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le 21 mars 2006

N° 2874

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 février 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2785 autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire,

PAR M. ROLAND BLUM,

Député

--

INTRODUCTION 5

I - LE DROIT INTERNATIONAL DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE NUCLÉAIRE 7

A - DEUX SYSTÈMES COEXISTENT 7

1 - Le système Paris/Bruxelles sous l'égide de l'OCDE 7

a - La Convention de Paris 7

b - La Convention complémentaire de Bruxelles 8

2 - La Convention de Vienne sous l'égide de l'AIEA 9

a - La Convention de Vienne 9

b - Les protocoles modifiant la Convention de Vienne 9

B - L'HARMONISATION DES DEUX SYSTÈMES EST EN COURS 10

1 - Le Protocole commun relatif à l'application de la Convention de Vienne et de la Convention de Paris 10

2 - La révision des Conventions de Paris et de Bruxelles 10

II - LES APPORTS DES DEUX NOUVEAUX PROTOCOLES 13

A - LE PROTOCOLE PORTANT MODIFICATION DE LA CONVENTION DE PARIS 13

1 - L'augmentation des montants pour lesquels un exploitant est tenu responsable 13

2 - L'introduction d'une définition détaillée de la notion de « dommage nucléaire » 14

3 - L'extension du champ d'application géographique de couverture de la Convention 14

4 - Un meilleur encadrement de la responsabilité de l'exploitant 15

5 - L'augmentation du délai de prescription et de déchéance 15

6 - La compétence juridictionnelle 15

7 - L'interprétation de la Convention de Paris 16

8 - Les stipulations finales 16

B - LE PROTOCOLE PORTANT MODIFICATION DE LA CONVENTION COMPLÉMENTAIRE DE BRUXELLES 16

1 - Des tranches d'indemnisation fortement relevées 16

2 - De nouvelles modalités de versement des fonds 17

3 - L'extension du champ d'application géographique de couverture de la Convention 18

4 - La clarification du droit de recours 19

5 - Une procédure unique de règlement des différends 19

6 - Les autres articles et les stipulations finales 19

CONCLUSION 21

ANNEXE I ETAT DES RATIFICATIONS 23

ANNEXE II ETUDE D'IMPACT 25

ANNEXE III ETUDE D'IMPACT 29

EXAMEN EN COMMISSION 33

Mesdames, Messieurs,

Il y a vingt ans, dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, le réacteur n° 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, explosait alors que l'on procédait à un essai de sûreté.

Selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), la déflagration qui s'ensuivit souleva la dalle supérieure d'un poids de 2 000 tonnes, laissant la partie supérieure du réacteur à l'air libre. Le graphite prit feu, allumant trente foyers, que les pompiers mettront trois heures à éteindre. Au total, près de 12 exabecquerels (1) sont partis dans l'environnement en dix jours, soit 30 000 fois l'ensemble des rejets d'aérosols des installations nucléaires dans le monde en une année. Le panache radioactif a disséminé sur la plupart des pays d'Europe des radionucléïdes tels que l'iode 131, le césium 134, et le césium 137.

Sur le millier de pompiers intervenus le premier jour, 31 sont morts dans les semaines qui ont suivi l'accident. Entre 6 et 7 millions de personnes vivaient sur les territoires affectés par la catastrophe, en Biélorussie, en Ukraine et en Fédération de Russie. Entre 600 000 et 800 000 « liquidateurs » sont intervenus sur le site, notamment pour construire le sarcophage. Hormis ces 31 morts directs, on ne dispose pas d'informations fiables sur le nombre de victimes directes ou indirectes de cette catastrophe sans précédent. De même, il y a peu d'informations sur l'indemnisation des victimes. L'Union soviétique ayant décliné toute responsabilité pour les dommages causés au motif qu'elle n'était partie à aucune des conventions internationales en la matière, cet accident a donc pour le moins posé de manière aiguë la question de la responsabilité civile en matière nucléaire.

Actuellement deux systèmes de conventions internationales coexistent et définissent le régime de responsabilité civile en cas de dommage nucléaire mais depuis 1988 une harmonisation est en cours. Deux protocoles signés en 2004 et qui font l'objet du présent projet de loi de ratification sont venus compléter ce processus.

Avant d'exposer les modifications introduites par ces deux protocoles votre Rapporteur présentera le régime juridique international en vigueur.

I - LE DROIT INTERNATIONAL
DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE NUCLÉAIRE

A - Deux systèmes coexistent

C'est dès le début du développement de l'industrie nucléaire qu'un régime international de responsabilité civile a été instauré en la matière, sous les auspices de l'OCDE, l'Organisation pour la coopération et le développement en Europe. Peu de temps après, l'AIEA, l'Agence internationale pour l'énergie atomique, adoptait elle aussi un instrument international se rapportant au droit international de la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires.

1 - Le système Paris/Bruxelles sous l'égide de l'OCDE

a - La Convention de Paris

Si les premiers programmes de construction de centrales nucléaires de puissance ont été lancés dans les années cinquante en ex-Union soviétique, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en France, les pays membres de l'OCDE ont adopté la Convention sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire le 29 juillet 1960. Cette convention, dite « Convention de Paris », entrée en vigueur le 1er avril 1968, a fait l'objet de deux modifications successives. La première est intervenue le 28 janvier 1964 avec la signature d'un Protocole additionnel à la Convention sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire du 29 juillet 1960. La seconde date du 16 novembre 1982 avec la signature d'un Protocole portant modification de la Convention du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire.

Comptant aujourd'hui quinze Parties contractantes (2), la Convention de Paris prévoit un régime spécial de responsabilité et de réparation pour les dommages nucléaires en garantissant que lorsqu'un accident nucléaire survient dans un pays, une indemnisation adéquate sera fournie aux victimes, aussi bien du pays de l'accident que des pays voisins. Pour ce faire, elle vise à harmoniser les lois nationales de ses Etats membres en créant des règles instituant des actions juridiques transfrontalières, en déterminant quel tribunal national aura compétence pour statuer sur les actions en réparation et quelle sera la loi nationale applicable.

La Convention de Paris se fonde sur les grands principes suivants relatifs à la responsabilité pour les dommages causés aux tiers :

- la responsabilité exclusive de l'exploitant de l'installation nucléaire,

- la responsabilité objective, sans faute, de l'exploitant de l'installation nucléaire,

- l'obligation pour l'exploitant d'une installation nucléaire de maintenir une assurance ou une garantie financière à concurrence du montant de sa responsabilité,

- la limitation de la responsabilité de l'exploitant quant à son montant et à sa durée dans le temps,

- le recours au tribunal du lieu où l'accident est survenu pour les actions en réparation,

- la reconnaissance et l'exécution des jugements entre Parties contractantes,

- le principe de non-discrimination à l'égard des victimes d'un accident nucléaire, indépendamment de leur nationalité, domicile ou lieu de résidence.

b - La Convention complémentaire de Bruxelles

Le 31 janvier 1963, plusieurs Etats (3) Parties à la Convention de Paris ont adopté la Convention complémentaire à la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, dite « Convention complémentaire de Bruxelles ». Elle a été établie aux fins de mobiliser des moyens supplémentaires de réparation pour le cas où la réparation disponible sur la base de la Convention de Paris s'avérerait insuffisante.

Entrée en vigueur le 4 décembre 1974, elle a également fait l'objet de deux modifications successives. Il s'agit, d'une part, du Protocole additionnel à la Convention du 31 janvier 1963 complémentaire à la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire signé le 28 janvier 1964 et, d'autre part, du Protocole portant modification de la Convention du 31 janvier 1963 complémentaire à la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, signé le 16 novembre 1982.

2 - La Convention de Vienne sous l'égide de l'AIEA

L'Agence internationale pour l'énergie atomique a été créée le 29 juillet 1957, au sein des Nations unies, avec une double mission : contrôler les activités nucléaires civiles, pour éviter tout détournement à des fins militaires ; promouvoir et développer les usages pacifiques de l'atome.

a - La Convention de Vienne

C'est sous les auspices de l'AIEA qu'a été adoptée, le 21 mai 1963, la Convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires. Elle est entrée en vigueur le 12 novembre 1977 et compte 33 Etats Parties (4). Elle a pour objet d'établir des normes minima pour assurer la protection financière contre les dommages résultant de certaines utilisations de l'énergie atomique à des fins pacifiques et de contribuer au développement de relations amicales entre les nations. Concomitamment, un Protocole de signature facultative concernant le règlement obligatoire des différends a été adopté. Il est entré en vigueur le 13 mai 1999.

b - Les protocoles modifiant la Convention de Vienne

En septembre 1997, deux nouveaux instruments ont été adoptés dans le domaine du droit international de la responsabilité civile nucléaire.

D'une part, il s'agit du Protocole d'amendement de la Convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires qui a été adopté par une Conférence diplomatique tenue à Vienne du 8 au 12 septembre 1997 lors de la quarante et unième Conférence générale de l'AIEA et dit « Protocole d'amendement de la Convention de Vienne ». Ce protocole est entré en vigueur le 4 octobre 2003 et compte cinq Etats Parties (5). Celui-ci stipule, entre autres, que la responsabilité de l'opérateur ne peut être inférieure à 300 millions de droits de tirage spécial (DTS), soit plus ou moins 400 millions de dollars américains. Il contient également une meilleure définition du dommage nucléaire, étend la zone géographique couverte et allonge la période au cours de laquelle les actions en réparation du fait de décès ou de dommages aux personnes peuvent être intentées.

D'autre part, la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires a été adoptée le 12 septembre 1997 par ladite Conférence diplomatique. Plus simplement appelée « Convention sur la réparation complémentaire », elle a pour objet d'accroître le montant de la réparation des dommages nucléaires et d'encourager la coopération régionale en vue de promouvoir un niveau de sûreté nucléaire plus élevé conformément aux principes du partenariat et de la solidarité internationaux. Elle devrait entrer en vigueur le quatre-vingt-dixième jour suivant la date à laquelle au moins cinq Etats disposant d'une capacité en installations nucléaires minimale de 400 000 unités auront déposé leur instrument de ratification. Seuls l'Argentine, le Maroc et la Roumanie l'ont pour l'instant ratifiée. Cette convention définit des montants supplémentaires assurés par les contributions des Etats parties sur la base de la puissance nucléaire installée et de la quote-part dans le barème des contributions de l'ONU.

B - L'harmonisation des deux systèmes est en cours

L'harmonisation des deux systèmes, commencée en 1988, sera complète avec l'entrée en vigueur des deux nouveaux protocoles signés en 2004. Un régime étendu de responsabilité sera alors en application.

1 - Le Protocole commun relatif à l'application de la Convention de Vienne et de la Convention de Paris

Le 21 septembre 1988, une conférence portant sur les liens entre la Convention de Vienne et la Convention de Paris, organisée conjointement par l'AIEA et l'OCDE, a conduit à l'adoption du Protocole commun relatif à l'application de la Convention de Vienne et de la Convention de Paris, dit « Protocole commun ». Il est entré en vigueur le 27 avril 1992 et compte 24 Parties (6).

Faisant le lien entre les deux Conventions, le Protocole commun les réunit en un régime étendu de responsabilité. Les Parties au Protocole commun sont considérées comme Parties aux deux Conventions et une règle de procédure est établie pour déterminer laquelle des deux Conventions s'applique à l'exclusion de l'autre concernant un même cas de figure.

2 - La révision des Conventions de Paris et de Bruxelles

Les Parties contractantes à la Convention de Paris ayant constaté que l'adoption des deux nouveaux instruments de l'AIEA en 1997, à savoir le Protocole d'amendement de la Convention de Vienne et la Convention sur la réparation complémentaire, pouvaient avoir un impact significatif sur les Etats de la Convention de Paris qui sont également Parties au Protocole commun, ont décidé d'entreprendre la révision de leur propre Convention, suivis ensuite par les Parties contractantes à la Convention de Bruxelles.

S'il s'agissait d'harmoniser les stipulations des Conventions de Paris, de Bruxelles et de Vienne, l'objectif était également d'augmenter les moyens de réparation afin d'indemniser un plus grand nombre de victimes sur la base d'une définition élargie du dommage.

Ainsi, deux nouveaux instruments ont été signés le 12 février 2004 à Paris. Il s'agit, d'une part, du Protocole portant modification de la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire et, d'autre part, du Protocole portant modification de la Convention dite « Convention complémentaire de Bruxelles » du 31 janvier 1963 complémentaire à la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire.

Le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à la représentation nationale vise précisément à autoriser l'approbation, à l'article 1er, du premier protocole précité, et à l'article 2, du second protocole précité. La deuxième partie de ce rapport est consacrée à l'examen détaillé des spécificités de ces deux textes.

II - LES APPORTS DES DEUX NOUVEAUX PROTOCOLES

A - Le protocole portant modification de la Convention de Paris

1 - L'augmentation des montants pour lesquels un exploitant est tenu responsable

La Convention actuelle stipule que la responsabilité d'un exploitant est en principe limitée à un maximum de 15 millions de droits de tirage spéciaux (DTS (7)). Elle prévoit également la possibilité de fixer des montants de responsabilité réduits pour les installations à faible risque et pour le transport d'un minimum de 5 millions de DTS.

Dorénavant, la Convention révisée prévoira un montant de responsabilité minimum de 700 millions d'euros et non plus maximum, laissant les Parties contractantes libres de prévoir dans leur législation nationale un montant supérieur à 700 millions d'euros ou, le cas échéant, de supprimer toute limitation de responsabilité de l'exploitant nucléaire. Le montant de responsabilité avait été déterminé dès l'origine de la Convention par référence à la capacité du marché de l'assurance. Les assureurs nucléaires ayant indiqué qu'une couverture maximale d'environ 700 millions d'euros était disponible à l'heure actuelle, ce montant a été choisi comme le nouveau « montant de référence » de la responsabilité de l'exploitant.

En outre, le montant de responsabilité actuel de 5 millions de DTS au minimum applicable aux accidents survenus dans des installations à faible risque ou au cours du transport de substances nucléaires sera porté respectivement à 70 et 80 millions d'euros au minimum.

L'unité de compte devient l'euro afin d'éviter les fluctuations de la valeur du DTS qui pourraient affecter de manière significative le niveau des devises nationales correspondantes dans la plupart des Parties contractantes.

Compte tenu de l'extension de l'application de la Convention à certains Etats non cocontractants qui possèdent une législation sur la responsabilité nucléaire fondée sur les principes de la Convention (article 2 révisé), une nouvelle stipulation est ajoutée à l'article 7 qui permet à une Partie contractante de fixer des montants de responsabilité inférieurs à ceux requis par la Convention à l'égard des dommages nucléaires subis dans ces Etats s'ils n'offrent pas des avantages réciproques d'un montant équivalent.

Les exploitants des Etats Parties à la Convention de Paris continuent d'être tenus de maintenir une assurance ou une autre garantie financière à hauteur du montant de responsabilité qui leur est applicable. De plus, aux termes de l'article 10 de la Convention révisée, les Parties contractantes sont tenues d'assurer le paiement de la réparation des dommages nucléaires, à concurrence du montant visé à l'article 7 (a), soit 700 millions d'euros, ou à l'article 21 (c), soit 350 millions d'euros, si l'assurance ou toute autre garantie financière de l'exploitant n'est pas disponible ou n'est pas suffisante pour satisfaire ces demandes.

2 - L'introduction d'une définition détaillée de la notion de « dommage nucléaire »

Les définitions de l'article 1er sont modifiées afin de garantir la réparation du plus grand nombre de types de dommages possible, tout en veillant à la compatibilité avec les dispositions du Protocole d'amendement de la Convention de Vienne. Les installations d'évacuation des déchets radioactifs ont donc été incluses dans la définition des « installations nucléaires », y compris durant la phase de post-fermeture. De même, les installations en cours de déclassement ont été insérées dans cette définition.

A la suite de l'accident de Tchernobyl, il est apparu que les dommages immatériels, le coût des mesures de sauvegarde, le coût des mesures de restauration d'un environnement dégradé et certaines autres pertes résultant de la dégradation de l'environnement constitueront probablement la majeure partie des dommages découlant d'un accident nucléaire. C'est pourquoi ces différents types de dommages ont été inclus dans les catégories de dommages aux personnes et aux biens déjà existantes dans la version actuelle de la Convention. C'est l'objet de l'article 3.

3 - L'extension du champ d'application géographique de couverture de la Convention

Selon le régime actuel, pour que la Convention s'applique, un accident nucléaire doit survenir sur le territoire d'une Partie contractante et les dommages doivent être subis également sur le territoire d'une Partie contractante.

Dorénavant, la Convention révisée s'appliquera aux dommages nucléaires subis sur tout territoire ou zone maritime d'une Partie contractante ou d'une Partie non contractante dès lors que cette dernière est Partie à la Convention de Vienne et au Protocole commun, ou qu'elle n'a pas d'installation nucléaire sur son territoire ou dans sa zone maritime, ou encore qu'elle a établi une législation qui offre des avantages équivalents sur une base de réciprocité et qui se fonde sur des principes identiques à ceux de la Convention de Paris.

4 - Un meilleur encadrement de la responsabilité de l'exploitant

Certains exploitants nucléaires acceptant de prendre en charge la responsabilité civile nucléaire d'un transport bien que non concernées par ledit transport, au seul motif que leur législation prévoyant des montants de responsabilité relativement faibles leur permet de bénéficier de primes d'assurance moins onéreuses, ce qui réduit d'autant le coût de l'opération, les Parties contractantes ont souhaité mettre fin à ces pratiques en ajoutant, à l'article 4, une stipulation qui subordonne le transfert de responsabilité d'un exploitant à un autre pour le transport de substances nucléaires à la condition que cet autre exploitant ait un intérêt économique direct à l'égard des substances nucléaires transportées.

Une nouvelle stipulation de l'article 6 permet désormais à l'exploitant de se dégager de son obligation de réparer les dommages subis par une personne dès lors que ceux-ci résultent, en totalité ou en partie, de sa négligence grave ou qu'elle a agi ou omis d'agir dans l'intention de causer un dommage.

Selon l'article 9, le Protocole ne permet plus à un exploitant d'être exonéré de sa responsabilité pour les dommages nucléaires résultant d'un accident nucléaire directement dû à des cataclysmes naturels de caractère exceptionnel.

5 - L'augmentation du délai de prescription et de déchéance

Aux termes de l'article 8, le délai de prescription et de déchéance est porté à trente ans pour les demandes en réparation des dommages nucléaires s'agissant des actions relatives au décès ou aux dommages aux personnes, tout en conservant le délai actuel de dix ans pour les autres types de dommages.

De plus, le délai de « découverte » fixé par la législation nationale est étendu de deux à trois ans au moins à partir de la date de connaissance du dommage et de l'exploitant responsable, à la suite de quoi les droits à réparation des victimes peuvent être déchus ou prescrits.

6 - La compétence juridictionnelle

Une nouvelle stipulation, à l'article 13, prévoit d'octroyer la compétence juridictionnelle aux tribunaux de la Partie contractante dans la zone économique exclusive (ZEE) de laquelle un accident nucléaire est survenu, à la condition que le dépositaire de la Convention ait reçu notification d'une telle zone avant l'accident nucléaire.

Une nouvelle stipulation également ajoutée à l'article 7 (§ i) permet à des personnes qui ont subi un dommage d'exercer leurs droits à réparation dans le cadre d'une procédure unique, quelle que soit l'origine des fonds alloués.

7 - L'interprétation de la Convention de Paris

Aux termes de l'article 17, le règlement amiable des différends sera dorénavant opéré dans le cadre de la réunion de l'ensemble des Parties contractantes, alors qu'il avait lieu auparavant dans le cadre du Comité de direction de l'Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire (AEN).

Les Parties contractantes se consulteront à l'expiration de chaque période de cinq ans suivant la date de l'entrée en vigueur de la Convention au sujet de tous les problèmes d'intérêt commun posés par la Convention, y compris en particulier sur l'opportunité de modifier les montants de responsabilité et de garantie financière. C'est l'objet de l'article 22.

8 - Les stipulations finales

Le Protocole fait partie de la convention mère, telle qu'amendée en 1964 et 1982. Le dépositaire en est le secrétaire général de l'OCDE.

Conformément à l'article 20 de la convention mère, le présent Protocole entrera en vigueur lorsqu'il aura été ratifié ou confirmé par les deux tiers des Parties contractantes. Pour toutes Parties contractantes qui le ratifieront ou le confirmeront ultérieurement, il entrera en vigueur à la date de cette ratification ou confirmation.

B - Le Protocole portant modification de la Convention complémentaire de Bruxelles

1 - Des tranches d'indemnisation fortement relevées

Le système de réparation complémentaire en trois tranches institué par la Convention actuelle est maintenu mais les montants de ces tranches sont fortement augmentés pour tenir compte de l'augmentation du montant de responsabilité de l'exploitant en vertu de la Convention de Paris révisée et de la définition élargie du « dommage nucléaire » prévue par celle-ci.

Le montant de la première tranche de réparation relevant de l'exploitant est porté à un minimum de 700 millions d'euros contre 5 millions de DTS actuellement.

Le plafond de la deuxième tranche, en principe à la charge de l'Etat sur le territoire duquel se trouve l'installation de l'exploitant responsable, est porté à 1 200 millions d'euros au lieu de 175 millions de DTS. Le montant minimum de cette tranche s'établira donc à 500 millions d'euros soit la différence entre 1 200 millions d'euros et le montant de la première tranche de 700 millions d'euros. Cette deuxième tranche peut être également en partie ou en totalité à la charge de l'exploitant.

La troisième tranche, alimentée par des fonds publics alloués par toutes les Parties contractantes selon une clé de répartition prévue à l'article 12, qui se situait entre 175 millions et 300 millions de DTS, passe à 1 500 millions d'euros Son montant s'établit à 300 millions d'euros (différence entre 1 500 et 1 200 millions d'euros).

En conséquence et conformément à l'article 3, le régime révisé de Paris/Bruxelles fournira un montant total de réparation de 1,5 milliard d'euros.

Conformément à ce qui a été décidé pour la Convention de Paris révisée, les Parties contractantes à la Convention complémentaire de Bruxelles sont convenues de modifier l'unité de compte de la Convention en remplaçant le droit de tirage spécial par l'euro.

Au motif que les fonds devant être alloués en vertu des deuxième et troisième tranches de la Convention complémentaire de Bruxelles sont essentiellement de l'argent public, les Etats Parties ont décidé de réserver ces fonds aux victimes se trouvant dans les Etats qui ont accepté de participer au régime de financement complémentaire. Comme c'est le cas actuellement, les victimes se trouvant dans des Etats non contractants n'auront pas droit à réparation aux termes de la Convention, conformément à l'article 2.

En vertu de l'article 6, pour le calcul des fonds publics à allouer seuls sont pris en considération les droits à réparation exercés du fait de décès ou de dommage aux personnes dans un délai de trente ans à compter de l'accident nucléaire et du fait de tout autre dommage nucléaire dans un délai de dix ans à compter de l'accident nucléaire.

2 - De nouvelles modalités de versement des fonds

A la suite de la modification du paragraphe (c) de l'article 9, le versement de la troisième tranche de réparation ne sera plus subordonné à l'épuisement de toute la garantie financière à la charge de l'exploitant.

Désormais, dès que le montant de la réparation dépassera 1 200 millions d'euros, il sera fait appel à la troisième tranche, même dans l'hypothèse où l'exploitant est tenu par l'Etat d'installation de disposer d'une couverture financière supérieure à 1 200 millions d'euros.

Il s'agit d'éviter de pénaliser les victimes dans les Etats qui imposent un niveau élevé de garantie financière à leurs exploitants, par rapport aux Etats qui s'en tiennent aux montants spécifiés par la Convention pour les première et deuxième tranches et pour lesquels la troisième tranche pourrait être appelée à s'appliquer dès que ceux-ci sont atteints. En effet, si un Etat imposait une limite de garantie financière de l'exploitant supérieure au montant de la troisième tranche de réparation, il y aurait peu d'intérêt pour cet Etat d'être Partie à la Convention. Il a donc été jugé plus équitable de mobiliser la tranche internationale au même moment pour toutes les Parties contractantes.

Ce n'est qu'en cas d'épuisement de la troisième tranche que l'on pourra recourir à la participation complémentaire de l'exploitant.

A l'article 12, la méthode pour calculer la contribution financière de chaque Partie contractante à la troisième tranche est modifiée. La formule figurant dans la Convention actuelle prévoit que les contributions sont basées à 50 % sur le produit national brut (PNB) et à 50 % sur la capacité nucléaire installée. La nouvelle formule, qui est basée à 35 % sur le produit intérieur brut (PIB) et à 65 % sur la capacité nucléaire installée, reflète mieux le sens de la responsabilité dont les Parties de la Convention complémentaire de Bruxelles investissent les Etats producteurs d'énergie nucléaire par rapport aux autres Etats. La décision de passer du PNB au PIB pour le calcul des contributions se justifie par le fait que ce dernier apparaît désormais comme l'option préférée pour les travaux statistiques internationaux.

Si le montant de la troisième tranche de réparation de chaque Etat est « fixe » dans le sens où il ne varie pas en fonction du nombre des pays participants, les Parties contractantes entendent permettre à l'avenir une possibilité d'augmentation de cette tranche au moyen de l'insertion d'un nouvel article 12 bis dans la Convention. Ainsi, si de nouveaux Etats adhèrent à la Convention, ils seront tenus d'ajouter leur contribution à la tranche internationale selon une formule similaire à celle utilisée pour calculer les contributions des autres Parties contractantes, ce qui permettra de faire varier à la hausse le montant de la troisième tranche sans affecter la contribution des Parties actuelles.

3 - L'extension du champ d'application géographique de couverture de la Convention

Pour tenir compte des évolutions du droit international de la mer, la Convention complémentaire de Bruxelles révisée contiendra désormais des stipulations qui étendent le champ d'application géographique de la Convention. Désormais, la Convention s'appliquera aux dommages nucléaires subis sur le territoire d'une Partie contractante, dans les zones maritimes situées au-delà de la mer territoriale d'une Partie contractante ou au-dessus de telles zones par un ressortissant d'une Partie contractante ou à bord d'un aéronef ou par un aéronef immatriculé sur le territoire d'une Partie contractante, ou dans ou par une île artificielle, une installation ou une construction sous la juridiction d'une Partie contractante, dans la zone économique exclusive (ZEE) d'une Partie contractante ou au-dessus ou sur le plateau continental d'une Partie contractante, à l'occasion de l'exploitation ou de la prospection des ressources naturelles de cette ZEE ou de ce plateau continental, et ce sous réserve que les tribunaux d'une Partie contractante soient compétents conformément à la Convention de Paris.

4 - La clarification du droit de recours

L'article 5 ayant trait aux droits de recours des Parties contractantes est modifié afin de mieux clarifier les circonstances dans lesquelles, lorsque l'exploitant responsable a un droit de recours aux termes de l'article 6 (f) de la Convention de Paris, les Parties contractantes peuvent elles-mêmes bénéficier de ce droit de recours. Il est convenu que, dans un tel cas, les Parties contractantes devraient avoir les mêmes droits de recours que l'exploitant responsable dans la mesure où des fonds publics ont été alloués en vertu de l'article 3 (b) et (g). S'agissant du paragraphe (b), il sera supprimé au motif qu'il fait peser des difficultés particulières sur les exploitants nucléaires, lesquels pourraient ne pas obtenir de couverture d'assurance s'ils étaient exposés à un recours de la part d'un Etat Partie à la Convention pour des dommages résultant d'une simple faute de leur part.

5 - Une procédure unique de règlement des différends

La même procédure de règlement des différends que celle convenue pour la Convention de Paris révisée sera applicable à la Convention complémentaire de Bruxelles révisée.

De plus, une procédure unique sera appliquée pour le règlement des différends dans des cas où il existe un différend concernant à la fois l'application ou l'interprétation de la Convention de Paris et celle de la Convention complémentaire de Bruxelles, conformément à l'article 17.

6 - Les autres articles et les stipulations finales

Les autres articles du présent Protocole n'appellent aucun commentaire particulier.

Il est stipulé que le présent Protocole fait partie de la convention mère, telle qu'amendée en 1964 et 1982. La Belgique est désignée comme dépositaire du texte.

CONCLUSION

Si en 1986, au moment de l'accident survenu en Ukraine, seuls vingt-quatre Etats adhéraient à un régime international de responsabilité civile en matière nucléaire, dont quatorze au titre du système de Paris/Bruxelles et dix au titre de la Convention de Vienne, aujourd'hui un nombre important de pays disposant d'une industrie nucléaire sont parties à l'une au l'autre de ces conventions, comme le montre le tableau figurant en annexe. La Fédération de Russie a d'ailleurs signé la Convention de Vienne le 8 mai 1996, déposé ses instruments de ratification le 13 mai 2005 et la Convention y est entrée en vigueur le 13 août 2005.

S'agissant de Tchernobyl, si le dernier réacteur a été fermé le 15 décembre 2000, le sarcophage destiné à confiner les matières radioactives dans le réacteur n° 4, qui avait été construit en six mois pour une durée de vie de trente ans, se dégrade rapidement et menace de s'effondrer entraînant la mise en suspension de poussières radioactives qui ne contamineraient que le voisinage du site, nous dit-on, alors qu'à l'intérieur du sarcophage, le c_ur fondu est encore radioactif pour des centaines d'années. C'est pourquoi un programme d'action sur une dizaine d'années a été lancé en 1997, financé par l'Ukraine et un fonds international placé auprès de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).

Il n'en demeure pas moins que dans l'éventualité d'un accident nucléaire, les deux protocoles qui font l'objet du présent projet de loi garantissent qu'un montant d'indemnisation plus important sera disponible pour indemniser un plus grand nombre de victimes souffrant de dommages plus divers. Ils assurent également que le régime de Paris/Bruxelles reste compatible avec la Convention de Vienne et les protocoles qui s'y rattachent. C'est pourquoi, au vu de ces observations, votre Rapporteur vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

ANNEXE I
ETAT DES RATIFICATIONS

Etats

Convention de Paris

-

Protocole additionnel de 1964

-

Protocole de 1982

Convention de Bruxelles

-

Protocole additionnel de 1964

-

Protocole de 1982

Convention

de Vienne

Protocole d'amendement de la Convention de Vienne de 1997

Convention sur la réparation complémentaire de 1997

(système de Vienne)

Protocole commun

à Paris-Bruxelles et Vienne

Allemagne

P

P

     

P

Argentine

   

P

P

S

S

Arménie

   

P

     

Australie

       

S

 

Autriche

S

S

       

Belgique

P

P

     

S

Biélorussie

   

P

P

   

Bolivie

   

P

     

Bosnie-Herzégovine

   

P

     

Brésil

   

P

     

Bulgarie

   

P

   

P

Cameroun

   

P

   

P

Chili

   

P

   

P

Colombie

   

S

     

Croatie

   

P

   

P

Cuba

   

P

     

Danemark

P

P

     

P

Egypte

   

P

   

P

Espagne

P

P

S

   

S

Estonie

   

P

   

P

Etats-Unis

       

S

 

Finlande

P

P

     

P

France

P

P

     

S

Grèce

P

       

P

Hongrie

   

P

S

 

P

Indonésie

     

S

S

 

Israël

   

S

     

Italie

P

P

 

S

S

P

Lettonie

   

P

P

 

P

Liban

   

P

S

S

 

Lituanie

   

P

S

S

P

Luxembourg

S

S

       

Macédoine

   

P

     

Maroc

   

S

P

P

S

Mexique

   

P

     

Moldavie

   

P

     

Niger

   

P

     

Norvège

P

P

     

P

S = signataire

P = Partie

Etats

Convention de Paris

-

Protocole additionnel de 1964

-

Protocole de 1982

Convention de Bruxelles

-

Protocole additionnel de 1964

-

Protocole de 1982

Convention

de Vienne

Protocole d'amendement de la Convention de Vienne de 1997

Convention sur la réparation complémentaire de 1997

(système de Vienne)

Protocole commun

à Paris-Bruxelles et Vienne

Pays-Bas

P

P

     

P

Pérou

   

P

S

S

 

Philippines

   

P

S

S

S

Pologne

   

P

S

 

P

Portugal

P

       

S

République tchèque

   

P

S

S

P

Roumanie

   

P

P

P

P

Royaume-Uni

P

P

S

   

S

Russie

   

P

     

Saint-Vincent et les Grenadines

   

P

   

P

Serbie et Monténégro

   

P

     

Slovaquie

   

P

   

P

Slovénie

P

P

     

P

Suède

P

P

     

P

Suisse

S

S

     

S

Trinité et Tobago

   

P

     

Turquie

P

       

S

Ukraine

   

P

S

S

P

Uruguay

   

P

     

S = signataire

P = Partie

ANNEXE II
ETUDE D'IMPACT 
(8)

Projet de loi autorisant l'approbation du Protocole portant modification de la Convention du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, amendée par le Protocole additionnel du 28 janvier 1964
et par le Protocole du 16 novembre 1982

I - Etat de droit existant

Le régime français de responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire résulte de la combinaison, d'une part, de deux traités internationaux ratifiés par la France et, d'autre part, de dispositions nationales autonomes :

· La Convention de Paris du 29 juillet 1960 modifiée sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire ;

· La Convention de Bruxelles du 31 janvier 1963 complémentaire à la Convention de Paris ;

· La loi n° 68-943 du 30 octobre 1968 (modifiée par la loi n° 90-488 du 16 juin 1990) relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire.

La Convention de Paris du 29 juillet 1960 a été conclue dans le cadre de l'Organisation européenne de Coopération Économique devenue l'OCDE, dans le but de fournir une compensation adéquate et équitable aux victimes de dommages causés par des accidents nucléaires.

Elle institue un régime spécial de responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire qui déroge sur plusieurs points au droit commun de la responsabilité civile. Ce régime se caractérise par la responsabilité objective (sans faute) et exclusive de l'exploitant nucléaire qui est tenu au paiement d'indemnités jusqu'à concurrence d'un certain montant et a l'obligation de couvrir sa responsabilité par une assurance ou une autre garantie financière. Le champ d'application s'étend aux accidents nucléaires survenant dans certaines installations nucléaires ou pendant le transport des substances nucléaires définies par la Convention sur le territoire des Etats contractants, incluant les eaux territoriales.

Elle est actuellement en vigueur entre quinze pays, au nombre desquels douze des Etats membres de la Communauté européenne (avant l'élargissement) ; l'Autriche, l'Irlande et le Luxembourg n'y sont pas Parties. Parmi les nouveaux Etats membres de l'Union européenne, seule la Slovénie a adhéré à la Convention de Paris. Par ailleurs, la Suisse envisage de ratifier les présents Protocoles afin de devenir Partie aux Conventions de Paris et de Bruxelles, dont elle est signataire.

La Convention de Paris est complétée par la Convention de Bruxelles qui institue un système d'indemnisation complémentaire au moyen de fonds publics pour les cas où les montants fournis au titre de la Convention de Paris s'avèreraient insuffisants.

Enfin, la loi du 30 octobre 1968 fixe les mesures qui, en vertu des Conventions de Paris et de Bruxelles, sont laissées à l'initiative de chaque Etat Partie.

Pour sa part, la Convention de Vienne du 21 mai 1963 relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires, élaborée dans le cadre de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), a une vocation mondiale. Modifiée par un protocole d'amendement élaboré en septembre 1997 mais non encore entré en vigueur, elle a également fait l'objet d'une convention complémentaire sur la réparation des dommages nucléaires destiné à améliorer le régime d'indemnisation. Elle s'appuie sur des principes analogues à ceux de la Convention de Paris.

II - Effets sur le droit communautaire

L'autorisation de la Communauté était requise sur ce dossier en raison de l'affectation, par le Protocole de révision de la Convention de Paris, des règles communautaires en matière de compétence juridictionnelle. Il n'existe pas de législation communautaire régissant la responsabilité civile nucléaire. En revanche, le nouveau Protocole de révision de la Convention de Paris contient des dispositions qui affectent le règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

En effet, contrairement au règlement, l'article 13 de la Convention de Paris, tel qu'amendé par le Protocole, prévoit en principe la compétence exclusive des tribunaux de l'Etat Partie sur le territoire duquel l'accident nucléaire est survenu pour connaître des actions en réparation des dommages causés par l'accident. Lorsque l'accident a eu lieu en dehors du territoire des Parties Contractantes ou lorsque le lieu de l'accident ne peut être déterminé avec certitude, les tribunaux compétents sont ceux de l'Etat Contractant sur le territoire duquel se trouve l'installation nucléaire dont l'exploitant est responsable. Le Protocole d'amendement prévoit, de manière additionnelle, la compétence exclusive des tribunaux de la Partie Contractante côtière pour les accidents nucléaires survenus dans sa zone économique exclusive (ZEE).

Ces dispositions affectent les règles correspondantes du règlement (CE) n°44/2001 du Conseil, auxquelles les Etats membres ne peuvent pas déroger, ni entre eux, ni avec des États tiers.

L'exercice des compétences de la Communauté dans ces domaines aurait impliqué que la Communauté européenne devienne Partie au Protocole de révision. Toutefois, dans la mesure où celui-ci n'autorise pas la participation des organisations régionales d'intégration, la Communauté n'est pas en mesure de le signer, ni d'y adhérer. L'importance particulière du nouveau Protocole à la Convention de Paris, qui assure une meilleure protection des victimes en cas d'accidents nucléaires, justifie, à titre exceptionnel, que la Communauté doive exercer sa compétence par l'intermédiaire de ses Etats membres Parties à la Convention de Paris.

En conséquence, afin d'établir préalablement la conformité avec le droit communautaire, les Etats membres qui sont actuellement Parties à la Convention de Paris ont été autorisés à signer et à approuver le Protocole, ou à y adhérer, dans l'intérêt de la Communauté, par les décisions suivantes :

· Décision du Conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2003 autorisant les Etats membres qui sont parties contractantes à la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire à signer, dans l'intérêt de la Communauté européenne, le Protocole portant modification de ladite convention ;

· Décision du Conseil de l'Union européenne du 8 mars 2004 autorisant les Etats membres qui sont parties contractantes à la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire à ratifier, dans l'intérêt de la Communauté européenne, le Protocole portant modification de ladite convention, ou à y adhérer.

Cette dernière décision fixe comme objectif l'échéance du 31 décembre 2006 pour le dépôt simultané des instruments d'approbation des Etats parties à la Convention de Paris.

Ces décisions précisent que l'application des dispositions du Protocole, en ce qui concerne la Communauté européenne, est limitée aux seuls Etats membres qui sont actuellement parties contractantes à la Convention de Paris et que l'autorisation donnée aux dits Etats membres de signer dans l'intérêt de la Communauté est sans préjudice de la position de l'Autriche, de l'Irlande et du Luxembourg, qui ne sont pas Parties à la Convention. En effet, étant donné que le règlement n° 44/2001 autorise les Etats membres liés par cette Convention à continuer à appliquer les règles de compétence prévues par celle-ci et que le Protocole n'en modifie pas substantiellement les règles de compétence, il est justifié que seuls les Etats membres qui sont Parties à la Convention de Paris soient destinataires de ces décisions.

III - Modifications à introduire en droit interne

La révision de la Convention de Paris a pour objet d'assurer que des moyens accrus de réparation seront disponibles pour indemniser un plus grand nombre de victimes d'accidents nucléaires sur la base d'une définition élargie du dommage.

Les modifications les plus notables apportées à la Convention de Paris portent sur l'extension du champ d'application géographique de la convention aux dommages nucléaires subis sur les territoires ou dans la zone maritime des Etats non contractants à la convention et l'élargissement de la notion de dommage indemnisable aux dommages immatériels et au coût des mesures de sauvegarde et des mesures de restauration de l'environnement ainsi que sur l'augmentation des montants de responsabilité incombant à l'exploitant nucléaire.

L'ensemble des modifications introduites par le protocole de révision du 12 février 2004 devra être intégré en droit français, par le biais d'une loi modifiant la loi du 30 octobre 1968 précitée, afin de mettre celle-ci en conformité avec le nouveau régime ainsi institué. Le projet de loi correspondant devrait être présenté au Parlement à la fin de l'année 2005.

ANNEXE III
ETUDE D'IMPACT 
(9)

Projet de loi autorisant l'approbation du Protocole portant modification de la Convention du 31 janvier 1963 complémentaire à la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire,
amendée par le Protocole additionnel du 28 janvier 1964
et par le Protocole du 16 novembre 1982

I - Etat de droit existant

Le régime français de responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire résulte de la combinaison, d'une part, de deux traités internationaux ratifiés par la France et, d'autre part, de dispositions nationales autonomes :

· La Convention de Paris du 29 juillet 1960 modifiée sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire ;

· La Convention de Bruxelles du 31 janvier 1963 complémentaire à la Convention de Paris ;

· La loi n° 68-943 du 30 octobre 1968 (modifiée par la loi n° 90-488 du 16 juin 1990) relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire.

La Convention de Paris du 29 juillet 1960 a été conclue dans le cadre de l'Organisation européenne de Coopération Économique devenue l'OCDE, dans le but de fournir une compensation adéquate et équitable aux victimes de dommages causés par des accidents nucléaires. Elle institue un régime spécial de responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire qui déroge sur plusieurs points au droit commun de la responsabilité civile. Ce régime se caractérise par la responsabilité objective (sans faute) et exclusive de l'exploitant nucléaire qui est tenu au paiement d'indemnités jusqu'à concurrence d'un certain montant et a l'obligation de couvrir sa responsabilité par une assurance ou une autre garantie financière. Le champ d'application s'étend aux accidents nucléaires survenant dans certaines installations nucléaires ou pendant le transport des substances nucléaires définies par la Convention sur le territoire des Etats Contractants, incluant les eaux territoriales.

La Convention de Paris est complétée par la Convention de Bruxelles qui institue un système d'indemnisation complémentaire au moyen de fonds publics pour les cas où les montants fournis au titre de la Convention de Paris s'avèreraient insuffisants.

Enfin, la loi du 30 octobre 1968 fixe les mesures qui, en vertu des Conventions de Paris et de Bruxelles, sont laissées à l'initiative de chaque Etat Partie.

Pour sa part, la Convention de Vienne du 21 mai 1963 relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires, élaborée dans le cadre de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), a une vocation mondiale. Modifiée par un protocole d'amendement élaboré en septembre 1997, mais non encore entré en vigueur, elle a également fait l'objet d'une convention complémentaire sur la réparation des dommages nucléaires destiné à améliorer le régime d'indemnisation. Elle s'appuie sur des principes analogues à ceux de la Convention de Paris.

II - Effets sur le droit communautaire

L'autorisation de la Communauté était requise sur ce dossier en raison de l'affectation, par le Protocole de révision de la Convention de Paris, des règles communautaires en matière de compétence juridictionnelle. Il n'existe pas de législation communautaire régissant la responsabilité civile nucléaire. En revanche, le nouveau Protocole de révision de la Convention de Paris contient des dispositions qui affectent le règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

En effet, contrairement au règlement, l'article 13 de la Convention de Paris, tel qu'amendé par le Protocole, prévoit en principe la compétence exclusive des tribunaux de l'Etat Partie sur le territoire duquel l'accident nucléaire est survenu pour connaître des actions en réparation des dommages causés par l'accident. Lorsque l'accident a eu lieu en dehors du territoire des Parties Contractantes ou lorsque le lieu de l'accident ne peut être déterminé avec certitude, les tribunaux compétents sont ceux de l'Etat Contractant sur le territoire duquel se trouve l'installation nucléaire dont l'exploitant est responsable. Le Protocole d'amendement prévoit, de manière additionnelle, la compétence exclusive des tribunaux de la Partie Contractante côtière pour les accidents nucléaires survenus dans sa zone économique exclusive (ZEE).

Ces dispositions affectent les règles correspondantes du règlement (CE) n°44/2001 du Conseil, auxquelles les Etats membres ne peuvent pas déroger, ni entre eux, ni avec des Etats tiers.

L'exercice des compétences de la Communauté dans ces domaines aurait impliqué que la Communauté européenne devienne Partie au Protocole de révision. Toutefois, dans la mesure où celui-ci n'autorise pas la participation des organisations régionales d'intégration, la Communauté n'est pas en mesure de le signer, ni d'y adhérer. L'importance particulière du nouveau Protocole à la Convention de Paris, qui assure une meilleure protection des victimes en cas d'accidents nucléaires, justifie, à titre exceptionnel, que la Communauté doive exercer sa compétence par l'intermédiaire de ses Etats membres Parties à la Convention de Paris.

En conséquence, afin d'établir préalablement la conformité avec le droit communautaire, les Etats membres qui sont actuellement Parties à la Convention de Paris ont été autorisés à signer et à approuver le Protocole, ou à y adhérer, dans l'intérêt de la Communauté, par les décisions suivantes :

· Décision du Conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2003 autorisant les Etats membres qui sont parties contractantes à la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire à signer, dans l'intérêt de la Communauté européenne, le Protocole portant modification de ladite convention ;

· Décision du Conseil de l'Union européenne du 8 mars 2004 autorisant les Etats membres qui sont parties contractantes à la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire à ratifier, dans l'intérêt de la Communauté européenne, le Protocole portant modification de ladite convention, ou à y adhérer.

Cette dernière décision fixe comme objectif l'échéance du 31 décembre 2006 pour le dépôt simultané des instruments d'approbation des Etats parties à la Convention de Paris.

Ces décisions précisent que l'application des dispositions du Protocole, en ce qui concerne la Communauté européenne, est limitée aux seuls Etats membres qui sont actuellement parties contractantes à la Convention de Paris et que l'autorisation donnée aux dits Etats membres de signer dans l'intérêt de la Communauté est sans préjudice de la position de l'Autriche, de l'Irlande et du Luxembourg, qui ne sont pas Parties à la Convention. En effet, étant donné que le règlement n° 44/2001 autorise les Etats membres liés par cette Convention à continuer à appliquer les règles de compétence prévues par celle-ci et que le Protocole n'en modifie pas substantiellement les règles de compétence, il est justifié que seuls les Etats membres qui sont Parties à la Convention de Paris soient destinataires de ces décisions.

III - Modifications à introduire en droit interne

La révision de la Convention de Paris a pour objet d'assurer que des moyens accrus de réparation seront disponibles pour indemniser un plus grand nombre de victimes d'accidents nucléaires sur la base d'une définition élargie du dommage.

Les modifications les plus notables apportées à la Convention de Paris portent sur l'extension du champ d'application géographique de la convention aux dommages nucléaires subis sur les territoires ou dans la zone maritime des Etats non contractants à la convention et l'élargissement de la notion de dommage indemnisable aux dommages immatériels et au coût des mesures de sauvegarde et des mesures de restauration de l'environnement ainsi que sur l'augmentation des montants de responsabilité incombant à l'exploitant nucléaire.

L'ensemble des modifications introduites par le protocole de révision du 12 février 2004 devra être intégré en droit français, par le biais d'une loi modifiant la loi du 30 octobre 1968 précitée, afin de mettre celle-ci en conformité avec le nouveau régime ainsi institué. Le projet de loi correspondant devrait être présenté au Parlement à la fin de l'année 2005.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 21 février 2006.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Axel Poniatowski a souhaité savoir à qui exactement les stipulations des deux nouveaux protocoles étaient applicables et quelles indemnités pouvaient être versées.

M. Roland Blum a répondu que, selon le régime actuel, pour que la Convention s'applique, un accident nucléaire doit survenir sur le territoire d'une Partie contractante et les dommages doivent être subis également sur le territoire d'une Partie contractante. Dorénavant, la Convention révisée s'appliquera aux dommages nucléaires subis sur tout territoire ou zone maritime d'une Partie contractante ou d'une Partie non contractante dès lors que cette dernière est Partie à la Convention de Vienne et au Protocole commun, ou qu'elle n'a pas d'installation nucléaire sur son territoire ou dans sa zone maritime, ou encore qu'elle a établi une législation qui offre des avantages équivalents sur une base de réciprocité et qui se fonde sur des principes identiques à ceux de la Convention de Paris.

S'agissant du système d'indemnisation, la première tranche, couverte par la garantie financière de l'exploitant ou, à défaut, par des fonds publics alloués par « l'Etat de l'installation », correspond au montant minimum de responsabilité en vertu de la Convention de Paris. Elle est portée à 700 millions d'euros. La deuxième tranche reste alimentée par des fonds publics alloués par l'Etat de l'installation nucléaire mais est portée à un montant de 500 millions d'euros. La troisième tranche est qualifiée d'internationale car alimentée par des fonds publics alloués par toutes les Parties contractantes ; elle est basée à 35 % sur le produit intérieur brut et à 65 % sur la capacité nucléaire installée. Elle est portée à 300 millions d'euros. Ainsi, la réparation totale disponible aux termes du régime révisé de Paris/Bruxelles s'élèvera à 1,5 milliard d'euros, alors que jusqu'à présent elle s'élevait à 300 millions de droits de tirage spéciaux du FMI, soit environ 350 millions d'euros.

La Commission est passée ensuite à l'examen des articles.

Article premier : Approbation du protocole du 12 février 2004 modifiant la convention du 29 juillet 1960

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 : Approbation du protocole du 12 février 2004 modifiant la convention du 31 janvier 1963

La Commission a adopté cet article sans modification.

Puis, la Commission a adopté sans modification l'ensemble du projet de loi (n° 2785).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte des accords internationaux figure en annexe au projet de loi (n° 2785).

--------

N° 2874 - Rapport de M. Roland Blum sur le projet de loi n° 2785 autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire

1 () exa est un préfixe qui signifie milliards de milliards.

2 () Le tableau figurant en annexe I dresse la liste des Etats signataires et/ou Parties contractantes à la présente Convention.

3 () Le tableau figurant en annexe I dresse la liste des Etats signataires et/ou Parties contractantes à la présente Convention.

4 () Le tableau figurant en annexe I dresse la liste des Etats signataires et/ou Parties contractantes à la présente Convention.

5 () Le tableau figurant en annexe I dresse la liste des Etats signataires et/ou Parties contractantes à la présente Convention.

6 () Le tableau figurant en annexe I dresse la liste des Etats signataires et/ou Parties contractantes à la présente Convention.

7 () Le droit de tirage spécial est une unité de compte du Fonds monétaire international, calculée sur la base d'un panier des devises des plus grandes nations industrielles. Basé sur le taux de change du FMI du 28 janvier 2004 de 1 DTS équivalent à 1,188 euros, ce montant équivaut à 17,82 millions d'euros.

8 () Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

9 () Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.


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