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le 11 juillet 2006

N° 3245

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 juillet 2006

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RESOLUTION (N° 3071) DE M. FRANÇOIS BROTTES tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers et sur la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de régulation,

PAR M. JEAN-CLAUDE LENOIR,

Député.

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

EXAMEN EN COMMISSION 7

MESDAMES, MESSIEURS,

M. François Brottes et les membres de son groupe ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête de trente membres sur « les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers, et sur la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de régulation ».

Comme on le sait, l'appréciation portée sur une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête suppose de juger, en premier lieu, de sa recevabilité et, en second lieu, de son opportunité.

S'agissant de la recevabilité, les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale prévoient qu'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est recevable lorsque deux conditions sont réunies :

- la proposition de résolution doit déterminer avec précision le champ des investigations de la commission d'enquête qu'elle propose de créer,

- ces investigations ne peuvent porter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

La seconde condition ne soulève pas de difficulté. Par lettre du 8 juin 2006, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait savoir à M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, qu'il n'y avait, à sa connaissance, aucune procédure judiciaire en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition de résolution.

Si le champ d'investigation proposé est très large, la première condition parait également remplie, des commissions d'enquête portant sur des thèmes très larges ayant déjà été créées à de nombreuses reprises.

Votre rapporteur considère donc que la proposition de résolution est recevable. Son adoption lui parait, en revanche, inopportune.

L'importance économique et politique du sujet évoqué par cette proposition de résolution ne fait pas de doute. Comme le débat sur l'énergie du 14 juin l'a mis en évidence, de très nombreux députés, sur tous les bancs, sont préoccupés par l'évolution des prix libres de l'électricité et, en particulier, par les conséquences de cette évolution sur les consommateurs ayant exercé leur éligibilité.

On sait, en effet, que de nombreuses entreprises ayant exercé leur éligibilité dans la période où les prix étaient inférieurs aux tarifs régulés et conséquemment privées, en l'état du droit, de la possibilité de revenir aux tarifs régulés, désormais très nettement inférieurs aux prix, sont aujourd'hui confrontées à des hausses de prix massives de l'ordre de 60 à 80 %. Pour certaines d'entre elles, ces hausses mettent en péril leur survie. Il est donc d'une urgence absolue d'agir et cela nécessite des mesures législatives.

Le projet de loi relatif au secteur de l'énergie, qui sera examiné en session extraordinaire à partir du 7 septembre, donne l'occasion de les adopter et votre rapporteur est déterminé à proposer, par voie d'amendement à ce projet de loi, une solution aux difficultés rencontrées par ces consommateurs. Or, si notre assemblée décidait de créer la commission d'enquête proposée, il serait absurde qu'elle délibère de ce projet de loi avant de connaître les conclusions de ses travaux.

On sait que la création d'une commission d'enquête nécessite l'adoption d'une résolution en séance publique. Le groupe socialiste n'ayant pas inscrit les propositions de résolution soumises à notre examen dans l'une des séances réservées à son initiative, leur discussion en séance interviendrait donc, au plus tôt, en octobre. Les commissions d'enquête ainsi créées achèveraient leurs travaux au mieux en décembre, si ceux-ci ne duraient que trois mois, ou plus probablement en mars, si ceux-ci duraient six mois comme cela est traditionnellement le cas des commissions d'enquête. Il serait donc matériellement impossible d'en tirer des conséquences législatives au cours de l'actuelle législature. Comment justifier l'immobilisme sur ce dossier alors que des entreprises risquent d'être poussées à la faillite pendant que notre assemblée réfléchirait à la question ?

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné la proposition de résolution n° 3071 lors de sa réunion du 4 juillet 2006.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, s'exprimant sur cette proposition de résolution ainsi que sur la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Balligand (n° 3017) tendant à la création d'une commission d'enquête relative au projet de fusion entre Gaz de France et Suez, aux conditions de sa préparation et de son annonce et aux conséquences de la privatisation de Gaz de France pour les usagers et l'équilibre du marché de l'énergie, a indiqué que l'évolution des prix de l'électricité et l'éventuelle fusion entre Gaz de France et Suez étaient au cœur du projet de loi relatif au secteur de l'énergie. S'agissant de la question des prix, il a rappelé que le Gouvernement venait d'accepter qu'une disposition soit insérée dans ce projet de loi pour permettre aux clients ayant exercé leur éligibilité d'opter, pendant une période déterminée, pour le retour, pendant une durée également encadrée, à un tarif réglementé. Le projet de fusion entre Gaz de France et Suez, a-t-il indiqué, sera évidemment également largement évoqué lors de la discussion du projet loi.

Il a également indiqué que l'adoption de la proposition de résolution examinée par la Commission aurait pour conséquence de retarder fortement la mise en place des mesures nécessaires pour protéger les consommateurs dans la mesure où la création effective de la commission d'enquête devait faire l'objet d'un vote en séance publique, possible au plus tôt dans le courant du mois d'octobre. Compte tenu du temps nécessaire à la mise en place de la Commission et à la conduite par celle-ci de ses travaux, ses conclusions ne pourraient probablement pas être rendues publiques avant le début 2007. L'examen du projet de loi relatif au secteur de l'énergie devrait, en conséquence, logiquement être repoussé dans l'attente de ses conclusions et ne pourrait donc, en pratique, intervenir. Aucune mesure ne serait ainsi prise pour protéger les consommateurs d'électricité dans les prochains mois. Il a donc appelé la Commission à rejeter cette proposition de résolution.

Le président Patrick Ollier a rappelé que le Gouvernement venait de prendre plusieurs engagements en vue de l'examen du projet de loi sur l'énergie, au nombre desquels la possibilité de revenir à un tarif réglementé pour les clients ayant exercé leur éligibilité.

M. François Brottes a rappelé que les deux propositions de résolution avaient été déposées respectivement les 4 mai et 11 avril 2006 et a donc jugé que la Commission, en les examinant plus tôt, aurait pu permettre à une commission d'enquête d'effectuer son travail avant la rentrée. Il a, en outre, noté que de nombreux commissaires venaient de remercier les ministres de prendre le temps de la réflexion sur ce dossier.

Puis, il a estimé que le problème relatif aux conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité provenait de la séparation entre l'option pour les tarifs réglementés ou pour les prix libres du marché de l'électricité. Or, il a jugé qu'aucun engagement ferme n'avait été pris par le Gouvernement sur la question du retour aux tarifs que ne permet pas le projet de loi. En conséquence, il a estimé qu'une commission d'enquête était parfaitement justifiée pour avoir une vraie réflexion dans ce domaine, notamment afin d'évaluer la compatibilité d'un telle solution avec le droit communautaire.

Il a ensuite estimé que le problème de l'acceptabilité des risques liés à l'énergie nucléaire méritait une réflexion approfondie ; il a considéré que l'exploitation de cette source d'énergie ne présentait pas plus de risques qu'une autre industrie lorsque les risques qui y sont liés sont convenablement pris en compte, mais que l'avantage concurrentiel tiré par la France dans ce domaine étant en train de s'étioler remettant en cause l'acceptabilité de ces risques par nos concitoyens.

M. François Brottes a ensuite rappelé qu'il était habituel dans les secteurs régulés de prévoir que les prix doivent être orientés par les coûts, notamment en application du droit communautaire. Lors de son audition le 15 décembre 2004 devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Pierre Gadonneix, président d'EDF, avait indiqué que « les tarifs et les prix se [rapprocheraient] ». Pour autant, actuellement, le tarif est plus attractif que le prix de marché et si le contrat de service public conclu entre l'Etat et EDF prévoit une évolution des prix au rythme de l'inflation, évolution déjà moins favorable pour le consommateur que celle prévue par le contrat précédent, ce contrat prévoit, en outre, une clause de sortie de cet engagement, rendant cette garantie toute relative.

Il a déploré que l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie s'opère à l'échelon national et non communautaire, considérant que la mise en place d'une commission d'enquête permettrait de faire une étude d'impact sur le sujet, d'autant plus que ni la Commission européenne, ni le Gouvernement n'ont réalisé une telle étude.

Enfin, il a estimé qu'il était également important de tenir compte des effets néfastes sur l'environnement de cette ouverture à la concurrence, notamment du point de vue de l'application du protocole de Kyoto.

Répondant à M. François Brottes, le Président Patrick Ollier a indiqué que si le droit à un tarif de retour n'est effectivement pas prévu dans le projet de loi, le ministre a clairement indiqué, dans son audition du 4 juillet par la commission, qu'il était favorable à un tel tarif de retour, qui sera proposé par amendement parlementaire, illustrant, une fois de plus, la capacité de la commission des affaires économiques à faire entendre sa voix sur des questions cruciales.

Enfin, s'agissant du protocole de Kyoto, il a jugé inutile de reprendre le travail de la mission d'information sur l'effet de serre, présidée par M. Jean-Yves Le Déaut et qui vient de rendre ses conclusions.

Puis, la Commission a rejeté la proposition de résolution de M. François Brottes (n° 3071) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers et sur la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de régulation.

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N° 3245 - Rapport fait par M. Jean-Claude Lenoir au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution (N° 3071) de M. François Brottes tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers et sur la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de régulation


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