité des produits agricoles notamment en vue de l'exportation.

Dans les domaines suivis par le département des ressources sociales, la priorité stratégique reste la mise en valeur des ressources humaines. Elle s'accompagne toutefois de nouveaux axes et projets concernant la lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et les maladies à transmission vectorielle. En la matière, la France finance deux importants programmes, le premier avec l'Australie pour la mise au point d'une stratégie régionale de lutte contre le SIDA, le second avec la Nouvelle-Zélande en vue du renforcement du réseau océanien de la santé publique ; c'est le projet PREPARE. Les questions relatives à la jeunesse, à la promotion de la condition féminine et à la diffusion de la culture océanienne font également l'objet de programmes spécifiques.

Dans les années quatre-vingts, on a pu constater que la CPS traversait une période difficile. La diminution des ressources et une gestion parfois peu rigoureuse de certains projets ont semblé menacer la viabilité de l'organisation. A l'instigation de certains Etats-membres dont la France, la CPS a fini par adopter des mesures destinées à assurer son redressement et sa restructuration. Le directeur général de l'époque a engagé une courageuse politique de remise en ordre qui a porté ses fruits. Les finances ont été assainies, le secrétariat rationalisé et modernisé. Une mission d'audit indépendante effectuée en 2002, à la demande de l'Australie, a ainsi pu conclure que l'organisation était « saine et dynamique », tout en recommandant une « sécurisation » des ressources statutaires sur deux ou trois ans.

3) Le financement de la Communauté

Le financement de la Communauté du Pacifique est assuré par deux sources de revenus : les contributions statutaires versées par chacun de ses membres et les contributions volontaires. La clé de répartition des contributions volontaires a été modifiée lors de la dernière réunion du comité des représentants des gouvernements et administrations en novembre 2004 à Nouméa, pour tenir compte des conséquences du retrait britannique. Désormais, à compter de l'exercice 2005, les quatre États fondateurs assureront 90 % du financement statutaire : 32,55 % pour l'Australie, 19,27 % pour la France, 19,11 % pour les Etats-Unis et 19,07 % pour la Nouvelle-Zélande.

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Source : Ministère des Affaires étrangères

Ces contributions statutaires représentent un montant de 6 408 233 euros en 2005 soit le quart du budget total de la CPS. S'y ajoutent les contributions volontaires allouées tant par certains membres de l'organisation comme l'Australie, la France, la Nouvelle-Zélande en particulier, que par d'autres bailleurs de fonds. Sur un budget total de 24,37 millions d'euros pour l'exercice 2003, les ressources non statutaires, essentiellement sous forme de financement de projets, ont ainsi représenté près de 17,14 millions d'euros.

Si les pays fondateurs continuent de financer l'essentiel du budget statutaire, la part des autres donateurs est loin d'être négligeable, en particulier celle de l'Union européenne qui, avec 2,84 millions d'euros en 2003, est désormais le troisième contributeur net de l'organisation derrière l'Australie - 6,357 millions d'euros, soit 25,7 % du budget total de la CPS - et la Nouvelle-Zélande - 3,22 millions d'euros soit 13,21 %. La France se situe au quatrième rang des contributeurs avec 2,83 millions d'euros soit 11,6 % du budget total. Il convient cependant de souligner que la construction du nouveau siège de la Communauté du Pacifique à Nouméa s'est traduite, il y a quelques années, par un effort financier exceptionnel de la France représentant 85 % du coût de l'opération soit 13,4 millions d'euros.

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Source : Ministère des Affaires étrangères

L'importance de la Communauté du Pacifique pour les intérêts français dans cette partie du monde n'est pas à démontrer. Elle constitue la principale organisation de coopération de la région, organisation reconnaissant, en outre, le français comme langue de travail et dont le siège se situe à Nouméa. C'est également la seule organisation régionale - avec le Programme régional océanien de l'environnement - dont les trois collectivités françaises du Pacifique sont membres à part entière. C'est pourquoi la France a toujours veillé au maintien dans la durée de l'effort financier accompli en faveur de cette institution.

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Source : Ministère des Affaires étrangères

Si la situation de la Communauté du Pacifique est aujourd'hui satisfaisante, des questions demeurent en suspens, qu'il faut observer avec vigilance.

C - Les enjeux actuels

1) Favoriser une meilleure coordination entre les organisations dans le Pacifique

Une réflexion est actuellement menée pour améliorer la coordination entre les différentes instances régionales qui existent dans le Pacifique. Nul ne conteste le rôle moteur de la CPS considérée comme la principale organisation de coopération de la zone ; mais il existe plusieurs autres institutions qui ont pour vocation de répondre aux besoins spécifiques des pays insulaires.

Les principales d'entre elles sont la SOPAC (Commission océanienne de recherches géoscientifiques appliquées), le PROE (Programme régional océanien pour l'environnement) et la FFA (Agence des pêches du Forum). Le Forum des îles du Pacifique constitue, pour sa part, l'unique organisation politique régionale de l'Océanie.

Partant du constat que ce morcellement est préjudiciable à l'efficacité des politiques de développement, certains souhaitent un rapprochement voire une fusion de ces organisations pour qu'à terme ne demeurent plus que le Forum sur le plan politique et la Communauté du Pacifique sur le plan technique. Les îles Fidji ont ainsi le projet de rassembler sur leur territoire, sur le campus d'un « Pacific Village », qui pourrait être financé par la Chine, plusieurs organisations techniques de la région aux côtés du Forum des îles.

Le succès de la Communauté du Pacifique tient essentiellement au partage des tâches dans le Pacifique Sud entre cette organisation chargée d'un rôle d'assistance technique et, d'autre part, le Forum, instance de nature politique. Tel ne fut pas toujours le cas et, dans les années précédant la réforme de la Commission du Pacifique Sud, celle-ci s'est parfois transformée en tribune contre la présence française en Nouvelle-Calédonie et les essais nucléaires en Polynésie. Ce temps est désormais révolu. Il existe aujourd'hui une réelle complémentarité entre les deux organisations, comme l'a explicitement confirmé la déclaration de Tahiti Nui de 1999 en soulignant que « leurs rôles respectifs - vocation politique du Forum et orientation de la Communauté du Pacifique vers l'assistance technique - s'imbriquent de manière naturelle ». Un strict respect de cette répartition reste donc indispensable pour éviter que l'image de ces organisations ne soit brouillée.

La France doit, en tout état de cause, observer ces évolutions possibles avec intérêt en cherchant à préserver le rôle essentiel de la CPS qui, comme on l'a vu, constitue une instance où notre pays peut exercer son influence dans la région.

2) Maintenir le fonctionnement efficace de la CPS

Le fonctionnement de la CPS connaît quelques difficultés en raison de l'application de la règle du consensus « à l'océanienne ». Cette méthode se heurte parfois à des difficultés inévitables dans une organisation qui regroupe vingt-six membres. La déclaration de Tahiti Nui précédemment évoquée a rappelé que le vote doit être réservé à de « très rares occasions, lorsque des efforts concertés n'ont pas permis de parvenir à ce consensus ». Or, l'expérience montre que le recours au vote est devenu nécessaire dans des cas de plus en plus fréquents portant parfois sur des questions sensibles comme le vote du budget. Des clivages apparaissent à l'occasion de tels votes ; il ne faudrait pas que s'installent dans cette organisation des tensions qui seraient préjudiciables à la bonne marche de l'organisation.

L'accès des ressortissants insulaires aux différents postes du secrétariat pose également des questions. Faut-il systématiquement privilégier la compétence dans les critères de recrutement, ce qui risque de favoriser les ressortissants des États membres les plus développés ou, au contraire, s'efforcer de privilégier les candidats issus des petits pays insulaires ? De la réponse à cette question dépend non seulement le niveau des programmes de coopération qu'il convient de mettre en œuvre mais aussi le degré d'adhésion des petits États qui se reconnaîtront plus ou moins dans la politique menée par la CPS en fonction des orientations prises.

La question de l'usage du français au sein de cette organisation doit également faire l'objet d'une attention particulière de la part de notre pays. Ainsi la nécessaire rigueur budgétaire au sein de la CPS ne doit pas se faire, pour autant, au prix d'un affaiblissement de la place du français en son sein. La Communauté du Pacifique a jusqu'à présent respecté la règle du bilinguisme anglais-français mais on peut craindre que les contraintes budgétaires offrent le prétexte à certains de nos partenaires anglophones pour suggérer des économies sur les services de traduction ou d'interprétariat. Cette défense de la diversité linguistique et du pluralisme culturel au sein de la CPS va d'ailleurs de pair avec une politique visant à promouvoir, autant que possible, la présence de ressortissants français au sein du Secrétariat général, à des niveaux décisionnels mais aussi à des postes d'experts. Cette politique doit évidemment être menée en étroite liaison avec les autorités de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis et Futuna de sorte que des professionnels originaires de ces trois territoires trouvent leur place au sein des effectifs de l'organisation.

D - La place des collectivités françaises d'outre mer

1) La présence des collectivités françaises d'outre-mer au sein de la Communauté du Pacifique

Les collectivités d'outre-mer françaises sont membres de la Communauté du Pacifique. Deux évolutions parallèles expliquent cette situation tout à fait positive.

Le statut de la Communauté lui-même a évolué depuis la signature de la convention à Canberra le 6 février 1947 entre l'Australie, la France, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Cette convention ne comportait aucune disposition prévoyant l'élargissement du groupe initial des six Etats fondateurs.

A l'occasion d'un amendement à la convention signé à Londres le 6 octobre 1964, pour tenir compte de l'accession à l'indépendance du Samoa occidental, il a été décidé que tout territoire situé dans la zone de compétence territoriale de la Commission pouvait devenir membre à part entière de la Commission s'il y était invité par tous les gouvernements. Lors de la Conférence de l'organisation qui s'est tenue à Saipan en 1983, il a, par ailleurs, été convenu que tous les membres de la Commission bénéficieraient du même statut de membre de plein droit sans faire de distinction entre les Etats métropolitains, les Etats associés ou les Territoires. Jusqu'à cette date, les Etats fondateurs bénéficiaient d'un nombre de voix équivalent au nombre des territoires placés sous leur responsabilité.

Les trois collectivités françaises du Pacifique siègent donc aujourd'hui comme membres à part entière de la CPS sur un stricte pied d'égalité avec les autres membres, sans aucune distinction liée à leur statut institutionnel. Elles sont redevables d'une cotisation séparée et incluses en tant que telles dans la clé de répartition du budget de l'organisation. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, qui ont connu des évolutions institutionnelles majeures en 1999 et 2004, décident elles-mêmes du niveau de leur représentation et de la composition de leur délégation (2). Les îles Wallis et Futuna ne disposent pas d'une autonomie aussi importante que les deux autres territoires ; dès lors, l'Etat est conduit à assurer, le cas échéant, la représentation de ce territoire, en étroite liaison cependant avec les élus wallisiens et futuniens ; ces derniers se joignent la délégation et parfois la conduisent.

La Communauté du Pacifique joue un rôle primordial en vue de faciliter l'insertion de nos territoires dans leur environnement régional. Seule organisation océanienne dont nos trois territoires soient membres à part entière au même titre que la France, la CPS constitue pour ceux-ci un point d'ancrage important en vue du développement de leur politique d'intégration régionale. En particulier, la présence de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française à la CPS ne peut que conforter leur image dans la zone. Il s'agit de mettre en valeur cette participation comme signe et gage de leur volonté de s'inscrire dans la région océanienne et d'y poursuivre une politique active de coopération. L'implantation en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française de plusieurs centres de recherche et de développement, de l'INRA ou de l'Institut Pasteur, par exemple, dont l'expertise peut être mise au service de la CPS est du reste de nature à faciliter cette interaction entre l'organisation et nos territoires du Pacifique.

2) Le rôle de la Nouvelle-Calédonie dans la négociation de l'accord de siège et la consultation des collectivités d'outre-mer du Pacifique

Comme le permet l'article 28 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a été de bout en bout associé aux négociations de cet accord qui se sont déroulées pour l'essentiel à Nouméa, où siège la Communauté du Pacifique. A l'issue de la négociation, et toujours en application de l'article 28 de cette loi, le Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de l'époque, M. Pierre Frogier, a reçu du ministre des Affaires étrangères des pouvoirs l'habilitant à signer cet accord au nom de la République française, la qualité du signataire - président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie - étant explicitement mentionnée.

Concernant le projet de loi dont nous sommes saisis, on constate que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a été saisi pour avis le 23 juillet 2004 mais ne s'est pas prononcé sur ce projet de loi. Sa réponse est donc réputée acquise. Le Congrès devait être saisi en application de l'article 89 de la loi organique du 19 mars 1999 qui prévoit une telle consultation pour les projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de traités ou accords qui ont vocation à s'appliquer en Nouvelle-Calédonie.

La Polynésie française a été consultée en vertu des dispositions de l'article 9 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. Elle a fait connaître son avis positif aux termes d'une délibération de l'Assemblée de la Polynésie française n° 2004-09 en date du 8 décembre 2004. Cette consultation n'était pas obligatoire cependant. Enfin, dans la mesure où le projet de loi n'entre dans aucune des catégories pour lesquelles une consultation des instances de cette collectivité s'impose, les îles Wallis et Futuna n'ont pas été consultées : elles n'avaient pas à l'être légalement.

II - UN NOUVEL ACCORD DE SIÈGE

Après la réforme efficace que l'Organisation a connue dans les années quatre-vingt dix, il est apparu utile de rénover l'accord de siège qui liait la Communauté du Pacifique à la France.

A - L'objet de l'accord

1) Le siège de la Communauté et ses implantations locales

Les relations entre la France et la Communauté du Pacifique sont jusqu'à présent régies par la convention entre le Gouvernement de la République française et la Commission du Pacifique Sud sur les privilèges et immunités de celle-ci, signée à Nouméa le 20 février 1953 et entrée en vigueur le 3 février 1958. L'objet du présent accord est de revenir sur cette convention.

Comme nous l'avons indiqué, le siège de la Communauté du Pacifique se trouve à Nouméa. Il existe, en outre, une importante antenne régionale à Suva dans les îles Fidji. C'est la France qui a financé en grande partie - à hauteur de 85 % - la construction il y a quelques années de nouveaux locaux pour la CPS à Nouméa, ce qui a conforté la prééminence du siège sur son antenne de Suva. Un mouvement de délocalisation de services techniques vers Fidji s'était, en effet, développé au début des années 1990, notamment à l'instigation de certains pays mélanésiens. Ces derniers souhaitaient imposer la prééminence de Suva, à la faveur de la construction projetée d'un « Pacific Village ».

On observera que, par ailleurs, la CPS affecte de petites équipes ou des agents isolés à des postes sur d'autres sites insulaires en fonction de l'évolution des besoins et des programmes. C'est ainsi que des agents de la Communauté du Pacifique exercent actuellement leurs activités à Kiribati, en Papouasie-Nouvelle Guinée, à Samoa, aux îles Salomon, aux Tonga et au Vanuatu.

2) Les raisons justifiant la conclusion d'un nouvel accord de siège

Le présent accord qui est soumis à l'Assemblée nationale reprend les dispositions types qui figurent déjà dans plusieurs accords de siège passés avec des organisations ayant leur siège ou des bureaux sur le territoire métropolitain. On citera, en particulier, l'accord de siège entre le gouvernement de la République française et la Commission internationale de l'état civil en date du 13 novembre 2000 ou l'accord en date du 26 septembre 2000 avec la Ligue arabe, qui dispose d'un bureau permanent à Paris.

Trois raisons principales ont amené les autorités françaises et le secrétariat de la CPS à souhaiter la signature d'un nouvel accord.

En premier lieu, l'adoption d'un nouveau statut pour la Nouvelle-Calédonie en 1999 a eu pour conséquence le transfert d'un très grand nombre de compétences au profit du territoire. Il s'agit, en particulier, de l'ensemble du secteur fiscal qui est désormais du ressort exclusif des autorités néo-calédoniennes. Or, un accord de siège contient habituellement des stipulations relatives aux privilèges fiscaux. D'autre part, la CPS a, de son côté, enregistré une profonde mutation avec la « Déclaration de Tahiti Nui » en 1999 dont on a vu qu'elle a provoqué une évolution du fonctionnement de l'organisation. Enfin la CPS a emménagé dans de nouveaux locaux à Nouméa en 1995. Dans ce contexte, la convention de 1953 est apparue à tous comme un instrument obsolète. Si rien n'obligeait la CPS à renégocier cet instrument, il a semblé préférable de tenir compte de ces évolutions multiples pour procéder à une refonte de l'ancien accord de siège.

B - Le contenu de l'accord

De manière classique, ce nouvel accord de siège fixe les règles applicables aux immunités et privilèges de la CPS. Il reprend en grande part les stipulations de la convention de 1953 en vigueur aujourd'hui en y intégrant cependant les évolutions juridiques et institutionnelles intervenues depuis plus de cinquante ans.

1) Personnalité juridique de la CPS

L'article 2 reconnaît à la CPS la personnalité juridique, avec les capacités qui y sont liées comme celles de contracter, d'acquérir et d'aliéner des biens immobiliers et mobiliers.

2) Inviolabilité

Les articles 3, 4 et 12 portent sur le principe d'inviolabilité du siège de l'organisation, de ses communications et publications et de ses archives.

3) Privilèges et immunités de la CPS

Cet accord contient également les stipulations habituelles concernant les privilèges et immunités destinés à faciliter le bon fonctionnement de l'organisation (article 6). Ainsi, l'immunité de juridiction et l'immunité d'exécution sont accordées à la CPS pour tous les actes accomplis dans l'exercice de ses missions ou fonctions, sauf dans les exceptions classiques en la matière que sont la renonciation par contrat, l'action civile dans le cas d'accident automobile et la saisie exécutoire de traitements dus à un membre du personnel. En outre, les biens de la Communauté sont insaisissables, sauf dans le cas temporaire d'enquête sur un accident automobile.

La CPS bénéficie, dans le cadre de son activité officielle, ou pour les biens ou services nécessaires à son fonctionnement, de certains privilèges fiscaux tels que les prévoient les articles 7 à 10 de l'accord. Il s'agit d'exonération des impôts directs, des droits de douane et des taxes à l'importation, du remboursement de la taxe à la valeur ajoutée. En revanche, l'organisation doit s'acquitter des redevances pour services rendus. L'article 11 stipule que la CPS est autorisée à détenir des fonds et des valeurs mobilières.

4) Privilèges et immunités des représentants et du personnel

Les représentants des États et territoires membres de la Communauté, ainsi que les membres d'un éventuel tribunal d'arbitrage, bénéficient également de privilèges et d'immunités en application de l'article 13 de l'accord : immunité d'arrestation ou de détention, immunité de juridiction et inviolabilité de tous papiers et documents officiels. En outre, l'accord leur donne la possibilité d'entrer et de séjourner sur le territoire sans frais de visa ni délai. S'agissant de l'immunité d'arrestation ou de détention, il a été convenu de retenir une formulation identique à celle déjà acceptée par la France et la Nouvelle-Zélande dans l'accord de siège relatif à l'Organisation Internationale de Police criminelle (OIPC/INTERPOL) en date du 3 novembre 1982, qui limite la levée de l'immunité d'arrestation ou de détention aux cas de flagrant délit.

L'article 14 règle la question des personnels de la Communauté. Si le directeur général et les directeurs généraux adjoints sont assimilés à des agents diplomatiques selon l'article 15, les personnels de service, les personnels techniques et administratifs et les fonctionnaires de la Communauté bénéficiant d'une immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux dans l'exercice de leurs fonctions et dans la stricte limite de leurs attributions, ainsi que du droit de se voir délivrer un titre de séjour spécial par les autorités françaises. Les experts et les consultants bénéficient de privilèges et immunités similaires (article 16).

L'usage de ces privilèges et immunités est cependant encadré. L'accord prévoit ainsi, après avoir condamné par principe tout usage abusif de ces facilités dans son article 18, que le directeur général de la CPS a le droit et le devoir de lever ces protections lorsqu'elles constitueraient une entrave à la bonne administration de la justice (article 17).

Dans un souci d'harmonisation avec les accords de siège de même nature conclus par la France, et avec l'assentiment du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, l'article 23 stipule que la Partie française n'est pas tenue d'accorder aux résidents français et aux résidents permanents en Nouvelle-Calédonie employés par la CPS les privilèges fiscaux accordés à titre général à son personnel.

Enfin, les articles 24 et 25 prévoient la substitution du présent accord à celui du 20 février 1953 et son entrée en vigueur par échange d'instruments d'approbation.

CONCLUSION

De facture classique, cet accord de siège constitue l'une des dernières étapes de la réforme de la Communauté du Pacifique à laquelle notre pays est si attaché. C'est pourquoi il sera proposé à la Commission des Affaires étrangères d'adopter le projet de loi n° 2234 qui en autorise l'approbation.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 6 juillet 2005.

Après l'exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 2234).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 2234).

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N° 2451 - Rapport de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi sur l'approbation de l'accord de siège entre la France et la Communauté du Pacifique (M. Eric Raoult)

1 () C'est pour la même raison que le Programme régional océanien de l'environnement ou South Pacific régional environment programme a également modifié son nom pour devenir - toujours en anglais - le Secretariat-Pacific regional environment programme.

2 () En application des dispositions de l'article 31 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, la Nouvelle-Calédonie peut, en tout état de cause, être membre d'organisations internationales. Elle est alors représentée par le président de son gouvernement. L'article 42 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française reprend de telles dispositions.


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