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(Application de l’article 117 du règlement)
(La réunion de la commission élargie commence à neuf heures quinze.)
M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Madame la ministre de la culture et de la communication, je suis heureux de vous accueillir, avec M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et M. François Rochebloine, secrétaire de la commission des affaires étrangères, qui supplée M. Axel Poniatowski, actuellement en déplacement à New York avec une délégation de la commission des affaires étrangères pour l’assemblée générale des Nations unies.
Nous sommes réunis en formation de commission élargie afin de vous entendre et de débattre avec vous des crédits consacrés à la mission « Médias » dans le projet de loi de finances pour 2008. La procédure de la commission élargie, qui a été mise en place voilà quelques années, a vocation à concerner toutes les discussions budgétaires à partir de l’année prochaine, ce qui peut présenter un grand intérêt selon que le débat sera ou non rendu interactif et le plus vivant possible. Il s’agit de privilégier les échanges entre le ministre, les rapporteurs et les députés, et, à cet effet, de donner toute sa place au dispositif des questions-réponses.
Après que MM. Méhaignerie et Rochebloine auront dit quelques mots s’ils le souhaitent, je donnerai, dans un premier temps, la parole aux rapporteurs, MM. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances, Christian Kert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, et Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères – qui auront par ailleurs tout loisir d’intervenir quand ils le voudront dans le débat –, puis, dans un deuxième temps, à vous-même, madame la ministre, et, enfin, aux députés présents, qui pourront poser leurs questions.
M. Michel Françaix. Nous ne nous contenterons pas de poser des questions, monsieur le président !
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. On peut formuler des observations, monsieur Françaix.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Afin de répondre à votre souhait d’interactivité, monsieur le président, je laisse la parole aux rapporteurs.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je la donne auparavant à M. le secrétaire de la commission des affaires étrangères.
M. François Rochebloine, secrétaire de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, comme l’an passé, s’est saisie pour avis de deux programmes de la mission « Médias » : le programme 115 « Audiovisuel extérieur » et le programme 116 « Chaîne française d’information internationale ».
Notre commission s’intéresse en effet de près à tout ce qui a trait à l’audiovisuel extérieur. J’avais moi-même présidé une mission commune avec la commission des affaires culturelles à propos de la création de la fameuse chaîne d’information continue à vocation internationale, CII, avant que le président Edouard Balladur ne me confie, en décembre dernier, une mission sur l’organisation et le financement de l’audiovisuel extérieur, dont le rapport, rendu en janvier dernier, a été adopté à l’unanimité.
Aujourd’hui, le Président de la République a nommé un nouveau conseiller en charge de ces questions, M. Georges-Marc Benamou, et des propositions devraient être très prochainement présentées.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Madame la ministre, je poserai simplement quelques petites questions pour nous mettre en jambes, puisque telle est la règle du jeu.
En matière de redevance, la collecte a été transformée ces dernières années dans le souci d’économiser les deniers publics et d’assurer un financement convenable du service public de l’audiovisuel. Bercy estime que le total des besoins du service public de l’audiovisuel, définis notamment par les nouveaux contrats d’objectifs et de moyens, est couvert par la redevance collectée. Le contrat de France Télévisions prévoyant une augmentation de la dotation de 3,5 % par an sur toute sa durée, comment le financement nécessaire sera-t-il couvert après 2008 ? J’ai déposé un amendement afin de revaloriser chaque année, à partir de 2009, la redevance en fonction de l’indice des prix. Le Gouvernement partage-t-il cette conviction que seule la redevance et les ressources propres doivent financer le service public, à l’exclusion – exception faite de l’audiovisuel extérieur – des crédits budgétaires ?
S’agissant de France Télévisions, pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, que les objectifs définis dans la lettre de mission que vous avez reçue du Président de la République sont les mêmes que ceux fixés par le contrat d’objectifs et de moyens signé en avril dernier, et que de nouveaux financements ne seront donc pas nécessaires ? Si, en revanche, de nouvelles obligations sont nées, pouvez-vous nous préciser sur quels points ? Dans le cas où le surcoût qui en découlerait ne peut être couvert par les économies de gestion fixées par le COM, le Gouvernement acceptera-t-il de modifier par avenant ce récent contrat d’objectifs et de moyens ?
Dans le monde, le modèle du groupe multimédias s’impose de plus en plus. C’est le cas pour des acteurs publics comme la BBC en Grande-Bretagne ou Radio Canada, et pour de nombreux acteurs privés, devenus, notamment en matière d’information, des fabriques de contenus dont les produits sont diffusés à la fois par la télévision, par la radio et par Internet. Dans ce contexte, la France a-t-elle intérêt à soutenir les efforts des groupes privés pour se transformer en groupes multimédias ? Doit-elle conserver ses entreprises publiques spécialisées en radio ou en télévision ou doit-elle construire progressivement un groupe public multimédias capable d’être présent sur tous les supports ? Ne craignez-vous pas que l’audiovisuel soit écrasé par les opérateurs de télécoms, dont on connaît les ressources financières, s’il ne s’organise pas en groupe multimédias ? Soumettrez-vous ces opérateurs aux mêmes obligations que les opérateurs audiovisuels, notamment en matière de production et de diffusion ?
Les nouveaux venus dans le monde de la création, notamment dans les secteurs de l’Internet et des télécoms, ne recyclent en rien leurs ressources au profit de la création française. Or, dans certains cas, le piratage ajoute aux difficultés de la création. Comment faire pour que les nouveaux médias contribuent à celle-ci ? Comment parvenir au respect du principe de neutralité technologique pour les règles s’appliquant à une partie de l’image diffusée ?
Avec les 300 millions d’euros consacrés à l’audiovisuel extérieur, la France a les moyens de reconstruire ce secteur, sans financement supplémentaire au départ. Quels sont précisément les objectifs géostratégiques et éditoriaux en la matière, alors que l’on trouve, d’un côté, une défense de la francophonie et, de l’autre, une vision purement française ? L’intégration est-elle envisagée dès le début ou progressivement ? Est-il dans les intentions du Gouvernement d’opter résolument pour l’architecture d’un groupe multimédias avec une production en commun de contenus diffusés sur tous les supports ?
Par ailleurs, en matière de règles applicables à l’audiovisuel public, compte-t-il étendre au service public de l’audiovisuel les dispositions de la loi sur le service minimum, notamment l’obligation de déclarer la grève prévue quarante-huit heures avant et d’organiser un vote à bulletins secrets ?
S’agissant de la presse écrite, on en connaît les difficultés : baisse du lectorat, concurrence du multimédia, crise des recettes publicitaires, coût de fabrication et de diffusion élevés. Pourtant, les aides directes ou les dépenses fiscales de l’État en faveur de la presse sont importantes. Elles se renforcent même cette année en se centrant sur la presse quotidienne. Faut-il continuer à soutenir le support papier ou réorienter l’aide de l’État vers le soutien à l’élaboration de contenus éditoriaux, indépendamment des multiples supports possibles : Internet, télécoms, audiovisuel, papier ?
L’AFP, pour sa part, a besoin de 20 millions d’euros sur cinq ans pour financer sa mutation technologique, donc numériser sa production et sa diffusion, comme le font les autres grandes agences mondiales ; je rappelle que l’agence française se situe au deuxième ou au troisième rang mondial, ce qui n’est pas rien. Cet investissement stratégique ne peut être financé par les actionnaires qui n’existent pas à l’AFP, son statut étant un peu particulier. Le Gouvernement compte-t-il inscrire cet investissement exceptionnel dans le futur contrat d’objectifs et de moyens ?
Je m’arrête là, monsieur le président, puisqu’il nous faut, semble-t-il, être sobre.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C’est peut-être sobre, mais en termes de questions, c’est plutôt lourd !
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je remercie notre collègue Patrice Martin-Lalande d’avoir laissé aux deux rapporteurs pour avis une ou deux fenêtres de questionnement !
Madame la ministre, permettez-moi, avant de vous poser à mon tour quelques questions, de vous remercier de nous présenter un budget en augmentation sensible de 3,5 %. Ce ne fut pas le cas de tous les budgets consacrés à la communication par le passé, et c’est donc une hausse qu’il est nous est agréable de relever.
Avant d’en venir aux questions ayant trait à France Télévisions, permettez-moi d’abord de revenir sur les clauses publicitaires du cahier des charges de Radio France.
Le rétrécissement constant de la publicité au champ des sociétés publiques, mutualistes ou coopératives met en péril l’avenir des recettes publicitaires de cette société, donc l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens ; je sais que la présidence de Radio France vous a alertée sur ce point. Outre le fait que cette restriction soulève également un problème de conformité à la réglementation européenne, le Gouvernement envisage-t-il une modernisation du champ des annonceurs autorisés ? Une telle modification permettrait d’ouvrir les antennes de Radio France à d’autres annonceurs que le monde mutualiste, d’autant qu’en termes d’écoute, il devient quelque peu pénible d’entendre en permanence les mêmes publicités.
En ce qui concerne le financement de France Télévisions, cette dernière est dans un contexte très particulier d’ouverture à la concurrence, phénomène que l’arrivée des chaînes de la TNT a aggravé. Le contrat d’objectifs et de moyens signé en avril 2007 a fixé des objectifs très ambitieux au pôle France Télévisions en matière de passage au numérique, de développement de la haute définition et de la télévision mobile personnelle, laquelle va probablement constituer une nouvelle étape de la révolution technologique. Or il semble que certains surcoûts liés à ces évolutions n’aient pas été pris en compte dans le COM. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur ce point ?
Ma deuxième question a trait au développement de synergies au sein du groupe France Télévisions. Quelle est l’approche du Gouvernement en la matière ? L’idée d’une fusion des chaînes publiques ou de la mutualisation de certains moyens est-elle toujours d’actualité ? Quels sont selon vous les progrès que l’on pourrait en attendre au sein du groupe ?
Par ailleurs, vous avez confié à deux spécialistes de l’audiovisuel, MM. David Kessler et Dominique Richard, notre excellent ancien collègue, une mission sur la réforme du régime de la contribution des chaînes de télévision à la production audiovisuelle. Quelles sont les hypothèses envisagées ? Une diminution du quota d’investissement dans les œuvres indépendantes ou un intéressement des chaînes aux œuvres qu’elles financent en font-ils partie ? Le champ des possibilités étant très large, avez-vous fourni un cahier des charges à MM. Kessler et Richard ?
Vous avez également évoqué une possible remise à plat des règles publicitaires applicables à l’audiovisuel, à l’occasion de la transposition de la nouvelle directive « Services de médias audiovisuels sans frontières ». Quelles sont les solutions privilégiées par votre ministère ? Est-ce celle d’une coupure supplémentaire dans les émissions de flux, au risque de fragiliser encore plus le paysage audiovisuel français, sans oublier les possibles répercussions sur la presse écrite ? Est-ce celle d’un passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge, mesure dont les évaluations présentées sont d’ailleurs très contestables ? N’est-il pas finalement quelque peu incohérent de financer un service public par la publicité alors que l’on attend qu’il affiche sa différence par rapport à des concurrents privés ?
Enfin, sujet qui fâche, la ressource provenant de la redevance n’est guère dynamique, c’est le moins que l’on puisse dire : la barre est fixée à 116 euros depuis 2004 alors que la moyenne européenne s’élève à plus de 195 euros, ce qui nous place au douzième rang parmi les treize pays que nous avons recensés sur ce point en Europe. Seule l’Italie se situe derrière nous, mais pour la raison évidente que les coupures publicitaires y sont permanentes sur les écrans de l’audiovisuel public. Alors que les économies obtenues grâce à la réforme de la redevance atteignent aujourd’hui leurs limites et que le remboursement des exonérations est plafonné, comment assurer un niveau suffisant de ressources publiques dans ces conditions ? Peut-on continuer à financer l’audiovisuel public dans un tel système mixte, redevance-publicité, sachant que les audiences baissent inexorablement du fait d’une forte concurrence et que les volumes publicitaires trouvent déjà leurs limites ? Si nous ne touchons pas à la redevance, le problème du financement de l’audiovisuel public se posera année après année. Il faut donc y apporter une véritable réponse, et je souhaite connaître, madame la ministre, votre position à cet égard.
Je reviendrai sur toutes ces observations en présentant un amendement destiné à redonner un peu de dynamisme à un débat qui, pour l’instant, en a, me semble-t-il, un peu manqué.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Vous avez finalement trouvé à poser des questions complémentaires à celles de M. le rapporteur spécial ! (Sourires.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Madame la ministre, l’audiovisuel extérieur c’est comme les Galeries Lafayette : il s’y passe toujours quelque chose ! Moins d’un an après la création de France 24, le Président de la République a ainsi ouvert le chantier d’une réforme générale de l’audiovisuel extérieur directement pilotée depuis l’Élysée ; j’espère que vous aurez au moins votre mot à dire.
Mes questions porteront sur des enjeux aisément perceptibles, et, d’abord, sur l’enjeu budgétaire.
Les deux programmes qui concernent la commission sont à cet égard d’une disparité troublante : celui qui dépend des affaires étrangères est simplement reconduit quand celui dépendant du Premier ministre – France 24 – progresse de façon sensible. Cette disparité de traitement budgétaire reflète-t-elle un objectif bien précis ? D’autant qu’une autre anomalie peut être observée. En effet, la convention qui lie l’État à France 24 fait état d’un financement de 88,5 millions d’euros alors que 70 millions d’euros seulement sont inscrits. Je veux bien être naïf, mais il faudra combler la différence. Où le Gouvernement compte-t-il trouver ces 18,5 millions qui ne figurent pas actuellement dans le budget, mais qui ont été promis ?
Par ailleurs, il est très difficile aujourd’hui d’évaluer la réussite – ou le manque de réussite – de France 24, faute d’outil de mesure satisfaisant. Certes, son président est dans son rôle lorsqu’il affirme que sa chaîne rencontre un triomphe. On peut tout de même s’interroger sur la pertinence de cette affirmation puisque l’on ne connaît pas le taux réel de pénétration de la chaîne.
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Très juste !
M. Didier Mathus, rapporteur pour avis. Il me semblerait légitime que l’État se préoccupe d’évaluer son investissement dans France 24.
Pour en venir à l’actionnariat de la chaîne, on dénombre aujourd’hui deux actionnaires, puisque l’État, qui est le seul financeur, n’en est bizarrement pas un : France Télévisions et TF1. Alors que l’on peut, sans être méchant, qualifier ce dernier d’actionnaire dormant, il en va tout autrement de France Télévisions. Celle-ci est en effet mise à contribution pour l’ensemble de l’audiovisuel extérieur, puisqu’elle est actionnaire de tous les opérateurs – TV5 Monde, RFI et les autres –, sans avoir pratiquement aucune possibilité d’intervenir. Une telle structure d’actionnariat est extrêmement troublante, et le Parlement l’a dénoncé en son temps. Il serait temps aujourd’hui d’en faire le bilan et d’apporter une réponse à la question de l’utilité de TF1 dans le capital de France 24.
Plus globalement, madame la ministre, quelle est votre conception de la réforme à venir ? Des mutualisations ne seraient pas saugrenues, si l’on songe que France 24 maintient un correspondant permanent à Berlin alors que France Télévisions ou encore l’AFP disposent déjà du leur. Je ne suis pas sûr que cela soit vraiment raisonnable. Il faut, au contraire, rationaliser le réseau de correspondants des opérateurs français de l’audiovisuel extérieur, d’autant qu’un poste de correspondant permanent à l’étranger est extrêmement coûteux à maintenir dans certains pays. Un minimum de mutualisation dans ce domaine serait une preuve de bon sens. Ne pourrait-on s’orienter vers le modèle de la BBC et de la news factory, plate-forme de fabrique de l’information alimentant différents opérateurs ?
Alors que chacun sait que l’avenir de l’information et même de la télévision passe par l’Internet, le format d’information en continu de France 24 – le breaking news des Britanniques – est-il encore pertinent ? N’est-ce pas plutôt un modèle déjà un peu dépassé ? Avec un broadcast sinon condamné du moins en voie d’affaiblissement par rapport au support Internet, comment penser la réorganisation de l’audiovisuel extérieur ?
Le Parlement, en particulier l’Assemblée nationale, s’est beaucoup intéressé à ces questions depuis plusieurs années, notamment avec la mission conduite par François Rochebloine, qui a abouti au rapport de Christian Kert, ainsi qu’avec le récent rapport de François Rochebloine lui-même. Si l’unanimité n’était pas toujours réunie, au moins partagions-nous certains objectifs. Il serait légitime qu’aujourd’hui le Parlement soit également associé, d’une façon ou d’une autre, aux réflexions conduites en la matière.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. François Rochebloine, qui souhaite vous poser quelques questions complémentaires, madame la ministre.
M. François Rochebloine, secrétaire de la commission des affaires étrangères. Je m’interroge en effet à mon tour sur les 70 millions d’euros qui sont inscrits pour France 24 alors que 88,5 millions, ainsi que le rapporteur pour avis vient de l’indiquer, ont été promis dans le cadre de la convention de partenariat. Pourquoi a-t-on seulement inscrit 70 millions d’euros alors que l’on sait que 88,5 millions d’euros seront attribués ?
Par ailleurs, madame la ministre, une dépêche de l’AFP a fait état la semaine dernière d’un rapport commandé par la direction de RFI, suggérant une fusion par étapes et en deux ans avec France 24. Il s’agit d’ailleurs de l’une des neuf propositions que la mission d’information de la commission des affaires étrangères sur l’organisation et le financement de l’audiovisuel extérieur avait formulées. Une telle fusion entre RFI et France 24 fait-elle partie des scenarii privilégiés par le Gouvernement ?
Enfin, parmi les opérateurs de l’audiovisuel extérieur, il ne faut pas sous-estimer l’importance de Canal France International, structure qui est adossée à France Télévisions. Or ce rattachement date de l’époque où CFI était un diffuseur, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Un adossement de CFI à l’Institut national de l’audiovisuel ne vous paraîtrait-il pas plus approprié ?
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs, parmi les nombreux sujets qui viennent d’être abordés se trouvent les principales questions que chacun se pose à propos de notre paysage audiovisuel.
M. Martin-Lalande s’est interrogé sur le financement de France Télévisions. À cet égard le monde souligne que le contrat d’objectifs et de moyens prévu pour notre audiovisuel public cette année est bon, puisqu’il aboutit à une augmentation du budget de France Télévisions de 3,6 %, ce qui est considérable. Certes, ce qui a été acté par le ministère de l’économie et des finances n’est jamais gagné. Pour autant, la situation, contrairement à l’impression que pouvait donner le débat qui s’est instauré avant l’été sur ce sujet, n’était pas celle d’une grande misère dont il fallait absolument sortir. En réalité, de longues négociations avaient abouti à ce contrat d’objectifs et de moyens qui, je le répète, est de bonne qualité.
Celui-ci, je le rappelle, prévoit, d’une part, encore qu’elles ne soient pas bien précisées, des obligations éditoriales, l’objectif étant d’accroître la dimension culturelle et l’identité des chaînes, si possible aux heures de grande écoute ; d’autre part, des objectifs de développement technologique, dont, évidemment, le virage vers la TNT et le passage à la haute définition ; enfin, des réformes de structures qui, là non plus, ne sont pas très précisées. Tout cela sera-t-il suffisant ? Aujourd’hui, nous n’avons pas de motif d’envisager des avenants.
Un problème d’ordre général se pose, il est vrai, à l’ensemble des chaînes en raison d’une certaine évolution de notre société. En effet, si toutes les audiences baissent, et pas seulement celle de France Télévisions, c’est parce que l’on assiste à un transfert, notamment de la publicité, vers Internet, avec tout ce que cela pose comme problème de financement. Il faudra faire le point pour savoir où en est le groupe. En tout cas, je n’ai pas été favorable aux demandes formulées au début de l’été, tendant à ajouter très vite par décret – ce qui était présenté comme une mesure plus facile à prendre – une coupure dans les émissions de flux. De même, aucune décision n’a été prise en faveur d’un ajustement de la redevance.
Si je n’étais pas favorable à la coupure, c’est parce que j’avais le sentiment qu’il se serait agi d’une mesure un peu isolée, probablement difficile à évaluer, qui ne paraissait pas à la hauteur des problèmes qui se posaient, et qui comportait un risque immédiat de déstabilisation de l’ensemble du secteur : les autres chaînes, la presse écrite, les radios, qui ont d’ailleurs tout de suite réagi.
Ce sont donc plusieurs chantiers qui doivent être ouverts pour notre audiovisuel public, le souhait étant que celui-ci soit plus conforme avec ce que l’on peut tous en attendre, qu’il prenne évidemment les virages technologiques nécessaires – par exemple celui de la télévision mobile personnelle, dont le financement n’est pas aujourd’hui prévu, ce qui est un point auquel il faudra être attentif –, et qu’il se saisisse du problème de ses structures et de ses moyens. Il faut que notre audiovisuel public ait les moyens de remplir ses missions.
Pour l’instant, seul un chantier a été réellement ouvert, celui des relations entre producteurs et diffuseurs, donc plus spécifiquement celui des décrets Tasca. Nous réfléchissons sur la forme que pourront prendre d’autres chantiers, en particulier celui du financement, ce qui touche à un autre chantier, celui de la publicité – j’y reviendrai – et ce qui pose la question de la redevance.
Je sais qu’il existe de fortes réticences à l’idée d’une augmentation de cette dernière. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. Jean-Paul Lecoq. Eh oui !
Mme la ministre de la culture et de la communication. M. Christian Kert a rappelé que notre redevance était particulièrement faible au regard de celle des autres pays. C’est évident si on le compare aux 204 euros de l’Allemagne et aux 200 de la Grande-Bretagne, mais aussi aux dépenses moyennes des foyers qui atteignent, par exemple pour les téléphones mobiles, 50 euros par mois.
Si l’on veut précisément une réforme de structure plus importante de l’audiovisuel public, ainsi que cela a été évoqué par les différents intervenants, il faut que des signaux soient donnés ; donc qu’un ajustement de la redevance puisse être envisagé en échange.
D’ores et déjà, des actions ont été entreprises pour que certaines fonctions support, telle la fonction juridique, soient regroupées au sein de la holding. On pourrait cependant aller beaucoup plus loin pour toutes les fonctions support, s’agissant en particulier des affaires financières, des ressources humaines, des systèmes informatiques et des achats. Sans parler de la mise en commun des moyens de production et des rédactions, sujet qui est toujours sensible, il faut, pour le reste, beaucoup plus avancer afin que la holding joue pleinement son rôle et que de meilleurs équilibres soient trouvés entre les chaînes, en particulier à la lumière des réflexions menées par les parlementaires, notamment sur l’audiovisuel extérieur, comme le rappelait M. Rochebloine.
L’équilibre entre la publicité et la redevance, qui est un peu une spécificité du système français, me semble un bon compromis. Certes, il y a Arte, et l’on peut discuter pour savoir s’il fallait ou non une chaîne strictement culturelle. D’aucuns, au moment de sa création, ont considéré – je me souviens que telle était la position de Bernard Pivot à l’époque – qu’elle allait en quelque sorte dispenser les grandes chaînes publiques de leurs obligations culturelles. Aujourd’hui, Arte marche et fait partie de notre paysage audiovisuel.
France Télévisions a pour caractéristique d’être un audiovisuel grand public de qualité, et le fait de s’adresser au plus grand nombre doit être revendiqué. Des réalisations comme Maupassant – que nous avons tous en tête – et Guerre et Paix font partie d’une programmation qui s’inscrit pleinement dans cet objectif. À cet égard, la publicité, qui est aussi une mesure de l’audience, n’est pas une mauvaise chose en soi. Elle participe à l’équilibre, qui nous est propre, de notre audiovisuel.
S’agissant du modèle multimédias, M. Martin-Lalande s’est demandé s’il fallait aujourd’hui disposer de grands groupes intégrant les différents supports. Pourquoi pas ? Ainsi que je le rappelais, différents chantiers, outre celui portant sur les décrets Tasca, vont être ouverts. Tel sera le cas pour la publicité, mais également pour la concentration, sujet, comme on le sait, extrêmement sensible. Dans ma lettre de mission, il m’est d’ailleurs demandé de proposer les réformes et les changements réglementaires nécessaires, à la fois pour permettre un soutien à la création – tâche qui est souvent oubliée alors qu’elle y figure expressément –, pour favoriser l’évolution et l’adaptation aux nouveaux paysages audiovisuels, et pour faire émerger de grands groupes.
Si cette dernière nécessité a été soulignée, c’est parce que si nous disposons de groupes de télécoms, dont la puissance de feu est considérable...
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Tant mieux !
Mme la ministre de la culture et de la communication. ...et qui sont emblématiques de l’excellence française, on peut se demander si, dans le contexte concurrentiel qui est celui de la mondialisation, on n’a pas terriblement entravé le développement de nos groupes. C’est une question – à laquelle je n’ai pas de réponse à ce stade – qu’il faut se poser si l’on veut parvenir à la constitution de groupes plus puissants, dans le respect bien entendu du pluralisme : il ne s’agit évidemment pas de créer un mastodonte qui écraserait tout sur son passage, ce qui serait contraire aux objectifs visés, en particulier le soutien à la création.
Pour ce qui est des opérateurs de télécommunications, l’éventualité a été évoquée de les soumettre également à des obligations. Cela n’aurait rien de choquant, car dès l’instant qu’ils entrent sur les marchés pour faire la même chose que les télévisions, ils passent du statut de distributeur, comme aujourd’hui, à celui de diffuseur et d’opérateur. Ce serait même un atout financier pour la production et pour les créateurs : la réforme doit, en effet, se voir comme un tout. C’est un sujet en tout cas sur lequel il ne sera pas facile d’aboutir tant les groupes de pression sont, en ce domaine, actifs et passionnés.
Il faudrait parvenir à un équilibre, ce qui permettrait, si cela était acté au plus haut niveau, de donner, sans pour autant porter atteinte aux intérêts des grands groupes de télécoms qui sont aujourd’hui très dynamiques, un signal très favorable aux producteurs et aux créateurs. Ces derniers se posent en effet des questions concernant une évolution possible des décrets Tasca, qui prévoient que les deux tiers des commandes des chaînes vont aux producteurs indépendants. Il convient donc de les rassurer.
En la matière, un chantier a été confié à M. David Kessler, président de France Culture et très attentif aux problèmes de la création, et à M. Dominique Richard, grand spécialiste de ces questions et très heureux de participer à la réflexion. L’ouverture de ce chantier s’explique par le fait qu’au fil de nos rencontres et de nos entretiens, le système est apparu comme étant un petit peu figé. Certes, il y a eu des mesures favorables à la production indépendante, mais les diffuseurs ne sont pas propriétaires de ce qu’ils commandent, et ils sont parfois tentés de garder sous le coude les productions en question. Les œuvres circulent donc très peu et les deuxièmes diffusions sont rares, pour ne pas dire inexistantes. L’idée, en favorisant la respiration du système, est justement de favoriser une meilleure diffusion des œuvres.
Dans cette philosophie dans laquelle il s’inscrit – à savoir la défense active de la création –, M. Martin-Lalande a également évoqué la question du piratage. La mission confiée à Denis Olivennes y travaille, et les premiers rapports d’étape sont intéressants puisque les positions entre les secteurs du cinéma et de la musique semblent se rapprocher, ce qui paraissait impossible voilà quelques mois. Il apparaît que des systèmes de filtrage existent, qui permettent de savoir ce qui se passe, sans pour autant demander aux fournisseurs d’accès à Internet de se transformer en policiers armés de fouets. Une fois que la mission aura rendu ses conclusions, certainement fin novembre, il faudra étudier ce qu’il est possible de faire, notamment par la voie de la contractualisation, afin de favoriser l’offre légale et de créer un cadre plus dissuasif pour les pirates, sujet essentiel pour les créateurs.
Il a été beaucoup question de l’audiovisuel extérieur dans les interventions des rapporteurs. C’est un débat ancien : je me souviens de réunions en 1996, alors que j’étais conseillère culturelle à l’Élysée, où l’on entendait déjà dire que l’on ne pouvait continuer comme cela avec l’audiovisuel extérieur. On ne peut pas dire que le paysage, avec l’apparition de France 24, se soit entre-temps simplifié ! M. Bernard Kouchner et moi-même avons en tout cas reçu comme objectif, dans nos lettres de mission, de transformer l’audiovisuel extérieur et de donner plus de cohérence à un système qui, s’il représente à peu près 300 millions d’euros – ce qui nous situe à une place qui n’est pas si mauvaise par rapport aux autres pays –, conduit à un certain émiettement, ce qui ne donne pas l’impression de quelque chose qui fonctionne très bien. Un groupe de travail sur cette question se réunit, il est vrai, à l’Élysée, autour de M. Georges-Marc Bénamou. Il procède à des auditions, ce qui lui a permis d’entendre de nombreux parlementaires. Les ministères des affaires étrangères et de la culture participent activement à la réflexion et sont très présents dans le processus.
Le sujet n’est pas simple, et l’on voit bien d’ailleurs, en se rendant sur place, les points forts des uns et des autres. TV5 a ainsi un très bon réseau de diffusion et de distribution – on s’en rend compte lorsque l’on voyage dans le monde – et l’image d’une chaîne francophone. Cela signifie qu’il ne faut pas faire d’annonce imprudente de nature à blesser ou à affoler nos partenaires francophones, sachant toutefois que, s’ils participent pour très peu, ils doivent accepter les évolutions voulues par l’actionnaire qui assume une immense part du financement.
Quant à France 24, sa situation, ainsi que M. Mathus l’a justement observé, ne nous est pas exactement connue, faute de pouvoir disposer d’éléments de comparaison précis. N’oublions pas toutefois qu’il s’agit d’une chaîne très jeune.
M. Didier Mathus, rapporteur pour avis. Elle a un an, en effet !
Mme la ministre de la culture et de la communication. Elle travaille avec dynamisme et enthousiasme, et sa structure permet beaucoup de souplesse, à l’image de ses équipes dont les membres partent simplement avec une petite caméra sur l’épaule. Bien sûr, les émissions de plateau sont nombreuses, mais c’est parce que c’est ce qui coûte le moins cher. Le vrai problème de la chaîne est qu’elle est assez peu visible. La logique voudrait donc que l’on rapproche les deux. Cependant, une fusion n’est jamais facile à réaliser. Quant à l’actionnariat de France 24, on peut se demander si TF1 a vocation à y rester. Il est vrai également que France Télévisions est un partenaire complètement passif, ce qui ne laisse pas d’étonner puisqu’elle est à l’origine d’une part de la ressource de France 24 ; et elle devrait donc y jouer un rôle plus actif.
Différentes hypothèses sont envisagées, notamment la constitution d’une holding dirigée par une personnalité capable de « faire en marchant », de faire évoluer les choses. Aujourd’hui, rien n’est encore décidé, faute de plan très précis, car les problèmes sont multiples. En effet, s’ils ont pu paraître simples au début, ils se révèlent compliqués à résoudre ; tous ceux qui se sont penchés sur ces questions le savent. Il en va ainsi notamment de celle des statuts.
Lorsque M. Rochebloine évoque la possibilité d’une fusion entre France 24 et RFI, l’idée peut paraître séduisante, mais il faut savoir que les statuts sont très différents et que RFI n’a même pas de contrat d’objectifs et de moyens. Cela est si flagrant que tout le monde fait preuve d’un peu de commisération envers elle, reconnaissant, d’un côté, qu’elle ne marche pas très bien, mais, de l’autre, que ses moyens sont, il est vrai, un petit peu limités, sans oublier que, par rapport aux autres chaînes, elle ne dispose pas d’un statut de droit commun.
C’est donc une excellente chose qu’un contrat d’objectifs et de moyens soit discuté à l’heure actuelle. RFI joue en effet, un rôle très utile pour la francophonie, notamment en Afrique. En revanche, on peut s’interroger sur sa présence en différents points d’Europe et sur le nombre de langues de diffusion. À titre d’exemple, est-il utile de disposer d’une rédaction en serbo-croate ? Ce n’est pas évident. Le contrat d’objectifs et de moyens permettra peut-être d’y voir plus clair et, ensuite, de faire entrer RFI dans le projet, étape qui, aujourd’hui, serait très difficile à réaliser.
CFI est une petite structure, et la question de son adossement à l’INA mérite d’être posée. Il y aurait là une certaine logique à un moment où l’INA a accru ses missions, mais je m’exprime à titre personnel, car la décision n’a pas été prise.
S’agissant toujours de l’audiovisuel extérieur, M. Mathus a évoqué le modèle de la BBC. Celui-ci est présent dans notre audiovisuel public puisque l’idée très intéressante de banque de données existe déjà à Radio France, où la plate-forme France Info sert de banque de données sur Internet. En même temps, l’écueil serait de ressusciter l’ORTF. Les chaînes que nous avons créées ont maintenant des personnalités assez tranchées et, à ce stade, une holding serait certainement la plus raisonnable des possibilités envisageables. Nous verrons la décision que le Président de la République prendra.
Pour ce qui est de l’audiovisuel public, la question d’une fusion a bien été évoquée. Il avait même été envisagé, par certains responsables, de faire passer un amendement à la sauvette, ce qui paraissait peu raisonnable eu égard à un point essentiel de la loi de 1986 qui mérite amplement un débat au Parlement. À titre personnel, je crois que si l’on regroupe dans une holding toutes les fonctions support et que l’on travaille avec les personnels sur la formation et sur la mobilité, on sera sur la bonne voie. Décider la fusion ferait tomber la convention collective, ce qui impliquerait une renégociation très longue qui pourrait durer environ dix-huit mois. Il n’est rien d’impossible à envisager dans cette période de réflexion, mais il faut en tout état de cause conserver la personnalité des chaînes. Les Français sont en effet profondément attachés à notre grande chaîne régionale et, plus généralement – toutes les enquêtes le montrent –, aux structures actuelles de notre audiovisuel public. La prudence s’impose donc.
Je reviens sur le financement de France 24.
Le contrat de partenariat prévoyait 88,5 millions d’euros. Après les discussions budgétaires, où le souci d’économies est constant, les crédits s’élevaient à 70 millions d’euros. Les 18,5 millions d’euros de différence ont été promis en gestion au cours de l’année 2008.
M. Pierre-Christophe Baguet. D’où viendront-ils ?
M. Jean-Paul Lecoq. Des impôts, après les municipales !
Mme la ministre de la culture et de la communication. Ils viendront en gestion. Je ne peux vous en dire plus, monsieur Baguet.
M. Pierre-Christophe Baguet. Qu’est-ce que cela signifie, « en gestion » ? Est-ce que vous comprenez, monsieur le président ?
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Pas vraiment !
M. François Rochebloine, secrétaire de la commission des affaires étrangères. D’un côté, madame la ministre, il y a la rigueur, avec une diminution en euros constants, et, de l’autre, une augmentation importante par respect de la convention.
Mme la ministre de la culture et de la communication. Cela dépend de la façon dont on voit la chose : soit on se place dans le cadre du respect de la convention – ce qui a été mon cas, et c’est pourquoi j’ai défendu les 88,5 millions d’euros –, soit on fait valoir que France 24 est une structure un peu opaque, notamment en termes d’audience. Il faut cependant savoir que si on l’empêche de se développer en ne tenant pas les engagements pris, France 24 ne pourra réaliser ni ses projets en langue arabe ni, surtout, son ambition de contrebalancer Al-Jazira.
M. Pierre-Christophe Baguet. Ils n’ont pas les mêmes moyens !
Mme la ministre de la culture et de la communication. Ils n’ont pas les mêmes sources de financement, en effet.
Les deux points de vue se sont en tout cas exprimés, et le Premier ministre a bien pris un engagement sur ces 18,5 millions.
M. François Rochebloine, secrétaire de la commission des affaires étrangères. Il est normal de respecter les engagements de la convention, mais je m’interroge sur le maintien des crédits en euros constants. Celui-ci équivaut, en effet, à une diminution, ce qui signifie que l’on met peut-être France 24 en difficulté, ce qui est un peu difficile à comprendre.
Mme la ministre de la culture et de la communication. Alain de Pouzilhac en a évidemment profité pour se plaindre qu’on l’empêchait de développer sa chaîne. Il a cependant été rassuré par l’arbitrage – dont je me fais simplement l’écho – qui a été rendu sur les 88,5 millions d’euros.
M. Pierre-Christophe Baguet. On est content pour lui qu’il ait été rassuré !
Mme la ministre de la culture et de la communication. M. Martin-Lalande a posé une question sur l’AFP. Le soutien à l’agence, avec tout ce que celle-ci représente, constitue pour nous un enjeu considérable. Nous sommes en train de négocier son contrat d’objectifs et de moyens dans lequel figureront des investissements stratégiques à hauteur de 20 millions d’euros.
Pour ce qui est de la presse écrite, M. Kert, notamment, a souligné les efforts entrepris en sa faveur. L’État s’est ainsi engagé à porter de 8 à 12 millions les crédits destinés aux NMPP dans le plan « Défi 2010 », le budget des aides directes à la presse augmentant pour sa part de près de 6 %. De même, l’opérateur Arnaud Lagardère s’est engagé à investir afin de moderniser tout le système de distribution.
À cet égard, les gratuits disposent d’un grand atout, je veux parler de ces journaux dont la presse écrite a su se saisir puisque nombre de groupes de la PQR ont maintenant leur propre gratuit.
M. Michel Françaix. Ils ont été obligés de suivre.
M. Marcel Rogemont. Pour ne pas mourir !
Mme la ministre de la culture et de la communication. Je ne dis pas non plus que le gratuit était l’un de leurs rêves secrets. Simplement, ils ont su réagir, dans ce domaine comme dans celui de l’Internet.
Le grand atout des gratuits tient à la multiplicité des points de distribution. C’est un enjeu essentiel, au même titre que le portage, auquel nous réfléchissons pour en favoriser le développement. De même, il nous faut, s’agissant des enjeux postaux, anticiper l’échéance des conventions. Un médiateur sera certainement nommé à cet effet afin de conforter les liens entre La Poste et la presse en ce qui concerne, justement, la distribution. Bien entendu, l’aide à la modernisation concerne non seulement les supports papier, comme le soulignait à juste titre M. Martin-Lalande, mais également les investissements sur les autres médias, ce qui pose notamment le problème des droits d’auteur, les journalistes demandant en quelque sorte à être rémunérés deux fois. C’est là un sujet très sensible pour les patrons de presse.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Permettez-moi à ce stade, madame la ministre, de donner la parole à M. le rapporteur spécial qui semble avoir quelques précisions à vous demander.
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. S’agissant en effet de l’éventualité d’un groupe multimédias public, vous parlez, madame la ministre, de prudence. Cela signifie donc que rien n’est exclu, mais que rien non plus n’est tranché ni pour l’audiovisuel extérieur ni pour l’audiovisuel « intérieur ».
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Le confirmez-vous, madame la ministre ?
Mme la ministre de la culture et de la communication. Pour l’audiovisuel extérieur, la question n’est en effet pas tranchée. Comme je le soulignais en rappelant les discussions de 1996, elle n’est pas simple, et les « y’a qu’à » « faut qu’on » ne suffisent pas pour la régler. On le constate d’ailleurs dans les échanges que l’on peut également avoir sur ce sujet tant au Conseil des ministres européen que dans les contacts internationaux, par exemple avec le Canada.
Les philosophies mêmes des chaînes ne sont pas les mêmes. Tandis que l’une est francophone, l’autre se veut, selon la définition d’Alain de Pouzilhac, francophile, c’est-à-dire qu’elle veut faire aimer la France, y compris éventuellement en anglais ou en arabe. Une solution serait de s’orienter, dans les mois qui viennent, vers la création d’une holding puis, dans un deuxième temps, d’y associer RFI, mais c’est un process qui sera très long.
Pour l’audiovisuel public, des orientations ont été données, mais nous allons travailler sur des réformes de structures. Jusqu’où faut-il aller ? Les rapports déjà publiés, ainsi qu’un audit qu’il nous faudra lancer, pourront nous aider à le savoir. À ce stade, il s’agit de renforcer la holding, de conforter les chaînes dans leur identité, d’accorder plus de moyens peut-être, grâce à un peu plus de publicité. Si un chantier a été ouvert sur ce dernier point, c’est aussi parce que, sur les 36 milliards d’investissements publicitaires en France, 11 milliards vont vers les médias et que tout le reste va vers le hors médias, ce qui, là également, constitue une situation particulière par rapport aux autres pays. Alors que les mailings ou encore les affiches ne sont pas, en ces temps de Grenelle de l’environnement, forcément à encourager, il nous faut nous interroger sur les moyens d’accroître la part de publicité des médias, donc leurs moyens.
Il ne s’agit pas d’imposer des coupures publicitaires à tout bout de champ, mais il convient de bien tout étudier, y compris la problématique de l’heure d’horloge et de l’heure glissante dont il a été fait état. Il y a bien une spécificité de l’audiovisuel public et, s’il ne s’agit pas de faire n’importe quoi, au moins pourrait-il y avoir sans doute un peu plus de publicité.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Quelle est la position du Gouvernement sur l’indexation de la redevance sur les prix ? Il conviendrait, en effet, de faire évoluer son montant en fonction de l’indice des prix si l’on ne veut pas que le retard pris en ce domaine s’aggrave. Or, les 3,5 % prévus dans le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions seront difficiles à tenir si le montant de la redevance n’évolue pas chaque année.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à Mme la ministre.
Mme la ministre de la culture et de la communication. À titre personnel, j’ai défendu, ainsi que la presse s’en est fait l’écho, l’idée d’un ajustement. Si l’on se situe d’ailleurs dans le contexte d’une réforme plus marquée de l’audiovisuel public, il serait légitime d’augmenter le produit de la redevance, sans que l’effort soit pour autant considérable. Je rappelais que l’on consacre en moyenne 50 euros par mois à la téléphonie mobile : ce dont nous parlons pour la redevance correspondrait probablement à 2 euros par an. Même si toute mesure en la matière a une charge symbolique, cette augmentation reste tout de même minime, pour un rapport qui, au final, est considérable. Quant à savoir s’il doit y avoir une indexation directe, c’est un choix qui, a priori, n’a pas l’approbation du Président de la République.
M. Michel Françaix. Il peut évoluer.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Puisque l’État s’est engagé, dans le contrat d’objectifs et de moyens, à augmenter de 3,5 % chaque année les crédits de France Télévisions, il lui faut être logique avec lui-même et drainer les ressources nécessaires. Le principe de l’indexation ayant en effet été accepté par l’État, ce qui donne d’ailleurs, à ce contrat comme aux autres, la visibilité qui est indispensable à nos entreprises de l’audiovisuel, il ne serait pas illogique que cet engagement se traduise également au niveau de la ressource principale, c’est-à-dire la redevance. C’est d’ailleurs ce que je propose pour 2009 par amendement puisque, pour 2008, nous avons un engagement du Président.
S’agissant de l’audiovisuel extérieur, il me semble paradoxal d’engager la négociation du contrat d’objectifs et de moyens de RFI sans savoir comment elle s’inscrira dans le cadre de l’harmonisation de l’ensemble du secteur. Alors que le futur contrat d’objectifs et de moyens devrait être la traduction de la stratégie de l’audiovisuel extérieur, il est négocié sans que, si je puis dire, le décor général soit planté.
S’agissant de France 24, vous avez indiqué que les 18,5 millions d’euros de crédits de différence viendront en gestion. D’où proviendront-ils ? S’agira-t-il d’annulations de crédits du budget du Premier ministre, ou ce financement de France 24 sera-t-il prélevé sur d’autres budgets – et, si tel est le cas, lesquels ?
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Nos deux rapporteurs pour avis souhaitent également approfondir certaines de leurs questions, madame la ministre.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
M. Christian Kert, rapporteur pour avis. J’ai cru comprendre, madame la ministre, que vous ne refuseriez pas un peu de publicité supplémentaire. Je suis moi-même très favorable à la publicité, sauf que, à chaque fois que l’on autorise l’audiovisuel public à diffuser un peu plus de publicité, on atteint par contrecoup le marché publicitaire des médias privés.
M. Henri Nayrou. Eh oui !
M. Christian Kert, rapporteur pour avis. Comme le disait Marguerite Yourcenar, « il faut choisir duquel des deux on veut se faire haïr » : il faut donc trancher. Selon moi, si l’on souhaite trouver un équilibre, il convient de freiner la publicité sur le support télévisuel public.
M. Michel Françaix. Vous progressez !
M. Pierre-Christophe Baguet. Il a toujours été cohérent et tenu le même discours !
M. Christian Kert, rapporteur pour avis. Ma position n’a jamais varié, mais je suis toujours à la recherche d’autres ressources, d’autant que je n’oublie pas non plus l’impact qu’aurait sur la presse un déséquilibre en matière de publicité. Je considère, en outre, qu’augmenter la part de publicité de l’audiovisuel public reviendrait à faire ressembler de plus en plus les écrans publics aux écrans privés. Or, avec l’audiovisuel public, c’est aussi une identité publique que nous défendons.
Vous n’avez pas évoqué, madame la ministre, le virage éditorial de France Télévisions, mais je sais que vous y êtes favorable, car cela signifie qu’il y aura plus de culture. En tout cas, il faut continuer à aider massivement l’audiovisuel public afin qu’il ressemble le moins possible à l’audiovisuel privé. Ce n’est qu’ainsi que l’on parviendra à pérenniser les deux familles de l’audiovisuel en France.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Je suis frappé de voir combien, en matière d’audiovisuel extérieur, on continue, dans le débat sur la holding, d’une part, à se référer au mythe de la BBC, oubliant au passage que BBC1 est certainement l’une des chaînes les plus médiocres qui soit en Europe, et, d’autre part, à oublier France Télévisions. On s’acharne donc à créer une marque qui existe déjà – France Télévisions – au lieu de globaliser les capacités dont dispose celle-ci en matière de production d’informations.
S’agissant de TV5 Monde, le débat est très centré sur l’information alors que la demande de « France » à l’étranger porte bien davantage sur les programmes, c’est-à-dire sur la culture française. On devrait donc plutôt s’interroger sur les moyens de renforcer TV5 Monde en matière de programmes.
Je me demandais tout à l’heure si le format breaking news – celui des années 90 avec CNN et la guerre en Irak – était adapté à la demande. Est-ce vraiment de cela dont on a besoin aujourd’hui ? Je n’en suis pas convaincu.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Je comprends la passion, que je partage, qui s’exprime en faveur de l’identité et de la vitalité des chaînes publiques. Je rejoins donc l’avis de Mme la ministre selon lequel des signaux doivent être émis afin de favoriser l’évolution structurelle de l’audiovisuel public. Pour le moment cependant, aucune recherche de synergies n’a été lancée. Au moment où la commission Attali remet en question tous les secteurs protégés, lesquels peuvent faire payer cher leurs services aux autres secteurs, il faut prendre garde de ne pas adopter des orientations contradictoires.
Madame la ministre, l’extinction définitive de l’analogique en 2011 libérera des fréquences pour les chaînes hertziennes. Avant que la commission n’engage des auditions à ce sujet, j’aimerais savoir quel est, selon vous, l’équilibre souhaitable en la matière entre chaînes audiovisuelles et opérateurs de téléphonie mobile, étant entendu qu’en termes de compétitivité et d’égalité des chances, il nous faut mieux couvrir le territoire en ADSL.
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Pour l’ADSL, la couverture du territoire est acquise !
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Pas partout, malheureusement !
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. À 98,8 % !
M. René Couanau. C’est une question importante !
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Avant que vous n’apportiez une réponse au président Pierre Méhaignerie, permettez-moi, madame la ministre, de vous rappeler que deux questions sont restées sans réponse, celle du rapporteur spécial sur le service minimum et celle de M. Christian Kert sur le champ des annonceurs autorisés sur Radio France.
Mme la ministre de la culture et de la communication. Le contrat d’objectifs et de moyens de RFI, au sujet duquel M. Martin-Lalande a émis quelques doutes, permettra de préciser ses missions. Il n’est pas gênant de le négocier tout en poursuivant la réflexion sur la future configuration de l’audiovisuel extérieur. Il y a tout à gagner à identifier les zones géographiques où RFI peut avoir le plus d’impact, les actions qu’il vaudrait mieux, au contraire, restreindre et les équilibres qu’il serait souhaitable d’atteindre. Cela n’est pas contradictoire : il est inutile d’attendre la création, le cas échéant, d’une holding pour commencer à y travailler. RFI souffre depuis trop longtemps de l’absence de COM et semble mise à l’écart de toute volonté politique.
La redevance, vous le savez, n’est pas en débat cette année puisque la question a été réglée. Cela étant, je ne méconnais pas les questions soulevées par le président Méhaignerie. Nous nous situons dans une logique d’échanges et d’engagements réciproques formalisée par le contrat d’objectifs et de moyens, lequel prévoit une augmentation de la redevance à hauteur de 3,5 % cette année et de 3 % les années suivantes. Il apparaît de surcroît que la redevance donne un meilleur produit, ce dont je me félicite. Certes, les chaînes devront développer leurs ressources propres, mais un ajustement me semble indispensable pour tenir ces engagements réciproques.
M. Christian Kert, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme la ministre de la culture et de la communication. À ce propos, M. Mathus a raison d’estimer que la BBC – 23 000 salariés ! – n’est pas la panacée en matière de gestion. Nous pouvons néanmoins nous en inspirer sur certains points.
Le principe du service minimum dans l’audiovisuel public n’est pas à l’ordre du jour. Ce n’était pas l’objet de la loi sur la continuité du service public dans les transports terrestres, et, pour l’heure, le principe n’en a pas été retenu par le Président de la République.
Je ne puis vous répondre sur l’origine des ressources supplémentaires de France 24, monsieur Martin-Lalande, mais l’engagement qui a été pris a rassuré M. Alain de Pouzilhac comme il m’a rassurée.
M. François Rochebloine, secrétaire de la commission des affaires étrangères. Il faudra veiller à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul !
Mme la ministre de la culture et de la communication. En effet.
Par ailleurs M. Kert a raison d’insister sur l’équilibre publicitaire. La proportion de huit minutes par heures, qui prévaut actuellement dans le service public ne doit pas être modifiée à un moment où l’on veut précisément renforcer l’engagement culturel et l’identité des chaînes.
M. Michel Françaix. Vous avez donc conscience du problème !
Mme la ministre de la culture et de la communication. Ô combien ! La question d’une modification en ce qui concerne les émissions de flux – jeux, etc. – peut certes entrer dans la réflexion générale qui s’amorce et qui aboutira au début de 2008, mais les fondamentaux de la place de la publicité dans l’audiovisuel public ne doivent connaître que des évolutions minimes. D’une manière générale, il conviendra de s’interroger sur la place du hors-médias dans notre pays. Comment la publicité peut-elle repartir en direction des médias, y compris la presse écrite et les radios ? Lorsque la grande distribution a eu l’autorisation de faire de la publicité à la télévision, les autres médias ont connu un nouveau recul de leurs recettes publicitaires. En tout état de cause, le problème est complexe.
M. Christian Kert, rapporteur pour avis. Ne pourrait-on avoir davantage de publicité pour le chocolat que pour les mutuelles sur Radio France ? (Sourires.)
Mme la ministre de la culture et de la communication. Il serait en effet souhaitable d’ouvrir la publicité sur Radio France à d’autres produits.
M. Didier Mathus a souligné la forte demande de programmes français de qualité à l’étranger. Il a raison et une réflexion doit être menée pour que France Télévisions soit un acteur plus actif, ne se contentant pas de recycler de vieux programmes. La demande de programmes est largement aussi forte que la demande d’information. TV5 Monde relève-t-elle d’un modèle qui date ? Faut-il regrouper toute l’offre dans une seule chaîne ? Y a-t-il, par exemple, la place pour deux chaînes satellitaires ? Ces questions ne sont pas tranchées et les choix en la matière sont lourds.
M. François Rochebloine, secrétaire de la commission des affaires étrangères. TV5 a tout de même beaucoup évolué grâce à Serge Adda, dont l’action a été remarquable.
Mme la ministre de la culture et de la communication. C’est vrai.
M. le président Méhaignerie m’a interrogée sur l’extinction de l’analogique en 2011 et sur les nouvelles ressources qui devraient en résulter pour nos chaînes.
S’agissant du dividende numérique, la position du Gouvernement n’est nullement de défendre aveuglément l’audiovisuel contre les télécommunications : il importe de ne prendre aucune décision hâtive, car nous ne connaissons ni le montant ni le périmètre de ce dividende, ni même exactement les modalités du passage de l’analogique au numérique. Il ne faut rien préempter avant d’en savoir plus.
Le développement des télécommunications, dont l’importance économique est considérable, ne doit cependant pas freiner celui de l’audiovisuel. Ce n’est pas « modernité » contre « ringardise » : la modernité est des deux côtés. Pour l’audiovisuel, la haute définition, la TNT, la télévision mobile personnelle – TMP – sont de grands enjeux d’avenir qui touchent aussi à la création, avec de nouvelles demandes de programmes et de formats. La TMP, par exemple, doit pouvoir atteindre la grande majorité de la population pour être un succès. Le numérique constitue également une révolution pour les radios, qui pourront offrir quantité de possibilités nouvelles. Chacun veut en être, y compris les radios associatives.
M. Michel Françaix. Elles le méritent bien !
Mme la ministre de la culture et de la communication. Elles accomplissent en effet un travail considérable. Le fonds de soutien à l’expression radiophonique permettra au demeurant d’orienter des crédits dans cette direction.
Au total, le Gouvernement est ouvert en ce qui concerne le dividende numérique. Il n’est pas question d’établir une chasse gardée, mais ne prenons pas de décision avant d’avoir tous les éléments en main. Dans les deux secteurs, les enjeux sont considérables.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Michel Françaix.
M. Michel Françaix. Sans abandonner la courtoisie qui prévaut dans nos échanges, je crains d’avoir à vous questionner de façon un peu plus ferme sur quelques points, madame la ministre.
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Ce n’est pas très gentil pour les orateurs précédents. (Sourires.)
M. Michel Françaix. Nous partageons, à quelques nuances près, les bonnes intentions que vous avez affichées. En revanche, nous ne pouvons être d’accord sur le diagnostic que vous établissez de la situation actuelle. Celle-ci exige autre chose que des paroles aimables, un peu de saupoudrage et quelques avancées. Le service public de l’audiovisuel va-t-il aussi bien qu’on le pense ? Et qu’en est-il de la presse ?
Le Président de la République ayant parlé de « rupture », je m’étais pris à rêver d’un budget de rupture tenant compte des importantes évolutions en cours. Or celui que vous nous présentez ne montre aucun changement, aucune remise à plat. Il traduit une vision particulièrement suiviste, pleine de bonnes intentions mais ne s’accompagnant d’aucune réalisation concrète. On ne peut réaffirmer ainsi la mission culturelle des chaînes publiques tout en reportant à l’année prochaine la question du renforcement de leurs moyens.
Le renouveau de la ligne éditoriale de France Télévisions est engagé. Il est faux de dire que le service public fait aujourd’hui la même télévision que les chaînes privées. Cependant, dès lors que le Président de la République souhaite que l’on diffuse un peu plus d’opéras, que l’on s’apprête à diffuser une pièce de Sacha Guitry à vingt heures trente, que l’on pourra bientôt voir sur France 2 un nouveau feuilleton adapté de Guerre et Paix, on sait bien que l’audience en prendra un coup, du moins au début, et que les recettes publicitaires s’en ressentiront. Or, si cette politique ne s’inscrit pas dans la durée, elle ne servira à rien.
Au cours des trois derniers mois, la perte de recettes publicitaires pour France 2 a été considérable. Il faut prendre en compte cette difficulté dans les budgets présentés en acceptant que la part de revenus issus de la publicité diminue et que la part de la redevance augmente. Si l’on veut plus de publicité parce que l’on refuse d’augmenter la redevance, il faut alors faire baisser le niveau des chaînes publiques. Il est trop facile d’affirmer qu’une fois fixée la répartition des recettes entre redevance et publicité tout ira bien !
L’audience du service public baisse, pour beaucoup à cause de la TNT, je vous l’accorde, et les autres chaînes subissent aussi le phénomène : la remontée récente de TF1 n’est sans doute due qu’à la coupe du monde de rugby et M6 a perdu beaucoup plus que France 2 ou France 3. En revanche, on a plaisir à constater que France 5 et Arte continuent de progresser.
Comment poursuivre l’effort ? Comment favoriser la création audiovisuelle française ? Comment contribuer à la montée en puissance de France 4 ? Comment tenir compte, maintenant que France 5 diffuse en continu, du coût élevé de la grille de soirée de cette chaîne ? Comment poursuivre la mise en valeur des programmes culturels à des heures d’écoute significatives ? Comment améliorer la politique du sous-titrage à destination du public malentendant ? Comment étendre la diffusion de la TNT ? Comment lancer les expérimentations en matière de télévision mobile personnelle ? Comment déployer la stratégie de haute définition d’Arte ?
Toutes ces questions, vous les posez, mais un surplus de ressources est indispensable pour éditer en DVD, pour vendre en vidéo à la demande, pour produire davantage en haute définition, pour accompagner les nouvelles pratiques culturelles de consommation des images – notamment le téléchargement –, pour investir dans les programmes afin d’éviter l’uniformisation bien-pensante…
Il ne s’agit pas de dire du mal de la télévision privé : celle-ci est utile pour passer le temps, tandis que le service public devrait être utile, selon moi, pour comprendre le temps. Cela suppose de donner davantage d’importance à certaines thématiques, notamment en direction des jeunes. Vous pourriez commencer par supprimer la publicité pour les chewing-gums et les bonbons autour des émissions destinées à la jeunesse et compenser cette perte par la redevance.
Sans revenir sur la politique audiovisuelle extérieure, qualifiée de « meccano abracadabrant » par un conseiller du Président de la République, je me contenterai de demander une réflexion sur la façon dont l’AFP peut être mise à contribution. Les bureaux de l’Agence se vident un peu partout dans le monde. Ne pourraient-ils être utilisés par France 25, TV5 ou RFI ?
Enfin, madame la ministre, puisque nous avons confiance en vous, nous n’aimerions pas que les projets en ce domaine soient uniquement pilotés par un conseiller spécial de l’Élysée, sur injonction présidentielle. Je préfère travailler avec vous ici, au Parlement !
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il est temps de conclure, monsieur Françaix.
M. Michel Françaix. Je terminerai par quelques observations sur la presse, monsieur le président.
L’état dans lequel se trouve la presse quotidienne d’information est bien connu : baisse constante des recettes publicitaires, coûts de production qui restent trop élevés, insuffisance du nombre des points de vente et de la rémunération des kiosquiers, dématérialisation de la diffusion : 20 minutes a dépassé L’Équipe et Métro a distancé Le Parisien. À l’insolente bonne santé des gratuits répond la crise sans fin de la presse quotidienne payante.
Or, au lieu de mettre le paquet sur les aides directes, vous continuez de privilégier un système qui subventionne à l’aveugle toutes les formes de presse, soutenant indifféremment un mensuel sur les yachts et un quotidien en difficulté. Avec 10 % d’aides directes, la France est un des pays où les aides à la presse sont les plus importantes mais aussi les moins efficaces. Il convient donc de les réorienter et pas forcément vers la presse magazine, où la loi du marché peut l’emporter. Quotidiens indépendants en crise, journaux fabriqués sans journalistes, gratuits récupérant la grande part de la masse publicitaire, rédactions placées sous le contrôle d’actionnaires – marchands d’armes ou de béton, financiers – peu concernés par le rôle démocratique de la presse, telle est la situation.
Madame la ministre, j’aimerais que, l’année prochaine, ce débat ne soit pas, une nouvelle fois, une discussion sympathique au cours de laquelle nous constaterions que les problèmes ont perduré et qu’aucune mesure n’a été prise. En tout cas, ce projet de budget pour 2008 ne répond certainement pas à vos bonnes intentions.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Élie Aboud.
M. Élie Aboud. Madame la ministre, les actions en faveur de la presse peuvent porter sur la distribution et sur la fabrication, mais il est aussi prévu une aide aux projets innovants. Comme définissez-vous un projet innovant ? Une part de subjectivité ne risque-t-elle pas d’entrer dans une telle définition ?
D’autre part, un taux de répartition a-t-il été prévu entre la presse nationale et la presse régionale ou départementale ? Les volumes accordés sont-ils fonction de ces projets innovants ?
Enfin, comme l’a noté M. Françaix, le mécanisme des aides indirectes est aberrant. La TVA sur les supports papier est fixée à 2,10 % et celle sur les publications en ligne s’élève à 19,6 %, alors que l’édition électronique est aujourd’hui indissociable de l’édition sur papier. Où en est la réflexion avec nos partenaires européens sur ce sujet ?
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq. Je souscris pleinement à l’intervention de M. Michel Françaix.
Madame la ministre, je suis surpris que vous ne puissiez pas répondre sur ces 18 millions, au mépris de la transparence budgétaire. Peut-être faut-il vous laisser un délai, mais il s’agit tout de même de plus de 20 % du budget prévu pour France 24.
Je me réjouis en revanche que vous ne répondiez pas à la provocation qui vous a été faite au sujet du service minimum. En quoi une grève sur une chaîne de télévision ou une station de radio du service public empêcherait les gens d’aller travailler ou les « prendrait en otage », à une époque où le monopole n’existe plus et où la TNT offre un large choix de chaînes ?
S’agissant de l’AFP, si le souci d’économie qui conduit à parler de mutualisation est légitime, il ne faut pas qu’il s’exerce au détriment du souci d’éthique et d’indépendance. Ce n’est pas par hasard que l’on associe partout dans le monde l’AFP à ces valeurs : elle a gagné sa compétence au fil des décennies. Il ne faudrait pas casser son indépendance au nom du « tout économique ».
L’Humanité, que je feuilletais pendant votre intervention, conserve un intérêt dans le débat politique. Je m’associe donc aux observations des orateurs précédents sur la révision des aides à la presse écrite. Les outils du débat politique en France doivent être maintenus.
Ce matin, le jeune député que je suis a eu l’impression d’entendre une animatrice de groupe de travail sur l’audiovisuel plutôt qu’une ministre capable d’assumer des choix et des positions. Vous vous en êtes plusieurs fois remise aux choix futurs du Président de la République. J’ose espérer que cela ne reflète pas une dérive de la démocratie.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Pierre Morange.
M. Pierre Morange. Pardonnez cette question de Béotien, madame la ministre : une réflexion est-elle engagée sur la pertinence des moyens financiers alloués à Arte eu égard à son audience et en comparaison avec ceux d’autres chaînes publiques ? Je n’ignore pas le cadre franco-allemand très spécifique dans lequel s’inscrit ce financement, mais j’ai cru comprendre que nos amis d’outre-Rhin avaient engagé une réflexion de cet ordre il y a quelque temps.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Marcel Rogemont.
M. Marcel Rogemont. Les questions relatives aux moyens disponibles pour l’audiovisuel public n’ont reçu aucune réponse claire de votre part, madame la ministre. M. le rapporteur spécial a rappelé à juste titre que l’audiovisuel public n’a pas à se substituer à la politique fiscale et sociale du Gouvernement.
Derrière l’absence de décision en ce domaine, je crains fort qu’il y ait le choix implicite ou explicite de réduire les moyens et la voilure de France Télévisions. M. Françaix a bien démontré le lien entre la politique éditoriale du groupe et l’évolution des recettes publicitaires. Au vu de la baisse que celles-ci ont connu au cours des derniers mois, il est nécessaire de revoir le montant de la redevance audiovisuelle. C’est pourquoi je voterai l’amendement que M. Christian Kert proposera tout à l’heure. Ce sera l’occasion d’exprimer une vraie volonté de donner à l’audiovisuel public les moyens dont il a besoin.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Henri Nayrou.
M. Henri Nayrou. Je souhaite revenir sur la crise de la presse quotidienne et tenter de dégager des solutions convenables et durables.
Les causes de la crise sont connues : la concurrence de la presse gratuite, la menace des concurrents européens, la frénésie de l’information instantanée. Il ne faut pas se tromper de cible : la bataille ne se mène plus au niveau de la presse papier mais contre les nouveaux entrants sur l’Internet, lesquels se caractérisent par des pratiques en rupture. On constate aussi un effet ciseau avec la contraction des recettes et le maintien des coûts fixes.
Concentration des titres – 10 % perdus en dix ans –, tirages à la baisse, défiance des citoyens à l’égard des journalistes, interventionnisme du pouvoir politique et des patrons de presse – c’est à croire que certains d’entre eux feront bientôt la mise en page ! –, tout cela a conduit à deux phénomènes.
Le premier a été la constitution d’un front uni des syndicats de journalistes, qui ont enfin pris conscience que leur métier et leur indépendance à la Beaumarchais étaient en danger : selon un récent sondage, 63 % des Français mettent en doute la crédibilité des sources des journalistes. Ces derniers ont clairement réclamé, le 4 octobre dernier, une modernisation des textes législatifs encadrant les médias.
Ensuite, il y a eu une floraison de rapports. Le dernier en date, celui du sénateur Louis de Broissia, n’est pas le moins intéressant. Les six pistes de réflexion qu’il trace sont bien connues.
La PQR demande, quant à elle, la clarification et la simplification de la mesure inapplicable de déduction de 25 % sur les investissements réalisés dans la presse, car cette aide lui est indispensable pour mener à bien sa modernisation.
Vos objectifs sont clairs : accompagner les mutations du secteur, préserver le pluralisme, améliorer le ciblage et l’efficacité des aides. Cependant les moyens ne suivent pas. La presse quotidienne a besoin d’un plan Marshall. La mise en chantier d’une nouvelle loi, à laquelle vous vous êtes déclarée défavorable, est nécessaire, car la législation en vigueur est très ancienne.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Patrick Bloche.
M. Patrick Bloche. La réunion de ce matin est à l’image de ce que nous ressentons depuis cinq mois : rien n’est décidé, tout est reporté. L’impression générale est celle d’un manque total de visibilité. Va-t-on faire bénéficier France Télévisions d’une coupure publicitaire dans ses émissions de flux ou d’une augmentation de la redevance ? Le feuilleton se poursuit car rien n’a été décidé. L’audiovisuel public est maintenu dans les difficultés de financement que l’on sait.
Les missions et les groupes de travail se multiplient, sous votre impulsion, madame la ministre, ou directement sous l’impulsion de l’Élysée. Beaucoup d’acteurs sont inquiets, ayant le sentiment que l’on entretient l’illusion. En particulier, la mission de MM. David Kessler et Dominique Richard, en soulevant l’hypothèse d’une diminution du quota d’investissement dans les œuvres indépendantes, a provoqué l’inquiétude de nombreux producteurs indépendants, qui s’interrogent sur leur avenir. Parallèlement, alors que le déplafonnement de capital dont TF1 vient de bénéficier a fait bondir son action de 13 %, la modification des seuils anti-concentration aura des conséquences évidentes. Un nouveau dispositif fondé sur les mesures d’audience est-il envisagé ?
Je crains que l’on n’entretienne également l’illusion au sujet de la publicité en suggérant que le passage à l’heure d’horloge résoudrait tous les problèmes. On considère un peu trop facilement que les recettes publicitaires sont une manne inépuisable pour la télévision et que leur augmentation sera perpétuelle. Or l’on constate une migration des budgets publicitaires vers l’Internet, qui est en passe de devenir le média principal. Une anticipation serait donc bienvenue en ce domaine.
Lors de l’examen du projet de loi relatif à la télévision du futur, l’Assemblée avait adopté à l’unanimité une disposition tendant à instaurer un sous-quota d’œuvres patrimoniales dans le quota général de production des chaînes. Il s’agissait d’une contrepartie aux nombreux avantages accordés aux diffuseurs dans ce texte, que nous dénoncions par ailleurs. L’application de cette mesure devrait intervenir le 1er janvier 2008. Qu’en est-il des décrets d’application ? Il semble qu’ils soient remis à plus tard. C’est la volonté du Parlement qui se trouve bafouée.
Enfin, quel message adressez-vous aux rédactions des Échos et La Tribune, qui sont aujourd’hui confrontées à de grandes incertitudes sur leur avenir ?
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Alain Rodet.
M. Alain Rodet. J’insiste à mon tour sur la nécessaire réorientation des aides à la presse, notamment vers la presse quotidienne – et même si ce doit être au détriment de la presse magazine. On a beau afficher un grand optimisme en matière d’Internet ou de multimédias, ce n’est pas cela qui sauvera la presse quotidienne nationale et régionale. L’indigence dont souffre la diffusion contraste avec la vitalité de la presse espagnole, par exemple. Une grande conférence destinée à sortir la presse quotidienne du marasme me semble nécessaire.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
M. Pierre-Christophe Baguet. Contrairement à mes collègues, je vous félicite, madame la ministre pour les efforts consentis en faveur de la presse. Comptez-vous poursuivre les campagnes de sensibilisation des jeunes lecteurs dans les lycées ? Aider financièrement la presse, c’est bien, inciter nos jeunes à lire la presse et, plus tard, à acheter des journaux, c’est encore mieux.
S’agissant de l’audiovisuel extérieur, je m’inquiète du manque de clarté et d’objectifs du Gouvernement et de l’idée de mettre en place une holding pour France 24 : on va rajouter une couche au millefeuille de l’audiovisuel extérieur. Si l’on veut concurrencer Al-Jazira, c’est le contraire qu’il faudrait faire. De même, la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture est néfaste. Quand il y a deux patrons, autant dire qu’il n’y a pas de patron du tout ! À mon sens, le ministère de la culture et de la communication est le plus à même de renforcer la cohérence entre l’audiovisuel intérieur et l’audiovisuel extérieur.
Pour ce qui est de l’audiovisuel public, des choix clairs doivent être opérés, notamment en ce qui concerne la redevance. Il faut soutenir une augmentation de celle-ci en demandant, en contrepartie, des efforts de gestion de la part de France Télévisions. Cependant, voilà onze ans que je suis parlementaire et onze ans que ce sujet est en débat. Ne pourrait-on, pour trancher la question, s’inspirer du système britannique, où un débat national a été organisé pendant un an avant que le Parlement ne se prononce ? Au terme d’un tel processus, le calendrier du contrat d’objectifs et de moyens serait mis en cohérence avec celui du financement. En l’état actuel, le COM est très intéressant, mais il n’est accompagné d’aucun financement. Tout cela n’est pas pour rassurer le service public, qui devrait bénéficier d’une plus grande lisibilité en matière tant d’objectifs que de financements.
Quid, enfin, de la « résorption » des intermittents du spectacle dans le service public de l’audiovisuel ?
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. J’ai déjà insisté dans mes précédents rapports sur le fait que le système d’aide à la presse écrite est coûteux. S’il est efficace pour permettre à certains quotidiens de survivre, est-il à même de préparer les mutations de la presse quotidienne ? Les professionnels eux-mêmes ignorent quel sera le quotidien de demain. Le système continue d’entretenir l’existant, mais ne retarde-t-il pas les mutations nécessaires ? Ne pourrait-on le transformer pour accélérer au contraire ces mutations ? Quoi qu’il en soit, il faut inciter les professionnels à définir plus précisément ce que sera le quotidien de demain, même si cela n’est pas facile et met en cause des intérêts divergents. Maintenir le système en l’état, c’est courir le risque d’une mauvaise utilisation des deniers publics.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Vous avez la parole pour répondre à ces très nombreuses questions, madame la ministre.
Mme la ministre de la culture et de la communication. M. Michel Françaix a déclaré qu’il attendait de grandes ruptures : il y en aura, n’en déplaise à M. Lecoq qui me suggère de poursuivre une carrière d’animatrice de télévision…
Il n’est pas simple de réformer dans un secteur où il faut avancer avec précaution. Certains problèmes sont sur la table depuis vingt ans et se sont compliqués plutôt que simplifiés. Il est des sujets que l’on maîtrise entièrement et sur lesquels on peut prendre des décisions, par exemple, dans l’éducation nationale, la suppression des cours le samedi. Les choses sont plus complexes dans notre secteur, où le travail déjà accompli est néanmoins important. Les contrats d’objectifs et de moyens sont une bonne chose et, par rapport à la moyenne d’augmentation budgétaire, l’effort consenti est considérable. L’augmentation de 3,5 % pour l’audiovisuel public est loin d’être négligeable. M. Baguet a mentionné pour sa part la hausse de 6 % qui porte à 288 millions d’euros l’investissement pour la presse.
En outre, plusieurs chantiers ont été ouverts et je ne crains nullement de prendre rendez-vous avec vous l’année prochaine pour mesurer les avancées accomplies, notamment sur la question des producteurs-diffuseurs – à ce sujet, je le répète, il ne s’agit pas de fragiliser les producteurs indépendants, mais de réfléchir aux moyens de mieux diffuser et faire circuler les œuvres –, sur les problèmes liés aux concentrations, sur l’audiovisuel public, sur la publicité et sur la presse.
Dans ce dernier domaine les aides sont considérables, et je puis assurer M. Martin-Lalande qu’elles contribuent au développement des services en ligne, des sites et de toutes les initiatives que prend la presse – y compris la presse quotidienne régionale – pour être présente sur les nouveaux médias.
Cela dit, l’idée d’une réflexion globale sur ce que va devenir la presse mérite d’être retenue car nous sommes dans une période de complète mutation.
S’agissant des gratuits, dont il a beaucoup été question, je rappelle qu’aucun de ces journaux n’est à l’équilibre : tous perdent de l’argent. Ils sont en réalité adossés à des groupes. Je pense d’ailleurs que la PQR a bien fait de jouer parfois cette carte.
La comparaison avec les autres pays est délicate car nous n’avons pas la même structure de presse. Notre presse magazine ne se porte pas mal alors que la presse quotidienne est en difficulté ; à l’étranger, on remarque souvent que les quotidiens ressemblent à notre presse magazine.
Oui, monsieur Françaix, notre audiovisuel public est de qualité. Les projets sont là et l’on peut estimer qu’il est sur une bonne voie, même si la perte d’audience est sensible : à cet égard, les nouvelles chaînes, qui ont trouvé leur public, ont produit un effet mécanique plus rapide qu’on ne l’avait prévu. L’effort demandé à France Télévisions, s’agissant des ressources publicitaire, est une augmentation de seulement 1,1 %.
M. Michel Françaix. Et les pertes sur les trois derniers mois ?
Mme la ministre de la culture et de la communication. Un petit supplément de ressources en provenance de la redevance est également possible. Enfin, un grand bénéfice peut être tiré d’une réforme de structure, dépassant même les prévisions d’économies possibles établies par les dirigeants de l’audiovisuel public. Nous ne sommes qu’au début d’un processus de mutualisation très prometteur.
Pour l’audiovisuel extérieur, la piste des bureaux de l’AFP est en effet intéressante : ceux-ci pourraient constituer des points relais.
Je ne reviens pas sur l’énorme effort d’investissement en faveur de la presse, notamment la presse d’information politique et générale.
M. Aboud m’a interrogée sur les aides aux projets innovants. Il s’agit, pour nous, de favoriser le développement des sites et des services en lignes. À cet égard, la disparité du taux de TVA est en effet un problème. Le combat doit s’engager au niveau européen et j’ai bien l’intention de le mener dans le cadre de la prochaine présidence française. Il va de pair, au demeurant, avec celui qui concerne la TVA sur les biens culturels.
M. Lecoq est revenu sur la question du service minimum dans l’audiovisuel public. Pour moi, ce n’est pas à l’ordre du jour, même si l’on est fondé à soulever le problème : il s’agit bien, là aussi, de la continuité d’un service public.
Je tiens à préciser, pour apaiser les inquiétudes qui se sont fait jour, que les décisions seront bien prises par les ministères qui ont la charge du secteur. Si le groupe de travail sur l’audiovisuel extérieur est situé à l’Élysée, c’est à cause du caractère interministériel et international du sujet et de l’implication personnelle du Président de la République. Néanmoins Bernard Kouchner et moi-même prendrons ensuite les décisions et irons les présenter au Président. Il ne s’agit nullement de nous défaire de cette compétence.
M. Pierre-Christophe Baguet. Il faut un seul patron, pas deux, pour l’audiovisuel extérieur !
Mme la ministre de la culture et de la communication. L’organisation du secteur est complexe. France 24 dépend du Premier ministre, tandis que TV5 est placée sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture. Le ministère de la culture est prêt à prendre l’entière responsabilité de l’audiovisuel extérieur, ce qui permettrait sans doute de gagner en cohérence. Cela étant, M. Kouchner s’intéresse beaucoup à ces questions.
M. François Rochebloine, secrétaire de la commission des affaires étrangères. Voilà pourquoi France 24 est rattachée au Premier ministre ! (Sourires.)
Mme la ministre de la culture et de la communication. En effet !
S’agissant d’Arte, le COM prévoit une progression de 4,2 % par rapport à la loi de finances pour 2007, soit 9 millions d’euros. Cette chaîne a une identité bien définie. Elle joue son rôle, comme l’a souligné M. Morange, dans le cadre d’engagements internationaux que nous devons respecter. Elle ne perd pas d’audience, même si son public n’est pas considérable. Les personnes interrogées disent beaucoup aimer Arte : on aimerait seulement qu’elles la regardent davantage !
M. Rogemont a contesté le financement de l’audiovisuel public. Je crois pour ma part au système actuel, qui ménage un équilibre entre publicité et redevance. La publicité est toujours signe d’un bon rapport au public. Si l’on n’en accroît pas déraisonnablement la part – ce qui changerait l’identité des chaînes –, je ne vois pas où est la difficulté.
M. Nayrou a souligné combien la presse écrite était en crise dans cette période de transition. La déduction d’impôt de 25 %, votée dans le cadre du PLF pour 2007, pour les investissements dans les entreprises de presse est une disposition très structurante pour le secteur. Les textes d’application sont en cours d’élaboration, de même que d’autres mesures en faveur des journalistes comme le respect des sources. Cela dit, je ne suis pas convaincue qu’il faille un plan Marshall.
M. Henri Nayrou. Et une loi, madame la ministre ?
Mme la ministre de la culture et de la communication. Pourquoi pas ? Le Parlement doit être étroitement associé à la réflexion sur ces sujets. Il faut se garder tout à la fois de la recherche frénétique de lois nouvelles et de l’évitement de la loi.
M. Bloche a dénoncé une absence de visibilité et a évoqué le débat de l’été dernier. Il m’est apparu que la décision isolée et rapide d’autoriser une coupure dans les émissions de flux de France Télévisions n’était pas la bonne réponse et qu’il fallait l’aborder dans le cadre d’une réflexion plus vaste. De deux choses l’une : soit France Télévisions est confrontée à des difficultés pour boucler ses fins de mois, et il faut alors s’employer à régler cela d’ici à la fin de l’année ; soit, comme je le pense, la question est beaucoup plus générale, et il est malvenu de prendre des mesures ponctuelles. Dans le même esprit, aucune décision hâtive n’a été prise sur la redevance. Je n’en reste pas moins attachée à l’augmentation des deux sources de financement de l’audiovisuel public.
Je comprends les inquiétudes des producteurs. Les investissements dans la production indépendante doivent être préservés, mais les producteurs pourraient trouver intérêt aux nouvelles ressources apportées par les nouveaux entrants, en particulier les opérateurs de télécommunications. Il ne s’agit en aucun cas de couper la tête des producteurs indépendants au profit des diffuseurs. Il faut trouver un équilibre, étant entendu que les intérêts sont communs. La publicité, je le sais bien, n’est pas une manne. Il n’en reste pas moins qu’elle devrait être mieux distribuée entre les médias et le hors-médias.
Comme les producteurs que je reçois, je suis très attachée à la disposition relative au sous-quota patrimonial. Celle-ci doit s’intégrer dans une réflexion d’ensemble qui se concrétisera au début de 2008.
Même s’il s’agit d’opérations privées, nous avons bien évidemment suivi l’affaire de la vente des Échos et de La Tribune. Les garanties que nous avions demandées pour Les Échos ont été largement apportées par le repreneur Bernard Arnault. Nous souhaitons également que la vente de La Tribune se réalise dans les meilleures conditions, sachant que nous sommes dans le cadre du marché.
M. Baguet m’a interrogé sur la double tutelle de l’audiovisuel extérieur. Je souhaite moi aussi que les tutelles se simplifient car, dans le domaine culturel, leur multiplicité est souvent néfaste.
Par ailleurs, je répète qu’un effort en matière de redevance ne pourra être fait qu’en échange d’engagements précis et de réformes de structure.
Pour ce qui concerne les intermittents, les contrôles ont été multipliés par vingt et l’on est passé de 70 % de taux de fraude à 20 %. Même si certaines achoppent encore, les conventions collectives sont signées les unes après les autres. Nous nous employons à assainir la situation, ce qui n’est pas simple car, parfois, tout le monde a intérêt à maintenir le statu quo. On retiendra que les contrôles, menés aussi dans les grosses sociétés de production, commencent à porter leurs fruits.
Enfin, je n’entends pas être une animatrice de télévision mais une ministre qui prend des décisions.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je vous remercie d’avoir pris le temps de répondre aux nombreuses questions qui vous ont été posées.
Les commissions vont maintenant se réunir pour procéder au vote sur les amendements et sur les crédits de la mission « Médias ».
(La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures trente.)