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(Application de l’article 120 du Règlement)
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.
M. le président Didier Migaud. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’intérieur et des collectivités territoriales, M. Jean-Luc Warsmann, président de la Commission des lois, et moi-même sommes heureux de vous accueillir à nouveau en commission élargie, afin de vous entendre, cette fois, sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte d’avances aux collectivités territoriales.
Nous avons déjà beaucoup parlé des collectivités territoriales et de la fiscalité locale au cours de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. La réunion de ce jour nous permet de prolonger ce débat, la seconde partie portant davantage sur les dotations de l’État aux collectivités territoriales et sur les relations entre les deux, sujets ô combien d’actualité.
M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la Commission des finances sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte d’avances aux collectivités territoriales. Les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »augmentent à périmètre constant de 1,5 % par rapport à 2009. Lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a réaménagé certaines sommes au sein du périmètre normé, avec pour conséquence, notamment, que certaines dotations doivent être gelées. En guise de question liminaire, je me permets donc, monsieur le secrétaire d’État, de vous demander de confirmer que le Gouvernement présentera les amendements de coordination permettant d'ajuster les crédits de la mission aux votes sur la première partie.
Toutefois, les crédits de la mission ne représentant que 4 % des sommes versées par l'État aux collectivités territoriales, je souhaiterais aborder avec vous des questions plus générales.
Toutes les collectivités sont inquiètes de la façon dont la suppression de la taxe professionnelle sera compensée dès 2010. Je sais que le Gouvernement s'est engagé à une compensation exacte. Néanmoins, je ne peux que constater que le compte « Avances aux collectivités territoriales », qui retrace habituellement le produit de la taxe professionnelle, accusera l’an prochain une baisse de 22 milliards d'euros. Si la compensation aux collectivités locales n'emprunte pas les canaux habituels, pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, quelle forme elle prendra ?
Deuxièmement, en tant que rapporteur spécial comme en tant que simple parlementaire membre de la Commission des finances, je ne peux pas me satisfaire de l'information qui nous a été fournie relativement aux collectivités territoriales. Je vous rappelle qu'en 2007, le Parlement a expressément modifié la LOLF pour prévoir que l'annexe au projet de loi de finances relative à l'effort financier en faveur des collectivités locales serait déposée à temps pour l'examen de la première partie. En 2008, le Gouvernement avait respecté ce délai, dont je n'ignore pas qu'il est contraignant. En revanche, cette année, qui voit la plus importante réforme de l'histoire des finances locales, l'information budgétaire nous est parvenue avec six jours francs de retard sur le délai prescrit par la LOLF, et quatre jours de retard sur le débat en séance publique sur la réforme de la taxe professionnelle. Cette information sera sans doute utile au Sénat, tandis que l’Assemblée aura dû, une fois de plus, se contenter de l'exposé sommaire des articles. Une telle différence n’a pas lieu d’être. Je souhaite avoir une réponse de votre part, monsieur le secrétaire d’État, à ce sujet.
Ma troisième question porte sur le fonds de compensation de la TVA – FCTVA – pour le « plan de relance ».
Pour que le versement anticipé soit acquis, les
collectivités devaient s'engager sur une progression en 2009 de leurs dépenses réelles d'équipements par rapport à la moyenne de celles constatées dans leurs comptes sur la période 2004-2007. Or, compte tenu des délais stricts de certaines procédures de commande publique, il semble que de nombreuses collectivités territoriales se soient trouvées contraintes de retarder la réalisation de leur programme
prévisionnel d'investissements.
Le Gouvernement a laissé entendre que quelque chose pourrait être fait. J’ai déposé un amendement afin de tenter de régler ce problème, mais il a été déclaré irrecevable. Le Gouvernement a-t-il l’intention de prendre un engagement en faveur des collectivités qui accusent un retard mais ont pris des engagements d’investissements pour 2009 ?
Quatrièmement, la réforme de la taxe professionnelle va opérer un changement massif dans les budgets des collectivités locales et pose, à ce titre, la question de la viabilité des autres pans du système fiscal local. Par exemple, l'obsolescence des assiettes des impôts locaux va devenir rapidement d'autant plus insoutenable qu'elle ne concernera, principalement, plus que le bloc communal. Notre Commission des finances a adopté, à l'unanimité et à trois reprises à l'occasion de trois précédents projets de loi de finances ou projets de loi de finances rectificative, un amendement du rapporteur spécial organisant une nouvelle révision des valeurs locatives. À trois reprises, le Gouvernement a demandé le report de cette discussion.
J’ai entendu dire qu’il y aurait, dans le projet de loi de finances rectificative, des avancées sur ce point. Je me permets d’insister. La Commission des finances de l’Assemblée nationale comme tous les députés sont soucieux que ce dossier progresse.
Je constate aussi que l'article 57 du présent projet de loi de finances a pour objet de reconduire la dotation de développement urbain – DDU – à hauteur de 50 millions d'euros en 2010, à destination de cent communes particulièrement défavorisées. Cette dotation, créée l'année dernière, a toutefois connu des débuts difficiles. La circulaire précisant ses modalités d'attribution et les objectifs prioritaires que poursuit le Gouvernement à travers elle n'a été publiée que le 15 juin 2009. À ce jour, selon les informations transmises par vos services, il apparaît que 46 conventions attributives de subventions ont été signées et que 51 sont en cours de signature. Par conséquent, seulement 37 % des autorisations d'engagement et 5 % des crédits de paiement de 2009 ont été consommés.
M. François Pupponi. Bravo ! Félicitations !
M. Marc Laffineur, rapporteur spécial. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, si le reliquat des crédits pour 2009 pourra être reporté sur 2010 ? Pouvez-vous également nous éclairer sur la nature des projets qui auront vocation à être financés en 2009 et 2010 grâce à cette dotation ?
À propos de celle-ci, le Gouvernement avait exprimé une volonté forte l’année dernière. Lors du débat que nous avons eu à ce sujet, les parlementaires étaient soucieux de savoir à quoi cette dotation serait utilisée. Nous sommes tout à fait d’accord pour qu’elle serve à la politique de la ville. Encore faut-il qu’elle puisse être consommée. Nous aimerions avoir des informations sur ce point.
Sixième et dernière question : l'article 58 du présent projet de loi de finances prévoit le doublement du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées, le FSCT institué en 2009. Ce fonds de soutien est très important pour des collectivités très fragilisées par le départ des militaires. C’est pourquoi je suis surpris qu’aucun crédit de paiement n'ait été consommé à ce titre en 2009. Quelles en sont les raisons, monsieur le secrétaire d’État ? Vous conviendrez qu'il est paradoxal de demander au Parlement de doubler un fonds qui n'est pas consommé. Je crains que cette aide très importante ne soit en souffrance pour des motifs administratifs. Sur le terrain en effet, on freine de tous les côtés pour empêcher les élus locaux de dépenser. Pouvez-vous nous rassurer à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État ?
M. Bernard Derosier. Mission impossible !
M. François Pupponi. Le verbe « rassurer » est un gros mot pour le Gouvernement !
M. Marc Laffineur, rapporteur spécial. Je sais que le Gouvernement est aussi préoccupé que nous par cette question et qu’il sera vigilant. Il comprendra que les parlementaires souhaitent être informés de la consommation des crédits du FSCT.
M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis pour la Commission des lois sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Les collectivités territoriales étant en prise directe sur la vie quotidienne de nos concitoyens et l'activité des entreprises, il n'est pas étonnant qu'elles ressentent, tout comme l'État, les effets de la crise économique depuis l'automne 2008. Ce contexte tendu doit nous inviter à regarder l'évolution des finances locales avec d'autant plus d'objectivité et de responsabilité.
Je constate d'abord que l'État maintiendra l'an prochain le soutien qu'il accorde aux collectivités. Certes, les concours qui leur sont versés n'augmenteront globalement que de 1,2 %, c'est-à-dire en moyenne au rythme de l'inflation prévisionnelle, comme les dépenses de l'État, ce qui suscitera probablement des critiques de la part de nos adversaires, mais ce cadre se révèle finalement protecteur pour les collectivités : en effet, l'application des règles d'indexation de l'ancien « contrat de croissance et de solidarité » auraient conduit à une baisse des dotations, du fait du recul de la croissance et de l'investissement.
Au sein des prélèvements sur recettes, les crédits consacrés au Fonds de compensation sur la valeur ajoutée – FCTVA – devraient augmenter de 6,4 %, ce qui signifie que, comme les années précédentes, ils absorberont l'essentiel de la hausse des crédits – même si leur progression pourrait finalement se révéler inférieure aux besoins constatés.
La dotation globale de fonctionnement – DGF –, qui représente à elle seule 41,1 milliards d'euros, connaîtra en revanche une légère érosion en volume, puisque le projet de loi de finances n'accroît ses crédits que de 0,6 %, c'est-à-dire de la moitié de l'érosion monétaire prévue pour 2010.
La croissance des dotations de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » sera, elle aussi, limitée, puisque ses crédits de paiement seront portés de 2,49 à 2,51 milliards d'euros. Le montant des crédits alloués à la dotation de développement urbain – DDU – sera certes gelé – avec toutefois un bonus pour les communes ultramarines. Ce gel prendra fin pour la dotation globale d'équipement – DGE –, que le projet de loi prévoit de faire progresser de 1,2 %, comme pour la dotation générale de décentralisation – DGD –, promise à une hausse limitée à 0,6 %. On peut aussi remarquer que les dotations destinées à accompagner la réforme de la « carte militaire » et la mise en place des titres d'identité sécurisés progressent sensiblement pour 2010.
S'agissant du fonctionnement de l'administration centrale, les indicateurs disponibles ne donnent qu'une vue parcellaire de l'activité de la DGCL, mais ils montrent une amélioration appréciable des délais de réponse aux questions posées par les pouvoirs publics. Il me semble toutefois dommage que les indicateurs relatifs à la fréquentation du site Internet aient été supprimés. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous éclairer sur les raisons de cette suppression et sur la possibilité de rétablir l'an prochain ces indicateurs de performance ?
Plus fondamentalement, je crois qu'indépendamment du soutien public aux collectivités locales, les budgets locaux ont été fragilisés par la crise économique. Ainsi, les recettes fiscales de certaines collectivités, en particulier celles des départements, ont été particulièrement exposées à la conjoncture : en 2008, le produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers – TIPP – a déjà chuté de 5,9 % et celui des droits de mutation à titre onéreux – DMTO – de 8,6 %, et les premiers chiffres pour l'année 2009 montrent que cette tendance s'est encore aggravée. Dans le même temps, les dépenses locales poursuivent leur progression, tirées, non seulement par les transferts de personnel et l'investissement dans le cadre du « plan de relance », mais aussi par l'alourdissement des dépenses sociales, supportées notamment, là encore, par les départements.
L'endettement des collectivités reste, certes, assez modeste – de l'ordre de 112,6 milliards d'euros en 2008, soit 11 % de l'ensemble de la dette publique –, mais il s'est accru de presque 25 % en quatre ans. Cela signifie que les charges d'intérêt de la dette pèseront chaque année de plus en plus sur les budgets des collectivités, surtout dans l'hypothèse d'une hausse future des taux d'intérêt. La situation financière des collectivités territoriales devra donc être suivie avec attention : je pense, en particulier, à celle de certaines grandes villes et de quelques départements, qui est aujourd'hui d'autant plus délicate que des emprunts structurés ont été contractés sans que le risque en soit bien géré.
À ce propos, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour promouvoir davantage, au sein des assemblées délibérantes comme auprès de la population dans son ensemble, une transparence renforcée sur la situation financière des collectivités et, tout particulièrement, sur la gestion de leur endettement ? Je souhaiterais également que vous puissiez nous préciser la nature des engagements pris par les banques dans le cadre de la « charte de bonne conduite » qu'elles étaient appelées à conclure avec les collectivités.
Enfin, au-delà des aspects strictement budgétaires, il me
semble nécessaire de revenir sur l'effort sans précédent qui
est engagé pour clarifier et améliorer le fonctionnement de
la décentralisation. « L'acte II » de celle-ci a, certes, permis, depuis 2003, de transférer de nouvelles compétences aux collectivités et de leur garantir de nouveaux droits. Mais, comme le remarque le rapport de la Cour des comptes sur « la conduite par l'État de la décentralisation », rendu public le 27 octobre dernier, ce renforcement de la décentralisation « a dû s'accommoder d'une organisation territoriale jugée peu rationnelle et insuffisamment réformée ». Nous avons adopté cet automne un projet de loi organisant le transfert aux départements des parcs de l'équipement, ce qui nous a permis de tirer la dernière grande conséquence de la loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales : cette ultime étape de l'acte II de la décentralisation franchie, il nous faut regarder vers l'avenir.
Et cet avenir, c'est la préparation d'une réorganisation territoriale majeure, qui devrait notamment nous conduire, premièrement, à rénover notre architecture territoriale – ce qui passe notamment par l'achèvement de la carte intercommunale et la création de véritables métropoles – ; deuxièmement, à simplifier la « gouvernance » des collectivités locales – ce qui pourra être obtenu grâce à l'élection au suffrage universel direct des délégués des communes siégeant dans les intercommunalités, ou encore grâce aux synergies créées par l'institution de « conseillers territoriaux » communs aux régions et aux départements – et, troisièmement, à favoriser l'émergence d'un Grand Paris, qui sera avant tout fondée sur des projets concrets, d'intérêt général, tel que la création d'un moyen de transport collectif sûr et rapide reliant les principaux pôles d'activité économique autour de la capitale.
Cette entreprise de modernisation, salutaire et courageuse, devrait être abordée par tous sans a priori partisan, et suppose donc de poursuivre une concertation renforcée avec l'ensemble des élus locaux, dont j'ai moi-même rencontré les principaux représentants.
Mais il me semble qu'une telle réforme ne portera vraiment ses fruits, du point de vue de la démocratie locale et de l’évolution des dépenses publiques, que si l'on porte remède à l'enchevêtrement des compétences et des financements, qui réduit la lisibilité et donc l'efficacité de la politique locale. Il me semble que, sur ce point, les projets présentés par le Gouvernement et bientôt examinés par le Sénat demeurent un peu en retrait ou renvoient le problème à plus tard, alors qu'il existe de réelles marges de progression pour conforter la spécialisation de chaque échelon d'administration.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous indiquer dans quelle mesure ces projets de loi permettront réellement de limiter les compétences concurrentes et d'encadrer les cofinancements, sans bien sûr porter atteinte à la libre administration des collectivités territoriales ? Pourriez-vous également nous donner de premières indications sur le calendrier selon lequel notre assemblée sera saisie de cette vaste reforme ?
S'agissant, enfin, de la modernisation des finances locales, je crois que nous sommes finalement parvenus à une solution relativement équilibrée pour le remplacement de la taxe professionnelle par d'autres impositions, qui préserveront, autant que possible, les marges de manœuvre fiscales de chaque niveau de collectivités. Le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales est aujourd'hui largement respecté, notamment pour les départements et les régions, et ne me paraît pas réellement menacé. Mais cette réforme, aussi ambitieuse et complexe soit-elle, n'épuise pas le sujet : il reste nécessaire, pour la taxe d'habitation et la taxe foncière, de mettre à jour des valeurs locatives vieilles de plus de 35 ans. De même, le remplacement de la taxe professionnelle par de nouveaux impôts crée une opportunité unique pour rénover entièrement l'architecture de la péréquation, qui repose aujourd'hui sur treize dotations ou fonds distincts, obéissant chacun à des règles originales, ce qui est illisible, voire incompréhensible, et ne permet pas de mener une politique cohérente.
Là encore, le dernier rapport public de la Cour des comptes appelle à agir sans plus tarder pour remettre de l'ordre et de la clarté. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, où en est aujourd'hui la réflexion du Gouvernement sur ce sujet essentiel pour la cohésion territoriale ? Que pense-t-il, en particulier, des deux propositions que j'ai formulées, le 25 juin dernier, en présentant un rapport sur ce sujet devant la Commission des lois ? La première tend à mesurer chaque année et à faire figurer dans les documents budgétaires, pour chaque catégorie de collectivités, le taux global de correction des inégalités de pouvoir d'achat entre collectivités locales ; la seconde vise à regrouper les dix dotations de péréquation verticale en quatre grandes dotations intensément péréquatrices – une par niveau de collectivité ?
J'ajoute qu'il me paraît nécessaire de poursuivre la réflexion sur la définition, pour les dotations péréquatrices, de critères de ressources et de charges permettant de compenser les handicaps structurels, sans interférer avec des données qui peuvent résulter de choix de gestion des collectivités.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un contexte économique très incertain, le projet de budget qui nous est soumis permettra globalement de reconduire en 2010 le soutien financier accordé par l'État aux collectivités locales, qui conserveront, nous l'avons vu, des outils diversifiés pour équilibrer leurs finances. C'est pourquoi j’inviterai tout à l’heure la Commission des lois à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour 2010.
M. Jean-Claude Flory. Je tiens, tout d’abord, à saluer le travail remarquable accompli, comme chaque année, par nos rapporteurs. Au cours de l’année, nous avons eu, sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui, des réflexions intenses, que vos services, monsieur le secrétaire d’État, ont largement accompagnées, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Je tiens également à saluer leur travail.
Je souhaite revenir sur un sujet que j’ai évoqué hier matin en commission élargie, à savoir le classement en catastrophe naturelle.
Je salue la réactivité de vos services en la matière, monsieur le secrétaire d’État, et la rapidité avec laquelle des sinistres sont classés au titre de catastrophes naturelles, mon département ayant été concerné au cours de l’année 2008.
Un dispositif très réactif a été mis en place, il y a deux ans, lorsque les dégâts causés sont inférieurs à 4 millions d’euros. Lorsqu’ils sont plus importants, la démarche est, malheureusement, beaucoup plus lourde pour les collectivités locales. Une adaptation serait-elle possible pour la rendre plus facile dans ce cas et, notamment, pour réduire le temps des audits ?
Mme Marietta Karamanli. Mon propos, qui ne saurait être plus réaliste ni plus dur que celui du rapporteur spécial, sera centré sur trois constats.
Le premier est celui de l’insuffisance des compensations apportées par les dotations liées aux compétences transférées par les dernières lois de décentralisation. En effet, l’ensemble des concours aux collectivités territoriales ne devrait augmenter que de 0,70 % en 2010, alors que l’inflation prévisible est estimée par la Banque centrale européenne à 1,2 % et pourrait même atteindre 1,4 %. Ainsi l’évolution de la dotation générale de décentralisation sera-t-elle inférieure à l’inflation, avec des taux de 0,56 % pour les départements et 0,60 % pour les collectivités.
Si l’on additionne les manques à gagner résultant de la non-indexation des dotations de décentralisation sur l’évolution de l'inflation et de la non-indexation des dotations générales de fonctionnement, dont l’augmentation est plafonnée pour 2010 à 0,6 % – soit la moitié de l'inflation prévisionnelle –, ce sont environ 300 millions d’euros qui font défaut à la nécessaire compensation des charges nées de la décentralisation.
Ces 300 millions d’euros s'ajoutent aux effets mêmes de la décentralisation telle qu’elle a été conçue en 2004. Prenant pour référence le coût historique des transferts, celle-ci n’a en effet pas prévu d’instrument de stabilisation permettant de tenir compte des évolutions, notamment économiques et démographiques, observées dans certains territoires.
Pour ne prendre que l'exemple de l'APA, la Cour des comptes a rappelé dans son rapport thématique sur la décentralisation, en octobre 2009, que la dépense globale pour 2008 aura été de 4,8 milliards d’euros, laissant aux départements une charge nette de 3,2 milliards d’euros.
Gilles Carrez constatait lui-même en mai 2009 que « les dépenses suivent leur propre dynamique, alors que les recettes censées les compenser ne suivent pas nécessairement la même évolution ».
Ainsi, l’insuffisance de la réévaluation des dotations liées à la décentralisation et l’absence de solution d'ensemble dans le cadre d'une autonomie fiscale réelle vont mettre en difficulté de nombreuses collectivités territoriales, et ce non pas dans quelques mois ou quelques années, mais dans quelques semaines.
Mon deuxième constat est celui de la stagnation des dotations d'investissement, de la limitation des dotations de fonctionnement et de la nécessité, pour l’État, d’un changement de perspective à l'égard du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA.
Pour ce qui concerne les principales dotations d'investissement, il convient de signaler que, si la DGE des départements augmente de 1,20 % en autorisations d’engagement, elle décroît de 0,34 % en crédits de paiement, ce qui limite le paiement des dépenses engagées, et que la DGE des communes et des EPCI, bien qu’elle connaisse, avec une augmentation de 1,15 %, une évolution légèrement inférieure à l'évolution prévisible de l'inflation en autorisations d’engagement, diminue significativement en crédits de paiements, avec une baisse de 31,41 %.
Quant au FCTVA, son traitement par les trois dernières lois de finances donne matière à réflexion. Laissé hors de l'enveloppe normée en 2008, il y a été intégré en 2009 et son évolution est annoncée comme indexée sur l'inflation pour 2010. En fait, si l'on retire le FCTVA de l'enveloppe normée, l’évolution réelle des dotations de fonctionnement en 2010 est seulement de 0,6 %, soit 245 millions d’euros, niveau là encore bien inférieur à l'inflation.
Le FCTVA est par ailleurs calculé avec un taux de compensation forfaitaire de 15,482 % appliqué aux dépenses d'investissement. Autrement dit, l'État perçoit une marge entre ce qui lui est versé par les collectivités et ce qu'il leur rembourse. Ce qui est « empoché » de la sorte, de l’ordre de 380 millions d’euros en 2010, correspondra à plus de 50 % de l'augmentation de l'ensemble des dotations aux collectivités, y compris au titre du FCTVA. Abstraction faite du principe d'universalité, c’est donc à partir des ressources et des investissements des collectivités territoriales que l'État assurera pour moitié le maintien minimal des dotations à ces collectivités.
Cette situation anormale implique un changement de perspective pour que le FCTVA soit considéré comme un remboursement sur des dépenses d'investissement et d'avenir, et non comme une variable d'ajustement de l'évolution des dotations aux collectivités.
En outre, avec l'adoption de la contribution économique territoriale, les collectivités risquent de moins investir, n'ayant plus la sécurité financière que leur garantissait un véritable impôt économique local. Pour investir, elles doivent en effet percevoir des impôts, et non des dotations. La réforme se traduit donc par la certitude d’une perte sur la poursuite des investissements civils des collectivités locales et l’éventualité d’un gain sur les investissements réalisés par des entreprises dont les marges seront rétablies ou restaurées.
J’en viens au troisième constat : celui du caractère très partiel de la péréquation.
La péréquation vise à réduire les écarts de richesse, et donc les inégalités, entre les différentes collectivités territoriales et la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 en a fait un objectif constitutionnel, l'article 72-2 de la Constitution disposant que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ». Or, il existe aujourd'hui de fortes inégalités de richesse entre les collectivités et le résultat de la péréquation apparaît insuffisant.
Le projet de loi qui nous est soumis ménage peu de marges de manœuvre en faveur de la péréquation. Ainsi, la réforme de la dotation de solidarité urbaine, ou DSU, est gelée et le montant de la dotation de développement urbain, ou DDU, est limité à sa valeur de l'année dernière. Je ne peux que le regretter.
Je terminerai par une interrogation. Le produit des taxes locales ne peut être utilisé seul pour comparer la richesse des territoires. En effet, ce produit dépend non seulement de la base fiscale sur laquelle il s'appuie, mais aussi du taux d'imposition qui lui est appliqué. Chaque collectivité adopte ainsi un profil de taxation qui lui est propre. Certaines communes n'ont pas d'investissement particulier à réaliser et ont des taux bas, tandis que d'autres doivent assumer le financement de projets spécifiques, ce qui peut nécessiter, quelle que soit la richesse de leur population, des taux élevés. Pour mieux répartir les dotations à visée de péréquation, ne serait-il pas utile de répartir les dotations en prenant en compte non seulement un indice de ressources, mais aussi un indice d'effort fiscal identifiant ce que les collectivités locales retirent ou retireraient des taxes en appliquant des taux moyens d'imposition ?
Comme vous l'avez compris, nous estimons que ce budget manque de justice, tant dans la façon dont les réformes sont menées que dans la répartition des efforts et des moyens qui nous est proposée.
M. Marc Francina. Ma première question, d’ordre général, porte sur la prise en compte des résidences secondaires dans le calcul de la DGF. Depuis une dizaine d’années, les communes touristiques réclament l’augmentation du chiffre de leur population, actuellement calculée sur la base d’un habitant par résidence secondaire, alors que les habitudes de nos concitoyens ont changé et que les résidences secondaires sont souvent occupées plus de six mois par an, notamment par les nouveaux retraités. Cependant, la demande répétée des communes touristiques que soit retenu le chiffre de deux habitants par résidence secondaire n’a jamais reçu satisfaction.
Ma deuxième question est plus technique. Les nombreuses communes qui ont procédé à des recensements complémentaires après 2006 en vue du calcul de la DGF et qui ont perçu en 2008 une dotation calculée sur cette base ont eu cette année la désagréable surprise de voir ce montant diminuer, le Comité des finances locales s’étant fondé cette fois sur les chiffres de 2006. Dans certaines communes, cette diminution atteint 300 000 euros.
Bien que certains les considèrent comme nanties, n’oublions pas que les communes touristiques doivent réaliser des infrastructures destinées à une population importante et qui ne sont souvent utilisées que quelques mois par an.
M. François Pupponi. Mes deux questions porteront sur la DSU et la DDU.
Monsieur le secrétaire d’État, votre Gouvernement a demandé en 2008 une grande réforme de la DSU, se fondant sur le constat que 75 % des communes de plus de 10 000 habitants dans ce pays touchaient cette dotation, y compris des villes que l’on peut difficilement décrire comme pauvres, telles qu’Aix-en-Provence, Toulouse, Montpellier ou Lyon – et même Chantilly, comme je le rappelais récemment à M. Woerth. Le chantier de cette grande réforme s’est ouvert l’année dernière et, les propositions du Gouvernement ayant été refusées par un front uni de tous les élus, nous sommes parvenus en 2009 à un consensus consistant, dans l’attente de la réforme, à réserver l’augmentation annuelle de la DSU aux 150 premières communes. Le groupe de travail du Comité des finances locales a commencé à élaborer le projet de réforme et, après l’interruption de cet été, il nous a été proposé un statu quo pour 2010, la grande réforme étant reportée à 2011.
Cette réforme est d’autant plus indispensable que la réforme de la taxe professionnelle fait disparaître les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et le fonds de solidarité de l’Île-de-France. Le fait que les dotations de péréquation soient figées ou supprimées touche tout particulièrement les communes les plus pauvres. Lors de l’examen en séance publique de la première partie de la loi de finances, voici quelques jours, le ministre a d’ailleurs accepté qu’un groupe de travail se mette immédiatement à la recherche d’une solution, afin d’éviter un recul de la péréquation.
Pour ce qui concerne la DSU, nous avons eu la surprise de constater que, contrairement aux engagements pris, la réforme n’est pas gelée, car le projet de loi de finances propose une augmentation linéaire de cette dotation pour toutes les communes éligibles, ce qui contredit l’accord de l’année dernière selon lequel, je le répète, seules les 150 premières communes devaient bénéficier de l’augmentation de 70 millions d’euros – et je dois d’ailleurs régulièrement détromper à ce propos les ministres que je rencontre, qui en étaient restés à ce dispositif. Je ne comprends pas pourquoi vous remettez en cause cet accord unanime et vous demande donc si vous acceptez de revenir à l’amendement gouvernemental de 2009.
Quant à la DDU, nous avions dénoncé le fait qu’il s’agissait d’une fausse dotation – en réalité une subvention. C’est une bonne chose que de donner de l’argent aux villes les plus pauvres, mais il est absurde qu’elles ne puissent pas le dépenser pour des raisons administratives. De fait, comme l’a très justement souligné M. Laffineur, la quasi-totalité des communes éligibles n’ont toujours pas reçu leur notification de DDU et ne pourront donc dépenser qu’en 2010 des fonds dont elles ont absolument besoin et qui ont en outre été votés par le Parlement à l’automne 2008. Nous vous le demandons : affectez cet argent à ces communes sous forme de dotation, vérifiez-en l’emploi si vous voulez, mais ne les empêchez pas de le dépenser. Il n’est pas normal que les préfets limitent l’application de dispositions votées par la représentation nationale.
M. Guy Geoffroy. Nous sommes ici nombreux à être maires, et comme tels très sensibles à ce que les moyens mis à la disposition des collectivités par l’État soient aussi substantiels que possible. Cependant, face à la psychologie du verre à moitié vide que choisissent certains, je tiens à rappeler que l’exercice 2010 est difficile à tous égards et que l’effort réalisé dans ce contexte par l’État en faveur de toutes les collectivités est loin d’être négligeable – il manifeste même, en ces temps de vaches maigres, une volonté de poursuivre une relation aussi équilibrée que possible.
La commune dont je suis maire ne recevra certainement pas de grosses sommes cette année, mais, dans la période que nous traversons, tous les pouvoirs publics devraient adopter dans leur langage un minimum de solidarité, afin que nos concitoyens n’aient pas le sentiment que nous faisons le grand écart entre un État notoirement impécunieux et des collectivités qui ne voudraient pas prendre acte du fait que les temps sont durs pour tout le monde.
Après cette remarque, je reviendrai sur une question qui m’importe particulièrement en ma qualité de rapporteur de la loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités locales, qui a été pour un grand nombre d’entre nous une vraie bonne nouvelle et un élément réellement salutaire de clarification des relations entre l’État et les collectivités territoriales.
Quoi que l’on dise des chambardements en cours, le jour viendra où ils seront salués pour les effets qu’ils auront produits en matière de refonte des fiscalités locales – je pense en particulier à la suppression de la taxe professionnelle et à son remplacement, difficile mais voué au succès, par de nouvelles contributions économiques territoriales. La question qui se pose est celle de notre capacité à respecter à la fois l’esprit et la lettre de notre Constitution et à la décliner dans la loi organique sur l’autonomie des collectivités territoriales.
Je tiens donc, à l’occasion de l’examen de ces crédits, à demander au Gouvernement quelles pistes il compte suivre pour assurer de manière pérenne le respect intégral des dispositions indispensables pour assurer cette autonomie financière.
M. Olivier Dussopt. Je poserai trois questions sur la mission que nous examinons.
Tout d’abord, le fait que, comme l’observait Mme Karamanli, l’augmentation des dotations – hors FCTVA – se limite à 0,6 %, soit bien moins que l’inflation, aura pour conséquence une baisse de la capacité d’épargne des collectivités locales et, par conséquent, de leur capacité ultérieure à investir. Cette situation se traduira aussi par des difficultés accrues au niveau des budgets de fonctionnement. Dans ce contexte, quelles sont les intentions de l’État pour ce qui concerne notamment le point d’indice de la fonction publique, qui s’applique à la fonction publique territoriale ? Quel sera l’écart entre l’évolution de cet indice – et de tous ceux que fixe le Gouvernement – et celle des dotations de l’État ? Ne peut-on craindre un effet de ciseaux ?
En second lieu, on constate que, comme c’est déjà le cas depuis plusieurs années, les crédits de la mission se caractérisent par une absence de volonté de péréquation. Quelles sont vos perspectives en matière de péréquation, notamment dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle – cruellement déficiente à cet égard – et quelles suites entendez-vous donner à la proposition de Mme Karamanli de prendre en compte l’effort fiscal, le niveau d’endettement et les efforts déjà consentis par les contribuables et les collectivités des territoires connaissant des situations difficiles pour le calcul des dotations qui leur sont attribuées ?
Enfin, la suppression de la taxe professionnelle suscite des craintes et aura des conséquences sur les possibilités de financement des collectivités. De fait, la stagnation, voire la baisse, de certaines des dotations entraînera un effet cumulatif qui freinera l’investissement réalisé par les collectivités – qui représente, je le rappelle, 75 % de l’investissement public. En un temps où l’on agite sans cesse l’étendard de la relance et où l’on célèbre avec fracas un millième projet sans s’intéresser aux 999 autres qui l’ont précédé, pouvez-vous nous rassurer sur la contradiction qui se manifeste entre un budget de rigueur et d’austérité – pour ne pas dire : d’asphyxie – en matière de dotations aux collectivités locales et la volonté d’une relance qui s’appuierait sur ces dernières ?
Par ailleurs, que pouvez-vous nous proposer à propos du versement anticipé du FCTVA ? En effet, certaines communes qui ont souscrit à ce dispositif se heurtent à des difficultés administratives et à des contraintes techniques. Certaines ont également subi à la fin de l’année 2008, comme cela a été rappelé tout à l’heure, des intempéries majeures qui se sont traduites par des difficultés de prévision et de programmation au début de l’année 2009, et parfois par des retards. Envisagez-vous de laisser une journée comptable supplémentaire ou prévoyez-vous un dispositif dérogatoire, afin de permettre à toutes les communes manifestant une bonne volonté en matière d’investissement de continuer à bénéficier de ce dispositif ?
M. Jean-Yves Cousin. La suppression de la taxe professionnelle est une bonne chose. Dans la situation économique actuelle, la priorité est en effet d’aider notre tissu de production.
Du point de vue des collectivités, bien que nous soyons rassurés pour 2010, où l’État assurera les compensations, pouvez-vous déjà indiquer quel sera le mécanisme mis en place pour assurer l’autonomie financière des collectivités territoriales ?
M. Marc Goua. Je tiens à insister sur les problèmes de la DSU et de la péréquation.
Toutes les études indiquent que l’effet de péréquation exercé par la DSU est très limité, ce qui milite pour une concentration de cette dotation sur les communes les plus en difficulté, dont les revenus et les charges présentent des écarts énormes avec ceux des communes « ordinaires ».
Par ailleurs, la réforme des bases des impôts locaux, qui est certes une idée intéressante, pourrait avoir un effet dévastateur si elle se limitait au périmètre des communes. De fait, les communes qui connaissent déjà des difficultés du fait d’un grand nombre de logements sociaux pourraient se trouver en situation de cessation de paiements. La solidarité entre pauvres et plus pauvres – qui, même si elle existe déjà, n’est pas une solution – n’en serait que renforcée, au détriment de la mixité sociale que l’on s’efforce de faire prévaloir. Il faut donc tenir compte de l’effort fiscal et assurer une péréquation qui dépasse le niveau de la commune. Où en est le Gouvernement dans ce domaine ?
M. Claude Bartolone. N’en déplaise à l’un de nos collègues qui a suggéré tout à l’heure que les collectivités locales devaient partager la situation économique de l’État, ce ne sera nullement le cas cette année, car ce sont précisément les collectivités qui subissent de plein fouet l’augmentation des dépenses sociales et l’écroulement des recettes qui leur étaient affectées à cet effet par les dernières lois de décentralisation Raffarin.
C’est une bien mauvaise nouvelle que d’apprendre que la dotation générale de décentralisation, qui était la variable d’ajustement pour les départements et les aidait à prendre en charge les conséquences des lois de décentralisation ou des nouveaux transferts qui leur incombaient, ne progressera que de la moitié de l’inflation prévisible et du tiers de l’inflation qui risque d’être constatée, alors même que nous allons devoir subir la dernière tranche de transfert des personnels TOS et DDE. Quel est, monsieur le secrétaire d’État, votre avis sur cette question ?
Pour ce qui concerne la péréquation, je tiens à souligner l’injustice que représente pour certaines collectivités le ticket modérateur, en particulier au moment où l’on envisage la suppression de la taxe professionnelle. De fait, le ticket modérateur a été institué pour faire face aux déductions accordées à certaines entreprises, de manière à éviter les effets de l’augmentation trop importante de cette taxe. Son maintien malgré la suppression de la taxe professionnelle est une véritable injustice, qui oppose des départements ayant des charges importantes à d’autres départements qui n’ont pas ces charges.
Permettez-moi de citer un exemple que je connais bien : cette année, le département de la Seine-Saint-Denis, qui compte de nombreux Rmistes, devra payer 37 millions d’euros au titre du ticket modérateur, alors que le département des Hauts-de-Seine n’aura rien à payer à ce titre. On voit bien que ce système pénalise les départements où les personnes âgées sont nombreuses, qui ont d’importantes dépenses d’APA, ou ceux qui ont des charges sociales élevées, au titre notamment du RMI ou du RSA. Monsieur le secrétaire d’État, la suppression du ticket modérateur pourrait être dès maintenant une première étape de la péréquation, et je souhaiterais connaître votre sentiment en la matière.
M. Marc Laffineur, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d’État, je me félicite de l’effort de l’État, qui, malgré une baisse de 20 % de ses recettes en 2009 par rapport en 2008, a réussi à augmenter légèrement les dotations aux collectivités locales. N’oublions pas que, si les collectivités souffrent, les difficultés touchent tout notre pays – et l’ensemble de l’Europe.
M. le président Didier Migaud. L’État paie beaucoup de choses à crédit. C’est une faculté que n’ont pas les collectivités territoriales.
M. le président Jean-Luc Warsmann. Ce qui est donné est déjà payé à crédit : cela relativise les demandes de ceux qui veulent toujours plus !
L’État ne ferait donc pas d’effort en faveur de l’investissement des collectivités locales ? Je rêve ! Avec le plan de relance, via le FCTVA, ce ne sont pas moins de 3,8 milliards supplémentaires qu’il y consacre et cela est sans précédent !
Par ailleurs, pour certains, l’aide de l’État devrait être proportionnée à la fiscalité locale : autrement dit, il faudrait la subordonner à la hausse des impôts locaux !
M. François Pupponi. Mais non !
M. Marc Goua. Ce n’est pas ce que nous disons !
M. Marc Laffineur, rapporteur spécial. Mais si ! Et ce n’est pas une bonne conception de la péréquation !
Je me félicite, en revanche, de la création de la DSU par M. Alain Juppé, de même que de la réforme de cette dernière par le gouvernement Fillon, qui a conduit à son augmentation sensible pour les 150 communes dont la situation est la plus délicate. Cet effort est d’ailleurs maintenu cette année.
M. François Pupponi. Non !
M. Marc Laffineur, rapporteur spécial. J’insiste : les collectivités territoriales percevront la même somme que l’an dernier alors que nous traversons une période particulièrement difficile.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre Hortefeux.
L'examen de cette mission est toujours particulier car il ne retrace qu'une petite partie de l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités territoriales,…
M. Claude Bartolone. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. …la majeure partie figurant dans la première partie de la loi de finances. De fait, la mission que nous examinons « pèse » à peine 2,6 milliards quand les prélèvements opérés en première partie sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales en atteignent 84,6.
Les concours de l’État aux collectivités locales s’élèvent donc à plus de 57 milliards, ce qui représente une hausse de 1,2 % ; l’effort financier hors fiscalité transférée dépasse quant à lui 78 milliards, en augmentation de 3,5 % et, enfin, l’effort financier avec fiscalité transférée atteint 97,5 milliards – presque cent milliards !. Cela représente un effort d’autant plus considérable que les recettes de l’État sont en baisse et que la plupart de nos partenaires de l’Union – Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne – diminuent leurs dotations aux Länder ou aux provinces.
Ce projet de loi de finances s'inscrivant de surcroît dans le contexte particulier de la réforme de la taxe professionnelle, je souhaite insister sur trois points et, en premier lieu, sur l'impact de cette réforme sur les collectivités territoriales.
Comme Marc Laffineur l'a rappelé, le Gouvernement s'est engagé à compenser intégralement la perte de la TP pour chaque collectivité. Je précise, d’une part, que la compensation relais prévue en 2010, année blanche, figure à l'état A du PLF et je remarque, d’autre part, que votre Assemblée a profondément remanié le texte, sous l'impulsion de votre rapporteur général Gilles Carrez, en décidant notamment d'affecter une part de la cotisation complémentaire au bloc communal, ce dont je ne peux que me réjouir à titre personnel car vous rétablissez de la sorte un lien fort entre les entreprises et le niveau de collectivité en charge de l'aménagement économique. Ce mouvement est par ailleurs conforme à mon objectif de conforter l'intercommunalité dans le cadre du projet de réforme des collectivités territoriales.
Bien entendu, je sais que toutes les difficultés ne sont pas levées pour autant. Faut-il donc renforcer cette affectation d'impôt économique au bloc communal ? Faut-il envisager, pour les départements, une fiscalité en phase avec la montée en puissance de leurs dépenses sociales ? Quoi qu’il en soit, je ne doute pas que les débats se poursuivront au Sénat dans le même esprit constructif qu’à l'Assemblée et vous savez que le Gouvernement se montrera quant à lui ouvert.
Deuxième point : ce grand chantier ne doit pas occulter nos efforts en faveur de la péréquation, dont témoignent plusieurs articles du PLF rattachés à cette mission. L'exercice s’est en l’occurrence révélé plus contraint cette année en raison de la volonté d'associer les collectivités territoriales à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, lequel nous a conduits à indexer la DGF à plus 0,6 % en 2010.
Afin de conserver des marges d'augmentation de la péréquation, l'article 55 prévoyait d'écrêter de 3,5 % le complément de garantie de la DGF des communes, mais, à l'initiative de M. Gilles Carrez, vous avez abondé la DGF de 131 millions lors de l'examen de la première partie du PLF – à ce propos, je précise à M. Laffineur qu'à la suite de cet amendement, le Gouvernement présentera bien entendu des amendements de coordination sur les crédits budgétaires de la mission. Ainsi, comme le suggère M. le rapporteur spécial, il semble désormais possible d'afficher une augmentation de la péréquation communale sans avoir besoin d'abaisser aussi fortement le complément de garantie des communes. Enfin, le Gouvernement proposera en toute logique une position de « sagesse » vis-à-vis de cet amendement.
Je prends également acte qu’en 2010, il restera au Comité des finances locales des marges d'indexation pour ces dotations de péréquation communales que sont la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation nationale de péréquation (DNP).
S'agissant des dotations de péréquation elles-mêmes, nous avons choisi de reporter la réforme de fond de la DSU à l'an prochain. En effet, à l'issue des travaux du groupe de travail présidé par M. Carrez, il nous a semblé difficile que ce second volet de la réforme ne soit pas mené en cohérence avec la révision du zonage prioritaire de la politique de la ville. Pour 2010, les attributions individuelles seront donc reconduites et indexées en fonction du choix que fera le Comité des finances locales en février prochain – tel est précisément l'objet de l'article 56 du projet de loi qui, au demeurant, permet de conserver les évolutions de dotations enregistrées cette année.
Enfin, le Gouvernement reconduit la dotation de développement urbain créée l'année dernière, laquelle bénéficiera d'une nouvelle tranche de 50 millions en crédits budgétaires. Je vous renvoie, à ce propos, à l’article 57. Monsieur Laffineur, il est logique que la mise en place de cette dotation ait été un peu longue : outre qu’elle n’a été créée que dans le cadre PLF pour 2009, il a fallu attendre la publication du décret d'application, qui devait être obligatoirement soumis à l'avis de plusieurs instances, pour répartir la dotation entre la centaine de communes éligibles. Si les crédits n'ont donc été disponibles qu'en juin, nous avons toutefois demandé aux préfets de prendre rapidement contact avec ces communes afin de déterminer les projets pouvant être retenus. Mon objectif est que la totalité des autorisations d’engagement soit mobilisée cette année.
Par ailleurs, l’article 58 prévoit d’abonder le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées à hauteur de dix millions, somme qui s’ajoutera aux cinq millions ouverts en 2009. Là encore, la mise en place des crédits est très tardive mais c’est aussi que le redéploiement territorial des armées ne s'est pas traduit en 2009 par des pertes de population ou de recettes fiscales significatives pour les collectivités concernées. J’ajoute que seuls cinq contrats de redynamisation des sites de la défense (CRDS) ont été signés depuis cet été, en l’occurrence à Givet, Arras, Barcelonnette, Provins et Briançon. Sachez également que je suis en permanence ce dossier avec M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire Michel Mercier et que nous venons d'adresser une circulaire commune aux préfets concernés.
J’en viens à quelques précisons sur la compensation financière des transferts de compétences. Vous avez adopté en première partie du projet de loi de finances les articles 17 et 18 visant à attribuer une fraction de TIPP aux départements et aux régions en compensation de ces transferts. Au total, la fiscalité transférée pour compenser les charges de la décentralisation s'élève à 2,78 milliards pour les premiers et 3,18 milliards pour les secondes. L’article 15 reconduit également le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI), qui sera doté de 500 millions en 2010. Je précise, en outre, que plusieurs ajustements au profit des régions seront effectués en loi de finances rectificative pour 2009, en matière de formations sanitaires et de formation professionnelle des jeunes de moins de 26 ans.
Je tiens à saluer le remarquable travail de la commission consultative d'évaluation des charges (CCEC), présidée par M. Thierry Carcenac, qui a permis d'affiner avec les ministères concernés le coût exact de ces transferts de compétences. De la même manière, je n'aurai garde d'oublier la commission consultative d'évaluation des normes, présidée par M. Alain Lambert.
Enfin, le Gouvernement a tenu compte du contexte particulier de la généralisation du RSA pour les départements en décidant de ne pas appliquer l'ajustement qui avait été prévu sur la base des données d'exécution de l'année 2008, ce qui a conduit à accorder un versement exceptionnel de 45 millions en 2010.
Monsieur Laffineur, l’amendement relatif à la mesure de versement anticipé de FCTVA prise dans le cadre du plan de relance pourrait en effet exclure les collectivités du bénéfice de ce fonds en 2010 alors qu'elles auront participé au plan de relance en 2009. J’ajoute que l’engagement de plus de 19 000 d’entre elles avec l’État dans le cadre de ce plan a permis de dégager plus de 55 milliards d’investissement. Au 30 septembre, 36 % des collectivités signataires – soit près de 7 000 – n'avaient pas encore dépensé en investissement la moitié de leur moyenne de référence ; si elles n’y parviennent pas à la fin de l'année, 2010 pourrait être pour elles une année blanche. Or, il est évident que les difficultés qu’elles rencontrent proviennent bien souvent d’impondérables : météo, lissage du plan de charge des entreprises de BTP au-delà de la fin de 2009, etc. Dans ce contexte, l'amendement proposé par M. Laffineur apporte une solution équilibrée mais je me demande si son emplacement est judicieux – il relève plutôt, me semble-t-il, de la première partie du budget. Quoi qu’il en soit, je laisse à la commission le soin de statuer.
Si, Messieurs Laffineur et Aeschlimann, la révision des valeurs locatives cadastrales ne constitue pas un préalable indispensable à la suppression de la taxe professionnelle, la réforme de la fiscalité locale soulève en revanche la question, ces bases constituant le fondement des impôts des collectivités locales – c'est notamment sur elles que sera assise la future cotisation locale d'activité des entreprises. Or, elles n'ont jamais été réévaluées depuis 1970, mais simplement revalorisées forfaitairement, sans tenir compte des évolutions des territoires communaux. Elles sont donc non seulement une source d'iniquité dans la répartition de la charge fiscale, mais aussi un motif de contentieux important, s'agissant particulièrement des locaux commerciaux. Si aucune orientation n’a été à ce stade arrêtée par le Gouvernement, plusieurs modes de réactualisation – dont nous devons débattre – sont envisageables, depuis l'actualisation des valeurs cadastrales jusqu’au passage aux valeurs vénales ou à la référence aux loyers de marché. Par ailleurs, faut-il mettre en place cette réforme depuis Paris ou bien laisser aux élus locaux des marges de manœuvre ? En tout cas, le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé que le Gouvernement allait ouvrir une phase de concertation préalable – le plus tôt possible, je l’espère – avec les parlementaires des deux Assemblées et les associations d'élus locaux.
Monsieur Aeschlimann, outre que le Gouvernement a cherché à limiter le nombre global d’indicateurs, c’est la mission d’évaluation des politiques publiques qui a supprimé celui concernant le nombre de consultations du site Internet de la DGCL dans le projet annuel de performance. Si, s’agissant de la transparence quant à la situation financière des collectivités et, en particulier, à la gestion de leur endettement, le Gouvernement n'entend pas réglementer – il respecte en effet les principes de libre administration et de responsabilité des collectivités –, le ministère de l'Intérieur a toutefois commencé depuis un an, avec les banques et les associations d'élus, un important travail qui se traduira par la signature d'une charte de bonne conduite. Celle-ci comportera plusieurs engagements, tant pour les banques – information sur les produits structurés – que pour les collectivités territoriales – transparence sur la gestion de leur dette. Parallèlement, une circulaire reprendra les principaux principes de droit devant guider le comportement des collectivités territoriales en matière de stratégie d'emprunt.
M. Aeschlimann, de plus, a rappelé ses propositions s’agissant de l’évaluation de l'efficacité des dotations de péréquation. L'actualisation de l'étude des universitaires Gilbert et Guengant, utilisée par la DGCL pour mesurer l'intensité « péréquatrice » de ces dotations, devrait quant à elle pouvoir être remise avant la mi-décembre. Par ailleurs, la DGCL vise à se doter d'un outil lui permettant de mesurer plus régulièrement ces données essentielles.
J’ajoute que des réflexions sont en cours – notamment dans le cadre du Comité des finances locales – en ce qui concerne les évolutions de la péréquation. Je ne puis que vous rejoindre sur l'opportunité que représente la réforme de la TP de réévaluer l’ensemble de ces dispositifs, étant entendu que ce réexamen doit être abordé sans parti pris.
Le Président de la République a rappelé à Saint-Dizier combien la clarification des compétences est nécessaire afin de mettre un terme aux redondances et à la complexité des financements croisés. Le PLF prévoit ainsi que l'exercice de clarification sera achevé dans un an à compter de la promulgation de la loi ; il doit reposer sur des principes clairs et simples, l'objectif étant de cerner les compétences de chaque collectivité, d’en dresser la liste et d'interdire à toute collectivité d'exercer une compétence attribuée à une autre, tout en préservant néanmoins des domaines de compétences partagés.
Monsieur Laffineur, le « jaune » budgétaire est en ligne depuis une semaine et la version papier vient d’être imprimée. Le délai s’explique par le volume du PLF, en particulier par celui des dispositions relatives à la suppression de la taxe professionnelle.
Conformément au principe constitutionnel issu de la révision de 2003 de notre texte fondamental, Monsieur Aeschlimann, l’État tient à organiser une péréquation efficace en faveur des territoires défavorisés. La part de la DGF consacrée à la péréquation augmente ainsi constamment : respectivement, en 2005 et 2008, elle représentait pour les communes 19 % et 22 %, pour les départements 9,2 % et 11 % et, enfin, pour les régions 1,9 % et 2,9 %. Cet effort sera poursuivi en 2010, l’indexation de la DGF à plus 0,6 % demeurant compatible avec une meilleure péréquation. A cette fin, outre que le Gouvernement a proposé un écrêtement du complément de garantie de la dotation forfaitaire des communes, de nouvelles marges sont possibles grâce à l’abondement exceptionnel de DGF réalisé en première partie de budget à travers les 131 millions que j’évoquais à l’instant.
S’agissant des catastrophes naturelles, Monsieur Jean-Claude Flory, le dispositif créé voilà deux ans et dont l’Ardèche a d’ailleurs bénéficié s’est révélé très efficace. S’il n’est en effet activé que lorsque les dégâts sont inférieurs à quatre millions, c’est ensuite l’ouverture par le Gouvernement de crédits exceptionnels qui prend le relais. Avec M. Hortefeux, nous avons ainsi fait en sorte que l’État soit plus réactif, des crédits exceptionnels à hauteur de 45 millions ayant été ouverts au début de l’été suite aux intempéries survenues à la fin de 2008 et au début de 2009.
L’article 72-2 de la Constitution, Madame Karamanli, Monsieur Bartolone, dispose en effet que l’État compense financièrement tout transfert de compétences aux collectivités locales. Les modalités de cette compensation ont en l’occurrence été fixées par la loi du 13 août 2004 et répondent à quatre principes cardinaux : elle doit être en effet intégrale,…
M. Claude Bartolone. C’est un gag !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. …concomitante, contrôlée – la CCEC donne son avis préalablement à tout transfert de charges – et, enfin, conforme au principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités. À ce jour, 94 % des ressources transférées l’ont été sous une forme fiscale : la TIPP, principalement attribuée aux régions mais, également, aux départements pour le transfert du RMI, et la TSCA pour les départements. En outre, afin de conforter l’autonomie financière des régions, un processus de régionalisation de la TIPP a été mis en place ; j’ajoute que, depuis 2007, les régions peuvent, dans certaines limites, moduler les fractions des tarifs de TIPP, avec l’accord unanime des États membres de l’Union européenne jusqu’en 2009 ; enfin, pour des transferts très ponctuels, la compensation est versée sous forme de dotation.
En 2010, les compensations s’élèveront à 2,78 milliards pour les départements, 3,18 milliards pour les régions et 117 millions pour les régions d’outre-mer qui, en effet, ne perçoivent pas de TIPP.
S’agissant, cette fois, de la compensation des dépenses sociales, le Gouvernement a été au-delà de ses obligations constitutionnelles comme en témoigne la reconduction de l’abondement du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) à hauteur de 500 millions. Le taux de couverture assuré par l’État est supérieur à 90 % pour le RMI et la prestation de compensation du handicap alors qu’il est d’à peine un tiers pour l’APA, instaurée en 2001, soit avant la révision constitutionnelle.
De surcroît, l’ensemble des dotations de l’État, pour 2010, évolueront selon le même rythme de dépense que s’impose l’État, c’est-à-dire en fonction de l’inflation prévisionnelle, soit 1,2 %. L’enveloppe globale dépassera donc 57 milliards : 676 millions de plus que pour l’exercice budgétaire de 2009.
Le FCTVA progresse de 6 %. Le Gouvernement a consenti un effort massif puisqu'il a versé, en plus de l'enveloppe traditionnelle, plus de 3,8 milliards d'euros au titre du remboursement anticipé du FCTVA dans le cadre du plan de relance.
Marc Francina a soulevé le problème de la fiscalité des résidences secondaires. Je crois qu'il faut relativiser un peu les difficultés en la matière. La nouvelle méthode de recensement glissant prévue par la loi Vaillant de 2002 pose des problèmes aux collectivités parce que la population évolue très vite, que les communes changent de strate et que les indemnités des élus sont aussi sujettes à modification, dans un sens comme dans l'autre. Du coup, des contentieux surgissent un peu partout. Il me semble donc qu'il faut mener une réflexion collective sur la façon dont on devrait faire évoluer cette loi.
Le décalage dû à l’année de référence 2006 est provisoire. L'augmentation de la population sera bien enregistrée lors des deux prochaines années, puisqu'on procède désormais chaque année à une actualisation. Le Gouvernement et le Parlement ont eu le souci de ménager une année de transition pour les communes qui perdraient une part importante de leur population. Le Gouvernement a donc donné un avis favorable à un amendement émanant de l'Assemblée nationale, qui limite la perte de dotation forfaitaire pour les communes dont la population baisse de 10 % ou plus. Pas moins de 1 869 communes ont bénéficié de cette garantie, dont environ 500 ont procédé à un recensement complémentaire en 2006 ou en 2007. Le Gouvernement a également accepté un amendement de vos collègues sénateurs, qui permet aux communes les plus défavorisés et qui ont conduit récemment un recensement complémentaire de bénéficier d'un complément de dotation forfaitaire. Cette disposition a bénéficié à 23 communes pour un montant de près de 4 millions d'euros. Les résidences secondaires demeurent comptabilisées pour un habitant. La DGF 2010 prendra en compte l'extension des recensements aux résidences secondaires.
Monsieur Pupponi, le Gouvernement a souhaité engager une réforme d'ampleur de la DSU, en cohérence évidente avec d'autres chantiers : la réforme de la taxe professionnelle, qui nécessitera en 2010 des calculs de richesse comparée entre les collectivités territoriales, et la réforme des zonages prioritaires, qui doit également aboutir l'an prochain.
Les acquis de la répartition de la DSU pour 2009 seront préservés dans la répartition pour l'année 2010. Chaque commune…
M. François Pupponi. C’est bien le problème !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. ...devrait voir sa DSU augmenter d'au moins 3 %.
S'il y a une anomalie en ce qui concerne votre commune, venez donc nous voir !
M. François Pupponi. Nous allons venir nombreux car vous déclarez tout simplement la guerre aux communes de banlieue !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Conformément aux engagements pris lors de l'adoption de la loi de cohésion sociale, le montant de la DSU mis en répartition a quasiment doublé, passant de 635 millions d'euros en 2004 à 1,163 milliard en 2009, soit une progression globale de 83 % – excusez du peu !
Mais il peut y avoir des anomalies…
M. François Pupponi. Il y en a pour toutes les villes de banlieue. C'est bien un choix politique que vous faites !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Je répondrai par trois réflexions personnelles aux questions de M. Dussopt sur la taxe professionnelle.
Tout d'abord, dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, je veillerai bien évidemment à ce que les objectifs de la péréquation soient totalement poursuivis : c'est un impératif pour assurer l'égalité des chances entre les territoires.
Ensuite, il s'agit d'un chantier que nous devons mener à partir de 2010 pour le faire aboutir en 2011 ou en 2012, lorsque les collectivités territoriales percevront les ressources de substitution à la TP.
Enfin, il faut également envisager un dispositif plus audacieux. L'Assemblée a d'ailleurs apporté des contributions notables en la matière, avec l'initiative de Gilles Carrez en faveur d'une péréquation départementale et régionale sur la cotisation complémentaire, ainsi qu'avec celle de Marc Laffineur relative aux droits de mutation à titre onéreux.
L’autonomie financière des collectivités territoriales qu'a évoquée M. Cousin est une exigence de la loi organique que le Gouvernement veillera bien évidemment à respecter, d'autant qu'un contrôle constitutionnel est désormais prévu.
M. Dussopt m'a interrogé sur la prise en compte du reste à réaliser dans le FCTVA. Il faudrait en effet éviter que les collectivités locales, qui n'en sont pas responsables, subissent une année « blanche ». C'est l'esprit de l'amendement qu'a déposé M. Laffineur. Le Premier ministre l'a indiqué en réponse aux questions qui lui avaient été posées à l'Assemblée nationale et au Sénat, nous avons demandé aux préfets de faire preuve à ce sujet de la plus grande souplesse possible. Soyez assuré que j'y veillerai personnellement car il serait quand même malvenu que les collectivités locales soient, pour des raisons totalement indépendantes de leur volonté, gênées dans leurs investissements, alors qu’elles sont un des piliers du plan de relance et qu'elles ont joué le jeu puisque 20 000 d'entre elles ont signé à ce titre une convention avec l'État.
Enfin, M. Bartolone a évoqué le ticket modérateur, qui a été maintenu à l'issue de l'examen du texte par l'Assemblée. Je précise toutefois que le projet de loi de finances remet les compteurs à zéro en 2010, en ne faisant porter le ticket modérateur que sur la contribution locale d’activité. Il faut en outre relativiser la portée de ce dispositif, qui ne représente que moins de 750 millions d'euros sur un total de 28 milliards, soit un pourcentage assez faible.
M. Claude Bartolone. Tout dépend de qui paye !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. L’État est le premier contributeur, à hauteur de 40 %.
M. François Pupponi. C’est de façon solennelle et animé par une colère froide que je vous dis, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez confirmé par votre réponse que vous déclarez aujourd'hui la guerre aux villes de banlieue.
Depuis sept ans, les gouvernements successifs ont accepté, à la demande de M. Borloo, que l'augmentation annuelle de la DSU soit fléchée vers les communes les plus pauvres. Le Président de la République l'a d'ailleurs rappelé le 8 février dernier. Pourtant, vous venez d'officialiser le fait que la prochaine augmentation serait identique pour toutes les communes. Ainsi, Aix-en-Provence verra sa DSU s'accroître selon le même pourcentage que Clichy-sous-Bois. Nous avons le sentiment d'avoir été trahis, je vous le dis au nom de l’Association des maires ville et banlieue et de son président Claude Dilain.
Ce sentiment est d'autant plus vif que la semaine dernière, dans cette même salle, Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la ville, nous a dit que l'augmentation de la DSU concernerait les communes les plus pauvres. Nous a-t-elle trahis ou nous a-t-elle menti ?
M. Claude Bartolone. Décidément, les femmes du Gouvernement n'ont pas de chance…
M. François Pupponi. Quoi qu'il en soit, le pacte passé avec les communes de banlieue vient d'être rompu.
Nous ne nous laisserons pas faire et nous redemandons solennellement au Gouvernement, à qui il reste huit jours pour se ressaisir, que la disposition qui figurait dans un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2009 soit redéposée pour 2010.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Le procès d'intention que vous faites au Gouvernement n'est pas acceptable.
M. François Pupponi. On voit les chiffres...
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Je vous rappelle que c’est ce gouvernement qui a créé la DSU et qu’en 2010 les attributions individuelles seront reconduites à leur montant de 2009 et augmentées du taux d'évolution prévu.
S'agissant de votre ville,…
M. François Pupponi. Ce n'est pas le problème !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. …la réforme a fait augmenter la DSU de Sarcelles de plus de 18 % par an depuis 2005.
M. François Pupponi. Mais vous arrêtez la réforme !
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis surpris par les propos de notre collègue François Pupponi. Nous sommes tous conscients de l'effort qu'il faut consentir en faveur des communes les plus défavorisés, c'est-à-dire celles qui sont le plus haut placées dans le fameux indice synthétique qui permet d’être éligible à la DSU.
Il faut d'abord chercher à ce que la dotation de solidarité urbaine soit correctement abondée en 2010, en dépit des vicissitudes budgétaires. Aussi avons-nous adopté, à l'unanimité, en première partie, une série d'amendements qui permettent d'abonder la DGF 2010 : en dépit d'une progression globale des concours de l'État limitée à 0,6 % hors FCTVA, nous pourrons maintenir la DSU à 70 millions d'euros, comme en 2009. S'y ajouteront les 50 millions de DDU, également fléchés vers les communes les plus défavorisés.
Voilà plusieurs mois par ailleurs que nous nous efforçons, dans un groupe de travail constitué au sein du Comité des finances locales et auquel vous participez, monsieur Pupponi, de même que le maire du Mans, Jean-Claude Boulard, de proposer une inflexion des critères de répartition de la DSU qui permette de mieux prendre en compte la situation des communes en difficulté. Nous étions d'ailleurs très proches d'un accord.
Après l'effort exceptionnel de concentration, en 2009, sur les 150 communes les plus défavorisées, peut-on reconduire le dispositif en l'état, comme vous le souhaitez ? En tant que président du Comité des finances locales, je pense sincèrement que non.
M. François Pupponi. Cela a au moins le mérite de la clarté !
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si l’on regarde quelles communes se trouvent sur la liste au-delà de la 150e position, je crains qu'en prolongeant le dispositif on ne crée un véritable hiatus. À partir de 2004, nous avons beaucoup dynamisé un certain nombre de communes, qui ont vu leur DSU par habitant multipliée par 3 ou 4, ce qui était une excellente chose.
Mais je pense que, cette année, le Gouvernement a raison de proposer une augmentation uniforme, dont je rappelle toutefois qu'elle intervient sur la base de montants arrêtés en 2009 à un niveau sensiblement plus élevé pour les 150 premières communes, montant qui est donc entériné pour l'année prochaine. Je sais que les élus des communes qui se trouvent au-delà trouveront cela injuste.
M. François Pupponi. Assumez vos choix !
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au titre du CFL, je suis prêt à prendre l'engagement que le groupe de travail se réunisse à nouveau pour aboutir à la définition de critères qui conviennent à tous.
M. Marc Laffineur, rapporteur spécial. Je vous trouve un peu « gonflé », monsieur Pupponi ! Dois-je vraiment vous rappeler que c’est Alain Juppé qui a inventé la DSU et que nous avons fait énormément en faveur des villes de banlieue ?
Depuis 2002, cet effort a été consolidé l’an dernier, au titre d’ailleurs de la DSU comme de la DSR. Jamais aucun gouvernement n’avait procédé à une péréquation d’une telle ampleur. Il faut le dire et il faut continuer à faire ces efforts !
M. François Pupponi. Mais vous les arrêtez !
M. Marc Laffineur, rapporteur spécial. Non, nous les poursuivons, en pérennisant ce qui a été fait l'an dernier.
Il faut quand même une certaine dose de mauvaise foi pour ne pas reconnaître ces efforts.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. S'agissant de Sarcelles…
Mme Marietta Karamanli et M. François Pupponi. Ce n'est pas le problème de Sarcelles !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. …la DSU a augmenté de plus de 8 % entre 2008 et 2009. Elle augmentera à nouveau de 3 % en 2010 tandis que la DDU sera reconduite. Prétendre que c’est ainsi que le Gouvernement fait la guerre aux communes pauvres, c'est vraiment n'importe quoi !
M. François Pupponi. Je vais essayer de tout vous expliquer une dernière fois.
MM. Laffineur et Carrez ont raison : grâce à la grande réforme Borloo, que nous avions saluée, 120 millions d'euros étaient fléchés tous les ans en direction des 150 communes les plus pauvres. C'était une grande victoire de la politique de la ville. Nous en étions satisfaits car la DSU était la seule recette dynamique de ces communes. Néanmoins, les inégalités n'ont pas régressé suffisamment, comme le montre le rapport que vous avez cité.
L'an dernier, nous avions obtenu que les 120 millions de la DSU et de la DDU soient, comme les années précédentes, fléchés vers les villes les plus pauvres. Vous décidez qu’en 2010 l'augmentation de la dotation sera la même pour tout le monde. Vous revenez ainsi sur cette grande victoire, et vous devez assumer votre choix politique !
Au moins Gilles Carrez et Marc Laffineur ont-ils l'honnêteté de dire qu'après sept ans ils considèrent que ce fléchage a assez duré et qu'il faut l’arrêter. Mais, depuis sept ans, les 120 millions d'euros allaient aux 150 communes les plus pauvres.
M. Marc Laffineur, rapporteur spécial. C’est faux !
M. François Pupponi. Avec la réforme Borloo, les 120 millions d'augmentation allaient bien aux communes les plus pauvres. Vous ne l'avez jamais admis parce que vous considérez que tout le monde doit avoir la même chose, et c'est, au sein du Comité des finances locales, une divergence politique fondamentale entre nous.
Vraiment, j'ai envie de quitter la salle parce que trop, c'est trop ! Nous, maires de banlieue, avons passé des nuits entières à essayer de rétablir l'ordre républicain dans les quartiers. Nous étions seuls, avec la police, là où ça pétait ! Aujourd'hui, nous avons le sentiment d'être trahis. Il ne s'agit pas d'un effet de manche de ma part : je suis mandaté pour le dire par l'Association des maires ville et banlieue, toutes tendances confondues. Nous avons été reçus cette semaine par le cabinet de Brice Hortefeux, nous avons vu Éric Woerth, nous avons vu Fadela Amara. Des promesses nous ont été faites. Mais, pour économiser quelques millions d'euros, on ne les tient pas, je ne peux pas l’admettre ! Les dotations de l'État explosent, tout comme la fiscalité locale, et ce seraient les communes de banlieue qui seraient scandaleusement pénalisées !
Figeons donc les choses pour 2010, peut-être pour la dernière année, et allons jusqu'au bout de la réforme de la DSU !
M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'augmentation significative dont ont bénéficié un certain nombre de villes, dont la vôtre, est légitime. En 2004, lorsqu'a été institué ce dispositif qui, dans la répartition, met l'accent sur les villes les plus pauvres, au-delà des critères arrêtés pour la DSU en 1991 – potentiel fiscal, logements sociaux, aides au logement, revenu – il a été décidé, pour accélérer les choses, de retenir également comme critères l'existence de ZFU ou de ZUS.
Cinq ans plus tard, on s'est rendu compte que des villes très mal placées dans l'indice synthétique, comme Val-de-Reuil, n'avaient pas bénéficié de cette évolution au motif qu'elles n'avaient ni ZUS ni ZFU. C'est pourquoi nous avons recherché, au sein du groupe de travail créé par le Comité des finances locales, les critères les plus objectifs possible. On pourra tout à fait les utiliser à partir de 2011, et c'est ce que je souhaite.
Il n'est pas exact de dire que nous voulons économiser quelques millions d'euros puisque nous sommes dans le cadre d’une enveloppe. L'amendement que défendra Marc Laffineur consiste à diminuer de 2 % la part garantie de toutes les communes qui ne disposent que de la dotation forfaitaire afin qu'elles fassent un effort supplémentaire, bien que certaines ne soient pas si riches que cela, afin de pouvoir dégager des fonds suffisants au titre de la dotation d'aménagement et de maintenir une DSU à 70 millions d'euros.
M. François Pupponi. Je n'ai pas eu connaissance de cet amendement !
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le problème que vous posez est celui de la répartition entre les communes.
Nous convenons tous que verser la DSU à 750 villes de plus de 10 000 habitants sur un total de 1 000 n'est pas peut-être pas raisonnable et qu'il faudrait sans doute la concentrer davantage. C'est le travail difficile que nous avons entrepris au sein du CFL, qui est sur le point d'aboutir. Continuons, et je pense que nous aurons l'accord du Gouvernement pour appliquer ces nouveaux critères dans la loi de finances pour 2011.
M. François Pupponi. Pour l'instant, ne touchons pas aux anciens critères !
M. Olivier Dussopt. Les crédits en faveur des communes sinistrées d’Ardèche, du fait des inondations, ont été débloqués au mois de juin, mais les enquêteurs du Gouvernement ne se sont rendus sur les lieux qu’aux mois de juillet et d’août. Ce délai est dommageable pour les communes, dont certaines ont été littéralement ravagées en septembre 2008.
S’agissant du remboursement du Fonds de compensation pour la TVA, vous semblez en décalage avec le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance, qui avait assuré à Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France (AMF), lors des questions au Gouvernement du 21 octobre, que le Gouvernement profiterait de la discussion du projet de loi de finances pour que soit autorisé le paiement en 2010 à la condition que l’engagement de dépense ait été pris en 2009.
Par ailleurs, vous n’avez pas répondu sur les évolutions d’indices que peut décider le Gouvernement.
Que pouvez-vous nous dire sur ces trois sujets ?
M. Marc Goua. Permettez-moi au préalable une remarque factuelle : les études faites par des cabinets spécialisés montrent que l’effet péréquateur de la DSU n’est jamais que de 17 %, ce qui laisse de la marge !
Comme François Pupponi, je ressens une vive tension dans les quartiers. Ceux-ci ont subi de plein fouet la crise, le chômage des jeunes s’est accru avec l’arrêt des CDD et des missions en intérim. La situation est explosive et cela sera beaucoup plus grave qu’en septembre 2005.
Hélas, je n’ai pas l’impression que les responsables politiques aient conscience de ce qui couve. La France est en train de se scinder. Faisons les efforts nécessaires tant qu’il est encore temps ! Pour ce qui est de la DSU, vous reverrez les critères en 2011, mais en attendant, poursuivez l’effort entrepris en 2009 !
M. Claude Bartolone. Je rejoins Marc Goua sur son analyse de la situation dans les quartiers, laquelle est d’autant plus inquiétante que nous savons qu’une vingtaine de départements seront, dès la fin de cette année, en grande difficulté financière.
Le rapport de M. Carrez le dit en mots choisis : les dépenses sociales supportées par les départements augmentent fortement, tandis que leurs recettes fiscales connaissent une « volatilité » très importante, ce que pour ma part j’appelle un écroulement. Or il ne me semble pas que la situation de ces départements soit vraiment prise en compte.
Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes revenu sur les critères qui avaient présidé aux dernières lois de décentralisation « Raffarin ». Pour ma part, il me semble difficile de dire aux départements d’assumer, avec leurs moyens limités, des décisions qui relèvent, s’agissant des dépenses sociales, entièrement de l’État.
Enfin, vous avez évoqué, au sujet des « emprunts structurés », que je qualifierai pour ma part de toxiques et qui concernent aussi bien les collectivités locales que les hôpitaux ou les offices HLM, la mise en œuvre d’une charte de bonne conduite.
François Scellier s’est vanté que le conseil général du Val-d’Oise n’ait pas contracté ces emprunts toxiques. Mais ceux-ci ne sont pas une spécificité des collectivités locales de gauche ! Il se trouve que l’on parle plus facilement de celles qui ont connu un changement de majorité.
Nous tiendrons une conférence de presse commune le 10 novembre. En dernière limite, nous irons devant les tribunaux. Mais au préalable, le Gouvernement doit prendre position sur le passé, notamment à l’égard de certains établissements bancaires qui, aujourd’hui, dégagent des bénéfices.
M. François Scellier. Si le département du Val-d’Oise a été bien géré, ce fut moins le cas de son office HLM. Cependant, il faut bien noter que les collectivités ont bénéficié pendant un temps de cette situation, avec des charges d’emprunt inférieures.
En tant qu’ancien président de conseil général, je veux appeler l’attention du ministre sur une nuance qui me semble de mise : il importe de distinguer les transferts de compétence qui s’accompagnent de la possibilité, pour les collectivités, de consentir un effort supérieur à celui de l’État – comme pour les collèges – et les situations où l’État délègue des dispositifs sociaux, sans que les collectivités puissent peser sur l’évolution des charges.
M. Claude Bartolone. Tout à fait !
M. le président Didier Migaud. Monsieur le secrétaire d’État, a-t-on mesuré l’évolution des charges de fonctionnement des collectivités territoriales due à l’instauration de la « taxe carbone » ?
Par ailleurs, l’augmentation des contraintes pesant sur le traitement des déchets et la hausse de la taxe générale sur les activités polluantes ont-elles eu un impact sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TOM) ? Le Conseil économique et social a formulé un certain nombre de propositions concernant cette taxe, que nombre de nos concitoyens trouvent injuste. Où en est la réflexion du ministère ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur Dussopt, s’agissant du FCTVA, le Premier ministre s’est engagé solennellement sur les restes à réaliser. Des instructions précises ont été données aux préfets, qui devront faire preuve de souplesse dans l’examen des dossiers. Je vous invite à nous appeler si vous avez des questions concernant les communes de votre circonscription. Enfin, nous nous situons tout à fait dans l’esprit de l’amendement déposé par M. Laffineur : il faut reconnaître la participation de ces 20 000 communes à l’effort de relance national.
En matière d’indemnisation des victimes de catastrophe naturelle, les textes imposent l’inspection d’une mission interministérielle. De fait, les délais entre le déblocage des dossiers et la notification des fonds peuvent sembler longs – j’en ai fait l’expérience en tant que membre du conseil général du Cantal. Nous nous efforcerons de les réduire.
Monsieur Bartolone, vous avez parlé d’ « écroulement » des recettes. La DSU s’élève tout de même à 1,2 milliard d’euros, auxquels il convient d’ajouter la DDU et des crédits ANRU en forte augmentation. L’engagement financier de l’État dans ce domaine est tout à fait considérable.
Nous sommes conscients de la situation difficile dans laquelle se trouvent certains départements. N’oublions pas qu’il y a aussi des héritages compliqués ! Parallèlement à la réforme de la taxe professionnelle, une réflexion est en cours. À titre personnel, j’estime qu’un lien doit exister entre les dépenses sociales et les recettes. Je me suis prononcé, quant à moi, pour le transfert aux départements d’une partie du produit de la CSG.
S’agissant des produits structurés, le principe de libre administration des collectivités empêche le Gouvernement d’agir de façon coercitive.
M. Claude Bartolone. Une très bonne circulaire était pourtant en préparation à la DGCL !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. L’État ne peut jouer le rôle de réassureur général pour les collectivités victimes d’erreurs de jugement dans leur administration financière. Il faut ajouter que certaines d’entre elles étaient bénéficiaires avant la crise.
Une réflexion collective, à laquelle participent le comité des finances locales et les commissions parlementaires concernées, est engagée. Elle porte sur la mise en place d’un système qui permettrait de mieux garantir les collectivités en cas d’incidents.
Monsieur le président, les éléments concernant les conséquences de la « taxe carbone » et de la taxe sur la collecte et le traitement des déchets ne sont pas encore connus. Je rappelle, à toutes fins utiles, que la « taxe carbone » s’applique également à l’État. La réflexion sur la TOM est engagée dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
M. le président Didier Migaud. Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d’État.
La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures vingt.
Le Directeur du service
des comptes rendus des commissions,
Michel Kerautret
© Assemblée nationale