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le 20 mars 2006

N° 2968

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 mars 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET
DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2828) DE M. CHRISTIAN PHILIP,
sur les conséquences de l'arrêt de la Cour
de justice du 13 septembre 2005 sur les compétences pénales
de la Communauté européenne
(E 3022),

PAR M. Alain Marsaud,

Député.

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Voir le numéro : 2829

INTRODUCTION 5

I. -  L'INTERPRÉTATION DE L'ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE PAR LA COMMISSION EST CRITIQUABLE 7

A. L'ARRÊT DE LA COUR DU 13 SEPTEMBRE 2005 : UNE DÉCISION QUI FERA DATE 7

B. UNE COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EXCESSIVE 8

II. -  LA SUGGESTION D'UTILISER LA « CLAUSE PASSERELLE » DE L'ARTICLE 42 DU TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE EST UNE PISTE INTÉRESSANTE 9

A. LA COMMUNAUTARISATION DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE PÉNALE 
PEUT SEMBLER UNE PROPOSITION PARADOXALE
9

B. UNE NÉCESSITÉ INCONTESTABLE : RELANCER L'EUROPE DE LA JUSTICE 10

EXAMEN EN COMMISSION 13

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 15

MESDAMES, MESSIEURS,

La commission des Lois est saisie, en application de l'article 88-4 de la Constitution, d'une proposition de résolution présentée par M. Christian Philip, rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne.

Cette proposition de résolution porte sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice du 13 septembre 2005 (E. 3022). En effet, le Gouvernement a choisi d'utiliser la clause facultative de l'article 88-4 de la Constitution afin de permettre au Parlement de se prononcer sur la communication de la Commission, laquelle ne figure pas au rang des documents dont la soumission est obligatoire. On se souvient qu'au moment des débats relatifs à la révision constitutionnelle du 1er mars 2005, de nombreux collègues avaient souhaité élargir le champ des documents européens soumis au Parlement, visant notamment les communications de la Commission qui n'ont pas de portée normative. Le Gouvernement s'était alors engagé à rédiger une nouvelle circulaire définissant des modalités de transmission plus étendues des textes européens. Cette circulaire a été publiée le 22 novembre 2005. En conséquence, l'Assemblée nationale va pouvoir se prononcer sur la communication de la Commission et donc, indirectement, sur l'arrêt de la Cour de justice du 13 septembre 2005, d'ores et déjà considéré par la doctrine comme une décision qui fera date.

Par son arrêt du 13 septembre 2005, la Cour de justice a annulé la décision-cadre du Conseil relative à la protection de l'environnement par le droit pénal, estimant qu'elle empiétait sur les compétences de la Communauté européenne en matière de protection de l'environnement. Autrement dit, le texte a été adopté selon une base légale erronée : il l'a été sur le fondement d'une décision-cadre prévue par le traité sur l'Union européenne (troisième pilier), alors qu'il aurait dû l'être par l'intermédiaire d'une directive prise en application du traité instituant la communauté européenne.

Cet arrêt est donc incontestablement important, mais la question fondamentale qui se pose est de savoir s'il s'agit d'un simple arrêt d'espèce qui concerne la seule matière de l'environnement ou s'il a vocation à faire jurisprudence, entraînant ainsi la communautarisation de facto de la coopération judiciaire pénale, dès lors qu'elle interfère peu ou prou avec une compétence communautaire. Or, tel semble être l'interprétation de la Commission européenne, que notre Délégation pour l'Union européenne trouve beaucoup trop extensive. En effet, la communautarisation de la matière pénale est une option envisageable et intéressante, mais elle devra alors faire l'objet d'une décision politique assumée, et non pas intervenir de façon prétorienne.

I. -  L'INTERPRÉTATION DE L'ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE PAR LA COMMISSION EST CRITIQUABLE

A. L'ARRÊT DE LA COUR DU 13 SEPTEMBRE 2005 : UNE DÉCISION QUI FERA DATE

La résolution adoptée par la Délégation pour l'Union européenne porte sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 23 novembre 2005 sur les conséquences de l'arrêt de la Cour du 13 septembre 2005.

Il convient d'abord de resituer le contexte et la portée d'un arrêt déjà largement commenté dans les milieux européens. Pour autant, votre Rapporteur n'en fera pas une analyse exhaustive dans la mesure où il partage en tous points celle présentée par notre collègue Christian Philip dans son rapport d'information (1)au nom de la Délégation.

La Cour de justice est chargée d'arbitrer les conflits entre institutions européennes, et notamment s'agissant de la base légale donnée à un acte, ce qui est un exercice difficile dans un système aussi complexe que celui de l'Union européenne. Elle veille notamment au respect des compétences de la Communauté européenne, le « premier pilier », face à d'éventuels empiètements par le troisième pilier, qui fonctionne selon la méthode intergouvernementale.

A priori, comme le rappelle d'ailleurs la Cour dans son arrêt, « en principe, la législation pénale tout comme les règles de la procédure pénale ne relèvent pas de la compétence de la Communauté ». Aucune controverse n'existe donc s'agissant de ce que la Commission appelle les « dispositions horizontales de droit pénal », c'est-à-dire la coopération judiciaire et policière au sens large. Cependant la situation se complique lorsqu'une mesure pénale est envisagée dans le but de permettre la mise en _uvre d'une politique communautaire. Faut-il alors privilégier la voie d'un instrument communautaire, une directive, ou d'une décision-cadre du troisième pilier ?

L'arrêt de la Cour répond à cette question s'agissant du domaine particulier de l'environnement. Dans ce domaine, la Cour considère que la Communauté est compétente pour obliger les États-membres à prévoir des sanctions de nature pénale à cause du caractère « nécessaire » et « indispensable » de ces dernières, pour assurer le respect des normes édictées dans un domaine que les traités considèrent comme un objectif « essentiel, transversal et fondamental » de la Communauté.

Ainsi, si la solution choisie, l'annulation de la décision-cadre, est spectaculaire, elle concerne néanmoins un domaine très spécifique, celui de la protection de l'environnement. Le juge à la cjce, Jean-Pierre Puissochet, a ainsi récemment indiqué (2) que « l'arrêt est strictement cantonné à la protection de l'environnement et se fonde expressément sur la spécificité de cette matière ».

Par ailleurs, le juge Puissochet précise que « l'arrêt se borne à dire que la Communauté européenne peut exiger des États membres que leur législation prévoie des sanctions de nature pénale en cas d'atteinte à l'environnement. Mais la Communauté européenne ne peut elle-même déterminer ces sanctions. Les États-membres sont toujours libres du choix des sanctions pénales applicables, sous réserve bien entendu du caractère effectif, proportionné et dissuasif de ces sanctions ». En conséquence, il nous semble que l'arrêt de la Cour ne remet nullement en cause la compétence des États pour fixer dans le détail les modalités précises des sanctions à mettre en _uvre en application du droit communautaire.

B. UNE COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EXCESSIVE

Suite à l'arrêt du 13 septembre 2005, la Commission européenne a donc élaboré une communication sur les conséquences à tirer de ce qu'elle qualifie un peu hâtivement de « clarification de la répartition des compétences entre le premier et le troisième pilier ». Elle considère ainsi que la solution dégagée par cet arrêt devrait être rien moins qu'étendue à toutes les politiques communes et aux quatre libertés de circulation. Si l'on suivait la Commission dans son raisonnement, cela signifierait que la Communauté européenne pourrait prononcer des sanctions pénales dans un très grand nombre de domaines, ce qui constituerait un dessaisissement du Conseil Justice-Affaires intérieures, normalement compétent en matière pénale.

En conséquence, la Commission considère qu'il faut revoir la pratique du partage entre premier et troisième pilier lorsqu'une disposition envisagée comprend des dispositions de nature pénale. Cette position vaut bien sûr pour l'avenir, ce qui signifie que la Commission usera de son pouvoir d'initiative pour proposer des sanctions pénales si elle estime celles-ci indispensables pour faire respecter la réglementation communautaire. De plus, la Commission entend tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour sur certains actes adoptés, qui l'ont été, selon elle, selon une base légale erronée. Elle a ainsi fait une liste de huit actes, généralement des décisions-cadre, qui auraient dû être adoptées selon la procédure législative communautaire.

L'un de ces huit actes, la décision-cadre du 12 juillet 2005 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires, a fait l'objet d'un recours en annulation de la part de la Commission, dans la mesure où le délai de recours n'était pas expiré. Pour les autres décisions-cadre, devenues définitives, la Commission estime qu'il est nécessaire de les remplacer par des instruments de droit communautaire pour des raisons de sécurité juridique, sans en modifier cependant le contenu.

À ce sujet, votre rapporteur juge inutile d'ouvrir un tel débat sur des décisions-cadre aujourd'hui définitivement adoptées et même, pour certaines d'entre elles d'ores et déjà transposées en droit français par la loi du 4 juillet 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice. De plus, la démarche de la Commission nécessiterait un accord conforme de la part du Conseil et du Parlement européen, et notamment l'engagement de ce dernier à ne pas ouvrir un nouveau débat sur le fond, au risque de retarder considérablement la mise en _uvre effective des actes en question. D'ailleurs, le rapporteur de la commission des affaires juridiques du Parlement européen a déjà eu l'occasion de prendre position sur cette question en estimant qu'un éventuel réexamen de ces actes ne saurait priver le Parlement européen de son rôle de co-législateur, celui-ci profiterait donc manifestement d'un tel réexamen pour se prononcer sur le fond des dispositions en question.

Votre rapporteur approuve donc la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne lorsque celle-ci indique que l'interprétation de l'arrêt de la Cour est excessive. Le juge Puissochet lui-même n'a pas hésité à émettre des doutes sur cette interprétation lorsqu'il indique que « contrairement à ce que semble penser la Commission dans sa communication du 23 novembre 2005, l'arrêt du 13 septembre 2005 ne saurait être considéré comme un précédent permettant de dire que la Cour pourrait transposer dans d'autres matières cette solution spécifique à la protection de l'environnement ».

À l'inverse votre rapporteur partage la démarche suivie par la présidence du Conseil de l'Union européenne qui a diffusé le 16 février 2006 une note sur les conséquences procédurales de l'arrêt rendu par la Cour de justice. En effet, le Conseil doit dorénavant mener une analyse fine chaque fois qu'un projet d'acte européen a une incidence sur le droit pénal. Pour autant, il n'est pas possible de parler de communautarisation de la justice pénale.

II. -  LA SUGGESTION D'UTILISER LA « CLAUSE PASSERELLE » DE L'ARTICLE 42 DU TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE EST UNE PISTE INTÉRESSANTE

A. LA COMMUNAUTARISATION DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE PÉNALE  PEUT SEMBLER UNE PROPOSITION PARADOXALE

Le dernier point de la proposition de résolution de la Délégation peut sembler quelque peu en contradiction avec la position relativement ferme qu'elle exprime par ailleurs quant à l'interprétation de l'arrêt de la Cour. En effet, notre collègue Christian Philip suggère que le Gouvernement français propose à ses partenaires de faire usage de la « clause passerelle » prévue à l'article 42 du traité sur l'Union européenne qui permet au Conseil de décider, à l'unanimité, la communautarisation du troisième pilier. Cet accord unanime, qui prendrait la forme d'une décision du Conseil, doit ensuite être ratifié par l'ensemble des États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

Ainsi, si la clause passerelle était utilisée, comme le souhaite la délégation, cela signifierait que tout ou partie de la coopération judiciaire et policière en matière pénale - il reviendrait au Conseil de décider quels domaines précisément - serait transférée du troisième pilier, intergouvernemental, au premier pilier, communautaire. Les conséquences en seraient substantielles :

-  l'initiative des actes (qui ne seraient plus des décisions-cadre mais des directives) serait une compétence unique de la Commission, les États membres perdant la leur ;

-  la règle de l'unanimité au Conseil, qui offre à chaque État une forme de « veto » en matière pénale, serait remplacée par une règle de majorité, qui pourra cependant être une règle de majorité renforcée si le Conseil le décide (3) ;

-  le Parlement européen sera intégré au processus décisionnel alors qu'il est actuellement uniquement consulté sur les projets d'actes du troisième pilier ;

-  les actes adoptés auraient un effet direct et leur non transposition pourrait entraîner un recours en manquement devant la Cour de justice : cela ne serait pas sans conséquence lorsque l'on observe la lenteur avec laquelle les décisions-cadre en matière pénale sont mis en _uvre par les États-membres.

En termes de communautarisation, la solution préconisée par la Délégation irait donc bien plus loin que celle résultant de la communication de la Commission. Mais, comme le souligne M. Christian Philip, elle aurait deux avantages. Tout d'abord, il s'agirait d'une solution claire et compréhensible qui permettrait de sortir de la situation juridique complexe et ambiguë résultant de l'arrêt de la Cour et des multiples interprétations possibles de celui-ci. Ensuite, le véritable choix politique constitué par l'utilisation de l'article 42 serait préférable à une « communautarisation rampante ».

B. UNE NÉCESSITÉ INCONTESTABLE : RELANCER L'EUROPE DE LA JUSTICE

L'intervention de l'Union européenne dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale est encore relativement récente, et ses résultats sont encore contrastés. En effet, il s'agit de domaines sensibles où l'attachement à la souveraineté reste fort. En conséquence, le droit européen dans ces domaines se fonde encore sur une approche intergouvernementale, probablement au détriment de l'efficacité.

En raison de l'obligation de prendre les décisions-cadre à l'unanimité, ces textes sont généralement peu ambitieux au regard des enjeux, on l'a vu par exemple dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. En outre, dans la mesure où la coopération judiciaire pénale et policière continue de relever du « troisième pilier », et non du pilier communautaire, les règles applicables en cas de non respect de ses obligations par un État membre ne s'appliquent pas. Ainsi, même lorsque les négociations finissent par aboutir, comme ce fut le cas pour le mandat d'arrêt européen dans le contexte très particulier de l'après 11 septembre, rien ne permet de s'assurer de la mise en _uvre effective des décisions prises.

Au total, le bilan des mesures prises dans le cadre de l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice est donc décevant. La difficulté du processus décisionnel dans ce domaine avait d'ailleurs conduit la Convention pour l'avenir de l'Europe à formuler des propositions très ambitieuses, qui constituaient l'un des principaux apports du traité constitutionnel rejeté par les Français le 29 mai 2005. Cependant, les débats ont peu porté sur les dispositions pénales du traité qui faisait l'objet d'un accord assez général.

Ainsi, l'utilisation de l'article 42 du tue permettrait, à traité constant, de relancer l'Europe de la justice de façon concrète. Au-delà, ce succès dans un domaine précis pourrait avoir un effet d'entraînement et contribuer à un renouveau de la construction européenne, en mettant fin au blocage entraîné par le refus de ratification du traité constitutionnel par la France et les Pays-Bas. En progressant dans un domaine qui concerne directement la vie quotidienne des citoyens, en privilégiant une approche pragmatique pouvant donner lieu à des réalisations visibles, on reviendrait par ailleurs à « la méthode Jean Monnet », qui a été au c_ur de la construction européenne.

En outre, le Président de la République a lui-même indiqué (4)qu'une initiative était souhaitable « pour améliorer le fonctionnement des institutions en partant du cadre des traités existants », prenant comme exemple la sécurité intérieure et la justice. Il semble que cette initiative pourrait prendre notamment comme support la proposition faite par la Délégation, comme l'a laissé entendre le ministre des Affaires étrangères, M. Philipe Douste-Blazy, lors de son audition devant la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale le 7 février dernier durant laquelle il a évoqué la possibilité de « d'envisager la mise en _uvre de la clause passerelle de l'article 42 du traité sur l'Union européenne ».

Par ailleurs, le ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire a également évoqué cette piste lors de son discours du 16 février 2006 devant la fondation Konrad Adenauer. Évoquant les propositions du président Chirac sur la nécessité de relancer l'Europe dans le cadre des traités actuels, il a souhaité la mise en _uvre de « l'article 42 du Traité sur l'Union européenne qui permet, par un vote à l'unanimité, de faire passer sous le régime de la majorité qualifiée toute la coopération judiciaire dans le domaine pénal. Prendre plus facilement des décisions nous permettrait évidemment de lutter plus efficacement contre la criminalité transfrontalière. Alors pourquoi ne pas se servir de cette "clause passerelle", d'autant que nous nous étions mis d'accord sur ce point dans le projet de Traité constitutionnel ? ».

Compte tenu de l'importance du développement de la coopération judiciaire en matière pénale, votre Rapporteur estime donc que la commission des Lois peut soutenir la proposition faite par la Délégation concernant l'utilisation de la clause passerelle.

En tout état de cause, la ratification de la décision la mettant en _uvre requerrait une révision de la Constitution, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle « appelle une révision de la Constitution toute disposition du traité qui, dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale mais relevant déjà des compétences de l'Union ou de la Communauté, modifie les règles de décision applicables, soit en substituant la règle de la majorité qualifiée à celle de l'unanimité au sein du Conseil, privant ainsi la France de tout pouvoir d'opposition, soit en conférant une fonction décisionnelle au Parlement européen, lequel n'est pas l'émanation de la souveraineté nationale, soit en privant la France de tout pouvoir propre d'initiative ».

Cette décision, prise le 19 novembre 2004 sur la constitutionnalité du traité établissant une Constitution pour l'Europe, concernait notamment les dispositions des articles III-270 et III-271 sur la coopération judiciaire pénale. La Constitution a, en conséquence, été modifiée le 1er mars 2005, mais cette révision, qui faisait expressément référence au traité constitutionnel, ne pourrait servir de fondement constitutionnel si l'article 42 du Traité sur l'Union européenne était mis en _uvre. Une nouvelle révision constitutionnelle serait donc nécessaire.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné la proposition de résolution au cours de sa séance du mercredi 15 mars 2006. Après l'exposé général du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Après que le président Philippe Houillon eut félicité le rapporteur pour la qualité de son exposé, M. Guy Geoffroy a souhaité savoir pour quelle raison le titre de la proposition de résolution évoquait les compétences pénales de la Communauté européenne, et non celles de l'Union européenne.

M. Jean-Pierre Blazy a demandé si la proposition de résolution avait été adoptée à l'unanimité par la délégation pour l'Union européenne.

En réponse à M. Guy Geoffroy, le rapporteur a rappelé que l'Union européenne est l'entité qui correspond aux trois piliers du traité sur l'Union européenne, tandis que la Communauté européenne est l'entité compétente pour le premier pilier, qui fonctionne selon la méthode communautaire, et non intergouvernementale. Il est donc logique que le titre de la proposition de résolution évoque les compétences pénales de la Communauté européenne, puisqu'il est justement question du transfert vers le premier pilier des compétences pénales, ainsi que le laisse supposer l'arrêt du 13 septembre 2005 de la Cour de justice des Communautés européennes.

En réponse à M. Jean-Pierre Blazy, le rapporteur a indiqué qu'il ne manquerait pas de demander au rapporteur de la délégation pour l'Union européenne sur la proposition de résolution des précisions sur les modalités d'adoption de cette proposition, le rapport de la délégation n'en faisant pas état.

À l'issue de ce débat, la Commission a adopté l'ensemble de la proposition de résolution sans modification.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de résolution sur les conséquences de l'arrêt
de la Cour de justice du 13 septembre 2005 sur les compétences pénales
de la Communauté européenne

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice du 13.9.05 (C-176/03 Commission contre Conseil) (COM [2005] 583 final / n° E 3022),

1. Prend acte de l'arrêt de la Cour de justice du 13 septembre 2005, qui a reconnu au législateur communautaire le pouvoir de prévoir des mesures en relation avec le droit pénal, s'il les juge indispensables et nécessaires pour garantir la pleine effectivité des normes qu'il édicte en matière de protection de l'environnement ;

2. Déplore les incertitudes juridiques engendrées par cet arrêt, en ce qui concerne notamment son application éventuelle à d'autres matières que la protection de l'environnement et le libre choix des sanctions pénales applicables laissé aux États membres ;

3. Estime que l'interprétation extensive de cette jurisprudence retenue par la Commission dans sa communication du 23 novembre 2005 va au-delà de la lettre de l'arrêt, et que la liste des décisions-cadres adoptées, selon elle, sur une base juridique erronée est beaucoup trop large ;

4. Souhaite que la cohérence du droit pénal soit assurée, en préservant la compétence du Conseil « Justice et affaires intérieures » lorsqu'un texte communautaire comporte des mesures pénales ;

5. Suggère au Gouvernement français de proposer à ses partenaires de faire usage de la « clause passerelle » prévue à l'article 42 du traité sur l'Union européenne, afin de clarifier le cadre juridique actuel et de donner un nouvel élan à l'Europe de la justice.

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N° 2968 - Rapport de M. Alain Marsaud sur la proposition de résolution (n° 2828) de M. Christian Philip, sur les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice du 13 septembre 2005 sur les compétences pénales de la Communauté européenne (E 3022)

1 () Rapport n°2829 - Donner un nouvel élan à l'Europe de la justice : les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice du 13 septembre 2005 sur les compétences pénales de la Communauté européenne.

2 () Audition commune devant la Commission des Lois et la Délégation pour l'Union européenne du Sénat, le 22 février 2006.

3 () Le Conseil pourra déterminer les modalités de vote, il pourra donc reprendre le compromis élaboré dans le traité constitutionnel , à savoir une clause d'appel devant le Conseil européen (clause de frein) lorsqu'un État considère qu'une proposition porte atteinte aux principes fondamentaux de son système juridique.

4 () V_ux au corps diplomatique le 10 janvier 2006.


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