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le 4 octobre 2005

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N° 2547

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 septembre 2005

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI, après déclaration d'urgence, d'orientation agricole (n° 2341),

PAR M. ANTOINE HERTH,

Député.

--

Voir les numéros 2544 et 2548

INTRODUCTION 11

I.- donner une nouvelle orientation a notre agriculture

A.- des objectifs toujours renouvelés

B.- un nouveau cap

II.- un contexte international et européen en rapide évolution

A.- L'emergence d'un nouveau cadre réglementaire international et européen

1. La poursuite des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce

2. La mise en oeuvre de la PAC réformée

a) Le découplage des aides

b) La conditionnalité des aides

c) Le développement rural : la modulation des aides

B.- une conjoncture economique marquée par une concurrence exacerbée

1. L'intensification de la concurrence mondiale sur certains produits agroalimentaires

2. La tension sur les marchés de l'énergie et des matières premières

III.- relever les défis de l'agriculture de demain : les réponses apportées par le projet de loi d'orientation agricole

A.- promouvoir la Compétitivité et l'efficacité des stratégies commerciales

1. Favoriser une démarche d'entreprise

2. Renforcer l'organisation économique

B.- mettre en œuvre de meilleures conditions de vie pour les exploitants

1. Rapprocher les conditions de travail des exploitants de celles des autres catégories professionnelles

2. Sécuriser contre les aléas

C.- mettre en valeur l'outil de travail des exploitants et la multifonctionnalité

1. Préserver la ressource foncière

2. Améliorer l'évaluation des risques phytosanitaires

3. Favoriser la qualité

4. Mettre en valeur les débouchés non alimentaires de l'agriculture

D.- simplifier l'encadrement administratif de l'agriculture

1. Rationaliser les modes de distribution des aides

2. Alléger les procédures

3. Harmoniser le droit applicable en métropole et outre-mer

EXAMEN EN COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Avant le Titre 1er

Titre 1er

promouvoir une démarche d'entreprise et améliorer les conditions de vie des agriculteurs

Chapitre 1er

FAire evoluer l'exploitation agricole vers l'entreprise agricole

Avant l'article 1er

Article 1er

(article L. 311-3 [nouveau] du code rural)

Institution de la possibilité de nantir le fonds agricole

Après l'article 1er

Article additionnel après l'article 1er

Droit fixe d'enregistrement des cessions de fonds agricole

Après l'article 1er

Article additionnel après l'article 1er

Conditions d'adhésion à un GAEC

Article 2

(Chapitre VIII [nouveau] du livre IV du titre Ier du code rural)

Baux ruraux cessibles hors du cadre familial

Chapitre VIII du Titre Ier du livre IV du code rural

Dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial

Article L. 418-1 du code rural

Conditions de validité et régime juridique des baux cessibles

Article L. 418-2 du code rural

Durée minimale et majoration du loyer des baux cessibles

Article L. 418-3 du code rural

Modalités de renouvellement du bail cessible

Article L. 418-4 du code rural

Modalités de cession

Article L. 418-5 du code rural

Non application des sanctions

Après l'article 2

Article additionnel après l'article 2

Modalités de mise à disposition de biens loués à une société

Après l'article 2

Article additionnel après l'article 2

Suppression de la conversion de plein droit du bail à métayage en bail à ferme

Article 3

Toilettage rédactionnel du code rural et adaptation des règles relatives au non renouvellement des baux ruraux

Après l'article 3

Article 4

Extension de la transparence fiscale des EARL

Après l'article 4

Article 5

Réforme du contrôle des structures

Après l'article 5

Article additionnel après l'article 5

Obligation pour les SAFER d'informer les communes des déclarations d'intention d'aliéner un bien situé sur leur territoire

Après l'article 5

Article additionnel après l'article 5

Rapport sur la gestion de l'espace foncier

Article 6

(article 199 unvicies du code général des impôts)

Réduction d'impôt au titre des différés de paiement consentis à un jeune agriculteur s'installant

Article 199 unvicies du code général des impôts

Réduction d'impôt au titre des différés de paiement consentis à un jeune agriculteur s'installant

Après l'article 6

Article additionnel après l'article 6

Régime fiscal du stockage des oléagineux, protéagineux et légumes secs

Après l'article 6

Chapitre II Améliorer la protection sociale et les conditions de travail des personnes

Avant l'article 7

Article 7

Adaptation des règles applicables à la protection sociale des collaborateurs appartenant à la famille de l'exploitant

Après l'article 7

Article additionnel après l'article 7

Déduction des bénéfices agricoles des exploitants agricoles de la valeur locative des terres leur appartenant qu'ils exploitent

Après l'article 7

Article 8

Amélioration de la protection sociale des non-salariés agricoles exploitant de très petites surfaces et aménagement des régimes d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles dans le secteur agricole

Après l'article 8

Article additionnel à l'article 8

Suppression de la cotisation sociale de solidarité à la charge des associés non exploitants

Après l'article 8

Article 9

(article 200 nonies du code général des impôts)

Crédit d'impôt au titre des dépenses de remplacement des personnes indispensables au fonctionnement d'une exploitation

Article 200 nonies du code général des impôts

Article 10

(article L. 713-11-1 [nouveau] du code rural)

Extension du dispositif des heures choisies aux salariés agricoles

Article L. 713-11-1 du code rural

Après l'article 10

Article additionnel après l'article 10

Contrat emploi-formation agricole

Article additionnel après l'article 10

Réduction des cotisations sociales patronales en faveur des emplois permanents dans les groupements d'employeurs agricoles

Article additionnel après l'article 10

Extension aux groupements d'employeurs multisectoriels des exonérations de charges sociales patronales

Article additionnel après l'article 10

Organisation de la poursuite du contrat de travail des travailleurs occasionnels

Article additionnel après l'article 10

Exonération de cotisations sociales salariales pour les jeunes travailleurs occasionnels

Après l'article 10

Titre II

Consolider le revenu agricole et favoriser l'emploi

Chapitre Ier

Améliorer les débouchés des produits agricoles et forestiers

Avant l'article 11

Article 11

Prise en compte des activités agricoles et forestières dans la lutte contre l'effet de serre et promotion de la valorisation de la biomasse

Article additionnel après l'article 11

Objectifs de développement des biocarburants

Après l'article 11

Article additionnel après l'article 11

Obligation d'information des consommateurs sur la présence de produits d'origine agricole dans les carburants

Article additionnel après l'article 11

Promotion de l'utilisation des lubrifiants d'origine végétale

Après l'article 11

Article additionnel après l'article 11

Obligation d'information sur les spécifications techniques des essences proposées à la consommation

Article additionnel après l'article 11

Rapport au Parlement sur l'éventualité d'une modification des spécifications techniques de la mise à la consommation des essences en vue d'y faciliter l'incorporation directe d'éthanol

Après l'article 11

Article 12

(article 265 ter du code des douanes)

Possibilité d'autoriser à titre expérimental l'autoconsommation des huiles végétales pures comme carburant et abaissement du taux de TVA sur les utilisations énergétiques non domestiques du bois

Article 265 ter du code des douanes

Après l'article 12

Article 13

Assouplissement des conditions de prise de participation par l'Office national des forêts

Après l'article 13

Chapitre II

Organiser l'offre

Article 14

Organisations de producteurs et missions des interprofessions

Après l'article 14

Article 15

Simplification par ordonnance du régime d'extension des règles des comités économiques agricoles

Après l'article 15

Article 16

Statut de la coopération agricole

Après l'article 16

Article 17

Habilitation du Gouvernement à adapter par voie d'ordonnance le statut de la coopération agricole aux évolutions du code de commerce

Article additionnel après l'article 17

Amortissement des aides européennes

Chapitre III

Maîtriser les aléas

Article 18

Gestion des aléas propres à l'agriculture et à la forêt

Après l'article 18

Article 19

Assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles et à la forêt

Après l'article 19

Article 20

Déduction pour investissement et déduction pour aléas

Après l'article 20

Titre III Répondre aux attentes des citoyens et des consommateurs

Chapitre premier

Améliorer la sécurité sanitaire et la qualité des produits

Article additionnel avant l'article 21

Conseil de la Modération

Avant l'article 21

Article 21

Évaluation des risques des produits phytosanitaires et fertilisants

Section I

Dispositions générales

Article L. 253-1 du code rural

Autorisation de mise sur le marché

Article L. 253-2 du code rural

Autorisation provisoire en cas de danger imprévisible

Article L. 253-3 du code rural

Mesures particulières dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement

Article L. 253-4 du code rural

Evaluation des risques des produits

Article L. 253-5 du code rural

Modification de la composition des produits

Article L. 253-6 du code rural

Emballages et étiquettes des produits

Article L. 253-7 du code rural

Publicité et recommandations pour les produits

Article L. 253-8 du code rural

Communication des informations sur les effets potentiellement dangereux des produits autorisés

Article 22

Sécurité sanitaire des aliments, santé et protection animales, et santé des végétaux

Après l'article 22

Article additionnel après l'article 22

Conditions d'utilisation de la dénomination « Montagne » pour les appellations d'origine contrôlée

Article additionnel après l'article 22

Conditions de fonctionnement des sections ou commissions consacrées aux produits portant la dénomination "Montagne"

Après l'article 22

Article 23

Signes de qualité

Article additionnel après l'article 23

Protection des sols par l'INAO

Après l'article 23

Article additionnel après l'article 23

Protection du foie gras

Chapitre II

Promouvoir des pratiques respectueuses de l'environnement

Avant l'article 24

Article 24

Crédit d'impôt au bénéfice de l'agriculture biologique

Article 25

Bail environnemental

Après l'article 25

Article additionnel après l'article 25

Débroussaillement des voies permettant de lutter contre les incendies

Article additionnel après l'article 25

Elargissement des possibilités d'initiative de délimitation de zones agricoles protégées (ZAP)

Après l'article 25

Article additionnel après l'article 25

Echanges de culture sur des surfaces en location

Article additionnel après l'article 25

Prise en compte des besoins de l'agriculture dans les documents d'urbanisme

Article additionnel après l'article 25

Prise en compte des différents espaces dans les SCOT

Après l'article 25

titre iv

simplifier et moderniser l'encadrement de l'agriculture

Chapitre Ier

Moderniser le dispositif de développement agricole

Article 26

(article 806-1 nouveau du code rural)

Principe de coopération entre les organismes de formation professionnelle, de développement agricole, et de recherche, Statut des instituts techniques agricoles et agroindustriels

Article 27

Modernisation du fonctionnement des chambres d'agriculture

Article 28

Rénovation du dispositif collectif d'amélioration génétique de l'élevage

Chapitre II

Améliorer l'organisation des services de l'État et de ses établissements publics

Article 29

Modification du périmètre des offices et création de l'Agence unique de paiement

Section 3

Agence unique de paiement

Article L. 621-39 du code rural

Article 30

Amélioration du fonctionnement de l'administration de l'agriculture

titre v

adopter des dispositions spécifiques a l'outre-mer

Article 31

Modernisation du statut du fermage et du métayage dans les départements d'outre-mer

tableau comparatif DES DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DU FERMAGE EN Métropole et DANS LES DOM

tableau comparatif des dispositions relatives au statut du métayage en métropole et dans les dom

Article 32

Renforcement de la procédure de mise en valeur des terres incultes dans les départements d'outre-mer

Article 33

Encouragement de l'activité agricole en Guyane

Article 34

Application de la loi à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

titre VI

dispositions communes

Article 35

Délai de dépôt des ordonnances et des projets de loi de ratification

TABLEAU COMPARATIF

Amendements non adoptés par la Commission

TABLEAU COMPARATIF 245

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 347

MESDAMES, MESSIEURS,

« Notre espace rural mérite une véritable ambition », estimait à Ussel, le 13 avril 2002, le Président de la République en appelant de ses vœux une « politique de développement des territoires ruraux » et, en plaçant au cœur de cette ambition, « le projet d'une agriculture écologiquement responsable et économiquement forte ».

La première étape de la mise en œuvre de ces orientations par le Gouvernement s'est traduite, sur le plan législatif, par la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, déposé le 3 septembre 2003 et adopté définitivement, après deux lectures dans chaque assemblée, en février 2005 (1). Parallèlement, le Gouvernement a engagé la préparation du projet de loi d'orientation agricole dont notre Assemblée est aujourd'hui saisie.

Celle-ci a donné lieu à une concertation exceptionnellement large. Ainsi, un débat national, organisé par une Commission nationale d'orientation, installée le 20 septembre 2004, a donné lieu à des réunions publiques dans toutes les régions de France auxquelles ont participé plus de 3 000 personnes.

Ces réunions ont permis d'identifier 15 thèmes clés  (2). Sur chacun d'entre-eux, des propositions concrètes ont été formulées dans le débat alimentant la préparation du projet de loi. Mais ce que les nombreuses réunions publiques ont d'abord mis en évidence, comme le souligne leur synthèse par la Commission nationale d'orientation, c'est la « forte attente du monde agricole pour un projet qui redonne des perspectives et des repères à l'agriculture française ».

L'avis sur le projet de loi présenté par M. Gaël Grosmaire, rapporteur au nom de la section de l'agriculture et de l'alimentation du Conseil économique et social, conclut également que la loi « doit enfin redonner des perspectives durables à l'agriculture » pour « faire face aux défis agricoles de demain » (...) « dans un contexte international et européen en pleine mutation ».

La convergence de ces analyses quant à la nécessité de redonner des perspectives claires à notre agriculture souligne l'opportunité de l'examen d'une loi d'orientation agricole et permet de mesurer son importance. Compte tenu de l'ampleur et de la vitesse des bouleversements vécus par notre agriculture au cours de la dernière décennie, une loi d'orientation est, en effet, nécessaire.

Il importe qu'elle tire les conséquences d'un contexte international nouveau et de la mise en œuvre de la réforme de la politique agricole commune pour répondre aux défis auxquels doit faire face notre agriculture. L'histoire récente de notre agriculture a été marquée par la succession de grandes lois d'orientation agricole adaptant l'agriculture à leur temps. Il est aujourd'hui urgent de poursuivre ce travail législatif pour préparer l'avenir.

I.- DONNER UNE NOUVELLE ORIENTATION A NOTRE AGRICULTURE

La modernisation de l'agriculture française engagée dès l'après-guerre a été portée par plusieurs lois d'orientation qui ont fixé les grands objectifs de notre politique agricole et forgé les instruments sur lesquels s'est bâti le paysage agricole que l'on connaît aujourd'hui.

A.- DES OBJECTIFS TOUJOURS RENOUVELÉS

L'ordonnance du 17 octobre 1945 et la loi du 13 avril 1946 ont tout d'abord fixé le statut du fermage afin de répondre à la nécessité de donner aux agriculteurs un cadre juridique protecteur pour développer leur activité. Comme le soulignait à l'époque le Doyen Ripert, les « dispositions particulières viendront désormais se briser contre ces règles qui font partie de l'ordre public économique » (3) (prix encadrés par l'autorité administrative, stabilité du preneur en place, transmission du bail dans le cadre de la famille et absence de valeur patrimoniale de celui-ci (4)).

Au début des années soixante, les premières lois d'orientation agricole (5) dessinent un « pacte de modernisation qui érige l'exploitation familiale en modèle, (...) favorise l'introduction du progrès technique et stimule l'organisation collective » (6). L'objectif que se fixe ainsi la loi d'orientation du 5 août 1960 est « d'établir la parité entre l'agriculture et les autres activités économiques :

- 1° en accroissant la contribution de l'agriculture au développement de l'économie française (...) ;

- 2° en faisant participer équitablement l'agriculture au bénéfice de cette expansion par l'élimination des causes de disparité existant entre le revenu des personnes exerçant leur activité dans l'agriculture et celui des personnes occupées dans d'autres secteurs (...) ;

- 3° en mettant l'agriculture, et plus spécialement l'exploitation familiale, en mesure de compenser les désavantages naturels et économiques auxquels elle reste soumise comparativement aux autres secteurs de l'économie » (7).

L'article 2 de la loi du 5 août 1960 dispose en outre que la politique agricole a pour objet de « promouvoir et favoriser une structure d'exploitation de type familial, susceptible d'utiliser au mieux les méthodes techniques modernes de production et de permettre le plein-emploi du travail et du capital d'exploitation ».

Les lois de 1960 et 1962 instaurent ainsi des aides à l'installation, donnent naissance aux SAFER, renforcent les procédures de mise en valeur du sol et confortent l'organisation économique (groupements de producteurs, comités économiques).

Si la loi du 4 juillet 1980 (8) maintient l'objectif premier de la politique agricole défini dans les lois des années soixante, qui est d'améliorer le revenu et les conditions de vie des agriculteurs en assurant le développement des exploitations familiales, elle met également l'accent sur deux points novateurs :

- la reconnaissance que l'agriculture est un « secteur essentiel au maintien des équilibres économiques et démographiques de la nation », ce qui implique notamment de « favoriser l'installation des jeunes agriculteurs afin de stabiliser la population rurale et de contribuer à réaliser l'équilibre de l'emploi et l'aménagement harmonieux du territoire » ;

- la nécessité d'accroître « la compétitivité de l'agriculture et sa contribution au développement économique du pays en renforçant sa capacité exportatrice » (9).

Pour remplir ces objectifs, la loi propose de mettre en œuvre une politique de formation et de recherche, une politique de « l'économie agricole alimentaire » (orientation des productions, renforcement de l'organisation économique, promotion des produits), une politique de protection sociale, une politique foncière contribuant à améliorer les conditions de mise en valeur des terres, une politique de la montagne et des zones défavorisées et enfin une politique d'aménagement rural.

La loi du 9 juillet 1999 (10) se place elle aussi dans la continuité des lois d'orientation précédentes en se fixant pour objectif d'assurer « la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission et le développement de l'emploi dans l'agriculture ». Elle achève cependant la prise de conscience de l'existence des différentes dimensions de l'agriculture en affirmant dès son article 1er que « la politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable ». Alors que concomitamment au niveau européen, les accords de Berlin promeuvent le développement durable comme « 2ème pilier » de la politique agricole commune, la France consacre le principe de « multifonctionnalité » : la production de biens agricoles et alimentaires reste certes la mission première de l'agriculture, mais on considère désormais que cette mission ne peut durablement être remplie que si l'on se préoccupe parallèlement de préserver le milieu naturel et le tissu social dans lesquels elle s'inscrit.

Cette redéfinition des objectifs de l'agriculture s'accompagne d'une nouvelle conception des relations entre les exploitants et les pouvoirs publics autour d'une « gestion contractuelle » de l'agriculture. La principale innovation de la loi de 1999 consiste ainsi en la création du contrat territorial d'exploitation (CTE) ayant pour objectif « d'inciter les exploitations agricoles à développer un projet économique global qui intègre les fonctions de l'agriculture mentionnées à l'article 1er (...) » (article 4). Le CTE comporte un ensemble d'engagements portant sur les orientations de la production de l'exploitation, l'emploi et ses aspects sociaux, la contribution de l'activité de l'exploitation à la préservation des ressources naturelles, à l'occupation de l'espace ou à la réalisation d'actions d'intérêt général et au développement de projets collectifs de production agricole (11) ; en contrepartie du respect de ces engagements, l'exploitant bénéficie d'une aide de l'État.

B.- UN NOUVEAU CAP

A chaque période charnière du développement de l'agriculture française correspond ainsi un texte fondateur destiné à fixer de grandes orientations pour le monde agricole et à encourager la mise en œuvre de ces orientations par des instruments innovants. Le respect de ces instruments et la reconnaissance de leur valeur ne doivent cependant pas nous empêcher aujourd'hui de penser l'agriculture et la politique agricole autrement que par le prisme que ces lois ont voulu imprimer en leur temps. Au contraire, leur exemple doit nous inciter à définir un nouveau cap pour notre agriculture.

Tout d'abord, il apparaît temps de dépasser l'approche patrimoniale que nous avons encore aujourd'hui de l'agriculture. On constate en effet que depuis 50 ans, prévaut une définition de l'exploitation agricole fondée sur deux éléments, la famille et la terre, avec pour objectif de perpétuer le patrimoine familial. Cette définition s'inscrit dans un schéma où la totalité des terres, des capitaux propres, de la main-d'œuvre et de la technicité sont concentrés au sein même de l'exploitation et orientés uniquement vers la production. Cette définition et ce schéma, « portés » par les lois de 1960 et 1962, et dans une moindre mesure par celles de 1980 et 1999, sont aujourd'hui dépassés (12).

Dans le contexte actuel, plusieurs évolutions se dessinent qui sont destinées à se poursuivre et qu'il convient de prendre en compte :

- la terre appartient de plus en plus à des « apporteurs de capitaux », des propriétaires fonciers non exploitants ;

- la main-d'œuvre est de plus en plus extérieure à l'exploitation ou « externalisée » (saisonniers, employés de groupements d'employeurs, sous-traitants pour certaines tâches techniques) ;

- la technicité exigée de l'exploitant s'étend à de nouveaux domaines (développement de compétences environnementales, marketing, vente) ;

- l'acte de produire n'est plus isolé, mais lié au respect de pratiques environnementales, conditionné à l'acte de vente etc.

L'approche patrimoniale de l'agriculture ne permet plus de répondre de manière satisfaisante à ces différents enjeux. L'exploitation familiale, si elle est encore une réalité tangible dans nos campagnes, ne peut plus être érigée en modèle. La démarche d'entreprise doit enfin trouver à s'exprimer dans le secteur agricole. Et cette démarche doit être renforcée dans le cadre de l'organisation collective à laquelle il faut aujourd'hui donner un nouveau souffle.

De même, le statut du fermage doit non seulement s'adapter à la réalité de la conduite d'une exploitation agricole et à la nécessité d'attirer des capitaux en agriculture mais également se libérer d'un certain nombre d'archaïsmes, en particulier dans les départements et territoires d'outre-mer.

Enfin, si la reconnaissance de la multifonctionnalité de l'agriculture a marqué une étape importante, qui a contribué à faire évoluer les esprits, il ne faut pas se résigner à ce que ce concept soit limité à la production de services non marchands subventionnée par les pouvoirs publics (préservation des espaces et ressources naturels, entretien des paysages etc...) : l'engouement actuel autour du développement des biocarburants montre en effet qu'un marché peut se créer autour de préoccupations environnementales. Plus généralement, la multifonctionnalité ne doit pas se traduire par un renoncement à développer une agriculture productive et compétitive. Au contraire, il faut aujourd'hui donner aux agriculteurs les moyens, juridiques et économiques, de bâtir des exploitations viables, d'intégrer les nouvelles exigences du consommateur et de bénéficier de conditions de travail convenables, afin qu'ils puissent répondre aux défis de demain.

Et ce d'autant plus que ces défis devront être relevés dans un contexte international et européen incertain et changeant dont on ne peut ignorer les répercussions sur l'agriculture hexagonale.

II.- UN CONTEXTE INTERNATIONAL ET EUROPÉEN
EN RAPIDE ÉVOLUTION

Si chacun connaît l'importance de la politique agricole commune (PAC) et le rôle dans notre balance commerciale du secteur agroalimentaire, qui a enregistré en 2004 un excédent de 8 milliards d'euros, l'importance désormais prise par les enjeux internationaux dans l'avenir de notre agriculture reste encore insuffisamment perçue. L'agriculture est pourtant, de manière croissante, une activité profondément internationalisée et dont les perspectives dépendent de plus en plus d'évolutions dépassant le niveau national et même européen. On ne peut donc plus s'interroger sur l'avenir de notre agriculture sans prendre en compte la dimension internationale et européenne du cadre réglementaire dans lequel elle s'inscrit ainsi que le contexte de plus en plus concurrentiel auquel elle est confrontée.

A.- L'EMERGENCE D'UN NOUVEAU CADRE RÉGLEMENTAIRE INTERNATIONAL ET EUROPÉEN

1. La poursuite des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce

L'agriculture fait pleinement partie des négociations commerciales multilatérales depuis le cycle dit d'Uruguay qui a abouti, le 15 avril 1994, à l'accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

En application de cet accord, il a été convenu :

- en matière d'accès aux marchés, la substitution de droits de douane aux mesures de restriction quantitatives (quotas) et la diminution progressive de ces droits de douane ;

- s'agissant des soutiens internes, la réduction des volumes de soutien pour les aides couplées à la production (dites relevant de la « boîte orange »), l'interdiction de la compensation de cette réduction par l'augmentation des aides liées à des programmes de réduction de la production (dites relevant de la « boîte bleue ») et l'absence de contrôle multilatéral sur les aides totalement découplées de la production (dites relevant de la « boîte verte ») ;

- l'autorisation des subventions à l'exportation pour les parties s'étant engagées à les réduire ;

- un « traitement spécial et différencié » prévoyant des obligations moins contraignantes pour les pays en développement et, en particulier, pour les pays les moins avancés (PMA).

Conformément à l'accord de Marrakech, la négociation multilatérale a repris à partir de 2000. Ce sont sur les questions agricoles que les discussions se sont révélées les plus tendues et il est aujourd'hui impossible de préjuger de leur conclusion, sachant que la prochaine étape décisive sera la réunion ministérielle de Hong-Kong en décembre.

Si les négociations, dont l'agriculture n'est qu'un volet, devaient aboutir, certains éléments de l'accord semblent probables notamment au vu de l'accord-cadre adopté le 1er août 2004 à Genève qui constitue, à l'heure actuelle, la référence de la négociation.

Ainsi, un accord sur la disparition progressive des subventions à l'exportation, qui ont longtemps été un instrument important de la politique agricole commune avec le mécanisme des restitutions à l'exportation vers des pays tiers, semble acquis. Au terme de la réunion de Gleneagles, le communiqué commun des chefs d'Etat et de gouvernement des pays du G8 a ainsi souligné la volonté d' « éliminer toutes les formes de subvention à l'exportation » et de « mettre en place des disciplines pour toutes les mesures d'exportation ayant un effet équivalent dans un délai crédible ».

S'agissant de l'accès aux marchés, la discussion semble aujourd'hui être centrée sur la proposition des Etats dits du groupe des 20, qui réunit des pays émergents dont l'Inde, le Brésil et la Chine, de réduire et de plafonner les droits à l'importation. Le traitement des produits sensibles (dont le nombre et la définition sont encore en négociation), les modalités précises de l'éventuelle réduction des droits ainsi que les conditions dans lesquelles elle pourrait être compatible avec la préservation de la préférence communautaire, à laquelle la France a réaffirmé son attachement, restent toutefois à définir.

En revanche, les négociations n'ont pas avancé de manière significative sur la question essentielle pour la France et pour l'Union européenne de la protection des indications géographiques. On notera néanmoins sur ce point que l'accord qui vient d'intervenir entre l'Union européenne et les Etats-Unis sur le vin, accord qui prévoit notamment un renforcement de la protection des indications géographiques européennes sur le territoire des Etats-Unis, constitue un élément positif.

Enfin, la réduction des mesures de soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges, qui constitue l'un des objectifs de la négociation conformément à la déclaration ministérielle de Doha, sera probablement également décidée. Le niveau et le calendrier de la réduction par les différentes parties et la définition de règles relatives aux boîtes bleues et vertes ne sont en revanche pas encore définis.

Dans cette perspective, la position de négociation de l'Union européenne est affaiblie par l'efficacité des campagnes de communication dénonçant les prétendues conséquences néfastes de la politique agricole commune sur les économies en développement. Un travail de pédagogie s'impose donc pour rappeler l'ouverture effective de l'économie européenne aux exportations agroalimentaires des pays en développement et, en particulier, des pays les moins avancés dont l'Union européenne est le premier client. Dans ce cadre, l'initiative dite « tout sauf les armes » (TSA), en application de laquelle tous les produits originaires des pays les moins avancés  (13) pourront accéder au marché européen en franchise de droits de douane, renforce manifestement la position de l'Union européenne.

La réforme de la politique agricole commune et, plus généralement, les efforts mis en œuvre au sein de l'Union européenne pour appliquer loyalement les accords de Marrakech nous font également bénéficier d'une position de négociation plus favorable que par le passé. Ainsi, s'agissant en particulier des mesures de soutien interne, on peut désormais estimer que les négociations en cours ne nous conduiront pas à aller au-delà des engagements déjà pris dans le cadre de la nouvelle PAC.

2. La mise en œuvre de la PAC réformée

Si la politique agricole commune a bien rempli les objectifs qui lui avaient été assignés lors de la Conférence de Stresa (3-11 juillet 1958) (14), elle doit néanmoins aujourd'hui s'adapter, aussi bien en termes de coût que d'efficacité, à une nouvelle donne (15). L'objectif qui lui est désormais fixé est de créer les conditions favorables au développement d'une agriculture performante et compétitive sur le marché mondial sans négliger pour autant les autres dimensions (territoriales, environnementales, sociétales) du monde rural.

Une telle évolution implique une réforme en profondeur des mécanismes instaurés depuis les années soixante. Si la réforme « Mac Sharry » en 1992 a bien impulsé une nouvelle orientation de la PAC, notamment en imposant une première baisse des prix d'intervention compensée par le versement, sous conditions (16), d'aides directes aux exploitations, il a fallu attendre 1999 et les accords de Berlin sur l'Agenda 2000 pour que des changements profonds soient initiés, changements aujourd'hui amplifiés par la réforme adoptée en juin 2003 par le Conseil européen à Luxembourg.

La philosophie qui a animé ces réformes successives reposait avant tout sur un rééquilibrage entre la part des prix du marché et la part des aides dans la formation du revenu agricole et, au sein des aides, entre mesures de soutien au marché et aides directes conformément à la philosophie animant les accords du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) et de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) négociés parallèlement. On considère en effet désormais que l'exploitant est destiné à être de plus en plus confronté directement aux prix du marché, et que les aides indirectes doivent être remplacées par des aides directes au revenu.

Toutefois, et c'est là l'autre innovation majeure de ces réformes, le paiement de ces aides directes est soumis au respect de bonnes pratiques agro-environnementales (principe d'éco-conditionnalité) dont la promotion s'est trouvée en outre renforcée depuis les accords de Berlin par l'élévation de la politique de développement rural au rang de « 2ème pilier » de la PAC.

Enfin, la dernière réforme de la PAC adoptée à Luxembourg franchit une étape supplémentaire en introduisant un régime de paiement découplé, c'est-à-dire non lié à l'acte de production, de la plupart des aides directes, en renforçant leur conditionnalité et en pérennisant le financement la politique de développement rural fondé sur une modulation des aides directes du « 1er pilier » (17).

a) Le découplage des aides

La réforme de Luxembourg instaure une aide unique au revenu par exploitation, découplée de la production : son attribution n'est donc plus conditionnée par la nature et le volume de production. Aux termes du règlement transversal n° 1782-2003 (18), l'aide unique découplée a vocation à remplacer les aides directes existantes dans les secteurs des grandes cultures, de la viande bovine, de la viande ovine et des produits laitiers. L'entrée en vigueur de ce nouveau régime s'effectue au choix de l'Etat membre, entre le 1er janvier 2005 et le 1er janvier 2007.

Le règlement européen laisse par ailleurs aux Etats membres différentes options pour mettre en œuvre les droits à paiement unique (DPU) : ceux-ci peuvent ainsi être déterminés soit à l'échelon individuel soit à l'échelon régional. Les aides peuvent en outre n'être que partiellement découplées, certaines demeurant liée à la production afin notamment d'éviter le risque d'un abandon de l'activité agricole dans les zones fragiles. Enfin, il appartient aux Etats membres de décider si les échanges de DPU entre agriculteurs peuvent se faire avec ou sans terre, et sous quelles conditions  (19).

En France, le découplage des aides sera mis en œuvre en 2006  (20); il sera fondé sur le principe de la référence historique individuelle et ne sera que partiel pour un certain nombre de productions (voir tableau ci-dessous). Concrètement, le droit à paiement d'un exploitant sera calculé sur la base des paiements historiques reçus par ce dernier au cours des années de référence 2000, 2001 et 2002 et divisé par le nombre d'hectares ayant donné droit aux aides (21). Le caractère partiel du découplage conduit toutefois à la coexistence de deux régimes de soutien, couplé et découplé, avec des taux de découplage variables pour chaque aide directe dite « du 1er pilier » en fonction du secteur de production considéré (22).

(1) Aides végétales

Taux de découplage

Jachère correspondant au gel obligatoire

100 %

COP - céréales, oléagineux, protéagineux (supplément blé dur compris)

75 %

Gel volontaire

75 %

Lin /chanvre

75 %

Riz

58 %

Légumineuses à grain

100 %

Houblon

75 %

Fourrages déshydratés

100 %

Semences fourragères

100 %

Semences riz, épeautre, lin, chanvre

0 %

Fécule de pomme de terre

40 %

Tabac

40 %

Huile d'Olive

100 %

(2) Aides animales

Taux de découplage

PBC (prime à la brebis ou à la chèvre) prime de base chèvre

100 %

PBC prime de base brebis

50 %

PBC prime supplémentaire chèvre

100 %

PBC prime supplémentaire brebis

50 %

PBC complément flexibilité

100 %

PSBM (Prime spéciale bovin mâle) prime de base

100 %

Complément extensif PSBM

100 %

PMTVA (prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes) prime de base

0 %

PMTVA veaux sous la mère

100 %

Complément extensif PMTVA

100 %

PAB (prime abattage bovin) Gros bovins

60 %

PAB compléments femelles

100 %

PAB veaux

0 %

Aides directes laitières (ADL)

100 %

Par ailleurs, afin de décourager les comportements spéculatifs et prévenir la déprise agricole, les droits à paiement unique seront étroitement liés au foncier : en cas de vente de droits sans terre, le montant des droits sera soumis à un prélèvement à 50 %  (23) ; un exploitant ne pourra en outre transférer ses droits sans terre qu'après avoir utilisé au moins 80 % d'entre eux et enfin, les transferts ne pourront s'effectuer qu'au sein d'un même département.

Enfin, une réserve nationale de droits à paiement sera créée. Alimentée par diverses sources (dont les prélèvements sur la vente des droits), elle sera utilisée pour atténuer les effets dommageables pour certaines exploitations de la mise en place du régime de paiement unique et assurer la transition avec le régime d'aides actuel.

Ainsi, bien que les exploitants puissent anticiper l'existence des droits et les transférer conjointement au foncier à l'aide de clauses contractuelles rétroactives, leurs références individuelles pourront néanmoins être ajustées par des dotations issues de la réserve afin de tenir compte d'autres évolutions structurelles (augmentation des surfaces irriguées ou du cheptel aidé) survenues entre le 1er janvier 2000 et le 15 mai 2004. Par la suite, la réserve devrait être en priorité utilisée pour attribuer gratuitement des droits aux personnes ne disposant pas de référence historique (nouveaux installés). Des programmes spécifiques d'attribution des droits devraient également être mis en œuvre afin de corriger certains déséquilibres et compenser les situations de distorsion de concurrence que pourraient subir certains producteurs.

b) La conditionnalité des aides

L'éco-conditionnalité des aides directes, introduites par les accords de Berlin, se définit comme la subordination de l'octroi des aides au respect de normes environnementales. Depuis la réforme de Luxembourg de juin 2003, le principe d'éco-conditionnalité a en outre été élargi et précisé : le règlement communautaire vise désormais le respect de dix-neuf directives européennes intervenant en matière d'environnement, de sécurité alimentaire, de santé des animaux et des végétaux et de bien-être animal (24). Plus généralement, les bénéficiaires d'aides directes sont tenus de veiller au maintien des terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), l'objectif étant d'obliger les exploitants à entretenir les terres et en particulier celles retirées de la production. Concrètement, ces BCAE consistent à protéger les sols contre l'érosion, maintenir les taux de matière organique ainsi que la structure du sol par des mesures adaptées et assurer un niveau minimal d'entretien (densité du bétail, préservation des éléments paysagers, limitation de la végétation indésirable sur les terres agricoles...). En outre, le règlement prévoit le maintien en l'état des terres consacrées aux pâturages permanents au niveau de début 2003.

Le non-respect de l'ensemble de ces règles entraînera une réduction des aides directes du 1er pilier perçues par l'exploitation (aides couplées et non couplées). Le taux de réduction sera plus ou moins important selon que le non-respect sera jugé délibéré ou proviendra d'une simple négligence et qu'il sera occasionnel ou répété.

Toutefois, afin de permettre une meilleure adaptation des exploitations à ce cadre réglementaire très strict, un système de « conseil agricole » doit être mis en place, au plus tard en 2007, proposant des conseils et des expertises techniques aux agriculteurs de manière à les aider à connaître leur situation par rapport aux mesures de la conditionnalité ou par rapport à des démarches de bonnes pratiques agricoles plus exigeantes. Ce système sera facultatif jusqu'en 2010 mais pourrait par la suite être rendu obligatoire.

c) Le développement rural : la modulation des aides

Le volet « développement durable » de la PAC, centré dans le cadre de l'Agenda 2000 sur des mesures d'accompagnement des réformes et de modernisation des exploitations, s'est enrichi depuis les accords de Luxembourg de nouveaux volets relatifs à la promotion de la qualité des produits alimentaires, à l'octroi d'aides destinées à permettre aux producteurs de respecter les critères de la conditionnalité et au renforcement du soutien à l'installation des jeunes agriculteurs.

La consécration définitive d'un « 2ème pilier » de la PAC n'est pas sans incidence sur le « 1er pilier » puisque son financement repose sur une modulation des aides versées dans le cadre de ce « 1er pilier » (25). Ainsi, au-delà d'une franchise de 5000 euros par exploitation, les subventions versées doivent être annuellement réduites de 3 % en 2005, 4 % en 2006 et 5 % ensuite. Cette démarche est obligatoire pour l'ensemble des Etats membres à l'exception des régions ultra-périphériques et des nouveaux adhérents s'agissant de la période de transition (2004 - 2006). En ce qui concerne la répartition des fonds générés par la modulation, un point de pourcentage sera redistribué au pays dans lequel il a été généré, le reste étant redistribué sur la base de trois critères : la surface agricole utilisée, l'emploi agricole et le PIB par habitant. Chaque Etat membre sera toutefois assuré d'un « retour » au moins égal à 80 % de sa contribution, afin d'éviter un déséquilibre trop marqué entre les « contributeurs nets » et les « bénéficiaires nets » de ce système. En année de croisière, 1,2 milliard d'euros devrait être prélevé dans l'ensemble de l'Union européenne  (26).

Enfin, une nouvelle réforme de la politique de développement rural, ayant fait l'objet d'un accord politique lors de la réunion du Conseil Agriculture des 20-21 juin 2005, devrait achever d'ériger celle-ci en objectif autonome de la PAC. En effet, un canal de financement unique devrait être dédié au développement rural par le biais d'un Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Et, parallèlement, la lisibilité des actions menées dans le cadre de la politique de développement rural devrait être renforcée, ses priorités étant destinées désormais à être recentrées autour de trois grands axes :

- l'amélioration de la compétitivité des secteurs agricoles et forestiers (aides à la formation pour les exploitants et aides à la restructuration, à la modernisation et à l'adaptation aux nouvelles normes européennes pour les exploitations) ;

- l'aménagement de l'espace (mesures en faveur des zones fragiles, zones de montagne notamment, application de la directive Natura 2000, boisement des terres agricoles) ;

- la diversification de l'économie rurale et la promotion d'une meilleure qualité de vie (développement des activités touristiques, préservation du patrimoine rural).

Un axe Leader transversal compléterait ces actions en contribuant à l'élaboration de nouvelles approches et de méthodes innovantes de développement local en milieu rural.  

Ces évolutions récentes témoignent bien d'une nouvelle conception de la PAC tendant à redonner toute sa place à la démarche économique en agriculture sans renoncer à favoriser une production raisonnée, fondée sur les principes du développement durable.

Si cette tendance devrait être encore appelée à se renforcer à l'occasion des prochaines réformes de la PAC, toute évolution à l'horizon des 10 prochaines années sera fortement tributaire des arbitrages budgétaires au sein de l'Union européenne. Les questionnements actuels sur les finalités de la politique agricole et le rapport coût/bénéfice de ses vecteurs principaux incitent en effet à la prudence. La stratégie de préservation des acquis qui ont contribué à faire de l'agriculture française une agriculture productive et performante ne peut donc plus constituer la seule réponse du monde agricole aux défis qui l'attendent. La France est aujourd'hui la 1ère puissance agricole de l'Union européenne mais pour rester compétitive sur le marché mondial tout en répondant aux attentes de la société, elle va devoir lutter dans un environnement économique de plus en plus concurrentiel.

B.- UNE CONJONCTURE ECONOMIQUE MARQUÉE PAR UNE CONCURRENCE EXACERBÉE

1. L'intensification de la concurrence mondiale sur certains produits agroalimentaires

La montée en puissance de nouveaux pays exportateurs de produits agroalimentaires et l'évolution des attentes des consommateurs, en particulier dans les marchés émergents, constituent de nouveaux défis pour notre agriculture. La crise traversée à l'heure actuelle par le secteur vitivinicole et les évolutions probables du secteur du sucre illustrent ces tendances.

Le secteur vitivinicole, en premier lieu, présente un intérêt particulier du fait de l'ampleur des bouleversements qu'il connaît. La diminution régulière de la consommation nationale depuis les années 1960, l'évolution parallèle des modes de consommation et des circuits de distribution, l'émergence progressive de nouveaux marchés se substituant progressivement, en volume, aux pays traditionnellement consommateurs et la concurrence croissante des nouveaux pays producteurs, y compris sur nos marchés d'export traditionnels au sein de l'Union européenne, et même sur le marché national, aboutissent aujourd'hui à une véritable crise sectorielle dont l'évolution de nos exportations donne la mesure.

Ainsi, l'année 2004 a été marquée par une diminution aussi bien en volume (- 6 %) qu'en valeur (- 5 %) des exportations françaises qui restent très concentrées sur des marchés traditionnels (environ la moitié de nos exportations, en valeur, alimentent les marchés britannique, allemand et belge). Ce recul se poursuit sur le premier semestre 2005 avec un recul des exportations de 5,7 % en volume et de 6,3 % en valeur par rapport au premier semestre 2004.

Il est donc incontestablement nécessaire d'améliorer la compétitivité de notre offre viticole en l'adaptant aux nouvelles attentes. Les professionnels et l'Office national interprofessionnel des vins travaillent en ce sens mais, dans ce secteur comme dans les autres, il apparaît clairement que la meilleure protection de notre agriculture, c'est sa compétitivité.

Le secteur du sucre illustre également la fragilité des protections douanières. Sur ce marché, la tendance lourde à la baisse du prix mondial, qui existe depuis des décennies, a entraîné de vives critiques à l'encontre de l'actuelle organisation commune de marché européenne, accusée d'alimenter la surproduction et apparaissant de moins en moins soutenable au fil du creusement de l'écart entre ces prix indicatifs et d'intervention et les cours mondiaux.

En outre, l'initiative « tout sauf les armes » (TSA) précédemment évoquée permettra, progressivement et totalement à partir du 1er juillet 2009, l'entrée sur le marché communautaire sans restrictions quantitatives et en franchise de droits de douane de sucre en provenance des pays les moins avancés. Des craintes existent sur le risque de contournement de ce dispositif par d'autres exportateurs de sucre faisant transiter leurs exportations vers l'Union européenne par un pays bénéficiant de l'initiative TSA.

Enfin, un contentieux engagé contre l'Union européenne devant l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à l'initiative des trois principaux producteurs mondiaux de sucre (Australie, Brésil, Thaïlande) a abouti à la condamnation de l'Union européenne, en première instance en octobre 2004 puis en appel en avril 2005. Il a été considéré que l'Union européenne exportait davantage de sucre bénéficiant de subventions aux exportations qu'elle n'est autorisée à le faire dans le cadre des accords commerciaux multilatéraux.

Le fonctionnement actuel de l'organisation commune du marché du sucre est donc profondément fragilisé et la Commission européenne vient, en conséquence, de proposer une réforme de grande ampleur de l'organisation commune du marché du sucre reposant sur :

- une forte diminution des prix (- 39 % en deux ans pour le sucre blanc),

- l'indemnisation partielle des producteurs à hauteur de 60 % de la baisse du prix par un paiement découplé, intégré au paiement unique par exploitation, et subordonné au respect de normes de gestion environnementale,

- la suppression du système d'intervention et la création, à sa place, d'un régime de stockage privé,

- une politique de restructuration visant à encourager à la fermeture de sucreries et le développement des utilisations non alimentaires (éthanol).

Ces propositions sont contestées et leur opportunité alors que les négociations agricoles multilatérales sont en cours est discutable. Elles illustrent, en tout cas, elles aussi, la fragilité des protections juridiques contre la compétition internationale.

2. La tension sur les marchés de l'énergie et des matières premières

Une des tendances lourdes de l'économie mondiale est le décollage de grandes économies émergentes (Chine, Inde et Brésil notamment) qui n'est pas nouveau (l'économie chinoise, par exemple, croit en moyenne de 10 % par an depuis la fin des années 1970) mais qui atteint désormais, en valeur absolue, des niveaux pesant sur les grands équilibres mondiaux.

Le développement de ces économies se traduit ainsi désormais par des tensions croissantes sur les marchés des matières premières et, en particulier, sur le seul marché authentiquement mondialisé de l'énergie, le marché du pétrole. Le prix du baril de pétrole retrouve ainsi, depuis quelques mois, des niveaux proches, en monnaie constante, de ceux atteints au cours des chocs pétroliers des années 1970.

A court terme, le principal effet de cette évolution est de menacer l'équilibre économique des activités agricoles consommatrices d'énergie qui ne peuvent répercuter sur leurs prix l'évolution de leurs charges. C'est pour répondre à ces difficultés que le Premier ministre vient d'annoncer, au Salon des productions animales - Carrefour européen de Rennes, le 13 septembre, un dispositif d'allégement des charges liées au renchérissement du coût de l'énergie représentant un soutien supplémentaire de l'Etat de l'ordre de 30 millions d'euros par an.

Mais si l'augmentation du prix de l'énergie constitue, en l'état, une charge supplémentaire pour l'agriculture, elle ouvre également à celle-ci de nouveaux débouchés dans le domaine des biocarburants, c'est-à-dire des carburants d'origine végétale, et, plus généralement, de la production d'énergie à partir de la biomasse.

On ignore, en effet, souvent que, grâce principalement au bois, la production d'énergie à partir de la biomasse joue déjà dans notre pays un rôle significatif. Ainsi, en 2004, le bois a fourni près de 9,2 millions de tonnes d'équivalent pétrole (mtep), dont 8,6 mtep sous forme de production directe de chaleur et le solde pour la production d'électricité. Cette quantité d'énergie représente la moitié de notre production totale d'énergie d'origine renouvelable et plus d'une fois et demie notre production totale d'énergie hydroélectrique (qui représente, elle-même, plus de 90 % de notre production d'électricité d'origine renouvelable) ou encore environ 10 % de notre consommation totale de pétrole. Il faut donc le souligner clairement : la biomasse est déjà aujourd'hui une source majeure d'énergie en France.

Son utilisation peut toutefois être massivement développée. Il convient, à cet effet, d'en encourager la consommation (ce qui est l'objet des incitations fiscales mises en place par la loi de finances pour 2005 et notamment du crédit d'impôt de 40 % pour l'acquisition d'équipements de production d'énergie utilisant une source renouvelable) mais aussi de mieux en organiser l'offre. Comme on le verra, c'est l'un des objets de l'article 13 du présent projet de loi.

Mais les marges de progression les plus importantes en matière de valorisation énergétique de la biomasse concernent les biocarburants compte tenu, en particulier, de leur intérêt pour la maîtrise des émissions du dioxyde de carbone, principal gaz contribuant à l'accroissement de l'effet de serre.

Comme on le sait, la France s'est engagée dans le cadre du protocole de Kyoto à stabiliser ses émissions de gaz contribuant à l'effet de serre en 2010 à leur niveau de 1990. Les prévisions réalisées à l'occasion de l'élaboration du plan climat, qui rassemble les mesures destinées à atteindre cet objectif, conduisent à penser qu'il sera, en conséquence, nécessaire de réduire d'environ 10 % les émissions françaises de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau qui résulterait du prolongement des tendances actuelles.

Le secteur des transports, qui est le premier secteur émetteur de dioxyde de carbone en France et qui est celui dont les émissions progressent le plus rapidement, constitue, de ce point de vue, un enjeu absolument crucial vis-à-vis duquel le développement des biocarburants peut être un des instruments des politiques publiques, aux côtés des politiques de mobilité (lutte contre l'étalement urbain, développement des transports fluvial et ferroviaire) ou de normalisation.

Les biocarburants présentent, en effet, l'avantage majeur de constituer la seule source d'énergie d'origine renouvelable apte à répondre partiellement aux besoins énergétiques du secteur des transports sans nécessiter, à la différence des énergies transformées en électricité ou de l'utilisation de l'hydrogène, le renouvellement, nécessairement lent et onéreux, du parc de véhicules. Les biocarburants peuvent, en effet, être utilisés dans des moteurs traditionnels, incorporés aux essences ou au gazole.

Or, le principal obstacle au développement des biocarburants est leur coût de production comparé au coût de production des carburants pétroliers dont ils sont concurrents. Ce différentiel de coût se réduit évidemment dans la mesure où le prix des produits pétroliers augmente.

Comme le rappelait notre collègue M. Alain Marleix dans le rapport d'information qu'il a publié en mai 2004, au nom de la Commission des finances, sur les biocarburants, il est toutefois difficile de disposer de données fiables sur les coûts de production comparés des biocarburants et des carburants pétroliers.

Il convient, en outre, de rappeler, d'une part, que l'ensemble des filières de biocarburants présente un intérêt environnemental incontestable du point de vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et, d'autre part, que les coûts de revient actuels de ces filières sont appelés à diminuer grâce aux économies d'échelle qui résulteront de l'augmentation des volumes et des gains de productivité rendus possibles par la recherche.

Les biocarburants constituent donc clairement, tant pour des raisons écologiques qu'économiques, un débouché d'avenir majeur pour notre agriculture. Il convient donc de développer nos capacités de production en la matière. Cela nécessite des investissements lourds qui sont conditionnés par la garantie d'une visibilité économique suffisante pour la filière, visibilité que ne permettent pas, en l'état, les vives fluctuations des cours du pétrole. L'Etat a donc un rôle important à jouer pour garantir à cette filière des débouchés et un cadre économique incitatif.

Le Premier ministre a apporté des réponses sur deux de ces points en annonçant :

- de nouveaux objectifs très ambitieux de développement des biocarburants dans notre pays visant à porter à 5,75 % en 2008, à 7 % en 2010 et à 10 % en 2015 la part des biocarburants dans le total des carburants consommés dans notre pays, objectifs excédant donc ceux impartis par la directive européenne du 8 mai 2003 visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports qui prévoit de porter à 5,75 % en 2010 la part des biocarburants,

- la préservation par l'instrument fiscal d'un « avantage incitatif » à la filière, « tout en tenant compte de l'évolution du prix du pétrole et des gains de productivité »,

- le fort accroissement des agréments fiscaux, conditionnant le bénéfice de la réduction de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, avec le lancement d'un appel d'offres pour des unités de production d'une capacité totale de 1,8 million de tonnes soit près de trois fois la capacité installée actuelle.

Les tensions que l'on constate actuellement sur les marchés de l'énergie constituent donc aussi, à moyen terme, une opportunité pour le développement des productions non alimentaires du secteur agricole. Elles doivent également inviter à la réflexion s'agissant des futurs besoins alimentaires du monde. A la différence des chocs pétroliers du passé, ces tensions résultent, en effet, non pas d'une contraction artificielle de l'offre par un cartel de producteurs mais de l'accroissement continu de la demande. Cette demande, tirée par de nouveaux pays consommateurs et qui concerne aujourd'hui essentiellement l'énergie et les biens d'équipement (d'où l'envolée également du prix de l'acier par exemple), n'avait pas été pleinement anticipée. Il n'est donc pas impossible que le même phénomène se reproduise, à plus ou moins brève échéance, au rythme du développement de ces économies, sur d'autres marchés et, en particulier, sur les marchés agroalimentaires.

Si la conjoncture immédiate, pour ces produits, est plutôt à la surabondance et à la concurrence exacerbée entre producteurs, la situation peut donc profondément évoluer et rendre, demain, toute son importance à l'objectif de préservation de la sécurité de notre approvisionnement alimentaire qui a fondé la politique agricole commune.

Cet exemple montre combien l'ambition du projet de loi d'orientation agricole de préparer l'avenir de notre agriculture en donnant aux exploitants les instruments pour relever les défis de demain est plus que jamais d'actualité.

III.- RELEVER LES DÉFIS DE L'AGRICULTURE DE DEMAIN :
LES RÉPONSES APPORTÉES PAR LE PROJET DE LOI D'ORIENTATION AGRICOLE

Le projet de loi qui vous est soumis s'inspire de deux idées majeures :

- d'une part, la nécessité de voir émerger au sein du monde agricole, envisagé dans sa globalité, une démarche d'entreprise, dans un contexte où le découplage progressif des aides directes communautaires remet en cause la régulation de la production par les pouvoirs publics, au profit d'une régulation par le marché ;

- d'autre part, la volonté de mettre l'accent sur la multifonctionnalité de l'agriculture française, qui certes, est déjà une réalité, mais doit se développer vers de nouveaux axes et notamment la production de biens ou de services marchands (production de biens non alimentaires, biocarburants).

Cette philosophie générale sous-tend les mesures proposées par le projet de loi d'orientation agricole qui se développent selon quatre axes :

- tout d'abord, la promotion de la compétitivité, en favorisant une démarche d'entreprise et en renforçant l'organisation économique ;

- ensuite, l'amélioration des conditions de vie des agriculteurs, tant du point de vue de la protection sociale et du rythme de travail, que de la gestion des aléas ;

- en outre, la mise en valeur de l'outil foncier et de l'activité agricole, qui ne saurait se réduire à ses fonctions alimentaires, mais participe plus largement d'une politique environnementale, d'aménagement du territoire, et de santé publique ;

- enfin, la simplification administrative, s'agissant aussi bien de l'attribution des aides communautaires, que des différents types de contrôles effectués par les pouvoirs publics.

A.- PROMOUVOIR LA COMPÉTITIVITÉ ET L'EFFICACITÉ DES STRATÉGIES COMMERCIALES

Le premier défi que le projet de loi tente de relever a trait à la compétitivité et à la stratégie commerciale des exploitants. En effet, l'évolution du contexte international, la libéralisation croissante des échanges internationaux sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce, et la réforme de la PAC (cf. supra) placent toujours davantage les exploitants face au marché : la réduction progressive des filets de sécurité mis en place par les pouvoirs publics par le biais de prix garantis, de restitutions aux exportations, et d'aides à la production, d'une part, et la nécessité de trouver des débouchés, d'autre part, rendent l'organisation économique nécessaire. C'est pourquoi il est impératif de proposer aux exploitants de disposer des moyens juridiques à même de leur permettre de développer leur activité. La création de véritables entreprises, dont la transmission serait favorisée, doit donc être encouragée, d'autant que cela permettrait ainsi le renouvellement des générations en agriculture. 

C'est la raison pour laquelle le projet de loi aborde la question de la compétitivité selon deux aspects complémentaires : favoriser, d'une part, une démarche d'entreprise, et d'autre part, renforcer l'organisation économique.

Sur le premier point, le projet de loi propose trois mesures-phares : la création d'un fonds agricole, la mise en place d'un bail cessible, et la création d'une réduction d'impôt favorisant les reprises d'exploitation. Sur le second aspect, l'accent est mis sur la protection sociale et le rythme de travail des agriculteurs, mais aussi sur la gestion des aléas, dans un contexte de crises récurrentes du secteur.

1. Favoriser une démarche d'entreprise

Le passage d'une logique patrimoniale et familiale à une logique d'entreprenariat est l'une des orientations clefs du présent projet de loi.

Rappelons que si deux tiers des agriculteurs français ont une activité indépendante, cette indépendance a un prix : la fragilité sur un marché toujours plus ouvert et plus large, face à un secteur de la distribution au contraire très concentré. Il semble donc indispensable d'encourager le choix par les exploitants de formes sociétaires, et d'inciter juridiquement à la mise en place d'entreprises compétitives. En outre, si les exploitations agricoles françaises se caractérisent par leur diversité statutaire, elles doivent toutes constituer des entités économiques pérennes et transmissibles.

C'est pourquoi l'article 1er du projet de loi propose la mise en place d'un fonds agricole, inspiré du fonds de commerce et pouvant faire l'objet d'un nantissement. Ce fonds permettra d'appréhender la totalité des éléments de l'actif économique d'une exploitation et, ainsi, d'une part, de donner de nouvelles ressources lorsqu'il sera nanti et, d'autre part, de clarifier les conditions économiques des cessions d'exploitation.

Parallèlement, l'article 2 prévoit la création d'un bail cessible qui devrait, lui aussi, favoriser les transmissions d'exploitation en permettant de céder la terre qui est évidemment le fondement de l'activité agricole.

En complément, le projet de loi facilite également la transmission des exploitations, par le biais d'une mesure fiscale visée à l'article 6 : une réduction d'impôt sur les intérêts perçus sur les différés de paiement consentis à un jeune agriculteur acquérant la totalité d'une exploitation.

Enfin, afin de favoriser la compétitivité, de faire des exploitations de véritables entreprises organisées autour d'un projet économique pérenne, et de répondre aux besoins des exploitants en termes de conditions de travail et de revenu, l'article 4 du projet de loi tend à promouvoir les formes sociétaires en ouvrant le bénéfice d'un régime fiscal favorable aux entreprises agricoles à responsabilité limitée dont les associés n'appartiennent pas à la même famille.

2. Renforcer l'organisation économique

Le renforcement de l'organisation économique est un objectif complémentaire à la promotion d'une démarche d'entreprise.

En effet, l'une des causes pouvant expliquer la précarisation des revenus des exploitants agricoles consiste en la déformation du partage de la valeur ajoutée au sein des filières agricoles au détriment des producteurs, et au profit de l'aval, c'est-à-dire principalement de la distribution. Rappelons en effet que 60 % des produits alimentaires sont commercialisés par les cinq enseignes leaders de la grande distribution.

Les articles 14 et 15 du projet de loi tentent de répondre à ce défi, en renforçant l'organisation économique des producteurs. En effet, l'article 14 limite la constitution d'organisations de producteurs aux seules formes juridiques permettant le transfert de propriété, et permet la reconnaissance des associations d'organisations de producteurs constituant des structures communes à plusieurs organisations de producteurs. En outre, l'article 14 reconnaît la possibilité pour les organisations représentatives des organisations de producteurs d'être membres des interprofessions, vise à rendre le dialogue des professions plus opérationnel et à inciter les interprofessions à mettre en place des dispositifs de prévention des crises. Dans ce cadre, l'article 15 simplifie le régime d'extension des règles édictées par les comités économiques agricoles.

Ces mesures devraient permettre de renforcer non seulement le poids des producteurs, mais aussi leur pouvoir de négociation, par rapport à la grande distribution. Elles devraient également favoriser le développement d'une démarche de contractualisation entre amont et aval de la production, afin d'assurer une régulation du marché.

Parties prenantes à l'organisation économique de l'agriculture française, les entreprises coopératives agricoles sont présentes sur l'ensemble du territoire et assurent toutes les fonctions économiques en se situant à l'amont et à l'aval des exploitations agricoles. Nées de la volonté des agriculteurs de créer des outils d'approvisionnement, de collecte, de transformation et de commercialisation qui soient le prolongement de leurs exploitations, les coopératives ne sauraient être réduites au simple rôle de fournisseurs de matières premières, sans pouvoir ni influence. C'est pourquoi les exploitants se sont engagés par l'apport en produits agricoles et en capital social.

Or, afin de renforcer l'attractivité de ces structures pour les exploitants agricoles, et d'inciter les coopératives à gérer leur capital social de façon plus dynamique, sans toutefois remettre en question leur capacité de financement, les articles 16 et 17 du projet de loi prévoient une modernisation du statut de la coopération agricole.

B.- METTRE EN œUVRE DE MEILLEURES CONDITIONS DE VIE POUR LES EXPLOITANTS

Ainsi que le rappelle M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social dans son avis relatif au projet de loi d'orientation agricole, « parler de l'agriculture de demain, c'est adapter les notions d'exploitant et d'exploitation agricole au contexte actuel pour de meilleures conditions de vie et de travail. Qu'ils soient chef d'exploitation, conjoint ou salarié, tous aspirent à améliorer les conditions d'exercice de leur métier (...). Ils misent en outre sur l'amélioration de leur qualité de vie au sein d'une société valorisant les projets de vie de chacun ».

De fait, si l'alignement des conditions de vie des agriculteurs sur celles de l'ensemble de la société est un objectif constant des lois d'orientations agricoles depuis les années 1960, cet objectif est loin d'être atteint aujourd'hui et c'est afin de répondre à ces aspirations que le projet de loi propose un rapprochement des conditions de travail des exploitants agricoles de celles des autres catégories professionnelles ainsi qu'une une amélioration de la gestion des aléas affectant l'agriculture.

1. Rapprocher les conditions de travail des exploitants de celles des autres catégories professionnelles

Afin de rendre l'activité agricole plus attrayante et d'attirer de nouveaux candidats dans le secteur, il est impératif de mettre en place des conditions favorables en phase avec les évolutions de notre société. C'est pourquoi le projet de loi qui vous est présenté propose des améliorations significatives de ces conditions de travail, plus proches des conditions existantes dans les autres secteurs, tant du point de vue de la protection sociale, que d'un assouplissement des contraintes de rythme de travail imposées par l'activité agricole.

C'est tout d'abord par le biais d'une amélioration des conditions d'accès à la protection sociale des personnes travaillant sur une exploitation que l'article 7 du projet de loi vise à ce rapprochement. Il s'agit en effet de favoriser les statuts de co-exploitant et de salarié, au détriment du statut d'aide familial, peu protecteur face au risque vieillesse et n'ouvrant nul droit à rémunération. L'article 7 tend également à faciliter l'accès au statut de conjoint collaborateur.

L'article 8 a également pour objectif l'amélioration de la protection sociale des personnes travaillant sur une exploitation agricole, mais il vise les non salariés agricoles exploitant de très petites superficies - comprises entre une moitié et un huitième de surface minimale d'installation.

C'est en outre sous l'angle du rythme de travail des exploitants agricoles, que le projet de loi tend au rapprochement des conditions de travail : en effet, la profession d'agriculteur est contraignante en termes de présence sur l'exploitation, surtout dans l'élevage. Ceci peut expliquer en partie le manque d'intérêt des jeunes pour cette activité. Ajoutons que les conjoints des exploitants travaillent de moins en moins sur l'exploitation et exercent souvent une activité salariée. C'est pourquoi l'article 9 tend à faciliter l'accès au remplacement, permettant d'alléger le rythme de travail des exploitants, par le biais d'un crédit d'impôt sur les dépenses de remplacement. L'article 10 étend, quant à lui, aux salariés agricoles le dispositif des heures choisies, mis en place par la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme du temps de travail dans l'entreprise.

2. Sécuriser contre les aléas

La soumission aux aléas climatiques, sanitaires et biologiques, et la volatilité des cours mondiaux constituent des contraintes majeures pour les exploitants. Or, si l'agriculture est un secteur fort exposé au risque, comme en ont récemment et périodiquement témoigné les sécheresses estivales, paradoxalement, les différents acteurs de ce secteur recourent insuffisamment aux mécanismes d'assurance, alors qu'ils permettent de mieux réguler les résultats des exploitations et conduisent les exploitants à mieux mesurer l'exposition de leur production aux risques climatiques.

C'est pourquoi l'article 18 du projet de loi a pour objet de favoriser le développement de l'assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles et à la forêt. En outre, l'article 20 tend à renforcer les capacités d'autofinancement des entreprises, et à développer l'assurance récolte, en modifiant le régime fiscal de la déduction pour investissement (DPI) et de la déduction pour aléa (DPA).

C.- METTRE EN VALEUR L'OUTIL DE TRAVAIL DES EXPLOITANTS ET LA MULTIFONCTIONNALITÉ

Troisième défi que relève le projet de loi d'orientation agricole : mettre en valeur l'outil de travail des exploitants et promouvoir le développement de la multifonctionnalité. Cette mise en valeur concerne la terre, mais aussi la sécurité sanitaire de la ressource végétale, la qualité des produits et les débouchés non alimentaires de l'agriculture.

La question du foncier est au cœur des problématiques agricoles actuelles. Une politique de protection des espaces agricoles doit être engagée, dans le cadre d'une gestion durable du territoire. Le projet de loi aborde cette question du point de vue des zones les plus problématiques du territoire national, que sont les départements d'outre-mer.

En outre, si la terre constitue pour notre agriculture un outil précieux et rare, la sécurité sanitaire des végétaux est également un enjeu crucial pour la valorisation de notre agriculture. Or, l'évaluation des risques dans ce domaine mériterait sans doute d'être améliorée, tant il est vrai que les questions phytosanitaires et de santé humaine sont étroitement corrélées.

Plus généralement, qu'il s'agisse des végétaux ou des animaux, la sécurité alimentaire est devenue une des sources de préoccupation essentielles des consommateurs. Certaines crises alimentaires récentes comme celles de la vache folle et du poulet à la dioxine étaient liées à l'alimentation animale et, plus précisément, aux farines animales. D'autres crises s'expliquent également par le recours excessif à des produits vétérinaires et le traitement des végétaux. Enfin, la généralisation de certaines techniques de production, d'élevage, de transformation et de distribution, est aujourd'hui largement débattue.

Rappelons à cet égard que la question controversée des organismes génétiquement modifiés (OGM) a notamment fait l'objet d'un rapport d'information très complet sur ce sujet enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 avril 2005. Ce rapport, présenté par M. Christian Ménard, député, pose ainsi non seulement la question des essais mais également celle de l'utilisation de ces organismes génétiquement modifiés. Ce rapport pourrait ainsi servir de base à un travail législatif spécifique, le dossier des OGM nécessitant en tout état de cause d'être étudié de près par la représentation nationale.

La prise en compte des attentes de notre société passe également par un soutien à une démarche de qualité. Or, si la France dispose de produits d'une qualité recherchée partout dans le monde, il reste que la démultiplication des labels et des appellations, qui va croissant désormais, est de toute évidence une source de complexité pour des consommateurs qui peinent à lire les étiquettes des produits à l'étalage. Une clarification s'avère nécessaire, mais doit constituer un équilibre entre qualité et lisibilité.

Enfin, l'agriculture est un secteur aux fonctions multiples puisque, outre sa fonction première d'alimentation, elle joue un rôle primordial en matière d'aménagement territorial, d'environnement, et de services. C'est pourquoi le projet de loi d'orientation agricole encourage cette multifonctionnalité.

1. Préserver la ressource foncière

Eu égard au concept de développement durable ainsi qu'au maintien de notre indépendance et de notre sécurité alimentaire, la question de la maîtrise de l'usage des sols revêt aujourd'hui une acuité particulière pour l'ensemble de la société.

Dans les départements d'outre-mer, plus qu'en métropole, la question foncière revêt une importance toute particulière, puisque l'agriculture doit encore s'y développer, afin de faire face aux besoins alimentaires des populations, d'approvisionner l'industrie agroalimentaire locale et pour accroître l'offre d'emploi sur ces territoires. Ajoutons que l'agriculture contribuera à l'attrait des paysages et à la mise en place d'équipements publics.

Cet impératif de développement est notamment sensible en Guyane où l'installation des exploitants et la création d'un véritable marché des terres agricoles doit être favorisé (article 33).

Dans les autres départements d'outre-mer en revanche, la surface agricole utile est fort réduite et elle est aujourd'hui menacée par l'étalement des zones urbanisées en lien avec la croissance continue du tourisme. La pression sur le foncier est telle que de nombreux propriétaires préfèrent laisser les terres à l'abandon plutôt que de les donner à bail. C'est la raison pour laquelle l'article 32 du projet de loi renforce la procédure de mise en valeur des terres incultes.

2. Améliorer l'évaluation des risques phytosanitaires

La santé des végétaux constitue le deuxième axe défini par le projet de loi pour la mise en valeur de l'outil agricole. C'est sous l'angle de l'évaluation que les problèmes de risques phytosanitaires sont abordés.

En effet, la mise en cause des deux produits phytosanitaires que sont, sous leur nom commercial le Gaucho (principe actif : imidaclopride) et le Régent (principe actif : fipronil), dans les troubles qu'enregistrent les apiculteurs dans leurs essaims d'abeilles a illustré les problèmes que pose, dans l'état actuel des choses, l'évaluation des risques phytosanitaires.

C'est afin d'améliorer cette évaluation que, conformément à l'esprit qui animait les auteurs de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, l'article 21 du projet de loi confie à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) le soin d'évaluer les risques phytosanitaires que pourraient présenter les intrants, c'est-à-dire les pesticides, les matières fertilisantes et les supports de culture.

3. Favoriser la qualité

Sécurité alimentaire et démarche de qualité sont étroitement liées. Le projet de loi qui vous est soumis accompagne par conséquent les mesures de renforcement de l'évaluation des risques phytosanitaires mentionnées plus haut, d'une réforme du régime des signes de qualité.

En effet, si les appellations d'origine contrôlée, les labels et les indications géographiques protégées sont une garantie essentielle pour le consommateur, elles sont de moins en moins lisibles pour celui-ci. Loin de les remettre en cause, l'article 23 du projet de loi vise à les simplifier. En effet, afin de donner à l'agriculture de terroir les conditions de sa réussite économiques, la remise en ordre des labels est indispensable.

4. Mettre en valeur les débouchés non alimentaires de l'agriculture

La mise en valeur de l'outil agricole ne saurait se réduire à la promotion des débouchés alimentaires de l'agriculture. En effet, des missions lui ont été dévolues en matière environnementale et territoriale. Cette diversification est un atout pour la dynamique du secteur, notamment en termes d'emploi et de revenu.

En outre, ces missions se voient étendues, dans un contexte de forte poussée des prix du pétrole et d'engagements internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, au domaine de la production d'énergie qui constitue aujourd'hui une forme privilégiée de production agricole non alimentaire.

En effet, les terres agricoles et forestières capturent et stockent une partie importante du carbone atmosphérique. Or, la séquestration du carbone est forte dans les végétaux à cycle long.

C'est la raison pour laquelle l'article 11 du projet de loi vise à la meilleure prise en compte des conséquences en matière d'émissions de gaz à effet de serre des activités agricole et forestière. L'article 12 permet d'autoriser l'utilisation en autoconsommation d'huiles végétales pures, qui sont une forme de biocarburants, comme carburant agricole. Enfin, l'article 13 facilite les prises de participation de l'Office national des forêts dans les entreprises de transformation, et ce, afin de développer la filière du bois-énergie.

Si le projet de loi met l'accent sur ces aspects énergétiques, il prend également en compte la dimension environnementale de l'activité agricole, par la création d'un crédit d'impôt destiné à favoriser le maintien des agriculteurs convertis à l'agriculture biologique (article 24), protectrice des milieux, et celle d'un bail pouvant comporter des clauses environnementales sur certaines zones protégées du territoire national (article 25).

D.- SIMPLIFIER L'ENCADREMENT ADMINISTRATIF DE L'AGRICULTURE

La simplification administrative constitue la quatrième orientation du projet de loi. En effet, comme dans d'autres secteurs d'activité, le poids des formalités administratives est souvent jugé excessif par les exploitants, d'autant plus que les contraintes d'ordre communautaire, s'agissant notamment des dossiers de demande d'aide au titre de la PAC, sont alourdies par les contraintes nationales d'application qui les complètent.

C'est pourquoi le projet de loi propose un ensemble de mesures visant à simplifier l'attribution des aides financières précitées, mais également à alléger les contrôles, et à harmoniser le droit sur l'ensemble du territoire, métropolitain et ultramarin.

1. Rationaliser les modes de distribution des aides

La simplification administrative constitue l'un des chantiers de réforme essentiels de la majorité actuelle, et, lors de son allocution au Salon des productions animales Carrefour européen (SPACE), le mardi 13 septembre 2005, le Premier ministre en a fait une orientation majeure de la politique agricole du Gouvernement, rappelant que le projet de loi prévoit, à l'article 29, la simplification de la gestion des aides avec la création d'une agence unique de paiement.

2. Alléger les procédures

Le projet de loi prévoit, en outre, à l'article 30, un allègement des procédures administratives préalables à la mise en œuvre des politiques publiques, notamment des procédures de consultation préalable inutiles ou redondantes (cas notamment de la transposition des directives communautaires). En outre, les corps d'inspection et de contrôle du ministère de l'agriculture devraient voir leur organisation simplifiée et parallèlement leurs pouvoirs renforcés dans un souci d'efficacité mais également de clarté pour l'usager. L'assouplissement et la simplification, prévus à l'article 5, du contrôle des structures, dont la mise en œuvre s'avère parfois complexe en pratique, va dans le même sens. Ainsi, afin d'accompagner les évolutions en cours, le contrôle des structures prendrait en compte la nouvelle économie de l'exploitation agricole, notamment du point de vue écologique et du point de vue de l'aménagement du territoire.

3. Harmoniser le droit applicable en métropole et outre-mer

L'article 31 vise à rénover les dispositions relatives au fermage et au métayage en vigueur dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon afin de les rapprocher du droit commun et de mettre fin à des modes d'exploitation qui s'avèrent aujourd'hui nuisibles au développement agricole. Les fermiers domiens pourraient ainsi bénéficier de dispositions jusque-là réservées aux actifs métropolitains (conditions de renouvellement du bail, droit de préemption du preneur).

EXAMEN EN COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du 27 septembre 2005, la Commission a entendu M. Dominique Bussereau, ministre de l'Agriculture et de la Pêche.

Le Président Patrick Ollier a accueilli M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, en se félicitant du nombre de commissaires présents et en saluant le travail réalisé par le rapporteur, qui a procédé à une cinquantaine d'auditions depuis juillet.

Soulignant que le travail préparatoire réalisé en collaboration entre le Gouvernement et sa majorité avait été extrêmement constructif, il s'est félicité que le ministre de l'agriculture et le Premier ministre aient annoncé qu'ils étaient disposés à réintégrer dans le corps du texte de loi plusieurs dispositions qu'il était initialement prévu de faire adopter par ordonnances ; cette mesure très positive ne peut que satisfaire les parlementaires.

S'agissant de la déclaration d'urgence, il a indiqué que la Commission assumait totalement l'initiative du Gouvernement : l'urgence est justifiée car ce texte doit être adopté avant que l'examen du budget occulte largement le reste de l'activité parlementaire.

Se félicitant de l'esprit d'ouverture manifesté par le Gouvernement sur ce texte, il a indiqué que la Commission proposerait des amendements sur le volet montagne, de même que sur l'intéressement - lequel, au moment où la participation est relancée, appelle des signes très forts - et sur les biocarburants, sujet sur lequel les députés sont également très mobilisés.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche s'est dit heureux et fier de présenter aux commissaires le projet de loi d'orientation agricole. Premier texte à être examiné lors de la session prochaine, sa discussion débute alors que le gouvernement britannique rouvre le débat sur la PAC et que l'Europe est engagée dans le cycle des négociations de Doha - dont les enjeux pour la France sont encore plus importants que ceux de la PAC. Le Président de la République vient de recevoir l'ensemble des organisations agricoles et les deux dossiers à l'ordre du jour étaient précisément la PAC et l'OMC.

Le débat devra être le plus direct possible et le Gouvernement se montrera très ouvert aux propositions d'amendements qui ne manqueront pas d'être émises. Le travail remarquable réalisé par Antoine Herth et les suggestions qu'il a recueillies se traduiront naturellement par des amendements, mais, au-delà, le texte pourra être enrichi sur plusieurs points : s'agissant du volet montagne, des mesures sont d'ores et déjà imaginées mais, de nature réglementaire, elles ne concernent pas l'Assemblée nationale ; des dispositions pourraient être prises en faveur des salariés agricoles ; quant aux biocarburants, le Premier ministre a annoncé au salon Space de Rennes qu'il accélérait le plan Raffarin en fixant la réalisation de l'objectif de 5,75 % d'incorporation non plus pour 2010 mais pour 2008, soit une multiplication par six de la production française de biocarburants, ce qui nécessitera le passage de six à huit usines.

Le texte relatif aux territoires ruraux, initialement porté par Hervé Gaymard et Nicolas Forissier, a été grandement enrichi par le Parlement et contient nombre de mesures réglementaires ; il est donc très lourd et difficile à expliquer sur le terrain. À l'inverse, le présent texte, dans la tradition des lois d'orientation, est bref et renvoie aux ordonnances et aux règlements tous les aspects de nature réglementaire, afin de ne pas encombrer le travail du Parlement.

Pourquoi une loi d'orientation agricole est-elle nécessaire ? Les grandes lois fondatrices de Michel Debré et d'Edgar Pisani, dans les années soixante, ont accompagné la mise en œuvre du premier marché commun en définissant un cadre stable pour l'exercice de l'activité agricole. Elles ont donné un statut fiscal, social et économique à l'exploitation agricole, organisé le statut du fermage et favorisé le progrès technique en agriculture. Elles ont promu le modèle de l'exploitation agricole à responsabilité familiale, dont la taille permettait d'assurer la rémunération de deux unités de travail.

Au fil du temps, ce modèle a dû se diversifier pour répondre à la multiplicité des formes d'exploitation. Alors que s'affirment de nouvelles attentes du corps social, notamment environnementales, les pouvoirs publics et les élus envisagent l'agriculture avec un autre regard, compte tenu de ses missions d'aménagement de l'espace, de préservation du paysage et de son impact environnemental.

Ce projet de loi d'orientation s'inscrit dans la continuité des précédents - le dernier, présenté par Jean Glavany, datant de 1999. Il fixe des lignes directrices et un cadre de travail permettant aux exploitations agricoles de s'adapter aux évolutions engagées. Il prend d'abord acte du nouveau contexte international créé par l'OMC et de la réforme de la PAC de 2003 qui est entrée en application depuis 2005. Il s'attache ensuite à prendre en compte la diversification des formes d'exploitation depuis quarante ans, ainsi que l'émergence des exigences nouvelles de nos concitoyens.

La France est aujourd'hui le premier exportateur mondial de produits bruts et le second pour les produits transformés. L'ambition de ce texte est donc de contribuer à maintenir une agriculture et une industrie alimentaire françaises efficaces et performantes, répondant aux besoins de la société et concourant à la richesse de l'économie. Agir pour l'agriculture, c'est aussi participer au combat en faveur de l'emploi, conférer du dynamisme au monde rural et préserver nos territoires.

Dans le cadre de cet objectif, le projet de loi d'orientation fait le choix d'accompagner l'effort d'adaptation et de modernisation de l'agriculture française en prenant en compte les évolutions du contexte international.

La libéralisation accrue des échanges et les mutations des mécanismes de régulation communautaires, avec l'introduction du découplage, mettent le secteur agricole de plus en plus en prise directe avec le marché. Il en résulte aussi une concurrence accrue, à laquelle il convient de se préparer en toute confiance car l'agriculture et l'industrie alimentaire françaises ne sont pas sur la défensive mais disposent d'atouts incontestables. Le haut niveau de technicité des agriculteurs - grâce à l'enseignement agricole -, le haut niveau de performance et de sécurité sanitaire placent la France dans un peloton de tête dont il ne faut pas sortir.

La PAC, même si son application est parfois difficile sur le terrain, constitue une formidable chance pour l'agriculture française. Le soutien communautaire représente un retour budgétaire annuel de 10 milliards d'euros pour la ferme France et l'Union européenne représente un marché intérieur de 450 millions d'habitants et de consommateurs, parmi les plus vastes et les plus solvables du monde. Si la France, dans les négociations de l'OMC, se retrouvait seule face aux États-Unis, au Brésil et à l'Argentine, elle pèserait peu.

Ces atouts doivent permettre au secteur de s'adapter au nouveau contexte. Des opportunités prometteuses s'offrent au monde agricole, qu'il s'agisse de la demande de produits agroalimentaires transformés, entraînée par la croissance démographique, ou des débouchés non alimentaires, comme les biocarburants.

Encore faut-il que le cadre national permette à l'agriculture d'exprimer ses potentialités. L'objectif de ce projet de loi est d'offrir à l'agriculture les moyens d'une compétitivité renforcée pour l'aider à conserver sa place de premier plan.

Naturellement, ce texte s'inscrit dans un ensemble plus large de dispositions, comme celles contenues dans le plan biocarburants.

Enfin, il est en cohérence avec les propositions du Gouvernement, en matière fiscale, s'agissant des plans d'urgence pour l'emploi, ou encore des décisions prises récemment sur les pôles de compétitivité, quinze d'entre eux étant consacrés à l'agriculture et à l'alimentation, de manière à promouvoir l'innovation par des liens renforcés avec le système éducatif et la recherche.

La France a su préserver l'équilibre entre villes et campagnes ; c'est l'un des premiers pays touristiques au monde, son agriculture, performante au niveau mondial, est très respectueuse de l'environnement, mais elle rencontre des difficultés et il faut essayer de l'aider.

Le ministre a ensuite présenté les mesures principales du projet de loi, organisé autour de cinq titres.

Le titre Ier s'intéresse à l'entité fondamentale que constitue l'exploitation agricole, à la modernisation de l'exploitation agricole et à la démarche d'entreprise.

Dans les exploitations d'aujourd'hui, le conjoint travaille de plus en plus à l'extérieur, les types d'exploitation se sont diversifiés, les formes sociétaires se sont développées et les installations en dehors du cadre familial sont plus fréquentes.

Sur la base de ce constat, le projet de loi encourage la formation d'exploitations organisées autour d'une démarche d'entreprise en conservant toutefois la responsabilité personnelle voulue par les grandes lois des années soixante.

Le bail cessible permettra à un exploitant de transmettre globalement une exploitation hors du cadre familial, évitant son démembrement entre les différents propriétaires bailleurs, comme c'est parfois le cas aujourd'hui. Cette possibilité, qui supposera le libre choix entre les parties, ne se substituera pas au bail rural classique.

Le fonds agricole, à l'image du fonds de commerce, permettra de mieux reconnaître la valeur du travail agricole et de mieux distinguer la valeur patrimoniale de la valeur économique de l'exploitation agricole.

Pour promouvoir la forme sociétaire, le projet de loi autorise les associés d'EARL -exploitations agricoles à responsabilité limitée - à conserver leur statut fiscal de type personnel et donc à ne pas être soumis à l'impôt sur les sociétés, cette disposition s'appliquant hors du cadre familial. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé, le 13 septembre, la suppression de la cotisation de solidarité pour les associés non exploitants. Cette disposition, qui doit stimuler l'investissement dans les entreprises agricoles, sera intégrée au projet de loi sous forme d'amendement au moment de l'examen parlementaire.

Pour tenir compte de l'évolution des structures d'exploitation, le projet de loi contient deux dispositions importantes.

Premièrement, l'article 5 assouplit le contrôle des structures : le seuil de contrôle lié à l'exploitation du repreneur est relevé. Il s'agit d'un point d'équilibre entre les positions des différentes parties introduisant de la simplification tout en maintenant le pouvoir de la CDOA (commission départementale d'orientation de l'agriculture).

Deuxièmement, un mécanisme fiscal de crédit d'impôt tendant à inciter à la transmission progressive est instauré. Cette mesure est très attendue par les jeunes car les transmissions d'exploitations sont de plus en plus prioritaires par rapport aux restructurations.

Le projet de loi améliore aussi les conditions de vie des exploitants avec le crédit d'impôt pour remplacement, qui apporte une réponse aux difficultés réelles d'exercice de ce métier.

Le titre II vise à conforter le revenu agricole et intervient au niveau des filières, à l'intérieur des marges de manœuvre autorisées par le cadre communautaire. Le Gouvernement privilégie plusieurs voies : les nouveaux débouchés, le renforcement de l'offre, la gestion des risques et la baisse des charges.

L'agriculture et la forêt ont une carte à jouer dans l'enjeu stratégique que constitue le développement de nouveaux débouchés comme la biomasse. Avec l'article 11, il s'agit de reconnaître la contribution de la production agricole et forestière à la lutte contre l'effet de serre : l'agriculture et la forêt participeront aux bilans et mécanismes de marché destinés à mettre en œuvre les engagements internationaux de la France dans le cadre du protocole de Kyôto. Au-delà de l'impact attendu sur le plan environnemental, il s'agit également pour l'agriculture de conquérir de nouveaux débouchés non alimentaires et de créer des marchés.

Sécuriser le revenu, c'est aussi renforcer l'organisation des filières. Une position de compromis a été trouvée : les missions des interprofessions seront étendues de manière à leur permettre d'intervenir dans la promotion de nouveaux débouchés ou la gestion des crises. La contractualisation sera encouragée dans la mesure où elle crée les conditions d'une relation plus équilibrée entre l'amont et l'aval. Enfin, conformément aux recommandations de M. François Guillaume, la coopération agricole, qui a un rôle essentiel à jouer dans l'équilibre des filières, bénéficiera de moyens accrus et modernisés.

Garantir le revenu, c'est encore développer les outils de gestion des risques, qu'ils soient climatiques ou conjoncturels. Le projet de loi réaffirme le nécessaire développement de l'assurance récolte - qui, cette année, remporte un franc succès - et revalorise les plafonds applicables à la déduction pour investissement et à la dotation pour aléas.

Garantir le revenu, c'est enfin baisser les charges. Le Président de la République, dans son discours de Murat, a annoncé la disparition progressive de la taxe sur le foncier non bâti pour les exploitants agricoles. Le Gouvernement proposera, dans le projet de loi de finances 2006, une baisse de 20 % de cette taxe, représentant 140 millions d'euros, lesquels seront compensés par l'État au centime d'euro près pour les communes.

Le titre III traite des préoccupations sociales, de l'environnement et de la qualité. Il complète le dispositif déjà très développé de sécurité sanitaire des aliments en confiant l'évaluation du risque lié aux fertilisants et produits phytosanitaires à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, connue pour sa rigueur et son efficacité.

Il cherche également à améliorer la lisibilité des signes de qualité pour le consommateur en créant un institut de la qualité.

L'agriculture biologique sera encouragée au travers d'un crédit d'impôt.

Enfin, le texte instaure la possibilité de conclure un bail comportant des clauses environnementales dans certains territoires présentant des enjeux environnementaux importants.

Le titre IV simplifie l'environnement administratif de l'agriculture, actuellement sur-administrée, la multitude de réglementations de toutes natures étant tantôt issues de la législation européenne, tantôt inventée avec talent par l'administration nationale. Il convient de faire disparaître l'« impôt paperasse » pour que les exploitants se consacrent à leur métier : produire.

Le projet de loi crée ainsi l'agence unique de paiement pour les aides du premier pilier.

Le dispositif de développement agricole sera simplifié.

Enfin, la loi sur l'élevage sera adaptée pour tenir compte du nouveau contexte communautaire et des besoins des éleveurs.

Le titre V apporte des réponses adaptées à la situation foncière particulière des départements et collectivités d'outre-mer.

Ce texte ayant été présenté en Conseil des ministres le 18 mai, il a été possible de poursuivre le dialogue avec les organisations agricoles, le Conseil économique et social, les rapporteurs des commissions saisies au fond et pour avis, ainsi que des parlementaires de la majorité comme de l'opposition. C'est ainsi que le texte a été amélioré sur des points comme le foncier ou l'emploi, grâce notamment à l'excellent travail accompli par Jacques Le Guen, en sa qualité de parlementaire en mission, à propos des distorsions de concurrence en termes d'emploi et de salaires.

S'agissant du foncier, la préoccupation est vive devant le recul du foncier agricole au profit d'autres usages. La loi sur le développement des territoires ruraux apportait une première réponse et les choses doivent encore être améliorées dans ce domaine.

Sur le plan de l'emploi, depuis la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, des arbitrages favorables ont été obtenus pour alléger le coût du travail, améliorer la rémunération et donc le pouvoir d'achat et accroître la sécurité.

Le Gouvernement proposera notamment la création d'un contrat jeune saisonnier agricole, la mise en place d'une incitation à la conversion de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée et des mesures en faveur des groupements d'employeurs.

Le ministre a précisé que l'élaboration de ce texte avait été précédée, à l'initiative de son prédécesseur, M. Hervé Gaymard, par des débats en région très intéressants, la mise en place d'une instance de réflexion ad hoc et un travail très utile du Conseil économique et social.

Puis il a abordé le sujet de l'habilitation à légiférer par ordonnances. En vue de présenter un texte court, les mesures concernées par cette procédure étaient initialement nombreuses, mais toutes portaient sur des aspects techniques ou des transpositions de directives, comme il est d'usage, cette procédure étant admise de longue date par le Conseil d'État. Sans le recours à ordonnances, la loi aurait comporté 143 articles, comme celle de Jean Glavany.

Tenant compte des remarques du président de la Commission et du rapporteur, le Gouvernement propose de faire évoluer le dispositif prévu par la suppression de cinq articles sur les onze envisagés ; pour quatre d'entre eux, les modifications législatives seraient introduites dans le texte par amendement ; deux articles verraient leur champ d'application réduit, notamment celui relatif à la loi sur l'élevage, dont les orientations feraient l'objet d'un article de loi nouveau ; quatre articles d'habilitation seulement seraient maintenus en l'état.

Rien ne s'oppose à l'introduction directe dans le projet de loi, à l'article 15, des mesures concernant l'extension des règles édictées par les comités économiques agricoles ; à l'article 19, de celles concernant le développement de l'assurance récolte ; dans la deuxième partie de l'article 11, de celles concernant l'extension des missions de divers organismes.

Un vecteur législatif plus adapté sera trouvé pour l'article 30, relatif aux aspects organisationnels du ministère, et une partie de l'article 22, qui concerne le domaine sanitaire, les transpositions de droit communautaire étant néanmoins maintenues.

Il a également été envisagé de supprimer l'article 34, concernant Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, mais les représentants de ces collectivités se sont prononcés en faveur d'ordonnances.

Quant à l'article de la loi d'habilitation sur la prise en compte de l'agriculture et de la forêt dans la lutte contre l'effet de serre, il pourrait être remplacé par un article de principe intégré au code rural, le Gouvernement s'engageant à présenter un rapport dans les vingt-quatre mois.

Le Parlement connaît bien la question des signes de qualité. Les évolutions envisagées ayant reçu l'accord de l'INAO - Institut national des appellations d'origine -, de la Commission nationale des labels et des organisations professionnelles, le Gouvernement propose de maintenir le recours à l'ordonnance, sachant par ailleurs qu'une modification par voie législative supposerait la modification de quarante-sept articles du code rural.

Enfin, une réforme de la loi sur l'élevage est nécessaire car le principe de monopole des années soixante ne saurait être maintenu. Il faut mettre en place un nouveau dispositif plus responsabilisant pour la profession et préservant l'accès à des ressources génétiques de qualité pour tous les éleveurs. Il serait envisageable de définir ces orientations dans un article de loi de manière à limiter l'article d'habilitation aux dispositions les plus techniques.

Le ministre a assuré que, sur chaque point, les professionnels et les parlementaires seraient associés à la rédaction des ordonnances maintenues et il a demandé au président de la Commission de désigner à cet effet un petit groupe d'experts, autour des rapporteurs.

Le Président Patrick Ollier a remercié le ministre et ses services pour leur réactivité sur le problème des ordonnances, qui préoccupait beaucoup la commission. Le Gouvernement ayant annoncé la suppression de la moitié des articles d'habilitation, les mesures à discuter seront plus nombreuses et les députés, compte tenu du temps parlementaire disponible réduit, devront accomplir un effort de concision lors des débats.

Il importe que le groupe de travail suive jusqu'à son terme la rédaction de l'ordonnance sur les signes de qualité et que la commission y soit le mieux représentée possible.

Le rapporteur, après avoir à son tour remercié le ministre pour ses réponses concernant les ordonnances, l'a néanmoins interrogé sur ses intentions concernant l'article 22, relatif à la sécurité sanitaire.

Puis, il a fait part de certaines inquiétudes sur plusieurs problèmes.

Le fonds agricole et le bail cessible suscitent ainsi de nombreuses remarques relatives au risque de renchérissement de l'installation des jeunes agriculteurs ou à leurs conséquences sur la fiscalité des transmissions. Il a regretté à cet égard que la Commission des affaires économiques ne puisse disposer de l'avis de la Commission des finances pour sa réunion du 28 septembre.

L'article 14 sur les organisations de producteurs et les interprofessions est tout aussi délicat. Il convient certes de poser dans la loi un principe pour permettre une évolution de la situation de l'organisation des marchés mais aussi, dans un second temps, de considérer le problème secteur par secteur afin de trouver des dispositions particulières adaptées à chacun.

Le contrôle des structures, déjà évoqué dans la loi de 1999, connaît des difficultés de traitement administratif. Mais dispose-t-on de statistiques permettant de connaître le nombre de dossiers traités et de savoir dans quelle mesure alléger le dispositif ?

De même, la multifonctionnalité était déjà présente dans la loi de 1999 avec la reconnaissance des contributions non marchandes et souvent non alimentaires de l'activité des agriculteurs et le recours à l'aide publique pour les rémunérer. Le projet effectue un saut qualitatif puisqu'il ouvre la possibilité de valoriser ces contributions sur le marché, avec les carburants, les huiles végétales et accessoirement l'allégement de la TVA sur le bois énergie. Quelle est la position actuelle du ministère sur ce point ? Il est en effet possible d'aller plus loin par une politique plus générale de valorisation de la biomasse, voire des déjections animales, comme le montrent les exemples étrangers.

Enfin, le texte ne traite pas de la question particulièrement sensible des organismes génétiquement modifiés, alors qu'une Mission d'information de l'Assemblée nationale a élaboré un rapport à ce propos. Quelles mesures législatives le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour préparer l'avenir ?

M. Jean Gaubert a déduit des propos du rapporteur que celui-ci n'était pas mieux informé que lui sur les dernières avancées du gouvernement et donc que les députés allaient devoir travailler dans une certaine précipitation, alors même que le projet de loi est annoncé depuis trois ans et demi. Il a observé que si celui-ci avait été présenté un peu plus tôt, la déclaration d'urgence n'aurait pas été nécessaire.

Il a demandé quand la nouvelle rédaction des articles cités par le ministre serait disponible en insistant sur l'urgence pour les parlementaires d'en disposer, faute de quoi ils seraient dans l'incapacité de réagir et de préparer leurs amendements éventuels, ce qui serait tout à fait inacceptable.

Estimant que le projet de loi n'était pas une loi fondatrice comme celles des années soixante, il a reconnu que, la législation européenne ayant changé et que le secteur agricole dépendant de décisions adoptées à l'échelon européen, la loi ne pouvait qu'accompagner ces mutations.

Il a jugé les orientations du projet complètement libérales. Ainsi, les nouvelles conditions d'accès à la terre et de contrôle des structures vont forcément modifier la situation actuelle. Une ancienne présidente du CNJA disait : « J'aime mieux avoir des voisins que des hectares autour de moi. » Ce projet de loi ne consacrera-t-il pas la présence d'hectares autour des exploitations agricoles plutôt que de voisins ? Il a indiqué que le groupe socialiste ferait donc des propositions afin de rendre le contrôle des structures plus opérant et plus efficace sans pour autant l'alléger.

Observant que la création du « fameux » fonds agricole procédait du raisonnement suivant : puisque les pas-de-porte existent, il faut les légaliser, il a considéré que cela conduirait à généraliser une pratique qui n'existait pas dans de nombreuses régions, notamment celles où les agriculteurs sont les moins riches. Il s'est inquiété des conséquences de la création du fonds agricole sur le coût de la reprise des exploitations.

Soulignant que le projet rendait commercialisable un droit à primes que les agriculteurs actuels n'avaient pas payé, et qui n'était pas acquis au-delà de 2013, voire avant, selon les arbitrages qui seront rendus au niveau européen, il s'est interrogé sur la logique consistant à comptabiliser dans le fonds des droits à primes qui seront un jour ou l'autre remis en cause et il s'est demandé comment réorienter et diversifier l'exploitation quand ces droits avaient été achetés au prix fort.

Estimant que les dispositions relatives aux interprofessions concrétisaient un très fort désengagement de l'État, il a jugé que leur mise en œuvre ne réglerait pas forcément le problème de la gestion de crise, ce dont les différents opérateurs rencontrés sur le terrain sont conscients.

Il a indiqué que le groupe socialiste ferait des propositions concernant le statut des salariés, complètement absent du texte en s'inspirant des mesures prises par M. Renaud Dutreil avec le soutien du groupe socialiste sur le statut des conjoints d'artisans et de commerçants et a jugé inacceptable que l'on puisse travailler, en 2005, sur une exploitation sans bénéficier d'aucun statut.

Il a souligné que la question des biocarburants devrait être abordée et a estimé nécessaire de redéfinir l'intégration de l'agriculture, qui a beaucoup changé depuis la loi de 1964 et les modifications de 1979 ou 1980.

M. François Sauvadet a souligné combien ce rendez-vous était attendu par les parlementaires, par la profession agricole et, au-delà, par tout le monde rural, qui attend, dans une période de profonde incertitude, qu'on lui fixe un cap.

Il a souhaité que la représentation nationale soit informée de la position du Gouvernement dans les négociations qui vont s'ouvrir à Doha, alors que l'Union européenne se trouve extrêmement divisée après le « non » au référendum et compte tenu des incertitudes pesant sur le budget communautaire.

Soulignant que le groupe UDF souhaitait une loi d'orientation et non pas se bornant à prendre acte des décisions prises et à mettre en place des outils, il s'est réjoui de la réintroduction de certaines dispositions qui devaient faire l'objet d'ordonnances dans le projet, mais a jugé qu'il conviendrait d'aller plus loin, notamment pour les signes de qualité, sujet d'importance qui concerne aussi les consommateurs.

Dans le cadre de ce travail en cours, il conviendrait également que le Gouvernement affiche d'emblée quelles sont les grandes orientations qu'il envisage pour l'agriculture française. Les réformes successives de la PAC ont fait reculer l'agriculture française, y compris dans les domaines où elle était extrêmement forte, comme la viticulture, pour laquelle les clignotants sont aujourd'hui au rouge. Quel message la France va-t-elle porter dans les futures renégociations au plan européen ? C'est seulement une fois précisées ces grandes orientations que l'on pourra mettre l'agriculture en mesure de relever les grands défis qui l'attendent.

S'agissant des outils mis en œuvre dans le projet de loi et plus précisément du fonds, l'objectif est de clarifier ce qui relève du patrimoine privé et de l'exploitation et d'améliorer la transmission. Toutefois, faute d'avoir mené la réflexion à son terme, notamment sur les aspects fiscaux, les inquiétudes dépassent désormais l'espérance suscitée à l'annonce de la création du fonds. Le fonds n'est pas créé, il est révélé, mais un renchérissement des transmissions, même familiales, est à craindre.

S'agissant de l'avenir, il aurait été souhaitable d'aborder la question de la modernisation de l'enseignement et de la recherche pour renforcer la place de l'innovation et l'adaptation à l'emploi. Le groupe UDF fera des propositions à ce propos.

Le fermage, sujet d'importance dont le Parlement devrait pouvoir débattre, reste renvoyé à une ordonnance ; il faudra également trouver un équilibre entre, d'une part, la liberté et le souffle nécessaires aux exploitations pour qu'elles restent compétitives et, d'autre part, la nécessité d'être attentif au maintien des agriculteurs sur le territoire, dans chaque département.

En matière de gestion des risques et de gestion des marchés, il semble que le choix opéré par le gouvernement soit de s'engager résolument dans la gestion des risques. Des leçons doivent également être tirées de la mise en place de l'assurance récolte. Ainsi, des céréaliers en Côte d'or, bien que reconnus pour la quatrième année consécutive en situation de calamité agricole, ne bénéficient pas de l'assurance récolte car les années de référence ne permettent pas de prendre en compte la réalité du revenu, et, dans le même temps, n'obtiennent pas de réponse en matière de gestion des marchés et de la part du fonds des calamités. La position du Gouvernement sur la gestion du risque lié à l'exploitation et sur la gestion du risque de calamité doit donc être clarifiée, notamment pour les zones herbagères et les zones d'élevage, ainsi que sur l'avenir de l'ancien BAPSA (Budget annexe des prestations sociales agricoles) devenu FFIPSA (Fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles), dont le déficit se monte à 3,2 milliards d'euros.

Estimant qu'une bonne loi d'adaptation devait comporter un volet fiscal et social, il a annoncé que le groupe UDF formulerait des propositions.

Soulignant que les députés devaient avoir le temps d'examiner les amendements relatifs aux dispositions qui relevaient jusqu'à présent d'ordonnances, il a demandé comment les travaux seraient organisés.

M. André Chassaigne a félicité le président de la Commission et le rapporteur pour leur admirable démonstration de dialectique consistant à démontrer à la fois qu'il convenait de faire vite mais que la porte restait ouverte à la discussion de nombreux amendements.

Il a exprimé son assentiment aux propos tenus par M. François Sauvadet tout en se désolidarisant de l'affirmation selon laquelle le projet de loi n'était pas un texte fondateur. Il a estimé le contraire, le texte orchestrant le glissement de l'agriculture familiale, socle de la ruralité, vers une agriculture libérale et même capitaliste.

Sur le fond, un des dispositifs juridiques prévus dans le projet de loi remet en cause le statut du fermage, sans qu'il y soit fait la moindre référence dans l'exposé des motifs. Ainsi, l'augmentation de 50 % du prix du bail cessible s'imposera au fur et à mesure que les bailleurs en auront l'opportunité. De même, avec l'introduction de la possibilité de ne pas renouveler un bail sans justification, l'ensemble de l'équilibre du statut du fermage est remis en cause. Le Gouvernement considère-t-il le statut du fermage comme un obstacle au développement de l'agriculture ?

Comment les générations pourront-elles se renouveler avec la hausse généralisée du prix du foncier, des baux ruraux et plus généralement de l'installation ? Il semblerait que le gouvernement ne veuille pas alléger l'agriculture française mais la « plomber » avec des charges accrues. Quelle aide envisager pour l'installation ? L'article 6, relatif à l'installation progressive, ne conduira-t-il pas à transférer le risque de l'installation des banques vers les agriculteurs retraités ?

Sur l'article 23, il a demandé au Gouvernement de préciser sa position sur la réforme des labels, AOC et autres signes de qualité.

Observant que le projet de loi d'orientation devait être largement amendé, notamment sur les salaires, les saisonniers, le foncier, les biocarburants, il a demandé si l'Assemblée serait informée des rectifications annoncées : le projet de loi fera-t-il l'objet d'une lettre rectificative ou sera-t-il modifié par le dépôt d'amendements du Gouvernement ou de la majorité ?

Indiquant que le groupe communiste se réservait d'évaluer l'importance des sujets qui resteront renvoyés à des ordonnances, il s'est demandé s'il ne serait pas possible de réintégrer l'ensemble des dispositions faisant l'objet d'une habilitation dans le projet.

M. Michel Raison a jugé que le texte était bien une loi d'orientation mais qu'en revanche ce n'était pas un texte fondateur puisqu'il s'appuyait sur des bases existantes solides, avec un fonctionnement très structuré de l'agriculture, tout en s'inscrivant sans un environnement économique européen et international en forte évolution.

Il s'agit par conséquent d'une loi d'orientation, voire de réorientation, de l'exploitation familiale traditionnelle vers une véritable entreprise agricole, ce qui n'empêche évidemment pas les petites entreprises familiales de le rester. Il s'agit de permettre à ceux qui souhaitent créer de véritables entreprises agricoles de bâtir de véritables projets de carrière et de s'installer ou se réinstaller en agriculture tout en anticipant leur cessation d'activité, qui peut intervenir avant l'âge de la retraite.

Le projet de carrière sera facilité par l'allégement du contrôle des structures, qui favorisera l'arrivée de nouveaux éléments en agriculture, ainsi que par une fiscalité plus adaptée, qui sera aménagée au cours du débat.

Il a ensuite souhaité évoquer trois questions.

S'agissant de l'emploi salarié, il s'est demandé s'il ne faudrait pas en tenir compte dans la mesure des exploitations.

S'agissant des débouchés non alimentaires, il importe, à côté des biocarburants, de poursuivre le développement de la biomasse, de l'énergie provenant du bois, de la paille, du biogaz et d'autres sous-produits agricoles, des matériaux à base de fibres comme le chanvre, ou d'amidon, avec lesquelles on peut fabriquer du béton armé isolant ou des plastiques biodégradables, sans oublier les débouchés dans l'industrie automobile ou l'agrochimie (tensioactifs, détergents, solvants, lubrifiants, cosmétiques...).

Enfin, il a considéré que, dès lors que l'agriculture était mieux structurée en entreprises, les entrepreneurs de travaux agricoles devaient aussi participer à l'orientation agricole puisqu'ils servent les exploitations, toute taille confondue, et qu'ils servent plus généralement le milieu rural, en évitant cependant toute distorsion de concurrence avec les autres entrepreneurs ruraux que sont les artisans.

Le groupe UMP est donc satisfait de l'orientation donnée par cette loi et proposera évidemment de nouveaux amendements, en commission comme en séance, pour l'enrichir et en faire davantage encore un texte d'orientation.

Le Président Patrick Ollier a précisé que les amendements du Gouvernement étaient à l'instant même en cours de transmission à la Commission et que la plupart d'entre eux lui parviendraient au cours de la soirée.

Le ministre a apporté les éléments de réponse suivants aux orateurs des groupes :

- la création du fonds agricole et du bail cessible constitue une évolution importante. Le jeune agriculteur qui souhaite s'installer doit racheter tout ou partie d'une exploitation en état de marche, l'objectif étant d'éviter l'éclatement. Le coût des reprises d'exploitation va sans doute augmenter, mais il s'agit de toute manière d'une tendance lourde et il est naturel que le vendeur souhaite valoriser son bien. Le fonds agricole ne devrait pas amplifier le phénomène ; au contraire, il clarifiera les conditions juridiques et facilitera le plan de financement. Le Gouvernement est cependant ouvert aux propositions d'amélioration pour éviter ce risque ;

- sur l'article 14 et les organisations de producteurs, le Gouvernement a recherché un point d'équilibre. Il convient de privilégier les organisations de producteurs qui assurent l'achat de la production de leurs membres en vue de sa commercialisation. Cette révolution culturelle appelle une évolution progressive. C'est pourquoi le projet de loi n'impose pas le transfert de propriété mais prévoit des solutions alternatives. Les modalités concrètes seront déterminées filière par filière dans les décrets d'application, qui seront très rapidement communiqués aux parlementaires et aux organisations professionnelles ;

- le concept de multifonctionnalité constituait l'un des points majeurs de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, avec les fameux contrats territoriaux d'exploitation (CTE) qui se sont avérés très coûteux. Mais les démarches contractuelles pour rémunérer les services non marchands vont continuer à se développer ; c'est un élément important du deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC). Pour assumer toutes ces fonctions, il faut néanmoins commencer par consolider l'avenir de l'agriculture. C'est pourquoi, en réorientant celle-ci vers sa fonction économique, loin de remettre en cause la multifonctionnalité, on pose à la mise en œuvre de celle-ci une condition préalable : la rentabilité de l'exploitation. Le développement des utilisations non alimentaires est évidemment une dimension essentielle de la multifonctionnalité ;

- sur les organismes génétiquement modifiés, la Mission d'information présidée par Jean-Yves Le Déaut, et dont le rapporteur était Christian Ménard, a effectué un travail remarquable et le Gouvernement déposera un projet de loi s'inspirant largement de ses conclusions. Le texte sera déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat et viendra en discussion au cours du quatrième trimestre 2005 ;

- l'article 22, relatif à l'habilitation sanitaire, a essentiellement pour objet d'harmoniser la réglementation nationale avec la règle européenne. Sur ses six alinéas, le Gouvernement propose d'en supprimer deux, le quatrième et le sixième. Le troisième sera précisé pour expliciter la formulation un peu ambiguë sur l'élargissement des pouvoirs de contrôle des agents ;

- la loi n° 99-574 précitée avait renforcé le contrôle des structures sans que cela ait un impact significatif sur les installations. Il convient de maintenir cette procédure mais tout dépend de la manière dont elle est appliquée dans chaque département. C'est pourquoi le Gouvernement a choisi d'alléger le contrôle et de revenir à une situation proche de celle d'avant-1999 : il sera ciblé sur les aspects les plus structurants. Les commissions départementales des opérations agricoles (CDOA) instruisent 50 000 dossiers de contrôle par an et émettent 4 000 refus ; le relèvement des seuils allégerait leur travail ;

- le texte ne comporte encore, c'est vrai, aucune mesure concernant les biocarburants, mais le Gouvernement est très ouvert sur cette question puisqu'il vient de nommer un coordinateur interministériel de la biomasse ;

- le Conseil d'État a considéré, comme le Gouvernement, que ce texte mérite l'appellation de loi d'orientation parce qu'il propose un nouveau modèle d'exploitation agricole, avec des évolutions de fond en matière de relations entre le propriétaire et le fermier, mais aussi parce qu'il apporte des réponses à des attentes sociales fortes ;

- des amendements gouvernementaux seront déposés et, conformément à la loi de la démocratie, il est souhaitable que le rapporteur et la majorité, qui ont travaillé avec le Gouvernement, déposent les leurs. Il n'en demeure pas moins que le Gouvernement sera ouvert à ceux provenant des groupes d'opposition dans un souci de dialogue constructif ;

- si la PAC actuelle court jusqu'en 2013 - n'en déplaise à M. Tony Blair -, les DPU, droits à paiement unique, constitueront à terme un élément essentiel de la viabilité des exploitations. Les mesures d'application fixées avec les organisations tendent à éviter tout trafic de DPU. Ces droits, de nature très différente par rapport aux droits à produire ou aux primes traditionnelles, ont vocation à être intégrés dans le fonds agricole, lequel permettra de gérer l'ensemble de biens, corporels ou incorporels. Dans le fonds agricole, les DPU seront marchands tandis que les droits à prime seront administrés ;

- sur la question des salariés agricoles, le texte peut être enrichi : le Gouvernement présentera des amendements et sera très attentif à ceux que les parlementaires proposeront pour améliorer la condition des salariés agricoles ;

- les négociations de l'OMC se trouvent à un point clé puisque les représentants de la Commission européenne viennent de rencontrer ceux des États-Unis, de l'Inde et du Brésil. Le Gouvernement français considère que la Commission européenne, dans cette affaire, ne négocie pas correctement puisqu'elle n'a rien obtenu sur le plan des échanges industriels, des biens et des services, quand elle a déjà fait des concessions sur les questions agricoles ou laissé entendre qu'elle était prête à en consentir, aussi bien s'agissant des exportations que de l'accès aux marchés et des soutiens internes. Mais le Gouvernement va tracer une ligne rouge et il ne se retrouve pas seul, la quasi-totalité des vingt-cinq États membres se situant sur la même ligne de fermeté et de respect du mandat donné à la Commission ;

- sur le FFIPSA, les parlementaires trancheront lors de l'examen du PLFSS. Il s'agit, à ce stade, de dégager des ressources nouvelles, comme s'y emploie M. Yves Censi, président du conseil de surveillance, et de pérenniser la spécificité du système de protection sociale agricole avec son support, la mutualité sociale agricole. Sur cette ligne, le Gouvernement ne transigera pas ;

- le fonds agricole bénéficiera du droit forfaitaire appliqué aux mutations de parts des sociétés agricoles, sous réserve du travail effectué avec M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances, qui prépare un amendement dans cette direction ;

- il est apparu utile au Gouvernement d'accompagner toutes ces mesures nouvelles par un travail de simplification et d'adaptation du statut du fermage afin de conforter ce dernier. Il s'agit d'harmoniser et de regrouper les cas de résiliation du bail et en aucun cas de remettre en cause le fondement du statut et le droit au renouvellement du bail pour le preneur, sur lequel s'appuie tout un pan de la vie agricole ;

- le projet de loi sur la recherche sera le véhicule le mieux adapté aux mesures concernant la recherche agricole. Le Premier ministre a annoncé, à Rennes, qu'il créerait une mission de réflexion sur l'enseignement agricole, sous la responsabilité conjointe des ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture, laquelle sera vraisemblablement confiée à M. François Grosrichard, journaliste spécialiste de l'aménagement du territoire ;

- s'agissant de l'allègement des charges, le remboursement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), avec le passage de quatre à cinq centimes par litre, atteint maintenant 88 %, et la mesure, annoncée par le Premier ministre en septembre, est rétroactive au 1er septembre. La taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) fera l'objet d'un débat, la commission des finances du Sénat s'opposant résolument à sa suppression. Le projet de loi comporte aussi des mesures d'aide importantes comme les revalorisations du plafond de la déduction pour investissement (DPI) et de la déduction pour aléas (DPA), le crédit transmission ou le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique ;

- le dispositif d'aide à l'installation vise à adapter les procédures grâce au crédit transmission, mis au point avec l'ensemble des jeunes agriculteurs, et pas seulement avec le CNJA. Le taux d'intérêt du prêt bonifié pour les jeunes agriculteurs vient également d'être abaissé ;

- l'article 23 introduit le principe d'une réforme des signes de qualité, l'idée du Gouvernement étant de les simplifier dans le cadre de l'INAO ;

- le Gouvernement est prêt à examiner un amendement en faveur des entrepreneurs de travaux agricoles ;

- en matière de biomasse, le texte comporte des mesures fortes, notamment en son article 11 sur les mécanismes de marché et le prix du carbone. L'article 12 permet sous conditions d'employer l'huile végétale produite sur l'exploitation pour des usages professionnels. Il faudrait trouver un équilibre entre les impératifs techniques et environnementaux et l'intérêt de développer cette filière. Le Gouvernement est également prêt à accepter d'autres mesures concernant les bioénergies mais celles-ci ne sont pas de nature législative. La loi prévoit aussi que les collectivités territoriales bénéficient d'un taux de TVA allégé lorsqu'elles consomment du bois énergie ;

- il est important, enfin, de prendre en compte l'emploi salarié dans les exploitations agricoles. Le Gouvernement s'est engagé à ouvrir ce chantier, qui est plutôt d'ordre réglementaire, puisqu'il concerne les règles d'attribution des aides qui leur sont accordées.

M. François Brottes a insisté à son tour sur la nécessité de disposer des amendements du Gouvernement au plus tôt, d'autant que le projet ne fera l'objet que d'une seule lecture.

Il a indiqué qu'en Rhône-Alpes, aucun agriculteur, même parmi les membres de la FNSEA, ne semblait être partisan du fonds agricole, qui sera défavorable aux petites et moyennes exploitations et mettra en péril l'installation des jeunes.

Il a estimé que le sujet des signes de qualité devait être traité par les parlementaires et souligné l'importance de la traçabilité des produits tant vis-à-vis du consommateur que pour ses effets économiques et les garanties qu'elle apporte en matière de santé et de goût.

Observant que le projet ne comportait pas de volet montagne, il a jugé crucial de conforter l'agriculture de montagne, qui concerne des exploitations de douze à dix-huit hectares et estimé que le fonds agricole risquait encore d'avoir un impact négatif sur ces territoires.

Enfin, il a déploré l'absence d'étude d'impact du projet de loi, contraire à la tradition des lois d'orientation.

M. Jean-Paul Charié s'est associé aux propos de l'orateur précédent sur l'organisation des débats parlementaires et la communication des amendements à l'ensemble des commissaires.

Il s'est interrogé sur la philosophie du Gouvernement à propos des interprofessions, soulignant que la loi d'orientation n'aurait de valeur que si le monde agricole vivait du revenu de son travail, c'est-à-dire s'il vendait sa production au-dessus de ses coûts de revient. Observant qu'en France, lorsque les prix au départ de la propriété baissent, les prix à la consommation augmentent, il a estimé que la pression des grandes surfaces s'effectuait aux dépens des producteurs et que même la concurrence entre coopératives agricoles s'exerçait parfois au détriment des agriculteurs. Il a conclu son propos en disant que si la France ne parvenait pas à résoudre le problème pour les produits alimentaires, elle ne le ferait pas d'avantage pour les produits non alimentaires comme le carburant.

M. Philippe-Armand Martin a fait état des vives craintes que suscite le fonds agricole, notamment pour des filières comme l'horticulture, la production maraîchère et la viticulture, dont une grosse partie est actuellement en crise. Il a affirmé que, dans les régions viticoles en difficulté, ce n'était pas en renchérissant le coût fiscal que les exploitations pourraient être transmises. Les dispositifs fiscaux destinés à faciliter la transmission des entreprises individuelles supposent une transmission intégrale, ce à quoi ne répond pas du tout le fonds agricole. Il a jugé que la création du fonds aboutirait à déséquilibrer les partages familiaux d'où un risque de disparition des entreprises. Il a donc insisté sur la nécessité de trouver un compromis pour éviter la catastrophe dans certaines filières.

Il a enfin souhaité qu'un équilibre soit trouvé entre interprofessions et groupements de producteurs, ces derniers ne devant pas empiéter sur les interprofessions, qui, généralement, fonctionnent bien en région.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard s'est déclarée choquée par ce projet de loi d'orientation agricole. Son exposé des motifs indique qu'il « doit aider l'agriculture française à répondre aux attentes nouvelles de la société » et évoque à plusieurs reprises les attentes environnementales auxquelles les agriculteurs doivent continuer à s'adapter, ainsi que la PAC et même le bien-être animal. Malheureusement, hormis le petit crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique et la diminution de la TVA pour les collectivités s'inscrivant dans la filière bois, le texte ne comporte aucune mesure allant dans le sens d'une meilleure protection de l'environnement, laquelle est pourtant mise à mal par l'agriculture française. Les quelques dispositions concernant les phytosanitaires ne vont pas suffisamment loin.

Pour Mayotte, par exemple, où la confrontation entre protection de l'environnement et développement agricole est très forte, le problème est renvoyé à une ordonnance, ce qui signifie que le Parlement ne pourra pas discuter de tous ces problèmes.

Pour conclure, elle a demandé si le ministère de l'écologie et du développement durable avait été associé à l'élaboration de ce projet de loi.

M. Philippe Martin a approuvé les propos du rapporteur concernant les OGM. Rappelant qu'une Mission d'information s'était penchée pendant plusieurs mois sur les conditions d'encadrement de la recherche sur les OGM et avait émis une soixantaine de propositions - notamment la pause des essais en 2005 et la création d'un régime d'indemnisation -, fondées sur le triple principe de la précaution, de la parcimonie et de la transparence, il a noté qu'au cours de l'été, la culture de plus d'un millier d'hectares de culture OGM avait été rendue publique, obéissant au triple principe du risque, de la prolifération et de l'opacité.

C'est pourquoi il s'est demandé quel sort serait réservé aux travaux de la Mission d'information, quelle était la réalité de ces mille hectares et des conditions dans lesquelles ils avaient pu être plantés et surtout quel serait le calendrier de transposition de la directive 2001-18 du 12 mars 2001. Il a déclaré en conclusion que le Gouvernement proposait une loi d'orientation à une agriculture désorientée.

M. Jean-Marie Binetruy a expliqué que la première version du texte avait été utile car elle avait permis aux parlementaires d'enregistrer les réactions du terrain. Soulignant que l'agriculture française était très diverse et que les problèmes ne se posaient pas partout de la même manière, il a indiqué que, dans le Doubs, les agriculteurs étaient globalement favorables au fonds agricole mais s'interrogeaient sur le bail cessible. Certains fermiers ayant jusqu'à quarante-huit bailleurs, le bail cessible risque de leur poser problème car ils devront contracter une multitude de contrats. Par ailleurs, en zone périurbaine ou à proximité des villages, les bailleurs seront-ils prêts à s'engager sur une longue période ?

Rappelant que le Doubs connaissait 1,2 départ pour une installation, et tout en reconnaissant que des assouplissements s'imposaient en matière de contrôle des structures, il s'est fait l'écho de l'inquiétude suscitée par la disposition permettant la mise en valeur des biens familiaux sans autorisation d'exploiter, d'aucuns craignant une déstructuration des exploitations et demandant une limitation de l'exemption.

Il a estimé que la cession de la production prévue à l'article 14 posait problème. Il faut notamment apporter des précisions sur le fonctionnement des interprofessions. L'unanimité des professions représentées est évidemment requise mais, à l'intérieur de chacune d'entre elles, cette même unanimité est-elle bien utile ? Pourquoi ne pas profiter de la loi pour préciser ce point technique ?

Enfin, M. Binetruy a signalé qu'il avait déposé un amendement tendant à revenir sur l'interdiction aberrante de cumuler AOC et dénomination montagne.

M. Jean-Claude Lemoine a demandé comment le fonds national de garantie des calamités agricoles s'articulera avec les assurances récoltes. La dotation de l'État sera-t-elle pérennisée et à quel taux ?

La diminution du foncier non bâti sera évidemment compensée au centime près, mais l'autonomie financière des collectivités ne se trouvera-t-elle pas amputée ? En principe, aucune collectivité publique ne peut exercer de tutelle sur une autre.

M. Germinal Peiro a évoqué trois questions :

- dans le contexte mondial de la libéralisation des échanges et de la réforme de la PAC, qui fait peu à peu disparaître les outils de régulation, comment le Gouvernement français entend-il intervenir, à l'OMC et dans l'Union européenne, pour contrecarrer les disparités de coût de production ? Les produits français n'arriveront jamais à concurrencer ni les bovins argentins, ni les moutons néo-zélandais, ni le blé ukrainien, ni nombre de productions légumières et fruitières ;

- la loi d'orientation vise à renforcer la compétitivité des exploitations agricoles, ce qui peut se comprendre, mais il ne faut pas oublier les petites et moyennes exploitations, encore majoritaires, qui participent à la fois à l'aménagement du territoire et à la présence sociale. En Dordogne, une exploitation meurt chaque jour. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il en faveur des petites et moyennes exploitations ?

- le texte ne contient pas non plus d'avancées sociales ni de mesures en faveur des retraites agricoles. La loi sur la retraite complémentaire obligatoire, adoptée à l'unanimité n'était qu'une étape mais, depuis trois ans, rien de plus n'a été fait dans ce domaine. Que prévoit la loi pour améliorer la situation des retraités agricoles ?

M. Jean Auclair est revenu sur l'article 14 et le transfert de propriété, notamment pour les productions animales, pour souligner que les aides ne devraient pas être attribuées aux organisations de producteurs mais aux producteurs eux-mêmes car l'expérience montre que les structures ne redistribuent pratiquement rien, ce qui suscite des distorsions de concurrence considérables entre les agriculteurs appartenant à une coopérative et les indépendants. Les premiers représentent environ 40 % de la population agricole ; les 60 % restants ne veulent pas entendre parler de transfert de propriété : ils veulent demeurer indépendants. Il est donc crucial de supprimer cette notion de transfert de propriété. Une association de producteurs n'a pas vocation à commercialiser mais à regrouper des éleveurs.

Les SARL et les SA composées d'indépendants vont donc modifier leurs statuts pour être reconnues, mais ce n'est pas ce qu'elles demandent. Les indépendants ne désirent pas être assistés par l'État comme les coopératives. D'un côté, les coopératives sont des consommatrices d'argent public, de l'autre, les indépendants sont créateurs de richesses ; il faut tenir compte de l'avis de ces derniers. L'article 14 est tout sauf libéral.

Le Gouvernement est-il prêt à faire sortir les productions animales du champ d'application de l'article 14 ? Il faut aussi penser aux problèmes de commercialisation des animaux maigres.

M. Philippe Feneuil a évoqué les accords bilatéraux entre l'Union européenne et les États-Unis et le fait que ces derniers demandent la reconnaissance de leurs pratiques œnologiques et s'est inquiété de l'éventualité que l'Europe cède sans pour autant obtenir la reconnaissance et la protection des appellations d'origine et des signes de qualité demandée par la France.

Estimant excessives les critiques de l'opposition à l'égard d'un texte qui constitue la première tentative de reconnaissance des entreprises agricoles, il s'est cependant demandé si la portée des articles 1er et 2 avait été suffisamment mesurée et s'ils ne risquaient pas de perturber certaines filières.

M. Jacques Bobe a insisté sur l'attention que prêtent les collectivités territoriales à la taxe sur le foncier non bâti.

S'agissant de l'article 23, relatif aux signes de qualité et aux appellations d'origine contrôlée, il a souhaité que le groupe de réflexion annoncé par le Gouvernement soit rapidement constitué et observé que les dispositions à venir devraient se concilier avec la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

M. Jean Dionis du Séjour s'est étonné de l'absence d'un « article zéro » sur les orientations de la politique agricole française, comme celui que contenait la loi fixant les orientations de la politique énergétique.

Se faisant l'écho des agriculteurs de Lot-et-Garonne qui sont plutôt favorables à la création du fonds agricole et à sa cessibilité, il s'est opposé en revanche à ce que la question du fermage, éminemment politique, objet de l'article 3, soit traitée par ordonnance : soit les aménagements sont d'ordre rédactionnel, auquel cas il faut attendre un vecteur législatif adapté, soit la réforme est profonde et le Parlement doit en être saisi.

Il a indiqué qu'il semblait y avoir une incohérence entre le discours volontariste de l'article 11 sur les biocarburants et la baisse des exonérations sur les diesters et le bioéthanol envisagée par le projet de loi de finances.

Rappelant que la directive européenne n° 2003-30 citait les huiles végétales pures - dont Agen est la capitale européenne - parmi les biocarburants, il a invité les services du ministère de l'agriculture à cesser de « persécuter » les huiles végétales pures, qui sont des biocarburants comme les autres.

M. Serge Grouard a jugé que ce texte pourrait être fondateur s'il s'organisait autour d'un axe central : le développement durable. Une loi d'orientation ayant vocation à préparer l'avenir, cet aspect devrait être davantage approfondi, avec trois déclinaisons au moins : la qualité des produits, les incitations à produire en respectant davantage l'environnement et l'ouverture de l'agriculture vers des débouchés non alimentaires.

M. Martial Saddier a salué la création d'un crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique indiquant que la majorité serait amenée à déposer quelques amendements peu coûteux pour aller plus loin.

Les élus de la montagne attendent également la bienveillance du Gouvernement pour compenser le handicap naturel de l'agriculture de montagne et promouvoir sa production de qualité, d'autant que, lorsqu'elles sont situées en zone touristique, les propriétés agricoles échappent complètement au secteur agricole et se vendent à des fins touristiques. Il a évoqué les interrogations des agriculteurs de montagne sur le fonds agricole.

Il a enfin attiré l'attention sur les conséquences des dispositions relatives aux activités équestres à vocation ludique prévues par la loi n° 2005-157 qui entraînent une inflation de projets consommateurs d'espace qui échappent à l'agriculture.

M. Michel Raison est revenu sur la question du fonds agricole. Comme tout changement fondamental, cet outil fait peur. Avec le fonds, l'agriculture sortira d'une vision purement patrimoniale pour s'orienter progressivement vers une prise en compte de la valeur économique de l'entreprise. La peur incite à penser que la valeur économique s'ajoutera à la valeur patrimoniale, ce qui est inexact car la valeur patrimoniale est aujourd'hui faussée : un bâtiment agricole valant 20 000 euros est commercialisé 150 000 euros parce que la ferme, avec son quota, contient 197 500 litres de lait. Il faut faire confiance au marché pour atteindre l'équilibre.

Le ministre a apporté aux différents intervenants les éléments de réponse suivants :

- les députés auront connaissance de tous les amendements au cours de la soirée ;

- la création du fonds agricole répond à un besoin ;

- le Gouvernement est preneur de mesures en faveur de la montagne ;

- face aux cinq grandes centrales d'achat, les agriculteurs sont isolés, sauf lorsqu'ils se regroupent. Il faut donc renforcer le rôle économique des interprofessions. Quand un produit, notamment un fruit, rencontre des difficultés, les interprofessions et les organismes étatiques d'intervention peuvent immédiatement déclencher des campagnes de communication à la radio : en quelques jours, la consommation repart et les prix remontent. L'interprofession est un outil à la disposition de l'amont et de l'aval pour faire exister économiquement les producteurs face à la grande distribution ;

- le ministère de l'agriculture a travaillé avec celui de l'écologie et le texte contient des éléments sur l'environnement. Par ailleurs, le projet de loi sur l'eau, texte fondamental en matière environnementale, aura des conséquences notables sur le monde agricole. La simple mesure sur l'agriculture biologique coûte déjà 18 millions d'euros mais le Gouvernement est disposé à accepter des dispositions complémentaires, dans les limites des équilibres financiers garantis par l'article 40 de la Constitution ;

- les 1 000 hectares d'OGM cultivés en France relèvent de l'autorisation accordée par l'Union européenne en 1991 et 1992 ; ils ne sont pas soumis à déclaration obligatoire auprès des pouvoirs publics. Sur le total, 500 hectares ont cependant été déclarés spontanément. La situation est anormale et, même si des règles de biovigilance et de séparation s'appliquent, il est souhaitable que les pouvoirs publics disposent d'une vision complète sur les OGM expérimentaux comme sur les OGM commerciaux. La loi s'inspirant de la directive européenne et des conclusions de la Mission d'information viendra en discussion le plus rapidement possible pour sortir de cette situation de non-droit et d'absence de transparence, comme l'attendent les citoyens et les élus locaux ;

- le bail cessible, de longue durée, a vocation à être transmis. Il est par conséquent normal qu'il soit enregistré. Cela aura un coût, mais c'est le prix de la sécurité juridique pour les deux signataires. Il faudra réfléchir avec la profession notariale sur la possibilité d'appliquer des tarifs d'enregistrement adaptés en cas de baux multiples ;

- en zone périurbaine, l'espace rural est rogné par les constructions pavillonnaires, notamment à vocation sociale, que les maires privilégient par rapport aux barres et aux tours. Le Conseil économique et social a émis des propositions à ce sujet et le Gouvernement est ouvert à la discussion ;

- le Gouvernement souhaite que l'assurance récolte monte progressivement en charge mais, tant que le seuil de couverture du marché ne sera pas atteint, il faudra conserver le fonds national de garantie des calamités agricoles. Le Gouvernement s'emploiera en particulier à augmenter le taux de couverture des « plurisinistrés » ;

- la mesure sur le foncier non bâti annoncée par le Président de la République est importante car elle représente 140 millions d'euros de charges en moins pour les exploitants, à condition que, en cas de fermage, les propriétaires répercutent cette baisse. Cela pose néanmoins problème du point de vue de la capacité des collectivités territoriales à décider de leurs impôts et de leur autonomie. L'idée est donc de compenser la baisse à l'euro près ; mais la mesure sera inscrite au projet de loi de finances et le débat sera donc ouvert en commission des finances ;

- la première réponse à la mondialisation est européenne : dans les négociations de l'OMC, avec 450 millions de consommateurs, l'Europe pèse, tandis que, avec ses 62 millions d'habitants, la France, seule, serait morte. La deuxième réponse est celle de la qualité et de la traçabilité, ce qui justifie la prise en compte des préoccupations environnementales ;

- l'ensemble des mesures du projet de loi concerne les exploitations de toutes tailles, petites, moyennes et grandes ;

- l'effort sur les retraites agricoles mérite d'être accru. Beaucoup de mesures ont été prises en la matière depuis 2002 mais un effort devra certainement être accompli par le biais du PLFSS ;

- le transfert de propriété proposé par le Gouvernement est facultatif. La rédaction de décrets par filière permettra de traiter le cas spécifique de la filière animale et il pourra être demandé que celle-ci n'entre pas dans le dispositif ;

- un accord a été signé mi-septembre sur les relations viticoles entre les États-Unis et l'Union européenne. Il aura la vertu de faire cesser les contentieux anciens, mais encore faut-il que les Américains l'appliquent et abandonnent les appellations frauduleuses. La France leur demandera aussi de modifier la loi d'Amato. L'accord n'a donc pas été signé pour solde de tout compte ;

- l'« article zéro » du projet de loi d'orientation, c'est son exposé de motifs, qui est d'une grande portée, et auquel le Conseil constitutionnel et les tribunaux pourront du reste se référer ;

- le Gouvernement ne projette pas de remettre en cause le fermage mais de procéder à des aménagements techniques, ce qui motive son choix de légiférer par ordonnances ;

- à propos de la taxe générale sur les activités polluantes, il n'est pas question que le Ministre de l'économie et des finances reprenne aux agriculteurs ce qui leur est accordé d'un autre côté ;

- le ministère de l'agriculture est sensible aux préoccupations relatives au développement durable et prêt à travailler sur les questions de l'agriculture biologique et de l'agriculture de montagne. MM. Martial Saddier et Yves Simon ont accepté de mener une mission de quelques mois pour aider le Président de la République et le Gouvernement à élaborer le mémorandum français sur la réforme de la PAC avant la fin de l'année.

Pour conclure, le ministre a approuvé la mise au point formulée par M. Michel Raison sur le fonds agricole.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Lors de ses réunions du 28 septembre 2005, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Antoine Herth, le projet de loi d'orientation agricole (n° 2341).

AVANT LE TITRE 1ER

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean Gaubert portant article additionnel avant le titre 1er après que celui-ci a indiqué qu'il s'agissait de rappeler les grandes orientations, de la politique agricole.

TITRE 1ER

PROMOUVOIR UNE DÉMARCHE D'ENTREPRISE ET AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE DES AGRICULTEURS

Comme son intitulé l'indique, ce titre comprend des dispositions de deux ordres.

Les dispositions rassemblées dans le chapitre Ier (articles 1er à 6) visent à renforcer la viabilité économique des exploitations et à garantir leur pérennisation. A cette fin, outre une habilitation à adapter par ordonnance le statut du fermage (article 3), le projet de loi propose :

- la création de trois nouveaux outils : la possibilité de nantir le fonds agricole (article 1er), l'autorisation de céder hors du cadre familial certains baux ruraux dits baux cessibles (article 2) et une réduction d'impôt sur le revenu visant à encourager les cédants d'exploitation à accorder à de jeunes repreneurs des délais de paiement (article 6) ;

- une adaptation du régime fiscal des exploitations agricoles à responsabilité limitée visant à promouvoir les formes d'exploitation sociétaires (article 4)

- un assouplissement du contrôle des structures (article 5) ;

Le chapitre II comprend, pour sa part, des dispositions améliorant la protection sociale des personnes travaillant sur l'exploitation directement et par ordonnances (articles 7 et 8). Il propose, en outre, la création d'un crédit d'impôt couvrant partiellement et sous certaines conditions la prise en charge d'un salarié remplaçant des contribuables dont la présence constante sur l'exploitation est nécessaire au bon fonctionnement de celle-ci (article 9). Enfin, l'article 10 propose d'étendre aux salariés agricoles le dispositif des heures choisies institué par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur, M. Antoine Herth, tendant à compléter l'intitulé du titre Ier (amendement n° 278) par une référence à l'emploi, afin d'assurer la cohérence de cet intitulé avec le contenu du texte. Le Président Patrick Ollier a indiqué que le projet serait en effet enrichi à ce sujet grâce aux interventions de la Commission, du rapporteur et de M. Jacques Le Guen.

Chapitre 1er

FAIRE EVOLUER L'EXPLOITATION AGRICOLE
VERS L'ENTREPRISE AGRICOLE

Avant l'article 1er

La Commission a, conformément à l'avis de son Rapporteur, rejeté un amendement de M. Jean Gaubert tendant à donner une définition de la notion d'exploitant agricole. M. Jean Gaubert a indiqué que l'avènement des droits à paiement unique ainsi que la possibilité de percevoir des subventions européennes sans obligation d'exploiter une terre pourraient conduire des propriétaires à renoncer à louer leur bien. Il a estimé que cet amendement devait permettre de débattre du statut de l'agriculteur.

Article 1er

(article L. 311-3 [nouveau] du code rural)

Institution de la possibilité de nantir le fonds agricole

L'article 1er ouvre la possibilité de nantir l'ensemble des biens et droits attachés à une exploitation agricole en créant un fonds agricole. Il crée à cette fin un nouvel article L. 311-3 complétant le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code rural.

La Commission a examiné trois amendements de suppression de cet article présentés par MM. Philippe Feneuil, François Sauvadet et Jean Gaubert.

M. Philippe Feneuil a indiqué que son amendement n'avait pas pour objet de contester la notion de fonds agricole, dans la mesure où il partage la vision entrepreneuriale qui soutient la création d'un tel fonds, mais a estimé que l'impact de ce dispositif gagnerait à être mieux évalué. Citant l'exemple d'une exploitation dans la Marne, où, comme très souvent en France, les transmissions s'effectuent au sein d'une même famille, il a ainsi jugé que la création du fonds agricole aurait pour effet de renchérir le coût fiscal des transmissions d'exploitations, mais aussi de déséquilibrer les partages familiaux.

Usant de la faculté ouverte par l'article 38 du règlement, M. Charles de Courson a précisé que le fonds agricole existait déjà, et que le présent article n'avait d'autre objet que d'en révéler l'existence, ce qui ne lui paraissait pas opportun. Il a indiqué que ce fonds allait entraîner une augmentation des prix, et donc compliquer la transmission des exploitations ; il a ajouté que le nantissement du fonds n'aurait aucune incidence sur l'accès au crédit, l'octroi d'un prêt dépendant essentiellement du revenu de l'exploitation. En outre, il a estimé que dans la mesure où le texte ne comportait pas de dispositions fiscales, la distinction entre patrimoine privé et patrimoine de l'entreprise, à laquelle le fonds devait contribuer, n'était pas opportune. Enfin, il a remarqué que l'article 1er devait être mis en relation avec les dispositions de l'article 2 relatives à la cession des baux. Jugeant que sans cessibilité de l'ensemble des baux de l'exploitation, le fonds n'aurait aucune valeur, il a rappelé qu'en moyenne un fermier comptait huit bailleurs distincts et que chacun d'entre eux pourrait refuser de conclure un bail cessible. Il a conclu en soulignant la nécessité de l'adoption des mesures fiscales proposées par des amendements présentés par l'UDF.

M. Jean Gaubert a estimé que ce fonds constituait une fausse bonne idée et qu'il conduirait, en pratique, à renchérir les installations et à concentrer les exploitations. Il a ajouté que le fonds ne lui paraissait pas, en lui-même, de nature à améliorer l'accès au crédit des exploitations. Puis, il a jugé l'inclusion dans le fonds des droits à paiement unique immorale, car il s'agit de droits que n'ont pas payés leurs détenteurs, et dangereuse puisque rien ne garantit leur existence au-delà de 2013. Enfin, il a estimé que ce fonds constituerait un frein à la diversification.

M. André Chassaigne a souligné qu'il soutenait ces amendements, et que cette question présentait une dimension sémantique qu'il convenait de relever. Il a précisé que la notion de fonds agricole apparaissait déjà dans le Code rural, et que la mention en des termes identiques, d'un fonds qui ne présentait pourtant pas les mêmes caractéristiques, englobant non seulement les valeurs immobilières, mais aussi mobilières ou immatérielles, risquait de créer une insécurité juridique dommageable. Il a alors cité à titre d'exemple les dispositions du Code rural relatives au droit de préemption des SAFER sur le fonds agricole.

M. François Brottes rappelant l'initiative prise par le Président Ollier à l'occasion de l'examen de la loi relative aux petites et moyennes et entreprises tendant à permettre un droit de préemption de la commune sur les locaux commerciaux afin de réguler certains dysfonctionnements commerciaux, a jugé que la création du fonds agricole aurait pour effet d'introduire dans le Code rural une logique comparable à celle du Code de commerce, et que les dysfonctionnements constatés dans ce secteur ne manqueraient pas de s'étendre au monde agricole. Il a dénoncé la spéculation à laquelle la création du fonds agricole pourrait donner lieu, et a ajouté que l'évaluation d'un tel fonds aller générer un contentieux important. Il a estimé qu'une étude d'impact permettant de mesurer les conséquences du dispositif était un préalable indispensable.

Le président Ollier a souligné que le Gouvernement avait étudié la mesure de manière approfondie.

M. Philippe-Armand Martin a demandé des précisions au rapporteur sur le contenu exact de ce fonds, afin de savoir en particulier la valeur commerciale du fonds incluait la clientèle.

Le rapporteur, M. Antoine Herth, a convenu que la question du fonds agricole était essentielle, et est revenu sur la question de son incidence sur les transmissions d'exploitations. Il a estimé qu'il convenait de passer d'une vision patrimoniale à une vision entrepreneuriale pour permettre davantage d'investissements, en particulier vers l'aval. Evoquant l'exemple allemand, pays où le droit des successions ne conduit pas, comme en France, au morcellement des propriétés qui contraint, dans notre pays, l'héritier reprenant l'exploitant à racheter, à chaque génération, le capital existant à ses cohéritiers, il a rappelé que les exploitations de ce pays disposaient de moyens beaucoup plus importants pour créer de la valeur ajoutée.

Répondant à Charles de Courson, il a remarqué que le présent projet de loi s'inscrivait dans une période de transition entre deux visions de l'agriculture, et que la difficulté consistait à assurer le passage de l'une à l'autre. C'est pourquoi il a estimé qu'il importait de se concentrer non sur un moment précis de la vie d'une exploitation, mais de se fixer comme perspective la carrière d'un agriculteur dans sa globalité. Il a ensuite jugé que le succès d'un tel dispositif dépendrait de la capacité à attirer les capitaux, et que de ce point de vue, les notaires auditionnés dans le cadre de la préparation de ce projet lui avaient assuré que le fonds agricole pourrait constituer une bonne solution pour simplifier les transmissions en constituant une forme d'accueil d'éléments patrimoniaux aujourd'hui dispersés dans des structures juridiques très variées.

Puis, le rapporteur a reconnu que des décisions au niveau communautaire quant aux aides pourraient se traduire par une diminution de la valeur des éléments correspondants dans les fonds mais a estimé qu'il était dans la nature même du fonds que sa valeur évolue au fil du temps. Il a estimé que cela devait inciter les exploitants à développer la valeur ajoutée de leurs entreprises, en s'inscrivant davantage dans une logique du marché et en recherchant de nouvelles niches commerciales. Il a également estimé que la création du fonds agricole ne constituait pas un frein à la diversification et que la possibilité de révéler la valeur réelle de l'entreprise permettrait à l'exploitant d'avoir un vrai projet d'entreprise. Puis, il a reconnu que la notion de fonds était déjà mentionnée par le code rural et qu'il serait en conséquence intéressant d'interroger le Gouvernement sur ce point, sachant que l'habilitation prévue à l'article 3 pouvait permettre un toilettage du code.

Enfin, il a rappelé que la rédaction du projet de loi avait été précédée d'une consultation au niveau national et régional et que les organisations professionnelles avaient pu s'exprimer sur cet article et qu'elles n'y étaient pas opposées dans leur majorité.

M. Jean Auclair a évoqué les évolutions récentes de l'agriculture, qui est restée cantonnée pendant longtemps dans un cadre strictement familial, et affirmé que l'introduction de la notion d'entreprise pouvait accompagner celles-ci. S'il a reconnu que la notion de fonds allait de soi dès lors qu'on parlait d'entreprise, il a mis en garde contre les problèmes financiers et successoraux qui risquaient de se poser. Il s'est inquiété des modalités de fixation de la valeur du fonds agricole, sachant que pour un fonds de commerce, cette valeur était fondée sur les bénéfices et les pertes.

M. François Brottes a souligné qu'il n'existait pas de consensus au sein des organisations agricoles, prenant l'exemple de la région Rhônes-Alpes où celles-ci s'étaient prononcées dans leur grande majorité contre la création de ce fonds.

Mme Marcelle Ramonet a demandé s'il était possible de considérer que le fonds pouvait être évalué en fonction de sa capacité à générer du revenu.

M. Yves Simon a rappelé que la notion de capital d'exploitation existait déjà depuis des années puis soulevé le problème des quotas de production et des relations difficiles entre propriétaires et fermiers.

Le rapporteur a déclaré qu'il préférait rester prudent sur les propositions d'amendement à cet article et qu'il fallait veiller à une coordination entre les positions des différentes commissions qui s'étaient saisies sur ce texte. Il a rappelé à cet égard que la Commission des Finances ne pourrait se prononcer sur le traitement fiscal du fonds agricole que demain.

M. Charles de Courson a indiqué que la Commission des Finances ne s'était pas saisie de l'article premier du projet de loi.

Le rapporteur a répondu que cet aspect serait néanmoins évoqué au cours de la discussion d'amendements portant articles additionnels. En réponse aux propos de M. Yves Simon, il a souligné que le fonds agricole permettrait de clarifier des pratiques constatées dans certaines régions, tels les pas-de-porte dans le Nord de la France.

Il a, en outre, estimé que la création du fonds agricole permettait de répondre à la situation de fermiers ayant valorisé leur exploitation par le travail de toute leur vie et ne bénéficiant, au terme de leur activité lorsque leurs terres sont reprises par leurs propriétaires, que de leur retraite de base faute de reconnaissance de la réalité économique de leur travail de développement de l'entreprise.

Il a ajouté que l'appréciation du fonds agricole par rapport à sa seule capacité économique ne pouvait suffire car le foncier avait nécessairement une dimension patrimoniale.

Le Président Patrick Ollier a vivement regretté que le travail d'une vie ne puisse être valorisé. Il a mis en avant la volonté du Gouvernement dans un contexte de profonde mutation de l'agriculture de passer d'une vision patrimoniale à une vision entrepreneuriale et s'est félicité de la possibilité ouverte de pouvoir reconnaître juridiquement et financièrement le travail accompli par les exploitants. Il a rappelé que ce texte était un projet de loi d'orientation, qui n'était pas figé et immuable. Il a estimé qu'il n'était donc pas opportun de s'opposer à ce progrès.

Suivant l'avis de son rapporteur, la Commission a rejeté les amendements de suppression de l'article premier.

Le premier alinéa de ce nouvel article codifié ouvre ainsi la possibilité de nantir, c'est-à-dire d'apporter en gage à un créancier en sûreté d'une dette, le fonds exploité dans le cadre d'une activité agricole, au sens de l'article L. 311-1 du code rural.

Il est précisé que cette possibilité est ouverte « nonobstant » le caractère civil du fonds, formulation curieuse dans la mesure où le caractère civil d'un bien ne fait pas obstacle à son nantissement (les parts sociales ou les biens d'une société civile, par exemple, pouvant être nantis).

La Commission a examiné en discussion commune trois amendements. Le premier présenté par M. André Chassaigne tendant à rendre optionnelle la constitution du fonds agricole a été rejeté conformément à l'avis du rapporteur qui a rappelé le caractère facultatif du nantissement du fonds. Le rapporteur a toutefois souligné la nécessité d'assurer la neutralité fiscale lorsqu'il n'est pas procédé au nantissement. Les deux autres amendements présentés par le rapporteur, de nature rédactionnelle, ont été adoptés par la Commission (amendements nos 279 et 280).

Il est également précisé que ce nantissement est effectué « dans les conditions et sous les formalités prévues » pour le nantissement des fonds de commerce par le code de commerce.

Celui-ci prévoit que le contrat de nantissement est constaté par un acte authentique ou par un acte sous seing privé, dûment enregistré.

On sait qu'en application de l'article 1317 du code civil, « l'acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises », l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat précisant que « les notaires sont les officiers publics, établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique ». L'acte authentique est donc celui reçu par un notaire.

Le code de commerce précise également que le privilège résultant du contrat de nantissement doit, sous peine de nullité du nantissement, être établi par l'inscription, dans les quinze jours de l'acte, sur un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité.

Le dernier alinéa définit limitativement l'extension du fonds agricole en précisant (sur le modèle des dispositions relatives au fonds de commerce et au fonds artisanal) que celui-ci comprend deux catégories d'éléments.

La première catégorie comprend les éléments figurant, en tout état de cause, dans le fonds. Il s'agit, d'une part, des stocks et, d'autre part, du « cheptel mort ou vif», le cheptel mort correspondant, selon une terminologie traditionnelle dans le droit rural, au matériel et aux machines utilisés dans l'exploitation.

Il convient de noter que ces deux catégories de biens peuvent déjà, en l'état du droit, être apportées par un agriculteur en garantie d'un emprunt par la création d'un warrant agricole, régi par les articles L. 342-1 et suivants du code rural.

La seconde catégorie comprend des éléments qui peuvent figurer dans le fonds à la condition qu'ils soient cessibles. Il s'agit :

- des contrats (donc notamment les baux) et des droits incorporels servant à l'exploitation du fonds,

- de l'enseigne, des dénominations, de la clientèle ainsi que des brevets et autres droits de propriété industrielle attachés au fonds.

Conformément à l'avis du rapporteur, la Commission a rejeté un amendement de M. André Chassaigne tendant à retirer les contrats et droits incorporels des éléments du fonds agricole.

Puis, la Commission a examiné un amendement de M. François Sauvadet tendant à préciser que, parmi les éléments intégrés dans le nantissement du fonds agricole figurent les droits à paiement unique (DPU).

M. Charles de Courson s'est demandé si, au-delà des droits à paiement unique, les droits à produire dans les différents cas (vin, betterave, lait, tabac) figureraient au nombre des éléments pris en compte. Le rapporteur a répondu qu'il n'y avait aucune ambiguïté quant à la prise en compte des droits à paiement unique et que les droits à produire seraient intégrés au fonds pour autant qu'ils soient cessibles, ce qui n'était pas le cas des quotas laitiers par exemple. M. André Chassaigne a observé qu'il y avait contradiction à invoquer une valorisation des DPU alors que, selon lui, le Gouvernement actuel décourageait leur mise en œuvre. Le président Ollier a contesté cette dernière appréciation, et a estimé que le Gouvernement était mieux placé que le rapporteur pour apporter les précisions demandées par M. de Courson.

La Commission a rejeté l'amendement de M. François Sauvadet.

La Commission a ensuite examiné, en discussion commune, deux amendements identiques de MM. Philippe Feneuil et François Sauvadet étendant au fonds agricole un dispositif fiscal facilitant la transmission progressive des entreprises.

Le rapporteur a observé qu'il s'agissait d'un aménagement de nature fiscale qu'il convenait d'examiner en lien avec les propositions de la commission des finances et a invité en conséquence au retrait des amendements pour un examen ultérieur, démarche que les auteurs, M. Dionis du Séjour au nom de M. François Sauvadet, ont acceptée en retirant chacun leur amendement.

Puis, la Commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Après l'article 1er

M. Jean Dionis du Séjour a retiré un amendement de M. François Sauvadet fixant un seuil d'exonération des plus values pour la première cession d'un fonds agricole.

Article additionnel après l'article 1er

Droit fixe d'enregistrement des cessions de fonds agricole

La Commission a adopté, après avis favorable du rapporteur, un amendement de M. Jean-Louis Christ (amendement n° 281) instaurant le droit de mutation fixe prévu à l'article 732 du code général des impôts pour les cessions de gré à gré d'un fonds agricole, deux amendements, l'un de M. Philippe Feneuil, l'autre de M. François Sauvadet ayant un objet similaire devenant, en conséquence, sans objet.

Après l'article 1er

Deux amendements identiques de MM. François Sauvadet et Philippe Feneuil relatifs à la procédure fiscale d'évaluation, en cas de contentieux, du fonds agricole ont été retirés à la demande du rapporteur, celui-ci préférant que la commission se prononce sur cette question fiscale après la réunion de la commission des finances.

Article additionnel après l'article 1er 

Conditions d'adhésion à un GAEC

La Commission a adopté un amendement de M. Yves Simon autorisant un jeune agriculteur à devenir membre d'un groupement agricole d'exploitation en commun sur la base d'un simple apport en numéraire (amendement n° 282).

Article 2

(Chapitre VIII [nouveau] du livre IV du titre Ier du code rural)

Baux ruraux cessibles hors du cadre familial

Le statut du fermage, qui est d'ordre public et qui régit toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole (à quelques exceptions près dont les conventions relatives à l'exploitation des forêts) a été établi pour protéger les preneurs en encadrant le droit de propriété des bailleurs en particulier s'agissant des possibilités de résiliation du bail et de son prix. En contrepartie, le statut du fermage impose des obligations aux bailleurs et interdit la cession par le preneur d'un bail rural ainsi que la sous-location d'un bien faisant l'objet d'un tel bail.

Il est toutefois dérogé à cette interdiction, prévue par l'article L. 411-35 du code rural, lorsque le bail rural est cédé avec l'agrément du bailleur ou, à défaut, avec l'autorisation du tribunal paritaire des baux ruraux, au conjoint du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. La cession d'un bail rural n'est donc, en l'état du droit, possible qu'au bénéfice des membres de la famille la plus proche du preneur.

Le présent article innove donc profondément en créant une nouvelle catégorie de bail rural cessible.

La Commission a rejeté deux amendements identiques de MM. François Sauvadet et Jean Gaubert supprimant l'article 2 du projet de loi.

M. Jean Gaubert a dit sa crainte que la cessibilité du bail n'entraînât une hausse du coût d'installation, sans qu'existât aucune garantie d'une possibilité de revente à l'âge de la retraite. M. Charles de Courson a souligné pour sa part l'ampleur de la majoration des loyers pour les métayers. Le rapporteur a souligné l'intérêt du dispositif qui permet de dissocier plus clairement l'exploitation et la possession du capital foncier.

Le paragraphe I modifie l'article L. 411-35 du code rural, qui prohibe les cessions et sous-locations de baux ruraux sous réserve de l'exception familiale rappelée ci-dessus, pour prévoir que ses dispositions s'appliquent sous réserve de celles introduites dans le code rural par le présent article du projet de loi.

Le paragraphe II complète le titre Ier du livre IV du code rural, qui détermine le statut du fermage, par un chapitre VIII comprenant les articles L. 418-1 à L. 418-5 régissant les nouveaux baux cessibles. Ceux-ci constituent donc, malgré leur spécificité et au même titre que, par exemple, les baux à long terme, des baux pleinement soumis au statut du fermage.

Chapitre VIII du Titre Ier du livre IV du code rural

Dispositions particulières aux baux cessibles
hors du cadre familial

Article L. 418-1 du code rural

Conditions de validité et régime juridique des baux cessibles

Cet article précise les conditions de forme nécessaires à la validité des baux cessibles ainsi que le droit qui leur est applicable.

Le premier alinéa dispose que la validité d'une clause autorisant la cession d'un bail à des personnes extérieures au cercle familial le plus proche du preneur est subordonnée à deux conditions.

La première est que le bail soit passé en la forme authentique, c'est-à-dire qu'il s'agisse d'un acte notarié.

L'exigence de la forme authentique n'est pas propre aux nouveaux baux cessibles. En effet, en application de l'article 4 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, tout acte sujet à publicité dans un bureau des hypothèques doit être dressé en la forme authentique. Or, l'article 28 du même décret précise que les baux d'une durée de plus de douze ans doivent obligatoirement être publiés au bureau des hypothèques. Le nouvel article L. 418-2 du code rural créé par le présent article du projet de loi précisant que la durée minimale des baux cessibles est de dix-huit ans, les dispositions précédemment évoquées du décret du 4 janvier 1955 imposeraient donc leur publicité dans un bureau des hypothèques et leur forme authentique même en l'absence d'une disposition législative spécifique.

M. Michel Raison a retiré un amendement modifiant les durées minimales du bail cessible et supprimant l'obligation d'un acte authentique pour l'inclusion dans le bail d'une clause autorisant la cession. Le rapporteur a en effet expliqué qu'un acte authentique avait l'avantage de garantir la possibilité pour le notaire de fournir des explications sur les enjeux de la mise en œuvre d'une telle clause.

La seconde condition de validité d'une clause autorisant la cession d'un bail à des personnes extérieures au cercle familial le plus proche du preneur est que le contrat de cession doit mentionner expressément que chacune des parties entend qu'il soit soumis aux dispositions applicables aux baux cessibles. Il s'agit ainsi de protéger chacune des parties et de prévenir des contentieux quant à la nature du bail.

Le deuxième alinéa dispose que lorsque les conditions posées par le premier alinéa ne sont pas réunies, toute éventuelle clause relative à la cession du bail hors du cadre familial est nulle. Il précise que, dans cette hypothèse, le bail est régi par les « seules dispositions des articles L. 411-1 et suivants ».

L'intention est que le bail, nonobstant la nullité de la clause de cession pour des raisons de forme, reste néanmoins valable et soumis au droit commun des baux ruraux. La rédaction retenue est toutefois doublement insatisfaisante.

En premier lieu, la référence aux « seules » dispositions de la partie législative du code rural semble inopportune et source de confusion dans la mesure où le droit commun repose également sur l'application aux baux ruraux d'autres dispositions que celles-ci, qu'il s'agisse des dispositions de la partie réglementaire de ce code ou d'autres dispositions législatives ou réglementaires (tels que le code civil ou le décret du 4 janvier 1955 précédemment évoqué).

En second lieu, la mention des « articles L. 411-1 et suivants » du code rural n'est pas, non plus, pleinement satisfaisante. Si l'intention semble manifestement d'exclure l'application du régime des baux cessibles hors du cadre familial aux baux comprenant une clause réputée nulle en ce sens, la rédaction peut précisément être interprétée en sens inverse. Le régime des baux cessibles est, en effet, inséré dans le code rural par le présent article aux articles L. 418-1 et suivants, articles qui seraient donc, à la lettre, applicables aux baux comprenant une clause de cessibilité réputée nulle.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 283).

Outre qu'il soumet aux dispositions introduites dans le code rural par le présent article du projet de loi les baux comprenant une clause valable prévoyant qu'ils y seront soumis, le dernier alinéa a surtout pour objet, d'une part, de préciser que ses dispositions sont d'ordre public et, d'autre part, d'en articuler l'application avec les autres dispositions susceptibles d'être applicables aux mêmes baux.

A cet effet, cet alinéa dispose que les baux régis par les dispositions du chapitre relatif aux baux cessibles seront également régis par les autres dispositions du statut du fermage « avec lesquelles elles sont compatibles ».

Là aussi, il convient de préciser la rédaction pour faire référence, selon l'usage, aux seules dispositions contraires.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 284).

Article L. 418-2 du code rural

Durée minimale et majoration du loyer des baux cessibles

Le premier alinéa de cet article fixe à dix-huit ans la durée minimale d'un bail cessible. On sait qu'en application de l'article L. 418-1 du code rural, cette durée est également la durée minimale d'un bail long terme tandis que la durée minimale d'un bail rural est de neuf ans.

Le dernier alinéa encadre le loyer du bail cessible en précisant qu'il est fixé entre les maxima et minima fixés, en application de l'article L. 411-11 du code rural, par arrêté préfectoral sur proposition de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux, majorés de 50 %.

La majoration des maxima s'inscrit pleinement dans la logique du droit existant qui fait de la durée du bail le premier critère devant être pris en compte par l'autorité administrative pour encadrer le montant des fermages. Elle découle naturellement de ce que le statut du fermage garantit, en principe, au fermier de pouvoir poursuivre son exploitation pendant toute la durée du bail sans risque de reprise par le bailleur de sorte qu'il convient, en contrepartie, d'apporter une compensation à celui-ci.

En revanche, il ne semble pas nécessaire de majorer systématiquement les minima puisqu'on voit mal pourquoi imposer une augmentation de prix qui ne serait pas souhaitée par les parties.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la majoration des minima du fermage (amendement n° 285), afin de ne pas imposer leur augmentation lorsqu'elle ne correspondrait pas à l'état du marché. L'adoption de cet amendement a rendu sans objet six amendements de MM. Jean-Pierre Decool, Serge Poignant, Michel Raison, Luc Chatel, Philippe Feneuil et François Sauvadet relatifs aux règles de fixation du prix du bail.

Article L. 418-3 du code rural

Modalités de renouvellement du bail cessible

Cet article règle le renouvellement du bail cessible dont les modalités dérogent significativement au droit commun des baux ruraux.

Celui-ci repose en effet sur un droit du preneur au renouvellement (article L. 411-46 du code rural) pour une durée de neuf ans (article L. 411-50 du code rural), droit auquel le bailleur ne peut s'opposer, nonobstant toute clause contraire, que pour des motifs limitativement énumérés par la loi et qui correspondent à des fautes du preneur (article L. 411-53 du code rural) ou pour exercer son droit de reprise du fonds (article L. 411-46 du code rural). On notera, en outre, que le renouvellement est automatique, c'est-à-dire qu'il joue sans démarche du preneur ou du bailleur, l'un comme l'autre devant délivrer congé s'ils entendent ne pas renouveler le bail.

Comme on le verra ci-après, le régime du renouvellement du bail cessible repose lui sur :

- le maintien du caractère automatique du renouvellement sauf délivrance du congé par l'une des parties selon une procédure distincte du droit commun,

- la fixation de la durée minimale de renouvellement à cinq ans (contre neuf ans dans le droit commun),

- une extension du champ des fautes du preneur permettant au bailleur de s'opposer au renouvellement,

- enfin et surtout, la possibilité pour le bailleur de donner congé au preneur sans faute de celui-ci mais à la condition de lui verser, en contrepartie, une indemnité.

Le premier alinéa du présent article codifié organise ainsi le renouvellement tacite du bail.

Sa première phrase précise que celui-ci est automatique pour une durée d'au moins cinq ans sauf si l'une ou l'autre des parties délivre congé un an au moins avant le terme du bail par acte extrajudiciaire, c'est-à-dire par exploit d'huissier.

La Commission a rejeté, en suivant son rapporteur, deux amendements identiques de MM. Philippe Feneuil et François Sauvadet portant à neuf ans, au lieu de cinq ans, la durée minimale de renouvellement d'un bail.

Outre que la durée de renouvellement minimale est, comme cela a été dit, inférieure du droit commun, on constate que la procédure de délivrance du congé est également spécifique.

En application du droit commun des baux ruraux, le congé doit être délivré au moins dix-huit mois avant l'expiration du bail (articles L. 411-47 et L. 411-55 du code rural) et selon une forme différente selon qu'il est délivré par le bailleur ou par le preneur. Le bailleur doit, en effet, donner congé par acte extrajudiciaire (article L. 411-47 du code rural) alors que le preneur a, en outre, la possibilité de notifier également son congé par lettre recommandée avec accusé de réception (article R. 411-12 du code rural).

Le projet de loi propose donc, pour les baux cessibles, d'établir une procédure identique de notification du congé quelle que soit la partie le notifiant, d'imposer cette notification par acte extrajudiciaire et de ramener de dix-huit mois à un an le délai dans lequel elle doit être effectuée.

La Commission a adopté, sur avis favorable du rapporteur qui a invoqué les pratiques en vigueur, un amendement de M. André Chassaigne portant à dix-huit mois, au lieu d'un an, la durée de préavis de non renouvellement (amendement n° 286) puis un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 287).

La deuxième phrase précise que le bail tacitement renouvelé reste soumis aux dispositions du chapitre créé dans le code rural par le présent article du projet de loi c'est-à-dire qu'il reste un bail cessible hors du cadre familial.

Les deux dernières phrases règlent les autres conditions du bail renouvelé tacitement. Celles-ci sont très proches des conditions du bail renouvelé de droit commun. Dans les deux cas, le bail est en effet renouvelé aux mêmes clauses et conditions sauf convention contraire. Il est toutefois précisé qu'en cas de désaccord entre les parties, le tribunal paritaire des baux ruraux fixe les conditions contestées du nouveau bail. Le droit commun, soit, en l'espèce, l'article L. 411-50 du code rural, attribue pour sa part une compétence légèrement plus étendue au tribunal paritaire des baux ruraux, celui-ci statuant sur les « clauses et conditions contestées » mais devant, en outre, selon la lettre du droit en vigueur, fixer le prix même lorsque celui-ci ne fait pas partie des clauses contestées.

Le deuxième alinéa détermine, s'agissant des baux cessibles, des modalités spécifiques de non-renouvellement ou de résiliation pour faute du bailleur.

Le droit commun des baux ruraux (article L. 411-53 du code rural) permet, en effet, au bailleur de s'opposer au renouvellement du bail notamment si le preneur compromet la bonne exploitation du fonds ou s'il ne paie pas, à deux reprises, le fermage dû à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Dans tous les cas, le comportement du preneur ne justifie toutefois pas le non-renouvellement du bail lorsqu'il résulte d'un cas de force majeure ou de « raisons sérieuses et légitimes ».

On verra que le dernier alinéa du présent article codifié permet le non renouvellement sans indemnité des baux cessibles pour les motifs mentionnés à cet article L. 411-53 du code rural. Le présent alinéa déroge toutefois à cet article pour modifier, s'agissant des baux cessibles, la définition de la faute du preneur relative au paiement des fermages. Il prévoit, en effet, qu'un seul défaut de paiement constitue, pour un bail cessible, un motif de non renouvellement ou de résiliation par le bailleur. On notera également qu'il impose une mise en demeure par acte extrajudiciaire alors que le droit commun (soit l'article R. 411-10 du code rural) prévoit que la mise en demeure « doit être faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ».

Le même alinéa précise que le preneur mis en demeure de payer un fermage peut, dans les trois mois suivant la mise en demeure, demander au juge des délais de paiement dans les conditions prévues par les articles 1244-1 et suivants du code civil qui ouvrent au juge la possibilité de reporter ou d'échelonner, pendant au plus deux ans, le paiement des sommes dues par un débiteur au vu de sa situation et des besoins du créancier. Il est précisé que l'action en résiliation du bail est suspendue pendant la durée des délais de paiement accordés par le juge.

Le dernier alinéa ouvre la possibilité de non renouvellement du bail cessible sans faute du preneur en contrepartie d'une indemnité du bailleur. Il précise que cette indemnité est due sauf lorsque le non renouvellement résulte des fautes du preneur visées à l'article L. 411-53 du code rural (essentiellement, le fait de compromettre la bonne exploitation du fonds), à l'alinéa précédent du présent article codifié (défaut de paiement du fermage après mise en demeure infructueuse) ou à l'article L. 418-4 du code rural créé par le présent article.

Cette rédaction n'est pas pleinement satisfaisante pour deux raisons. La première est que la référence à l'article L. 418-4 du code rural parait curieuse, cet article prévoyant la résiliation d'un bail cédé sans information préalable du bailleur mais ne comprenant pas de disposition relative au non renouvellement du bail. La seconde difficulté est qu'en l'état de la rédaction, l'indemnisation par le bailleur est due y compris lorsque le non renouvellement est le fait du preneur.

Il est prévu que l'indemnité est fixée par accord entre les parties ou, à défaut, par le tribunal paritaire des baux ruraux et qu'elle doit correspondre au préjudice causé par le défaut de renouvellement. On retrouve ainsi une logique assez proche de l'indemnité d'éviction prévue par les articles L. 145-14 et suivants du code de commerce en cas de non renouvellement d'un bail commercial.

On notera toutefois que le code de commerce précise, s'agissant du non renouvellement d'un bail commercial, que l'indemnité d'éviction « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »

Elle a adopté un amendement du rapporteur précisant le montant de l'indemnité pour non renouvellement du bail sans motif légitime, inspirée des dispositions équivalentes pour les baux commerciaux (amendement n° 288). L'adoption de cet amendement a rendu sans objet trois amendements similaires présentés par MM. Serge Poignant, Jean-Pierre Decool, Jean Dionis du Séjour.

Article L. 418-4 du code rural

Modalités de cession

Cet article organise la procédure de cession du bail par le preneur.

Son premier alinéa dispose que le preneur doit notifier, par lettre recommandée avec accusé de réception, au bailleur son intention de céder le bail « hors du cadre familial » en précisant l'identité du cessionnaire pressenti et la date de cession projetée. Il précise qu'en l'absence d'une telle notification, la cession est nulle et le bail, résilié.

M. Michel Raison a retiré, sur avis défavorable du rapporteur, un amendement obligeant le locataire à informer le bailleur de l'identité du cessionnaire pressenti, en cas de projet de cession du bail.

Le deuxième alinéa ouvre au bailleur la possibilité de s'opposer à la cession en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux. Il précise que ce droit d'opposition peut s'exercer dans un délai fixé par voie réglementaire et qu'au terme de ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté la cession. Enfin, il prévoit que le bailleur doit, pour s'opposer à la cession, invoquer « un motif légitime ». Cette notion, laissée à l'appréciation du juge, est traditionnelle dans le droit des baux, qu'il s'agisse des baux ruraux (par exemple à l'article L. 411-53 du code rural qui évoque les « raisons sérieuses ou légitimes ») ou commerciaux (par exemple à l'article L. 145-17 du code de commerce qui permet au bailleur de refuser le renouvellement du bail en justifiant d'un « motif grave et légitime » à l'encontre du locataire sortant).

M. Yves Simon a retiré, sur avis défavorable du rapporteur, un amendement autorisant le bailleur à choisir librement un autre cessionnaire parmi les candidats qui se proposent d'exploiter aux mêmes conditions que le locataire sortant.

Enfin, le dernier alinéa interdit au preneur de céder le bail pendant le délai durant lequel le bailleur peut faire jouer son droit d'opposition sauf accord exprès de ce dernier.

Article L. 418-5 du code rural

Non application des sanctions

Cet article prévoit que l'article L. 411-74 du code rural qui sanctionne notamment les cessions de baux à titre onéreux ne s'applique pas « aux signataires d'un bail cessible hors du cadre familial ». Il convient évidemment de prévoir plutôt que ces sanctions ne s'appliquent pas en cas de cession d'un bail régi par le présent chapitre, les signataires de ces baux pouvant être parties à d'autres baux pour lesquels l'application de l'article L. 411-74 reste pertinente.

Le paragraphe III règle le régime fiscal des baux cessibles en procédant à une série de modification du code général des impôts dont l'objet est d'aligner le régime de ces baux sur celui applicable aux baux à long terme. Les avantages fiscaux prévus sont donc identiques à ceux bénéficiant actuellement aux baux à long terme ce qui est logique puisque les baux cessibles (dont la durée minimale est la même que celle des baux à long terme) auraient même pu être considérés comme une sous-catégorie des baux à long terme.

Le 1° concerne l'impôt sur le revenu et étend aux revenus tirés de la location sous le régime des baux cessibles le bénéfice de la déduction forfaitaire de 15 %.

Le 2° exonère de taxe de publicité foncière les baux cessibles.

Le 3° exonère les baux cessibles des droits de mutation à titre gratuit à concurrence des trois quarts de leur valeur.

Le 4° prévoit que les baux cessibles ne constituant pas des biens professionnels sont exonérés d'impôt de solidarité sur la fortune à concurrence des trois quarts de la valeur lorsque la valeur totale des biens loués quel que soit le nombre de baux n'excède pas 76 000 euros et pour moitié au-delà de cette limite.

Le 5° assimile, au regard de l'impôt de solidarité sur la fortune, à des biens professionnels (qui ne sont pas pris en compte dans la détermination de l'assiette de cet impôt) les baux cessibles portant sur un bien utilisé par le preneur dans l'exercice de sa profession principale et dont le preneur appartient à la famille proche du bailleur (conjoint, ascendant ou descendant ou conjoint d'un ascendant ou descendant, frère ou sœur).

Le 6° règle le cas de la qualification comme bien professionnel au regard de l'impôt de solidarité sur la fortune des baux cessibles consentis sous des formes sociétaires.

Enfin, le 7° soumet à un taux réduit de droits d'enregistrement et de taxe sur la publicité foncière les acquisitions d'immeubles ruraux situés dans les territoires ruraux de développement prioritaire et dans les zones de revitalisation rurale lorsque l'acquéreur s'engage à donner ces immeubles à bail à un jeune agriculteur s'installant dans le cadre d'un bail cessible.

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 289).

Après que le rapporteur a expliqué que le Gouvernement menait une concertation en vue de mettre au point un dispositif sur ce point et qu'il se soit déclaré prêt à réexaminer ultérieurement la question, MM. Jean Auclair et Jean Dionis du Séjour ont retiré deux amendements identiques supprimant, pour les baux cessibles, le droit de préemption avec révision de prix actuellement reconnu au preneur à bail et aux SAFER tandis que la Commission a rejeté un amendement identique de M. Luc Chatel.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 290).

Puis, deux amendements identiques de MM. Michel Raison et Jean-Pierre Decool proposant, au titre de l'impôt sur le revenu, une déduction forfaitaire de 25 % des revenus fonciers provenant des biens donnés à bail cessible ont été respectivement retirés et rejetés par la commission, le rapporteur ayant observé que ce type de mesure fiscale avait plutôt sa place dans la loi de finances et qu'il convenait d'intégrer les propositions sur cette question dans la problématique plus large de la réforme de l'impôt sur le revenu.

La Commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Après l'article 2

M. Michel Raison a retiré un amendement visant à augmenter à 30 % le taux de la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers des bailleurs de biens ruraux loués dans le cadre d'un bail cessible ou d'un bail à long terme.

M. Philippe Feneuil a ensuite retiré un amendement visant à instituer, sous conditions, une réduction d'impôt de 50 % sur les droits de mutation à titre gratuit des parts dans un groupement foncier agricole.

M. Jean Dionis du Séjour a ensuite retiré un amendement visant à soumettre au même régime fiscal les parts de groupements fonciers agricoles, que ces parts soient représentatives d'apports constitués par des immeubles et des droits immobiliers à destination agricoles ou d'apports constitués en numéraire.

M. Jean Dionis du Séjour a ensuite retiré un amendement visant à considérer comme biens professionnels, au regard de l'impôt de solidarité sur la fortune, les biens loués dans le cadre d'un bail cessible ou d'un bail à long terme lorsque la durée du bail est au minimum de 18 ans et que ses biens sont utilisés par le preneur dans le cadre de sa profession principale.

Après que le rapporteur eut émis un avis défavorable, la Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean Dionis du Séjour alignant sur le droit commun les règles applicables au calcul du loyer de bâtiments d'habitation loués dans le cadre d'un bail rural.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Jean Auclair, prévoyant que la résiliation du bail rural est acquise de plein droit en cas de décès, de départ à la retraite ou de suspension de l'activité du preneur.

M. Jean Gaubert a estimé que cet amendement constituait une remise en cause scandaleuse de la protection juridique du preneur et de ses ayants droit. Il a notamment indiqué que cette disposition conduirait le conjoint d'un exploitant décédé à quitter l'exploitation, ce qui n'est pas admissible.

Conformément à l'avis du rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement.

Article additionnel après l'article 2 

Modalités de mise à disposition de biens loués à une société

La Commission a examiné deux amendements identiques, présentés par MM. Philippe Feneuil et Jean Dionis du Séjour, élargissant la possibilité des preneurs de mettre à la disposition d'une société les biens qu'ils louent aux sociétés dont le capital est majoritairement détenu par des personnes physiques.

MM. Philippe Feneuil et Jean Dionis du Séjour ont indiqué que la loi relative au développement des territoires ruraux avait facilité la mise à disposition des biens loués par un preneur à une société, en supprimant la condition selon laquelle les associés de la société bénéficiaire devaient participer effectivement à l'exploitation. Ils ont estimé qu'il fallait désormais aller plus loin, en permettant au preneur de mettre ses biens à disposition d'une société dont les associés sont des personnes morales, ce qui peut favoriser les investissements dans l'agriculture.

Suivant l'avis de son rapporteur, la Commission a adopté ces amendements (amendement n° 291).

Après l'article 2

Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté deux amendements identiques présentés par MM. Philippe Feneuil et Jean Dionis du Séjour supprimant la nécessité d'un accord du bailleur préalablement à la mise à disposition d'une société de biens loués dans le cadre d'un bail à métayage.

Article additionnel après l'article 2 

Suppression de la conversion de plein droit du bail à métayage en bail à ferme

Suivant l'avis de son rapporteur, la Commission a adopté un amendement présenté par M. Jean Dionis du Séjour, visant à supprimer la possibilité, pour le métayer, de convertir un bail à métayage en bail ferme sans accord du bailleur (amendement n° 292).

Article 3

Toilettage rédactionnel du code rural et
adaptation des règles relatives au non renouvellement des baux ruraux

Cet article habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code rural relatives au statut du fermage en vue de deux objectifs.

Le premier est d'en simplifier et moderniser la rédaction « notamment en supprimant les dispositions désuètes, ambiguës ou devenues sans objet », ce qui n'appelle pas de commentaires particuliers.

Le second objectif est « d'adapter, de simplifier et d'harmoniser les règles applicables en cas de résiliation ou de non-renouvellement des baux, et en cas de contestation de l'autorisation d'exploiter ».

Selon les informations communiquées à votre rapporteur par le Gouvernement, l'ordonnance envisagée viserait notamment à régler l'articulation de contentieux parallèles liés, d'une part, aux baux ruraux et, d'autre part, aux règles de contrôle des structures.

On sait que le contrôle de structure, présenté de manière plus précise infra à l'occasion du commentaire de l'article 5, peut conduire à subordonner la mise en valeur d'une exploitation à une décision administrative, décision qui peut évidemment être contestée. Il en résulte qu'il est souvent possible d'associer un contentieux sur la décision d'autorisation au titre du contrôle des structures, qui est un contentieux administratif, à un contentieux portant sur la résiliation ou sur le renouvellement d'un bail rural, jugé par le tribunal paritaire des baux ruraux. Un preneur évincé peut ainsi à la fois contester la décision du bailleur le privant du bien loué et la décision administrative autorisant son éventuel successeur à l'exploiter. Il convient donc de mieux organiser l'articulation de ces deux contentieux.

On notera que l'article 35 prévoit que ces ordonnances devront être prises dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la loi et que, pour chaque ordonnance, un projet de loi de ratification devra être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

La Commission a examiné deux amendements de suppression de cet article, présentés par MM. Jean Dionis du Séjour et Jean Gaubert.

M. Jean Dionis du Séjour a vivement souligné qu'il lui paraissait inacceptable d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur des éléments constituant le cœur du statut du fermage.

Le Président Patrick Ollier a rappelé que le Gouvernement avait accepté de modifier substantiellement le projet de loi pour limiter le nombre et le champ des habilitations demandées. Il a en outre indiqué qu'il lui avait été assuré que les ordonnances envisagées sur le fondement de l'habilitation prévue par le présent article n'auraient qu'une portée technique.

M. Jean Gaubert a également estimé que la modification du statut du fermage avait des conséquences justifiant son examen par la représentation nationale.

Le rapporteur a indiqué que l'habilitation prévue par le présent article n'aurait pour seul objet que de « toiletter » le statut du fermage notamment afin de régler les problèmes qui se posent lorsque sont conduits parallèlement un contentieux sur le bail et un contentieux sur l'autorisation d'exploiter. Il a, en outre, souligné qu'il serait favorable à un amendement de précision du champ de l'habilitation.

M. Charles de Courson a indiqué que l'objectif affiché dans le 2° de cet article était très important, les problèmes liés au renouvellement ou à la résiliation des baux pouvant occasionner des contentieux très longs parfois utilisés par le preneur comme une arme contre le bailleur.

La Commission a ensuite rejeté ces amendements.

Puis, elle a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 293).

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Jean Gaubert, visant à supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnance permettant au Gouvernement de simplifier et de moderniser la rédaction du code rural.

La Commission a ensuite adopté deux amendements identiques présentés par MM. Philippe Feneuil et Jean Dionis du Séjour, précisant que l'habilitation donnée au Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances par le 1° viserait à simplifier la rédaction du code rural en supprimant les dispositions inusitées ou devenues sans objet et en clarifiant les dispositions ambiguës (amendement n° 294). L'adoption de ces amendements a rendu sans objet un amendement présenté par M. André Chassaigne visant à exclure de cette habilitation la faculté de supprimer les dispositions du code rural devenues sans objet.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Jean Gaubert, visant à supprimer l'habilitation prévue au 2° à légiférer par voie d'ordonnance afin d'adapter, de simplifier et d'harmoniser les règles applicables en cas de résiliation ou de non-renouvellement des baux, et en cas de contestation de l'autorisation d'exploiter.

Puis, la Commission a rejeté un amendement présenté par M. André Chassaigne, visant à exclure de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances la possibilité de réduire les droits du preneur lors du renouvellement de son bail et les protections dont il bénéficie face aux menaces d'expulsion.

Deux amendements identiques à l'amendement n° 10 de M. Jean-Charles Taugourdeau et un amendement de M. Michel Raison, visant à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances pour adapter la pratique de l'agroforesterie, ont été retirés par leurs auteurs après que le rapporteur leur eût rappelé qu'il ne revenait pas au Parlement de prendre l'initiative d'habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances et eût précisé que le Conseil constitutionnel avait, dans une décision récente, jugée non-conforme à la Constitution une habilitation d'initiative parlementaire car issue d'une proposition de loi.

La Commission a ensuite adopté l'article 3 ainsi modifié.

Après l'article 3

La Commission a ensuite examiné quatre amendements identiques présentés par MM. Michel Raison, Philippe Feneuil, Jean-Pierre Decool et Jean Dionis du Séjour, supprimant le plafonnement des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices commerciaux d'un exploitant agricole imposés, au titre de l'impôt sur le revenu, comme des bénéfices agricoles à 30 000 euros et 30 % du montant des recettes agricoles.

Suivant l'avis de son rapporteur, qui a estimé qu'il était dangereux de bouleverser un équilibre auquel sont sensibles de nombreux acteurs du monde rural, la Commission a rejeté ces amendements.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Jean Auclair établissant le même plafonnement à 50 % des recettes agricoles de l'exploitant.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Jean Auclair, visant à interdire à une SAFER d'acquérir un bien foncier sans avoir préalablement trouvé un attributaire.

M. Jean Auclair a estimé qu'il était anormal qu'un propriétaire puisse être privé de son droit de propriété, alors même que la SAFER ne sait pas encore quelle utilisation elle fera du bien foncier.

M. André Chassaigne a estimé que cet amendement conduirait à empêcher les SAFER d'être un outil d'aménagement foncier, rappelant qu'elles acquièrent des terrains et les mettent en réserve afin soit de les revendre à de jeunes agriculteurs, soit de contribuer à une politique paysagère.

M. Jean Gaubert a indiqué que cet amendement, ainsi que les suivants du même auteur, étaient motivés par la protection à tout prix du droit de propriété, alors que la terre est un bien inextensible que les SAFER ont pour mission de gérer. Il a estimé que les opérations d'acquisition des SAFER étaient souvent justifiées par un objectif de réorganisation foncière future, notamment dans le domaine de l'aménagement routier.

Puis, suivant son rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné un amendement du même auteur, prévoyant que les opérations immobilières des SAFER ne peuvent faire l'objet de l'aide des collectivités locales sous forme de subventions et de prêts limités que pour l'acquisition de terres situées en zone urbanisables.

M. Jean Auclair a indiqué qu'il était anormal que l'acquisition de terres par les SAFER soit financée par des collectivités locales, ce qui s'apparente à une collectivisation des terres.

Le rapporteur a émis un avis favorable à l'adoption de cet amendement en jugeant qu'il prolongeait les dispositions adoptées dans le cadre de la loi relative au développement des territoires ruraux relatives au rôle des SAFER.

M. Jean-Charles Taugourdeau a estimé que cette disposition privait les collectivités territoriales d'un moyen d'intervenir en zone rurale.

M. Michel Raison a estimé, tout en se déclarant conscient des dérapages de certaines SAFER, qu'elles permettaient parfois d'aider une collectivité à acquérir en zone rurale des terrains en vue d'un projet, par exemple autoroutier ou de TGV. Il a donc indiqué que la limitation de leur intervention aux seules zones périurbaines était inopportune.

M. Jean Gaubert a indiqué que l'action des SAFER au profit des collectivités locales n'était pas seulement souhaitable en zone urbaine. Il a estimé que la création d'une zone d'activité en zone rurale était souvent facilitée par une SAFER ayant acquis les terrains à l'avance. Reconnaissant que des dérapages avaient pu se produire, il a néanmoins reconnu qu'il existait certains dérapages malheureux dans ce domaine.

Le Président ayant estimé que le dispositif de l'amendement pouvait ne pas correspondre à l'argumentation développée par son auteur l'a appelé à le retirer.

M. Jean Auclair a donc retiré son amendement.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Jean Auclair interdisant au SAFER d'exercer leur droit de préemption sur les bâtiments d'habitation faisant partie d'une exploitation agricole et visant, selon son auteur, à limiter les abus des SAFER, notamment dans le domaine des ventes à la découpe.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Jean Auclair, visant à limiter le droit de préemption des SAFER aux biens faisant l'objet d'une demande d'un agriculteur disposant d'un financement garanti.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Jean Auclair, prévoyant que le droit de préemption des SAFER ne peut s'exercer sur un terrain dont le propriétaire aura refusé la vente amiable à la SAFER.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean Auclair, visant à instaurer une superficie minimale égale à la surface minimale d'installation des biens préemptés par les SAFER.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Jean Auclair, prévoyant que la commission départementale d'orientation de l'agriculture ne peut aller contre l'avis exprimé expressément par le propriétaire des terres avant d'autoriser une opération au titre du contrôle des structures.

La Commission a examiné en discussion commune deux amendements visant à autoriser deux époux à constituer un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), l'un, non gagé, de M. André Chassaigne et l'autre, gagé, de M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert a souligné que l'interdiction faite aux époux de constituer un GAEC ne lui semblait pas conforme au principe constitutionnel d'égalité, et indiqué qu'il y avait là une revendication forte des exploitantes agricoles.

Le rapporteur a rappelé que le GAEC avait constitué la première forme d'association agricole, par le regroupement d'exploitations familiales, notamment des pères et des fils, et qu'il existait d'autres formes d'associations pour les conjoints. Il a, en outre, estimé que ces deux amendements étaient probablement irrecevables dans la mesure où il créait une charge.

Conformément à l'avis défavorable du rapporteur, la Commission a rejeté ces amendements.

Puis la Commission a examiné un amendement de M. Michel Raison, visant à modifier le statut des baux ruraux pour faciliter les échanges en jouissance. Le rapporteur a reconnu l'intérêt de cette question, mais a souhaité que cet amendement puisse être retravaillé avant la réunion de Commission prévue à l'article 88 du Règlement. M. Michel Raison a alors retiré son amendement.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean Auclair destiné à permettre aux exploitants agricoles à faibles revenus de donner congé aux preneurs des biens qu'ils louent dans le cadre de baux ruraux pour vendre ces biens

Le rapporteur a estimé que cet amendement était intéressant en ce qu'il illustrait les limites du statut du fermage et que la création du fonds agricole et des baux cessibles apporterait une réponse à ces problèmes puisqu'elle allait faciliter la transmission du foncier.

M. Jean Auclair insistant sur la question des baux en cours, le rapporteur a répondu qu'il serait possible de les convertir en baux cessibles. Il a indiqué qu'il était défavorable à cet amendement qui, en l'état, remettait en cause l'équilibre global du statut du fermage.

Le Président, Patrick Ollier, ayant invité l'auteur de l'amendement à travailler cette question avec Mme Brigitte Barèges, rapporteur pour avis de la Commission des lois, M. Jean Auclair a retiré son amendement.

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. François Sauvadet destiné à préciser la qualification juridique des contrats au tiers franc et au quart franc, conformément à l'avis défavorable du rapporteur.

La Commission a ensuite examiné trois amendements identiques de MM. Michel Raison, Philippe Feneuil et Jean-Pierre Decool habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour à harmoniser les définitions de l'activité agricole, pour mettre en place un statut unifié de l'exploitant agricole. Le rapporteur s'est dit défavorable à ces amendements et la Commission les a rejetés.

Article 4

Extension de la transparence fiscale des EARL

En principe, les sociétés à responsabilité limitée ne sont pas fiscalement transparentes. Cela signifie que la société, personne morale existant indépendamment de ses associés et limitant la responsabilité de ceux-ci à leurs apports en faisant, d'une manière générale, écran entre eux et les tiers, est elle-même contribuable et paie, le cas échéant, l'impôt sur ses bénéfices. La part de ces bénéfices éventuellement redistribuée ensuite aux associés sous la forme de dividendes est intégrée à leurs revenus et soumise à l'impôt.

Dans certaines conditions, les associés de sociétés à responsabilité limitée peuvent toutefois être personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. La société est alors fiscalement transparente.

Pour les entreprises agricoles à responsabilité limitée (EARL), le 5° de l'article 8 du code général des impôts réserve le bénéfice de cette transparence fiscale dans les EARL n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux :

- à l'associé unique,

- aux associés parents en ligne directe ou frères et soeurs et, le cas échéant, à leurs conjoints,

- aux associés d'une EARL créée à l'occasion de l'apport de tout ou partie d'une exploitation individuelle et constituée uniquement entre l'apporteur, un jeune agriculteur qui s'installe et, le cas échéant, leurs parents en ligne directe, leurs frères et sœurs et les conjoints de ces personnes.

Il résulte de cet état du droit que l'association à une EARL d'une personne ne répondant pas aux critères ouvrant droit à la transparence fiscale a pour effet de profondément bouleverser le régime fiscal de l'exploitation ainsi que celui des autres associés, ce qui constitue un frein significatif au développement sous cette forme juridique de certaines exploitations. Le présent article propose donc de réformer sur ce point notre droit fiscal.

Le paragraphe I du présent article modifie le 5° de l'article 8 du code général des impôts qui définit les conditions ouvrant droit au bénéfice de la transparence fiscale pour les associés des EARL. Il ouvre ce bénéfice sans conditions à tout associé d'une EARL n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux.

La rédaction du projet de loi qualifie l'EARL de « régie par les articles L. 324-1 et suivants du code rural ». Si ces articles comprennent effectivement des dispositions relatives aux EARL, figure parmi celles-ci le premier alinéa de l'article L. 324-1 du code rural qui dispose que l'EARL est « régie par les dispositions des chapitres Ier et II du titre IX du livre III du code civil, à l'exception de l'article 1844-5 ». La précision proposée parait donc source de confusion.

Elle semble, en outre, inutile d'autant que l'article 8 du code général des impôts au sein duquel les dispositions du présent article viennent s'insérer mentionne de nombreuses formes sociétaires sans faire référence au droit qui leur est applicable, la dénomination même de ces formes sociétaires étant suffisamment explicite.

La Commission a adopté l'amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 295).

Le paragraphe II rend applicable le nouveau régime aux impositions dues au titre des exercices clos à compter de la date de publication de la présente loi.

Le paragraphe III permet aux sociétés pouvant devenir fiscalement transparentes en application du I de refuser le bénéfice de ce régime et de rester soumises à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice au cours duquel la loi sera publiée. Il est précisé que cette option est irrévocable et qu'elle doit être exercée dans les trois mois de la publication de la loi.

La Commission a adopté l'amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 296).

Elle a ensuite adopté, conformément à l'avis favorable du rapporteur, un amendement de M. Philippe Feneuil augmentant de trois à six mois le délai offert aux entreprises agricoles à responsabilité limitée (EARL) pour opter pour l'application du régime de l'impôt sur les sociétés (amendement n° 297).

La Commission a ensuite adopté l'article 4 ainsi modifié.

Après l'article 4

Puis la Commission a examiné en discussion commune deux amendements de M. Philippe Feneuil, visant à permettre aux associés exploitants d'EARL qui n'auraient pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux de bénéficier chacun des règles d'exonération des plus-values de l'article 151 septies du code général des impôts.

Le rapporteur a émis un avis défavorable à ces amendements, dont il a indiqué qu'ils étaient irrecevables, et qu'ils tendaient à priver d'intérêt le recours aux GAEC.

La Commission a rejeté ces deux amendements.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Jean Gaubert visant à interdire les cessions de droits à paiement unique (DPU) aux preneurs auxquels des biens étaient loués sans qu'ils aient été retenus par les commissions départementales d'orientation de l'agriculture (CDOA). Conformément à l'avis défavorable du rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté un amendement de M. Philippe Feneuil visant à prendre en compte chacun des associés d'un GAEC pour l'appréciation des seuils et plafonds législatifs et réglementaires ainsi que trois amendements similaires présentés par MM. Michel Raison, Serge Poignant et Jean-Pierre Decool.

Article 5

Réforme du contrôle des structures

Les articles L. 331-1 et suivants du code rural établissent un régime de contrôle des structures des exploitations c'est-à-dire un contrôle administratif des installations, des agrandissements ou des réunions d'exploitations dont l'objet principal est de favoriser l'installation des jeunes agriculteurs.

Significativement alourdies par la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, ces règles - qui n'ont pas permis de régler le problème de l'installation des jeunes - sont aujourd'hui parfois un élément de lourdeur administrative entravant le développement des exploitations. Le présent article a donc pour objet de les assouplir.

Le paragraphe I apporte une modification de précision au premier alinéa de l'article L. 331-1 du code rural qui définit le champ et l'objet du contrôle des structures pour indiquer que celui-ci concerne la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers hors-sol et non plus celle des « biens fonciers ruraux » évoquée dans le droit en vigueur.

Cette précision manifeste que l'objet du contrôle concerne bien l'activité d'exploiter, effectivement conditionnée par l'usage de terres agricoles ou d'ateliers hors-sol, et qu'il ne concerne pas directement la détention de droits sur des biens.

La Commission a rejeté un amendement de M. Yves Cochet faisant du respect de l'environnement l'un des objectifs prioritaires de la politique de contrôle des structures puis un amendement de M. Jean Gaubert visant à inclure la préservation de l'environnement comme l'un des objectifs de cette politique.

Le paragraphe II modifie l'article L. 331-2 du code rural qui liste les opérations soumises à une autorisation administrative préalable.

Conformément à l'avis défavorable du rapporteur, la Commission a ensuite rejeté un deuxième amendement de M. Jean Gaubert, tendant à supprimer le II de cet article.

Le 1° de ce paragraphe est de coordination avec son 8°.

Le 2° modifie le deuxième alinéa du 1° de l'article L. 331-2 qui concerne le seuil de surface à partir duquel les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles sont soumises à autorisation préalable.

Fixé par le schéma directeur départemental des structures, ce seuil doit, en l'état du droit, être compris entre 0,5 et 1,5 fois une unité de référence définie à l'article L. 312-5 du code rural. Cet article dispose que cette unité de référence, qui est fixée par l'autorité administrative pour chaque région naturelle du département, est « la surface qui permet d'assurer la viabilité de l'exploitation compte tenu de la nature des cultures et des ateliers de production hors sol ainsi que des autres activités agricoles ».

On arrive donc à la situation absurde où, au nom de la lutte contre la concentration excessive des terres, le droit en vigueur permet de soumettre à autorisation administrative l'agrandissement d'une exploitation pour atteindre une surface totale inférieure à la surface minimale permettant d'assurer sa viabilité.

Le présent article propose donc :

- de relever à 1 unité de référence la surface minimale pouvant être retenue comme seuil d'autorisation préalable par le schéma départemental du contrôle des structures ;

- de porter à 2 unités de référence la surface maximale pouvant être retenue comme seuil d'autorisation préalable par le même schéma ce qui maintient à 1 unité de référence la fourchette au sein de laquelle le seuil doit être fixé.

La Commission a examiné deux amendements identiques de M. Philippe Feneuil et de M. François Sauvadet, fixant entre une et trois fois l'unité de référence la fourchette dans laquelle sont définis les seuils de surface à partir de laquelle une opération nécessite une autorisation préalable et permettant au schéma directeur départemental des structures de définir des opérations non soumises à autorisation.

M. Jean Dionis du Séjour a estimé qu'il était de bon sens d'adapter ces procédures à la réalité du terrain, tandis que M. Philippe Feneuil a précisé qu'il s'agissait de respecter la diversité des situations locales.

Le rapporteur ayant rappelé que l'unité de référence était déjà définie au niveau départemental et que les disparités locales étaient donc prises en compte et s'étant déclaré défavorable à ces amendements, la Commission les a rejetés.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean Auclair visant à relever à quatre fois l'unité de référence la superficie maximale pouvant être retenue pour soumettre une opération à autorisation préalable.

Le 3° supprime le troisième alinéa du 1° de l'article L. 331-2 qui assimile à un agrandissement, au sens du contrôle des structures, la diminution du nombre total des associés exploitants, des coexploitants ou des coïndivisaires au sein d'une exploitation.

En l'état du droit, la ou les personnes poursuivant l'exploitation après le retrait d'un associé doivent donc solliciter à cette fin une autorisation préalable si l'exploitation en cause a une superficie supérieure au seuil de contrôle. Ce régime d'autorisation préalable n'a évidemment d'intérêt que dans la mesure où l'autorisation peut être refusée. Or, on voit mal comment refuser la poursuite de l'exploitation d'une installation dont l'un des associés part à la retraite ou comment contraindre l'associé poursuivant l'activité à trouver un nouvel associé.

Le 4° supprime le 4° de l'article L. 331-2 et propose de procéder, par coordination, à une renumérotation du 5° de cet article.

Les alinéas supprimés subordonnent à autorisation préalable :

- la prise de participation directe ou indirecte dans une exploitation agricole par une personne participant déjà en qualité d'exploitant à une autre exploitation agricole ;

- toute modification dans la répartition des parts ou actions d'une société exploitant une installation qui a pour effet de faire franchir à l'un des membres, seul ou avec son conjoint et ses ayants droit, le seuil de 50 % du capital.

La suppression de l'autorisation préalable au franchissement du seuil de 50 % du capital répond à la même logique que la suppression de l'autorisation préalable de la poursuite de l'exploitation en cas de diminution du nombre des associés. L'augmentation de la part du capital détenue par les associés demeurant dans la société peut en effet résulter mécaniquement du retrait d'un ou plusieurs autres associés.

La Commission a rejeté, conformément à l'avis du rapporteur, un amendement de M. Philippe Feneuil maintenant un régime d'autorisation sur des cessions de parts sociales.

Elle a également rejeté un amendement de M. Serge Poignant supprimant les assouplissements au contrôle des structures introduits par les 3°et 4° du II du projet de loi.

Puis M. Jean Dionis du Séjour a retiré un amendement supprimant l'assouplissement introduit par le 4° du même II après que le rapporteur ait rappelé que les dispositions supprimées étaient en pratique, inapplicables.

Puis la Commission a examiné deux amendements identiques de M. Philippe Feneuil et de M. François Sauvadet visant à garantir, dans le cadre du contrôle des structures, un contrôle effectif de la capacité professionnelle de tous les exploitants agricoles. Le rapporteur a émis un avis défavorable estimant que ces amendements seraient très difficiles à mettre en œuvre et qu'ils ne lui paraissaient correspondre à l'objet du contrôle des structures. La Commission les a alors rejetés.

La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 298).

Le reprend l'actuel 6° de l'article L. 331-2 en supprimant toutefois la nécessité d'une autorisation préalable systématique pour les créations ou extensions de capacité des ateliers hors sol d'élevage de porcs sur caillebotis partiel ou intégral. Il soumet ces élevages au régime de contrôle de structure des ateliers hors sol qui subordonne l'autorisation préalable au dépassement d'un seuil de production fixé par décret.

Le reprend les dispositions de l'actuel dernier alinéa de l'article L. 331-2 qui concernent l'application du contrôle des structures aux attributions de biens par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). Deux modifications sont toutefois apportées à ces dispositions.

La première concerne le champ du contrôle. En l'état du droit, le régime d'autorisation préalable concerne, sous certaines conditions, « les opérations » réalisées par une SAFER. Il est proposé de faire porter désormais le contrôle sur la mise en valeur des biens reçus d'une SAFER conformément à la logique générale du dispositif qui est de faire porter le contrôle sur l'exploitation créée ou agrandie.

La seconde modification est la suppression de la disposition figurant aujourd'hui à la dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 331-2 du code rural qui établit un régime de déclaration préalable pour les opérations des SAFER ne répondant pas aux critères les soumettant au régime d'autorisation. Cette suppression est, comme on le verra, de coordination avec le 8° du présent article.

Le supprime le dernier alinéa de l'article L. 331-2 par coordination avec le 6° qui en a repris les dispositions sous réserve des modifications indiquées ci-dessus.

Le complète l'article L. 331-2 par un II établissant un régime de déclaration préalable.

Deux catégories d'opérations sont soumises à ce régime : les opérations des SAFER ne répondant pas aux critères mentionnés au I, d'une part, et des installations, agrandissement ou réunions d'exploitation répondant aux critères du I mais résultant de la transmission d'un bien dans le cadre familial, d'autre part. Pour la première catégorie d'opération, le régime déclaratoire complète donc le régime d'autorisation alors qu'il déroge pour la seconde catégorie.

La rédaction du premier alinéa du 8° qui précise que les opérations soumises à déclaration préalable le sont par dérogation au I n'est donc pas pleinement satisfaisante puisque la première catégorie d'opérations soumises à déclaration préalable (celles réalisées par les SAFER) concerne précisément des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application du I.

Le deuxième alinéa précise que sont soumises à déclaration préalable les opérations réalisées par les SAFER autres que celles soumises à autorisation préalable.

Les quatre derniers alinéas dérogent au I pour soumettre à simple déclaration préalable des opérations qui en application de celui-ci devraient être soumises au régime d'autorisation à la condition qu'elles résultent de la transmission d'un bien dans le cadre familial.

Il est précisé qu'est concernée toute mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré sous trois conditions.

La première est que le déclarant, prétendant à l'exploitation de l'installation reprise ou agrandie, doit répondre aux conditions d'expérience professionnelle mentionnées au 3° du I de l'article L. 331-2 en vigueur et non modifié par le projet de loi.

La seconde est que les biens concernés soient libres de location au jour de la déclaration.

Enfin, la dernière condition est que les biens transmis aient été détenus par le parent ou allié les transmettant depuis au moins neuf ans préalablement à la transmission. Il est précisé que les parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille sont assimilées aux biens qu'elles représentent.

L'intérêt de cette dernière précision n'apparaît pas évident puisqu'en application des autres dispositions du I les modifications du capital des sociétés ne sont plus soumises au régime d'autorisation préalable.

La Commission a examiné un amendement de M. Jean Auclair supprimant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle et de durée de détention des biens nécessaires pour que des opérations relevant en principe du régime d'autorisation mais réalisées dans le cadre familial soient, à titre dérogatoire, soumises à une simple déclaration préalable.

Le rapporteur ayant demandé à l'auteur de l'amendement de travailler cette question avec Mme Brigitte Barèges, rapporteur pour avis de la Commission des lois, M. Jean Auclair a retiré son amendement.

La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel et de précision du rapporteur (amendement n° 299). Deux amendements identiques de MM. Philippe Feneuil et François Sauvadet, autorisant purement et simplement les opérations pour lesquelles le projet de loi prévoit, à titre dérogatoire, un régime de déclaration préalable, sont alors devenus sans objet.

La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 300). Un amendement de M. Jean Auclair, supprimant la condition de durée de détention des biens nécessaires pour que des opérations relevant en principe du régime d'autorisation mais réalisées dans le cadre familial soient, à titre dérogatoire, soumises à une simple déclaration préalable, est alors devenu sans objet.

Puis la Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 301).

Elle a ensuite examiné un amendement de M. François Sauvadet permettant à l'autorité administrative de ne pas soumettre à autorisation préalable certaines opérations. Le rapporteur, ayant jugé qu'il convenait de préserver le rôle politique du législateur de définir des règles, a émis un avis défavorable à cet amendement, que la Commission a rejeté.

Le paragraphe III modifie l'article L. 331-3 du code rural qui définit la procédure d'autorisation préalable.

Son supprime l'avis de la commission départementale d'orientation agricole sur les décisions d'autorisation.

La Commission a examiné quatre amendements identiques de MM. Philippe Feneuil, Jean Gaubert, François Sauvadet et Yves Cochet, visant à supprimer le 1° du III de cet article pour rétablir l'avis de la Commission départementale d'orientation de l'agriculture sur les décisions au titre du contrôle des structures. Se déclarant réservé sur le fond à titre personnel, le rapporteur a toutefois émis un avis favorable à ces amendements compte tenu du large soutien des différents groupes politiques. La Commission a alors adopté ces amendements (amendement n° 302).

Le concerne les critères pris en compte par l'autorité administrative pour autoriser une opération au titre du contrôle des structures et modifie le 3° de l'actuel article L. 331-3 du code rural.

Celui-ci dispose que l'autorité administrative doit notamment prendre en compte « les références de production ou droits à aide dont disposent déjà le ou les demandeurs ». Le présent 2° substitue à cette mention la référence plus large aux droits corporels ou incorporels attachés au fonds, formule plus large et de coordination avec la création du fonds agricole proposée par l'article 1er du présent projet de loi.

Le ajoute un nouveau critère aux éléments devant être pris en compte par l'autorité administrative pour autoriser une opération au titre du contrôle des structures : l'intérêt environnemental de l'opération.

Enfin, le paragraphe IV modifie l'article L. 331-6 du code rural qui articule le droit des baux ruraux avec le régime de contrôle des structures. Il s'agit, en pratique, d'une part, de conditionner la conclusion d'un bail à l'octroi de l'autorisation d'exploiter si celle-ci est nécessaire pour éviter qu'un preneur soit lié par un bail relatif qu'il ne pourrait exploiter et, d'autre part, d'organiser l'information du bailleur sur les biens exploités par le preneur afin que le bailleur soit conscient des risques de non-validité du bail résultant d'un éventuel refus d'autorisation au titre du contrôle des structures.

Les modifications proposées sont de coordination avec la création du bail cessible par l'article 2 du projet de loi et étendent les dispositions existantes au cas de la cession d'un bail.

La Commission examiné deux amendements identiques de MM. Jean Gaubert et Yves Cochet tendant à préciser la notion d'intérêt environnemental d'une opération. Le rapporteur s'est déclaré défavorable à cette précision et la Commission a rejeté ces amendements.

Puis la Commission a rejeté un amendement de M. François Sauvadet attribuant le contentieux relatif aux opérations de reprise par le bailleur nécessitant une autorisation d'exploiter au tribunal paritaire des baux ruraux, auquel le rapporteur s'est dit défavorable.

Elle a alors adopté l'article 5 ainsi modifié.

Après l'article 5

Elle a examiné deux amendements identiques de M. Michel Raison et M. Serge Poignant visant à supprimer la limite de 76 000 euros afin de porter l'exonération de droits de mutation à titre gratuit à 75 % quelle que soit la valeur des biens transmis, comme cela a été fait par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises pour la transmission à titre gratuit d'entreprises individuelles. Le rapporteur ayant souhaité que M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la Commission des finances, puisse examiner ces aspects fiscaux, M. Michel Raison a retiré ces amendements.

La Commission, suivant l'avis défavorable du rapporteur, a ensuite rejeté un amendement de M. Jean Auclair, visant à fixer une surface minimale, égale à la surface minimale d'installation, en dessous de laquelle les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) ne disposeraient pas du droit de préemption.

Article additionnel après l'article 5 

Obligation pour les SAFER d'informer les communes des déclarations d'intention d'aliéner un bien situé sur leur territoire

Conformément à l'avis favorable du rapporteur, la Commission a adopté l'amendement n° 48 de M. Jean-Charles Taugourdeau chargeant les SAFER d'informer les maires des communes de toutes les déclarations d'intention d'aliéner portant sur des biens situés sur leur territoire respectif.

Après l'article 5

La Commission a ensuite rejeté, conformément à l'avis défavorable du rapporteur, un amendement de M. Jean Auclair visant à limiter la durée pendant laquelle il est possible de demander une autorisation d'exploiter à partir du moment où la libération des terres a fait l'objet d'une publicité.

Article additionnel après l'article 5

Rapport sur la gestion de l'espace foncier

Puis elle a examiné deux amendements identiques de M. Michel Raison et de M. Jean-Pierre Decool prévoyant, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, la présentation par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur la gestion de l'espace foncier, afin d'envisager des mesures de préservation des terres agricoles, notamment la mise en œuvre d'un mécanisme fiscal particulier permettant de contribuer au financement d'une politique foncière. Le Président Ollier a regretté que cet amendement soit en contradiction avec la volonté généralement exprimée par les parlementaires de limiter la multiplication des rapports, et M. François Brottes a alors proposé de remplacer ce rapport par une étude d'impact. Le rapporteur a convenu de cet inconvénient, mais a donné un avis favorable aux amendements compte tenu de l'importance du sujet. Les deux amendements ont alors été adoptés par la Commission (amendement n° 303).

Article 6

(article 199 unvicies du code général des impôts)

Réduction d'impôt au titre des différés de paiement
consentis à un jeune agriculteur s'installant

Le présent article vise à favoriser la cession d'exploitations à de jeunes agriculteurs s'installant en instaurant une réduction d'impôt de 50 % des intérêts perçus au titre du différé de paiement qui leur est accordé.

Le paragraphe I insère, au sein du code général des impôts, un nouvel article 199 unvicies définissant cette réduction d'impôt.

Article 199 unvicies du code général des impôts

Réduction d'impôt au titre des différés de paiement
consentis à un jeune agriculteur s'installant

Le de cet article définit le champ de la réduction d'impôt instituée.

Celle-ci bénéficie aux contribuables domiciliés fiscalement en France à raison des intérêts perçus au titre du différé de paiement qu'ils accordent à un jeune agriculteur éligible aux aides à l'installation définies aux articles R. 343-3 et suivants du code rural à l'occasion de la vente d'une exploitation complète, c'est-à-dire soit :

- de l'ensemble des éléments de l'actif affectés à l'exercice d'une activité agricole, hypothèse qui correspond à la cession du fonds agricole créé par le présent projet de loi,

- d'une branche complète d'activité, c'est-à-dire d'une partie d'une exploitation susceptible d'être gérée de manière autonome,

- de l'intégralité des parts d'un groupement ou d'une société agricole dans lequel le contribuable exerce, c'est-à-dire de son exploitation constituée sous une forme sociétaire.

Le subordonne le bénéfice de la réduction d'impôt à la réunion de quatre conditions relatives à la cession et à son financement.

Son deuxième alinéa impose que le contrat de vente soit passé en la forme authentique c'est-à-dire qu'il soit notarié.

Le troisième alinéa précise la notion de différé de paiement en prévoyant que le bénéfice de la réduction d'impôt est subordonné au fait qu'au moins la moitié du prix de cession doit être payé à la date de la vente et le solde entre la huitième et la douzième année la suivant.

On notera toutefois que l'assiette de la réduction d'impôt correspond aux intérêts perçus au titre du différé de paiement consenti de sorte qu'en tout état de cause, le bénéfice fiscal est subordonné au montant de ces intérêts donc au fait que l'intégralité de la somme due ne soit pas réglée dès la vente. En outre, le dispositif garantit la prise de contrôle de l'exploitation par le jeune agriculteur s'installant dès la vente.

Le quatrième alinéa impose le paiement en numéraire.

Enfin, le cinquième alinéa impose la définition de la rémunération du différé de paiement, c'est-à-dire le taux d'intérêt appliqué, dans le contrat de vente et la plafonne au taux de l'échéance constante à dix ans. Ce taux correspond au rendement actuariel d'une obligation du Trésor public fictive dont la durée serait de dix ans et est donc la reconstitution de ce que serait le taux d'intérêt auquel emprunte l'Etat pour une période de dix ans. Cet indice varie chaque jour et a été compris entre 3,08 et 3,17 % au cours des deux premières semaines de septembre 2005.

Le définit l'assiette de la réduction d'impôt. Celle-ci est égale à 50 % des intérêts imposés retenus dans la limite d'un plafond annuel de 5 000 euros pour un contribuable célibataire, veuf ou divorcé et de 10 000 euros pour les contribuables mariés ou liés par un pacte civil de solidarité et soumis à une imposition commune. Dans la mesure où, en application du présent article, la moitié au moins du prix doit être payé dès la vente de sorte qu'au plus la moitié du prix est susceptible de porter intérêt, il apparaît qu'au niveau actuel du taux de l'échéance constante à dix ans, ce plafonnement jouerait, pour un couple de contribuables, pour des cessions dont le prix dépasserait environ 660 000 euros.

Le prévoit, en cas de remise en cause de la vente selon les différentes formes juridiques possibles (résolution, annulation, rescision), la reprise de la réduction d'impôt au titre de l'année de remise en cause.

Le paragraphe II rend la réduction d'impôt applicable aux ventes réalisées entre le 18 mai 2005, date à laquelle le projet de loi a été déposé, et le 31 décembre 2010. La rédaction retenue évoque curieusement son application à des contrats de vente, alors qu'on voit mal ce que signifie l'application d'une réduction d'impôt à un contrat. En outre, il prévoit comme seule condition d'application que ces contrats soient passés en la forme authentique, ce qui n'est pas davantage satisfaisant puisque cette condition fait partie, au même titre que d'autres (objet de la cession, personnalité de l'acquéreur), des conditions prévues par l'article 199 unvicies issu du I.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier rédactionnel, le second rectifiant une erreur matérielle (amendements nos 304 et 305).

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Philippe Feneuil visant à préciser que la réduction d'impôt prévue à l'article 6 du projet de loi est applicable au contribuable cédant l'intégralité des parts d'un groupement. Le rapporteur ayant indiqué que cet amendement était déjà satisfait, son auteur l'a retiré.

Puis la Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 306).

Elle a ensuite adopté l'article 6 ainsi modifié.

Après l'article 6

Suivant l'avis de son rapporteur, la Commission a rejeté un amendement de M. Philippe Feneuil portant à 25 % le taux de la déduction forfaitaire des revenus provenant de biens ruraux placés sous le régime des baux à long terme.

Article additionnel après l'article 6

Régime fiscal du stockage des oléagineux, protéagineux et légumes secs

Suivant l'avis de son rapporteur, la Commission a adopté trois amendements identiques de MM. Michel Raison, Jean-Pierre Decool et Jean Dionis du Séjour complétant l'article 38 quinquies du code général des impôts afin que l'entreposage d'oléagineux, protéagineux et légumes chez un organisme collecteur agréé puis leur reprise, le cas échéant, par un exploitant soumis à un régime réel d'imposition n'entraîne pas la constatation d'un profit ou d'une perte pour la détermination du résultat imposable, sous réserve que les marchandises restent inscrites dans les stocks de l'exploitant (amendement n° 307).

Après l'article 6

La Commission a examiné deux amendements identiques de MM. Philippe Feneuil et François Sauvadet instituant une réserve spéciale d'autofinancement, dotée par prélèvement sur les bénéfices comptables de l'exercice à concurrence d'un plafond de 38 120 euros par période de douze mois.

Le rapporteur ayant indiqué qu'il était défavorable à ces amendements, dans la mesure où la création de ce nouveau dispositif aboutirait à « cannibaliser » d'autres dispositifs déjà existants, ces amendements ont été retirés.

Puis la Commission a examiné un amendement de M. Michel Raison étendant aux fonds agricoles les dispositions d'exonération des droits de mutation à titre gratuit prévues par l'article 790 A du code général des impôts.

Compte tenu de la nature fiscale de cet amendement, le rapporteur a invité son auteur à le représenter lors de la réunion prévue à l'article 88 du règlement de l'Assemblée Nationale, afin de pouvoir disposer de l'avis de la Commission des finances.

M. Michel Raison a alors retiré son amendement.

La Commission a ensuite examiné deux amendements identiques de MM. Philippe Feneuil et François Sauvadet supprimant aux articles 793 bis et 885 H du code général des impôts le seuil de 76 000 euros en deçà duquel les biens donnés à bail à long terme bénéficient d'une exonération égale au quart de leur valeur pour la détermination de l'assiette des droits de mutation à titre gratuit et de l'impôt sur la solidarité sur la fortune.

Après que le rapporteur a émis un avis défavorable à ces amendements qui anticipent sur la discussion de loi de finances, la Commission les a rejetés.

Suivant l'avis du rapporteur, M. Michel Raison a retiré un amendement relevant à 100 000 euros le seuil prévu à l'article 793 bis du Code général des impôts à partir duquel les biens donnés à bail à long terme bénéficient d'une exonération des droits de mutation à titre gratuit à concurrence de la moitié et non plus des trois quarts de leur valeur.

La Commission a ensuite examiné en discussion commune deux amendements de MM. Philippe Feneuil et François Sauvadet :

- l'un complétant les articles 885 P et 885 Q du code général des impôts afin que les biens ruraux loués par bail à long terme, immeubles ou parts de GFA soient considérés comme des biens professionnels au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune lorsqu'ils sont loués par le bailleur à un jeune agriculteur.

- l'autre complétant ces mêmes articles, afin que ces biens ruraux, immeubles ou parts de GFA soient considérés comme des biens professionnels au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune lorsqu'ils sont loués à un jeune agriculteur ayant bénéficié des prêts à moyen terme spéciaux ou de la dotation d'installation prévus par les articles R343-9 à R343-16 du code rural depuis moins de 5 ans.

Le rapporteur ayant indiqué qu'ils anticipaient sur l'examen de la loi de finances, ces amendements ont été retirés.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. François Sauvadet prévoyant qu'un maître d'ouvrage pourra constituer un fonds de restructuration lors d'emprises sur l'espace agricole et que ce fonds aura pour objet de financer des mutations d'exploitations ainsi que la reconstitution du potentiel socio-économique du périmètre concerné.

M. Jean Dionis du Séjour a indiqué que cet amendement inciterait les maîtres d'ouvrage à être économes en emprises foncières.

Se déclarant défavorable à cet amendement, compte de son caractère peu opérationnel, le rapporteur a estimé que l'idée était néanmoins intéressante et qu'elle pourrait faire l'objet d'une étude dans le rapport au Parlement sur la gestion de l'espace foncier, prévu par l'amendement précédemment adopté par la Commission. M. Jean Dionis du Séjour a alors retiré cet amendement.

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Yannick Favennec prévoyant que les conventions conclues entre les producteurs et les acheteurs de lait en vue de la commercialisation du lait auprès du public doivent faire l'objet de stipulations écrites entre les parties concernées et qu'elles comportent notamment l'indication des quantités fournies, les conditions de la collecte et le prix des livraisons acquitté au producteur.

1 () Loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

2 () Ces thèmes sont :

- l'organisation de l'offre et des filières,

- la gestion des risques et des aléas,

- le développement de nouveaux débouchés,

- la qualité et la différenciation des produits,

- le statut de l'exploitant et de l'exploitation,

- l'accompagnement de l'installation, de la transmission et de reconversion,

- la situation des salariés en agriculture,

- les outils de mise en commun de main d'œuvre et de matériel,

- les outils d'une gestion globale de l'espace foncier rural,

- la politique des structures agricoles,

- les relations entre propriétaires et fermiers,

- les modes et les niveaux de concertation entre l'Etat, les collectivités locales, les organisations professionnelles et les partenaires du monde agricole,

- la fourniture de services territoriaux et environnementaux,

- les évolutions du régime fiscal et social de l'agriculture,

- les adaptations du dispositif de recherche, de développement et de formation.

3 () Commentaire de l'ordonnance du 17 octobre 1945 par le Professuer Georges Ripert, « Le statut du fermage. Du droit contractuel au droit de l'entreprise », Recueil Dalloz, 1946, cité dans le livre blanc de la SAF-Agriculteurs de France, « Propositions pour des entreprises agricoles et rurales durables », octobre 2004.

4 () Interdiction des cessions hors du cadre familial et de toutes contreparties onéreuses - « pas-de-porte ».

5 () Lois n° 60-808 du 5 août 1960 et n° 62-933 du 8 août 1962.

6 () « L'agriculture à la recherche de ses futurs », ouvrage sous la direction de Philippe Lacombe, DATAR - Editions de l'Aube, 2002.

7 () Article 1er de la loi du 5 août 1960.

8 () Loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d'orientation agricole.

9 () Article 1er.

10 () Loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole.

11 () On notera que le décret n° 2003-675 du 22 juillet 2003 a remplacé le CTE par le CAD (contrat d'agriculture durable) dont les problématiques sont recentrées sur les questions environnementales et les procédures simplifiées et mieux articulées avec les autres dispositifs existants.

12 () Pour une analyse détaillée, voir Les Cahiers du CER-France, février 2005, « Le concept d'exploitation agricole a-t-il un avenir ? ».

13 () A l'exception des armes et munitions, et au terme d'un délai pour trois produits sensibles (bananes fraîches, riz, sucre).

14 () Sortir l'agriculture européenne du marasme de l'après-guerre et garantir la sécurité alimentaire des Européens.

15 () Voir notamment supra la description des négociations en cours dans le cadre de l'OMC.

16 () En particulier, la mise en jachère d'une partie des terres cultivées.

17 () Aux termes du règlement (CE) n° 1257-1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), la politique de développement rural s'appuie d'une part sur des mesures d'accompagnement de la réforme de 1992 (préretraites, soutien aux zones défavorisées) et d'autre part sur des mesures de modernisation et de diversification des exploitations agricoles (installation, formation, reconversion).

18 () La réforme de la PAC s'accompagne de plusieurs règlements communautaires : le règlement n° 1782-2003 établit les règles communes et le n° 1783-2003 les règles relatives au développement rural ; plusieurs autres règlements concernent les mesures sectorielles dans le domaine des céréales, du riz, des fourrages séchés et des produits laitiers qui ne seront pas développées ici.

19 () Les droits à paiements sont en effet marchands : ils peuvent être librement échangés ou « loués » (lorsque le titulaire des droits est également propriétaire des terres, il peut louer ses droits avec le foncier, pour la même durée).

20 () D'après le ministère de l'agriculture et de la pêche, si les modalités d'adaptation de la réforme de la PAC et de la mise en œuvre des DPU sont aujourd'hui arrêtées, il reste néanmoins à les formaliser dans les textes : deux décrets devraient ainsi être pris d'ici la fin de l'année afin de déterminer les règles générales de transfert et définir le fonctionnement de la réserve nationale.

21 () Surfaces en grandes cultures et surfaces fourragères dans le cas d'élevage d'animaux. Quant aux surfaces qui étaient en jachère obligatoire, elles donnent lieu à un droit à paiement spécifique, également ramené à une valeur par hectare. Enfin, dans le secteur laitier, pour lequel l'aide directe par tonne de quota détenue est entrée en vigueur fin 2004, les montants de référence intervenant dans le calcul des droits seront déterminés par le produit des quantités de références individuelles au 31 mars de l'année du découplage et du montant de l'aide fixé au cours de cette même année.

22 () Seules les aides versées dans les quatre DOM sont totalement exemptées de découplage.

23 () Cependant les prélèvements seront réduits pour certaines transactions, celles portant par exemple sur les droits cédés par un fermier sortant au repreneur des terres, et, afin de conforter la situation des jeunes agriculteurs, aucun prélèvement ne sera effectué lors de la cession des droits, avec ou sans terre, au bénéfice d'un agriculteur qui s'installe.

24 () L'application des dix-neuf directives sera obligatoire dans l'ensemble de l'Union européenne et sera progressivement réalisée entre 2005 et 2007.

25 () Une partie des disponibilités financières dégagées par la modulation des aides pourraient cependant être également utilisées pour mettre en place des dispositifs de gestion des crises à l'échelle nationale.

26 () On évalue à 270 millions le montant concernant la France.


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