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Assemblée nationale

Commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des lois constitutionnelles
de la législation et de l’administration générale
de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Lundi 2 novembre 2009

Présidence de M. Didier Migaud,
président de la Commission des finances,
et de M. Jean-Luc Warsmann,
président de la Commission des lois,
puis de M. Jacques-Alain Bénisti,
vice-président de la Commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à quinze heures.

Projet de loi de finances pour 2010

Justice

M. le président Didier Migaud. Nos deux commissions sont heureuses d’accueillir Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État auprès de la ministre d’État, ministre de la justice et des libertés, afin de les entendre à propos des crédits consacrés à la mission « Justice ».

Pour permettre des échanges directs et vivants avec les ministres et laisser toute sa place au jeu des questions et des réponses, j’invite nos collègues à se montrer concis.

J’en profite pour saluer le travail du rapporteur spécial et des rapporteurs pour avis, qui, au-delà de la présentation de leurs rapports budgétaires, s’apprécie tout au long de l’année, lors de la préparation du projet de loi de finances mais aussi dans le cadre du suivi, du contrôle de l’exécution et de l’évaluation des politiques publiques.

J’appelle l’attention du Gouvernement sur deux points.

D’abord, la carte judiciaire. Certes, l’objectif initial de la simplification n’était pas d’ordre financier puisqu’il s’agissait, je crois, de parvenir à une meilleure administration de la justice. Néanmoins, jusqu’à ce jour, le Parlement a disposé de très peu d’informations concernant les effets de cette réforme sur le coût de la justice. Certains de nos collègues ont même souligné l’apparition de facteurs d’aggravation des coûts. M. Yves Deniaud, rapporteur spécial du programme « Politique immobilière de l’État », a cité l’exemple suivant : le tribunal de Saintes, récemment rénové, a été fermé et ses services ont déménagé vers La Rochelle, où les locaux n’ont pas fait l’objet de travaux récents. En outre, les palais de justice appartenant souvent aux collectivités territoriales, la fermeture des tribunaux n’apporte pas toujours à l’État la perspective de cessions immobilières. Il serait intéressant, madame la garde des sceaux, que vous nous éclairiez sur le détail, par année et par catégorie, des coûts de la réforme et des économies prévisibles.

Ma seconde interrogation concerne le programme de construction d’établissements pénitentiaires. Votre ministère a recouru à des partenariats public-privé : avec le recul, quel bilan en tirez-vous, du point de vue de la complexité de la procédure, des délais et des coûts d’investissement et de fonctionnement, en comparaison avec une maîtrise d’ouvrage publique ?

M. le président Jean-Luc Warsmann. À structure constante, les crédits de la mission « Justice » progressent de 3,3 %, pour atteindre 6,859 milliards. En une période aussi contrainte, cette dotation mérite d’être saluée.

Mais, au-delà des chiffres, nous souhaitons évidemment que vous nous présentiez les grandes lignes de votre politique. L’occasion nous est offerte aujourd’hui de faire le point sur les réformes lancées depuis le début de la législature.

Par ailleurs, comment réagissez-vous aux travaux récents de la Commission des lois ? La mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale a rendu un rapport fort intéressant relatif à la prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes placées sous main de justice. J’ai demandé au président de l’Assemblée nationale que ses propositions puissent faire l’objet d’un débat, en application de l’article 145, alinéa 6, du règlement, au cours de la prochaine semaine de séance publique consacrée au contrôle de l’action gouvernementale.

La Commission des lois vient aussi de formuler plusieurs propositions tendant à optimiser la dépense fiscale.

D’abord, le développement de la médiation dans les contentieux familiaux accélérerait le règlement des problèmes de garde d’enfant ou de pension alimentaire tout en améliorant le rapport qualité/prix du service rendu par l’État.

Ensuite, nous avons travaillé sur l’hypothèse d’une fusion entre justice de proximité et justice de première instance, ce qui serait de nature à réduire l’effet de structure et à simplifier le fonctionnement de la justice.

Et puis, la visioconférence devrait devenir la règle et l’extraction judiciaire l’exception.

Nous proposons enfin l’allégement de la procédure de suspension du permis de conduire, qui concerne beaucoup de nos concitoyens, en fusionnant la phase administrative et la phase judiciaire, le système actuel coûtant beaucoup d’argent à l’État et nuisant à la lisibilité de la sanction.

M. René Couanau, rapporteur spécial. Les crédits de paiement de la mission « Justice » augmentent de 3,42 %, à 6,859 milliards. La progression est d’ailleurs ininterrompue depuis des années – la part des crédits consacrés à la justice dans le budget de l’État est passée de 1,85 % en 2003 à 2,45 % en 2010 –, ce qui montre combien la justice est une priorité.

Les nouveaux moyens en personnel sont concentrés sur l’ouverture d’établissements pénitentiaires et, pour un montant équivalent, sur l’accompagnement de la réforme de l’appel, intégrant les professions d’avoué et d’avocat. Peut-être conviendra-t-il, dans les années à venir, de poursuivre le renforcement des effectifs dans les greffes et les services administratifs des tribunaux, les effectifs de magistrats ne semblant pas soulever beaucoup de questions. Quelles sont vos intentions pour les futurs budgets ?

La réforme de la carte judiciaire, menée avec détermination, suit son cours. Dans certaines juridictions, des décisions ont même été prises de façon anticipée. La fermeture de tribunaux s’est déroulée dans des conditions meilleures que prévu, avec des mutations de magistrats jugées convenables. Personne n’attendait d’effet financier immédiat. Cela dit, la réforme de la carte judiciaire coûte de l’argent cette année, en coûtera l’an prochain et continuera d’en coûter au-delà. Quel bénéfice financier pouvons-nous espérer au terme du processus en cours ?

L’un des reproches majeurs émis par les justiciables à propos de notre système judiciaire concerne la longueur des délais s’écoulant entre la commission des faits et le jugement puis entre le jugement et l’exécution de la peine. Vos services ont-ils apprécié les moyens en personnel et en informatique qu’il convient de mettre en œuvre, dans le cadre de la nouvelle politique pénale, afin de raccourcir ces délais ?

La dématérialisation des procédures s’inscrit dans une dynamique de réformes du ministère de la justice qui, fait réconfortant, emporte l’adhésion de l’administration. Cette dématérialisation se heurte toutefois à des obstacles. Les avez-vous identifiés ? Comment espérez-vous les surmonter dans les années à venir ?

Le programme de construction de nouveaux établissements pénitentiaires se poursuit. Quand sera-t-il achevé ? Peut-on d’ores et déjà mesurer ses effets sur la population carcérale ?

Le principe de l’encellulement individuel n’est pas applicable immédiatement, nous le savons bien. L’enjeu n’est pas seulement individuel, les directeurs d’établissement que nous avons rencontrés nous l’ont tous fait observer. La surpopulation de l’établissement complique en effet l’organisation de la « journée du détenu », qui doit comporter des activités de formation et de prévention de la récidive.

À propos du futur programme de construction, divers chiffres ont circulé. Pouvez-vous préciser à quelle date il débutera et quel sera son volume ? Définirez-vous des priorités pour tenir compte du très mauvais état dans lequel se trouvent nombre de maisons d’arrêt, à cause de la surpopulation mais aussi par manque d’entretien et d’espace ?

Quels sont les points forts de votre politique carcérale ? Supposent-ils l’attribution de moyens financiers supplémentaires, en particulier pour les SPIP, les services pénitentiaires d’insertion et de probation ? Compte tenu des allégements de peine prévus dans le cadre de la nouvelle politique pénale, le travail des conseillers des SPIP ira croissant. Le taux d’encadrement des personnes suivies étant déjà assez faible, les moyens seront probablement concentrés sur les actions extérieures aux établissements. Or, pour lutter contre la récidive, il importe de maintenir un accompagnement dans les établissements. Pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions en la matière ?

Il me semble que la déconcentration des décisions financières pourrait être encore renforcée. Les établissements pénitentiaires comme les juridictions manquent sérieusement d’autonomie dans l’utilisation des crédits disponibles, et le délai de réactivité de l’échelon régional n’est pas très bon.

Des sommes considérables sont consacrées à la remise en état des maisons d’arrêt et des établissements pour peine. À Fleury-Mérogis, par exemple, le coût de rénovation par cellule ou par détenu excède largement celui de la construction d’un établissement neuf. Pendant trente ans, le ministère a négligé l’entretien de ses établissements. Pourrait-il se montrer désormais plus prévoyant ?

Enfin, la coopération avec vos services est excellente, puisque le taux de réponse à nos questions atteint 99 %. Je n’en dirai pas autant des indices figurant dans les documents, dont je trouve la signification faiblarde.

M. le président Didier Migaud. Il semblerait que quelques cours d’appel, comme celles de Paris ou de Grenoble, rencontrent des difficultés de paiement. Pourrez-vous nous donner quelques explications, madame la garde des sceaux – à moins que le problème ne soit résolu ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis de la Commission des lois, sur les programmes « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse ». Les crédits des deux programmes que je rapporte révèlent la cohérence et la continuité de l’action du Gouvernement. Ces deux administrations jouent un rôle central dans l’exécution des décisions de justice.

Les crédits de paiement alloués au programme « Administration pénitentiaire » sont certes en baisse mais ses autorisations d’engagement augmentent. Il s’agit en effet d’un budget d’exécution de dépenses engagées dans les lois de finances des années précédentes, d’après un calendrier pluriannuel, notamment en vue d’assurer les constructions des établissements du plan 13 200. La hausse des effectifs, à hauteur de 840 équivalents temps plein travaillés – ETPT –, permettra à l’administration pénitentiaire non seulement d’ouvrir de nouveaux établissements mais aussi de faire progressivement monter en charge le nombre de placements sous surveillance électronique.

Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » subit quant à lui une baisse légère, de 1 %, le nombre d’ETPT autorisés diminuant de 333 postes. Toutefois, loin de traduire un désengagement de l’État en matière de prise en charge des mineurs, les crédits ouverts constituent la stricte traduction budgétaire des deux lois du 5 mars 2007, relatives respectivement à la prévention de la délinquance et à la protection de l’enfance. Ces lois tendent à recentrer l’action de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants, tandis que celle des mineurs en danger doit surtout être assurée par les départements, conformément à leur compétence de droit commun en matière d’action sociale.

L’action engagée depuis l’an dernier se poursuivra donc en 2010, des effectifs antérieurement affectés à la prise en charge des mineurs au civil étant réaffectés sur des missions pénales.

Par ailleurs, grâce à une réorganisation administrative bien menée de ses directions régionales et départementales, la PJJ a pu faire baisser de 133 ETPT le nombre d’emplois autorisés pour l’action « Soutien ». Cette rationalisation administrative mérite d’être saluée.

J’ai souhaité étudier trois thèmes : la formation initiale et continue des agents ; la mise en œuvre de la loi pénitentiaire ; la prise en charge éducative des mineurs placés en établissement pénitentiaire pour mineur, ou EPM.

En visitant l’École nationale de l’administration pénitentiaire, à Agen, et l’École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse, à Roubaix, j’ai été très favorablement impressionné par la qualité des formations dispensées. À Agen, par exemple, un bâtiment reproduisant des parties d’un établissement pénitentiaire est utilisé à des fins de simulation, notamment afin de former à la prévention du suicide. Les deux écoles accomplissent également des efforts particuliers en matière de formation continue, nécessité absolue pour des métiers connaissant d’importantes évolutions.

Cependant, l’ENAP, du fait de l’augmentation importante des effectifs formés, apparaît saturée, tandis que l’ENPJJ n’est pas utilisée à sa pleine capacité. En outre, certains enseignements gagneraient à être dispensés en commun, notamment ceux concernant les mineurs incarcérés. Certaines formations de l’administration pénitentiaire pourraient même être réalisées en partenariat avec d’autres écoles de la fonction publique, par exemple, dans le domaine de la sécurité, avec les écoles de police ou de gendarmerie. Quelles mesures envisagez-vous pour favoriser la complémentarité des formations entre les deux écoles relevant du ministère de la justice, mais aussi avec des écoles relevant d’autres ministères ?

J’ai pu apprécier la remarquable implication de l’ENAP et de l’ENPJJ dans la mise en œuvre des classes préparatoires intégrées, dispositif extrêmement novateur et important pour promouvoir l’égalité des chances. Les résultats des deux premières sessions sont d’ailleurs remarquables : neuf auditeurs admis à des concours de la fonction publique sur douze élèves préparés par l’ENAP ; neuf auditeurs sur vingt-cinq admis au concours d’éducateur pour l’ENPJJ.

Il existe cependant des disparités dans les statuts des auditeurs des classes préparatoires des deux écoles : ceux de l’ENAP, inscrits à l’université par leur école, bénéficient du statut d’étudiant et de l’allocation pour la diversité dans la fonction publique, tandis que ceux de l’ENPJJ, en raison d’une durée de formation trop courte, sont dépourvus du statut d’étudiant et ne sont donc pas éligibles à cette allocation. Est-il envisageable de doter d’un statut commun l’ensemble des auditeurs des classes préparatoires intégrées, en lien avec les ministères de l’enseignement supérieur et de la fonction publique ?

L’article 27 de la loi pénitentiaire a institué une obligation d’activité pour les personnes condamnées détenues, avec pour corollaire l’obligation positive, à la charge de l’administration pénitentiaire, de proposer des activités aux détenus. Dans un contexte d’emploi dégradé, quelles mesures 1’administration pénitentiaire prendra-t-elle pour tenter de maintenir et de développer l’offre de travail pénitentiaire ?

Plusieurs dispositions de la loi pénitentiaire ont des implications immobilières significatives, en particulier le droit des personnes détenues au respect de leur dignité, le principe de l’encellulement individuel et l’adaptation de la taille des cellules au nombre de détenus qui y sont hébergés. Ces dispositions rendent indispensable la fermeture des établissements les plus vétustes et la construction de nouveaux établissements pour les remplacer. Le programme 13 200 étant en voie d’achèvement, pouvez-vous nous donner les premiers éléments concernant le futur programme immobilier envisagé, en termes d’ouverture de places nouvelles, de fermetures de places anciennes et de calendrier ?

L’augmentation du nombre d’exécutions de peine en milieu ouvert contraint à s’interroger sur les effectifs des SPIP : si l’on veut éviter que le développement des aménagements de peine conduise à une augmentation du taux de récidive, les mesures de milieu ouvert doivent être assorties d’un suivi et d’un contrôle des condamnés aussi intensifs que possible. Quelles sont vos intentions en termes d’augmentation des effectifs d’insertion et de probation, dans une perspective pluriannuelle ?

Enfin, en visitant l’EPM de Quiévrechain, j’ai constaté que les équipes de l’administration pénitentiaire, de la PJJ, de l’éducation nationale et de la santé pouvaient collaborer très efficacement, dans le respect des cultures professionnelles de chacun mais animées par un objectif commun : l’intérêt du mineur.

Une difficulté liée à la préparation de la sortie des mineurs a cependant été soulevée par l’ensemble du personnel. La semi-liberté est très peu prononcée s’agissant de mineurs, surtout lorsqu’ils sont incarcérés en EPM. Or, cette formule peut être parfaitement adaptée pour les jeunes incarcérés en EPM, dans la mesure où elle leur permet de suivre une formation à l’extérieur et de reprendre ainsi contact avec la société, tout en continuant à bénéficier de l’encadrement éducatif renforcé propre à l’EPM. Ne serait-il pas souhaitable que les conférences régionales des aménagements de peine investissent davantage les questions concernant les mineurs, afin de mobiliser toutes les énergies ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la Commission des lois, sur les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». Les crédits de la mission « Justice » augmentent, cela a été dit. L’essentiel de cette hausse est lié au programme « Administration pénitentiaire », ce dont je me félicite. Les augmentations des crédits des programmes concernés par mon rapport sont plus modérées. Ainsi, ceux du programme « Justice judiciaire » progressent de 0,6 % et ceux des deux programmes de soutien de 0,5 %. Quant à ceux du programme « Accès au droit et à la justice », ils sont en baisse apparente de 7,2 %.

Même si elle suit son cours normalement, la réforme de la carte judiciaire suscite des inquiétudes au sein du corps judiciaire. On s’interroge sur la charge qu’elle peut entraîner pour le budget de l’Etat. En présence du Premier président de la Cour des comptes, M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour, a d’ailleurs indiqué à la Commission des lois que la réforme représentera dans un premier temps une charge nette pour le budget de l'État, sans pouvoir préciser expressément ni le montant ni la durée de ce surcoût. Il a envisagé une période comprise entre cinq et dix ans. Je souhaitais, madame la garde des sceaux, appeler votre attention sur cette inquiétude persistante.

Je tiens aussi à revenir sur les modalités de l’accompagnement social de la réforme. A ce sujet, mon attention a été appelée sur le fait que les fonctionnaires des départements de la petite couronne parisienne, affectés par la fermeture de leur tribunal, ne percevraient ni les primes d’aide à la mobilité du conjoint ni les primes de restructuration de service. Qu’en est-il ?

Je vous interrogerai ensuite sur l’Ecole nationale de la magistrature, un sujet qui m’est cher. Une réforme de l’Ecole a été décidée à la suite des conclusions rendues par la commission d’enquête parlementaire chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire d'Outreau. Cette réforme est en cours, mais je m’interroge sur le nombre des recrutements : la promotion 2006 de l'ENM comptait 286 auditeurs de justice ; celle de 2009 n'en compte que 141. Ces recrutements ne suffiront pas à compenser les départs à la retraite des magistrats, estimés à quelque 300 chaque année à l’horizon 2014. Qu’en pensez-vous, madame la garde des sceaux ?

Par ailleurs, la masse salariale des auditeurs de justice figurera en 2010 au budget de la mission « Justice » et non plus au budget de l'ENM. Celle-ci perd donc la maîtrise de ses finances ; et si cela concerne aussi les frais de déplacement, cette évolution ne risque-t-elle pas d’avoir une incidence sur la pédagogie de l’ENM ?

Mes questions suivantes portent sur la situation des fonctionnaires des services judiciaires. Au cours des auditions, mon attention a été à nouveau appelée sur la réduction de leur effectif : on est passé pour la première fois sous le seuil de 2,5 fonctionnaires – toutes catégories confondues – pour un magistrat, avec un ratio de 2,46 en 2009. Or, tout magistrat doit pouvoir s’appuyer sur les fonctionnaires des services judiciaires, avec lesquels il forme équipe, et qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de la justice. Sans fonctionnaires, aucun magistrat ne peut prendre de décision.

Pourtant, l’effectif des fonctionnaires de catégorie B stagne. Quant à celui des fonctionnaires de catégorie C, il baisse, alors qu’ils accomplissent un travail d’exécution indispensable. Il est nécessaire d’en recruter, et aussi de revaloriser leur situation, ce qui me conduit à évoquer à nouveau la question des primes.

Le principe d’une prime au mérite modulable, est entré en vigueur. Cette prime vaut pour les magistrats et pour les fonctionnaires des services judiciaires, mais même si l’on tient compte du degré de responsabilité exercé par les uns et par les autres, force est de constater la très forte différence des primes respectivement perçues par les magistrats et par les fonctionnaires concernés. Cette situation, parfois très mal vécue, peut susciter de graves difficultés au sein des équipes, voire mettre le travail en péril. Il semble par ailleurs que les fonctionnaires en congé de formation ne bénéficient pas de ces primes. On peut le comprendre, mais cela a pour effet pervers de ne pas inciter les fonctionnaires judiciaires à se former.

Il apparaît aussi que beaucoup d’heures supplémentaires ne seraient pas payées aux fonctionnaires des services judiciaires et que leur compte épargne-temps ne peut être alimenté que de dix jours par an. Qu'en est-il ? Et qu’en est-il des frais de déplacement qui semblent être remboursés très tardivement ?

J’en viens à l'intégration des salariés d'avoués, pour vous demander, madame la garde des sceaux, si les 190 ETPT sont bien inclus dans le plafond d'emplois figurant dans le projet annuel de performance. Cela semble être le cas ; toutefois, les salariés d'avoués n’apparaissent pas dans le tableau des entrées et des sorties du bleu du ministère des finances ? Qu’en est-il ? Par ailleurs, comment ces salariés seront-ils recrutés ? S’agira-t-il d’un concours réservé, de recrutements sur dossier, ou d’autres modalités ?

Je constate par ailleurs que les frais de justice, après avoir été maîtrisés au cours des années précédentes, augmentent à nouveau. M. le président Migaud et M. le président Warsmann l’ont indiqué, plusieurs cours d'appel sont dans l'impossibilité d'honorer ces factures.

Je conclurai en traitant de l’aide juridictionnelle. Les crédits qui lui sont affectés sont en baisse apparente mais vous nous avez indiqué, madame la ministre, que cette dotation serait en réalité stable puisqu'il est prévu de doubler le rythme des rétablissements de crédits et de les porter ainsi à 24 millions en 2010. Mais, au-delà de la stabilité ainsi rétablie, une augmentation de 3 % de l’aide juridictionnelle devrait être prévue l’an prochain si l’on s’en tient aux données figurant au projet annuel de performances. Je sais qu’une réflexion est engagée sur la réforme de l’aide juridictionnelle ; quelles sont les pistes privilégiées ?

M. le président Didier Migaud. La parole est aux représentants des groupes politiques.

M. Philippe Goujon. L’année 2010 sera, pour la justice, celle de plusieurs grands rendez-vous. Le groupe UMP considère que ce budget aidera à ne pas les manquer car il opère un rattrapage. Le premier rendez-vous, c’est l’entrée en phase opérationnelle de la nouvelle carte judiciaire qui, après s’être heurtée à tous les immobilismes et à tous les corporatismes, est aujourd'hui acceptée dans son principe. Le moment est venu d’en accélérer l’application, sous réserve de quelques corrections là où elles sont nécessaires, à la demande des chefs de cours. Où en est-on du regroupement prévu des 178 tribunaux d'instance et comment se dessine celui des 23 tribunaux de grande instance prévu pour 2011 ? L'enveloppe globale de 375 millions prévue pour l'ensemble de la réforme sera-t-elle maintenue ? Comment se fait l'accompagnement social de la réforme, notamment pour les personnels les plus touchés que sont les greffiers et les autres fonctionnaires de justice, souvent en poste depuis très longtemps ? Comment s’accomplit la réorganisation des barreaux concernés ? Confirmez-vous l'économie programmée de 300 ETPT ? L'anticipation des conséquences immobilières de la réforme pour lesquelles 77 millions sont inscrits a-t-elle été suffisante ?

Cent millions confortent par ailleurs la modernisation immobilière des juridictions. Mais qu’en est-il du nouveau tribunal de grande instance de Paris, dont la réalisation a été décidée mais pour lequel aucun crédit d’acquisition des terrains nécessaires dans le quartier des Batignolles n’est prévu ?

Le deuxième grand rendez-vous, c'est l’application de la loi pénitentiaire, texte fondateur. Au-delà du plan « 13 200 », lancerez-vous effectivement un nouveau programme de 11 000 places de remplacement des établissements les plus vétustes, vous conformant ainsi aux règles pénitentiaires européennes et à la loi pénitentiaire ? Pouvez-vous faire le point sur les travaux en cours aux Baumettes et, à la demande de mon collègue Serge Blisko, à La Santé ? Comment, dans le cadre de la RGPP, comptez-vous abaisser les coûts de construction ?

L'alternative à la construction de prisons, ce sont les aménagements de peine, qui ont triplé depuis 2007 pour concerner 14 % des condamnés en 2009. L'objectif de 18 % sera-t-il atteint en 2011 et pourrez-vous aller au-delà ? L’organisation devra sans doute être revue pour permettre, comme le préconise le rapport Lamanda, de doubler le nombre de bracelets électroniques disponibles tout en les miniaturisant. Mais l'objectif prioritaire que constitue, dans la loi pénitentiaire , le développement des aménagements de peines doit être tenu dans toutes ses dispositions. À ce sujet, combien de nouvelles places spécialisées en quartier de courtes peines, en centres de semi-liberté et en centres pour peines aménagées sont-elles prévues ? Quelles perspectives peut-on envisager pour le travail en détention, pour aller au-delà des 37 % de détenus actuellement employés ?

Après le récent pic de suicides – déjà connu en 2000 –, quelles mesures comptez-vous prendre, outre celles déjà appliquées ?

En matière d'accès aux soins, où en est la mise en œuvre du schéma national d'hospitalisation et l'ouverture, prévue entre 2010 et 2012, des neuf premières unités hospitalières spécialement aménagées ? L’augmentation de l'indemnité annuelle et la réorganisation des missions des médecins coordinateurs rendront-elles ces postes suffisamment attractifs pour satisfaire les besoins ? A-t-on pourvu les quartiers de mineurs de médecins référents ?

Le troisième grand chantier est celui de la prise en charge des mineurs délinquants, marqué par les deux lois de 2007. Quel sera l’effet de ces lois sur l'affectation des effectifs ? Serez-vous en mesure d'améliorer le taux de réponse pénale – qui a déjà augmenté de dix points en cinq ans – pour atteindre l'objectif d'une réponse rapide pour chaque infraction et, en 2011, de 70 % de jeunes n'ayant ni réitéré ni récidivé ?

L'attention portée aux victimes et aux justiciables en général est une autre priorité. Des marges de progrès existent encore dans de nombreuses juridictions pour une meilleure maîtrise des délais de traitement des affaires ; certaines juridictions ont fait des efforts sensibles, d’autres beaucoup moins – comment les y inciter ?

La meilleure reconnaissance des personnels passe par la revalorisation de la fonction de greffier, selon les préconisations du rapport Guinchard. Cela concerne le paiement des heures supplémentaires, la création d'un greffier juridictionnel, l'arrêt de la dégradation du ratio magistrats-greffiers, le rapprochement avec les corps administratifs. Où en est-on ?

Enfin, où en sont les efforts en matière d'extraction judiciaire et de réduction des escortes et transfèrements ? Pourra-t-on aller au-delà de la baisse de 5 % programmée en 2010 et recourir beaucoup plus fréquemment à la visioconférence comme je le recommandais dans le débat sur la loi pénitentiaire ? Quand on sait que ces missions mobilisent, pour la seule gendarmerie, mille gendarmes mobiles par jour, on se rend compte que cette question mérite d'être traitée avec attention.

En conclusion, et sous réserve des réponses aux questions ainsi posées, je considère que ce budget permet, dans un contexte contraint, la mise en œuvre de réformes ambitieuses et attendues par nos concitoyens, et la correction des dysfonctionnements constatés par plusieurs rapports récents et illustrés par des affaires qui ont défrayé la chronique. C'est en cela que 2010 sera une année importante pour la justice.

M. Dominique Raimbourg. Comment, se demande le groupe SRC, répondre aux interrogations si délicatement formulées par M. Garraud ? Il vous demandait en réalité, madame la garde des sceaux, comment vous parviendriez à faire plus ou au moins autant avec des moyens en baisse, avec 314 postes de greffiers en moins, avec la morosité que suscite la différence du montant des primes alloué aux magistrats d’une part, aux fonctionnaires judiciaires d’autre part ? Ces questions sont évoquées chaque année par les syndicats de greffiers, avec une amertume qui confine maintenant à la désespérance.

Comment la protection judiciaire de la jeunesse fera-t-elle face avec des postes en moins ? J’ai bien compris que le report est dû à l’examen du projet de loi sur l’enfance en danger, mais quelle sera l’articulation entre l’Office national de l’enfance en danger, les services du conseil général et ceux des services de protection judiciaire de la jeunesse ? Comment prendra-t-on en charge les jeunes majeurs relevant actuellement de la DJJ ? Comment se fera la transition ?

La même interrogation vaut pour l’aide juridictionnelle, dont le budget baisse de 317 à 295 millions. Certes, vous espérez voir s’améliorer le recouvrement des frais de justice, mais c’est bien aléatoire, et il n’est pas sûr que ce meilleur recouvrement suffise à compenser la baisse des crédits de l’aide juridictionnelle.

S’agissant de l’informatique, quand l’efficacité du programme Cassiopée sera-t-elle à peu près satisfaisante et quel est son coût ? Où en est la « mise en état virtuelle » ? Peut-on espérer l’harmonisation des opérations conduites par les avocats et de celles que conduisaient les avoués ?

S’agissant de la justice civile, les indicateurs de performance ont-ils été établis en concertation avec les magistrats et les greffiers ? Sinon existe-t-il une perspective de concertation pour mesurer la performance de chaque service ? Permettez-moi à ce sujet de m’attarder un instant sur le mode de calcul de l’un de ces indicateurs – celui de la durée des procédures –, qui peut sembler anecdotique mais qui ne l’est pas. Il est en effet spécifié que cette durée est calculée en incluant les procédures de référé. Belle preuve d’honnêteté intellectuelle que cette précision, à ce détail près que, à télescoper des données aussi disparates, on ne facilite pas la mesure véritable du délai d’attente dans les juridictions ordinaires – pour les affaires familiales par exemple.

S’agissant de la procédure et du droit pénal, il est impératif d’augmenter le nombre des conseillers d’insertion et de probation. Ils devront affronter des tâches nouvelles, et ils ne sont manifestement pas assez nombreux pour les mener à bien.

Comment, d’autre part, va-t-on recruter des médecins coordonnateurs en nombre suffisant ? Alors que votre prédécesseur, madame la garde des sceaux, avait annoncé la présence de 500 de ces médecins fin 2009, on en compte guère que 200 ! Un manque cruel d’appétence se fait sentir pour cette fonction assez peu attirante, et en termes de rémunération et en terme de culture professionnelle. Or, les médecins coordonnateurs sont une pièce importante du dispositif d’injonction thérapeutique. Comment progressera-t-on ?

Vos services, madame la ministre, disposeront-ils de bracelets électroniques en nombre suffisant pour respecter les nouvelles dispositions de la loi pénitentiaire, qui rendent automatiques l’examen de la situation des détenus à quatre mois de leur libération. Il existe 4 000 de ces bracelets aujourd’hui, 15 000 sont en commande – est-ce suffisant, alors que 65 000 détenus sont libérés chaque année ?

J’en viens aux bâtiments et, plus exactement, aux interrogations que ne manque pas de susciter la réforme de la carte judiciaire. Combien va-t-elle coûter, quel bénéfice en attendez-vous, et à quel terme ?

La presse se plaît à rapporter certaines malfaçons qui ont affecté la construction de maisons d’arrêt, comme ces portes qui ne ferment pas. N’y aurait-il pas lieu de renforcer la direction chargée de la maîtrise d’ouvrage ? S’agissant des partenariats public/privé, les groupes qui répondent aux offres sont peu nombreux : dès lors, la concurrence est-elle suffisante pour garantir des prestations de qualité et des prix bas ?

Enfin, j’ai constaté lors de nos auditions que certaines catégories de personnel, notamment les greffiers, font état chaque année des mêmes griefs et ressassent leur amertume. Comment entendez-vous agir pour remédier à cette morosité générale ?

M. Michel Vaxès. Au préalable, permettez-moi de vous poser deux questions relatives aux réformes prévues pour 2010. La recommandation du rapport Darrois – tendant à instaurer l’acte contresigné par l’avocat – et reprise dans une proposition de loi de M. Étienne Blanc, emporte-t-elle votre adhésion ? Nous partageons pleinement l’inquiétude et le désaccord dont ont fait part les notaires : une prérogative de puissance publique ne peut être confiée qu'à un professionnel placé sous le contrôle permanent de l'État. De fait, cette réforme aboutirait à un affaiblissement du service public du droit.

L’arrêt rendu le 13 octobre par la Cour européenne des droits de l’homme impose le plein exercice des droits de la défense dès la première minute de la privation de liberté, soit dès le début de la garde à vue. Envisagez-vous de suivre cette jurisprudence ou lui préférez-vous les conclusions de la commission Léger, qui vont en sens contraire ?

J'en viens au budget 2010. La France se situe au 35e rang européen pour la part du budget consacrée à la justice – 2 % cette année. Comme le faisait remarquer M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, auditionné par notre commission : « les moyens financiers dont disposent le ministère de la justice ne sont pas à la mesure de ce qu'exigeraient une démocratie et une République modernes ».

La hausse que connaît ce budget est absorbée dans sa quasi-totalité par le programme « Administration pénitentiaire ». Mais celui-ci, au regard de la nouvelle loi pénitentiaire, demeure très insuffisant. Certes, il est le seul à bénéficier de créations de postes, mais leur nombre – 1 113 – est faible puisque, rien que pour les nouveaux établissements, 1 200 postes seraient nécessaires. Est-ce à dire que les effectifs ne seront pas renforcés dans les prisons existantes ?

L'objectif n° 3 du programme est de développer les aménagements de peine. Mais seuls 262 agents, toutes filières confondues, viendront renforcer les SPIP. Tant que les moyens alloués seront aussi faibles, comment mener cette action majeure ?

Enfin, alors qu'il avait été question d'améliorer les conditions de détention des détenus, seuls 17,3 % du budget alloué à l'administration pénitentiaire seront dédiés à l'action 2 – accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice dans des conditions dignes et satisfaisantes. Comment, dans ces conditions, atteindre les objectifs affichés par le Gouvernement lors de l’examen de la loi pénitentiaire ?

S’agissant du programme « Justice judiciaire », les 18 indicateurs du projet annuel de performance tendent principalement à mesurer les délais de procédure. La Cour des comptes, soulignant que « cet objectif ne peut-être la seule préoccupation du service public de la justice », a recommandé en 2007 de compléter le projet par un indicateur sur le nombre de détentions provisoires suivies d'un non-lieu. Cette recommandation n’a été suivie d’effet ni en 2007 ni en 2008. Votre prédécesseure, interrogée l’année dernière à ce sujet, avait pourtant trouvé l’idée intéressante.

Si les besoins en emplois de l’administration pénitentiaire sont considérables, ceux de la justice judiciaire sont pressants. Pourquoi le nombre de places offertes aux concours de l’Ecole nationale de magistrature ne cesse-t-il de diminuer ? Pourquoi n’y aura-t-il pas de concours de greffier en chef en 2010 ? Les greffiers peuvent-ils espérer voir leurs heures supplémentaires – certains en cumulent 600 – indemnisées en 2010 ?

Pour ce qui est du programme « Accès au droit et à la justice », le budget alloué à l’aide juridictionnelle et à l’accès au droit est en baisse constante depuis trois ans – 7,8 % par rapport à 2009 –, alors même que les prévisions font état d’une progression du nombre de bénéficiaires – + 3 % par rapport à 2009. En violation de la Convention européenne des droits de l’homme, l’État continue ainsi de réduire sa participation et risque de mettre en péril la pérennité du système.

Dans le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », je note que l’écart entre la part consacrée à la mise en œuvre des mesures judiciaires en direction des mineurs délinquants – 71,35 % – et la part dédiée aux mineurs en danger ou aux jeunes majeurs – 9,26 % – se creuse, puisque le rapport était de 62/19 l’année dernière et de 50/30 l’année précédente. J’y vois une anticipation du rapport Varinard, qui prônait un recentrage des établissements et des services de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse sur les mineurs ayant commis des actes de délinquance.

Cela impacte directement les finances des départements. Pourquoi le fonds national pour la protection de l'enfance, institué en 2007 pour compenser le transfert de la compétence de la protection sociale et de l'aide sociale à l'enfance aux départements n'est-il toujours pas doté ? Pourquoi le décret n’est-il pas encore paru ? La Cour des comptes a insisté sur la nécessité de renforcer la position de l'Observatoire national de l'enfance en danger, associant l'État et les départements, et de le doter de moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux. Allez-vous œuvrer afin que cette recommandation soit suivie d’effets ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Pour répondre d’abord à M. Jean-Luc Warsmann, qui me demandait quelles étaient les grandes lignes de notre politique, je dirais que nous essayons d’abord de renforcer ce pilier institutionnel qu’est la justice. Si les citoyens ont le sentiment que des règles du jeu existent, qu’elles sont respectées par tous et appliquées équitablement, la cohésion d’une nation est garantie.

Mais nous voulons aussi répondre aux attentes, aux inquiétudes et aux critiques dont la justice fait l’objet. Il nous paraît essentiel de la rendre plus rapide dans son exécution, plus simple dans son fonctionnement et plus effective lorsque des sanctions sont prononcées.

La hausse du nombre des greffiers et des fonctionnaires doit permettre aux magistrats de se concentrer sur le cœur de leur mission, rendre des jugements. J’ai écrit aux procureurs pour leur demander de me communiquer les délais moyens, afin de dresser un état des lieux annuel, juridiction par juridiction. Je leur ai aussi demandé de me transmettre la liste des dossiers en instance depuis plus de cinq ans. La dématérialisation devrait permettre d’accélérer les procédures. Enfin, certaines procédures simplifiées ne sont pas suffisamment utilisées, comme la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

La tendance à la judiciarisation des affaires contribue de façon certaine à l’engorgement des tribunaux. Or, qu’il s’agisse du pénal, du civil ou des prud’hommes, il est possible de recourir à la médiation et à la conciliation : cela permet d’éviter le passage devant le juge ou, si la procédure doit suivre son cours, de la simplifier et de l’accélérer.

Enfin, j’ai rappelé lors des débats sur la loi pénitentiaire que je m’étais fixé un objectif de résorption des 32 000 condamnations annuelles qui ne sont pas exécutées. Pour cela, nous disposons de plusieurs outils dont la possibilité, donnée par la loi pénitentiaire, d’aménager les peines de moins de deux ans.

M. Migaud m’a interrogée sur la simplification de la carte judiciaire. Le coût immobilier de la réforme se situe aux environs de 385 millions d’euros, les dépenses étant censées s’étaler jusqu’en 2018. S’agissant des économies attendues à plus long terme, les réponses que j’ai obtenues de mon administration sont pour le moment insuffisantes : il nous faut encore affiner nos évaluations.

Vous m’avez parlé ensuite des difficultés de paiement de certaines cours d’appel. La responsabilité gestionnaire des cours d’appel appartient, je le rappelle, aux premiers présidents et aux procureurs généraux. Elle s’exerce évidemment dans le cadre des crédits disponibles, qui s’élevaient en 2009 à 315 millions – montant globalement suffisant. Si certaines cours d’appel rencontrent des difficultés de paiement, il s’agit de difficultés ponctuelles, auxquelles on remédiera facilement. Elles sont dues peut-être au relèvement des tarifs médicaux ou aux frais de stages.

S’agissant des visioconférences, 6 000 ont été réalisées depuis le début de l’année, dont 4 000 avec les détenus. Les situations varient d’une juridiction à l’autre, les tribunaux de Marseille, Bordeaux et Auxerre marquant une certaine avance. Ces pratiques, qui doivent rentrer dans la culture judiciaire, permettent notamment de réaliser des économies sur les transfèrements.

M. Warsmann m’a interrogée sur les nouveaux programmes d’ouverture de prisons qui compensent, dans le cadre de la RGPP, les fermetures d’établissements anciens. Je ne suis pas opposée à la fermeture de prisons vétustes et mal adaptées. Mais je me réserve la liberté de revenir sur certaines décisions qui tendraient à créer des ensembles gigantesques et déshumanisés, risquant de mettre en échec notre politique de réinsertion. Il nous faut trouver un équilibre entre la rationalisation et une approche plus humaniste de la détention.

La prise en charge sanitaire et médicale dépend aussi du ministère de la Santé. Dès mon arrivée place Vendôme, je me suis entretenue avec Mme Bachelot ; nos cabinets respectifs travaillent en étroite collaboration sur la question du déficit en personnels dans certaines spécialités et sur le manque général d’appétence des médecins pour le travail en prison.

S’agissant du retrait du permis de conduire, il est difficile de réaliser une fusion complète des phases administrative et judiciaire tout en respectant les caractéristiques de chacune des procédures. Mieux vaut s’attacher, par exemple, à réduire les délais pour la récupération de points.

Monsieur Couanau, vous avez rappelé que la justice était l’un des rares ministères à voir ses crédits augmenter. Cela nous permet de répondre à un certain nombre de priorités, mais pas à toutes. Un budget est une somme de choix, l’expression d’une politique ; je n’en connais aucun qui ait permis de répondre aux attentes de tous. De ce point de vue, les ministres sont égaux devant Bercy !

S’agissant de la carte judiciaire, qu’il soit clair que je ne reviendrai sur aucune décision prise avec moi. Il y va de la continuité de l’État. Le secrétaire d’État, M. Bockel, effectue de nombreux déplacements pour vérifier que les personnels reçoivent un traitement conforme à nos engagements.

Alors qu’on avait parlé de 700 à 800 millions d’euros, le coût des investissements immobiliers est aujourd’hui fixé à 385 millions d’euros, auxquels il faut ajouter, bien entendu, les charges de personnel ainsi que les frais d’adaptation des cabinets d’avocats à la réforme de la carte judiciaire. Ces derniers crédits sont en effet inscrits dans le budget. S’ils ont été très peu consommés jusqu’à présent, on doit prévoir un accroissement en 2010 des dossiers soumis à la commission.

Vous me demandez si la réforme va générer des économies : sincèrement, je ne peux pas répondre aujourd’hui à cette question.

Vous avez signalé les difficultés de la dématérialisation, notamment en ce qui concerne Cassiopée. Nous travaillons à les résoudre. Les services et les opérateurs en cause ont été convoqués et avertis que nous ne tolérerions plus à l’avenir ni nouveaux retards ni dysfonctionnements. Toutefois, nos services ne sont pas les seuls à devoir apprendre cette nouvelle culture : nos efforts resteront vains tant qu’ils ne seront pas partagés par nos partenaires – nous ne pouvons pas encore, par exemple, échanger avec les services de police.

La chancellerie, pour sa part, continue son grand mouvement de modernisation, qu’il s’agisse des chantiers de la signature électronique, des documents d’état-civil, des procès-verbaux électroniques ou de la visioconférence. Tout cela entre progressivement dans les mœurs.

L’augmentation du nombre de fonctionnaires, de greffiers et d’assistants est un de mes choix budgétaires et une demande unanime des syndicats de magistrats. Je compte en outre proposer dans quelques semaines de nouvelles solutions pour recentrer les missions des agents sur leur cœur de métier, dans une perspective d’enrichissement des tâches ainsi que de simplification et d’accélération du fonctionnement de la justice.

Vous avez appelé mon attention, monsieur le rapporteur spécial, sur le risque que l’intervention des services pénitentiaires d’insertion et de prévention, les SPIP, se développe en matière d’aménagement des peines au détriment de leur mission à l’intérieur des établissements pénitentiaires. Vous avez noté que le projet de budget crée 260 postes supplémentaires pour les SPIP, ce qui n’est pas négligeable. Nous travaillons en outre à faire évoluer leurs missions vers une prévention accrue et vers une plus grande cohérence, conformément à l’accord statutaire signé en juillet. Une telle évolution contribue également à l’enrichissement des tâches.

M. René Couanau, rapporteur spécial. À propos du programme de construction de nouvelles places en maisons d’arrêt, les chiffres de 11 000 et de 5 000 places ont été évoqués, en sus du programme de 13 200 places. Qu’en est-il ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Le programme de construction de 11 000 places est essentiellement destiné à remplacer les places vétustes, conformément à la volonté du Président de la République que les établissements pénitentiaires respectent davantage la dignité humaine. Quant aux 5 000 places supplémentaires, elles doivent permettre, non plus d’atteindre un objectif de baisse de la surpopulation carcérale, qui est d’ores et déjà réalisé– avec 63 000 places pour 61 000 condamnations en 2012 –, mais de commencer à répondre à l’obligation d’encellulement individuel voté par le Parlement.

M. René Couanau, rapporteur spécial. Dans des établissements de petite taille ou de taille moyenne ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. De taille moyenne en tous les cas. Le problème est de trouver la bonne échelle, en sachant qu’elle dépend aussi de la qualité humaine des personnels. J’ai pu constater en effet que celle-ci permettait d’assurer des conditions d’incarcération acceptables même dans des établissements de grande taille, voire vieillots.

Vous avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur pour avis, que ce budget se caractérise, à la fois par une diminution des engagements et une augmentation des paiements, ce qui est tout à fait normal. Quant à la baisse des postes de la PJJ, vous avez souligné qu’elle traduit le recentrage de son action sur la lutte contre la délinquance des mineurs, conformément à la loi. Les changements que l’on demande aujourd’hui à la PJJ font peser sur elle une forte pression : il est de notre rôle d’accompagner ces personnels dans des mutations parfois traumatisantes.

La complémentarité des formations et des moyens doit être renforcée.

Dès mon arrivée place Vendôme, j’ai demandé aux responsables de L’ENM et de l’école nationale des greffes d’approfondir les relations de travail qu’elles entretenaient déjà l’une avec l’autre.

La disparité de statuts des auditeurs des classes préparatoires intégrées, que vous avez soulignée, est inévitable, certains relevant d’un établissement public, les autres d’un simple service administratif.

Vous savez que j’ai fait de l’obligation d’activité, inscrite dans la loi pénitentiaire, une de mes priorités. Je suis persuadée que nous pouvons améliorer la situation actuelle, et j’ai demandé qu’on en dresse le bilan, établissement par établissement. J’ai d’ores et déjà, dans le même but, établi des contacts avec de grandes entreprises et avec le MEDEF, qui est prêt à prendre sa part de cet effort. Nous devons faire preuve d’imagination dans ce domaine et saisir les opportunités offertes par la protection de l’environnement ou les nouvelles technologies. Nous devons également développer certains travaux d’intérêt général. C’est de l’intérêt de tous, notamment si cela permet à l’opinion publique de considérer les détenus comme susceptibles de participer positivement à la vie de la société. J’ai de la même façon demandé qu’on m’expose un bilan de la formation des détenus : il est indispensable de donner aux détenus des perspectives d’avenir en leur permettant de s’intégrer et de progresser. S’ils ont pour seule perspective la stagnation ou la régression, à l’intérieur comme à l’extérieur, ils s’enfonceront dans le désespoir.

En ce qui concerne les difficultés de la sortie et les possibilités d’utilisation du régime de semi-liberté pour les jeunes, vous faites une proposition intéressante, qui relève du bon sens et offre des perspectives d’avenir.

Vous m’interrogez, monsieur Garraud, sur les primes des fonctionnaires touchés par les restructurations en petite couronne. Les dispositifs de droit commun s’appliquent bien évidemment à eux, pourvu qu’ils satisfassent aux conditions requises. Le changement seul ne suffit pas : il faut que celui-ci entraîne une contrainte ou une difficulté particulières qui doivent être compensées.

Les postes mis au concours de l’ENM correspondent au nombre de départs à la retraite. Ceux-ci ne sont pas de 200 ou de 300, comme certains le prétendent, mais de 170 à 180. L’incertitude tient au fait que certains magistrats émettent le souhait de rester en poste au-delà de l’âge de la retraite. Il faudrait, à ce propos, creuser l’idée d’une « réserve judiciaire », qui permettrait aux magistrats en retraite de faire profiter de leur expérience.

S’agissant des magistrats, le problème n’est pas de créer des postes supplémentaires, mais de mieux les répartir par cour et par juridiction, certaines juridictions interrégionales spécialisées, JIRS, supportant une charge de travail bien supérieure aux autres.

Quant aux frais de déplacement, ils sont intégrés dans le périmètre de la mission « Justice » et correspondent à peu près aux besoins : je ne pense pas que ceux qui sont chargés de les répartir localement le fassent de façon aberrante.

C’est à tort que vous évoquez une stagnation du nombre des fonctionnaires de catégorie B : leur nombre est en légère augmentation. Il est vrai en revanche que les effectifs de la catégorie C diminueront. Cette diminution traduit notre souci de proposer aux fonctionnaires une véritable promotion professionnelle, ce qui suppose à mes yeux, non seulement des perspectives en termes de carrière et de revenus, mais également en termes d’intérêt du travail. Or la dématérialisation entraîne la suppression de certaines tâches jusqu’à présent dévolues à des agents de catégorie C, à qui nous devons ouvrir la possibilité de passer en catégorie B. C’est pourquoi le nombre des fonctionnaires de catégorie C a vocation à diminuer de façon continue.

Vous m’interrogez sur les primes au mérite modulables. Il est hors de question d’aligner les primes des fonctionnaires sur celle des magistrats. Pourquoi ne pas alors aligner toutes les primes de la fonction publique ? Certains le souhaiteraient peut-être, mais ce n’est pas du tout l’esprit de la politique actuelle ! Une prime traduisant la reconnaissance d’un effort, d’une contrainte ou d’un travail spécifiques, elle diffère forcément selon les catégories.

En ce qui concerne les frais engagés par les fonctionnaires pour les heures supplémentaires, le projet de décret rédigé par les services de la chancellerie ayant été approuvé par la commission technique paritaire compétente, ils devraient être remboursés d’ici à la fin de l’année.

Les 380 emplois de catégories A, B et C prévus par le projet de budget pour 2010 pour la reconversion des salariés des cabinets d’avoués sont naturellement compris dans le plafond d’emplois de la mission.

Il est vrai que les frais de justice augmentent, même si cette augmentation est inférieure à celle des années précédentes. Elle est liée au volume des appels – d’où l’intérêt de la « déjudiciarisation » – et à un « effet prix », par exemple à l’augmentation des tarifs médicaux. Nous pouvons cependant réduire certains coûts, pourvu que nous sachions tenir la dragée haute à certains des prestataires de services avec lesquels nous négocions. Je m’étonne par exemple que nous acquittions des frais d’interception téléphonique trois, voire quatre fois supérieurs à ceux de certains de nos homologues étrangers. Des économies sont également réalisables en interne : pourquoi de tels frais de courrier à l’heure d’Internet, pour ne prendre que cet exemple ? Ce sont les efforts de tous en matière de rationalisation et de bon sens qui nous permettront de réduire nos coûts.

L’aide juridictionnelle, outre le fait, non négligeable, qu’elle permet à certains avocats de vivre, traduit d’abord le principe essentiel qu’aucun justiciable ne doit être dépourvu des moyens de se défendre. Le projet de budget pour 2010 doit nous permettre, comme le rappelait M. Raimbourg, de recouvrer 24 millions d’euros sur cette aide. Nous devons en outre nous engager dans une réflexion sur la modernisation de l’aide juridictionnelle. Je viens de confier à M. Belaval, conseiller d’État, et à M. Arnaud, conseiller maître à la Cour des comptes, le soin de me faire avant Noël des propositions, dans la continuité du rapport Darrois, afin que nous puissions en débattre au cours de l’année 2010.

En ce qui concerne le nouveau tribunal de grande instance de Paris, monsieur Goujon, le choix du site des Batignolles a été approuvé par le conseil municipal et le terrain sera acheté à la SNCF d’ici à la fin de l’année. Y seront regroupés le tribunal de grande instance, le nouveau tribunal d’instance, le tribunal de police, la Direction de la police judiciaire et peut-être le barreau de Paris.

M. Jean Tiberi. La décision de supprimer les tribunaux d’instance dans les arrondissements est-elle définitive ? Y maintiendra-t-on des contacts directs avec la justice, tels les conciliateurs de justice ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Il est indispensable de maintenir un contact direct, et je ne peux qu’approuver toutes les mesures qui vont dans le sens de médiation ou de la conciliation, afin d’accélérer le traitement des affaires. Il n’est pas question que la justice s’éloigne du justiciable.

Si j’ai retenu le principe de partenariats public-privé, c’est parce que ceux-ci nous permettent d’aller vite. Je demande aux partenaires de prêter une attention toute particulière à l’architecture, qui doit être exemplaire, tant sur le plan esthétique qu’environnemental.

M. Didier Migaud, président de la Commission des finances. Y a-t-il eu une comparaison du coût de chacune des formules ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Une comparaison formule par formule est pratiquement obligatoire. De toute façon, je ne suis une idéologue, ni de l’externalisation, ni des partenariats public-privé : je demande simplement qu’on prenne en compte, dans chaque cas, différents facteurs, notamment de coût, qu’il s’agisse des coûts immédiats – dans ce cas, la solution du partenariat public-privé est toujours meilleure – ou des coûts de long terme. Ces derniers ne peuvent pas être connus a priori et doivent être négociés avec nos partenaires. Cette politique est conforme aux principes de la LOLF et de la RGPP.

Monsieur Goujon, en ce qui concerne le nombre de places dans les prisons, sachez que nous aurons réalisé l’essentiel de notre programme – dont l’échéance était fixée en 2018 – en 2012. Nous comptons conserver 250 places à la prison de la Santé. Les centres pénitentiaires de très petite taille doivent sans doute être regroupés, mais je n’ai pas l’intention, sous prétexte de baisser les coûts de construction, de créer des centres de plus de 1 000 places.

L’alternative à l’emprisonnement va se mettre en place progressivement – notre objectif étant de parvenir à 18 % de peines aménagées. Je le répète, l’aménagement de peine ne remplace pas la prison, mais l’absence de toute sanction. Le nombre de bracelets électroniques que nous avons commandés me paraît suffisant pour réduire le nombre des peines non exécutées et assurer les aménagements de peine, d’autant que le bracelet n’est pas la seule alternative à l’emprisonnement.

Je ne suis pas en mesure de vous indiquer le nombre de places qui seront créées dans les quartiers réservés aux courtes peines, et pour ce qui est du travail en détention, je crois vous avoir répondu.

Vous m’interrogez sur la question des suicides en prison. Dès mon arrivée au ministère, j’ai fait mettre en ligne le rapport Albrand et j’ai demandé que toutes les mesures préconisées soient immédiatement mises en œuvre. Mais il nous faut faire plus encore, et c’est pourquoi j’ai confié une mission au professeur Terra. J’ai par ailleurs engagé une réflexion avec Roselyne Bachelot afin d’améliorer l’accès aux soins dans les prisons, et j’ai tenu à accélérer la livraison des UHSA – unités hospitalières spécialement aménagées.

Pour ce qui est de la présence des médecins coordonnateurs et du niveau de l’indemnité annuelle, je serai bientôt en mesure de vous répondre.

Je suis tout à fait d’accord avec vous : il faut accélérer encore plus les réponses à l’égard des mineurs délinquants, tout en prenant les précautions qui s’imposent. Un rappel à l’ordre, un travail, une action sont tout aussi pédagogiques que quelques semaines de prison. Mais nous pouvons aller plus loin. Le code pénal des mineurs doit évoluer car, depuis 1945, notre société a changé, tout comme les mineurs eux-mêmes. Aujourd’hui, des enfants de huit ans commettent des actes de délinquance. Nous devons engager une véritable réflexion sur cette évolution. Les victimes, elles aussi, attendent que nous leur apportions des réponses plus rapides.

Vous m’avez interrogé sur la fonction de « greffier juridictionnel ». Je crois vous avoir répondu sur leur nombre et leur mission. Des greffiers font actuellement le travail des magistrats : c’est pourquoi il est indispensable de recentrer leur métier sur ses missions essentielles.

S’agissant de la réduction des escortes judiciaires, des efforts restent à faire, mais notre objectif d’en réduire le nombre de 5 % sera atteint en 2009, et il sera plus ambitieux encore pour 2010. L’introduction de la visioconférence nous y aidera. M. Brice Hortefeux et moi-même avons mis en place un groupe de travail pour faire évoluer les choses en ce sens. En tout cas, lorsque les transfèrements s’avèrent obligatoires, il est indispensable que le personnel judiciaire connaisse les horaires de passage des personnes.

Je pense vous avoir répondu, monsieur Raimbourg, au sujet de la différence du montant des primes entre magistrats et greffiers.

J’ai écris récemment aux présidents de conseil général pour les inviter à améliorer l’articulation entre leurs services et ceux de la justice, mais je n’ai pas reçu de leur part une réponse enthousiaste. Je me suis même demandée si la création de la commission de consultation et d’évaluation des normes était une bonne chose. Les présidents de conseil général, à qui la loi a confié des responsabilités, ont tendance à se tourner vers l’État.

Je crois vous avoir également répondu sur l’aide juridictionnelle ainsi que sur l’équipement informatique, qui est l’une de mes priorités.

Quant à la justice civile, c’est vrai, nos concitoyens lui reprochent sa lenteur.

Je vous ai aussi répondu s’agissant de l’augmentation du nombre des agents du service d’insertion et de probation, ainsi que sur le recrutement des médecins coordonnateurs – actuellement à l’étude au sein de mon ministère, en concertation avec le ministère de la santé.

Le nombre de bracelets électroniques devrait être suffisant pour une première année. Par la suite, nous en augmenterons les commandes.

Je vous le confirme, je ne remets nullement en cause la carte judiciaire.

S’agissant des malfaçons dans les maisons d’arrêt, nous disposons de garanties décennales sur les travaux, mais j’ai souhaité que les contrats soient étudiés de façon à donner une suite aux fautes commises par les maîtres d’œuvre. Les problèmes semblent réglés pour les livraisons récentes, après quelques explications courtoises mais viriles.

Dans les périodes de mutation comme celle que nous traversons, les personnels s’interrogent sur leur avenir. C’est pourquoi il est indispensable de mettre en oeuvre la réforme du statut des greffiers. Je ne la remettrai pas en cause. Les greffiers doivent en connaître le calendrier. Le recentrage sur le cœur de métier leur redonnera le sens de leur mission. Nous discutons actuellement de la Charte du dialogue social, que j’avais déjà mise en place dans les deux ministères régaliens que j’ai précédemment dirigés. J’espère que nous parviendrons à un accord au cours des prochains mois.

Monsieur Vaxès, vous me demandez ce que je pense de l’acte contresigné. Pour la juriste que je suis, l’acte authentique a des caractéristiques qu’il n’est pas question de remettre en cause – je ne vois d’ailleurs pas comment. Les notaires sont les représentants de l’État, et cette mission de représentation ne saurait être confiée à des personnes qui ne sont pas habilitées pour cela. Pour autant, pour faire face à la concurrence des grands cabinets anglo-saxons, nos avocats doivent avoir les moyens de se défendre.

Qu’est-ce qu’un acte contresigné ? C’est un contrat synallagmatique par lequel une personne assure que les deux parties ont connaissance des conséquences juridiques de leur acte. Il engage donc la responsabilité du signataire. Selon les avocats que j’ai contactés, l’acte contresigné pourrait être signé par toute personne autre qu’un avocat – pourquoi pas un notaire ? – dans la mesure où il ne s’agit pas d’un acte authentique. Je ne voudrais surtout pas opposer des professions confrontées à une concurrence de plus en plus vive. Nous disposons de formidables opportunités, car les métiers du droit français sont reconnus à l’étranger. Nous essayons, ensemble, d’élargir nos capacités d’action, en France comme à l’étranger. Nous devons parvenir à une entente qui respecte la spécificité de chacune des professions en évacuant les rivalités du passé.

La question de la présence de l’avocat tout au long de la garde à vue sera abordée dans le cadre de la réforme de la procédure pénale, à laquelle nous travaillons actuellement. Mais il est clair que la Cour de Strasbourg ne souhaite pas recourir à une telle obligation dès la première heure dans une affaire de terrorisme, par exemple.

S’agissant des moyens de la justice – que vous estimez insuffisants, monsieur Vaxès –, je répète que ce budget prévoit des créations d’emplois, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.

En matière de justice, je vous l’accorde, la rapidité ne doit pas être le seul indicateur. Nos concitoyens attendent une justice de grande qualité, aussi rapide qu’efficace.

Si le nombre de postes à la PJJ a diminué, c’est que les lois qui ont été votées ont donné un rôle aux conseils généraux.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. J’ai peu de choses à ajouter à l’exposé très complet de Mme la garde des sceaux.

Nous faisons actuellement le tour des juridictions concernées par la carte judiciaire, notamment celles qui sont confrontées à des changements importants. Mais il est certain que la rationalisation entraînée par les regroupements satisfait pleinement les magistrats, les justiciables et les fonctionnaires, d’autant que la réforme accélère l’informatisation d’un certain nombre de procédures pénales.

Sur le plan de l’aide juridictionnelle, nos efforts en matière d’accueil incitent un certain nombre de justiciables à faire un autre choix que celui du procès. Un meilleur traitement des dossiers les amènent parfois à préférer une aide partielle, moins coûteuse, ce qui permet de freiner la fuite en avant budgétaire.

Les ministères de la justice, de l’intérieur et de la défense ont intérêt à croiser leurs réflexions. À ce titre, la création de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice constitue un progrès.

Monsieur Vaxès, la réforme du code de procédure pénale est un vaste chantier. La garde des sceaux a mis en place deux groupes de travail, l’un technique, l’autre politique. Donnons-nous le temps d’aller au fond des choses avant de toucher à quelques 3 000 articles du code de procédure pénale.

M. Yves Censi. Je souhaitais vous interroger sur l’acte sous seing privé, madame la garde des sceaux, mais votre réponse, parfaitement claire, m’a totalement rassuré.

Les pôles d’instruction, qui ont été mis en place dans la réforme de la carte judiciaire pour des raisons purement administratives et judiciaires, souffrent de l’absence de critère territorial. Ainsi, il n’existe pas de pôle d’instruction dans la zone située entre Clermont-Ferrand, Lyon, Toulouse et Montpellier. La suppression du juge d’instruction ne risque-t-elle pas de remettre en question la création de ces pôles d’instruction ?

En matière budgétaire, vous avez évoqué les partenariats public-privé, mais je rappelle que la LOPSI – loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure – autorise des montages financiers intéressants entre l’État et les collectivités locales, mais ni Bercy ni l’administration pénitentiaire ne se sont rués pour utiliser à plein ces innovations financières. Pourquoi ne pas permettre aujourd’hui aux collectivités locales de les utiliser ?

Mme George Pau-Langevin. Madame la ministre d’État, vous nous avez dit avoir pris à bras-le-corps les problèmes posés par la mise en place du système Cassiopée. Ne faudrait-il pas associer davantage les personnels à cette remise en ordre ? Il paraît en effet extraordinaire que les difficultés soient en partie imputables au fait que les prestataires n’ont pas suffisamment travaillé avec les utilisateurs. Comment allez-vous faire pour que ces difficultés soient réglées avant les regroupements de tribunaux prévus pour janvier prochain ?

Par ailleurs, alors que ce budget est marqué par les économies, comment expliquer que les crédits de gestion de l’administration centrale, notamment du secrétariat général, semblent avoir été épargnés ? J’observe que leur montant est équivalent à celui des crédits destinés à la mise en œuvre des mesures judiciaires pour majeurs en danger et jeunes majeurs.

M. Christian Vanneste. Je renouvelle la question que j’avais déjà posée lors de la discussion de la proposition de loi d’Eric Ciotti et à l’occasion du projet de loi pénitentiaire : quelle place va-t-on donner aux travaux d’intérêt général ? Chacun est convaincu qu’il s’agit d’une excellente peine de substitution, qui non seulement évite l’incarcération des primo-délinquants et leur donne la possibilité d’avoir une utilité sociale, voire de se former, mais en outre permet de donner un exemple positif, au lieu de l’exemple négatif trop souvent donné en prison.

Je lis dans l’annexe budgétaire deux bonnes nouvelles : le taux d’exécution des TIG atteint 90 %, et le délai d’exécution a été ramené de 6,4 mois à 5,3 mois. Mais les informations que j’ai recueillies sur le terrain ne vont pas dans le même sens. On me dit en effet que les magistrats font assez peu appel à ce type de peines, au point qu’il y a davantage d’offres de postes que de demandes.

Quelle sera la part consacrée aux TIG dans le budget 2010 ? J’entends beaucoup parler des moyens que l’on va consacrer au développement du bracelet électronique, mais quels sont ceux qui seront destinés à développer cette peine de substitution ?

M. Serge Blisko. Le débat sur la loi pénitentiaire a montré une volonté partagée de faire en sorte que la prison soit un temps utile. Or je m’inquiète de la traduction budgétaire de ses dispositions.

Les surveillants et personnels d’insertion et de probation, qui ploient déjà sous la charge de travail, vont-ils être assez nombreux pour faire face au développement de la surveillance électronique ? Ne faut-il pas faire en sorte que les personnes sorties de prison soient mieux encadrées ?

À l’intérieur des prisons, il faudrait que non seulement votre département ministériel, mais également d’autres concourent au développement de la formation et du travail des détenus. Cela suppose à la fois une organisation des locaux adaptée et un encadrement des détenus.

Il faut par ailleurs s’atteler au problème majeur des troubles psychiatriques en prison, et donc à celui de la revalorisation du travail des médecins coordinateurs, faute de quoi nous en resterons au stade des vœux pieux, et les UHSA – unités hospitalières spécialement aménagées – ne pourront pas fonctionner.

Nous continuons à nous interroger sur le nombre de peines non exécutées : 32 000, c’est encore beaucoup. En particulier pour les petits délits commis par des jeunes, il est très dommageable qu’une peine ne soit pas effectuée.

Enfin, je reviens sur les établissements pour mineurs, ces fameux EPM dont nous souhaitions, sans doute avec des réserves, qu’ils puissent remplacer au mieux les quartiers pour mineurs. Ces établissements semblent avoir un peu de mal à fonctionner, que ce soit pour des raisons matérielles ou parce que le mélange de cultures ne se fait pas toujours bien entre les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, de la PJJ et de l’éducation nationale. Comment remédier à cette situation ? Nous avons été surpris de constater que l’EPM de Meaux-Chauconin ne fonctionnait pas et que sa destination avait été changée. Si on veut prévenir la récidive, il est indispensable de faire tout ce qui est possible en direction des mineurs.

M. Didier Quentin. Comme élu de la Charente-Maritime, je voudrais tout d’abord rectifier le propos liminaire du président de la Commission des finances, qui a évoqué la fermeture du tribunal de Saintes : il s’agit en fait du tribunal de Rochefort sur Mer.

À Mayotte, l’établissement pénitentiaire de Majicavo, qui a un excellent directeur et dispose d’un excellent encadrement, a l’inconvénient d’avoir un taux d’occupation de 251 % …

Un autre problème lancinant est celui de la commission de révision de l’état-civil – CREC. Philippe Gosselin, René Dosière et moi vous avons écrit récemment à ce sujet, madame le ministre d’État. L’une des clés de la réussite de la départementalisation, approuvée massivement il y a quelques mois, est un état-civil fiable. Or son fonctionnement laisse encore à désirer : 16 000 dossiers sont en souffrance. Il est donc impératif, si cela n’a pas déjà été fait, de nommer au plus vite un magistrat permanent à la tête de la CREC.

En ce qui concerne les suites du rapport Léger et la suppression du juge d’instruction – dont je rappelle qu’il n’a à connaître que de 5 % des affaires –, je vous serais très reconnaissant de nous préciser les mesures que vous entendez prendre, en liaison avec les magistrats et les avocats, pour accompagner cette éventuelle réforme.

Enfin, pourriez-vous rassurer pleinement les notaires, comme vous avez commencé à le faire en répondant à notre collègue Vaxès, au sujet des propositions du rapport Darrois, reprises par une proposition de loi de l’un de nos collègues de la Commission des lois ?

Mme Sylvia Pinel. Tout en saluant la création de postes au sein de l’administration pénitentiaire, je déplore que les crédits alloués ne permettent pas, l’année prochaine encore, de lutter efficacement contre la surpopulation carcérale. Les moyens mis au service de la loi pénitentiaire sont insuffisants.

L’examen médical et psychologique d’entrée est trop sommaire, faute de moyens humains. Le suivi médical est également insuffisant, ce qui est dangereux pour les détenus eux-mêmes et pour la société, comme l’actualité judiciaire l’a récemment montré. La création de nouveaux postes de surveillants pénitentiaires, auxquels je veux rendre un hommage appuyé tant leurs missions sont difficiles, ne pourra combler la carence des professionnels de santé en milieu carcéral.

Des prisons surpeuplées, une institution judiciaire trop souvent dans l’incapacité d’apporter une réponse pénale rapide, graduée et proportionnée à la gravité des infractions : c’est malheureusement le constat partagé sur nos territoires ruraux, dont le mien. Il n’est pas rare que des délinquants condamnés, connus de tous les services de police ou gendarmerie, soient remis en liberté sans contrôle judiciaire et continuent de troubler l’ordre public en attendant leur incarcération, au grand désespoir des victimes. Dans quelle proportion et de quelle manière entendez-vous développer les mesures alternatives à l’incarcération ? Quelles dotations budgétaires et quelles mesures prévoyez-vous pour, d’une part, lutter contre l’inexécution des peines et, d’autre part, rétablir les victimes dans leurs droits ?

M. Jean-Michel Clément. Vingt-trois tribunaux de grande instance, 171 tribunaux d’instance, 50 tribunaux de commerce et 61 conseils de prud’hommes sont supprimés ; et on prévoit dans le programme « Accès au droit » la création de cinq maisons de la justice et du droit de nouvelle génération, à partir de janvier 2010 : le rapprochement des chiffres est éloquent. Non seulement la nouvelle carte judiciaire va coûter cher pendant longtemps, mais la justice s’éloigne des justiciables. Ainsi dans mon département, les deux tribunaux ont disparu. Où est l’accès au droit et à la justice ?

Par ailleurs, il est écrit à la page 195 de l’annexe budgétaire que les crédits attachés à l’action « développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité », soit 6,5 millions d’euros,  « constituent de véritables leviers financiers au niveau local, les actions pouvant bénéficier de cofinancements dans le cadre de la politique de la Ville ou être soutenues par des partenaires locaux particulièrement impliqués dans la politique d’accès au droit ». Cela signifie qu’il n’y aura d’accès au droit demain que dans la mesure où les collectivités locales s’impliqueront.

S’agissant enfin des greffiers de juridiction, comment les nouveaux postes se répartissent-ils entre la justice civile et la justice pénale ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Monsieur Censi, la réflexion politique va se poursuivre à la suite du rapport Léger, et les parlementaires y seront bien sûr associés très en amont. Il nous faut surmonter les contradictions apparentes et les risques réels, pour parvenir à une solution respectant les principes de notre État de droit et l’équilibre de notre système judiciaire.

Moi-même élu local, je ne vois pas d’inconvénient à explorer dans certains cas, sans nécessairement généraliser, la piste que vous avez évoquée en prenant l’exemple du Grand Rodez.

Madame Pau-Langevin, j’ai déjà constaté, à l’occasion de mes visites de juridictions, des efforts de regroupement informatique qui permettaient d’améliorer le système. Nous savons qu’il est des endroits où les choses sont plus difficiles ; nous nous y rendrons afin d’examiner comment surmonter les difficultés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. J’ai demandé que des missi dominici, par équipes de deux personnes, aillent dans les tribunaux pour un mois ou deux afin d’aider les personnels locaux à acquérir la culture nécessaire – car on m’a rapporté que dans certains cas, l’informatisation aboutissait à un doublement de travail, ce qui n’est évidemment pas le but.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. En ce qui concerne le secrétariat général, madame Pau-Langevin, contrairement à ce que vous dites, des efforts ont été engagés, qui se sont traduits par une diminution nette d’emplois. Au demeurant, le secrétariat joue un rôle transversal important, en accompagnant la démarche de modernisation.

Les TIG dont a parlé M. Vanneste, très utiles, ont vocation, comme dans beaucoup de pays européens, à monter en puissance. Mme la garde des sceaux en a précisé dans une circulaire les objectifs et les modalités. Une implication des collectivités locales ou d’autres acteurs locaux pourrait renforcer encore les possibilités. On est déjà passé de 10 000 à 11 000 TIG il y a sept ou huit ans à 15 000 à 16 000 depuis deux ans : il y a donc un progrès, même si nous pouvons encore faire mieux.

Monsieur Blisko, vous saluez avec raison le travail des SPIP, avec lesquels le ministère a conclu un accord en juillet dernier. Je suis très admiratif de ce qu’ils font, mais je pense comme eux que l’on peut faire encore mieux.

En ce qui concerne le travail en prison, au-delà du plan Entreprendre qui a été mis en œuvre début 2008, nous avons renforcé les contacts avec le monde économique. J’ai pu constater de visu à plusieurs reprises que dans certains établissements, malgré la crise, la charge de travail était stable ou progressait. D’ailleurs, au niveau européen, autant nous sommes très perfectibles en matière de lutte contre l’oisiveté, autant nous sommes plutôt bien placés en matière de travail rémunéré. Cela dit, en termes de masse salariale, nous n’avons pas tout à fait atteint les objectifs 2009  – on sent quand même l’impact de la crise.

Une réflexion approfondie serait nécessaire sur l’amélioration des réponses apportées à la délinquance des mineurs. Le taux d’occupation des établissements est actuellement de 65 %. Nous évitons donc le problème de la surpopulation, mais à l’inverse il faut se poser la question du devenir de certains établissements ou de certains quartiers de mineurs.

Monsieur Quentin, à Mayotte la mise en œuvre d’un véritable état-civil est en effet un préalable indispensable. Un magistrat permanent s’y consacre déjà, et la garde des sceaux a décidé d’affecter un deuxième magistrat, qui sera en poste début 2010.

Enfin, nous avons eu à plusieurs reprises des discussions avec les professionnels sur l’état des prisons outre-mer. Il existe quelques belles réalisations, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. A Mayotte, on est en outre confronté à l’explosion démographique.

Madame Pinel, les problèmes de santé en prison, et plus particulièrement les problèmes psychologiques et psychiatriques, sont en effet préoccupants. C’est une priorité que nous partageons avec Mme Bachelot, sans remettre en cause les décisions prises en 1994.

S’agissant de la procédure pénale et de l’exécution des peines, nous sommes déterminés à renforcer la chaîne de sécurité entre le bloc police-gendarmerie et la justice.

Monsieur Clément, il y a beaucoup de MJD en France. Celle que Mme Guigou était venue inaugurer il y a dix ans à Mulhouse était le fruit d’un partenariat entre le ministère et les collectivités. Cette conception, respectant les compétences de chacun, a fait le succès des MJD. Les MJD nouvelle génération, qui viennent pour partie compenser des disparitions de tribunaux, donneront lieu à une implication de l’État, financière et en personnel ; mais il ne faudra pas pour autant se priver d’un partenariat, adapté à la réalité du terrain, avec les collectivités territoriales.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Nous réfléchissons aux moyens de rapprocher encore plus l’information juridique et judiciaire de la population. Il serait peut-être possible, à partir des MJD, de mettre en service un système d’Intranet, y compris à destination de communes qui n’avaient pas de tribunal.

M. le président Didier Migaud. Madame la ministre d’État, monsieur le secrétaire d’État, merci. Nous en avons terminé avec l’examen des crédits de la mission.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-huit heures cinq.

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