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N
° 3277

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 août 2006.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LES ARTICLES 4, 10, 11 ET 12 DU PROJET DE LOI (n° 3201) relatif au secteur de l’énergie,

PAR M. Hervé NOVELLI,

Député.

——

Voir les numéros : 

Assemblée nationale : 3201, 3278

INTRODUCTION 5

1.– LA LIBÉRALISATION DES MARCHÉS DE L’ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ EN EUROPE : UNE MISE EN œUVRE PROGRESSIVE 7

– Les objectifs du marché unique : sécurité, environnement, compétitivité 7

– Les principes de la libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz 7

– Les retards pris dans l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz 8

2.– L’OUVERTURE DES MARCHÉS EN FRANCE 8

– Un processus qui s’étend sur huit ans 9

– Un marché français encore peu ouvert en pratique 9

3.– L’AUGMENTATION RÉCENTE DES PRIX DU GAZ ET DE L’ÉLECTRICITÉ N’EST PAS DUE À L’OUVERTURE DES MARCHÉS 10

– Les variations des prix du gaz sont liées à celles du pétrole 10

– Il n’y a pas de corrélation directe entre l’ouverture du marché et la hausse des prix de l’électricité 11

EXAMEN EN COMMISSION 15

I.– DISCUSSION GÉNÉRALE 15

II.– EXAMEN DES ARTICLES 23

TITRE Ier : OUVERTURE DES MARCHÉS ET LIBRE CHOIX DES CONSOMMATEURS 23

Articles additionnels avant l’article 4 23

Article 4 : Conditions d’accès aux tarifs réglementés : 29

Article additionnel après l’article 4 : Extension des attributions de la Commission de régulation de l’énergie 31

TITRE III : DISPOSITIONS RELATIVES AU CAPITAL DE GAZ DE FRANCE ET AU CONTRÔLE DE L’ÉTAT 37

Article 10 : Part du capital d’EDF et de Gaz de France détenue par l’État, modalités de contrôle public sur Gaz de France et ses filiales et autorisation de privatisation de Gaz de France 37

I.– LA PRIVATISATION DE GAZ DE FRANCE EST POSSIBLE DU POINT DE VUE JURIDIQUE, ET SOUHAITABLE DU POINT DE VUE ÉCONOMIQUE 37

A.– LA PRIVATISATION DE GAZ DE FRANCE N’EST PAS CONTRAIRE À LA CONSTITUTION, POUR PEU QUE LE SERVICE PUBLIC DU GAZ DEMEURE ENCADRÉ PAR LE LÉGISLATEUR 38

– L’activité de Gaz de France ne constitue ni un monopole de fait ni un service public national au sens du Préambule de la Constitution de 1946 38

– Le service public du gaz demeure encadré par la loi 39

B.– LA PRIVATISATION DE GAZ DE FRANCE VA DANS L’INTÉRÊT ÉCONOMIQUE ET STRATÉGIQUE DE LA FRANCE 40

II.– SI L’ÉTAT DOIT CONSERVER UNE PARTICIPATION ET UN POUVOIR DE CONTRÔLE DANS GAZ DE FRANCE, LA FIXATION A PRIORI D’UN NIVEAU DE DÉTENTION DU CAPITAL N’EST PAS SOUHAITABLE 42

A.– LA LOI NE DOIT PAS FIXER A PRIORI DE SEUIL DE DÉTENTION DU CAPITAL DE GAZ DE FRANCE PAR L’ÉTAT 42

– La détention d’une minorité de blocage ne permettrait pas de s’opposer à une éventuelle OPA 42

– La fixation a priori de la participation de l’État à un tiers du capital constituerait un frein au développement de Gaz de France 43

B.– L’ACTION SPÉCIFIQUE ET LA PRÉSENCE D’UN COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT PERMETTENT DE PROTÉGER LES INTÉRÊTS STRATÉGIQUES DE LA FRANCE 45

Article 11 : Propriété du capital et règles applicables à la société gestionnaire du réseau de transport de gaz issue de la séparation juridique de Gaz de France 48

Article 12 : Autorisation de privatisation de la production, du transport et de la distribution du gaz naturel 49

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 51

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 53

INTRODUCTION

Comment présenter l’un des projets de loi les plus contestés de la présente législature en dépit de son intérêt évident ? Votre Rapporteur pour avis ne cachera pas, en préalable, les difficultés du sujet, à la fois quant au fond et quant à la forme. Quant au fond, plus qu’un débat idéologique suranné sur les bienfaits ou non d’une privatisation inéluctable, l’examen de ce texte ne manque pas de soulever des questions cruciales qui ne devraient pourtant pas créer de polémique : celle de la sécurité de l’approvisionnement du pays en gaz, celle du prix de l’énergie pour les entreprises et les ménages, celle du développement de projets industriels à l’échelle européenne. Votre commission des Finances a adopté un amendement prévoyant la possibilité d’un retour à un tarif lié au tarif réglementé de l’électricité pour les industriels ayant exercé leur éligibilité et qui ont subi des hausses tarifaires considérables mettant parfois en cause la viabilité même des entreprises concernées. Nul doute que ce dispositif puisse encore être réfléchi, notamment pour ne pas le déconnecter totalement du marché, mais sur le principe, une modération de la facture s’impose. Votre Rapporteur pour avis émet le souhait que ce débat puisse avoir lieu dans des conditions sereines. Or telle n’est pas l’ambiance générale dans laquelle s’engagent les travaux parlementaires, et la forme de ce débat ne peut susciter qu’une réelle incompréhension, puisqu’elle met en cause l’institution parlementaire elle-même.

Votre Rapporteur pour avis tient à indiquer que le nombre spectaculaire, inédit, incroyable – on ne sait quel mot employer – d’amendements déposés traduit, hélas, un véritable dévoiement du débat parlementaire. Chacun peut comprendre que le Parlement soit le lieu d’un débat, d’une confrontation, d’une expression de l’opposition dont elle est libre de choisir les modalités. Nul, en revanche, ne devrait admettre que le débat donne une image ridicule du législateur.

Souhaitons donc que les travaux de votre commission des Finances, où chacun a pu exprimer ses positions, contribuent au travail législatif de façon constructive et au débat de fond plutôt qu’à un affrontement stérile dont le Parlement ne sortira pas grandi.

Votre Commission s’est saisie pour avis de deux parties du présent projet de loi : la libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz et les mesures qui l’accompagnent d’une part, la privatisation de Gaz de France d’autre part.

Le titre III (articles 10, 11 et 12), dont votre Commission s’est saisie pour avis, autorise la privatisation de Gaz de France et organise le contrôle de l’État sur la société. Le Parlement entame l’examen de ce texte après une longue phase de concertation entre le Gouvernement, les partenaires sociaux, les parlementaires et les autres acteurs concernés par ce dossier. Votre Rapporteur pour avis a lui-même organisé de nombreuses auditions à ce sujet.

La diminution de la participation de l’État dans le capital de Gaz de France doit permettre le développement de l’entreprise dans un secteur où la concurrence est de plus en plus vive et où les grands énergéticiens nouent des alliances. Il faut donner à Gaz de France les moyens de renforcer son capital, dans un secteur où le moindre investissement coûte plusieurs centaines de millions d’euros. C’est pourquoi votre Rapporteur pour avis souhaite ouvrir le débat sur le montant de la participation de l’État dans la société. Le projet de loi prévoit que l’État détiendra au moins un tiers de son capital. Cette minorité de blocage pourrait n’être pas justifiée. En ne constituant pas à coup sûr une protection efficace des intérêts de la France, elle risque de fragiliser Gaz de France.

Par ailleurs, ce texte parachève l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz à la concurrence. Depuis le 1er juillet 2004, tous les clients professionnels peuvent choisir leurs fournisseurs d’électricité et de gaz naturel. Il s’agit maintenant d’offrir cette possibilité à tous les ménages, conformément aux directives européennes 2003/54 et 2003/55 du 26 juin 2003 relatives aux marchés intérieurs de l’électricité et du gaz naturel, qui prévoient qu’à partir du 1er juillet 2007, tous les consommateurs finals seront éligibles, c’est-à-dire libres de contracter avec le fournisseur de leur choix.

Le Gouvernement a choisi d’accompagner cette ouverture à la concurrence pour qu’elle se fasse en douceur, au bénéfice de tous les consommateurs. Ainsi, il est créé une tarification spéciale de solidarité pour le gaz, à l’image du tarif social de l’électricité mis en place début 2005. Le projet de loi prévoit également une séparation juridique entre les réseaux de distribution et les entreprises verticalement intégrées auxquelles ils appartiennent. Cette séparation permettra un accès transparent et non discriminatoire de tous les opérateurs aux réseaux. Enfin, la protection des consommateurs dans le cadre des contrats de fourniture d’énergie est renforcée.

Tous les consommateurs qui n’ont pas exercé leur éligibilité pourront continuer à bénéficier des tarifs réglementés, comme le prévoit l’article 4, dont votre Commission s’est saisie pour avis. Cependant, votre Rapporteur pour avis est préoccupé par l’importante augmentation des prix de l’électricité, qui touche les entreprises qui ont fait jouer leur éligibilité. L’écart se creuse entre tarifs réglementés et prix de marché, ce qui crée des distorsions de concurrence susceptibles de mettre en péril certaines exploitations. C’est la raison pour laquelle votre Rapporteur pour avis souhaite qu’il soit permis à ces entreprises de payer la moitié de leur consommation aux tarifs réglementés, à titre temporaire. Le prix moyen de leur facture d’électricité reviendrait ainsi à un niveau raisonnable.

Avant d’étudier les dispositions du projet de loi, votre Rapporteur pour avis souhaite rappeler le contexte dans lequel elles s’inscrivent.

1.– LA LIBÉRALISATION DES MARCHÉS DE L’ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ EN EUROPE : UNE MISE EN œUVRE PROGRESSIVE

– Les objectifs du marché unique : sécurité, environnement, compétitivité

La politique énergétique européenne répond à trois objectifs : sécuriser l’approvisionnement en énergie de l’Union européenne, améliorer la compétitivité de son économie et promouvoir un développement durable, respectueux de l’environnement. Le principal moyen de cette politique est la construction du marché unique, qui inclut la promotion d’énergies propres et le développement des infrastructures et investissements productifs.

Dans son Livre vert (1) sur l’énergie de mars 2006, la Commission européenne invite les États membres à concilier ces trois objectifs. La sécurisation de l’approvisionnement nécessite des investissements dans de nouvelles capacités de production, ainsi que la construction d’interconnexions supplémentaires, afin de mutualiser les ressources disponibles dans l’ensemble du marché commun. La préservation de l’environnement passe par le développement des énergies renouvelables, la réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2), ainsi que la maîtrise de la demande énergétique. À travers la filière nucléaire, la France a choisi un mode de production d’électricité sans émissions de CO2. Enfin, l’ouverture des marchés contribue à améliorer la compétitivité de l’économie européenne, incitant producteurs et fournisseurs à réduire leurs coûts et à présenter la meilleure offre possible aux consommateurs.

– Les principes de la libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz

Les marchés du gaz et de l’électricité sont structurés de manière comparable. Ces deux types d’énergie nécessitent des réseaux pour les transporter et les distribuer. Les marchés sont organisés autour de quatre types d’activités : la production (ou l’importation, s’agissant du gaz naturel), le transport, la distribution et la fourniture, c’est-à-dire la commercialisation. Le cycle d’acheminement du gaz vers le client peut comporter une étape supplémentaire : le stockage.

La libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz en Europe consiste en la déréglementation de la fourniture d’une part, le consommateur étant libre de choisir son fournisseur, et de la production d’autre part, un marché de gros étant créé.

Le transport et la distribution constituent des monopoles naturels – le monopole de la distribution pouvant être local. Les producteurs et fournisseurs utilisent les réseaux moyennant une redevance. Les tarifs d’accès sont contrôlés par un régulateur, en France, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui garantit la transparence et la non-discrimination dans l’accès des tiers aux réseaux.

Certaines obligations de service public peuvent être imposées aux fournisseurs. Les directives communautaires prévoient la protection des clients finals, à travers l’information et la transparence des contrats, le service universel de l’électricité et la protection des clients les plus modestes.

Quatre directives communautaires successives ont organisé les marchés intérieurs de l’électricité et du gaz : en premier lieu, la directive 96/92 du 16 décembre 1996 pour l’électricité, et la directive 98/30 du 22 juin 1998 pour le gaz naturel. La poursuite de l’ouverture des marchés a été décidée par les États membres à Barcelone les 15 et 16 mars 2002, le Conseil européen engageant le Conseil et le Parlement européen à adopter, « dès 2002, les propositions en instance concernant la phase finale de l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz ». Ainsi, les deux premières directives ont été remplacées respectivement par les directives 2003/54 et 2003/55 du 26 juin 2003, qui prévoient l’ouverture totale des marchés à la concurrence.

Les directives reposent sur le principe d’une ouverture progressive des marchés. Celle-ci a concerné en premier lieu les plus grands clients professionnels, avant de s’adresser à l’ensemble des professionnels en 2004 puis à tous les ménages en 2007.

– Les retards pris dans l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz

Dans sa communication au Conseil et au Parlement européen du 15 novembre 2005 sur l’état d’avancement de la création du marché intérieur du gaz et de l’électricité, la Commission pointe l’insuffisance de l’ouverture. La période initiale d’ouverture des marchés a globalement été une réussite. Les prix de l’électricité ont connu une baisse significative sur l’ensemble des marchés européens. Néanmoins, il faut faire davantage aujourd’hui pour que les entreprises et les ménages puissent tirer pleinement partie de la libéralisation.

La Commission déplore le manque d’intégration des marchés nationaux que révèlent l’absence de convergence des prix dans l’Union européenne et le bas niveau des échanges transfrontaliers. Cette situation est en partie due à l’existence de barrières à l’entrée sur les marchés : de nombreux marchés nationaux sont fortement concentrés, notamment en France. Par ailleurs, les infrastructures existantes sont mal utilisées, et insuffisantes en ce qui concerne les interconnexions entre États pour l’électricité et les capacités de transport pour le gaz. Enfin, peu d’usagers changent de fournisseurs, et le choix d’un fournisseur étranger reste exceptionnel.

2.– L’OUVERTURE DES MARCHÉS EN FRANCE

L’introduction de la concurrence en France a été organisée par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 en ce qui concerne l’électricité, puis la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 pour le gaz et l’électricité, et la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005. Le présent projet de loi vient compléter le processus engagé depuis 2000.

– Un processus qui s’étend sur huit ans

L’ouverture du marché de l’électricité aux grands industriels, c’est-à-dire les 200 sites dont la consommation est supérieure à 100 GWh par an, a débuté en 1999. L’éligibilité des grands industriels sur le marché du gaz a été autorisée en 2000, pour les 600 sites dont la consommation est supérieure à 237 GWh par an.

En février 2000, l’éligibilité pour l’électricité a été étendue aux sites dont la consommation dépasse le seuil de 16 GWh par an, soit 30 % du marché français en terme de volume consommé. En février 2003, ce seuil a été abaissé à 7 GWh par an. S’agissant du gaz, en août 2003, l’éligibilité est étendue aux installations consommant plus de 83 GWh par an, soit 37 % du marché.

À partir de juillet 2004, les marchés de l’électricité comme du gaz naturel sont ouverts pour l’ensemble des clients professionnels. La dernière étape de l’ouverture est prévue par le présent projet de loi qui étend l’éligibilité aux ménages à compter du 1er juillet 2007.

– Un marché français encore peu ouvert en pratique

En ce qui concerne l’électricité, la consommation éligible, soit l’ensemble des professionnels, représente 300 TWh, soit les deux tiers de la consommation nationale qui est d’environ 450 TWh. Seuls 12,5 % des sites éligibles, représentant un tiers de la consommation française (environ 150 TWh), ont exercé leur éligibilité. Mais parmi ceux-là, seul un tiers a changé de fournisseur, soit environ 10 % de la consommation française.

CLIENTÈLE ÉLIGIBLE SUR LE MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ
AU 1ER JANVIER 2006

(en nombre de sites)

 

Au 1er janvier 2006

Au 1er octobre 2005

Sites éligibles

4.500.000

4.500.000

Sites ayant exercé leur éligibilité

475.000

329.700

Sites ayant opté pour un fournisseur alternatif

153.900

106.150

Part de marché des fournisseurs alternatifs sur l’ensemble des sites ayant exercé leur éligibilité

32 %

32 %

Parts de marché des fournisseurs alternatifs sur l’ensemble des sites éligibles

3,4 %

2,4 %

Source : GRD, RTE – Analyse : CRE

S’agissant du gaz naturel, 11 % des sites éligibles, soit 68 400 sites, ont exercé leur éligibilité.

CLIENTÈLE ÉLIGIBLE SUR LE MARCHÉ DU GAZ
AU 1ER JANVIER 2006

(en nombres de sites)

 

Au 1er janvier 2006

Au 1er octobre 2005

Sites éligibles

640.000

640.000

Sites ayant exercé leur éligibilité

68.400

52.000

- dont transport

- dont distribution

320

60.080

310

51.690

Sites ayant opté pour un fournisseur alternatif

10.140

3.940

Part de marché des fournisseurs alternatifs sur l’ensemble des sites ayant exercé leur éligibilité

Parts de marché des fournisseurs alternatifs sur l’ensemble des sites éligibles

15 %

2 %

15 %

1 %

Source : GRT, GRD – Analyse : CRE

3.– L’AUGMENTATION RÉCENTE DES PRIX DU GAZ ET DE L’ÉLECTRICITÉ N’EST PAS DUE À L’OUVERTURE DES MARCHÉS

– Les variations des prix du gaz sont liées à celles du pétrole

L’explication de l’augmentation des prix de marché du gaz naturel est simple. La France, disposant de très peu de ressources en gaz naturel sur son territoire, dépend des marchés internationaux. Les coûts d’approvisionnement issus des contrats à long terme liant Gaz de France à ses principaux fournisseurs (l’Algérie, la Norvège et la Russie) sont indexés sur les produits pétroliers. C’est une des raisons pour lesquelles il faut renforcer la capacité de négociation de Gaz de France, en lui permettant d’augmenter son capital et de nouer des alliances industrielles. C’est l’objet du titre III de ce projet de loi.

Les tarifs réglementés de vente de gaz naturel sont prévus dans le contrat de service public qui lie Gaz de France à l’État. Ils sont aussi liés aux variations du cours du baril de pétrole. L’arrêté du 16 juin 2005 relatif aux prix de vente du gaz combustible vendu à partir des réseaux publics de distribution a mis en place une nouvelle formule tarifaire pour permettre d’atténuer les conséquences des fluctuations importantes des coûts d’approvisionnement par un effet de lissage des mouvements des cours des produits pétroliers. Il prévoit que les tarifs évoluent tous les trois mois. Les variations du tarif répercutent les variations des coûts d’approvisionnement en gaz et les variations des charges hors coûts d’approvisionnement. Les variations des coûts d’approvisionnement en gaz sont répercutées suivant une formule qui prend en compte les cours d’un panier de produits pétroliers cotés à Rotterdam en dollars et le taux de change euro-dollar.

Le Gouvernement n’a procédé à aucune augmentation durant l’hiver 2005-2006. Au 1er mai 2006, une hausse de 5,8 % a été décidée, prenant en compte l’augmentation du prix du pétrole.

– Il n’y a pas de corrélation directe entre l’ouverture du marché et la hausse des prix de l’électricité

La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique a confirmé les bénéfices découlant du choix de la France en faveur du nucléaire en matière de compétitivité de la production électrique, et a rappelé l’impact positif sur le pouvoir d’achat des ménages du niveau particulièrement bas des tarifs réglementés de vente de l’électricité.

Le contrat de service public signé en l’État et EDF le 24 octobre 2005 a confirmé l’avantage national des tarifs réglementés de l’électricité, en intégrant une obligation de modération tarifaire pour l’avenir. Ce contrat prévoit que l’évolution des tarifs aux particuliers ne sera pas supérieure à l’inflation pendant au moins cinq ans.

On distingue trois catégories de tarifs : le tarif bleu, pour les plus petits sites de consommation (pour des puissances souscrites entre 3 et 36 kVA (2)),le tarif jaune pour les puissances souscrites entre 36 et 250 kVA et le tarif vert pour les puissances souscrites supérieures à 250 kVA.

A l’intérieur de chaque catégorie, le tarif varie en fonction de la puissance souscrite et du mode d’utilisation de l’électricité (notamment temporelle). Le tarif bleu moyen en 2007 s’élève à 87 euros hors taxes par MWh, dont 48 euros pour la part fourniture et 39 euros pour l’acheminement. Le tarif jaune moyen s’élève à environ 68 euros par MWh, dont environ 30 euros pour la part fourniture. La part fourniture du tarif vert s’élève à environ 32 euros par MWh.

L’ouverture du marché de l’électricité a profité aux entreprises qui ont exercé leur éligibilité avant l’année 2004. En juin 2001, le prix d’une consommation de base (part production) était de 23 euros par MWh, soit beaucoup moins que le tarif réglementé.

Depuis, les prix du marché ont augmenté. C’est en 2004 que les prix de marché ont dépassé les tarifs réglementés. Début septembre 2006, le prix d’achat de l’électricité en base pour l’année 2007 (c’est l’indice dont il faut tenir compte pour avoir une valeur corrigée des variations saisonnières) sur Powernext s’élève à 58 euros (3). On constate que tous les pays européens ont subi une hausse importante du prix de l’électricité entre 2005 et 2006. Les prix des marchés voisins sont relativement proches, sauf ceux des Pays-Bas et du Royaume-Uni, qui sont plus élevés (la part production atteint environ 75 euros le au Royaume-Uni).

Votre Rapporteur pour avis tient à souligner qu’il n’y a pas de corrélation directe entre l’ouverture du marché et la hausse des prix, comme le montre le graphique. Les prix français et allemands sont quasiment égaux, tandis que les prix au Royaume-Uni les dépassent nettement à partir de mai 2004.

ÉVOLUTION DES PRIX DE GROS DE L’ÉLECTRICITÉ ENTRE 2002 ET 2006



Prix à terme, à échéance annuelle, en Produit Base (24h/24 – 7j/7) ; euro constant

C’est le prix du marché de gros entre producteurs, fournisseurs et établissements financiers qui fait le prix du marché aux clients finals. Plusieurs facteurs permettent d’expliquer l’augmentation des prix. La fluctuation des prix à court terme doit être distinguée de l’évolution des prix à long terme.

La théorie microéconomique enseigne qu’à court terme, le prix d’un bien est égal au coût de fonctionnement de l’unité de production supplémentaire. Comme la production et la fourniture sont concentrées en France et verticalement intégrées (principalement dans les groupes EDF et Suez), les besoins de recours au marché de gros sont limités. Les deux principales destinations des marchés de gros sont les enchères de centrales virtuelles (les VPP, voir ci-dessous) et l’exportation. C’est des prix allemands que les prix français à terme se rapprochent le plus. En Allemagne, l’outil de production est plus coûteux, ce qui pousse les prix français à la hausse.

À court terme, le prix de l’électricité est donc sensible à l’augmentation du prix des combustibles (gaz, pétrole), car c’est l’unité de production marginale qui est prise en compte dans la formation du prix. Cela explique aussi pourquoi il y a une corrélation entre l’évolution du prix de l’électricité et celle du prix des permis d’émission de CO2, puisque les pollueurs doivent acheter un permis (quotas) de polluer pour avoir le droit d’émettre une tonne de CO2. Le marché anticipe le prix de la tonne de CO2.

La volatilité des prix de l’électricité s’explique également par le fait que l’électricité est un bien non stockable, ce qui peut entraîner une variation forte de la demande d’un instant à l’autre. Powernext, la bourse française de l’électricité, créée en novembre 2001, propose des blocs horaires d’électricité pour le lendemain, ainsi que des produits « futures » à différentes échéances. Les volumes échangés sur ce marché organisé ne représentent que 10 % du marché de gros ; 90 % des transactions s’effectuent de gré à gré. De ce fait, le marché réagit fortement à des achats ou des ventes représentant des volumes relativement faibles. Des instruments financiers apparaissent sur les marchés, les acteurs se couvrant contre les risques liés à cette volatilité.

L’amenuisement progressif de la surcapacité du parc de production français crée des tensions sur l’offre d’électricité. La consommation intérieure est en croissance régulière, alors que les capacités de production du parc français sont stables. Sans investissements dans de nouvelles capacités de production, les prix du marché ne baisseront pas. La France a besoin de 1 700 MW supplémentaires à l’horizon 2010, 2 600 MW pour 2013 et 6 300 MW pour 2016 (4). Déjà 4 000 MW sont en projet, principalement dans les programmes d’investissements d’EDF, la SNET, Gaz de France et Poweo. Les besoins de financement sont donc importants. De surcroît, les investissements nécessaires sur l’ensemble du marché européen sont considérables, alors que leur couverture est pour l’instant incertaine.

L’insuffisance des interconnexions aux frontières est également responsable de tensions lorsque les marchés connaissent des pointes de consommation. La mise en place de mécanismes d’enchères aux interconnexions depuis le 1er janvier 2006, conformément à la directive du 26 juin 2003, devrait permettre une meilleure allocation des interconnexions. Il n’en demeure pas moins que l’installation de nouvelles interconnexions est indispensable.

À long terme, l’analyse économique montre que les producteurs n’investissent que si les prix couvrent également les coûts fixes. Les prix de long terme devraient donc avoisiner les coûts complets d’une centrale, investissements et rémunération des capitaux inclus. Cependant, le rapport de l’Inspection générale des Finances et du Conseil général des mines d’octobre 2004 sur les prix de l’électricité en France et en Europe (5) constate qu’à long terme, il n’y a pas de corrélation entre les prix de marché et le coût de développement d’une centrale, car les prix sont à l’échéance d’un ou deux ans, alors qu’une centrale nucléaire se rentabilise sur plus de quarante ans. Les ajustements en termes de capacités de production peuvent donc prendre plusieurs années.

Cependant, il n’est pas certain que le marché de l’électricité fonctionne de façon concurrentielle. Le manque de transparence des marchés de l’électricité et du gaz est souvent dénoncé. Le président de la CRE, lors de son audition par la commission des Finances le 21 mars 2006, évoquait « d’importants risques d’ententes et de manipulations des prix ».

Afin de réduire l’impact de la hausse des prix de l’électricité sur les entreprises électro-intensives, un dispositif spécifique a été mis en place dans le cadre de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005. Les secteurs qui consomment le plus d’électricité sont ceux de l’électronique, des minerais et métaux, du verre, de la chimie et du papier-carton. Ils doivent affronter une concurrence vive des pays du Moyen-Orient et de la Russie, où l’électricité est beaucoup moins chère grâce aux ressources naturelles en gaz, charbon et énergie hydraulique.

L’article 43 de la loi de finances rectificative pour 2005 permet aux entreprises dont la consommation est supérieure à 2,5 kWh par euro de valeur ajoutée de déduire de leur bénéfice imposable les souscriptions en numéraire au capital de sociétés qui ont pour activité l’acquisition de contrats d’approvisionnement à long terme d’électricité (au moins 15 ans). Un consortium ouvert aux soixante entreprises concernées a été créé, sous le nom d’Exceltium. Il achète de l’électricité aux producteurs sur la base de contrats à long terme, de 15 à 20 ans, et les met à la disposition des entreprises à un prix meilleur que celui proposé par le marché.

Toutefois, l’importante augmentation du prix de marché de l’électricité entre 2004 et 2006 est susceptible de mettre en difficulté de plus petits sites de consommation qui ont fait jouer leur éligibilité, et ne peuvent donc plus revenir au tarif régulé, le choix du marché libre étant aujourd’hui irréversible. L’écart se creuse entre les tarifs régulés et les prix du marché, ce qui peut mettre en péril certaines entreprises dont les concurrents directs n’ont pas fait jouer leur éligibilité, et continuent donc à bénéficier des tarifs régulés. La situation est préoccupante pour les entreprises dont les contrats de fourniture d’électricité arrivent à échéance, et dont le renouvellement s’accompagne d’une forte hausse du prix offert.

C’est pourquoi votre Rapporteur pour avis souhaite que soit trouvée une solution qui permette d’offrir des prix raisonnables à ces entreprises, sans pour autant remettre en cause le principe de l’ouverture des marchés, dont le fonctionnement peut être amélioré. Dans l’immédiat, un tarif d’électricité transitoire inférieur aux prix du marché doit être proposé aux entreprises qui ont exercé leur éligibilité. Parallèlement, il est nécessaire de renforcer la surveillance des marchés de l’électricité et du gaz, afin de garantir leur fonctionnement concurrentiel.

EXAMEN EN COMMISSION

I.– DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du 30 août 2006, votre commission des Finances a procédé à l’examen pour avis des articles 4, 10, 11 et 12 du projet de loi (n° 3201) relatif au secteur de l’énergie.

A la suite de l’intervention de votre Rapporteur, M. Philippe Auberger a souhaité revenir sur le problème du prix de l’électricité. Il est difficile d’accepter l’idée défendue par le Rapporteur selon laquelle la dérégulation n’a eu aucune conséquence sur les prix. Une étude de Nus Consulting Group, datée de mars 2006, a montré qu’entre 2001 et 2006, si le prix régulé a augmenté de 10,6 %, le prix dérégulé a, lui, augmenté de 75,6 %. Or les explications que l’on donne parfois à cette augmentation ne tiennent pas la route : la hausse du prix du pétrole ne saurait expliquer une hausse du prix de l’électricité française, majoritairement produite grâce à l’énergie nucléaire ; de même l’idée avancée par le professeur Jean-Marie Chevallier selon laquelle le coût de construction des nouvelles centrales nucléaires serait plus élevé que celui de la génération précédente ne doit pas être exagérée : ce coût n’explique pas un tel niveau de prix. Le coût de production de l’EPR était situé à 35 euros par MWh. On le chiffre aujourd’hui à 50 euros.

Le Président Pierre Méhaignerie a qualifié ces chiffres de supercherie.

M. Philippe Auberger a estimé que si l’insuffisance des capacités de production pouvait en partie expliquer la hausse des prix, il n’est pas forcément légitime que ce soit le consommateur qui finance l’intégralité des investissements nécessaires. Aujourd’hui on a un peu le sentiment que l’on raconte tout et n’importe quoi pour expliquer cette hausse. Ainsi, quelle est l’incidence de la baisse des cours des émissions de CO2 sur les prix ? Il est indispensable que le Parlement dispose d’informations claires et objectives afin d’avoir une juste idée sur la formation des prix. On ne voit pas l’intérêt de donner plus de pouvoirs à la CRE, laquelle n’est pas infaillible, et dont le point de vue peut et doit être discuté.

M. Henri Emmanuelli a indiqué que son groupe s’interrogeait sur l’utilité de convoquer une session extraordinaire afin de traiter un sujet dont le caractère d’urgence ne va pas de soi, loin de là. Sur le fond, le groupe socialiste entend rétablir le calendrier réel et précis de l’ouverture du marché de l’énergie, calendrier avec lequel certains prennent aujourd’hui trop de libertés. En particulier, il est fréquemment oublié que le compromis de Barcelone de mars 2002 accepté par le gouvernement Jospin comprenait un certain nombre d’engagements quant aux obligations de service public, à l’organisation d’une régulation et à la sécurité des approvisionnements devant équilibrer l’ouverture du marché. Ce sont ces contreparties qui ont été abandonnées par le gouvernement Raffarin par la voix de sa ministre de l’industrie de l’époque, Mme Nicole Fontaine. En outre, ce compromis ne concernait nullement les ménages.

Il est inutile de mettre en avant les bienfaits théoriques de la privatisation que la réalité vient régulièrement démentir. On ne peut que constater un certain angélisme chez les défenseurs forcenés de la privatisation. Le fait est que l’on traverse une crise énergétique importante et que la situation ne va très certainement pas s’améliorer. Cette crise a des conséquences graves et immédiates, tant sur le pouvoir d’achat des ménages que sur la compétitivité des entreprises. On ne peut donc que s’étonner que le Gouvernement choisisse ce moment pour se dessaisir de sa responsabilité en matière de politique énergétique et préfère confier cette dernière à des actionnaires privés, dont l’intérêt sera évidemment de prélever le maximum de profits tant sur les ménages que sur les entreprises, comme le prouvent les hausses du prix de l’électricité décidées par EDF. Il ne s’agit pas d’un problème juridique, mais d’une question politique majeure. Nous avons en France aujourd’hui des entreprises publiques qui ont la responsabilité de l’approvisionnement, de la sécurité des installations et du prix de l’énergie. Et rien ne prouve que là où le secteur de l’énergie est privé cela se passe mieux, bien au contraire. On voit ainsi de nombreuses entreprises qui avaient, peut-être avec une certaine naïveté, fait le choix du prix dérégulé, venir aujourd’hui crier au secours, car la hausse du prix de l’énergie ponctionne l’intégralité de leur marge.

Il n’est pas trop tard pour que la majorité revienne à la raison. Si cela n’était malheureusement pas le cas, et si la majorité devait changer en 2007, la nouvelle majorité ne manquerait pas de revenir sur cette décision : un contrôle public est nécessaire sur ce secteur stratégique, sans que cela passe nécessairement par une nationalisation.

M. Charles de Courson a indiqué que le groupe UDF s’interroge sur la présence du titre III dans ce projet de loi. S’agissant de la transposition de la directive, celle-ci est nécessaire et l’on ne peut que regretter qu’elle intervienne si tardivement, puisque la France figure parmi les trois derniers pays à la transposer. Sur le problème du prix de l’électricité, si la libéralisation n’est pas, en tant que telle, en cause, on ne peut nier que la hausse est due à des tensions importantes sur le marché. Une approche raisonnable serait donc une réversibilité assortie d’un seuil : quand le prix du marché s’écarterait trop fortement, par exemple de 25 %, du prix régulé, il serait possible de revenir au prix régulé ; mais un engagement minimal de deux ans serait nécessaire. Cela pourrait répondre, en partie, aux importantes difficultés rencontrées par certaines entreprises.

L’amendement gouvernemental adopté par la commission des Affaires économiques sur cette question du tarif de retour, avec une remise qui représenterait la moitié du différentiel entre prix de marché et tarif régulé, ne résout pas le problème, tant que les prix du gaz et de l’électricité sur le marché libre continueront à dépendre d’un prix du pétrole trop élevé. La solution réside donc dans l’amendement du groupe UDF, qui instaure un mécanisme de réversibilité avec seuil ; le niveau de ce seuil, comme la durée de blocage des consommateurs dans un type de tarif donné, sont ouverts à la discussion.

S’agissant du marché gazier, il faut, là aussi, se féliciter de la transposition de la directive mais plaider, sur le plan tarifaire, pour une réversibilité avec seuil, pour les mêmes raisons et dans les mêmes conditions que sur le marché de l’électricité. La philosophie libérale du groupe UDF n’exclut pas d’encadrer le fonctionnement du marché libre.

Concernant la fusion entre Suez et GDF, le groupe UDF se montre beaucoup plus critique. Alors qu’une version, d’ailleurs expurgée, de la lettre de griefs de la Commission européenne devrait être prochainement disponible pour les parlementaires, la position définitive de Bruxelles ne sera connue que le 28 octobre prochain. Se pose donc un véritable problème de méthode : comment le Parlement peut-il raisonnablement se prononcer sur une fusion qui devra être assortie de contreparties, en particulier sous forme de cessions d’actifs, dont on ne connaît pas la teneur ? Peut-être se trouvera-t-on même dans l’impossibilité de respecter le seuil de 34 % de détention par l’État du capital de GDF ! La valeur de l’entreprise dépend d’éventuelles cessions.

Il existe également un problème de fond : ni l’intérêt de la France, ni celui de l’Union européenne ne sont respectés en l’espèce. Annoncée en catastrophe par le Premier ministre français, sans concertation avec le gouvernement belge, ni avec la partie italienne, qui a été poignardée, cette fusion est éminemment anti-européenne. Un autre problème est celui de la cohérence de la démarche de l’actuelle majorité, qui revient sur la position qu’elle avait adoptée il y a 18 mois, à la fois sur la question de la fusion multi-énergies et sur la question du seuil de détention publique d’EDF et de GDF. La détention de 34 % du capital de GDF n’a d’ailleurs pas grand sens, lorsque l’on connaît l’importance toute relative d’une minorité de blocage. En outre, légiférer aujourd’hui sur ce sujet, alors que l’avenir du marché de l’énergie est particulièrement incertain, paraît pour le moins inopportun. Il convient d’écarter les faux problèmes, comme celui du statut du personnel de GDF, qui ne sera pas touché, pour se concentrer sur de vraies questions. Par exemple, la pratique de l’action privilégiée est-elle « euro-compatible » ? Le Rapporteur s’est appuyé sur l’exemple belge de Distrigaz, mais il existe aussi des cas d’annulation de telles actions préférentielles par la Cour de justice des Communautés européennes, en l’absence d’intérêt national vital. Par ailleurs, il est ridicule de faire croire que le nouvel ensemble fusionné sera doté d’un poids accru dans les négociations gazières internationales. Chacun sait que les négociations avec les producteurs d’Algérie, de Russie ou de Norvège ne sont pas des négociations commerciales libres, mais impliquent les États. Quant à la synergie entre GDF et les activités environnementales de Suez, elle n’est pas évidente. Enfin, vanter un « partage de valeurs communes » entre les deux entreprises est tout simplement risible, voire insultant pour les députés.

Le Président Pierre Méhaignerie s’est dit perplexe sur ce projet de loi et a déclaré partager beaucoup des remarques émises par les différents intervenants. En premier lieu, il est patent que la CRE n’a pas jusqu’ici fait preuve d’une réelle autonomie, restant par exemple muette lorsque EDF a augmenté ses prix de 60 % sur le marché dérégulé. Des baisses de prix ont au contraire été demandées en Allemagne, quand il est apparu évident que la concurrence ne jouait pas. Deuxièmement, les informations communiquées aux parlementaires sur le prix de revient de l’EPR manquent sérieusement de fiabilité, laissant planer des doutes sur les intérêts poursuivis par EDF dans ce domaine. Troisièmement, il est nécessaire de rechercher aujourd’hui de nouvelles bases pour les tarifs dérégulés de l’électricité. Mais ce faisant, il faut se méfier à la fois d’un alignement trop marqué des prix sur le marché du CO2 et des conditions dans lesquelles sont actuellement signés certains contrats. Quatrièmement, le modèle intégré n’est plus viable pour les entreprises du secteur de l’énergie. Dès lors, il est regrettable que l’option proposée par MM. Jean-Claude Lenoir et Patrick Devedjian, prévoyant une séparation des infrastructures de réseaux de GDF, n’ait pas été retenue. Cinquièmement, le Rapporteur est réaliste lorsqu’il s’interroge sur la pertinence du seuil de détention publique de GDF, mais il faut se garder de trop compliquer le dossier sur ce point. Enfin, l’intérêt industriel de la fusion entre GDF et Suez n’est pas discutable s’agissant des investissements, de la production et de la distribution, mais il ne faut pas se cacher le problème qui se pose concernant les infrastructures de transport.

M. Michel Bouvard a souligné que ce débat est la dernière occasion d’aborder la question du prix de l’électricité sous la présente législature. Or, ce prix n’est pas sans incidence sur le pouvoir d’achat des ménages, ni sur la pérennité de certaines industries de base dans notre pays, qui représentent plus de 130.000 emplois. En la matière, ce que contient le projet de loi ne change rien au prix de l’électricité payé par les industriels : il n’apporte pas les garanties nécessaires à l’heure des choix. Alors qu’au prix d’importants efforts, il a été possible de créer un consortium dans le but d’offrir des tarifs privilégiés aux industries électro-intensives, les prix proposés dans ce cadre sont finalement les mêmes que ceux qu’avaient annoncés le président d’EDF lors de son audition devant la commission des Finances. Pourtant, de tels tarifs sont en décalage complet avec la réalité des coûts de production, comme en témoignent une étude de la direction générale de l’énergie et des matières premières réalisée en 2003 – qui aboutissait à un coût de 30 euros par MWh –, un rapport de l’inspection générale des finances et du conseil général des mines de 2004, ainsi que les déclarations de l’ancien président d’EDF – retenant des coûts de l’ordre de 35 à 37 euros par MWh. Un tel décalage, de même d’ailleurs que le décalage observable entre l’électricité produite par l’EPR en Finlande et celle qui sera produite par l’EPR en France, mérite la constitution d’une mission d’information pour connaître la vérité des coûts. En toute hypothèse, le projet de loi ne répond pas aux attentes des industriels. Ce projet mérite par ailleurs d’être amendé pour que soit créée, sur le modèle allemand, une possibilité de tarif spécifique au profit de sites situés à proximité d’une unité de production. Enfin, l’État doit jouer dans le secteur énergétique son rôle d’actionnaire majoritaire plutôt que de laisser le champ libre à la CRE, qui n’a pas jusqu’à présent démontré toutes les qualités dont elle se pare : tout ce qu’elle demande, c’est la création d’une taxe qui lui soit affectée.

M. Jean-Jacques Descamps a précisé que l’on ne doit pas perdre de temps car les marchés européens et mondiaux sont en train de se réorganiser rapidement et que les industriels qui ont exercé leur éligibilité et qui veulent revenir au tarif régulé sont dans une situation difficile.

Il y a contradiction à raisonner de façon exclusivement française - et vouloir conserver l’avantage du nucléaire en termes de prix - alors que le marché est libéralisé en Europe. L’Union européenne doit rapidement se remettre en situation d’équilibre du marché entre l’offre et la demande, grâce notamment à l’émergence de grands groupes industriels. La nécessité d’investir est évidente. Ainsi le président d’EDF déclarait récemment qu’il devait investir plus de 24 milliards d’euros en 5 ans pour équilibrer l’offre et la demande. Mais la culture populaire et salariale en France n’est pas habituée à des évolutions aussi rapides.

La solution qui a été choisie de maintenir le choix entre le tarif règlementé et le secteur libre est difficile à tenir. Dans l’amendement de la Commission des affaires économiques, on ne comprend pas bien dans quelles conditions EDF et Suez prendraient en charge les compensations dues aux autres producteurs, ce qui constituerait d’ailleurs une renationalisation du marché sur la base de deux producteurs. La proposition avancée par M. Charles de Courson, sur la réversibilité à seuil du retour au tarif, est préférable. Par ailleurs EDF se trouve dans une situation dominante, et ses pratiques tarifaires risquent de poser des problèmes juridiques au regard des règles européennes de la concurrence. La CRE devrait être plus directive et ses pouvoirs de régulation sur les prix devraient être renforcés. Une CRE puissante qui régule le marché est préférable au maintien d’une participation prédéfinie de l’État dans les entreprises énergétiques françaises.

Il est erroné de dire que l’intérêt des consommateurs dépend du niveau du pourcentage de l’État dans GDF. C’est le management de cette entreprise qui génère des bénéfices, pas l’État. En outre, le niveau de participation de l’État est condamné à baisser, comme l’a fait remarquer le Rapporteur pour avis. De plus comment justifier une participation dans GDF à hauteur de 34 %, alors qu’elle est de 70 % dans EDF ? La solution semble donc dans la formulation proposée par le Rapporteur pour avis, qui prévoit que l’État « doit conserver une participation » dans le capital de GDF, avec une action spécifique. Contrairement à ce qu’avancent les présidents d’EDF et de GDF, il faut séparer clairement la production, le transport et la distribution, que tous les consommateurs utilisent. La production doit être totalement libéralisée et privatisée ; par contre l’État pourrait garder une certaine participation dans le transport et la distribution d’énergie, qui gagneraient à être mutualisés entre les différentes sources.

En réponse aux intervenants, votre Rapporteur pour avis a cité les statistiques de la CRE, qui montrent qu’il n’existe pas de corrélation entre l’ouverture des marchés et la hausse des prix de gros.

Dans notre pays, la rente du nucléaire a été liée à l’investissement de la puissance publique ; ce qui a bénéficié aux consommateurs a, en fait, été financé par les contribuables. On a ensuite remplacé le contribuable par le consommateur, mais c’est toujours le Français qui paye... D’une certaine manière, l’émergence du marché européen de l’énergie se traduit maintenant par une captation de la rente nucléaire française au profit des consommateurs européens. Ce n’est que la conséquence de l’acceptation de l’ouverture des marchés de l’énergie, lors du Conseil européen de Barcelone en 2002, par le gouvernement français de l’époque.

La lettre de griefs de la Commission européenne sur la fusion GDF - Suez n’inquiète pas outre mesure les présidents de ces deux entreprises, dans la mesure où elle n’a pas conclu à la nécessité de se séparer des réseaux de transport.

M. Henri Emmanuelli a indiqué qu’il est étonnant que personne ne demande à M. Gérard Mestrallet pourquoi aucun pôle énergétique n’a, pour l’instant, été créé.

M. Didier Migaud a demandé que le texte intégral non expurgé de cette lettre de grief soit communiqué à la Commission des finances, dans le cadre des pouvoirs de son Président et de ses rapporteurs spéciaux. Il est essentiel que le point de la cession d’actifs soit transmis, car il pourrait remettre en cause encore davantage la pertinence du projet de loi. A défaut, le Parlement serait amené à s’exprimer sur un texte de loi sans disposer de tous les éléments.

M. Charles de Courson a indiqué que la Commission européenne avait accepté de transmettre le document à la Commission des affaires économiques, expurgé de certains éléments confidentiels portant sur les marchés.

M. Philippe Auberger a rappelé que la loi sur les privatisations de 1986 ne permet pas au Parlement d’exercer un contrôle a priori sur les actifs à céder.

M. Henri Emmanuelli a alors estimé que dans ces conditions il fallait accepter de « se faire voler sans rechigner ».

M. Philippe Auberger a souligné que la loi sur la sécurité financière a précisé la notion d’initié, dont la liste précise est arrêtée, et qui ne peuvent divulguer d’informations auxquelles ils ont accès. Les autres personnes n’ont donc pas accès aux informations qui peuvent avoir des conséquences sur les marchés financiers.

Votre Rapporteur pour avis a rappelé que la lettre de grief devrait être transmise expurgée des informations commerciales confidentielles, et qu’il serait normal qu’elle soit mise à la disposition des membres de la commission des Finances. Mais il ne faut pas se tromper de texte, le présent projet de loi ne concerne que le niveau de la participation de l’État dans le capital de GDF, pas le projet de fusion avec Suez.

M. Henri Emmanuelli a déclaré que les deux sujets sont indissociables et que les députés français ont le droit de vérifier que le patrimoine national n’est pas bradé.

Votre Rapporteur pour avis a estimé que l’on ne pouvait en même temps reprocher à la CRE d’être impuissante et refuser de renforcer ses pouvoirs. C’est la raison pour laquelle il faut élargir ses pouvoirs de régulation des marchés.

M. Henri Emmanuelli a demandé qui contrôle la CRE.

Votre Rapporteur pour avis a rappelé que les membres de la CRE sont désignés au niveau politique. Ce système d’agence fonctionne correctement, ici comme ailleurs.

Il n’y a aucune logique à ce que, dans un univers concurrentiel, un fournisseur d’électricité ou de gaz possède les réseaux de transport et de distribution, alors que tous les fournisseurs doivent emprunter les mêmes réseaux. Il ne serait pas choquant qu’une entité chargée de ces réseaux, qui constituent une sorte de monopole naturel, continue à être détenue par des capitaux publics.

M. Charles de Courson a stigmatisé la contradiction qu’il y aurait à individualiser le réseau de distribution de gaz et obliger légalement à une participation de l’État d’au moins 34 %, puisqu’on retire une très grosse partie de la valeur de l’entreprise si on enlève les réseaux. Il faut rappeler l’article 31 de la loi de finances rectificative de 2001 où le gouvernement de l’époque a supprimé les concessions gazières et vendu le réseau du Sud-Ouest à Total et GDF, tout en recapitalisant GDF, qui n’était que concessionnaire d’un réseau détenu par l’État. On a alors fait une énorme erreur, car avec des concessions on aurait pu beaucoup plus facilement appliquer une maîtrise unique, sous le contrôle de l’État, des réseaux de transport et de distribution.

II.– EXAMEN DES ARTICLES

La Commission a ensuite examiné les articles 4, 10, 11 et 12 du projet de loi.

Titre Ier

OUVERTURE DES MARCHÉS ET LIBRE CHOIX
DES CONSOMMATEURS

Articles additionnels avant l’article 4

Les entreprises qui ont opté pour le marché en exerçant leur éligibilité pour l’électricité sont confrontées aujourd’hui à des hausses de prix importantes lorsque leur fournisseur leur propose le renouvellement de leur contrat. Dans certains secteurs, le coût de l’énergie est un des facteurs qui poussent à la délocalisation. C’est pourquoi votre Rapporteur pour avis a proposé un amendement prévoyant de permettre aux clients pour lesquels le prix payé pour un site est supérieur à une fois et demie le tarif réglementé de leur catégorie, de revenir au tarif réglementé pour la moitié de leur consommation pour ce même site. Cela ne changerait pas les autres clauses du contrat. Les clients concernés conserveront le même fournisseur et paieront l’autre moitié de leur consommation au prix prévu au contrat.

Autrement dit, le prix moyen qui serait payé pour l’ensemble de la consommation du site équivaudra à une moyenne entre le tarif réglementé de la catégorie et le prix prévu au contrat.

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Votre Commission a examiné, en discussion commune, trois amendements :

– le premier présenté par votre Rapporteur pour avis prévoyant que lorsque le prix de l’électricité dépasse 150 % du tarif réglementé, le client peut demander à bénéficier de ce tarif pour la moitié de la consommation du site ;

– le deuxième de M. Charles de Courson prévoyant que le consommateur qui a exercé son éligibilité depuis plus de deux ans peut bénéficier d’un retour au tarif réglementé de l’électricité ou du gaz lorsque le prix de l’énergie dépasse de plus de 20 % ce tarif ;

– le troisième de M. Didier Migaud renvoyant à une loi le soin de fixer le retour au tarif réglementé dans les quatre mois suivant l’autorisation de la Commission européenne de mettre en place une telle loi.

Votre Rapporteur pour avis a jugé indispensable la mise en place d’un mécanisme de retour aux tarifs réglementés. Le dispositif de l’amendement qu’il propose présente l’avantage de laisser perdurer un lien avec le marché. En revanche, la question du seuil de déclenchement du retour au tarif peut largement être débattue et faire l’objet d’une synthèse.

M. Charles de Courson a souligné que l’amendement de votre Rapporteur pour avis ne porte que sur l’électricité. En outre, le dispositif est conçu pour ne s’appliquer que pendant une durée de deux ans.

Le Président Pierre Méhaignerie s’est déclaré perplexe sur le seuil de 20 % préconisé par M. Charles de Courson.

Votre Rapporteur pour avis a jugé que le défaut majeur de l’amendement de M. de Courson est qu’il prévoit un retour pur et simple au tarif.

M. Henri Emmanuelli a rappelé que lors de leur audition les représentants des industries ont demandé un retour au tarif réglementé.

M. Didier Migaud a indiqué que dans la mesure où des milliers d’emplois étaient en jeu, le retour à un tarif réglementé devait s’exercer sans condition.

Le Président Pierre Méhaignerie, tout en rappelant son attachement à un mécanisme de modulation tarifaire, a rappelé que certains industriels ont profité au début de l’ouverture d’un tarif sur le marché inférieur au tarif régulé. Il convient donc de prévoir un mécanisme intermédiaire entre les deux amendements.

M. Didier Migaud, en défendant son amendement, a rappelé que la discussion de ce texte ne se déroule pas dans des conditions satisfaisantes. L’abaissement de la participation de l’État au capital de GDF se fait alors même qu’on ne dispose pas d’éléments d’information sur la position de la Commission européenne. Il convient de souligner que si la majorité précédente a admis le principe de l’ouverture du capital, celui-ci était alors assorti de conditions protectrices du consommateur et ne s’appliquait pas aux ménages. Ces conditions ont disparu du fait de la position prise par le gouvernement Raffarin. S’agissant du retour au tarif, celui-ci doit pouvoir s’exercer de façon simple.

M. Charles de Courson a estimé que le mécanisme proposé par son amendement permet de plafonner l’écart entre le tarif de marché et le tarif régulé, puisque le consommateur aura la possibilité, tous les deux ans, d’arbitrer entre ces deux tarifs.

Le Président Pierre Méhaignerie s’est déclaré favorable à la proposition formulée par M. Charles de Courson sous réserve d’une augmentation du seuil autorisant le retour au prix réglementé, afin de donner à EDF les moyens d’assurer les investissements lourds auxquels elle doit faire face dans les prochaines années.

Votre Rapporteur pour avis a estimé que le dispositif ainsi proposé consiste à revenir au tarif réglementé, tandis que son amendement permet de conserver un lien avec le prix du marché, ce qui est souhaitable.

M. Philippe Auberger en a souligné la facilité de mise en œuvre du mécanisme proposé par M. Charles de Courson et a proposé que le retour au tarif réglementé soit assorti d’une majoration dans la mesure où les clients éligibles ont bénéficié jusqu’en 2004 de tarifs inférieurs à ceux réglementés. Il a suggéré que cette majoration soit fixée entre 20 % et 30 % du tarif réglementé.

Votre Commission a alors examiné un sous-amendement de M. Nicolas Perruchot à l’amendement de M. Charles de Courson tendant d’une part à relever à 25% l’écart entre le prix de vente de l’énergie et le tarif régulé qui autorise le consommateur éligible à retourner au tarif réglementé, d’autre part à assortir ce tarif d’une majoration de 20%.

Votre Commission a adopté l’amendement (n° 88 410) de M. Charles de Courson, ainsi modifié. De ce fait, les deux autres amendements sont devenus sans objet.

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Afin de ne pas « refermer » le marché via le retour partiel aux tarifs régulés que les fournisseurs alternatifs, qui s’alimentent sur le marché de gros, ne sont pas capables de servir, il faut permettre à ces fournisseurs d’avoir accès à la production d’origine nucléaire et hydraulique au niveau de leur coût de revient.

Indépendamment même du retour partiel aux tarifs régulés pour les entreprises qui ont fait jouer leur éligibilité, il est nécessaire de favoriser l’ouverture du marché en amont. La position dominante d’EDF dans le domaine de la production nucléaire, et le maintien de tarifs réglementés, dont le niveau est sensiblement inférieur à ceux des marchés de gros européens, ne permettront pas le développement réel de la concurrence sur le marché des particuliers.

Le marché français de la production est très concentré. Depuis 2001, la structure des marchés en amont (production et importation) est restée stable : EDF dispose toujours de 87 % de la puissance installée en France. En revanche, sur la même période, la structure des marchés en aval (fourniture et exportation) s’est beaucoup transformée, avec le doublement de la taille du marché des clients éligibles. Cependant, la très forte concentration des marchés en amont conjuguée à l’ouverture des marchés en aval génère pour les opérateurs alternatifs des difficultés pour assurer l’approvisionnement de leurs clients.

Dans sa décision du 7 février 2001 autorisant la prise de contrôle par EDF de l’opérateur allemand EnBW, la Commission européenne a imposé à l’opérateur français de mettre en vente une partie de sa production d’électricité sur le marché de gros français pendant une durée minimale de 5 ans, afin de faciliter l’accès du marché français de l’électricité aux concurrents d’EDF. Ces ventes, appelées VPP (Virtual Power Plant – centrales électriques virtuelles), prennent la forme d’enchères dans lesquelles les concurrents achètent des portions de la puissance produites par certaines centrales.

Cette première période d’engagement étant révolue, la question de l’arrêt ou de la poursuite du dispositif des VPP se pose aujourd’hui. À cette fin, la CRE a lancé le 15 décembre 2005 une consultation publique sur les VPP. Certains acteurs du marché considèrent que les VPP n’ont pas démontré leur utilité, car elles n’ont pas permis aux clients finals de bénéficier d’offres de fourniture à des prix inférieurs à ceux du marché de gros. En effet, les principes retenus pour attribuer l’énergie correspondante (mise aux enchères, durée des contrats) ramènent les prix des VPP vers les prix du marché de gros.

La CRE demeure favorable à l’existence d’un programme régulé de mise à disposition d’électricité par EDF. Dans sa communication du 16 mars 2006, la CRE a précisé que ce programme pourrait s’appuyer sur le modèle VPP sous réserve d’évolutions, notamment la régulation de ce dispositif ex ante, l’allongement de la durée des contrats et l’indexation des prix.

Quelle que soit la forme retenue pour la cession de capacités, il faudra poursuivre l’effort d’ouverture du marché de la production. En effet, la France a également donné des garanties d’ouverture effective de son marché intérieur aux pouvoirs publics italiens dans le cadre du compromis obtenu dans le dossier Edison en 2005.

Par ailleurs, la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne a rendu public, le 16 février 2006, un rapport préliminaire sur l’enquête qu’elle mène depuis le 13 juin 2005 sur les secteurs de l’électricité et du gaz. Dans ce rapport, la Commission évoque « un recours plus systématique à des programmes régulés de mise à disposition d’électricité et de gaz, destinés à atténuer les effets de la concentration amont des marchés et à injecter de la liquidité sur les marchés, et à toute autre mesure permettant de réduire les effets de la concentration ».

Votre Rapporteur pour avis vous proposera donc un amendement prévoyant un mécanisme de cession d’une partie de la production nucléaire et hydraulique française aux fournisseurs des clients en France, à un prix qui approche les coûts complets de production. Il suggère d’étendre le mécanisme de cession d’électricité aux distributeurs non nationalisés (DNN).

Les tarifs de cession de l’électricité aux DNN sont établis en fonction des coûts complets de production de cette énergie (6). Ces tarifs comportent une part fixe et une part proportionnelle. La part fixe et la part proportionnelle dépendent des caractéristiques intrinsèques de la fourniture, et notamment de la puissance souscrite par le distributeur, et du mode d’utilisation de cette puissance au cours de l’année et en particulier de la période et de la durée d’utilisation. Les dispositions relatives aux périodes tarifaires et au calcul de la puissance sont contenues dans les barèmes de tarifs de cession. Le niveau moyen des tarifs de cession s’élève à environ 30 euros par MWh.

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Votre Commission a examiné un amendement de votre Rapporteur pour avis prévoyant que les fournisseurs qui disposent de moins de 10 % de la capacité de production installée sur le territoire national ont accès à un volume d’électricité à un tarif privilégié.

Votre Rapporteur pour avis a précisé que cet amendement consiste à mettre à disposition des producteurs alternatifs un volume d’électricité au prix auquel EDF le cède aux distributeurs non nationalisés.

Évoquant le cas de petites centrales hydrauliques, M. Henri Emmanuelli a regretté que l’on donne ainsi une rente de situation, artificielle, à des intérêts privés.

M. Michel Bouvard s’est étonné qu’un producteur d’électricité à partir de l’éolien ou du gaz, donc produisant moins de 10% de l’électricité sur le territoire, puisse avoir accès à l’électricité nucléaire au tarif EDF, alors qu’EDF est obligée d’investir de manière importante et sur le long terme.

M. Philippe Auberger s’est interrogé sur l’opportunité de subventionner de la sorte des projets comme celui d’une centrale au charbon dans la Nièvre. Votre Rapporteur pour avis a précisé qu’il s’agissait de permettre aux fournisseurs alternatifs de conserver leurs clients éligibles.

Le Président Pierre Méhaignerie s’est déclaré favorable à l’amendement de votre Rapporteur. Il a estimé qu’il est normal que les fournisseurs alternatifs bénéficient d’une part de l’électricité au tarif EDF, sans quoi la faculté pour le consommateur de revenir au tarif régulé les fera disparaître. Ces petites entreprises apportent des services aux entreprises et favorisent la concurrence entre les grands groupes d’énergie.

Votre Rapporteur pour avis a précisé que seule la production d’origine nucléaire ou hydraulique est visée.

Votre Commission a adopté cet amendement (n° 88 411).

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Article 4

Conditions d’accès aux tarifs réglementés

Cet article propose une nouvelle rédaction de l’article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique. Dans sa rédaction actuelle, l’article 66 prévoit que les tarifs réglementés de l’électricité bénéficient, à sa demande, à un consommateur éligible pour la consommation finale d’un site pour lequel il n’exerce pas son éligibilité, et à la condition que celle-ci n’ait pas précédemment été exercée, pour ce site, par ce consommateur ou par une autre personne.

La notion d’éligibilité est définie par l’article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 comme la possibilité pour un consommateur de conclure un contrat d’achat d’électricité avec un producteur ou un fournisseur de son choix installé sur le territoire d’un État membre de la Communauté européenne ou, dans le cadre de l’exécution d’accords internationaux, sur le territoire d’un autre État.

La nouvelle rédaction proposée pour l’article 66 étend les conditions d’accès aux tarifs réglementés de l’électricité et du gaz à l’ensemble des consommateurs, y compris les ménages, qui sont devenus éligibles en vertu des articles 1er et 2 du présent projet de loi. L’article 66 comporte trois paragraphes.

Le paragraphe I concerne les consommateurs finals professionnels. Il reprend les principes retenus par l’article 66 dans sa présente rédaction. Le premier alinéa du paragraphe I (alinéa M) énonce le principe de l’irréversibilité de l’exercice de l’éligibilité : ainsi, tout consommateur professionnel bénéficie des tarifs réglementés de vente d’électricité ou de gaz naturel pour un site s’il le demande, à la condition qu’il ne fasse pas et n’ait pas déjà fait jouer son éligibilité pour le site en question. Dans l’exercice de l’éligibilité, c’est la notion de site qui importe et non l’identité de la personne qui l’exerce. Ainsi, le choix du marché pour un site particulier est définitif, indépendamment des changements éventuels qui peuvent intervenir dans la gestion ou la propriété du site. En revanche, l’exercice de l’éligibilité pour une des deux formes d’énergie n’entraîne pas ce même exercice pour l’autre : sur un même site, il est possible de demander les tarifs réglementés pour l’électricité et de signer un contrat dans les conditions du marché pour le gaz.

Le deuxième et dernier alinéa du I (alinéa N) vise les sites qui seront créés après l’entrée en vigueur du titre Ier, c’est-à-dire après le 1er juillet 2007 : pour ceux-ci, le précédent alinéa ne s’appliquera que jusqu’au 31 décembre 2007. Cela signifie que les sites créés au-delà du 31 décembre 2007 ne pourront pas bénéficier des tarifs réglementés. Ils se verront automatiquement proposer les prix du marché, pour le gaz comme pour l’électricité.

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Votre Commission a examiné un amendement de M. Michel Bouvard visant à permettre aux nouveaux sites de consommation de bénéficier de tarifs réglementés. Le Rapporteur pour avis s’étant déclaré favorable à cet amendement (n° 88 412), la Commission l’a adopté. De ce fait, un amendement de M.  Michel Bouvard sur le maintien des tarifs réglementés pour des clients professionnels, faibles consommateurs, est devenu sans objet.

Puis votre Commission a rejeté deux amendements de M. Didier Migaud, soutenus par M. Henri Emmanuelli :

– le premier pour fixer les tarifs réglementés de l’électricité en fonction des coûts de revient des installations existantes et des investissements futurs ;

– le second procédant de la même manière pour le gaz.

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Le paragraphe II (alinéa O) concerne les consommateurs finals domestiques de gaz et d’électricité, c’est-à-dire les ménages. Il prévoit que les tarifs réglementés leur sont automatiquement appliqués (contrairement aux professionnels, ils n’ont pas à en faire la demande) à moins qu’ils n’aient fait jouer leur éligibilité. Comme pour les professionnels, le choix du marché dérégulé est irréversible. L’exercice de l’éligibilité s’apprécie par personne et par site. Une même personne peut donc faire jouer son éligibilité pour un logement et rester soumise au tarif réglementé pour un autre. Une personne qui emménage dans un appartement dont le précédent occupant avait signé un contrat de fourniture de gaz ou d’électricité dans les conditions du marché se verra quand même proposer les tarifs réglementés. Comme pour les professionnels, l’exercice de l’éligibilité s’apprécie indépendamment pour l’électricité et pour le gaz.

Le paragraphe III (alinéa P) prévoit un décret en Conseil d’État pour l’application de cet article, « en tant que de besoin ».

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Votre Commission a rejeté deux autres amendements de M. Didier Migaud, soutenus par M. Henri Emmanuelli :

– l’un maintenant la possibilité d’un tarif réglementé d’électricité en cas d’adhésion à une offre multi-énergie ;

– l’autre prévoyant le même dispositif pour le gaz naturel.

Puis la Commission a adopté l’article 4, ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 4

Extension des attributions de la Commission de régulation de l’énergie

Le manque de transparence des marchés de l’électricité et du gaz est dénoncé de façon récurrente. L’évolution des prix peut faire craindre certains dysfonctionnements. La position encore souvent dominante des opérateurs historiques sur leurs marchés nationaux, à l’instar d’EDF en France, fait courir d’importants risques d’ententes et de manipulations des prix.

Votre Rapporteur pour avis souhaite donc que le pouvoir de contrôle des marchés du gaz et de l’électricité par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) soit renforcé, conformément aux recommandations du rapport de l’Inspection générale des Finances et du Conseil général des mines d’octobre 2004 sur les prix de l’électricité en France et en Europe.

La CRE est en charge de la régulation des marchés de l’électricité et du gaz naturel. La loi n° 2000-108 du 10 février 2000 a créé la CRE en tant que régulateur du marché de l’électricité. La loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 a étendu les compétences de la CRE au secteur du gaz, sans pour autant lui octroyer l’ensemble des pouvoirs dont elle dispose dans le domaine de l’électricité. Votre Rapporteur pour avis souhaite que les attributions de la CRE soient les mêmes pour ces deux formes d’énergie.

En ce qui concerne la surveillance des marchés, il convient d’étendre les pouvoirs de la CRE à la surveillance des marchés de gré à gré. Les articles 51 et 52 de la loi du 13 juillet 2005 ont donné compétence à la CRE pour surveiller les transactions effectuées sur les marchés organisés de l’électricité et du gaz et les échanges aux frontières. Or, les marchés organisés sont inexistants en matière de gaz, tandis que Powernext, la bourse de l’électricité, ne représente que 10 % de l’ensemble des transactions sur le marché de gros de l’électricité. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est compétente pour surveiller ces marchés, mais elle ne possède pas l’expertise technique que requièrent ces secteurs.

La surveillance de la formation des prix consiste à vérifier l’absence d’exercice de pouvoir de marché par un producteur ou un fournisseur. Cette surveillance s’appuie en particulier sur l’analyse des prix pratiqués par les producteurs au regard de leurs coûts de production ou ceux des fournisseurs au regard de leurs coûts d’approvisionnement et de commercialisation. La surveillance des transactions consiste à s’assurer qu’aucun acteur ne cherche à manipuler le prix par ses offres d’achat ou de vente. La surveillance et la collecte des données par le régulateur se feront selon des procédures simples et légères pour les opérateurs. Les producteurs et fournisseurs disposent déjà de ces informations par traitement informatique.

Votre Rapporteur pour avis vous propose donc deux amendements concernant l’étendue du pouvoir de surveillance de la CRE, l’un concernant le marché de l’électricité et modifiant la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, l’autre concernant le marché du gaz et modifiant la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie.

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La Commission a examiné un amendement de votre Rapporteur pour avis prévoyant que la CRE surveille la formation des prix et les transactions sur les marchés de l’électricité.

Après que M. Jean-Louis Dumont ait insisté sur l’application de ce dispositif aux bourses d’électricité, la Commission a adopté cet amendement (n° 88 413).

Puis la Commission a adopté un amendement de votre Rapporteur pour avis prévoyant que la CRE surveille la formation des prix et des transactions sur les marchés du gaz naturel (n° 88 416).

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Votre Rapporteur souhaite également renforcer le pouvoir réglementaire de la CRE en ce qui concerne le secteur du gaz naturel, parallèlement aux compétences dont elle dispose s’agissant de l’électricité, afin de mieux garantir le traitement objectif, non discriminatoire et transparent de l’accès des tiers aux réseaux.

L’article 37 de loi n° 2000-108 du 10 février 2000 a doté la CRE d’un pouvoir réglementaire supplétif pour le secteur de l’électricité comparable à celui dévolu aux autres autorités de régulation sectorielle (Conseil supérieur de l’audiovisuel, Autorité des marchés financiers, Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) et encadré par une liste de matières techniques ayant une portée limitée tant par leur objet que par leur contenu. Cette compétence a ainsi permis à la CRE, dans sa décision du 7 avril 2004, d’imposer aux gestionnaires de réseaux de transport et de distribution d’électricité l’établissement et la publication de référentiels techniques, qui permettent d’apporter aux utilisateurs des réseaux l’information qui leur est nécessaire sur les conditions techniques, réglementaires et contractuelles de raccordement et d’accès aux réseaux publics d’électricité, et de leur assurer, ainsi, un traitement non discriminatoire et transparent.

La loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 a étendu les compétences de la CRE au secteur du gaz, sans lui octroyer ce pouvoir réglementaire supplétif. Votre Rapporteur pour avis proposera donc un amendement prévoyant une compétence réglementaire supplétive pour le secteur du gaz, calquée sur celle que la CRE détient pour l’électricité et limitée aux matières techniques suivantes :

– les missions des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution de gaz naturel en matière d’exploitation et de développement des réseaux ;

– les missions des gestionnaires des installations de gaz naturel liquéfié et celles des opérateurs de stockages souterrains de gaz naturel ;

– les conditions de raccordement aux réseaux de transport et de distribution de gaz naturel ;

– les conditions d’utilisation des réseaux de gaz naturel et des installations de gaz naturel liquéfié ;

– la conclusion de contrats d’achat et de protocoles par les gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution ;

– les périmètres de chacune des activités faisant l’objet d’une séparation comptable en application de l’article 8 de la loi du 3 janvier 2003, les règles d’imputation comptable appliquées et les principes déterminant les relations financières entre ces activités.

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Votre Commission a adopté un amendement (n° 88 414) de votre Rapporteur pour avis conférant à la CRE un pouvoir réglementaire supplétif pour le secteur du gaz.

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Votre Rapporteur pour avis souhaite également étendre les pouvoirs de sanction de la CRE à l’accès des tiers aux stockages de gaz naturel.

Les pouvoirs de sanction de la CRE sont prévus à l’article 40 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, qui dispose que la CRE peut « sanctionner les manquements qu’elle constate de la part des gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité, des opérateurs des ouvrages de transport ou de distribution de gaz naturel ou des exploitants des installations de gaz naturel liquéfié ou des utilisateurs de ces réseaux, ouvrages et installations ».

La loi n° 2004-803 du 9 août 2004 a transposé les obligations de la directive 2003/55 en matière d’accès des tiers aux stockages. Toutefois, la compétence de la CRE pour sanctionner les gestionnaires d’infrastructures de gaz n’a pas été étendue aux opérateurs en charge des installations de stockage de gaz. Afin de garantir que l’accès des tiers à toutes les infrastructures essentielles est mis en œuvre de manière transparente et non discriminatoire, le pouvoir de sanction de la CRE doit être étendu aux manquements de la part des gestionnaires et des utilisateurs d’installations de stockage de gaz naturel.

Les règles susceptibles de faire l’objet de manquements sanctionnés par la CRE sont les suivantes :

– toute disposition législative ou réglementaire relative à l’accès aux réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation ;

– les décisions prises par la CRE ;

– les règles de séparation comptable qui s’appliquent aux activités de transport et de stockage de gaz naturel et de distribution d’électricité et de gaz ;

– les obligations de communication de documents et d’informations prévues par la loi, ou l’obligation de donner accès à la comptabilité, ainsi que les informations économiques, financières et sociales prévues à l’article 27 de la loi du 10 février 2000.

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Votre Commission a adopté un amendement (n° 88 415) de votre Rapporteur pour avis étendant le pouvoir de sanction de la CRE aux manquements aux règles de stockages de gaz naturel, après que M. Henri Emmanuelli a souligné que ce dispositif ne vise pas la sécurité mais les règles de concurrence, ce qui est totalement paradoxal.

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Votre Rapporteur pour avis estime que les programmes d’investissements dans les réseaux de transports de gaz naturel doivent être approuvés par la CRE, comme c’est déjà le cas en ce qui concerne le transport d’électricité.

L’article 14 de la loi du 10 février 2000 dispose que le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité exploite et entretient le réseau public de transport d’électricité. Il élabore chaque année à cet effet un programme d’investissements, qui est soumis à l’approbation de la CRE. L’approbation du programme d’investissements est, en effet, le moyen le plus efficace pour la CRE de « remédier à l’encombrement du réseau », mission assignée aux régulateurs par la directive 2003/54 s’agissant de l’électricité, et par la directive 2003/55 s’agissant du gaz.

La loi du 3 janvier 2003 a étendu les compétences de la CRE au secteur du gaz, sans lui donner la compétence d’approuver le programme d’investissement dans les réseaux de transport.

Votre Rapporteur pour avis a proposé un amendement alignant les compétences de la CRE dans le secteur du gaz naturel sur celles dont elle dispose dans le secteur électrique en lui donnant le pouvoir d’approuver les programmes d’investissements des gestionnaires des réseaux publics de transport de gaz.

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Votre Commission a ensuite examiné un amendement de votre Rapporteur pour avis prévoyant que le programme d’investissement relatif au transport de gaz est soumis à l’approbation préalable de la CRE.

M. Philippe Auberger a rappelé qu’il n’y avait que des capitaux publics dans la filiale de transport de gaz naturel et que l’État devait de toute façon être majoritaire. Dans ces conditions, le programme d’investissement est naturellement arrêté par l’État.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité ne pas rendre les procédures plus complexes.

Votre Commission a rejeté cet amendement.

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Titre III

DISPOSITIONS RELATIVES AU CAPITAL DE GAZ DE FRANCE
ET AU CONTRÔLE DE L’ÉTAT

Le titre III autorise la privatisation de Gaz de France, et prévoit les mesures qui l’accompagnent afin de maintenir un contrôle de l’État sur Gaz de France et sur la société gestionnaire du réseau de transport de gaz.

Article 10

Part du capital d’EDF et de Gaz de France détenue par l’État, modalités
de contrôle public sur Gaz de France et ses filiales et autorisation
de privatisation de Gaz de France

L’article 10 autorise et encadre la privatisation de Gaz de France par trois dispositions : la fixation de la participation de l’État dans le capital de la société à au moins un tiers, la création d’une action spécifique et la possibilité de nommer un commissaire du Gouvernement auprès de Gaz de France. Il remplace l’article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 et y insère les articles 24-1 et 24-2.

Dans un premier temps, votre Rapporteur pour avis s’est posé la question de savoir si la privatisation de Gaz de France était permise par la Constitution et si elle était opportune. Après y avoir répondu par l’affirmative, il a étudié la manière dont cette privatisation doit être encadrée pour protéger les intérêts nationaux.

I.– LA PRIVATISATION DE GAZ DE FRANCE EST POSSIBLE DU POINT
DE VUE JURIDIQUE, ET SOUHAITABLE DU POINT DE VUE ÉCONOMIQUE

L’article 24 de la loi du 9 août 2004 a transformé EDF et Gaz de France en sociétés anonymes, dans le capital desquelles la participation de l’État est supérieure à 70 %. Le projet de loi initial prévoyait que la participation de l’État serait au moins égale à 50 %. C’est un amendement parlementaire qui a relevé ce seuil à 70 %.

Le paragraphe I de l’article 10 propose une nouvelle rédaction de l’article 24 de la loi de 2004 (alinéa M). Les dispositions relatives à EDF ne changent pas : celle-ci demeure une société anonyme dont l’État détient plus de 70 % du capital. La privatisation de Gaz de France est autorisée, puisque le seuil minimal de détention au-dessus duquel la participation de l’État doit être maintenue est fixé à un tiers.

Après avoir montré que la privatisation de Gaz de France n’est pas contraire à la Constitution, votre Rapporteur pour avis étudiera son opportunité économique.

A.– LA PRIVATISATION DE GAZ DE FRANCE N’EST PAS CONTRAIRE
À LA CONSTITUTION, POUR PEU QUE LE SERVICE PUBLIC DU GAZ DEMEURE ENCADRÉ PAR LE LÉGISLATEUR

– L’activité de Gaz de France ne constitue ni un monopole de fait ni un service public national au sens du Préambule de la Constitution de 1946

Le neuvième alinéa du Préambule de la Constitution du 1946 dispose : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Il s’agit donc de savoir si, d’une part, les activités de Gaz de France ont le caractère d’un service public national, et si, d’autre part, elles constituent un monopole de fait, auxquels cas la Constitution ne permettrait pas la privatisation de la société. Dans un avis rendu le 11 mai 2006, le Conseil d’État a répondu par la négative à ces deux questions.

Le Conseil d’État répond d’abord à la question de savoir si les activités de Gaz de France constituent un monopole de fait. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 estime que la notion de monopole de fait « doit s’entendre compte tenu de l’ensemble du marché à l’intérieur duquel s’exercent les activités des entreprises ainsi que de la concurrence qu’elles affrontent dans ce marché de la part de l’ensemble des autres entreprises ; qu’on ne saurait prendre en compte les positions privilégiées que telle ou telle entreprise détient momentanément ou à l’égard d’une production qui ne représente qu’une partie de ses activités ».

La loi du 3 janvier 2003 a supprimé les monopoles d’importation et d’exportation du gaz. La loi du 2 août 1949 a ouvert la production et le transport du gaz à tout opérateur. Le monopole de la distribution est théoriquement encore en vigueur, mais il est assorti de nombreuses exceptions, notamment au profit des distributeurs non nationalisés. Enfin, le législateur a ouvert à la concurrence les activités de fourniture de gaz à tous les clients professionnels dans la loi du 3 janvier 2003. Par ailleurs, si Gaz de France est en position dominante sur le marché français pour l’ensemble de ses activités, elle n’est pas en situation de monopole de fait.

Enfin, le gaz étant une énergie fortement substituable, le marché à considérer n’est peut-être pas celui du gaz, mais celui de l’énergie. Suivant un raisonnement analogue, le Conseil d’État, dans son avis des 25-29 août 2005 concernant les privatisations autoroutières, estimait : « les sociétés concessionnaires d’autoroutes ne constituent pas des monopoles de fait dès lors qu’il existe, pour chaque itinéraire autoroutier, un autre itinéraire permettant de relier les deux points desservis ».

Gaz de France n’exploite donc pas un monopole de fait au sens du Préambule de 1946.

S’agissant de la question de savoir si les activités de Gaz de France ont le caractère d’un service public national au sens du neuvième alinéa, l’analyse est moins évidente. Un service public national au sens du neuvième alinéa du Préambule ne se confond pas avec tout service public national instauré par le législateur. Ainsi, dans sa décision n° 86-207 DC, le Conseil constitutionnel a estimé que « si la nécessité de certains services publics nationaux découle de principes ou de règles de valeur constitutionnelle, la détermination des autres activités qui doivent être érigées en service public national est laissée à l’appréciation du législateur ou de l’autorité réglementaire selon les cas ; qu’il suit de là que le fait qu’une activité ait été érigée en service public par le législateur sans que la Constitution l’ait exigé ne fait pas obstacle à ce que cette activité fasse, comme l’entreprise qui en est chargée, l’objet d’un transfert au secteur privé ». Or, il ne résulte d’aucun principe constitutionnel que le service public du gaz soit un service public national.

Dans sa décision n° 2004-501 DC du 5 août 2004, le Conseil Constitutionnel a indiqué « qu’en maintenant aux sociétés nouvellement créées les missions de service public antérieurement dévolues aux personnes morales de droit public Électricité de France et Gaz de France dans les conditions prévues par les lois du 8 avril 1946, du 10 février 2000 et du 3 janvier 2003 susvisées, le législateur a confirmé leur qualité de services publics nationaux ; qu’il a garanti, conformément au neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la participation majoritaire de l’État […] dans le capital de ces sociétés ; que l’abandon de cette participation majoritaire ne pourrait résulter que d’une loi ultérieure ».

Il ressort de cette décision que le caractère de service public national des missions de service public de Gaz de France relève de la compétence du législateur, et que l’éventuelle privatisation de cette société peut être autorisée par le législateur.

Il résulte de ces considérations que rien ne fait obstacle à ce que les activités de Gaz de France soient gérées par une société privée. Gaz de France peut être privatisée. Néanmoins, le législateur doit continuer à encadrer l’exercice des missions relevant du service public du gaz naturel.

– Le service public du gaz demeure encadré par la loi

L’article premier de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 dispose que les ministres chargés de l’économie et de l’énergie, les autorités concédantes visées à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, les collectivités locales ayant constitué un distributeur non nationalisé et la CRE veillent, chacun pour ce qui le concerne, au bon accomplissement des missions du service public du gaz naturel et au bon fonctionnement du marché du gaz naturel.

Les missions de service public imposées aux opérateurs du secteur gazier par l’article 16 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 s’imposent indistinctement à l’ensemble des opérateurs. Elles portent sur la sécurité des personnes et des installations en amont du raccordement des consommateurs finals ; la continuité de la fourniture de gaz ; la sécurité d’approvisionnement ; la qualité et le prix des produits et des services fournis ; la protection de l’environnement ; l’efficacité énergétique ; le développement équilibré du territoire ; la fourniture de gaz de dernier recours aux clients non domestiques assurant des missions d’intérêt général ; le maintien, conformément à l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, d’une fourniture aux personnes en situation de précarité. L’article 3 du présent projet de loi y ajoute la fourniture du gaz au « tarif spécial de solidarité », et prévoit sa compensation financière pour les opérateurs.

Toutefois, certaines missions de service public incombent seulement à Gaz de France, notamment la fourniture de gaz naturel aux clients non éligibles et la péréquation des coûts de distribution à l’intérieur de sa zone de desserte. Ces missions sont prévues et encadrées par le contrat de service public qui lie l’opérateur avec l’État.

Pour l’essentiel, les missions de service public prévues par le contrat 2005-2007 couvrent les points suivants : la sécurité d’approvisionnement et la continuité de fourniture sur le territoire national ; l’adéquation des infrastructures à l’évolution de la demande gazière ; la poursuite, sur le territoire français, du développement des grandes infrastructures de transport à un rythme soutenu notamment pour les interconnexions et le GNL ; la poursuite, en matière de sécurité des clients et des tiers, des inspections et de la réhabilitation des canalisations de transport ; dans le domaine de la distribution, Gaz de France s’engage à résorber l’ensemble des fontes grises en zone sensible avant la fin de l’année 2006, et la totalité des canalisations en fonte grise répertoriées avant la fin de l’année 2007 ; l’appui à la lutte contre l’effet de serre.

La privatisation de Gaz de France est donc possible et ne met pas en péril le service public du gaz. Elle est par ailleurs souhaitable d’un point de vue économique et stratégique.

B.– LA PRIVATISATION DE GAZ DE FRANCE VA DANS L’INTÉRÊT ÉCONOMIQUE ET STRATÉGIQUE DE LA FRANCE

Le secteur de l’énergie est un secteur très capitalistique. Gaz de France, le premier gazier européen et le 7ème énergéticien, doit grandir pour faire face à la concurrence. La société doit investir, notamment dans « l’amont », c’est-à-dire la production et le transport de gaz. En effet, les producteurs de gaz, comme Gazprom, ambitionnent eux-mêmes de devenir des fournisseurs de gaz. Or, le moindre investissement dans ce secteur coûte plusieurs centaines de millions d’euros. Ainsi, une usine de liquéfaction coûte environ un milliard d’euros, et un terminal de gaz naturel liquéfié près de 500 millions d’euros. Gaz de France a donc besoin de capitaux importants pour se développer.

De surcroît, les mouvements de concentration dans le secteur de l’énergie s’accélèrent en Europe. Tous les opérateurs cherchent à grandir, comme l’ont montré récemment les intentions d’ENEL sur Suez, ainsi que les ambitions d’E.ON qui a tenté de prendre le contrôle de Scottish power, puis de l’espagnol Endesa, lui-même faisant déjà l’objet d’une offre publique d’acquisition de Gas Natural. Depuis 2005, EDF contrôle la moitié du capital d’Edison.

Il est donc nécessaire de diminuer la part de l’État dans le capital de Gaz de France, afin de permettre à l’entreprise d’augmenter son capital sans solliciter la dépense publique.

Votre Rapporteur pour avis soutient le projet de fusion-absorption de Suez par Gaz de France. En effet, les deux sociétés ont des activités et des implantations géographiques complémentaires.

Suez est le cinquième électricien européen, et le sixième gazier. Suez possède 7 % de la puissance installée de production électrique en France. Les fournisseurs d’énergie doivent se préparer à l’ouverture complète des marchés européens de l’électricité et du gaz le 1er juillet 2007. Ils doivent pouvoir proposer aux consommateurs des offres combinées électricité-gaz. C’est ainsi que l’allemand E.ON a racheté Ruhrgas. Le risque couru aujourd’hui par Gaz de France est de perdre sa clientèle au profit d’EDF ou d’autres électriciens, qui proposeront des offres commerciales combinées électricité-gaz à leurs clients. Suez apportera à Gaz de France une assise commerciale importante sur le marché de l’électricité, notamment en Belgique au travers d’Electrabel.

La fusion permettra à la nouvelle entité d’atteindre une taille qui la renforcera dans les négociations face aux producteurs de gaz. Suez est un des premiers opérateurs de gaz naturel liquéfié dans le monde, comme Gaz de France.

Le projet envisagé par les deux sociétés est une fusion-absorption de Suez par Gaz de France. Au terme de cette opération, la société absorbante, Gaz de France demeurerait, alors que la société absorbée, Suez, disparaîtrait, la totalité de ses actifs et de ses passifs ayant été repris par la première.

La Commission européenne analyse de son côté les problèmes posés par cette fusion du point de vue du respect des règles de la concurrence. Elle a notifié aux deux groupes, le 18 août dernier, ses « griefs » quant à leur projet. Ils concernent quatre marchés : le négoce et la fourniture de gaz en Belgique, la production, le négoce et la fourniture d’électricité en Belgique, le négoce et la fourniture de gaz en France et les réseaux de chaleur en France.

Cependant, les remèdes que doivent proposer les entreprises ne sont pas forcément des cessions. D’autres engagements de la part des deux groupes peuvent être proposés notamment en termes de cessions de parts de production ou de règles de bonne conduite.

La parité retenue au printemps 2006 était d’une action Gaz de France plus un euro de dividende exceptionnel par action Suez. Le capital de Gaz de France est actuellement composé de près d’un milliard d’actions dont l’État détient 80 %, et celui de Suez d’environ 1,2 milliard d’actions. Le nouvel ensemble serait donc composé de près de 2,2 milliards d’actions, dont 800 millions détenues par l’État français. Aux erreurs d’approximation près, la part de l’État serait mécaniquement diluée de 80 % à 35 % de Gaz de France.

La valorisation des deux sociétés est susceptible d’évoluer jusqu’à la conclusion de l’opération, et les termes de l’échange peuvent encore être revus. Cependant, il n’appartient pas au Parlement de décider cette opération. Les actionnaires des deux sociétés se réuniront en assemblées générales extraordinaires pour voter la fusion en décembre prochain.

Une fois le principe de la privatisation admis et justifié, il convient de déterminer quel doit être le niveau de la participation de l’État dans Gaz de France. À cet égard, il n’est pas certain qu’il soit opportun de fixer un seuil de détention dans la loi.

II.– SI L’ÉTAT DOIT CONSERVER UNE PARTICIPATION ET UN POUVOIR DE CONTRÔLE DANS GAZ DE FRANCE, LA FIXATION A PRIORI D’UN NIVEAU DE DÉTENTION DU CAPITAL N’EST PAS SOUHAITABLE

Votre Rapporteur pour avis estime que la fixation de la détention du capital de Gaz de France à au moins un tiers, dans l’article 24 de la loi du 9 août 2004, n’est pas souhaitable. Les dispositions prévues aux articles 24-1 et 24-2, c’est-à-dire la création d’une action spécifique et la possible nomination d’un commissaire du Gouvernement auprès de la société suffisent pour défendre les intérêts stratégiques de la France.

A.– LA LOI NE DOIT PAS FIXER A PRIORI DE SEUIL DE DÉTENTION DU CAPITAL DE GAZ DE FRANCE PAR L’ÉTAT

– La détention d’une minorité de blocage ne permettrait pas de s’opposer à une éventuelle OPA

La détention du tiers du capital permet de bloquer les décisions prises en assemblée générale extraordinaire. Ainsi, l’article L. 225-96 du code de commerce dispose que l’assemblée générale extraordinaire statue à la majorité des deux tiers des voix des actionnaires présents. Les prérogatives de l’assemblée générale extraordinaire portent sur les décisions suivantes : la modification des statuts, l’autorisation des augmentations et réductions de capital, l’émission d’actions de préférence, les fusions et les scissions, le changement de nationalité de la société et la dissolution anticipée.

Autrement dit, cette minorité de blocage permet de bloquer certaines décisions, mais ne permet pas de s’opposer à une offre publique d’acquisition (OPA). Au mieux, on peut concevoir que la détention par l’État de plus d’un tiers du capital soit un obstacle psychologique pour un éventuel acheteur étranger, qui ne souhaite pas avoir l’État français comme co-actionnaire, susceptible de bloquer toute augmentation de capital.

La fixation de la participation de l’État à un tiers du capital risque même de fragiliser Gaz de France, en empêchant une réaction de défense à une éventuelle OPA. Une fois la fusion-absorption de Suez réalisée, la part de l’État se trouvera diluée aux alentours de 34 % ou 35 %. Il ne restera donc plus de marges de manœuvre pour d’éventuelles augmentations de capital. Or, les augmentations de capital constituent une arme efficace contre les OPA hostiles.

La loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d’acquisition a même facilité les augmentations de capital en cas d’OPA hostile, en prévoyant l’émission de bons de souscription d’actions à titre gratuit aux actionnaires en cas d’OPA hostile. Ainsi, l’article 12 de cette loi dispose que « l’assemblée générale extraordinaire de la société visée, statuant dans les conditions de quorum et de majorité prévues à l’article L. 225-98 [du code de commerce], peut décider l’émission de bons permettant de souscrire, à des conditions préférentielles, à des actions de ladite société, et leur attribution gratuite à tous les actionnaires de cette société ayant cette qualité avant l’expiration de la période d’offre publique » ; « ces bons deviennent caducs de plein droit dès que l’offre et toute offre concurrente éventuelle échouent, deviennent caduques ou sont retirées ». Alors même que le législateur vient de faciliter les augmentations de capital comme rempart contre les OPA hostiles, il serait incohérent qu’il prévoit le blocage de la part de l’État à un tiers du capital dans Gaz de France.

– La fixation a priori de la participation de l’État à un tiers du capital constituerait un frein au développement de Gaz de France

En bloquant les possibilités d’augmentations de capital, le législateur risque en outre d’hypothéquer l’avenir de Gaz de France. Si l’État n’a pas les moyens budgétaires d’augmenter sa participation, il faudra lever des capitaux en Bourse pour permettre le développement du nouveau groupe.

Votre Rapporteur pour avis souhaite que l’on ne renouvelle pas l’expérience de France Télécom, qui a failli tourner au désastre. L’État ne voulant pas renoncer à sa participation majoritaire, la société s’est développée en faisant appel à l’endettement de façon démesurée, se retrouvant au bord de la faillite en 2002. Les modalités du rachat d’Orange, pour quelque 41 milliards d’euros par emprunt en mai 2000, imposées par le Gouvernement de l’époque qui ne voulait pas descendre en dessous du seuil de 50 % de participation dans la société, ont finalement coûté très cher à la France. Le sauvetage de France Télécom par sa recapitalisation fin 2002 aura coûté 15 milliards d’euros au budget de l’État.

Par ailleurs, la fixation de la participation de l’État risque de bloquer le développement de l’actionnariat salarié.

Enfin, le seuil minimal de 33,33 % pourrait fragiliser le projet de fusion-absorption de Suez, en obligeant à fixer une parité qui aboutirait à sous-évaluer Suez par rapport à Gaz de France.

En définitive, si la loi prévoit de fixer la part de l’État à un tiers du capital, il sera nécessaire de la modifier d’urgence à la première occasion. C’est pourquoi votre Rapporteur pour avis vous propose d’adopter un amendement supprimant la fixation à au moins un tiers de la part de l’État dans le capital de Gaz de France. A l’extrême limite, il suffirait en effet que l’État détienne une seule action du capital de Gaz de France pour pouvoir la transformer en action spécifique.

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Votre Commission a rejeté un amendement de M. Didier Migaud, défendu par M. Henri Emmanuelli supprimant l’abaissement à 70 % du capital d’EDF et au tiers du capital de Gaz de France de la participation de l’État dans ces entreprises.

Elle a ensuite rejeté un amendement du même auteur, soutenu par M. Henri Emmanuelli prévoyant que l’État détient plus de 87,2 % du capital d’EDF et plus de 80,1 % du capital de GDF.

M. Henri Emmanuelli a rappelé que si les réseaux restent publics, il n’est pas possible de dire que 34 % du capital de l’entreprise restent publics.

Elle a ensuite examiné un amendement de votre Rapporteur pour avis substituant à la mention du tiers du capital de GDF le principe selon lequel l’État conserve une participation à ce capital.

Votre Rapporteur pour avis a précisé que cet amendement permet de conserver une cohérence en évitant d’avoir à fixer a priori le niveau de participation de l’État alors que les modalités de fusion ne sont pas connues.

M. Philippe Auberger a souligné que si le niveau de participation de l’État est fixé à 33 1/3 % comme prévu par le Gouvernement, GDF ne pourrait distribuer de stock options, puisque l’augmentation de capital qui en résulterait diminuera mécaniquement la part de l’État dans le capital. Mais il a considéré que le seuil de 33 1/3 % est un palier important, s’agissant de la minorité de blocage, qui permet à l’État, outre l’ « action spécifique », de faire valoir ses intérêts.

M.  Henri Emmanuelli a souligné le lien ainsi établi entre les stock options et la diminution de la part de l’État dans le capital de GDF, qui se traduit par une augmentation du prix du gaz payé par les consommateurs.

M. Jean-Jacques Descamps a indiqué que si l’État devait conserver ce niveau de participation et si l’on veut que l’infrastructure de transport soit publique, cela impliquera que l’État rachète des titres pour faire remonter sa part dans le capital. De ce fait, il est nécessaire de voter l’amendement, si on veut que le réseau de transport soit public.

Tout en déclarant comprendre la logique de cet amendement, le Président Pierre Méhaignerie a souhaité son rejet, afin de ne pas ouvrir un champ de polémique quant au rôle de l’État.

Votre Commission a rejeté cet amendement.

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B.– L’ACTION SPÉCIFIQUE ET LA PRÉSENCE D’UN COMMISSAIRE
DU GOUVERNEMENT PERMETTENT DE PROTÉGER LES INTÉRÊTS STRATÉGIQUES DE LA FRANCE

Le paragraphe II de l’article 10 du projet de loi insère les articles 24-1 et 24-2 dans la loi du 9 août 2004 (alinéa N).

L’article 24-1 (alinéa O) prévoit que l’État détiendra une action spécifique ou « golden share » dans le capital de Gaz de France. La création de cette action sera réalisée par un décret. L’action spécifique sera régie par les dispositions de l’article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations. Toutefois, alors que cet article laisse au pouvoir réglementaire le pouvoir d’apprécier si les intérêts nationaux exigent la création d’une telle action, le présent projet de loi impose sa création. L’article 10 de la loi de 1986 dresse la liste des droits pouvant être attachés à une action spécifique :

« – 1° l’agrément préalable par le ministre chargé de l’économie pour le franchissement, par une personne agissant seule ou de concert, d’un ou plusieurs des seuils fixés dans le décret […] et calculés en pourcentage du capital social ou des droits de vote ;

« – 2° la nomination au conseil d’administration ou de surveillance, selon le cas, d’un ou deux représentants de l’État désignés par décret et sans voix délibérative ;

« – 3° le pouvoir de s’opposer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, aux décisions de cession d’actifs ou de certains types d’actifs de la société ou de ses filiales ou d’affectation de ceux-ci à titre de garantie, qui sont de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux. »

L’objectif de cette action spécifique sera de « préserver les intérêts nationaux dans le secteur de l’énergie, et notamment la continuité et la sécurité d’approvisionnement en énergie », selon les termes du projet de loi. Le décret d’application devra prévoir la liste des actifs dont la cession serait de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux. Parmi ceux-ci devraient figurer les canalisations de transport de gaz naturel, les stockages souterrains stratégiques de gaz naturel ainsi que les terminaux méthaniers et installations de gaz naturel liquéfié.

Au lieu de prévoir une action spécifique, une autre possibilité aurait été d’instaurer un « droit d’opposition » de l’État, lui permettant de s’opposer à la cession par Gaz de France de certains de ses actifs. C’est la solution qui a été retenue dans le cadre du changement de statut d’Aéroports de Paris prévu par la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports.

La question de la conformité de l’action spécifique au droit communautaire doit être posée. Le 22 mai 2006, la Commission européenne, par le porte-parole du commissaire au marché intérieur, a exposé une position très rigoureuse selon laquelle les golden shares n’ont pas de place dans le marché unique européen.

La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a validé la création d’une action spécifique par la Belgique dans la société Distrigaz (7), dans la mesure où le contrôle institué par cette action était un régime d’opposition et non d’autorisation préalable, que ce contrôle était cantonné à certaines décisions et concernant les actifs stratégiques ou qu’il devait être motivé et qu’il n’était possible qu’en cas de mise en cause des objectifs de la politique énergétique.

Dès lors, il faudra veiller à ce que les dispositions prises par le décret créant l’action spécifique respectent ces conditions. Il faudra notamment que les décisions d’opposition à des cessions soient motivées.

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Votre Commission a rejeté trois amendements de M. Didier Migaud, soutenus par M. Henri Emmanuelli :

– le premier permettant à l’État de faire opposition en cas de cession d’actifs stratégiques de l’entreprise, en soumettant celle-ci à une autorisation préalable du ministre ;

– le deuxième ouvrant la même faculté en cas de mise en garantie d’actifs ;

– le troisième prévoyant l’autorisation préalable du ministre en cas de cession de 5 % du capital de l’entreprise.

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L’article 24-2 (alinéa P) prévoit la présence d’un commissaire du Gouvernement auprès de Gaz de France, des entités qui reprendraient des droits et obligations de Gaz de France, et des sociétés qui en sont issues en vertu de la séparation juridique des réseaux de transport et de distribution. Le commissaire du Gouvernement a voix consultative aux séances du conseil d’administration ou de surveillance et des comités. Il peut présenter des observations aux assemblées générales.

Les prérogatives du commissaire du Gouvernement sont donc plus importantes que celles qui sont prévues par l’article 10 de la loi de 1986 précitée dans le cadre des pouvoirs attachés à l’action spécifique.

Le paragraphe III (alinéa Q) de l’article 10 du projet de loi ajoute la société Gaz de France a la liste des sociétés privatisables, annexée à la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation.

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Votre Commission a adopté l’article 10 sans modification.

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Article 11

Propriété du capital et règles applicables à la société gestionnaire
du réseau de transport de gaz issue de la séparation juridique
de Gaz de France

Cet article remplace le paragraphe II de l’article 12 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, relatif à la société gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel. Une nouvelle rédaction du premier alinéa de ce paragraphe est proposée, qui n’introduit pas de changement de fond : cette société est une société anonyme, qui est détenue soit par Gaz de France, soit par l’État, soit par des entreprises ou organismes publics.

Le deuxième et dernier alinéa du II de l’article 12 disparaît dans la nouvelle rédaction. Il prévoyait que la société gestionnaire du réseau était soumise à la loi n° 83-675 du 28 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. Le gestionnaire du réseau de transport appartenant à Gaz de France, société susceptible d’être privatisée, cette disposition doit être supprimée.

La séparation juridique et fonctionnelle des activités de réseau des monopoles historiques est prévue par les directives européennes. En effet, le maintien des monopoles pour les réseaux de transport et de distribution de gaz et d’électricité impose de garantir une mise à disposition et une facturation non discriminatoires de l’accès aux réseaux. L’absence de discrimination ne peut qu’être favorisée par une séparation entre le gestionnaire de réseau et le fournisseur historique auquel il était intégré. Cette séparation peut prendre plusieurs formes, dans l’ordre croissant de séparation entre les activités :

– opérationnelle ou comptable ;

– juridique, c’est-à-dire que le réseau est géré par une entité juridique distincte, qui peut être une filiale (c’est le mode de séparation exigé par les directives du 26 juin 2003) ;

– de propriété : cela supposerait que l’opérateur historique vende les réseaux.

La séparation des réseaux de transport de gaz et d’électricité devait intervenir avant le 1er juillet 2004. Celle des réseaux de distribution, prévue dans le titre II du présent projet de loi, doit être effective au 1er juillet 2007.

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Votre Commission a adopté l’article 11, sans modification.

Article 12

Autorisation de privatisation de la production, du transport et de la distribution du gaz naturel

Cet article modifie l’article 8 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz. Cet article énumère les activités qui sont exclues de la nationalisation. Le quatrième alinéa prévoyait ainsi que la production et le transport du gaz naturel jusqu’au compteur d’entrée de l’usine de distribution en étaient exclus. Le présent article remplace ce quatrième alinéa en excluant de la nationalisation « la production, le transport et la distribution de gaz naturel », c’est-à-dire l’ensemble des activités de Gaz de France dans le domaine du gaz.

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Votre Commission a adopté l’article 12, sans modification.

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Puis votre Commission a adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(juillet 2006)

– M. Michel Lamy, Secrétaire national de la CFE – CGC et M. Jean-Claude Pelofy, Secrétaire général et de la CFE–CGC des industries électriques et gazières

– M. Jean-François Cirelli, Président Directeur général de Gaz de France, accompagné de Mme Sandra Lagumina

– M. François Loos, Ministre délégué à l’Industrie

– M. Gérard Mestrallet, Président Directeur général de Suez, accompagné de Mme Valérie Alain

– MM. Daniel Paris, Secrétaire général d’Accor, Louis Sabbagh, directeur des achats et des services généraux de Tdf Distribution, Bernard Théobald, Délégué général de Perifem, Roland Gérard, Directeur technique de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (Fiev), membres du Comité de liaison des entreprises ayant exercé leur éligibilité (Cleee) et M. Fabrice Fages, avocat

– M. Philippe Rosier, Président de Rhodia energy services, Mme Sophie Liger, et M. Guillaume Ressot, du Medef

– MM. Éric Roulot, Secrétaire fédéral de la CGT Mines-Énergie, Jean-Pierre Sotura et Olivier Barrault

– Mme Marie-Hélène Gourdin, et MM. Philippe Dumontier et Christophe Quarez, de la fédération Chimie Énergie de la CFDT

– Mme Marie-Suzy Pungier, secrétaire confédérale de Force ouvrière et M. Max Royer, Secrétaire général de la Fédération nationale de l’énergie et des mines

– M. Philippe de Ladoucette, Président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et M. Olivier Challan–Belval, directeur général

– M. Pierre Gadonneix, Président d’EDF, accompagné de MM. Jean-Pierre Benqué, Directeur général adjoint et Gérard Trouvé, directeur des relations institutionnelles

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article Ier

Amendement n° 88413 présenté par M. Hervé Novelli, Rapporteur pour avis :

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« IV.– Le troisième alinéa de l’article 3 est ainsi rédigé :

« La Commission de régulation de l’énergie surveille la formation des prix et les transactions effectuées sur les marchés de l’électricité ainsi que les échanges aux frontières ».

Amendement n° 88414 présenté par M. Hervé Novelli, Rapporteur pour avis :

Compléter cet article par les huit alinéas suivants :

« V.– Après l’article 37, il est inséré un article 37-1 ainsi rédigé :

« Art. 37-1. – Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires, la Commission de régulation de l’énergie précise, en tant que de besoin, par décision publiée au Journal officiel de la République française, les règles concernant :

1° les missions des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution de gaz naturel en matière d’exploitation et de développement des réseaux ;

2° les missions des gestionnaires des installations de gaz naturel liquéfié et celles des opérateurs de stockages souterrains de gaz naturel ;

3° les conditions de raccordement aux réseaux de transport et de distribution de gaz naturel ;

4° les conditions d’utilisation des réseaux de gaz naturel et des installations de gaz naturel liquéfié ;

5° la conclusion de contrats d’achat et de protocoles par les gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution ;

6° les périmètres de chacune des activités faisant l’objet d’une séparation comptable en application de l’article 8 de la loi n°2003-8 du 3 janvier 2003 précitée, les règles d’imputation comptable appliquées pour obtenir les comptes séparés et les principes déterminant les relations financières entre ces activités. »

Amendement n° 88415 présenté par M. Hervé Novelli, Rapporteur pour avis :

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« VI.– Dans le premier alinéa de l’article 40, après les mots : "des exploitants des installations", sont insérés les mots : "de stockage de gaz naturel ou des installations" ».

Article 2

Amendement n° 88416 présenté par M. Hervé Novelli, Rapporteur pour avis :

Après l’alinéa 1 de cet article, insérer les deux alinéas suivants :

« IA.– Le troisième alinéa de l’article premier est ainsi rédigé :

« La Commission de régulation de l’énergie surveille la formation des prix et les transactions effectuées sur les marchés du gaz naturel ainsi que les échanges aux frontières ».

Après l’article 3

Amendement n° 88410 présenté par M. Hervé Novelli, Rapporteur pour avis, et M. Charles de Courson :

Insérer l’article suivant :

« Toutefois, le consommateur final qui a fait usage de la faculté prévue au I de l’article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ou au 2° de l’article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 depuis plus de deux années peut bénéficier, pour le site concerné, des tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz, majorés de 20 %, dès lors que la différence entre ces tarifs et les prix qui lui sont appliqués dépasse un seuil, fixé par décret, ne pouvant être supérieur à 25%. Dans ce cas, le consommateur final ne pourra à nouveau exercer la faculté mentionnée aux alinéas précédents avant deux années.

Cette disposition est applicable aux contrats en cours dès lors que le consommateur final aura manifesté sa volonté de bénéficier des tarifs réglementés. Toute clause contraire est réputée non écrite.

L’application des tarifs réglementés n’entraîne pas la résiliation des contrats en cours, sauf volonté contraire du fournisseur d’électricité.

Afin d’être en mesure de vendre de l’énergie aux conditions déterminées ci-dessus, les fournisseurs peuvent, le cas échéant, se fournir en énergie auprès des opérateurs historiques dans des conditions tarifaires transparentes et non discriminatoires adaptées à l’objectif de maintien des contrats en cours. »

Amendement n° 88411 présenté par M. Hervé Novelli, Rapporteur pour avis :

Insérer l’article suivant :

« Sous réserve du maintien de l’existence des tarifs de vente d’électricité visés au premier alinéa du I de l’article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, les fournisseurs qui disposent, d’une manière directe ou indirecte, de moins de 10 % des capacités de production d’origine nucléaire ou hydraulique installée sur le territoire national ont accès, sur leur demande, pour une durée de deux ans renouvelable, à un volume d’électricité produite par les producteurs disposant de plus de 10 % des capacités de production d’origine nucléaire ou hydraulique installée sur le territoire national, aux conditions tarifaires figurant dans les contrats entre Électricité de France et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l’article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946. Le volume d’électricité concerné est fixé chaque année par décret, dans la limite de 20 % du volume produit l’année précédente par chacun des producteurs précités. Il est réparti entre les fournisseurs proportionnellement au volume des ventes qu’ils ont effectuées l’année précédente au profit des clients finals donnant lieu au paiement de la contribution aux charges du service public de l’électricité prévue à l’article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000. »

Article 4

Amendement n° 88412 présenté par M. Hervé Novelli, Rapporteur pour avis, et M. Michel Bouvard :

Rédiger ainsi l’alinéa 3 de cet article :

« Les dispositions de l’alinéa précédent s’appliquent aux nouveaux sites de consommation. »

© Assemblée nationale

1 () Livre vert de la Commission européenne, 8 mars 2006, Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable.

2 () VA : volts ampères.

3 () 57,80 euros le 4 septembre 2006.

4 () Source : travaux préparatoires de la programmation pluriannuelle des investissements de production électrique.

5 () Rapport de l’Inspection générale des Finances et du Conseil général des mines sur les prix de l’électricité en France et en Europe, octobre 2004 :

http://www.industrie.gouv.fr/energie/electric/pdf/rapport-prix-cgm-igf.pdf

6 () Décret n° 2005-63 du 27 janvier 2005 relatif aux tarifs de cession de l'électricité aux distributeurs non nationalisés.

7 () CJCE, C-503/99, 4 juin 2002, Commission/Belgique.