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N° 3354

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 octobre 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à la pérennisation du régime d’assurance chômage des professions du spectacle, de l’audiovisuel et du cinéma dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle prÉsentÉe par M. Patrick Bloche et plusieurs de ses collègues

PAR M. Patrick BLOCHE

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : no 2141.

INTRODUCTION 5

I.- MAINTENIR UN RÉGIME D’ASSURANCE CHÔMAGE SPÉCIFIQUE AU SEIN DE LA SOLIDARITÉ INTERPROFESSIONNELLE 9

A. UN RÉGIME SPÉCIFIQUE LIÉ À DES CONDITIONS D’EMPLOI PARTICULIÈRES ET À UN STATUT PRÉCAIRE 9

1. L’historique tumultueux d’un régime à part 9

2. Un régime spécifique justifié par la précarité, l’extrême variabilité des situations et les faibles revenus des artistes et techniciens 10

B. DES DÉSACCORDS PERMANENTS SUR L’AVENIR DES ANNEXES VIII ET X AU SEIN DU RÉGIME INTERPROFESSIONNEL 12

1. Un nouveau siècle qui commence mal 12

2. La crise de 2003 13

3. Le rôle clé du comité de suivi 14

4. Les suites désastreuses du protocole de 2003 14

II.-  FIXER UN NOUVEAU CADRE AUX NÉGOCIATIONS À VENIR 17

A. UNE PRATIQUE COURANTE, ENCADRÉE PAR LA CONSTITUTION 17

B. LA NÉCESSITÉ D’UNE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR FACE À LA SITUATION ACTUELLE 18

III.- ANALYSE DES ARTICLES 21

Article 1er : Contenu de l’accord paritaire relatif aux mesures d’application des dispositions du régime spécifique d’assurance chômage des intermittents 21

Article 2 : Compensation des charges nouvelles 23

TRAVAUX DE LA COMMISSION 25

INTRODUCTION

La culture est le propre de l’homme, mais également du citoyen. Comme aimait à le rappeler Gambetta, « il ne suffit pas de décréter des citoyens, il faut en faire ». Or pas de citoyen sans émancipation des servitudes de l'ignorance, sans commerce avec les œuvres de l'esprit ; pas de citoyen sans culture.

L’intermittence est au centre de ce débat. Les institutions, les élus, les employeurs de festivals et de salles de spectacle, qui ont à cœur de développer une politique culturelle de qualité et participent ainsi à l'exception culturelle française, ne peuvent réaliser leurs ambitions sans recourir aux intermittents.

Pourtant, plus de trois ans après le mouvement qui a secoué les festivals et le monde de la culture en général, le protocole d’accord du 26 juin 2003 est toujours en vigueur et les dispositions retenues dans le projet de protocole du 18 avril 2006 ne tiennent pas compte des préconisations des nombreux rapports publiés sur ce thème, dont l’excellent rapport de la mission d’information sur les métiers artistiques – présidée par M. Dominique Paillé – rédigé par M. Christian Kert et adopté à l’unanimité en décembre 2004.

Depuis trois ans, tout le monde s’accorde à dire que le protocole d'accord du 26 juin 2003 sur l'assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant et enregistré, voulu par le MEDEF, ne dégage aucune économie, alors même que 80 % des intermittents gagnent plus ou moins le SMIC ! La mission d’information sur les métiers artistiques l’avait dénoncé dès mars 2004 : « L’accord n’a pour l’instant permis de réduire ni le déficit du régime, ni les abus et fraudes au dispositif, et la mission doute qu’il n’atteigne cet objectif dans la durée. Par ailleurs, la suppression de la franchise a conduit à l’augmentation des allocations versées à un certain nombre d’indemnisés pour lesquels il s’agit souvent d’un revenu de complément et non de remplacement ».

L'accord du 26 juin 2003 n'a donc été en mesure ni d'enrayer les abus ni de protéger les plus vulnérables. L'Etat a dû mettre en place un fonds provisoire, prolongé en fonds transitoire jusqu'au 31 décembre 2005, et aujourd’hui en « fonds de professionnalisation et de solidarité ».

Par ailleurs, malgré les engagements pris par le ministre de la culture et de la communication au nom du gouvernement sur la mise en place d'un « système pérenne et équitable » à compter du 1er janvier 2006, les annexes VIII et X modifiées par ce protocole de 2003 sont aujourd’hui toujours en vigueur.

Depuis le mois de janvier, le climat de confiance que le ministre de la culture a tenté en vain d'établir est donc définitivement rompu. La mise en place des différents fonds, visant à temporairement apaiser les inquiétudes du monde de la culture, ne suffit plus.

Entre janvier et avril 2006, les partenaires sociaux ont péniblement tenté de trouver un accord sur une nouvelle rédaction des annexes VIII et X. Le projet de protocole du 18 avril, concocté par le MEDEF, n'a toujours pas, à ce jour, reçu la signature d'une seule centrale syndicale. Les principales recommandations de l’ensemble des experts et des travaux issus du comité de suivi des intermittents à l’Assemblée nationale, le seuil de 507 heures sur douze mois avec une date anniversaire, en sont absentes. S’y substitue un mode de calcul particulièrement complexe et opaque.

Dès le 31 mai de cette année, les parlementaires du comité de suivi avaient tiré la sonnette d’alarme et indiqué leur volonté de voir examiner la présente proposition de loi en affirmant : « Nous sommes allés au bout du processus. Il est temps maintenant de répondre à l’attente de tous les artistes et techniciens, il faut que le Parlement prenne ses responsabilités. ». Cette proposition de loi, signée par 472 parlementaires à ce jour, dont plus de 300 députés émanant de tous les groupes politiques, soit la majorité de notre Assemblée, nous en donne aujourd’hui les moyens. C’est dans ce contexte que le groupe socialiste a décidé d’inscrire l’examen de cette proposition de loi dans le cadre de la séance mensuelle du 12 octobre 2006 réservée à un ordre du jour fixé par l’Assemblée.

Déjà, en 2002, à l'initiative de M. Jean Le Garrec, une proposition de loi avait été déposée afin de combler le vide juridique que créait la non-reconduction de la précédente convention par les partenaires sociaux. Aujourd’hui, il appartient à nouveau au législateur de préciser les bases de ce régime spécifique d'assurance chômage, dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle.

Pour garantir aux artistes et techniciens du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle vivant la sécurité matérielle à laquelle ils ont droit, la proposition de loi, élaborée dans le cadre du comité de suivi, permet au Parlement de jouer son rôle : le texte donne un cadre mais ne se substitue pas aux partenaires sociaux qui devront la décliner par une négociation.

Cette proposition a été déposée simultanément et dans les mêmes termes en mars 2005 par les groupes socialiste, UDF, communiste et par les élus Verts de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que par une centaine de parlementaires UMP.

Pour l’Assemblée nationale, il s’agit des propositions : n° 2140 de M. Pierre Albertini ; n° 2141 de M. Patrick Bloche et M. Jean-Marc Ayrault ; n° 2142 de M. Noël Mamère, Mme Martine Billard et M. Yves Cochet ; n° 2143 de M. Frédéric Dutoit ; n° 2144 de M. Etienne Pinte.

Pour le Sénat, il s’agit des propositions : n° 211 de M. Jack Ralite ;  n° 212 de M. Jean-Pierre Bel ; n° 423 de M. Jean-Paul Alduy.

Comme l’a souhaité la comité de suivi, c’est la « niche » parlementaire la plus rapidement disponible qui a été utilisée : celle du groupe socialiste à l’Assemblée nationale.

La crise de l'été 2003 a montré la solidité du lien entre la nation et ses artistes. Dans l'attente d'une loi d'orientation qui jettera les bases de l'emploi culturel, il importe aujourd’hui que la représentation nationale affirme sa volonté de pérenniser les principes sur lesquels repose l'assurance chômage des artistes et des techniciens qui font vivre ce lien.

I.- MAINTENIR UN RÉGIME D’ASSURANCE CHÔMAGE SPÉCIFIQUE AU SEIN DE LA SOLIDARITÉ INTERPROFESSIONNELLE

L’intermittence existe depuis de nombreuses années dans les professions du spectacle et de l’audiovisuel : le caractère discontinu et précaire des emplois exercés par les intermittents justifie en effet pleinement un régime d’indemnisation spécifique de leurs périodes de chômage.

A. UN RÉGIME SPÉCIFIQUE LIÉ À DES CONDITIONS D’EMPLOI PARTICULIÈRES ET À UN STATUT PRÉCAIRE

1. L’historique tumultueux d’un régime à part

Il existe treize annexes au régime général d’assurance chômage, qui ont été créées afin de répondre aux spécificités de certains métiers et aux difficultés particulières de ces professions par rapport à un statut « classique » de salarié.

Les intermittents, loin de disposer au sein des annexes VIII et X d’un privilège, bénéficient simplement d’une dérogation au régime général, au même titre que les assistants maternels (annexe I), les travailleurs à domicile (annexe V), les travailleurs intérimaires (annexe IV), les marins-pêcheurs (annexe IX), les vacataires, les voyageurs, représentants et placiers (VRP), les bûcherons-tâcherons, etc.

Les annexes VIII et X de l’assurance-chômage sont nées du souhait d’assurer une protection sociale contre le chômage aux personnes travaillant sur des projets artistiques et audiovisuels, qui sont, par vocation, des projets intermittents. Dans les années 60 est créé ce qui va devenir le « régime des intermittents » : des catégories professionnelles sous contrat à durée déterminée sont autorisées à intégrer une annexe particulière du régime d’assurance chômage, en raison des spécificités de leur activité, caractérisées notamment par des périodes régulières d’inactivité entre deux missions. En 1964, les ouvriers, techniciens, réalisateurs de la profession cinématographique et télévisuelle sont intégrés au sein de l’annexe VIII. Deux ans plus tard, ces droits seront ouverts à certains de leurs collègues du spectacle vivant et aux artistes, au sein de l’annexe X.

Comme le rappelle M. Christian Kert dans le rapport de la mission d’information parlementaire sur les métiers artistiques, publié en décembre 2004, « pendant vingt-cinq ans, seule la fonction exercée par le salarié intermittent sera prise en compte pour cet accès au régime d’indemnisation. A partir de 1992, pour l’annexe VIII (et en 1999 pour l’annexe X), un second critère s’ajoute, celui de l’activité de l’employeur, qui va désormais figurer sur une liste limitative arrêtée par les partenaires sociaux. On ne s’étonnera pas que cette limitation se soit concrétisée par une accalmie de l’augmentation du déficit de 1993 à 1994. Mais, à la faveur d’une réforme de la codification INSEE, les catégories d’entreprises éligibles à l’annexe VIII se trouvent sensiblement augmentées et la courbe des déficits s’en ressent : elle reprend son allure devenue habituelle, à la hausse ». Entre 1990 et 2000, le périmètre des ayants droit augmente ainsi très régulièrement.

Evolution de l’intermittence du spectacle de 1992 à 2002

 

1992

2002

Evolution

Evolution en %

Nombre d’allocataires

41 038

102 600

+ 61 562

+ 150 %

Cotisations (en millions d’euros)

43

128

+ 85

+ 198 %

Prestations (en millions d’euros)

260

957

+ 697

+ 270 %

Déficit (en millions d’euros)

- 217

-829

+ 612

+282 %

Source : rapport de M. Bernard Latarjet, « Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant », au ministre de la culture et de la communication, avril 2004

2. Un régime spécifique justifié par la précarité, l’extrême variabilité des situations et les faibles revenus des artistes et techniciens

Cet état de fait est souligné par de nombreux rapports, dont celui de M. Bernard Latarjet en 2004 ou l’expertise menée par M. Jean-Paul Guillot en novembre 2004 : « la situation de la majorité des artistes et techniciens est précaire : ils sont majoritairement intermittents, et parmi ceux qui bénéficient du régime des annexes VIII et X, plus de 50 % déclarent moins de 600 heures de travail par an et près de 80 % ont un salaire inférieur à 1,1 SMIC ».

Répartition des intermittents indemnisés au 31 décembre 2002
selon le nombre d’affiliations

 

Indemnisés au 31/12/2002

Structure

507-520 heures

17 706



22 %

521-550 heures

14 324

18 %

551-600 heures

10 696

14 %

601-650 heures

5 471

7 %

651-700 heures

4 587

6 %

701-750 heures

3 786

5 %

751-800 heures

2 964

4 %

801-1000 heures

8 530



11 %

+ 1000 heures

10 234

13 %

TOTAL

78 298

100 %

Source : Rapport de M. Jean-Paul Guillot, 29 novembre 2004

Ainsi, selon M. Jean-Paul Guillot – désigné à la demande du comité de suivi par le ministre de la culture pour diriger la mission d’expertise chargée d’élaborer un schéma d’indemnisation du chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel – entre 1989 et 1998, la diminution du nombre moyen de jours travaillés par personne, combinée à une stagnation du salaire journalier, a conduit à une baisse du salaire annuel de plus de 20 % : « En 2002, la rémunération annuelle moyenne des artistes et techniciens était encore inférieure de 12 % au niveau de 1989, alors que sur la même période la progression des rémunérations moyennes de l’ensemble des salariés a été de 12% ».

Répartition des intermittents indemnisés au 31 décembre 2002
selon le montant annuel du salaire de référence (salaire brut plafonné par contrat)

SMIC/AN

Indemnisés au
31/12/2002

Structure

Moins de 0,3

9 273


12 %

0,3 à 0,4

8 480


11 %

0,4 à 0,5

9 788

13 %

0,5 à 0,6

8 623

11 %

0,6 à 0,8

12 987

17 %

0,8 à 1,1

12 410

16 %

1,1 à 1,25

3 795

5 %

1,25 à 1,5

4 472

6 %

1,5 à 2

4 907

6 %

2 à 3

3 015

4 %

3 à 4

485

1 %

4 à 5

57

0 %

5 à 8

6

0 %

TOTAL

78 298

100 %

Source : rapport de M. Jean-Paul Guillot, 29 novembre 2004

Plus récemment, en novembre 2005, une étude statistique et socio-économique portant sur les modalités d’emploi, de travail et d’indemnisation des salariés intermittents du spectacle(1), menée par le Laboratoire Matisse-Isys (UMR CNRS) confirme cette situation.

Extraits de l’étude UMR-CNRS

« La variabilité des salaires caractérise de manière forte l’intermittence dans le secteur du spectacle (…) Ces inégalités salariales sont très marquées entre régions : en Ile-de-France, le salaire moyen est beaucoup plus élevé que dans les autres régions. Cette inégalité est vérifiée aussi dans le reste de l’économie, mais elle prend ici, dans le cas de l’intermittence du spectacle, une bien plus grande envergure. Le rapport entre salaire moyen en Ile-de-France et salaire moyen dans les autres régions vaut 1.63 contre 1.41 pour le reste de l’économie.

« La variable métier peut également rendre compte de la grande variabilité des salaires. Les salaires moyens sont généralement plus élevés pour les métiers techniques et particulièrement faibles pour certains métiers artistiques. 50% des artistes de la musique et du chant gagnent un salaire annuel inférieur à 6 643 euros, 50 % des artistes dramatiques gagnent un salaire annuel inférieur à 7 638 euros, 50 % des artistes de la danse gagnent un salaire annuel inférieur à 7 900 euros (…).

« Seulement 5,72% des interrogés déclarent ne pas connaître de variations dans leurs rémunérations journalières.

« Ainsi, si pour quelques comédiens, les rémunérations par cachet sont stables, pour bien d’autres elles peuvent être très variables (l’indicateur de l’amplitude de cette variabilité prend respectivement les valeurs 0 et 23). Et l’on constate que c’est justement pour les catégories de métiers les moins bien rémunérées, en moyenne, sur l’année, que la variabilité des rémunérations journalières est la plus élevée : artistes dramatiques, artistes de la danse, de la musique et du chant ».

B. DES DÉSACCORDS PERMANENTS SUR L’AVENIR DES ANNEXES VIII ET X AU SEIN DU RÉGIME INTERPROFESSIONNEL

1. Un nouveau siècle qui commence mal

Les débats sur l’avenir du régime d’assurance chômage des intermittents ne sont pas nouveaux. Dès 2000, quatre organisations représentatives des employeurs et des salariés travaillent à un « projet d’accord professionnel sur une proposition de réforme du régime », projet qui n’aborde pas la question du périmètre des bénéficiaires. Parallèlement, quatre autres syndicats entreprennent, en 2002, de resserrer le champ d’application des annexes VIII et X en diminuant le nombre de métiers éligibles. Ces démarches sont sans succès dans les deux cas.

Fin décembre 2001, dans l’urgence et à l'initiative de M. Jean Le Garrec, une proposition de loi est votée afin de combler le vide juridique que créait la non-reconduction de la précédente convention par les partenaires sociaux.

En juin 2002, les partenaires sociaux décident de doubler le montant des cotisations chômage des entreprises culturelles et de leurs salariés, afin de combler le déficit grandissant. Déjà, le groupe socialiste dénonce la baisse du pouvoir d'achat des salariés concernés et les difficultés croissantes des entreprises culturelles. Déjà, les partenaires sociaux choisissent la facilité. Ce qui eut été beaucoup plus compliqué, c'était de réfléchir à une réforme en profondeur du régime particulier des intermittents du spectacle, pour assurer sa pérennité.

2. La crise de 2003

La situation financière de l’assurance chômage ne s’améliorant pas, en 2003, à la demande du MEDEF, une renégociation des annexes VIII et X s’ouvre pour aboutir au protocole du 26 juin 2003. Dès le 17 juin 2003, lors d’une question au gouvernement, votre rapporteur dénonce le projet de protocole en cours de négociation et s’inquiète des futurs effets dévastateurs de ce projet : « Comment, en effet, ne pas partager la légitime inquiétude des intermittents alors que la troisième réunion de négociation sur l'avenir de leur régime d'assurance chômage vient d'échouer ? En rejetant toute idée de réforme permettant le maintien à long terme de ce régime particulier, le MEDEF persiste dans une logique purement comptable qui l'a conduit à formuler des propositions inacceptables pour les intermittents : neuf mois, au lieu de douze, pour atteindre le seuil des 507 heures de cotisation et six mois, contre douze actuellement, quant à la durée d'indemnisation. Ces modifications de durée auraient un prix social terriblement lourd, puisque plus de la moitié des 100 000 professionnels concernés – artistes, interprètes, techniciens – se trouveraient exclus de l'assurance chômage. De fait, il n'est que temps pour votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, de prendre enfin ses responsabilités sur ce dossier, d'avoir du courage, puisque M. Fillon prétend en avoir, et de cesser de jouer les Ponce Pilate quand tout un secteur de l'économie culturelle, celui du spectacle vivant, est aussi directement menacé ».

En juillet 2003, le gouvernement agrée le protocole du 26 juin, avec les conséquences que tout le monde garde en mémoire. La très forte mobilisation des intermittents du spectacle a conduit à l'annulation de très nombreux festivals d'été et a soudainement montré que la culture n'était pas qu'une dépense stigmatisée par le MEDEF et quelques autres, mais une extraordinaire création de richesse dont le pays tout entier est redevable aux professionnels du spectacle vivant et aux acteurs culturels en général.

A l’époque, le MEDEF, par la voix de son président Ernest-Antoine Seillière, livrait une interprétation de cet accord qui reste inacceptable. Pour M. Seillière, l’accord « évitera que des gens vivent de l'assurance chômage au lieu de vivre de leur travail », ajoutant même, « le milieu du spectacle est habitué à ce qu'on ne touche pas à ses privilèges ; on y touche comme à d'autres et c'est ça qu'on appelle la réforme ».

3. Le rôle clé du comité de suivi

Créé par quelques parlementaires, au sein de l’Assemblée nationale, suite au conflit ouvert par l’agrément donné, le 7 août 2003 par le gouvernement, le comité de suivi des intermittents, au sein duquel le rôle joué par M. Etienne Pinte se doit d’être tout particulièrement souligné, revêt une forme hybride et nouvelle au sein du Parlement. En effet, il comprend, outre des parlementaires de tous les groupes, des représentants des syndicats, dont la CGT, des organisations professionnelles et de la coordination des intermittents.

Alors que nombre de festivals culturels durant l’été 2003 ont été gravement perturbés, voire annulés, donnant une publicité particulière à ce conflit social, les parlementaires ont été amenés, dans un premier temps, à se tourner vers une demande de création de commission d’enquête. Les propositions de résolutions n’ont pas été adoptées, mais une mission d’information parlementaire sur les métiers artistiques a été créée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales le 3 décembre 2003.

Parallèlement, le 17 décembre 2003 est officiellement né le « comité de suivi de la réforme des annexes VIII et X de l’assurance-chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel ». Les deux structures se sont de fait côtoyées avec des objectifs différents (2). La mission d’information comprenant plusieurs membres du comité de suivi, les conclusions de son rapport ont été naturellement influencées par le travail exercé au sein du comité de suivi. Ainsi, la mission d’information a-t-elle décidé de travailler dans un premier temps sur la situation particulière des intermittents du spectacle. Si cette mission d’information avait naturellement un caractère temporaire, le comité de suivi a perduré, comme le conflit. Et la prise en compte par la représentation nationale des évolutions du dossier a permis l’élaboration de perspectives nouvelles.

4. Les suites désastreuses du protocole de 2003

Dès mars 2004, la mission d’information sur les métiers artistiques, créée à l’initiative de députés de toutes sensibilités politiques de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le prédisait : « L’accord n’a pour l’instant permis de réduire ni le déficit du régime, ni les abus et fraudes au dispositif, et la mission doute qu’il n’atteigne cet objectif dans la durée. Par ailleurs, la suppression de la franchise a conduit à l’augmentation des allocations versées à un certain nombre d’indemnisés pour lesquels il s’agit souvent d’un revenu de complément et non de remplacement. Il est donc impératif de prendre des décisions durables pour sortir de l’impasse économique et sociale dans laquelle on se trouve ».

En 2004, selon les chiffres publiés par la CFDT, alors que l’on constate déjà une diminution de 36,3 % des nouvelles entrées dans les annexes VIII et X, les dépenses continuent à progresser de 7,1 % en un an et le déficit progresse quant à lui encore de 6,9 % ! La situation ne s’améliore pas en 2005. Cette même année, 101 300 artistes et de techniciens ont été indemnisés par l’UNEDIC, soit 4 300 de moins qu’en 2003. Dans le même temps, 15 563 personnes bénéficiaient du fonds transitoire mis en place par l’Etat.

L’impact social de l’accord est clairement négatif. Il conduit à l’exclusion des intermittents les plus fragiles, notamment les jeunes, les malades, les femmes enceintes. La modification des règles de calcul de l’indemnisation bénéficie aux « permittents », c’est–à–dire à ceux qui déclarent régulièrement des cachets importants pour un nombre réduit d’heures.

Certes, le gouvernement, conscient des insuffisances du protocole, met rapidement en place un fonds provisoire spécifique destiné à faire bénéficier d’une ouverture de droit les salariés qui auront effectué 507 heures sur 12 mois, au lieu des 11 mois prévus pour 2004 par l’accord. Fin 2004, ce fonds « provisoire » est remplacé par un fonds « transitoire » et la solidarité nationale prend peu à peu le relais de la solidarité interprofessionnelle, d’autant plus que les intermittents définitivement exclus du régime viennent souvent grossir les rangs des RMIstes. Certes, parallèlement, les ministres de la culture et des affaires sociales ont exprimé leur volonté d’améliorer les conditions de l’emploi culturel : lutte contre les abus, redéfinition du périmètre, ouverture de négociations en vue de la conclusion de conventions collectives dans les différents secteurs.

Fin 2005, à l’expiration de la convention générale de l’UNEDIC, on pouvait espérer que les partenaires sociaux se seraient entendus sur le contenu du futur protocole s’agissant des annexes VIII et X. Pourtant, le 18 décembre, les partenaires sociaux décident d’une prorogation du protocole de 2003 pour 2006, avec plusieurs « aménagements importants, qui s’agisse de la formule du calcul de l’indemnisation des intermittents au chômage, de la prise en compte des accidents du travail, des fins de carrière, des accidents du travail », selon les termes employés par M. Denis Gautier-Sauvagnac, chef de file de la délégation du MEDEF à ces négociations, au motif que « le monde du spectacle conduit une vaste restructuration » et qu’il convient donc encore une fois de ne rien décider.

Le 22 décembre 2005 paraît l’arrêté portant agrément de l’accord national interprofessionnel de sécurisation du régime d’assurance chômage et de l’accord national interprofessionnel portant prorogation des annexes VIII et X relatives aux professionnels intermittents du cinéma, de l’audiovisuel, de la diffusion et du spectacle. Les annexes pouvaient donc être prorogées en l’état jusqu’en 2008 !

Devant la pression continue exercée par les intermittents eux-mêmes, la CGT mais également par des parlementaires de tout bord politique, les négociations reprennent en janvier 2006 à la demande du ministre de la culture. Elles durent jusqu’en avril mais, dès le 9 mars 2006, dans un communiqué de presse, les parlementaires membres du comité de suivi expriment déjà leur consternation à la lecture du projet de protocole d’accord proposé et leur incompréhension devant un refus manifeste de prendre en compte les conditions de travail du secteur culturel, d’édicter des règles claires d’admission et d’indemnisation et donc de construire dans le dialogue et la transparence ce nouveau protocole.

Le projet du 18 avril, même s’il réaffirme effectivement le maintien d’un régime spécifique pour les artistes et techniciens, fait à nouveau l’impasse sur de nombreuses propositions des différentes expertises, sur celles faites tant par les partenaires sociaux contestant la réforme de 2003 que par les parlementaires. Selon l’analyse de la Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France, « ce projet n’est qu’un protocole 2003 bricolé, toujours à la fois aussi coûteux et précarisant. Il accentue l’exclusion (en ne remontant plus de contrat en contrat) et reste basé sur un principe de capital d’indemnités, dont tout le monde sait à présent qu’il n’offre qu’une seule garantie : un revenu de confort pour les hauts salaires. Le seul point positif du projet est la disparition du salaire journalier de référence, mesure nécessaire pour résoudre certaines inégalités de traitement et rompre avec l’incitation à la sous-déclaration, mais qui ne change absolument rien à l’exclusion et à la précarisation ».

Les propositions des partenaires opposés à l’agrément
du projet de protocole du 18 avril 2006

Un protocole ouvrant sur un système pérenne et équitable doit être basé sur les trois principes interdépendants suivants :

1. Date-anniversaire fixe (507 heures en 12 mois ouvrent une indemnisation sur un délai préfix de 12 mois).

La date anniversaire est, à ce jour, le seul mode d’indemnisation auto-régulé, économique et redistributif, adapté à l’emploi discontinu, garantissant le versement d’un revenu de remplacement et non pas de complément. Elle reste moins chère qu’un système de droits capitalisés, tout en assurant plus de sécurité aux allocataires. Elle permet un calcul juste et équitable des droits. Elle est à ce jour le dispositif le plus simple et le plus transparent, d’un point de vue administratif.

2. Disparition de toute référence au salaire journalier de référence – SJR – (y compris dans le calcul de la franchise et dans le plafond de 75 % du SJR) pour l’égalité de traitement et l’incitation à la juste déclaration.

3. Dispositifs modérateurs adaptés : franchise non amputée de 30 jours et associée à une date anniversaire, plafond de cumul salaires+indemnités.

II.-  FIXER UN NOUVEAU CADRE AUX NÉGOCIATIONS À VENIR

A. UNE PRATIQUE COURANTE, ENCADRÉE PAR LA CONSTITUTION

Comme le souligne M. Dominique-Jean Chertier dans le rapport qu’il a remis au Premier ministre le 31 mars 2006, « les questions relatives au droit du travail, de la formation professionnelle et à l’indemnisation du chômage sont propices à un renvoi à la négociation entre partenaires sociaux (…) Toutefois, cette situation ne conduit pas pour autant à un recours systématique à la négociation, de nombreuses réformes étant conduites par l’Etat en associant différemment les partenaires sociaux » (3).

D’ailleurs, si l’alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946 pose le principe du dialogue social puisqu’il dispose que « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises », l’article 34 de la Constitution dispose que « la loi détermine les principes fondamentaux (…) du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ».

Or le Conseil constitutionnel a toujours fait prévaloir une lecture extensive de l’article 34. Comme le rappelle M. Chertier, « dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel n’a jamais considéré que l’alinéa 8 du préambule de 1946 venait restreindre le domaine de compétence du législateur fixé par l’article 34. Les délégués des travailleurs ne bénéficient pas d’un domaine réservé de production de normes » (4).

La présente proposition de loi s’inscrit bien dans ce cadre, d’autant que la loi est très régulièrement à l’origine de la négociation collective. Ainsi, la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a créé la convention de reclassement personnalisé, renvoyant à la négociation le soin d’en préciser les modalités, avant que le législateur n’adapte la législation aux termes de l’accord par quelques dispositions de la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne.

B. LA NÉCESSITÉ D’UNE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR FACE À LA SITUATION ACTUELLE

Aujourd’hui, personne ne conteste que ce régime particulier de l'assurance chômage doit être réformé pour gagner en cohérence et en rigueur, ne serait-ce que pour limiter les abus qui conduisent de grandes entreprises du secteur à profiter de ce régime pour ne pas avoir à employer à temps complet nombre de leurs salariés. Il convient effectivement de sauver ce régime, en supprimant les dérives qui dénaturent le système des 507 heures et en faisant confiance pour cela aux organisations représentatives du secteur.

En ne modifiant qu’à la marge le protocole de 2003, les rédacteurs du projet de protocole du 18 avril 2006 balaient du revers de la main tout le travail d’expertise et de propositions mené depuis trois ans : celui du comité de suivi, le rapport Guillot, le rapport de la mission d’information sur les métiers artistiques. On ne peut que constater l’absence des principales revendications : 507 heures nécessaires en 12 mois à date anniversaire fixe, délai préfixé de 12 mois d’indemnisation en lieu et place de la capitalisation, indemnité journalière plancher égale au SMIC, prise en compte des heures de formation et des congés maladie hors contrat.

Ce que propose le MEDEF n’est pas acceptable en l’état. L’abandon progressif du régime particulier, qui sous-tend ses propositions, aboutirait en fait à remettre en cause le statut de salarié de nombre de travailleurs du secteur culturel. La logique du contrat commercial ou de la prestation de service pourrait ainsi peu à peu supplanter la présomption de salariat garantie par l'article L. 762-1 du code du travail.

Par ailleurs, ce texte devait être soumis à la signature des cinq centrales syndicales avant le 18 mai 2006. Si la CGT a annoncé qu’elle ne le signerait pas et qu’elle s’opposerait à l’agrément, suivie sur cette position par FO, les autres centrales syndicales avaient annoncé qu’elles allaient, dans les semaines qui suivaient, consulter leurs instances nationales. Or, près de cinq mois plus tard, aucune centrale n’avait encore pris de décision ! Quel meilleur aveu que, signé ou non à terme, le projet de protocole du 18 avril 2006 n’est pas un bon projet et ne pose pas les bases d’un « système pérenne et équitable »…

Prenant acte de l’impasse des négociations, le groupe socialiste estime qu’il convient aujourd’hui d’agir pour sortir d’une situation totalement bloquée. N’est-ce pas M. Renaud Donnedieu de Vabres lui-même qui, à l’Assemblée nationale le 30 mars 2005, affirmait en réponse à une question de M. Christian Kert : « Nous saurons à ce moment-là prendre nos responsabilités ensemble, c’est-à-dire par voie législative ».

Par ailleurs, le projet de protocole, même assorti du fonds de professionnalisation et de solidarité, et en dépit de certaines avancées comme la suppression du salaire journalier de référence, ne serait pas, selon le comité de suivi, « adapté aux conditions d’emploi des artistes et techniciens, accentuerait la complexité et l’illisibilité du régime spécifique et ne permettrait aucune maîtrise du déficit des annexes VIII et X ».

Il convient donc de tout mettre en œuvre pour permettre une nouvelle négociation et la mise en place d’un régime spécifique d’assurance chômage juste et durable, promis et tant attendu. Seule une loi permettra de sortir par le haut de cette crise.

III.- ANALYSE DES ARTICLES

Article 1er

Contenu de l’accord paritaire relatif aux mesures d’application des dispositions du régime spécifique d’assurance chômage des intermittents

L’article 1er de la proposition de loi dispose que le protocole d’accord sur l’assurance chômage des intermittents devra clairement préciser les conditions dans lesquelles sont assurées la solidarité, l'égalité de traitement et la transparence des données, au sein des professions du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel, c’est-à-dire pour les salariés relevant des annexes VIII et X du régime d’assurance chômage. Ce protocole s’inscrit dans le cadre des mesures d'application des dispositions du régime d’assurance chômage, elles-mêmes encadrées par l'article L. 351-8 du code du travail.

Cet article dispose que les mesures d'application des dispositions du régime d’assurance chômage font l'objet d'un accord conclu entre les partenaires sociaux. Cet accord doit ensuite être agréé par arrêté du ministre chargé du travail. L'agrément de cet accord a pour effet de le rendre obligatoire pour tous les employeurs ainsi que pour leurs salariés.

L’articler 1er prévoit également que, pour être agréé par les pouvoirs publics, le futur protocole sur l'assurance chômage des intermittents devra comporter les dispositions suivantes :

– la définition précise des modalités de l'ouverture des droits à indemnisation,

– sur une période de référence de douze mois, comme réclamé par l’ensemble des acteurs du secteur,

– avec une date d'anniversaire fixe (si le nombre d’heures travaillées nécessaire est atteint en 12 mois, il ouvre droit à une indemnisation sur 12 mois).

En imposant uniquement cette période de référence de douze mois, le législateur fixe certes un cadre à la négociation, mais en laissant de larges marges de manœuvres aux partenaires sociaux pour finaliser un accord sur tous les autres paramètres de l’indemnisation.

A l’heure actuelle, le projet de protocole du 18 avril s’engage sur une voie très différente, et fort complexe, puisque l’article 1er prévoit que l’ouverture des droits est subordonnée à l’accomplissement :

–  par les allocataires relevant de l’annexe VIII, de 507 heures d’activité déclarée dans les 10 mois qui précèdent la fin du contrat de travail ou, à défaut, une durée totale d’activité déclarée sur une période supérieure aux 10 mois précédant la fin du contrat de travail et calculée sur la base de 507 heures plus 50 heures par mois à compter du 11è mois (5).

–  par les allocataires relevant de l’annexe X, de 507 heures d’activité déclarée dans les 10,5 mois qui précèdent la fin du contrat de travail ou, à défaut, une durée totale d’activité déclarée sur une période supérieure aux 10,5 mois précédant la fin du contrat de travail et calculée sur la base 507 heures plus 48 heures par mois à compter du 11è mois (6).

Toutefois, à titre transitoire, pour la période de douze mois suivant l’entrée en application de ce protocole, le nombre d’heures d’activité déclarée requis à compter du 11è mois est ramené respectivement de 50 heures à 48 heures pour les allocataires relevant de l’annexe VIII et de 48 heures à 45 heures pour ceux relevant de l’annexe X.

On ne saurait faire plus simple…

L’article 7 du projet de protocole prévoit quant à lui que le nombre de jours indemnisables au cours d'un mois est égal à la différence entre le nombre de jours du mois et le nombre de jours de travail affecté du coefficient 1,4 pour les allocataires relevant de l'annexe VIII et du coefficient 1,3 pour ceux relevant de l'annexe X, sachant que le nombre de jours de travail au cours d'un mois est déterminé en fonction du nombre d'heures déclarées, mais plafonnées à 8 heures par jour pour les techniciens et 10 heures par jour pour les artistes, ce qui ne prend nullement en compte les spécificités des secteurs du spectacle vivant et de l’audiovisuel.

Enfin, l’article 1er de la proposition de loi dispose que le versement de l’indemnité journalière minimale devra être plafonné afin de garantir l'égalité de traitement et d’inciter à la déclaration de toutes les heures travaillées. Le projet de protocole prévoit actuellement un plafonnement, mais « maintenu à son niveau actuel », alors que l’ensemble des partenaires s’accorde pour dire qu’il est trop élevé et réclame des dispositifs modérateurs plus adaptés.

Article 2

Compensation des charges nouvelles

L’article 2 de la proposition de loi dispose que les charges éventuelles qui résulteraient pour les régimes sociaux de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle sur les contrats d'assurances, prévue par l’article 1001 du code général des impôts.

Ainsi, le montant global de la charge de l’indemnisation des intermittents au titre de l'assurance chômage restera inchangé pour les institutions gestionnaires, qui n’auront donc pas à compenser les éventuelles nouvelles dépenses par des mesures restrictives sur les autres paramètres de l’accord (montant de l’indemnisation, nombre d’heures nécessaires, etc.).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 4 octobre 2006.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Michel Herbillon a fait part de son profond étonnement quant au choix du groupe socialiste de débattre de cette proposition de loi. En effet, les députés membres de la commission, quelle que soit leur appartenance politique, se sont toujours mobilisés sur les sujets culturels dans un esprit de coopération. Le meilleur signe en est l’adoption à l’unanimité des conclusions des différentes missions d’information. Or, aujourd’hui, la discussion de la proposition de loi montre une absence totale de concertation préalable, ce qui tranche avec l’attitude généralement adoptée.

Le groupe UMP ne tient pas à ce que l’examen de la proposition de loi conduise à construire un clivage idéologique artificiel et à caricaturer les positions des uns et des autres : il n’y a pas ceux qui sont pour les artistes et techniciens et voteraient la proposition, et ceux qui sont contre et ne la voteraient pas. Dans ces conditions, on ne peut qu’avoir des doutes quant à la véritable volonté du groupe socialiste d’aboutir à l’adoption de la proposition.

Le rapporteur indique que la négociation a échoué et qu’il faut donc légiférer : mais y a-t-il eu une déclaration publique de la CFDT indiquant qu’elle ne signera pas le projet de protocole du 18 avril ? Il s’agit d’un véritable procès d’intention qu’accompagne un pur affichage politique. Légiférer sans attendre l’aboutissement de la négociation entre partenaires sociaux s’inscrit dans les méthodes socialistes que le pays connaît malheureusement bien. La loi seule ne peut résoudre tous les problèmes : il faut ainsi rappeler les 35 heures non négociées et la loi dite « de modernisation sociale », qui n’était ni moderne ni sociale et dont l’objectif – la suppression des licenciements – a eu les suites que l’on sait.

Les membres de la commission s’intéressant aux sujets culturels n’ont même pas été conviés à une seule réunion de concertation ou de travail avec le rapporteur M. Patrick Bloche. Alors même que des parlementaires de la majorité ont déposé la même proposition, le rapporteur n’a pas daigné les informer que le groupe socialiste avait décidé de son examen. Si l’intention n’avait pas été purement politicienne, ce texte aurait d’ailleurs pu être examiné dans le cadre d’une niche commune aux groupes, permise par le Règlement de notre assemblée. De même, aucune concertation avec les partenaires sociaux n’est intervenue. En conséquence, soit le rapporteur demande de signer un chèque en blanc, soit il ne croit pas à sa propre démarche.

L’intervention de l’État via une loi signifierait que les négociations ont échoué. Or un accord est toujours possible. De plus, l’UNEDIC est le dernier véritable lieu de gestion paritaire en France et il serait dommage de faire intervenir l’État alors même que des réflexions sont actuellement menées pour améliorer les conditions du dialogue social.

À quelques mois d’échéances politiques majeures, la ficelle est décidément trop grosse. La démarche précipitée du groupe socialiste relève de l’affichage politique. Les parlementaires de la majorité se sont beaucoup investis afin d’améliorer la situation des artistes et techniciens du spectacle. Ce thème n’est pas le monopole du groupe socialiste.

M. Frédéric Dutoit a tout d’abord déclaré que le groupe communiste et le groupe socialiste sont en parfait accord sur cette proposition de loi et a estimé que les propos de M. Michel Herbillon démontrent une totale méconnaissance du dossier. En effet, voilà plus de trois ans que la question de la protection chômage des intermittents du spectacle pose problème : les artistes ont été contraints d’organiser des actions spectaculaires et de perturber le fonctionnement des festivals, le ministre de la culture a dû désigner un médiateur indépendant, M. Jean-Paul Guillot, pour tenter de surmonter les divergences entre le patronat et les organisations syndicales de salariés sur cette question.

Les accords précédents ont été signés par des organisations syndicales peu représentatives et les solutions trouvées se sont avérées inefficaces. Devant l’impuissance des partenaires sociaux à dégager des solutions viables, un comité de suivi a été mis en place qui réunit des parlementaires de toutes les sensibilités politiques. Le texte de la proposition de loi qui a été mis au point fait consensus, puisque l’ensemble des groupes politiques a déposé cette proposition sur le bureau de chaque assemblée. Il est donc urgent d’en passer par la loi pour débloquer la situation.

Le texte de la proposition de loi débattue ce matin a été signé par plus de 300 parlementaires et le groupe communiste a déposé une proposition de loi similaire. Ce texte représente une véritable avancée, notamment en faisant une mention explicite à la période de référence de douze mois pour le calcul de l’ouverture des droits à indemnisation. Ce texte doit donc être voté compte tenu du nombre élevé de parlementaires qui s’y sont associés.

M. Alain Bocquet, président du groupe communiste, avait proposé à M. Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée nationale, d’inscrire cette proposition de loi en dehors des séances réservées aux niches parlementaires. La représentation nationale aurait pu ainsi prendre le temps d’examiner tous les aspects de ce dossier complexe et dégager des solutions durables pour l’assurance chômage des intermittents du spectacle. Devant le refus du président de l’Assemblée, il ne restait plus à l’opposition que la solution de recourir à une niche parlementaire pour traiter ce problème.

M. Dominique Paillé a tout d’abord constaté que le protocole entré en vigueur en juin 2003 présente de nombreuses lacunes, que tout le monde reconnaît. La situation actuelle est pire que celle qui prévalait avant l’accord de 2003 : la situation financière des annexes 8 et 10 s’est en effet détériorée, les déficits générés sont en constante augmentation et l’Etat finance une partie des dépenses. Il faut donc sortir de la situation actuelle qui mène à une impasse financière.

M. Etienne Pinte, député UMP, a été l’initiateur du comité de suivi. Il convient de saluer son action, qui a permis de s’accorder sur des solutions pour améliorer la couverture chômage des intermittents. Ce travail s’est traduit par la rédaction d’une proposition de loi similaire à celle proposée aujourd’hui par le groupe socialiste. Il est étonnant de constater que l’exposé des motifs du texte socialiste ne fasse aucune mention de l’implication de M. Etienne Pinte dans ce dossier et reprenne sans le dire les solutions qu’il avait élaborées. Cette méthode du groupe socialiste est condamnable alors que, sur le fond, aucune divergence n’existe entre l’opposition et la majorité. Il aurait été possible d’aboutir à un texte voté par l’ensemble de l’Assemblée nationale.

Si l’on ne peut qu’approuver le contenu de cette proposition de loi, les députés UMP ne pourraient la voter qu’à la condition que le groupe socialiste explique que ce texte a été élaboré dans le cadre du comité de suivi par des parlementaires de toutes sensibilités politiques et y associe donc les députés de la majorité. Pour autant, il semblerait opportun de laisser encore quelques délais aux partenaires sociaux, notamment à la CFDT, afin qu’elle puisse exposer clairement sa position et qu’ainsi le Parlement puisse se déterminer en conscience avant de procéder au vote de cette proposition de loi.

M. Simon Renucci a fait part de son indignation suite aux propos de la majorité et aux prétendues manœuvres du groupe socialiste. Ces déclarations et ce procès d’intention, émanant de la majorité, sont inacceptables. En agissant ainsi, on ne donne pas l’exemple d’une démocratie apaisée. Il risque d’y avoir des réactions violentes de la part des principaux intéressés qui ne comprendront pas les obstacles mis par la majorité à régler le problème de l’assurance chômage des intermittents.

M. Dominique Richard a rappelé la mobilisation du comité de suivi, dont il fait partie, qui rassemble des parlementaires de toutes sensibilités politiques et tente de dégager des solutions pérennes pour l’assurance chômage des intermittents. M. Etienne Pinte, à l’origine du comité de suivi, a fait un travail considérable qui a abouti à la rédaction d’une proposition de loi. Les quatre groupes parlementaires et les députés Verts ont déposé séparément la même proposition de loi dans le but de faire pression sur les partenaires sociaux qui négociaient alors le projet de protocole.

Il faut rappeler que des résultats significatifs ont été obtenus par le comité de suivi, à savoir la création d’un fonds de transition, la mise au point de certaines solutions techniques pour remédier à des anomalies du protocole de 2003, et maintenant la création du fonds de professionnalisation et de solidarité. La situation des artistes et des techniciens du spectacle s’est aujourd’hui réellement améliorée d’autant plus que l’UNEDIC fait une interprétation souple des dispositions, ce qui permet à certains professionnels de bénéficier du statut d’intermittent du spectacle alors qu’ils n’en bénéficieraient pas si les règles d’ouverture de droits étaient plus strictement interprétées.

Le ministre de la culture et de la communication a beaucoup œuvré en faveur des intermittents : les manœuvres et les attaques violentes de la CGT lors du festival d’Avignon sont proprement scandaleuses.

Les membres du comité de suivi s’étaient entendus, en présence du président Debré, pour n’examiner cette proposition de loi qu’après avoir constaté l’échec des négociations paritaires. Or, actuellement, les négociations sont toujours en cours et trois confédérations nationales n’ont pas donné de réponse quant à leur intention de signer ou non l’accord en cours de finalisation. Il convient de rester fidèle à cet engagement initial. On ne peut que s’étonner des propos de M. Frédéric Dutoit qui semblent contester la représentativité de certains syndicats. Il faut laisser toutes ses chances au paritarisme et reporter le vote de cette proposition de loi.

En conclusion, il n’y a pas lieu de délibérer aujourd’hui, d’autant plus que cette proposition de loi risque d’engendrer une nouvelle instabilité juridique car elle n’apporte que des solutions temporaires. En outre, elle comporte en germe le risque de détacher le régime d’assurance chômage des intermittents de la solidarité interprofessionnelle.

M. Christian Kert a dressé un bref historique du dossier des intermittents du spectacle en rappelant qu’il s’agit d’un vieux débat qui posait déjà problème à l’époque où M. Jacques Ralite était ministre ! Il convient donc de tenter de résoudre ce problème avec courage, et non de se cantonner à regretter, comme le fait M. Frédéric Dutoit, que les discussions s’éternisent depuis trois ans.

Les parlementaires s’étaient mis d’accord avec le président de l’Assemblée nationale pour examiner cette proposition de loi, en dehors des niches parlementaires, comme un ultime recours au cas où les négociations sociales auraient échoué. Ce n’est pas le cas actuellement et le ministre de la culture a fait savoir que les chances d’aboutir étaient réelles. De plus, il avait été convenu que si une proposition de loi devait être examinée, le comité de suivi ferait le point au préalable avec les partenaires sociaux sur les questions non résolues, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.

Il est regrettable que le groupe socialiste ait demandé l’examen de cette proposition de loi en mettant le comité de suivi devant le fait accompli, compromettant ainsi les chances d’aboutir à des solutions efficaces. Le groupe UMP a appris que le comité de suivi devait se réunir cet après-midi, ce qui est bien tardif pour régler sereinement les difficultés. On ne peut que regretter cette manœuvre politicienne du groupe socialiste.

M. Frédéric Dutoit a souhaité revenir sur l’argument selon lequel on assisterait au travers de l’inscription de la présente proposition de loi à l’ordre du jour réservé de l’Assemblée nationale à une « manœuvre socialiste ». On peut, en fait, se demander si la majorité parlementaire ne cherche pas plutôt à reporter sur un autre gouvernement et une nouvelle majorité les décisions à prendre concernant les intermittents du spectacle. Pour respecter les promesses du ministre, un accord aurait dû être conclu depuis cinq mois. Aucun syndicat n’a signé le protocole d’accord et la CGT a clairement fait savoir qu’elle n’entendait pas le signer.

M. Michel Herbillon a fait valoir que l’argument inverse pouvait être présenté : le groupe socialiste s’est en fait précipité pour déposer sa propre proposition de loi et la faire inscrire le plus tôt possible à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, sans rechercher une solution consensuelle avec les députés des autres groupes qui avaient déposé la même proposition de loi. Cette précipitation vient sans doute du fait que les députés socialistes se sont aperçus que les partenaires sociaux étaient proches d’un accord.

Le rapporteur a admis qu’il convenait d’associer aux compliments formulés à l’égard du rapport présenté par M. Christian Kert, les noms de MM. Etienne Pinte, Dominique Paillé, Dominique Richard et Pierre-Christophe Baguet. M. Michel Herbillon n’a pas été cité car, dès l’origine, il n’a pas souhaité signer la proposition de loi déposée par des députés de son groupe.

M. Michel Herbillon a indiqué ne pas avoir signé le texte déposé par son groupe car il pressentait que l’on déboucherait sur la situation actuelle.

Le rapporteur a observé qu’il n’y a pas de désaccord global des députés sur le contenu de la proposition de loi. Les députés socialistes ont fait exactement ce que plus de 90 % des parlementaires demandaient. Intervenir au bout de trois ans de conflit, est-ce de la précipitation comme le pense M. Michel Herbillon ? Faut-il encore attendre trois mois pour voir si les blocages se lèvent, au risque de se retrouver en début de campagne pour l’élection présidentielle ? Le groupe socialiste a fait le choix d’agir car il faut rapidement débloquer cette situation intenable. L’enjeu est d’intérêt national et les intermittents du spectacle sont les acteurs du dynamisme culturel en France. Par ailleurs, la proposition de loi peut aider le ministre à sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve. Les parlementaires ne peuvent pas rester dans l’expectative actuelle ; tous les syndicats font la même analyse.

Compte tenu des positions exprimées par les uns et les autres, le président Jean-Michel Dubernard a proposé à la commission de ne pas engager la discussion des articles, de suspendre ses travaux et ne pas présenter de conclusions sur le texte de la proposition de loi, cette position n’empêchant ni la discussion en séance publique, ni la publication d’un rapport écrit incluant le compte rendu des travaux de la commission au cours desquels chacun a eu tout loisir de s’exprimer.

Suivant la proposition de son président, la commission a décidé de suspendre l’examen de la proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions.

© Assemblée nationale

1 () Le rapport de recherche rend compte à la fois des résultats de l’exploitation des données qualitatives issues d’une enquête socio-économique menée auprès de 940 intermittents du spectacle et des résultats des simulations de différents modèles d’indemnisation chômage.

2 () Le comité de suivi avait pour objectif initial « de se donner les moyens législatifs et politiques de rouvrir des négociations et demandait au Président de la République de bien vouloir répondre à [sa] demande d’arbitrage et de recevoir au plus tôt une délégation composée d’élus et de professionnels », communiqué de presse du comité de suivi du 17.12.2003, tandis que la mission d’information visait à « mener une réflexion sur les conditions actuelles d’exercice des métiers artistiques en France et sur la place qui leur est faite dans notre société ».

3 () Pour une modernisation du dialogue social, Rapport au Premier ministre, Dominique-Jean Chertier, 31 mars 2006.

4 () Conseil constitutionnel. Décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989 sur la loi modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion – considérant n° 11 : « Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions de travail ou aux relations du travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser après une concertation appropriée, les modalités concrètes de mise en œuvre des normes qu'il édicte. »

5 () Exemples : 557 h sur les 11 mois précédant la fin du contrat, 607 h sur les 12 mois précédant la fin du contrat, 657h sur les 13 mois précédant la fin du contrat.

6 () Exemples : 531 h sur les 11 mois précédant la fin du contrat, 579h sur les 12 mois précédant la fin du contrat, 627h sur les 13 mois précédant la fin du contrat.