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N° 3112

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 mai 2006.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2801) de M. Jean-Louis DEBRÉ
tendant à
modifier les articles 36 et 39 du Règlement
afin de
répartir plus équitablement les compétences des commissions permanentes

PAR M. Guy TEISSIER,

député.

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Voir le numéro : 2801

S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 5

I. -  LE RÔLE NON NEGLIGEABLE DE LA COMMISSION DE LA DEFENSE À L'ASSEMBLEE NATIONALE 7

II. -  UNE PLACE DETERMINANTE DANS LE PAYS 9

III. -  UN RISQUE DE DILUTION DES AFFAIRES DE DEFENSE DANS LES QUESTIONS INTERNATIONALES 11

CONCLUSION 13

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

INTRODUCTION

M. le Président de l'Assemblée nationale a déposé plusieurs propositions de résolution visant à améliorer le fonctionnement de l'activité législative et de contrôle de notre Chambre.

Annoncées en septembre dernier, ces suggestions de réforme ont fait l'objet d'une large consultation au cours de laquelle des oppositions fortes à certaines d'entre elles se sont manifestées. C'est le cas de la proposition n° 2801 visant, selon son titre, à « répartir plus équitablement les compétences des commissions permanentes », et, concrètement, à proposer une fusion des commissions de la défense et des affaires étrangères dans le but principal de scinder la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, trop chargée. Puisqu'elle est finalement soumise à examen, la commission de la défense a souhaité s'en saisir pour avis, la commission des lois en débattant au fond.

Le rapporteur veut ici témoigner avec l'ensemble des membres de la commission qu'il préside, tous groupes parlementaires confondus, de sa profonde conviction de l'utilité, tant pour l'Assemblée nationale que pour le pays, d'une institution entièrement dévolue aux questions de défense.

C'est faire bien peu de cas de son travail, pourtant déterminant pour le monde militaire au sens large, que d'en faire un simple remède aux maux d'une autre commission.

Les arguments spécifiques avancés par la proposition de résolution en faveur de la fusion ne sont pas convaincants. Quant à l'opposition qu'elle manifeste à l'augmentation du nombre des commissions, qui constituerait sans doute la vraie réponse aux difficultés mentionnées, elle n'est pas plus étayée.

On comprendra dans ces conditions que la commission de la défense, forte des consultations qu'elle a elle-même menées tant auprès du monde militaire que de l'exécutif, réaffirme son souhait de voir assurer sa pérennité dans les institutions de la République.

I. -  LE RÔLE NON NEGLIGEABLE DE LA COMMISSION DE LA DEFENSE À L'ASSEMBLEE NATIONALE

Il est quelque peu paradoxal de vouloir mesurer l'utilité d'une commission à l'aune de sa seule activité législative lorsque tant de voix s'élèvent - et parmi elles, la plus illustre, celle du Président de l'Assemblée nationale - pour dénoncer « l'inflation des lois » et souhaiter parallèlement un renforcement du contrôle.

Les chiffres permettent pourtant de relativiser certaines critiques par trop convenues. Ainsi, les statistiques sur le nombre de séances de commission montrent que, du 1er octobre 2004 au 30 juin 2005, la commission de la défense a tenu 41 réunions pour une durée globale de 52 heures et 10 minutes, le décompte étant pour la commission des lois de 43 réunions, pour une durée globale de 54 heures et 57 minutes.

La faible activité législative de la commission s'explique, est-il besoin de le rappeler, par la place spécifique réservée à la défense dans notre Constitution mais elle a développé a contrario une activité de contrôle, d'autant plus nécessaire justement que les institutions de la Ve République donnent en ce domaine un pouvoir important à l'exécutif.

Et ce contrôle s'est renforcé ces dernières années, contrairement à ce qu'affirme l'exposé des motifs de la proposition de résolution. Certes, son travail s'exerce moins sous les feux de l'actualité que celui d'autres commissions, ceci pour des motifs institutionnels mais aussi du fait d'une politique résolue menée par son Président. C'est ainsi tout d'abord que les relations avec la presse sont très spécifiques, la division de la presse de l'Assemblée n'assurant pas le même service que pour les autres commissions. En outre, la commission s'est engagée dans un examen approfondi et continu des problèmes de défense qui, et on peut le regretter, ne fait pas la une des médias.

Lors du débat public sur le référendum en mai 2005 par exemple, la commission, au-delà des auditions des responsables de l'AED et de l'OCCAR, s'est intéressée à la question, déterminante pour l'avenir, des investissements étrangers dans les industries européennes de défense (rapport de MM. Bernard Deflesselles et Jean Michel). Cet angle de vue et les sujets abordés par la commission de la défense étaient sans doute éloignés de ceux de la commission des affaires étrangères.

De même, après l'audition de la ministre de la défense sur la situation de l'ex-porte avions Clemenceau, la commission a décidé de nommer un rapporteur d'information sur la question des navires en fin de vie qui devrait esquisser des solutions pour leur démantèlement (Mme Marguerite Lamour) (1).

Autre exemple : la situation de GIAT fait l'objet d'un suivi depuis 2002 (plusieurs communications de MM. Georges Siffredi puis Jean-Claude Mignon et Jean-Claude Viollet sur le plan social d'accompagnement) et donne lieu à des auditions des responsables ministériels, de l'entreprise et syndicaux ainsi qu'à des déplacements réguliers sur les sites de l'entreprise. Plus généralement, la commission s'est régulièrement préoccupée des questions de restructuration des industries de défense, dans une perspective européenne.

Il faut également rappeler qu'elle a pris des initiatives, avant même la mise en place de la LOLF, dans le domaine financier. C'est ainsi que chaque loi de finances depuis 2002 a donné lieu à des missions d'information sur l'exécution des crédits de la défense qui, de l'avis de tous, ont contribué à réduire l'opacité de ce budget ainsi qu'au respect de la loi de programmation militaire.

On peut même observer que la commission a quelque peu élargi son champ d'investigation, ce qui militerait plutôt en faveur du renforcement de ses compétences. Ainsi, désormais, la défense est-elle entendue au sens large, en prise avec la nature multiforme des menaces actuelles comme des attentes de nos concitoyens. En témoigne par exemple l'audition récente, faisant suite à un rapport d'information, de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur le bioterrorisme.

II. -  UNE PLACE DETERMINANTE DANS LE PAYS

Assez curieusement, la proposition de résolution mentionne la suspension de la conscription comme une des sources du déclin de l'activité de la commission. Est-ce à dire que l'armée professionnelle actuelle justifierait une attention moindre de la souveraineté nationale ? Tel n'est pas l'avis du rapporteur.

C'est au contraire parce que le service militaire n'existe plus qu'une considération toute particulière doit être portée au maintien du lien Armée-Nation. Or, en ce domaine, la commission de la défense joue un rôle essentiel. Elle suit avec détermination la situation des jeunes dans les nouvelles institutions (auditions sur la JAPD, missions d'information sur le SMA, visites des premiers établissements défense deuxième chance...).

Et d'un autre côté, et c'est là sans doute son devoir essentiel, elle est à l'écoute du monde militaire dont la proposition de résolution semble décidément faire peu de cas. On peut évoquer à cet égard les lois sur le statut général des militaires et sur la réserve qui ont suscité l'intérêt de toute la communauté militaire.

Mais c'est au quotidien que des liens sont noués. Les visites auprès des régiments de métropole ou d'outremer, les déplacements auprès de troupes stationnées à l'étranger sont des marques d'intérêt qui ne les laissent pas indifférents. Certes ce travail s'effectue là encore loin des médias mais il est important. C'est ainsi que le rapport sur la condition militaire (Mme Bernadette Païx et M. Damien Meslot) examiné l'été dernier par la commission a pu accélérer la résolution de problèmes bien réels pour les militaires : le logement, les tenues... Et c'est bien parce que les militaires, du fait de leur statut, ne peuvent exprimer, au contraire des autres citoyens, leurs revendications légitimes qu'il faut une institution spécifique qui puisse les relayer.

La commission ne se préoccupe pas seulement des personnels d'active : ses auditions des retraités chaque année cherchent à apporter des solutions concrètes à leurs problèmes - ou à tout le moins, s'il s'agit de sujets relevant du domaine réglementaire, à proposer des réponses à des questions justifiées. Cette année a été notamment évoquée la mise à niveau des pensions militaires d'invalidité entre les armées.

Les auditions des représentants des syndicats des personnels civils de la défense permettent également de mieux connaître leurs attentes.

A en juger par l'attention que tous portent à ces réunions, la commission de la défense est bien considérée comme un interlocuteur majeur, ses membres étant reconnus comme particulièrement compétents sur ces dossiers.

Et il faut retenir que le monde de la défense compte près de cinq millions d'hommes et de femmes, anciens combattants compris.

Quel signe la souveraineté nationale veut-elle leur adresser ?

Quel sens aurait pour leurs familles la disparition de la commission de la défense en tant que telle à l'Assemblée nationale ?

III. -  UN RISQUE DE DILUTION DES AFFAIRES DE DEFENSE DANS LES QUESTIONS INTERNATIONALES

Les tenants de la fusion font souvent référence au Sénat où existe effectivement une commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

La pratique de cette commission inciterait pourtant à la prudence : elle ne traite que très rarement des questions de défense et, aux dires des sénateurs que le rapporteur a eu l'occasion d'interroger, elles ne sont pas, loin s'en faut, au centre des préoccupations, à leur grand regret d'ailleurs. Pour les seuls aspects défense en 2004-2005, on a compté six rapports d'information pour la commission de la défense à l'Assemblée et un au Sénat.

La proposition de résolution argue aussi des auditions communes des deux commissions à l'Assemblée. On observera que d'autres commissions peuvent travailler ensemble sans qu'il soit envisagé de les confondre.

Les développements de la défense européenne ou des OPEX mentionnés comme sujets communs par la proposition de résolution justifient au contraire, du point de vue du rapporteur, un traitement spécifique par les deux commissions tant leurs points de vue et centres d'intérêt diffèrent. On a déjà évoqué un des angles choisis par la commission de la défense sur l'avenir de la défense européenne mais, s'agissant des opérations extérieures, on peut craindre qu'une commission essentiellement dévolue aux questions internationales se rende moins souvent auprès des troupes. Quant à leur financement, c'est bien à l'insistance du Président de la commission qu'on doit de le voir inscrit dès le projet de loi de finances initiale. Plus généralement, il est évident qu'un vote éclairé des crédits nécessite une connaissance approfondie du ministère et de ses armées.

Le long travail de la commission sur le découpage budgétaire induit par la LOLF en porte témoignage. Ne peut-on craindre que le suivi de l'exécution des crédits soit abandonné tant il est technique et précis ?

Qui peut croire que les problèmes de défense seraient traités à égalité avec les questions internationales quand d'aucuns parlent déjà, non pas de fusion, mais d'absorption de la commission de la défense par la commission des affaires étrangères ? Pourquoi imposer à l'Assemblée ce qui n'est même pas pensable pour l'exécutif : imaginerait-on au sein du Gouvernement la défense traitée par le ministère des affaires étrangères ?

Enfin, la moindre attention aux questions de défense qui ne manquerait pas de se produire arriverait à un moment crucial pour l'avenir de notre défense. L'actuelle loi de programmation militaire vient à échéance en 2008 et nul doute que la prochaine élection présidentielle sera l'occasion de premières discussions sur notre équipement militaire ou le format de nos armées. La nouvelle Assemblée aura à prendre des décisions, par exemple sur les grands programmes militaires, qui engageront notre pays pour plusieurs années.

Le débat, majeur pour l'avenir de tous, doit être mené par la représentation nationale avec tout le sérieux nécessaire tant il est spécifique. Il impliquera de la part des députés des connaissances et, le rapporteur le croit, une culture approfondies en matière de défense.

CONCLUSION

La proposition de résolution qui est aujourd'hui en débat est dictée par des considérations extérieures au travail des deux commissions de la défense et des affaires étrangères.

En témoigne d'ailleurs sa forme qui met en exergue la charge de travail de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - que le rapporteur ne nie pas - et en induit la nécessaire fusion de deux autres commissions, en ne donnant que peu d'arguments spécifiques à celle-ci.

Le rapporteur ne peut que regretter le manque de considération dont ce texte fait preuve envers la communauté militaire entendue au sens large. Si le problème est réel, la solution proposée est mauvaise tant elle ne manquera pas d'être interprétée comme un signe négatif, voire un discrédit par le monde de la défense.

Comment expliquer aux cinq millions de nos concitoyens, qui pour certains engagent leur vie à l'étranger, qu'ils n'ont plus d'interlocuteur privilégié à l'Assemblée nationale parce que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a trop de travail ? Comment expliquer aux membres de la commission de la défense, particulièrement assidus et très au fait des questions militaires, que leur travail d'information, d'écoute, de suivi est si peu important qu'il peut disparaître en tant que tel ?

Si l'Assemblée nationale doit améliorer ses conditions de travail, qu'il soit permis de demander que cela ne se fasse pas au détriment de certains de ses organes et au mépris de tout un monde qui a servi et continue de servir la France.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. Guy Teissier, la proposition de résolution (n° 2801) tendant à modifier les articles 36 et 39 du Règlement afin de répartir plus équitablement les compétences des commissions permanentes, au cours de sa réunion du mardi 30 mai 2006.

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Le président Guy Teissier a observé que la proposition de résolution n° 2801 concernait directement la commission de la défense puisque son objet essentiel, malgré son titre, est de scinder la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et, par voie de conséquence, de regrouper les commissions des affaires étrangères et de la défense.

Rappelant son attachement, ainsi que celui que de tous les commissaires, à l'existence de la commission de la défense, il a observé que son activité soutenait la comparaison avec d'autres commissions, précisant que du 1er octobre 2004 au 30 juin 2005, elle avait tenu 41 réunions pour une durée globale de 52 heures, les chiffres étant pour la commission des lois de 43 réunions pour une durée globale de 55 heures. Les questions de défense sont essentielles pour l'avenir du pays. Or la fusion avec la commission des affaires étrangères ferait que leur traitement se bornerait sans doute à l'audition annuelle du chef d'état-major des armées.

S'il est indéniable que la commission des affaires sociales connaît une surcharge de travail, dont la commission de la défense pourrait d'ailleurs prendre une part en traitant notamment des pensions militaires, la nécessité de sa scission demeure sans rapport avec l'existence de la commission de la défense.

D'aucuns ont d'ailleurs plaidé pour une modification de l'article 43 de la Constitution par la voie du Congrès qui permettrait d'augmenter le nombre des commissions. L'argument qui voudrait que cette procédure soit trop lourde paraît bien spécieux tant les réunions ont été nombreuses à Versailles ces dernières années.

Considérer, comme l'affirme l'exposé des motifs de la proposition de résolution, que l'activité législative de la commission de la défense diminuant, celle-ci n'aurait plus de raison d'exister par elle-même, est inacceptable. L'utilité d'une commission ne saurait se mesurer au seul volume des textes législatifs examinés, lorsque tout le monde insiste aujourd'hui sur la nécessité de réduire le nombre de lois et a contrario sur l'intérêt à développer le contrôle du Parlement. Or en ce domaine, la commission de la défense s'est pleinement investie, c'est même là le cœur de son activité. Ses travaux ont notamment permis de mettre en relief certaines difficultés rencontrées par les forces armées ou les industries de défense et de proposer des solutions.

A cet égard, le rapporteur a évoqué, parmi d'autres, le rapport de MM. Bernard Deflesselles et Jean Michel sur les investissements étrangers dans les industries de défense européennes. Il a également remarqué que les activités de la commission s'inscrivent dans la durée en mentionnant la mission d'information sur le suivi du plan social de GIAT industrie. Bien plus, la commission de la défense a su anticiper les exigences de la LOLF en créant, dès février 2003, une mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense. Il a enfin fait valoir que les débats au sein de la commission de la défense étaient sereins : de nombreux travaux ont été conduits en associant des rapporteurs de la majorité et de l'opposition.

La commission de la défense constitue un lien unique entre les élus de la Nation et le monde des armées. La suspension du service national et la trop faible place accordée aux questions de défense dans le débat public plaident justement pour sa pérennité. Le contact permanent que la commission entretient avec l'exécutif et les états-majors, le contrôle de l'exécution de la LPM, comme ses nombreuses visites aux unités concourent à maintenir l'espoir et la fierté de nos armées. La commission effectue un travail considérable auprès des 350 000 hommes et femmes qui constituent nos forces, en les écoutant et en relayant leurs préoccupations légitimes. On ne peut oublier en effet que, du fait de leur statut, les militaires n'ont pas les mêmes moyens d'expression que les autres citoyens.

Fusionner en cette période les deux commissions serait à coup sûr interprété par le milieu de la défense comme un manque de considération, voire un discrédit. Par ailleurs, le risque est réel d'une dissolution des questions de défense dans les questions internationales. L'exemple du regroupement du suivi des dossiers relatifs à la défense et aux affaires étrangères en une seule commission au Sénat montre que les questions de défense en sont le parent pauvre. Ainsi, pour les seuls aspects défense, on a compté, en 2004-2005, six rapports d'information pour la commission de la défense à l'Assemblée pour un seul au Sénat.

Le rapporteur a rappelé en conclusion sa volonté de voir les compétences de la commission revues afin de lui permettre de mieux s'impliquer dans les questions relatives à la défense globale, et plus particulièrement à la sécurité. Une réflexion sur cet élargissement semble d'autant plus justifiée que les frontières entre la défense et la sécurité sont aujourd'hui de plus en plus ténues. Il a indiqué avoir suggéré au Président de la commission des lois de travailler ensemble sur des questions qui sont devenues communes aux deux commissions. De fait, qui pourrait nier que le contexte international est dominé par la menace terroriste et que le renseignement constitue un instrument privilégié de lutte et de prévention ? Là encore, la commission de la défense doit jouer pleinement son rôle et concourir au renforcement de cet outil, à son perfectionnement ainsi qu'à son contrôle par le Parlement.

M. Michel Voisin a rappelé qu'il avait assisté tant à la conférence des présidents, qu'à la réunion du bureau et à celle du groupe UMP ce jour et qu'il avait été surpris par l'obstination de certains à s'orienter dans la voie de la fusion des commissions de la défense et des affaires étrangères. L'obsolescence de la dénomination de la commission peut en partie expliquer la volonté de la faire disparaître. Les termes de « défense nationale et des forces armées » ne sont sans doute plus adaptés. Les missions de la défense ont en effet considérablement évolué et concernent aussi désormais les questions de sécurité, qu'il serait souhaitable d'ajouter aux attributions de la commission, de même que les pensions des militaires et les questions relatives aux anciens combattants. Le travail réalisé par la commission de la défense soutient la comparaison avec celui des autres commissions, surtout au regard de ce que représente le monde de la défense, avec 350 000 militaires et cinq millions de personnes si l'on inclut les retraités et leurs familles. Le rôle de la commission de la défense est d'autant plus nécessaire que les militaires d'active se voient appliquer des limites à leur liberté d'expression.

Faisant part de son expérience de membre de la commission des affaires étrangères lors d'un précédent mandat, M. Gilbert Le Bris a estimé que la commission de la défense disposait d'une marge de manœuvre supérieure à cette dernière au regard de l'exécutif. Si le regroupement opéré au Sénat peut paraître légitime, il n'en est pas de même à l'Assemblée nationale, qui représente directement les citoyens, y compris ceux appartenant à la communauté de la défense. Il est particulièrement nécessaire de témoigner de l'intérêt accordé aux militaires alors que ceux-ci sont prêts à donner leur vie pour le pays. La suspension du service national a déjà eu pour effet d'éloigner la Nation de ses armées et le regroupement des commissions de la défense et des affaires étrangères aggraverait cette situation. Le lien constant assuré par la commission de la défense disparaîtrait, alors même que le caractère très particulier des activités liées à la défense nationale nécessite un travail spécifique.

Le rapporteur a observé qu'il serait difficile d'expliquer à la communauté militaire que la commission chargée de la représenter doit disparaître en raison de la surcharge de travail d'une autre commission.

M. Bernard Deflesselles a fait part de son opposition au projet de fusion des commissions des affaires étrangères et de la défense, jugeant que celle-ci serait incomprise et mal perçue des militaires et des civils du monde de la défense. Le titre même de la proposition de résolution paraît inapproprié : faire disparaître une commission ne peut être considéré comme une mesure équitable. Si les rédacteurs de la Constitution de 1958 ont limité à six le nombre des commissions permanentes, c'était avant tout afin de prévenir la multiplication des commissions et des sous-commissions constatée sous la IIIe et la IVe Républiques. Presque cinquante ans après, la situation a évolué et on ne peut écarter d'autorité la perspective d'une révision constitutionnelle tendant à augmenter le nombre des commissions permanentes. L'exemple du Sénat montre que la fusion des commissions tend à réduire considérablement la part accordée aux travaux concernant les questions de défense.

M. Charles Cova a considéré à son tour qu'aucune raison ne justifiait une fusion de la commission de la défense avec celle des affaires étrangères. Ses membres ont acquis une expertise spécifique et reconnue sur les différents sujets intéressant la défense nationale, notamment les questions de personnel et d'équipement des forces. De surcroît, le droit d'expression des militaires demeure limité, nonobstant les améliorations apportées par le nouveau statut général. Il est naturel que la commission de la défense relaie, de manière appropriée, les préoccupations des personnels militaires. La communauté militaire est manifestement hostile à la perspective d'une disparition de la commission de la défense et il convient donc de la maintenir dans son intégrité.

M. Jean Lemière a rappelé que le budget de la défense est le premier budget d'investissement de l'Etat, ce qui justifie pleinement, qu'à l'Assemblée nationale, une commission permanente se consacre exclusivement aux questions militaires. Il apparaît souhaitable, comme d'autres orateurs l'ont suggéré, d'étendre les compétences de la commission de la défense à un certain nombre de matières actuellement suivies par d'autres commissions, comme les pensions militaires.

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La commission a émis un avis défavorable à l'adoption des articles 1er à 4 de la proposition de résolution puis, suivant les conclusions du rapporteur, un avis défavorable à l'adoption de la proposition de résolution dans son ensemble.

Le rapporteur a indiqué qu'il se rendrait à la commission des lois pour exprimer le point de vue de la commission de la défense. Rappelant que son opposition au texte n'était pas motivée par son intérêt personnel - son mandat arrivant à expiration à la fin de la législature - il a estimé indispensable que soient relayés les intérêts de la communauté militaire qui peut au quotidien être amenée à se sacrifier pour la Nation. La commission de la défense constitue un trait d'union indispensable entre l'armée et le pays et son existence est donc pleinement justifiée.

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N° 3112 - Avis de M. Guy Teissier présenté au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur la proposition de résolution (n° 2801) de M. Jean-Louis Debré tendant à modifier les articles 36 et 39 du Règlement afin de répartir plus équitablement les compétences des commissions permanentes

1 () Auparavant, la commission avait débattu de la question du mode de propulsion du second porte-avions (rapport d'information de Mmes Patricia Adam et Marguerite Lamour et MM. Charles Cova et Jérôme Rivière).


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