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Assemblée nationale

Commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

(Application de l’article 120 du Règlement)

Lundi 8 novembre 2010

Présidence de M. Yves Censi,
vice-président de la Commission des finances

La réunion de la commission élargie commence à quinze heures.

Projet de loi de finances pour 2011

Direction de l’action du Gouvernement

M. Yves Censi, président. Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, nous sommes réunis en formation de commission élargie afin de nous entretenir avec vous des crédits consacrés à trois missions du budget général, pour lesquelles vous êtes non maître d’œuvre, mais plutôt porte-parole de l’action du Gouvernement.

Il s’agit d’abord de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Elle fait l’objet d’un rapport spécial commun avec le compte spécial « Publications officielles et information administrative ». Le rapporteur spécial est M. Jean-Pierre Brard.

La mission « Pouvoirs publics », ensuite, a pour rapporteur spécial notre collègue Jean Launay.

Enfin, la mission « Conseil et contrôle de l’État » fait l’objet du rapport spécial de M. Pierre Bourguignon.

Ces trois thèmes étant indépendants les uns des autres, je propose que, comme les années précédentes, nous les examinions en trois phases successives.

Comme vous le savez, la procédure de commission élargie est destinée à permettre un dialogue aussi vivant et direct que possible entre le Gouvernement et les députés.

Nous commençons par la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

M. Jean-Pierre Brard rapporteur spécial pour la direction de l’action du Gouvernement, les publications officielles et l’information administrative. Merci, monsieur le président, pour cette promesse de dialogue direct et vivant avec le ministre. La tâche de celui-ci est rendue ardue car, comme le président l’a rappelé, le ministre n’est pas directement maître d’oeuvre : il est obligé de défendre des actions qu’il n’a pas lancées lui-même. Bref, il est obligé de couvrir ces actions sans être responsable du service après-vente.

En préalable, je note avec satisfaction que le taux de réponse des services aux questions que nous leur avons posées est de 97 %. Si elle ne permet de préjuger la qualité des réponses, cette proportion est le signe certain du zèle démocratique des services concernés et leur respect pour le Parlement.

Deux institutions font exception à cette règle et ne semblent pas vraiment concernées par le travail du Parlement : la Commission supérieure de codification et la Commission des archives constitutionnelles de la Cinquième République. La raison en est-elle la faiblesse de leur activité ? Faut-il y voir au contraire un souhait de ne pas s’expliquer sur elle ? En tout cas, le caractère répété de ce comportement mérite les représentation d’usage.

Monsieur le ministre, j’évoquerai successivement cinq des questions qui relèvent du champ du rapport spécial que j’élabore : la maquette budgétaire, les crédits des cabinets ministériels, le service d’information du Gouvernement (SIG), la direction de l’information légale et administrative (DILA) et enfin les autorités administratives indépendantes. Pour les autres éléments, je renvoie au projet de rapport, qui formule sur eux aussi analyses et propositions.

Le nouveau programme 333, « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées »est critiquable à plus d’un titre : d’abord, il se rapporte à titre principal à l’administration territoriale de l’État et non aux services du Premier ministre.

Ensuite, il regroupe exclusivement des moyens de fonctionnement de titre III des directions départementales interministérielles (DDI). Les crédits de rémunérations correspondants, qui devraient normalement aussi y figurer, sont inscrits au programme 129, « Coordination du travail gouvernemental ».

Cette dissociation des crédits d’effectifs déconcentrés, rattachés au programme 129, et des moyens de ces administrations déconcentrées, inscrits au nouveau programme 333, a pour effet d’augmenter la masse de crédits de rémunérations fongibles pouvant être redéployés au profit des cabinets ministériels.

Un amendement a été déposé pour remédier à cette situation, en regroupant sur le programme 333 l’ensemble des crédits prévus, au sein de la mission, pour les secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR) et les DDI. Quel est le point de vue du Gouvernement sur cet amendement ?

Malgré notre persévérance, notre ardeur et notre curiosité, nous avons de la peine à obtenir des informations exhaustives sur les crédits des cabinets ministériels.

Certes, le fascicule « jaune » annexé au projet de loi de finances présente l’intégralité des effectifs des cabinets – pour le Premier ministre, au 1er juillet 2010, 498 personnes. Toutefois, en matière de rémunérations, il faut distinguer trois agrégats.

Le fascicule « jaune » n’indique les rémunérations, estimées par extrapolation, que pour les personnels détachés sur contrat ou recrutés sur contrat : 71 personnes sur 498, et 3,49 millions d’euros. C’est le premier agrégat.

Le deuxième agrégat est constitué par la récapitulation, dans la réponse au questionnaire budgétaire, des dépenses en 2009 et des prévisions pour 2010 pour l’ensemble des cabinets payés dans le cadre du programme 129. Il s’agit donc des membres des cabinets sous contrat – premier agrégat – ou mis à disposition du cabinet au sein des services du Premier ministre – rémunérés dans le cadre du programme budgétaire –, mais non des agents rémunérés dans le cadre d’autres programmes, qui sont mis à disposition.

Au cabinet du Premier ministre, l’effectif de ces collaborateurs est, au 1er juillet 2010 de 246 personnes sur 498, pour une dépense totale de 29,9 millions d’euros en 2009 et de 23 millions du 1er janvier au 30 septembre 2010.

J’en viens au troisième agrégat. Les rémunérations des 252 personnels mis à disposition et relevant d’autres programmes budgétaires au 1er juillet 2010 , soit plus de la moitié de l’ensemble, ne sont recensées nulle part. Pourtant, ces personnes ne vivent pas de l’air du temps ! Leur rémunération doit bien être inscrite quelque part !

En conséquence, le fascicule « jaune » relatif aux effectifs des cabinets ministériels est à peu près sans aucun intérêt pour appréhender les montants réels des rémunérations – 71 agents sur 498 pour le cabinet du Premier ministre –, et donc les coûts des cabinets ministériels. Ce document devrait être utilement complété par des éléments précis sur les rémunérations des agents employés par les cabinets ministériels quelle que soit leur catégorie, c’est-à-dire qu’ils soient contractuels, mis à disposition, ou encore affectés par l’administration.

Un amendement a été déposé pour remédier à cette situation. Quel est le point de vue du Gouvernement sur celui-ci ? Peut-on espérer que le fascicule « jaune » qui sera joint au projet de loi de finances pour 2012 comportera des informations sur l’ensemble des rémunérations des cabinets ministériels ?

On parle beaucoup de remaniement ministériel, mais je souhaite que vous restiez afin d’avoir un garantie d’obtenir des réponses aux questions que je pose. Quoi qu’il en soit, si nous n’obtenons pas ces informations, nous irons les chercher sur place – que les personnes concernées gardent en permanence leurs fiches de paye sur elles. Cependant, même si établir la liste des montants des rémunérations de 498 personnes ne doit pas être si difficile, je préfèrerais, ayant un emploi du temps quelque peu chargé, ne pas devoir réaliser ce travail moi-même.

J’en viens maintenant au Service d’information du Gouvernement. Je précise à ce sujet que la Cour des comptes a transmis à la commission des finances un référé concernant le contrôle de la gestion du SIG.

Avec la nomination de M. Thierry Saussez à sa tête en avril 2008, à l’initiative manifeste de la présidence de la République, le SIG a connu une transformation, voire une transmutation. Ses moyens ont été considérablement accrus par la loi de finances initiale pour 2009.

Pour dire vrai, tout se passe comme si M. Saussez connaissait assez mal les usages de l’appareil d’État. Alors que le SIG devrait être subordonné au Secrétariat général du Gouvernement, l’impression est que, d’une certaine manière, M. Saussez est un électron libre échappant aux lois universelles de la physique. Peut-être de l’ordre devrait être remis. Peut-être aussi l’origine de cette situation pourrait-elle être trouvée dans l’opacité des modalités de la nomination de M. Saussez. En effet, on n’a pas l’impression que c’est une initiative spontané du Premier ministre que de l’avoir pris à ses côtés, mais peut-être que ce que je dis n’est que pur fantasme.

Il semble que les marchés d’études et de sondages soient peut-être parfois passés non sans quelque liberté avec le code des marchés publics et exécutés – pour user d’une litote – avec des éléments de souplesse non prévus par les règles de la comptabilité publique. Notre collègue Michel Diefenbacher ici présent n’aurait, je crois jamais toléré de telles méthodes dans les départements dont il a été préfet. En particulier, les règlements ont lieu sur attestation du service fait sans que le SIG soit toujours à même de communiquer des éléments matériels justifiant le paiement, dans un contexte de faible supervision par le secrétariat général du Gouvernement et de vigilance allégée du comptable.

Le SIG aurait par ailleurs failli dans sa tentative de coordonner et centraliser l’ensemble des dépenses de communication du Gouvernement, qu’il s’agisse des dépenses d’analyse de l’opinion – études et sondages – ou de celles portant sur la communication en direction des Français. Il existe toujours une dispersion de la communication gouvernementale – dont bénéficient peut-être des agences qui peuvent aisément cumuler des contrats d’un ministère à l’autre, sans que l’on ait une connaissance exacte de l’ensemble des marchés attribués par bénéficiaire.

Si ces propos ne sont que pure hypothèse, c’est l’absence de transparence qui permet de les formuler. J’espère qu’on pourra nous démontrer qu’ils ne sont pas fondés. Quelles mesures ont été prises pour mettre fin à ces errements ? Le départ de M. Saussez est annoncé dans les gazettes. Peut-on avoir connaissance de l’ensemble des dépenses de communication réalisées par les structures étatiques en 2009 et 2010 pour des travaux d’analyse de l’opinion et de communication en direction des Français, ainsi que des bénéficiaires des marchés en question ?

Je serai beaucoup plus bref sur la direction de l’information légale et administrative (DILA). En effet, grâce aux informations que nous lui demandons – et que nous obtenons très facilement –, nous connaissons bien son action, sous la direction de M. Xavier Patier.

La fusion de la direction des Journaux officiels et de la direction de la Documentation française été concrétisée au premier semestre 2010. Il faut maintenant consolider les parts de marché de la DILA au sein de l’administration, en diminuant la sous-traitance, y compris pour l’activité de l’ancienne Documentation française, et en rapatriant à la DILA une part plus importante de l’activité d’impression de l’État. Où en sommes-nous ? Nous admettons bien volontiers qu’une telle action doit être organisée dans la durée. Elle n’est du reste pas forcément toujours pertinente, l’activité d’impression de certains ministères, comme celui de l’éducation nationale, étant considérable.

La question des autorités administratives indépendantes (AAI), chères à Richard Mallié, est régulièrement posée du fait d’amendements tendant à diminuer leurs crédits. La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, est particulièrement visée.

Le très récent rapport du Comité d’évaluation et de contrôle s’interroge à son tour sur le périmètre et la légitimité des AAI, la rigueur qui doit être mise en œuvre dans leur gestion, et l’intérêt de les placer sous la protection du Parlement. Il préconise de procéder en urgence à leur rationalisation, notamment au regroupement fonctionnel de plusieurs d’entre elles. Malgré la présence d’experts en leur sein – mais qui définit la qualité d’expert –, la multiplication de ces autorités ne serait-elle pas une forme de démantèlement de l’État ?

Quel est le point de vue du Gouvernement sur l’avenir des AAI et les amendements tendant à réduire leurs crédits ?

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, je voudrais saluer l’ensemble des députés ici présents, et remercier les rapporteurs spéciaux.

En ce qui concerne l’administration territoriale du programme 129, la coordination du travail gouvernemental et les moyens mutualisés des administrations déconcentrées, je voudrais rappeler que le programme 333 est un programme de mutualisation du fonctionnement des administrations déconcentrées. Il englobe l’ensemble des dépenses de fonctionnement des DDI, ainsi que toutes les dépenses immobilières à la charge de l’occupant de la quasi-totalité des administrations déconcentrées de l’État : aujourd’hui, plus de 100 000 fonctionnaires sont concernés. Vouloir faire porter par ce programme la rémunération de 497 d’entre eux – les directeurs départementaux – n’apporterait qu’un infime avantage en termes de reconstitution du coût de fonctionnement des administrations déconcentrées.

De même, faire porter par le programme 333 la rémunération des secrétaires généraux aux affaires régionales (SGAR) n’apporte pas une vision consolidée des crédits sur ce programme : en effet, il ne porte que sur les loyers et charges immobilière des SGAR, et non sur leur fonctionnement courant.

Certes, les rémunérations des directeurs départementaux et de leurs adjoints auraient pu être inscrites au programme 333 si l’ensemble des crédits de personnel des DDI y avaient été transférés. Loin de faire ce choix, le Gouvernement a souhaité conserver au sein de directions interministérielles un lien direct entre les ministères qui définissent les politiques publiques et les agents affectés, gérés et formés par ces ministères. Ce choix s’explique par la volonté de ne pas diluer les compétences techniques dont les services de l’État ont besoin, et auxquelles les agents de la fonction publique comme les usagers sont légitimement attachés.

Par ailleurs, incorporer les moyens de rémunération des directeurs et directeurs-adjoints au sein d’un programme nouvellement créé et susceptible de connaître des tensions et ajustements budgétaires, s’agissant d’un périmètre complexe et de dépenses pour une grande part incompressibles, pourrait faire peser un risque sur les crédits de rémunération. La pression exercée pour appliquer la fongibilité asymétrique, qui verrait la suppression de crédits de rémunération au profit de crédits liés au fonctionnement de structures, ne permettrait pas de garantir aux cadres supérieurs, qui se mobilisent très fortement dans la création de ces nouvelles structures, une rémunération, notamment indemnitaire, satisfaisante. Les crédits de rémunération des directions interministérielles doivent permettre d’organiser la convergence progressive des régimes indemnitaires des hauts fonctionnaires venant d’administrations différentes. Il est très important que les crédits nécessaires à ce processus de convergence ne soit pas menacés eux-mêmes par la fongibilité asymétrique.

Enfin, il n’est pas possible de suivre le raisonnement selon lequel le rattachement du programme 333 à la mission « Direction de l’action du Gouvernement » serait critiquable sur le fondement que ce programme se rapporte à titre principal à l’administration territoriale de l’État et non aux services du Premier ministre. Les DDI, qui doivent être les grandes bénéficiaires de la création de ce programme par une gestion facilitée, relèvent du Premier ministre. À ce titre, elles ont pleinement leur place dans une mission gérée par les services du Premier ministre.

Pour toutes ces raisons, liées à la fois à la nature du programme 303, à son contenu ainsi qu’à la gestion des crédits de titre II dont la complexité est connue, il n’apparaît pas souhaitable au Gouvernement de donner une suite favorable à l’amendement présenté par M. le rapporteur spécial.

S’agissant des effectifs et des rémunérations des membres des cabinets ministériels, vous proposez dans un autre amendement, monsieur le rapporteur spécial, d’enrichir de manière très détaillée les données que le Gouvernement communique au Parlement à ce sujet. Le « jaune » budgétaire relatif à ces derniers, annexé au PLF, est produit depuis plus de dix ans et n’a cessé d’être enrichi pour garantir la bonne information du Parlement au fil du temps. En particulier, depuis le PLF pour 2008, le document s’est enrichi d’informations concernant la rémunération globale des agents recrutés sur contrat au sein des cabinets. Par ailleurs, à l’occasion du PLF pour 2010, il a en outre été complété d’une information relative à l’année précédente permettant de constater l’évolution des effectifs, des rémunérations des personnels recrutés sur contrat et des dotations annuelles d’indemnités de sujétions particulières. Enfin, s’agissant du PLF pour 2011, le document comprend deux tableaux de synthèse, l’un sur l’évolution des effectifs des membres des cabinets, l’autre, sur les dotations annuelles d’indemnités de sujétions particulières. Ainsi, le fascicule « jaune » contient les informations que vous souhaitez voir apparaître à l’exception de celles relatives à la rémunération globale de l’ensemble des agents des cabinets ministériels. La demande qui est faite conduirait à substituer au tableau recensant les rémunérations globales des seuls agents détachés et recrutés sur un contrat un tableau recensant les rémunérations de l’ensemble des agents des cabinets en distinguant les membres de cabinets des personnels chargés de fonctions support. Je suis convaincu que cette avancée permettrait effectivement de fournir au Parlement des données complètes sur la masse salariale brute des agents des cabinets ministériels, mais ce document n’a pas encore été établi – je m’engage à ce qu’il le soit dans le PLF 2012. En revanche, il serait complexe d’établir une distinction entre les rémunérations d’activité, les cotisations et contributions sociales, la contribution au CAS pensions, les prestations sociales et les allocations diverses.

Parce que je vous propose de mieux informer encore le Parlement, je sollicite donc le retrait de votre amendement.

S’agissant des sondages effectués par le SIG, les marchés d’enquête d’opinion sont passés dans le respect des règles du code des marchés publics. La procédure d’appel d’offres lancée en 2009 ayant abouti à la conclusion de sept marchés publics – conformément au nombre de lots –, la Cour des Comptes n’a émis aucune observation, de même qu’en ce qui concerne le marché de suivi barométrique de la communication gouvernementale. Les critiques de la Cour visaient en effet les seuls achats « de sondages publiés auprès de divers instituts » dans la mesure où ils prenaient la forme de simples bons de commande émis au coup par coup. Prenant en compte ces remarques, le SIG a procédé à ces achats en 2010 en application de l’article 28 du code des marchés publics – les marchés à procédure adaptée – et de l’article 35 du même code – les marchés négociés –, l’objectif étant en complément de disposer de l’ensemble des analyses et du détail complet de ces enquêtes.

S’agissant de l’exécution des marchés, la Cour des Comptes avait relevé des défauts d’engagement préalable des dépenses avant commencement d’exécution. Cette situation visait essentiellement les achats d’études pour lesquels les devis sont finalisés tardivement en vue d’enquêtes sur des questions d’actualité à réaliser, par exemple, le week-end – alors qu’il n’est matériellement plus possible d’émettre des bons de commande dans l’application comptable de l’État. Des bons prévisionnels – par conséquent ajustables – étant désormais émis chaque semaine pour un montant limitatif, il est donc possible d’affirmer que ce problème est résolu.

Les règlements et liquidations prononcées sont tous émis sans aucune exception à la vue d’un service fait attestant de la réalité des enquêtes d’opinion réalisées, livrées puis certifiées. Toutes les études demandées par la Cour des Comptes ont été produites et toutes sont disponibles dans les archives du service avant qu’elles ne soient envoyées aux Archives nationales au bout de cinq ans, constituant ainsi un fonds documentaire unique réunissant plus de trente années d’études de l’opinion française.

Par ailleurs, les dépenses portant sur la communication en direction des Français sont mutualisées depuis 2003. Un marché de conseil et d’achat d’espaces centralisé et unique est conclu par le SIG en application de l’article 7 du code des marchés publics, le service agissant en qualité de service centralisateur de chaque département ministériel, ces derniers procédant ensuite à leurs achats en émettant leurs propres bons de commande sur ledit marché. Depuis 2006, la communauté d’achat constituée par les départements ministériels réunis s’est élargie à d’autres opérateurs : l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé, l’ADEME, l’Institut national de lutte contre le cancer, entre autres. – l’Agence nationale des services à la personne (ANSP) ayant rejoint le groupement de commande. Le renouvellement de ce marché pour 2010 s’est également opéré dans ce cadre, cette mutualisation des achats représentant presque la moitié des dépenses totales de la communication de l’État – 147 millions d’euros sur 338.

S’agissant des dépenses d’analyse de l’opinion, la volonté initiale de passer des marchés centralisés sur le même modèle que celui de l’achat d’espaces n’est pas abandonnée, l’objectif étant d’ici au début de l’année 2011 de lancer un premier marché visant à grouper les achats des études en matière de post-test de communication. Il est en effet apparu pertinent de procéder de manière graduelle et concerté avec les ministères tout en tenant compte de la situation des opérateurs privés présents dans ce type de segment d’achat, de leur nombre et de leur pleine capacité à répondre à des commandes plus massifiées.

Il est à noter par ailleurs que la mutualisation des achats n’est pas le seul moyen de coordonner la communication gouvernementale. En effet, le SIG a toujours joué un rôle de régulateur des dépenses de l’État, que ce soit dans le domaine de la communication grand public ou dans celui de l’analyse de l’opinion. Ainsi, les Premiers ministres successifs ont-ils toujours attribué à ce service le soin de donner des agréments préalables au projet des ministères, qu’il s’agisse de campagne de communication, de sondages et même des sites Internet gouvernementaux. Le service joue par conséquent un rôle de conseil, de pilotage, de régulation et d’optimisation des dépenses de l’État dans ce domaine.

Vous m’avez également interrogé sur la direction de l’information légale et administrative. Son action s’inscrit dans une dynamique de modernisation qui mobilise des moyens humains, techniques et financiers importants pour répondre à la mission qui lui a été confiée en matière d’édition, d’impression et de diffusion. Elle poursuit une politique d’optimisation de ces moyens qui passe également par des investissements significatifs tels que celui réalisé pour l’acquisition d’une nouvelle rotative. Ce nouvel outil renforcera les moyens de la direction pour internaliser certaines prestations actuellement sous-traitées et pour se positionner davantage sur l’offre à destination des administrations publiques grâce à un éventail élargi de produits qui seront proposés aux organismes publics.

Les démarches commerciales qui s’inscrivent dans une stratégie globale de positionnement de la direction au sein de la sphère publique sont pour certaines engagées et pour d’autres encore à venir auprès des administrations et organismes publics tels que les ministères des affaires étrangères ou de l’éducation nationale, la Préfecture de Police, le musée du Louvre, l’INRA, le centre nationale d’enseignement à distance (CNED), entre autres. Ces démarches ont permis dès 2010 de développer l’activité de la chaîne graphique. L’année 2011 sera quant à elle une année de transition avec l’achèvement de l’installation de la rotative et de ses périphériques associés – la montée en puissance de la prise en charge de nouveaux travaux d’impression sera nécessairement progressive durant cette période. L’année 2012 confirmera les objectifs ambitieux de production qui allieront la production régalienne des publications du Journal officiel à celle d’un panel important de prestations graphiques au bénéfice des administrations et organismes publics.

L’orientation tendant à faire assurer par cette direction l’activité éditoriale des administrations fait l’objet d’échanges au sein du conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative. Cette instance a engagé, dans l’une de ses formations spécialisées, des travaux visant à établir un état des lieux et des propositions pour élaborer de nouvelles pistes de prise en charge des activités de cette nature. La direction est totalement investie dans les travaux de cette instance.

Le dialogue interne est par ailleurs indispensable pour accompagner la conception, l’élaboration et la mise en œuvre des projets stratégiques et structurants de la direction faute de quoi la compréhension et l’adhésion des personnels ne se fera pas. C’est ainsi, à titre d’illustration, que la direction a décidé la création d’un comité de suivi de l’évolution de l’outil de production auquel sont notamment conviés les représentants du personnel. Ce comité est une instance d’échange d’informations et de concertation qui sera opérationnel durant la période d’élaboration du projet.

Le conseil d’orientation a été créé par décret du 11 janvier 2010 ; il est placé auprès du Premier ministre et exerce une fonction d’évaluation, d’expertise et de conseil dans les domaines de l’édition publique et des publications administratives quel que soit le support de l’information, du renseignement administratif ou de la mise à disposition des données publiques. L’article 5 de ce décret prévoit que les crédits nécessaires au fonctionnement du conseil d’orientation sont inscrits au budget de la direction qui prend en charge le secrétariat. La direction est naturellement représentée par son directeur et contribue aux travaux en participant aux trois formations spécialisées du conseil d’orientation dans le domaine de l’édition publique, de l’information administrative et de la mise à disposition des données publiques.

Si les regroupements fonctionnels proposés de certaines autorités indépendantes pour optimiser la répartition des compétences et réduire les dépenses de fonctionnement doivent être analysés au cas par cas, le Gouvernement a quant à lui déjà travaillé au regroupement géographique que M. Dosière et M. Vanneste appellent de leurs vœux dans leur volumineux rapport sur les AAI.

À l’horizon 2015 verra le jour un centre du Gouvernement avenue de Ségur. Il pourrait potentiellement abriter plusieurs autorités indépendantes pour lesquelles cela représenterait une économie par rapport aux loyers qui sont aujourd’hui supportés. Des discussions sont menées actuellement par les services du Premier ministre.

Les parlementaires nous ont sensibilisés souvent, non sans raisons, sur la question de l’immobilier. Les administrations doivent en effet réduire leurs dépenses immobilières et, en particulier, le coût des baux privés. Les autorités administratives indépendantes peuvent d’autant moins s’exonérer d’un tel mouvement qu’un effort sur les fonctions support n’entame en rien leur indépendance fonctionnelle. Ainsi, la renégociation ou la résiliation des loyers les plus chers en Île-de-France qui a été lancée en 2009 par le ministre du budget inclut-elle lesdites autorités. L’immeuble de la rue Saint-Georges qui abritait le comité consultatif d’éthique, le Haut conseil à l’intégration et la MILDT, a vu son bail résilié au 31 décembre 2009, la plupart de ses occupants ayant été relogés dans des bâtiments domaniaux.

Ces renégociations sont désormais conduites en intégrant la norme que le ministre du budget a fixée lors du débat du 19 avril 2010 à l’Assemblée nationale organisé à l’initiative de la commission des finances. L’État ne devra plus signer des baux ou se réengager moyennant un loyer économique annuel supérieur à 400 euros par mètre carré. Cette volonté s’est traduite dès le début du mois de juillet 2010 par de premières demandes adressées par le ministre aux responsables de six entités administratives, dont deux autorités indépendantes – la commission des comptes de campagne, l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – et le souhait de rechercher des implantations nouvelles dont le loyer annuel se situerait en deçà de ces 400 euros par mètre carré, le ministre refusant par ailleurs la prolongation envisagée pour leur bail actuel.

Le Gouvernement souscrit donc pleinement aux trois recommandations du rapport parlementaire s’agissant de la maîtrise des coûts de l’immobilier.

M. Mallié et 80 de ses collègues proposent à travers un amendement de réduire les moyens de fonctionnement de la HALDE de 344 358 euros, ramenant ainsi son budget de fonctionnement à son niveau de 2010. La maîtrise de l’évolution de la dépense publique est évidemment une priorité partagée par le Gouvernement. Elle doit concerner aussi bien les autorités administratives indépendantes que l’État. Toutefois, s’agissant de la lutte contre les discriminations, il convient de s’assurer que la HALDE disposera des moyens de faire face à sa mission. Les augmentations de crédits de cette institution prévues dans le budget pour 2011 correspondent à des besoins destinés à améliorer l’efficacité de son action : en titre II, 300 000 euros permettront principalement de recruter deux agents de catégorie A qui travailleront au traitement des dossiers de réclamation, et 200 000 euros en crédits de fonctionnement permettront quant à eux de mettre progressivement en place un réseau de correspondants territoriaux – ces moyens visent à prendre en charge les coûts de déplacement de ces correspondants ainsi que les frais divers liés au fonctionnement des permanences locales.

Enfin, vous avez souligné que le loyer constitue un poste important du budget de la HALDE avec un ratio d’occupation qui n’est pas totalement satisfaisant. Outre que le Gouvernement mène une politique pour réduire les charges locatives de l’État en Île-de-France, il aide la HALDE à renégocier son bail. À ce stade, ce dernier engage cette structure jusqu’en 2014, ce qui correspondra à peu près à la date à laquelle la HALDE devrait rejoindre le futur centre du Gouvernement de l’avenue de Ségur. Je vous signale par ailleurs que les charges du loyer de la HALDE ont diminué par rapport à 2009 en raison de la baisse de l’indice du coût de la construction.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’a pas émis un avis positif sur l’amendement en question.

M. Yves Censi, président. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour des réponses exhaustives qui auront sans doute satisfaits les espoirs les plus fous de M. Brard dont la reconnaissance presque éternelle vous est conséquemment acquise.

M. Michel Diefenbacher. Nous en avons tous conscience : l’examen des crédits de cette mission constitue un exercice délicat.

En effet, son périmètre a encore changé : si l’administration est un corps vivant et que les instruments de mesure et de contrôle budgétaires doivent s’adapter aux nécessaires évolutions, il n’en reste pas moins qu’un peu plus de stabilité serait la bienvenue.

De surcroît, les administrations, services et autorités rattachés à cette mission sont nombreux, divers, souvent dépourvus de liens les uns avec les autres et, parfois, rattachés à Matignon – en raison notamment de leur versant interministériel.

Enfin, Matignon, précisément, ne maîtrise pas toujours les moyens budgétaires dévolus à la poursuite des différents objectifs – tel est en particulier le cas pour les autorités indépendantes, lesquelles poursuivent par définition leurs actions avec beaucoup de liberté –, un certain nombre de décisions devant par ailleurs être prises alors qu’elles ne relèvent pas directement des services du Premier ministre – je songe à la transposition des directives européennes.

Quoi qu’il en soit, d’une manière générale, l’examen des crédits ainsi que les comptes rendus des gestions antérieures témoignant de l’émergence d’une culture de la performance tant quantitative que qualitative au sein des administrations. Par conséquent, le groupe UMP les votera.

Cela dit, monsieur le ministre, je souhaite vous poser quatre questions.

Le rapport dont nous sommes saisis fait état d’un indicateur consacré au taux d’exécution des lois. Si celui-ci s’est amélioré au cours des dernières années puisque 80 % des décrets d’application interviennent dans les six mois suivant le vote, la marge de progression dont nous disposons n’en est pas moins patente en raison notamment du caractère disparate de ces délais en fonction des administrations. Ces derniers sont en effet un peu plus longs pour les ministères de la culture et de l’écologie puisque respectivement 37 % et 30 % des décrets n’interviennent qu’après ce laps de temps. « Peut mieux faire », serais-je donc tenté de dire ! Plus sérieusement, comment expliquer ces retards et y remédier ?

Par ailleurs, la France est longtemps apparue comme le mauvais élève de la classe en ce qui concerne la transposition des directives européennes. Si d’incontestables efforts ont été réalisés ces dernières années, il me semble tout de même inquiétant qu’une dizaine d’entre elles soient toujours en souffrance et que cela soit présenté comme une fatalité. Comment le Gouvernement compte-t-il accélérer les procédures ? Le rapport faisant état, de surcroît, d’une dégradation à venir, cette dernière est-elle tout aussi fatale ou pouvons nous agir contre ?

En outre, si je respecte bien entendu la décision visant à rattacher au Premier ministre le programme 303 concernant les directions interministérielles départementales et régionales, elle ne m’en paraît pas moins soulever un problème de principe. Si, en effet, un tel rattachement se justifie par le caractère interministériel de ces services, ces derniers sont néanmoins rattachés aux préfets de département et de région, eux-mêmes ayant une mission on ne peut plus « interministérielle » sans dépendre pour autant de Matignon. Quels gains de productivité sont-ils donc escomptés de la création de ces directions ?

Enfin, si le débat que nous avons eu l’an dernier concernant la HALDE a mis en évidence combien l’ensemble de nos groupes parlementaires sont conscients de l’importance de la mission de cette institution et de la nécessité qu’elle dispose des moyens qu’implique son bon fonctionnement, il est tout aussi vrai que la limitation de ces derniers n’obèreraient en rien son travail. J’ai bien noté vos réponses à ce propos, monsieur le ministre, mais je demeure dubitatif, l’ensemble des administrations se devant de contribuer à l’effort collectif de maîtrise des dépenses budgétaires.

M. René Dosière. Après avoir entendu les questions du rapporteur spécial et les réponses, qui n’étaient pas toujours précises, du Gouvernement, je constate que le Parlement ne peut exercer de véritable contrôle sur les dépenses du Premier ministre, qui est directement concerné par les services qui lui sont rattachés.

Comment peut-on vérifier que la réduction annoncée du train de vie du Gouvernement est bien suivie d’effet alors que nous ignorons le coût des cabinets ministériels ? Les précisions que vous avez fournies, monsieur le ministre, ne nous donnent aucune information ? notamment sur les rémunérations des membres des cabinets ministériels, ce qui est étonnant puisque le Gouvernement a été capable d’évaluer le montant global des rémunérations des contractuels et des fonctionnaires, primes comprises. En effet, répondant à ma demande, chaque ministère a pu fournir les moyennes des trois rémunérations les plus élevées et des trois rémunérations les moins élevées. Il devrait donc être possible d’obtenir assez rapidement le montant des rémunérations de la totalité des personnels.

Le projet de budget donne des éléments d’information également partiels en ce qui concerne les véhicules automobiles. Les crédits passent de 1,522 million à 1,988 million d’euros, ce qui représente une augmentation de 31 %, laquelle paraît excessive en période d’économies budgétaires. C’est ainsi que les crédits pour la location de véhicules passent de 300 000 à 724 000 euros et les frais de taxis de 500 000 à 600 000 euros. Seuls les crédits d’entretien des véhicules du Premier ministre sont en diminution. Je le répète : il nous est difficile d’avoir une vision correcte des dépenses.

J’évoquerai maintenant les autorités administratives indépendantes. Richard Mallié – il n’est pas le seul, il est vrai – fait, semble-t-il, une fixation sur la HALDE. Le travail que Christian Vanneste et moi-même avons conduit sur les autorités administratives indépendantes fait apparaître la nécessité d’encadrer l’évolution budgétaire globale de ces organismes. Nous en ignorons du reste le budget global puisque, si on croit le ministère du budget, il est de l’ordre de 400 millions d’euros, alors que si on prend en compte le coût des fonctionnaires mis à disposition, il dépasse les 600 millions d’euros, ce qui n’est pas la même chose ! Dans le premier cas, le budget est inférieur à celui de l’Assemblée nationale, dans le second cas, il lui est supérieur. De plus, contrairement au budget de l’Assemblée, qui n’a pas varié depuis trois ans, celui des autorités administratives augmente de 10 % l’an. Ces autorités devant fournir des efforts, nous cherchons à les y aider en émettant des préconisations à moyen terme.

À plus court terme, nous serons saisis d’un projet de loi, auparavant examiné par le Sénat, visant à regrouper, dans le cadre de la création du Défenseur des droits , plusieurs autorités administratives indépendantes. Ce regroupement a un double intérêt : il améliorera pour les citoyens la lisibilité de ces organismes tout en permettant de réaliser des économies budgétaires grâce à la mutualisation de certains services. Toutefois, comme nous ne connaîtrons qu’en 2011 les effets de ce regroupement sur les budgets des différentes autorités, il serait sans doute prématuré de tailler leurs budgets à la hache.

Je tiens à préciser que les loyers de ces autorités sont très élevés. Souvent, du reste, elles ne l’ont pas fixé elles-mêmes. C’est le cas de la HALDE, dont le loyer exorbitant atteint les 690 euros le mètre carré. C’est un des plus élevés, en raison notamment d’un hall luxueux qui n’a aucune utilité. On aurait pu installer la HALDE autre part. C’est donc la politique immobilière menée par les services de l’État qui est à remettre en cause : étant incohérente, il convient de la modifier. Sur le conseil de M. Louis Giscard d’Estaing, le rapport préconise d’installer les autorités indépendantes dans des immeubles domaniaux plutôt que de louer des locaux à des prix élevés dans le triangle d’or parisien, là même où l’État vend actuellement plusieurs de ses biens. Nous devons également nous interroger sur des accords réalisés en dehors des procédures habituelles.

En tout état de cause, il convient de traiter les autorités indépendantes de manière individuelle.

Mme Delphine Batho. Chacun se souvient du rapport de la Cour des comptes sur l’affaire des sondages de l’Élysée : je tiens à revenir sur le sujet.

En commission élargie l’année dernière, comme lors de l’audition du directeur de cabinet de la Présidence de la République, j’avais évoqué l’hypothèse d’une externalisation des commandes de sondages de l’Élysée vers le service d’information du Gouvernement. Le directeur de cabinet, comme vous-même, monsieur le ministre, aviez démenti cette hypothèse ; or, elle est totalement confirmée par les rapports de M. Jean-Pierre Brard et de M. Jean Launay.

La mutualisation a servi d’astuce pour justifier l’augmentation de 292 % du budget du SIG depuis 2008, augmentation qui, si on en croit le rapport de M. Brard, ne correspond pas à la mutualisation des dépenses de communication de l’ensemble du Gouvernement. Nous sommes, de fait, confrontés à une boulimie de dépenses non pas de communication mais de propagande. Il n’est qu’à se rappeler la récente campagne de communication sur les retraites.

De plus, la comparaison des bleus budgétaires des années 2010 et 2011 révèle une nouvelle augmentation des crédits du SIG en direction des sondages, qui seront portés à 4,3 millions d’euros. Le budget « sondages » du Gouvernement aura donc doublé depuis 2009, ce qui est proprement sidérant. Or cette hausse est supérieure à la prétendue baisse des dépenses de sondage de la Présidence de la République, ce qui prouve bien l’externalisation vers le SIG des dépenses de l’Élysée en la matière.

C’est pourquoi, la commission élargie aurait dû permettre une discussion commune des rapports de MM. Jean-Pierre Brard et Jean Launay, puisque ces rapports font référence à des éléments communs sur la question des sondages d’opinion. De fait, les éléments de régularisation des dépenses de l’Élysée présentés comme tels à la suite du rapport de la Cour des comptes sont fictifs, tout comme est fictive la baisse du budget « sondages » de l’Élysée.

Monsieur le ministre, comment justifiez-vous la nouvelle augmentation du budget « sondages » du SIG en 2011 ?

M. Jean-Pierre Brard a évoqué l’annexion du SIG par la Présidence la République : qu’avez-vous à répondre sur le sujet ?

Pourriez-vous nous communiquer la liste des prestataires et le montant des marchés que vous avez évoqués, ainsi que la liste des sondages payés par le SIG en 2008, 2009 et 2010, à l’instar de ce qui avait été fait l’an dernier pour les dépenses de la Présidence de la République ?

Qui sont les conseillers en communication prestataires du SIG ?

Enfin, confirmez-vous, monsieur le ministre, l’existence d’un contrat d’un montant de 120 millions d’euros – ce qui n’est pas rien – attribué le 30 juin dernier par le SIG au groupe Aegis, dont Vincent Bolloré est actionnaire ? Ce contrat devrait entrer en application le 1er janvier 2011 pour divers conseils en communication, notamment la mise en œuvre du storytelling.

M. Yves Censi, président. Vous avez évoqué une discussion commune : il n’est en rien interdit à chacun des députés ici présents, M. Launay compris, de prendre la parole au cours du débat.

M. Richard Mallié. Monsieur le ministre, comme l’an dernier, j’ai du mal à trouver dans le document budgétaire des chiffres précis relatifs à la HALDE.

C’est ainsi que le délai moyen d’instruction des dossiers est disponible pour le médiateur de la République ou pour la CADA – commission d’accès aux documents administratifs – mais non pour la HALDE avant 2010, ce qui est étrange pour un organisme créé en 2004.

Or celui-ci demande cette année une nouvelle augmentation, de l’ordre de 344 358 euros, ce qui ferait passer son budget au-dessus de la barre des 13 millions d’euros. Il deviendrait ainsi supérieur à celui du médiateur de la République.

Alors que le PLF pour 2011 s’inscrit dans un contexte budgétaire difficile, le train de vie de la HALDE est toujours aussi exceptionnel. Le pré-rapport de la Cour des comptes est sans appel : les marchés publics sont à la limite de la légalité, les dépenses en communication sont exorbitantes – 6,2 millions d’euros entre 2005 et 2009 – et le loyer annuel, qui a été rappelé par M. René Dosière, auteur avec M. Vanneste d’un excellent rapport sur les AAI, s’élève à plus de 1,8 million, soit 800 euros le mètre carré, contre 300 euros dans une rue voisine. Je signale au passage

L’année dernière, nous nous étions penchés sur ces dépenses exorbitantes, mais depuis rien n’a changé. La HALDE continuent d’habiter ses somptueux locaux qui représentent toujours plus de 15 % de son budget. Aucun autre opérateur n’a été invité à les partager et elle n’a procédé à aucune simulation d’achat.

Le rapport nous apprend que, le 20 juillet 2010, décision a été prise d’attribuer des locaux au 20 avenue de Ségur à partir de 2015. Or le bail de la HALDE s’achève en 2014 : elle devra donc encore rester douze mois supplémentaires dans ses locaux onéreux.

De plus, entre 2008 et 2011, le budget de cet organisme flambe aussi bien pour les dépenses de fonctionnement – plus 12 % – que pour celles de personnels – plus 13 %. Or la HALDE demande pour 2011 une nouvelle augmentation de plus de 3 % après en avoir obtenu une de 6,3 % en 2010. Cette attitude est déplacée car cette autorité n’a fait aucun effort pour faire mieux avec autant.

Ne perdons pas non plus de vue que 75 % des dossiers déposés auprès de la HALDE en 2009 ont été rejetés et que seuls 3,6 % des plaintes ont abouti.

C’est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à diminuer le budget de la HALDE de 344 358 euros, ce qui équivaut à reconduire en 2011 celui de 2010. Il est en effet essentiel que l’État diminue son train de vie et cherche à annuler son déficit. De ce fait, on ne saurait lui demander de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite tout en laissant ses opérateurs augmenter leurs budgets dans une telle proportion.

Il ne s’agit en aucun cas de réduire les moyens de la HALDE mais de ne pas les augmenter par rapport à 2010. Nous n’avons rien contre l’action de cet organisme mais, la France mettant en place une légitime rationalisation des dépenses, il convient de faire aussi bien avec autant ou, plus exactement, un peu moins, compte tenu de l’inflation. La HALDE doit prendre sa part de l’effort commun.

M. Louis Giscard d’Estaing. Nous devons prendre en considération les travaux effectués par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, qui s’est penché de manière complète sur ces autorités indépendantes – j’ai participé, avec d’autres députés, aux travaux du comité dont MM. René Dosière et Christian Vanneste ont rédigé le rapport.

L’audition de Louis Schweitzer dans le cadre de la mission parlementaire n’a pas permis, en ce qui concerne la HALDE, de savoir pourquoi il serait nécessaire aujourd’hui d’augmenter son budget. Son ancien président avait expliqué que l’absence initiale de fonds de roulement impliquait de consommer les crédits pour éviter de devoir les rendre. Or cela ne justifie en rien l’augmentation actuelle des crédits. C’est pourquoi je comprends le sens de l’amendement de M. Richard Mallié.

Par ailleurs, le bail relatif aux locaux occupés par la HALDE a été conclu avant même qu’elle n’ait été officiellement constituée. Cela pose un vrai problème, monsieur le ministre ! Comment peut-on en effet admettre qu’avant même la constitution d’une nouvelle autorité administrative, on puisse louer à des opérateurs locaux extérieurs au parc immobilier de l’État, en s’engageant, de plus, pour une période irrévocable, ce qui interdit par la suite toute renégociation de bail ? D’autant qu’on se trouve dans une situation absurde, ce que je tiens à souligner en tant que rapporteur spécial du budget de la défense : en effet, d’un côté nous attendons des recettes exceptionnelles importantes pour le budget de la défense pour 2011, fondées notamment sur des cessions d’emprises parisiennes, et, de l’autre, les autorités administratives versent des loyers élevés à des organismes extérieurs à la gestion de l’État.

Il est important qu’à la suite des travaux tant du comité d’évaluation et de contrôle que de la commission élargie nous suivions tout ou partie des préconisations formulées par Georges Tron, lorsqu’il était député, et celles d’Yves Deniaud, qui est aujourd’hui rapporteur spécial sur la politique immobilière de l’État, préconisations qui visent à rationaliser celle-ci dans le cadre d’une synergie de fonctionnement. En effet, on pourrait regrouper certaines autorités administratives sur le plan immobilier, lesquelles partageraient des services communs – M. Louis Schweitzer, au cours de son audition, a évoqué l’émission de la paye.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial. M. Diefenbacher a souligné que l’administration est un corps vivant qui a besoin de stabilité. Dans certains cas, l’administration est surtout un corps vivant et fuyant. Il conviendrait qu’elle ne nous glisse pas entre les mains comme une savonnette !

M. Giscard d’Estaing s’est étonné de la politique immobilière de l’État qui consiste, dans le même temps, à vendre et à louer n’importe comment. Dois-je rappeler l’affaire de l’Imprimerie nationale ou celle du Centre de conférences internationales de l’avenue Kléber ? Sur ces deux affaires, jamais aucune recherche en responsabilité n’a été conduite. Mes chers collègues de la majorité, vous avez préféré donner l’absolution alors qu’une telle gabegie, qui mettait en cause l’argent public, méritait au moins la confession des fautes commises.

Monsieur le ministre, j’ignore ce que peut signifier la moyenne des rémunérations, surtout lorsqu’il s’agit de la moyenne des trois rémunérations les plus hautes et de celle des trois rémunérations les plus basses. Ne pouvant nous contenter de tableaux de synthèse – la synthèse ne débouche pas toujours sur la clarté, comme en témoignent les congrès du Parti socialiste –, nous préférerions disposer d’une analyse au scalpel permettant de disséquer les rémunérations. Je ne demande aucune liste nominative. De plus, comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas choqué que les collaborateurs des cabinets ministériels soient convenablement payés, compte tenu de la masse de travail qu’ils abattent, exception faite de certains exemples exorbitants, comme celui de l’ancien collaborateur du Président de la République, M. François Pérol, qui bénéficie à l’heure actuelle d’une sinécure. Nous voulons simplement connaître le montant des rémunérations, ce qui évitera de laisser s’installer le doute. Monsieur le ministre, vous avez fait une proposition en la matière pour l’année prochaine – ce qui me confirme dans l’idée qu’il faut que vous restiez au gouvernement –, et j’y adhère.

En ce qui concerne le service d’information du Gouvernement, vous avez affirmé – étiez-vous convaincu ? – que M. Thierry Saussez respectait parfaitement les règles des marchés publics. Je pense, pour ma part, qu’il est plus un esthète qu’un comptable. C’est de loin et de profil qu’il observe les règles. Il reste donc des progrès à réaliser en la matière. De plus, vous entendre affirmer que, durant le week-end, on ne saurait établir des bons de commande, me fait frémir sur l’état de déliquescence atteint par les services de l’État.

Vous avez également évoqué les post-tests de communication : s’agit-il d’un néologisme de M. Saussez, qui marquera ainsi son passage au SIG ?

En ce qui concerne la direction de l’information légale et administrative – DILA –, je prends acte de vos ambitions de production pour 2012, qui confirment les informations que nous avons reçues sur place. Cela signifie à nos yeux que le Premier ministre pèse de tout son poids sur les ministres du Gouvernement afin d’éviter toute formation d’un État dans l’État : chaque ministère doit en effet appliquer les décisions prises. De plus, Les travaux d’impression doivent être réinternalisés vers la DILA.

Enfin, si la Documentation française a pu, en ce qui concerne sa difficile fusion avec la Direction des Journaux officiels, naviguer sans chavirer sur des eaux agitées, on le doit à la qualité des interlocuteurs et à leur écoute réciproque.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Mesdames et messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser d’éventuelles lacunes dans mes réponses, car vos questions étaient très fournies.

Après avoir relevé les progrès accomplis dans l’application des lois, M. Diefenbacher a remarqué que l’on pourrait mieux faire. Il s’est notamment demandé pourquoi, dans certains domaines, le rythme d’application des lois n’était pas suffisant. Cela est dû au fait que le Parlement a voté, au cours des derniers mois, des « vaisseaux législatifs », de gros textes, longs et compliqués à mettre en œuvre. J’en donnerai trois exemples : la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », le Grenelle 2 ou la loi Hadopi. Pour autant, le Premier ministre et ses collaborateurs exhortent l’ensemble des ministères à faire en sorte que les textes soient impérativement appliqués dans le délai raisonnable de six mois.

S’agissant de la transposition des directives européennes, le Parlement et le Gouvernement ont déterminé les modalités de mise en œuvre de l’important chantier législatif qu’elle appelle. Deux projets de loi et une proposition de loi ont été déposés à sujet. Là aussi, la pression s’exerce en tout instant.

M. Diefenbacher s’est demandé pourquoi les préfets, qui sont la quintessence de « l’interministérialité », n’étaient pas rattachés à Matignon. Je pense que, pour des raisons liées à la tradition et à la culture, il ne serait pas très facile de les faire passer de la place Beauvau à Matignon.

Je remarque par ailleurs que la création du programme 333, « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », permettra d’exploiter toutes les potentialités de la réforme. La mutualisation des dépenses de fonctionnement des directions départementales palliera les inconvénients d’une répartition des moyens entre les divers programmes ministériels. Ce programme facilite donc la gestion de ces directions.

Les fonctions support représentent un potentiel d’économies important. Les mutualisations auxquelles nous assistons permettront d’absorber les économies demandées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, sans pour autant affecter les missions confiées aux directions.

Je ne reviendrai pas sur la HALDE, mais j’ai entendu ce qui a été dit à son propos.

M. Michel Bouvard. C’est un problème récurrent !

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Dosière, les règles régissant la composition des cabinets ministériels sont appliquées strictement, à une seule exception près, concernant un secrétariat d’État rattaché au Premier ministre. Mais la situation sera régularisée le 15 novembre, soit dans quelques jours. Le problème est donc en passe d’être résolu. Cela s’est fait relativement vite, malgré la difficulté.

En ce qui concerne les rémunérations, nous n’avons pas aujourd’hui de documents consolidés. Mais j’ai pris un engagement tout à l’heure à ce sujet : nous le respecterons.

S’agissant des véhicules automobiles, vous avez relevé, monsieur Dosière, une augmentation des crédits. Elle s’explique par un recours plus important aux moyens externes : de fait, si l’on achète moins de voitures, on utilise davantage de taxis et on loue davantage de voitures.

M. René Dosière. Et on fait des économies…

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Je ne suis pas certain que ce soit toujours le cas, ayant moi-même présidé une collectivité territoriale. Il faut bien comparer les avantages et les inconvénients de l’acquisition à ceux de la location. Ce n’est pas aussi simple que cela.

Pour ce qui est des autorités indépendantes, tant les crédits dont elles disposent que la politique immobilière qui est la leur soulèvent l’État de vraies questions.

Si nous n’avons pas inscrit de crédits pour le Défenseur des droits, c’est parce que celui-ci n’est pas législativement créé. En outre, dans la mesure où il rassemblera un certain nombre d’organismes, nous pensons qu’il pourra fonctionner en 2011 avec les crédits consacrés à chacun de ces organismes qui se trouveront ainsi réunis.

Enfin, j’ai été un peu surpris que l’on revienne sur la question des sondages, avec quasiment la même insistance que l’année dernière. J’avais cru que des efforts de transparence avaient été accomplis de la part de l’exécutif. À entendre un certain nombre d’entre vous, en particulier Mme Batho, il semblerait que tel ne soit pas le cas.

Peut-on parler d’ « annexion » du SIG ? Parmi les enquêtes réalisées sur les marchés du SIG, il n’y a pas d’études spécifiques commandées ni par l’Élysée ni par Matignon, même si ces deux entités de l’exécutif sont naturellement destinataires des résultats.

L’ensemble des enquêtes réalisées par le SIG concerne l’action et la communication de l’exécutif. Depuis 2007, le Président de la République est très actif sur le champ de l’intervention gouvernementale ; c’est lui qui, le plus souvent, précise les orientations de la politique gouvernementale. Le SIG s’est adapté en intégrant l’étude de l’action du Président de la République dans ses enquêtes : soit de façon régulière, en mettant en place des indicateurs traditionnels – confiance, crédibilité, légitimité ; soit de manière ponctuelle en réalisant, par exemple, des post-tests des grandes interventions du Président, destinés à apprécier la perception des mesures annoncées.

Les commandes d’enquêtes sont le résultat d’échanges réguliers entre les services d’information du Gouvernement, Matignon et l’Élysée. Les besoins d’études sont intégrés dans les études commandées par le SIG – questions d’actualité hebdomadaires ou études spécifiques portant sur des sujets d’actualité et/ou relatifs à l’action gouvernementale.

Les crédits du Service d’information du Gouvernement s’élevaient à 2,8 millions d’euros en 2010. Je crois qu’ils seront identiques pour 2011 …

Mme Delphine Batho. Non. D’après le bleu budgétaire – c’est à la page 59 –, ils s’élèveront à 4,3 millions d’euro !

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Je ne vois pas pourquoi, mais je vous répondrai dès que possible à propos de ces dépenses de sondage.

En attendant, je vous confirme que le contrat d’un montant de 120 millions d’euros auquel vous avez fait référence –même si, pour moi, son montant est de 110 millions d’euros – a bien été passé en 2006 sur quatre ans et qu’aucun nouveau contrat de cette nature n’a été signé le 30 juin dernier.

En ce qui les autorités indépendantes, je suis d’accord avec vous, monsieur Dosière : il y a encore beaucoup de travail à faire. Malgré tout, depuis la mise en place de France Domaine, la gestion immobilière de l’État s’est améliorée.

Madame Batho, j’en reviens aux chiffres : il est prévu de consacrer 4,3 millions d’euros à l’analyse de l’opinion et des médias ; les dépenses d’études et de sondages seront limitées à 2,8 millions d’euros, comme en 2010, la différence portant sur les dépenses de veille, médias et internet.

Je peux également vous donner la liste que vous m’aviez demandée. S’agissant des marchés d’étude d’opinion, le lot 1 – enquêtes quantitatives – a été attribué à IPSOS ; le lot 2 – enquêtes ad hoc – à ISAMA ; le lot 3 – baromètre du suivi de l’exécutif – à IPSOS ; le lot 4 – enquêtes en ligne – à OpinionWay…

Mme Delphine Batho. Avez-vous les montants ?

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Vous êtes bien exigeante…

Le lot 5 – études qualitatives et quantitatives – a été attribué à l’IFOP ; le lot 6 – enquêtes qualitatives – à l’TNS ; le lot 7 – enquêtes quantitatives en face à face – à CSA. Enfin, le marché d’enquêtes barométriques sur la communication des pouvoirs a été attribué à l’IFOP.

Enfin, dans le domaine de la communication en direction des Français, les bénéficiaires des marchés sont Aegis Media, pour ce qui concerne l’achat d’espaces télévision, la radio, la presse, le web et les partenariats médias, et Euro-RSCG, pour ce qui est de la réalisation des supports de communication.

M. Yves Censi, président. Je vous rappelle, madame Batho, que la commission élargie n’est peut-être pas le lieu approprié pour aborder les questions de détail, lesquelles doivent plutôt être évoquées avec les rapporteurs spéciaux.

Merci, monsieur le ministre, d’avoir répondu à nos questions.

Nous en avons terminé avec la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

Pouvoirs publics

M. Yves Censi, président. Nous en venons à la mission « Pouvoirs publics », pour laquelle nous écoutons le rapporteur spécial, M. Jean Launay.

M. Jean Launay, rapporteur spécial pour Pouvoirs publics. Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, la mission « Pouvoirs publics »donne l’occasion d’apporter un éclairage sur les crédits relatifs au fonctionnement des différents pouvoirs publics constitutionnels. Elle recouvre sept dotations : celles de la Présidence de la République, de l’Assemblée nationale, du Sénat, de La Chaîne parlementaire, des indemnités des représentants français au Parlement européen – qui n’est pas abondée cette année –, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République. La Haute Cour de justicefigure pour mémoire, mais n’est traditionnellement pas dotée.

La Commission des finances a souhaité, pour le premier semestre 2010, engager des activités de contrôle en sus de la traditionnelle évaluation de la performance, qui ne concernait pas les pouvoirs publics.

Je le rappelle chaque année, la particularité de la mission « Pouvoirs publics » tient au fait que les dépenses qu’elle englobe ne font pas l’objet d’une évaluation de la performance, ce dispositif assurant « la sauvegarde du principe d’autonomie financière des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs », ainsi que l’a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2001 relative à la LOLF. Si je tiens bien évidemment compte de cette spécificité, je suis également convaincu de la légitimité et de la primauté du contrôle parlementaire et je tiens donc à apporter à l’Assemblée nationale l’information la plus complète possible.

J’ai ainsi choisi cette année d’axer le programme de contrôle de la mission sur la thématique du développement durable et ses trois piliers : écologique, social, et économique. Les différents acteurs de la mission se sont tous volontiers prêtés à ce nouveau contrôle. La rencontre des principaux acteurs de chacun des pouvoirs publics que j’avais souhaité instaurer depuis que je suis en charge de la mission est ainsi assez naturellement devenue biannuelle, et je ne peux que m’en féliciter !

Le résultat de ce contrôle est retracé, pour chaque pouvoir public, dans chacun des chapitres du présent rapport. Je ne reviendrai d’ailleurs pas en détail sur le contenu du projet de rapport qui est à votre disposition, l’encadré de synthèse qui figure à la page 13 vous rappelant les principaux chiffres.

Avant d’en venir à mes questions, monsieur le ministre, je souhaite faire deux remarques liminaires.

En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, la première ne s’adresse pas à vous puisqu’elle a trait aux dotations des assemblées parlementaires qui, pour la troisième année consécutive, sont stabilisées en euros courants et réduites en euros constants à proportion du niveau d’inflation, et ce bien que les disponibilités financières de l’Assemblée nationale et du Sénat ne soient pas identiques.

Comme je l’ai indiqué l’année dernière, je comprends cette volonté d’affichage, dans un contexte économique et social difficile. Il n’en demeure pas moins que la démocratie a un coût qui doit être assumé, et que cette stabilisation des dotations du Parlement aurait pu tout aussi bien être faite en euros constants.

D’une manière plus générale, je suis perplexe face au comportement vis-à-vis des parlementaires du Président de notre assemblée, qui a annoncé de manière unilatérale sa décision de diminuer la retraite des parlementaires de 8 % huit jours avant la réunion du Bureau qui était supposé prendre cette décision. Outre que l’on aurait pu espérer, dans un souci démocratique, que cette décision soit annoncée après et non avant le vote du Bureau, on voit bien qu’il s’agit encore d’une simple volonté d’affichage, puisque cette annonce correspond ne constitue en réalité que la fin de cette anomalie qu’était le treizième mois de retraite.

Ma seconde remarque a trait au principe de la transparence.

Depuis que j’ai en charge la mission « Pouvoirs publics »,tenant compte de leur spécificité et de l’autonomie financière de chacun d’entre eux, j’ai souhaité avant tout favoriser la transparence et faire vivre le principe posé par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en vertu duquel « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ». À cet égard, j’ai accepté que le budget de l’Élysée soit plus que triplé suite à l’élargissement de son périmètre et à la consolidation de la dotation de la Présidence de la République intervenue en 2008. La contrepartie était d’obtenir la garantie que l’ensemble des dépenses supportées par la Présidence de la République soit désormais retracé dans le budget de l’Élysée. Cela était également supposé permettre de rationaliser certaines dépenses, grâce à une vision claire de l’ensemble des frais engagés par l’activité présidentielle.

Aujourd’hui, je ne peux que constater l’échec de ce processus et la tentation d’un retour en arrière. Pire, il semble que, derrière les déclarations d’intention, les choses n’ont finalement jamais véritablement changé. En effet, la lisibilité du périmètre de la dotation de la Présidence de la République est cette année insuffisante en raison de l’externalisation d’un certain nombre de dépenses, dont vous trouverez le détail dans mon rapport. J’y reviendrai en partie dans mes questions.

Encore une fois, si je me félicite des progrès substantiels obtenus depuis trois ans en matière de transparence de cette dotation, je rappelle que deux conditions doivent être remplies pour que l’on obtienne les effets escomptés : le périmètre de la dotation doit d’une part demeurer constant dans le temps, afin de permettre la comparaison d’une année sur l’autre ; d’autre part être exhaustif de manière à pouvoir effectivement retracer l’ensemble des dépenses relevant de la Présidence de la République. Ces deux conditions ne sont actuellement pas remplies.

J’en viens à mes questions.

La première concerne la dotation de la Présidence de la République. Si cette dernière s’est lancée dans un programme de réduction de ses effectifs, il semble que des personnes mandatées par l’Élysée soient en réalité prises en charge par d’autres ministères.

À ma demande, inscrite dans le questionnaire budgétaire annuel, de fournir la liste des personnes en charge, en 2009 et en 2010, d’une mission pour le compte de la Présidence de la République et de préciser, le cas échéant, le montant brut et net de leur rémunération, de celle de leurs éventuels collaborateurs, ainsi que leurs divers avantages en nature, la Présidence de la République a répondu : « néant ».

Pour ne citer que cet exemple, les médias se sont pourtant largement fait l’écho de la mission relative à la dimension sociale de la mondialisation confiée par le Président de la République à Mme Christine Boutin. Bien que cette dernière ait en l’espèce renoncé à sa rémunération, elle travaille en pratique pour le compte de la Présidence mais est, en théorie, officiellement rattachée à un autre ministère, voire au premier d’entre eux.

Monsieur le ministre, une personne travaillant pour le compte de l’Élysée, même non rémunérée, doit être rattachée à la dotation de la Présidence de la République. Pouvez-vous nous indiquer combien de personnes se trouvent dans cette situation ? Quelles dispositions comptez-vous prendre pour faire respecter ce principe à l’avenir ?

Ma deuxième question porte encore sur la dotation de la Présidence de la République.

Vous vous souvenez sans doute que la problématique des sondages avait revêtu une importance particulière l’an passé. Un référé de la Cour des comptes relatif au contrôle de la gestion du Service d’information du Gouvernement, le SIG, indique qu’« aujourd’hui, les commandes lancées par le SIG tant en matière d’études et de sondages que d’actions de communication sont décidées par d’autres (la Présidence de la République, notamment depuis 2007) et souvent à la dernière minute » Je rejoindrai donc Jean-Pierre Brard dans la conclusion de son paragraphe consacré au SIG ; « activité ne poursuivant pas un but d’intérêt général, mais servant principalement à informer l’exécutif de l’état de l’opinion des Français ». Et je compléterai mon propos par cet autre extrait du référé : « La cellule communication du chef de l’État intervient dans le processus de choix » – du plan de commandes d’études et de sondages.

La Présidence a bien réduit ses coûts en matière de sondages mais, en réalité, ce sont d’autres qui les prennent en charge. Monsieur le ministre, à chaque fois qu’un problème est soulevé au grand jour, il n’y est mis fin que par un effet d’optique et au prix d’un retour en arrière du point de vue de la transparence. Quelles garanties pouvez-vous nous apporter pour faire cesser cet état de fait ?

Cela me permet de faire le lien avec ma troisième question, qui concerne la dotation de la Cour de justice de la République. Cette dernière est victime d’un mauvais procès puisque, bien qu’elle soit un pouvoir public locataire d’un bailleur privé, elle fait l’objet d’une tentative de délocalisation forcée, qui est une « commande » de Matignon exécutée par les ministres successifs de l’économie et des finances, par M. Baroin et avant lui par M. Woerth, ce dernier frôlant d’ailleurs les portes de la Cour pour deux dossiers qui le concernent…

Au-delà du fait qu’une délocalisation n’est pas la solution la plus judicieuse et que les arguments avancés ne tiennent pas sur le fond, je ne peux que m’interroger sur les motivations de cette requête, voire de cette injonction faite à la Cour de justice de la République, dans la mesure où les locaux du Service d’information du Gouvernement, rattaché au Premier ministre, jouxtent ceux de la Cour de justice de la République.

Je ne conçois pas que l’on délocalise une juridiction d’exception voulue comme telle par le législateur ni que soit affaiblie la portée de son autonomie, afin d’étendre les services du Premier ministre où d’y implanter une société travaillant en partenariat avec le SIG. On ne peut pas comparer la Cour de justice de la République à une autorité indépendante ni à un service de l’État.

Monsieur le ministre, soutenez-vous cette volonté de délocaliser la Cour de justice de la République – alors que son déménagement se fera naturellement d’ici quatre à cinq ans, lorsque les locaux de la Justice seront installés aux Batignolles et qu’elle-même pourrait rejoindre l’actuel Palais – afin d’implanter en son lieu et place des services ou sociétés relevant du SIG, mais en réalité on l’a bien compris, chargés de réaliser des sondages – pour le compte de l’Élysée ?

Ma quatrième et dernière question est plus générale. Monsieur le ministre, vous êtes chargé des relations avec le Parlement. Les quelques exemples que je viens de mettre en exergue montrent bien que celui-ci n’est pas pris en compte, voire qu’il est méprisé, soit qu’on lui promette la transparence et que l’on se joue en réalité de lui, soit que l’on veuille sans lui demander son avis défaire ce qu’il a fait, en créant la Cour de justice telle qu’elle fonctionne actuellement. Quelles mesures comptez vous prendre afin de soutenir la primauté de l’institution parlementaire ?

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial, pour vos questions précises.

Il faut répéter, s’agissant de la Présidence de la République, que c’est la première fois depuis Louis XIV que le budget de l’exécutif est soumis à un contrôle, en l’espèce celui de la Cour des comptes. Et les observations qu’elle a faites sont, au fil du temps, suivies d’effet. L’Élysée s’est donc engagé dans une démarche extrêmement vertueuse. J’y vois une forme de considération à l’égard du Parlement.

Votre première question ressemble beaucoup – on dirait une cousine germaine… – à celles qui ont été posées précédemment, en ce qu’elle sous-entend que le budget de l’Élysée, aussi clair et transparent soit-il, ne retracerait pas son activité exacte et qu’une partie en serait supportée par d’autres. À la place qui est la mienne, je ne peux pas, quel que soit le respect que j’ai pour vous, partager cette opinion, surtout celle qui voudrait que des personnels travaillant pour le compte de l’Élysée soient assumés par d’autres ministères ou organismes. Je n’en connais pas. C’est une pratique qui existait jusqu’à il y a peu mais les causes de cet état de choses ayant disparu, elle n’a plus lieu d’être. En guise de clin d’œil, je déclarerai qu’il arrive, de façon très exceptionnelle, que les frais liés à des missions elles-mêmes tout à fait particulières soient prises en charge par la Présidence de la République. c’est le cas de celle confiée à M. Raffarin, qui est représentant du Président de la République pour la francophonie. Encore ne s’agit-il que de frais de déplacement et, en aucun cas d’une rémunération ou d’une mise à disposition de collaborateurs. Quant à Mme Boutin, elle n’a jamais reçu de rémunération ou d’indemnité de la Présidence de la République car sa mission relève du ministère du travail.

À propos du Service d’information du Gouvernement, j’ai répondu par anticipation qu’en raison même de l’implication du Président de la République dans la politique gouvernementale, le Président de la République, le Premier ministre et le responsable du SIG intervenaient tous les trois dans la décision de commander tel ou tel sondage.

Voici, en ce qui concerne les dépenses de la Présidence de la République, quelques précisions, même si elles sont connues d’un grand nombre d’entre vous. En 2008, les dépenses relatives aux enquêtes d’opinion se chiffraient à 2,414 millions d’euros, auxquelles s’ajoutaient les prestations de conseil de deux cabinets pour 867 000 euros, soit un total de 3,2 millions. En 2009, les chiffres étaient respectivement de 1,066 million d’euros et de 809 000 euros, soit un total de 1,875 million d’euros, en diminution de plus de 40 %. Au 31 octobre 2010, les enquêtes d’opinion avaient coûté 268 902 euros et les prestations de conseil 575 874 euros. La facture globale se montait donc à 844 776 euros, pour un budget prévisionnel de 1,5 million d’euros et elle ne devrait pas dépasser 1,3 million pour l’année entière.

Le contrat signé le 1er janvier 2007 avec la société Publifact, et qui a fait l’objet d’observations de la part de la Cour des comptes dans son rapport publié en juillet 2009, n’a plus donné lieu à de nouvelles études depuis le mois de septembre 2009.

Parallèlement, les prestations de conseil, différenciées des opérations d’enquête d’opinion, ont été renégociées à la baisse. Comme on l’avait évoqué l’année dernière, un appel public à la concurrence a été publié le 12 octobre 2009 pour un marché de prestation d’études et de sondages d’opinion. Sur trente-six sociétés ayant demandé un dossier, douze ont déposé des offres, parmi lesquelles les plus importants instituts de sondage français. Après une analyse approfondie des offres, trois titulaires ont été désignés. Ce sont les candidats les mieux notés sur la valeur technique des offres et les moins chers. Il s’agit d’Ipsos pour les enquêtes quantitatives par téléphone de mesure de la confiance, d’Ifop pour les enquêtes quantitatives et qualitatives ad hoc et d’Opinion Way pour les enquêtes quantitatives en ligne de suivi de l’opinion.

À la suite des observations de la Cour des comptes, la procédure de commande a été davantage encadrée et les sujets d’enquête recentrés sur des questions propres à l’action, aux initiatives et à l’image du Président de la République. Les enquêtes propres à des questions d’actualité ou à l’action du Gouvernement ne font plus partie de celles commandées par l’Élysée, comme le directeur de cabinet du Président de la République et moi-même l’avions dit ici même l’année dernière.

Dans le cadre du marché actuel, les bons de commande sont formalisés et adressés au titulaire du marché en fonction du lot concerné. La facturation est certifiée et contrôlée au vu du bon de commande et de l’engagement précédemment comptabilisé. La Cour des comptes, dans son dernier rapport, écrit : « Vos services ont réalisé un sérieux effort de rationalisation et d’économie dans les relations contractuelles qui les lient à des cabinets de conseil en stratégie et à des instituts de sondage. C’est un progrès qu’il convient de souligner. »

La Cour de justice de la République a suscité des débats car elle loue à un organisme privé des locaux dont l’augmentation du loyer avait ému, non sans raison, plusieurs d’entre nous. À la suite des négociations qui ont été menées, il est passé de 535 000 à 475 000 euros, et il sera bientôt de 450 000 euros. La Cour de justice doit emménager dans les locaux du palais de justice, quand ils seront disponibles, mais, en tout état de cause, après la fin du bail. La question se pose donc de savoir si, dans l’intervalle, la Cour restera dans ses locaux actuels à titre transitoire ou bien si elle déménagera provisoirement ailleurs, dans l’espoir d’obtenir un loyer moins élevé. Je dois à la vérité de dire que France Domaine préférerait la seconde formule, mais je lui ai demandé de faire un bilan de l’impact budgétaire des deux solutions, en incluant les coûts de déménagement, avant de trancher définitivement en faveur de la plus économique, et peut-être de la plus logique.

Votre dernière question, monsieur le rapporteur spécial, me laisse une impression de malaise. Vous déplorez, semble-t-il, le manque d’égard du Gouvernement à l’égard du Parlement. Vous m’en voyez consterné, car c’est le contraire de ce qui doit se faire en démocratie et, surtout de ce que nous nous efforçons de faire avec la réforme constitutionnelle de juillet 2008. Étant moi-même un ancien parlementaire, je serais sincèrement désolé d’être passé sur l’autre rive en oubliant toutes les bonnes manières que j’ai apprises lorsque je siégeais au Parlement.

M. Michel Diefenbacher. La mission dont nous examinons les crédits comporte quatre dotations : la Présidence de la République, les assemblées parlementaires, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République. La dotation de chacune des deux juridictions étant en diminution sensible – respectivement – 4,8 % et – 13 % – je ne vous interrogerai pas sur elles, monsieur le ministre.

En réponse à l’intervention de Jean Launay à propos de la pension des députés, je tiens à souligner combien il était important que les députés consentent eux-mêmes à l’effort qu’ils demandent aux Français. Le président de l’Assemblée nationale n’a pas mis ses collègues devant le fait accompli : il a saisi notre bureau et il a seulement fait part à l’opinion publique de ses propositions. Avec la suppression de la scorie que constituait ce treizième mois, et que rien ne justifiait, notre régime de pensions est désormais aligné sur celui de la fonction publique. Il n’y a là rien qui relève de l’affichage. C’est une question de justice et d’équité.

À mon tour, j’entends saluer la volonté du Président de la République de jouer pleinement la transparence. C’est une grande première dans l’histoire de la République, et même, ajouterai-je pour ceux qui voient dans le régime actuel une monarchie républicaine, dans l’histoire de la royauté. L’effort est triple : effort de transparence, tout d’abord, puisque, désormais, les portes se sont ouvertes devant la Cour des comptes, et deux fois à deux années d’intervalle, de manière qu’elle puisse vérifier les progrès accomplis ; de rigueur, ensuite, car la dotation budgétaire de la Présidence de la République obéit à la même règle que le budget général de l’État – elle n’augmente pas et diminue même légèrement après la décision du Président d’abandonner le domaine de Souzy-la-Briche ; de gestion, enfin, car la Présidence tient compte des observations de la Cour. Et tous nos collègues devraient se référer à la lettre adressée en juillet dernier au Président de la République par le premier président de la Cour des comptes et qui peut être consultée sur le site Internet de la Cour. Ils mesureraient alors les efforts réalisés à l’aune de son diagnostic.

Il est d’ailleurs très équilibré et fait apparaître à la fois les progrès accomplis et ceux qu’il convient de poursuivre. S’agissant des premiers, le premier président Migaud écrit dans sa lettre : « La Cour tient à souligner l’importance des progrès réalisés en 2009 ». Ils consistent en une plus grande transparence dans la connaissance des effectifs et de toutes les rémunérations, y compris celle du Président, qui est désormais entièrement publique et fiscalisée – ce n’était pas le cas auparavant. La révision de l’évaluation des avantages en nature du personnel a été engagée. L’avantage concernant le logement est désormais calculé en fonction de la valeur locative. Une gestion immobilière a été instaurée, le récolement exhaustif du mobilier entrepris, et les marchés relatifs aux sondages d’opinion mis en concurrence.

Trois points méritent d’être soulignés. Les efforts de maîtrise des frais de personnel et des charges de fonctionnement courant, qui diminueront respectivement de 3,7 % et de 11,9 %. En revanche, les frais de déplacement continueront à augmenter et c’est là qu’il faudra mettre l’accent dans les années qui viennent.

À ce sujet, le premier président de la Cour des comptes porte dans sa lettre un regard précis et objectif. Le Président a effectué en 2008 96 déplacements, dont 9 concernaient des sommets, lesquels coûtent plus cher ; et en 2009, 102 déplacements dont 20 sommets. Le budget correspondant a été de 14,1 millions en 2008 et de 19,7 millions en 2009. L’augmentation est importante mais elle s’explique. Sans doute pourra-t-elle être modérée grâce aux recommandations de la Cour des comptes qui attire l’attention sur l’effectif des délégations, le coût des missions préparatoires et celui des précurseurs. Comment sera-t-il possible, monsieur le ministre, d’instaurer ce que la Cour des comptes appelle un véritable pilotage budgétaire ?

Concernant la politique d’achats et la restauration administrative à l’Élysée, la Cour relève des pratiques susceptibles d’être améliorées au fil du temps. Quelles mesures sont-elles prévues pour rationaliser ces dépenses ?

Anticipant sur les réponses qui vont nous être apportées, je peux assurer M. le ministre que le groupe UMP votera ces crédits.

M. René Dosière. La Présidence de la République mérite bien que nous y consacrions le temps nécessaire, ne serait-ce que pour respecter l’importance qu’elle revêt budgétairement par rapport au Premier ministre et à leurs responsabilités respectives.

Je tiens préalablement à rendre hommage au travail et à la pugnacité de notre rapporteur spécial. Il a eu du mal à obtenir certains éléments de comparaison car le périmètre des dépenses fluctue et il n’est pas exhaustif, monsieur le ministre. Assez curieusement, à des questions concernant le personnel et les rémunérations, M. Launay n’a pas obtenu les réponses précises qu’il avait pourtant reçues l’année dernière. On peut y voir des signes d’un retour en arrière et il faudra sans doute tout l’appui de la Commission des finances pour approfondir le travail commencé.

Si l’on rétablit en 2009 un budget comparable à celui de 2008 en éliminant les déplacements occasionnés par la présidence de l’Union européenne, le budget global de l’Élysée a augmenté de 2,5 %, soit six fois plus que le rythme de progression du budget de l’État. On ne peut pas donc parler d’une année de rigueur... J’espère qu’il en sera différemment en 2010. Pourquoi le budget de 2009 fait-il apparaître une recette en provenance du ministère des affaires étrangères au titre de la présidence française de l’Union européenne, alors que, l’année dernière, dans son rapport, Jean Launay précisait que la Présidence avait comptabilisé les frais de déplacement engagés pendant la présidence de l’Union européenne et les produits à recevoir au titre de leur remboursement intégral ? Selon le principe de rattachement, les produits et des charges doivent être enregistrés l’année à laquelle ils se rapportent, indépendamment de la date d’encaissement ou de règlement.

Les réductions d’effectifs atteignent, nous annonce-t-on, 8,8 %. Mais là encore, le périmètre n’est pas le même, du fait de la restitution au ministère de la culture des résidences de Fontainebleau et de Marly-le-Roi, et du retraitement du personnel France Télécom mis à disposition en vertu d’un contrat de prestation de service. Dès lors, la diminution n’est plus que de 3 %. En outre, à l’intérieur de l’enveloppe globale, les évolutions statutaires sont inquiétantes, puisque, en 2008, on comptait 98 contractuels sur 1 031 personnes, tandis qu’en août 2010, ils étaient 124 pour 929 personnes. En revanche, le nombre de ceux qui s’occupent de communication augmente de 50 % d’une année sur l’autre.

Au sujet de l’externalisation, je prendrai deux exemples. Le secrétaire général de l’Élysée a disposé en 2008 et 2009 d’une voiture et d’un chauffeur qui sont à la charge du ministère de l’intérieur. De même, sans que l’on puisse parler véritablement d’externalisation, pourquoi les crédits ministériels d’intérêt local relevant du ministère de l’intérieur et de celui des finances sont-ils désormais affectés par l’Élysée et non plus par le ministère bénéficiaire ? La Présidence se livre à une sorte de captation de crédits ministériels qui n’est pas tout à fait conforme au fonctionnement de nos institutions.

Enfin, la précision des réponses laisse beaucoup à désirer. Ainsi, répondant à une question sur le coût de la réception organisée à New York par le Président de 4 000 ressortissants français, la Présidence a fourni le chiffre de 195 979 euros à notre rapporteur, mais celui-ci a relevé que la Cour des comptes, dans son rapport, avançait 273 667 euros. Pour ma part, Matignon – donc l’Élysée, directement concerné – m’a indiqué un total de 258 855 euros, soit 122 000 euros de cocktail, 118 000 euros pour la location de la salle, 11 000 euros de frais de sécurité et 6 000 euros de frais divers. Il s’agit pourtant de la même manifestation et de renseignements venant d’une même source. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Quelles sont, monsieur le ministre, les économies à attendre de la disparition des chasses présidentielles ? Il y a quatre ans au moins, il m’avait été dit qu’elles avaient disparu. Elles ont ressurgi brusquement pour disparaître à nouveau quelques mois plus tard… Et comment sera assurée la nécessaire régulation cynégétique ?

Monsieur le rapporteur spécial, il n’existe pas, à ma connaissance, d’organisme paritaire à l’Élysée : ni comité d’hygiène et de sécurité ni autre instance prévue dans une administration publique pour laisser s’exprimer le personnel. Avez-vous obtenu des renseignements plus précis ? De manière anecdotique, j’ai relevé que la rémunération du Président de la République diminuait très légèrement d’une année sur l’autre.

Tous ces éléments montrent que, si le budget était véritablement transparent, et ventilé selon une nomenclature détaillée, comme à l’Assemblée, toutes ces questions ne se poseraient pas. Monsieur Diefenbacher, le fonctionnement courant représente une dépense de 20 millions d’euros sans plus de précision. Cela correspond-il à votre idée de la transparence ? Pour être véritablement transparent, le budget de la Présidence devrait donner le détail des dépenses ligne par ligne selon une nomenclature à trois chiffres, de façon à mettre en évidence les évolutions. À défaut, on se demande ce que la Présidence cherche à cacher, d’autant que, depuis trois ans, les sommes en cause ont changé de dimension. J’insiste une nouvelle fois pour obtenir la transparence sur les dépenses et les recettes de l’Élysée.

Mme Delphine Batho. La Cour des comptes nous sert de référence, monsieur Diefenbacher, qu’il s’agisse des lettres des présidents Séguin et Migaud sur le budget de l’Élysée ou du référé cité par le rapporteur spécial sur le budget du SIG dans lequel il est écrit : « L’évolution institutionnelle issue de l’élection présidentielle de 2007 a eu une forte répercussion sur le mode de fonctionnement du SIG. Aujourd’hui, la cellule de communication du chef de l’État intervient dans le processus de choix. Les dépenses ont augmenté sensiblement à partir de 2008, notamment une augmentation de 1 million d’euros pour le marché avec Ipsos. Aucune contribution financière à ces études n’est intervenue de la part de l’Élysée… » Nos questions sont donc légitimes.

Et la réponse que vous y apportez, monsieur le ministre est contradictoire. À propos du SIG, vous déclarez successivement qu’il n’y a pas d’étude spécifique commandée par l’Élysée et que le SIG finance des études sur l’action du Président, ce que vous justifiez par l’évolution institutionnelle, c’est-à-dire par les prérogatives que Nicolas Sarkozy s’arroge sur le Gouvernement. Et lorsque l’on aborde le budget de l’Élysée, vous dites que les études payées sur ce budget portent exclusivement sur l’image du Président de la République. En d’autres termes, et l’Élysée et le service d’information du Gouvernement paient des sondages sur le Président de la République pour le Président de la République. Sur quelles bases, sinon purement budgétaires, se fait la répartition ? Il faut, pour suivre les recommandations de la Cour des comptes, faire comme si le budget sondages de l’Élysée avait diminué. Alors, on externalise auprès du SIG. D’ailleurs, notre rapporteur spécial nous apprend l’existence d’une convention qui formalise le partenariat entre la Présidence de la République et le SIG, si bien que, dans le budget de l’Élysée, les chiffres qui font apparaître pour l’année 2010 une baisse des crédits consacrés aux sondages sont fictifs puisqu’ils ont été reportés au moins partiellement sur le SIG.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir précisé que la hausse de 400 000 euros du budget sondages du SIG concernait en fait la veille médias. Il n’en demeure pas moins que l’augmentation avérée de 1,9 million d’euros du budget sondages du SIG entre 2009 et 2010 concerne bel et bien l’Élysée.

M. Richard Mallié. S’agissant de la retraite des parlementaires, je rappelle que les propositions faites par le président Accoyer émanaient d’un groupe de travail paritaire entre l’opposition et la majorité et que, certes, la diminution prévue équivaut au treizième mois mais qu’il est tout aussi vrai de dire qu’il s’agit d’une baisse de 8 %.

M. Louis Giscard d’Estaing. Pour ce qui est de la comparaison entre l’Assemblée nationale et le Sénat, le fait que la première ait restitué ses réserves au budget de l’État alors que la Haute assemblée les a conservées peut expliquer qu’elle ne dispose pas des mêmes marges.

Quant au budget de la Présidence de la République, des efforts tout à fait significatifs ont été faits en matière de transparence. Ainsi le ministère de la défense se voit-il désormais rembourser les dépenses engagées pour le compte de la Présidence de la République à l’occasion de déplacements effectués par l’escadron de transport et de calibration, l’ETEC. Le temps n’est pas si loin où c’était inenvisageable : à l’époque où la députée que remplace Mme Batho exerçait des fonctions à la Présidence de la République, le budget propre de la Présidence ne prenait aucunement en charge les dépenses de déplacement présidentiel… Il est important de souligner de tels progrès.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. C’est une note de service du directeur de cabinet du Président de la République du 1er juillet 2010 qui règle la question des déplacements, qu’a évoquée M. Diefenbacher. Ainsi, un engagement financier est nécessaire pour toute commande, même en urgence ; tout agent partant en mission doit disposer d’un ordre de mission signé du directeur de cabinet du Président ; un chargé de mission doit se déplacer pour négocier les prix des hôtels et éventuellement des locations de véhicules, qui devront être ensuite validés par le chef de cabinet du Président ; la composition et le nombre des membres de la mission préparatoire dépend de l’importance du déplacement ; enfin, la liste des personnalités qui y participent est établie au plus tôt, sous la responsabilité du conseiller diplomatique du Président.

Quant au coût de la restauration à l’Élysée, que la Cour des comptes avait jugé un peu élevé dans son dernier rapport, des mesures ont été prises. Les appels d’offres de décembre 2009 ont permis de réduire notablement le coût des approvisionnements – de 10 à 20 % selon les produits. Et pour ce qui est des charges de personnel, l’une des principales composantes du coût, un plan de réduction des effectifs pour 2010 et 2011, demandé en mai par le Président lui-même, a fixé un objectif global de réduction de 5 %, et un taux particulier de 10 % pour l’intendance. Un certain nombre de départs sont prévus pour la fin de l’année. Enfin, des prestations ont été revues à la baisse, telles que les décorations florales, le service des plateaux repas, l’étendue des permanences et les prestations pour certaines réceptions.

Le tableau évoqué par M. Dosière retrace par grandes masses les crédits de rémunération des collaborateurs du Président en fonction de leur administration d’origine. Dans le cas où une administration n’a qu’un représentant au sein du cabinet, sa rémunération peut être déduite du tableau. Or, il est arrivé que de telles informations soient divulguées dans la presse, bien au-delà des nécessités du contrôle du Parlement sur l’exécutif. Je rappelle à toutes fins utiles une jurisprudence constante du Conseil d’État : les documents comportant des éléments relatifs à la rémunération d’un agent public sont communicables à toute personne qui le demande sauf si, comme cela semble être le cas en l’espèce, de tels éléments relèvent d’un appréciation portée sur la manière de servir de l’agent.

La recette provenant du ministère des affaires étrangères en 2009 correspond au remboursement de frais exposés par l’Élysée en lieu et place du ministère, lequel a tardé à effectuer le remboursement en raison de difficultés informatiques. Il s’agit donc seulement d’un retard.

M. René Dosière. J’admets parfaitement cette explication. Le problème est que d’après la LOLF, chaque dépense constatée doit être inscrite l’année où elle est décidée, ce qui n’empêche pas que le versement effectif soit fait une autre année. Pourquoi cette recette au titre de l’année 2008 n’a-t-elle donc pas été inscrite dans les écritures de 2008, mais de 2009 ? Ce n’est pas conforme à la LOLF.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Je vous ai indiqué les faits, je n’ai pas prétendu qu’ils étaient conformes à la LOLF…

L’économie réalisée sur les chasses présidentielles se monte à 57 000 euros. La diminution des effectifs, elle, est bien réelle et porte davantage sur les fonctionnaires que sur les contractuels. Tous les éléments en sont contrôlés sur pièce et sur place par la Cour des comptes.

Enfin, la convention évoquée par Mme Batho entre le Service d’information du Gouvernement et l’Élysée n’avait été signée que pour trois mois, afin d’organiser la transition entre le marché de 2007 et celui de 2009, passé en application du code des marchés publics.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Certaines interventions m’étaient destinées davantage qu’au ministre.

Pour ce qui est de la retraite des députés, M. Diefenbacher a qualifié de « scorie » ce que j’ai appelé « anomalie ». Je donne acte à M. Mallié de ce qu’a accompli le groupe de travail, mais je continue à penser qu’il eût été plus clair de parler dès le début du treizième mois. Ce petit reproche ne remet pas en cause le caractère exemplaire de ce qui a été fait.

Louis Giscard d’Estaing trouvera dans le rapport les chiffres de la fin 2009 sur les immobilisations financières de l’Assemblée et du Sénat : respectivement 0,27 et 1,33 milliard, soit une augmentation par rapport à 2008 de 13,5 % pour le Sénat et une diminution de 7,7 % pour l’Assemblée.

Les portes de l’Élysée sont toujours largement ouvertes à notre commission et j’en remercie Christian Frémont, directeur de cabinet, et Bernard Trichet, trésorier payeur général et directeur des services financiers de la Présidence de la République, avec qui nous sommes en contact permanent. D’importants efforts de transparence ont été faits et les réponses du ministre ont bien montré, à propos des deux sujets majeurs que sont les emplois et les sondages, que le problème n’était pas dans le budget de l’Élysée, mais dans ce qui se faisait en-dehors.

Enfin, la Cour de justice n’a pas vraiment vu croître son loyer, comme l’a dit le ministre : il était élevé depuis le début. France Domaine et les ministres concernés ont aidé la Cour à le négocier à la baisse. Il s’établit dorénavant à 450 000 euros. Cela représente certes presque la moitié de sa dotation, mais il y aurait beaucoup plus d’inconvénients à la faire changer aujourd’hui puisqu’il ne reste que relativement peu de temps avant son déménagement près de la Cour de cassation. Enfin, il s’agit d’une juridiction d’exception créée par le Parlement, qui ne mérite pas certaines comparaisons qui font souvent débat.

Conseil et contrôle de l’État

M. Yves Censi, président. Nous en venons à la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Pour laquelle M. Pierre Bourguignon est le rapporteur spécial

M. Pierre Bourguignon rapporteur spécial pour la mission Conseil et contrôle de l’État. La mission « Conseil et contrôle de l’État » entre dans sa sixième année d’exercice budgétaire. J’ai, au cours de mon travail, obtenu les réponses à l’ensemble des questions que j’avais posées et le travail régulier mené avec les grands responsables concernés, le Premier président de la Cour des comptes, le vice-président du Conseil d’État et le président du Conseil économique, social et environnemental, facilite beaucoup notre mission de suivi.

Je voudrais attirer l’attention du Parlement sur un point spécifique : cette mission connaît, particulièrement pour ce qui est du Conseil d’État et de la Cour des comptes, une application particulière de la régulation budgétaire. Selon un échange de courrier avec le Premier ministre datant du 25 mai 2005, le Conseil d’État et la Cour des comptes ne peuvent subir de mise en réserve – le CESE, lui, doit donner son accord préalable. Mais dans les faits, l’application de ce principe est soumis à l’arbitrage du Premier ministre et les responsables des programmes doivent attendre l’avis favorable du contrôleur budgétaire et comptable. J’insiste donc sur l’importance de prendre une décision de principe sur le long terme.

Si 2010 a été une année de stabilisation et de transition, 2011 sera une année de réforme pour deux des programmes de cette mission. Il faut simplement noter que le périmètre du programme 165 « Conseil d’État et autres juridictions administratives » s’étend dorénavant à la Cour nationale du droit d’asile.

Les modifications induites par la révision constitutionnelle au sein du programme « Conseil économique, social et environnemental »sont devenues effectives après le vote de la loi organique de juin 2010.Le Conseil a déjà adapté ses indicateurs en conséquence – fait notable, aucun crédit supplémentaire n’est demandé. Dès le début de l’exercice, nous nous appliquerons à suivre l’évolution de la situation. Mais l’année de transition a bien rempli son objectif.

Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » connaîtra une réorganisation importante après l’adoption du projet de loi portant réforme des juridictions financières. Aucune date n’étant fixée à ce jour pour l’examen en séance, l’élaboration de nouveaux indicateurs et des prévisions budgétaires s’en trouve retardée. Il est regrettable qu’une évaluation générale des incidences de la réforme sur le programme ne figure pas dans la présentation stratégique. Toutefois, dès à présent, je demande à la Commission d’approuver les crédits demandés au titre de la mission.

J’en viens à mes questions. En visitant les tribunaux administratifs d’Île-de-France, j’ai pu constater qu’un écart persistait entre le plafond des équivalents temps plein travaillé affectés en début d’année et les effectifs réels. Comment expliquez vous ce décalage récurrent ? La question a une importance réelle.

L’effort budgétaire consenti pour le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » continue et le recrutement se poursuit. Les créations d’emplois prévues entre 2011 et 2013 vous paraissent-elles adaptées, alors que la réforme procédurale du contentieux de l’éloignement et de la rétention des étrangers va doubler le nombre des affaires traitées par le juge ?

La réforme des juridictions financières, que la Commission des finances a déjà examinée, entraîne une réorganisation institutionnelle et géographique. Elle consacre également de nouvelles missions, comme la certification et l’évaluation des politiques publiques, qui nécessiteront des moyens humains importants. Quelles sont les orientations retenues pour le recrutement de nouveaux magistrats ? Le détachement sera-t-il privilégié ?

Cette réforme prévoit par ailleurs l’expérimentation de la certification des comptes des collectivités locales, à laquelle je suis franchement défavorable – ce n’est adapté ni dans les moyens, ni dans les temps. La Commission des finances, saisie pour avis et la Commission des lois, saisie au fond, ont pour l’instant retoqué l’article correspondant. Pensez-vous que la multiplication des missions de certification soit judicieuse compte tenu des moyens qu’elle implique ?

M. Michel Diefenbacher. Nous aurons l’occasion d’aller au fond des choses lors de l’examen du projet de loi sur la réforme des juridictions financières. En attendant, j’ai seulement trois questions.

S’agissant des juridictions administratives tout d’abord, je suis favorablement impressionné par la diminution des délais de jugement qui s’opère malgré une forte augmentation du contentieux. C’est incontestablement positif. En revanche, le taux d’annulation par le Conseil d’État des décisions prises par les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel ou la Cour nationale du droit d’asile augmente. Est-ce parce que le contentieux est devenu plus compliqué, avec des textes plus difficiles à interpréter ? Y a-t-il un problème de formation des magistrats de première instance ? La procédure contentieuse n’est-elle pas adaptée aux problèmes contemporains ?

Ensuite, le contentieux de l’asile connaît une augmentation de 15 % par an des affaires à traiter. Le délai de jugement de la Cour était de quinze mois et neuf jours en 2009. L’objectif de six mois fixé pour 2011 ne sera donc pas atteint. Quelles dispositions sont-elles prises pour rattraper le retard le plus vite possible. ?

Enfin, le rapport note qu’il « appartient aux juridictions financières de créer les conditions d’un débat public plus riche autour du thème des finances de l’État ». C’est un objectif très important, mais la Cour des comptes ne contrôle que les finances de l’État : celles des collectivités territoriales sont contrôlées par les chambres régionales des comptes. Si l’État doit poursuivre, dans les années qui viennent, ses efforts dans l’amélioration de sa gestion, il est évident que les collectivités territoriales devront faire de même. Il serait donc opportun d’élargir le débat aux finances des collectivités, et d’y faire participer les chambres régionales des comptes.

M. René Dosière. Où en est, d’abord, le texte sur les juridictions financières ? Le nouveau président de la Cour des comptes a présenté à l’Assemblée les infléchissements qu’il souhaitait y voir apporter, et la Commission des lois l’a déjà très substantiellement modifié – dans des conditions d’ailleurs assez curieuses : ce n’est pas le Gouvernement qui a proposé les modifications mais, après un circuit un peu compliqué, finalement le rapporteur. Il était difficile au groupe SRC de déposer des amendements sur un texte qui n’était donc pas connu pendant la réunion. Depuis, nous avons eu le temps d’en préparer…

Mais il faut maintenant que ce texte vienne en discussion. L’effort d’évaluation que la Cour doit au Parlement doit s’accompagner du concours des chambres régionales des comptes, d’où l’importance d’améliorer les liaisons entre la Cour et ces dernières. Il ne faut plus attendre, j’espère que vous pourrez nous rassurer sur ce point.

Cela m’amène aux recrutements nécessaires pour faire face aux besoins tant de la Cour que des chambres régionales. S’il est un domaine où l’on ne doit pas hésiter à augmenter les effectifs, c’est bien pour de tels organismes de contrôle !

La création de postes dans ces organismes permettra en effet de dégager des économies dans les institutions contrôlées : on le voit en Polynésie, avec le travail remarquable de la Chambre territoriale des comptes. Il importe donc d’assurer les recrutement nécessaires, non seulement en remplaçant les personnels qui partent en retraite, mais aussi en augmentant les effectifs au gré des missions et selon les besoins.

Enfin, monsieur le rapporteur spécial, lorsque notre Commission des lois a examiné le projet de loi portant réforme des juridictions financières, elle n’a pas été convaincue par l’utilité de la certification des comptes des collectivités locales, puisqu’elle a supprimé l’article s’y rapportant. Les magistrats des juridictions financières ont, me semble-t-il, bien d’autres tâches à accomplir.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Je répondrai d’abord à M. Bourguignon, s’agissant du décalage entre les plafonds d’ETP travaillés et les effectifs réels dans les tribunaux administratifs, que les moyens du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » ont été sensiblement augmentés au cours des dernières années, ce qui a permis de continuer à améliorer les délais de jugement, et ce dans un contexte de forte progression du contentieux.

Toutefois, les capacités de recrutement de la juridiction administrative ne permettaient pas, jusqu’à présent, de pourvoir à toutes les créations de postes de magistrat inscrites en PLF, de sorte que quarante emplois vacants environ étaient constatés en début d’année juridictionnelle. Ces vacances étaient particulièrement sensibles dans les juridictions les plus importantes, qui sont soumises au turn-over. Grâce à une politique de recrutement plus dynamique, le niveau des vacances a été mieux maîtrisé. Ainsi, au 1er octobre 2010, les juridictions ne comptaient plus que seize postes vacants : deux en moyenne par juridiction, à l’exception du tribunal administratif de Versailles, qui en compte cinq. Même si la situation risque de se dégrader légèrement en cours d’année, l’ensemble des postes vacants devraient être pourvus après la prochaine vague d’affectations, qui interviendra le 1er juillet 2011. En effet, il est prévu de recruter dès le début de l’année prochaine quatre-vingt-dix nouveaux magistrats : neuf issus de l’ENA, treize au tour extérieur, vingt-six au titre des détachements, deux militaires, et quarante dans le cadre de concours complémentaires. Après une formation de six mois, ils seront affectés au centre de formation de la juridiction administrative. Le nombre de magistrats en activité dans le corps devrait alors permettre de porter de manière pérenne l’effectif des juridictions à hauteur de leur plafond d’emplois.

On m’a également demandé si les moyens humains étaient suffisants. La Cour nationale du droit d’asile, rattachée au programme depuis le 1er janvier 2009, a, depuis cette date, été confrontée à une croissance de plus de 15 % par an du contentieux, sans parler de la multiplication des demandes d’aide juridictionnelle. La conséquence directe est que le délai moyen de jugement de la Cour nationale du droit d’asile a atteint quinze mois en 2009, alors qu’il était prévu de le ramener à six mois en 2011. Dans la mesure où, comme le révèle le rapport d’information remis au mois d’octobre par vos collègues sénateurs MM. Bernard-Reymond et Frécon, cette progression du contentieux devrait durer, un plan d’action spécifique a donc été élaboré pour les années 2011-2013. Un protocole d’accord a été signé avec l’ensemble des représentants du personnel de la Cour nationale du droit d’asile pour répondre aux inquiétudes exprimées et inscrire les efforts engagés dans une perspective consensuelle. Le plan d’action doit permettre de revenir, à la fin de 2013, à un délai moyen de jugement de six mois. Il prévoit, d’une part, un renforcement significatif des moyens de la juridiction, d’autre part, une évolution des méthodes pour juger mieux, et davantage d’affaires.

Dès 2010, la Cour nationale du droit d’asile a bénéficié du concours de dix magistrats siégeant à titre permanent, et les effectifs des rapporteurs ont été portés de soixante-dix à quatre-vingt-quinze. le Gouvernement a prévu, par dérogation à la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, de poursuivre le renforcement des moyens alloués à la Cour, en créant dix emplois d’agent et dix emplois de magistrat en 2011, puis vingt emplois d’agent en 2012 et dix en 2013.

L’installation immobilière et les outils informatiques ont également été adaptés ; un audit sera mené au début de l’année prochaine afin de définir des modalités d’enrôlement des affaires plus efficaces, celles-ci requérant la présence simultanée des interprètes et des avocats. Comme le relève le rapport Bernard-Reymond et Frécon, la mobilisation des avocats est d’ailleurs une condition sine qua non du redressement de la situation de la Cour. L’ensemble de ces mesures doivent permettre de porter le nombre des décisions rendues chaque année de 20 000 en 2009 à 45 000 en 2013, et partant de ramener le délai moyen en deçà de six mois.

Le protocole d’accord signé le 22 octobre dernier avec l’ensemble des représentants du personnel inscrit cette démarche dans une perspective consensuelle. Les difficultés auxquelles la Cour nationale du droit d’asile est confrontée en raison de l’explosion du contentieux, et les évolutions liées à la réorganisation de la juridiction ont suscité, comme on peut le comprendre, l’inquiétude des agents, qui s’est notamment traduite par une grève le 19 octobre, suivie par quatre-vingt-neuf agents, soit 35 % du personnel. Le protocole signé le 22 octobre permet de répondre à leurs craintes et d’inscrire la démarche engagée dans une perspective nouvelle, qu’il s’agisse des possibilités d’évolution de carrière ou de l’organisation du travail.

Les effectifs sont-ils suffisants, notamment dans les tribunaux administratifs d’Île-de-France ? Afin de répondre à leurs difficultés toutes particulières, il a été décidé de créer, dans le projet de loi de finances pour 2009, un tribunal administratif ayant pour ressort la Seine-Saint-Denis, compte tenu, notamment, de la forte augmentation du contentieux dans ce département – plus 73 % entre 2002 et 2007, soit un taux de croissance annuelle de 11,5 %. Le tribunal administratif de Montreuil a ainsi accueilli ses équipes dès le 1er septembre 2009 et ouvert ses portes le 1er novembre. Dans le même immeuble ont été installés deux services du secrétariat général du Conseil d’État : le centre de formation de la juridiction administrative et la direction des systèmes d’information.

La création du tribunal administratif de Montreuil a permis de décharger, dès la fin de 2009, le tribunal de Cergy-Pontoise, donc de mieux répartir le contentieux via un redécoupage géographique des ressorts entre ce dernier tribunal et celui de Versailles. Compte tenu du plafond d’emplois de la juridiction administrative en 2009, le tribunal de Montreuil a commencé son activité avec sept chambres ; mais il en compte dix depuis le 1er septembre 2010 et des renforts supplémentaires sont encore prévus l’année prochaine. Cette montée en puissance de la juridiction devrait lui permettre de ramener son délai moyen de jugement d’un an et six mois à environ un an.

Les effets de la création de ce tribunal se font également sentir au sein des autres juridictions franciliennes. Dans les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Versailles, les délais de jugement ont respectivement été réduits de plus de cinq mois et d’un mois ; quant aux stocks d’affaires, ils ont respectivement baissé de 45 % et de 20 %. Le redressement du tribunal administratif de Paris est lui aussi en bonne voie, puisque les délais de jugement ont été ramenés d’un an et six mois à neuf mois en 2009 et devraient atteindre huit mois en 2010. Le stock d’affaires a, pour sa part, été réduit de 60 % pendant la même période. La situation la plus délicate est celle du tribunal administratif de Melun, qui n’a pu que stabiliser ses délais de jugement aux alentours d’un an et deux mois. La création d’une chambre supplémentaire est prévue en 2011.

La situation, bien que difficile, a donc tendance à s’améliorer. Quant à l’évolution des recrutements, les besoins en personnels pour 2011-2013 ont été estimés – hors projet de réforme – sur la base, d’une part, de l’évolution des missions de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, de l’autre, des départs en retraite. Cette analyse révèle l’importance déterminante du recrutement des magistrats des juridictions financières à l’issue de la scolarité à l’ENA, ainsi que l’importance du recrutement des personnels d’appui au contrôle, lesquels sont, pour l’essentiel, accueillis en détachement.

Depuis plusieurs années, les missions des juridictions financières n’ont cessé de s’élargir : réforme budgétaire et comptable, certification des comptes de l’État, développement des contrôles communs à la Cour des comptes et aux chambres régionales, développement des missions de conseil auprès du Gouvernement et du Parlement, contrôle élargi des organismes faisant appel à la générosité publique. Le projet de loi portant réforme des juridictions financières étend encore ces missions, notamment en matière d’évaluation des politiques publiques.

Il convient par ailleurs d’anticiper les départs en retraite prévus lors des prochaines années dans ces juridictions, la moyenne d’âge des magistrats de la Cour des comptes étant de cinquante-trois ans et neuf mois, et celle des magistrats des chambres régionales de cinquante et un ans. Avec dix-sept départs en retraite à la Cour des comptes et seize dans les chambres régionales, ce sont donc 6,5 % des membres en fonction dans ces juridictions qui seront partis à la retraite en 2010.

Qui plus est, pour la période 2011-2013, il y aura vingt-cinq départs cumulés à la Cour des comptes et vingt-huit dans les chambres régionales, soit cinquante-trois au total. Pour répondre aux besoins, les moyens budgétaires seront maintenus. Les élèves de l’ENA achevant leur scolarité en mars 2011 se verront offrir quatre postes d’auditeur à la Cour des comptes et quatre postes de conseiller dans les chambres régionales ; deux postes de magistrat à la Cour des comptes et trois postes de magistrat dans les chambres régionales seront également offerts aux officiers. Compte tenu de ses nouvelles missions, la Cour des comptes s’attachera aussi à recruter, par contrat, des experts en certification de haut niveau et à maintenir le niveau de recrutement des rapporteurs à temps complet, au vu de la programmation des travaux des sept chambres.

Afin de faire face à l’extension des mission de la Cour à l’horizon 2011-2012, et de réformer l’organisation de la fonction de greffe, il est enfin prévu de transformer dix emplois de catégorie C en quatre emplois de catégorie A.

J’ajouterai un mot sur la pertinence de la multiplication des missions de certification. Vous le savez, un nouvel article de la Constitution a élargi à l’ensemble des administrations publiques les trois principes posés par l’article 27 de la LOLF concernant l’État, aux termes duquel les comptes « doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle [du] patrimoine et de [la] situation financière » de l’entité qui les produit. Pour ce qui concerne l’État, le cinquième alinéa de l’article 58 de la LOLF confie à la Cour des comptes le mandat permanent de s’assurer du respect de ces principes et d’en rendre compte dans un acte de certification annexé au projet de loi de règlement.

S’agissant des comptes de la sécurité sociale, la Cour des comptes a exprimé neuf positions sur les cinq comptes des branches et les quatre comptes des caisses et agences nationales concernées. Les comptes de 2009 ont fait, de sa part, l’objet d’une certification avec réserves, à l’exception des comptes de la branche vieillesse et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), qui ne sont pas certifiés.

Je n’ignore pas la position de certaines commissions de votre assemblée quant à la certification des comptes de collectivités – assistance publique ou hôpitaux, par exemple. Je crois pouvoir vous dire que l’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales n’est pour l’instant pas prévue dans le projet de loi portant réforme des juridictions financières.

Le taux d’annulation par les cours des jugements des tribunaux, monsieur Diefenbacher, sera conforme aux prévisions réalisées lors de l’élaboration du programme pour 2010 ; quant au taux d’annulation par le Conseil d’État des arrêts et décisions des tribunaux administratifs, s’il est légèrement supérieur aux prévisions, il demeurera à peu près identique à ce qu’il était en 2009. Ces taux d’annulation devraient continuer à décroître, pour s’établir à moins de 16 % en 2011 et à moins de 15 % en 2013.

Le taux d’annulation par le Conseil d’État des décisions de la Cour nationale du droit d’asile devrait être en moyenne inférieur à 3 % en 2011, 2012 et 2013, niveau difficilement à améliorer... Il convient toutefois de noter qu’en raison du faible nombre de dossiers portés devant la Cour de cassation, quelques annulations supplémentaires peuvent conduire à une forte variation de cet indicateur.

Enfin, je ne retracerai pas la chronologie du projet de loi portant réforme des juridictions financières : vous connaissez le travail accompli par le président Séguin puis par le président Migaud, ainsi que les délibérations de la Commission des finances et de la Commission des lois de votre assemblée. Le Gouvernement est résolu à faire avancer cette réforme.

M. René Dosière. Quand l’examinerons-nous ?

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. C’est la question la plus difficile. L’encombrement du calendrier parlementaire au cours de ces dernières semaines a décalé cet examen ; au surplus, je ne vous en fais pas mystère, deux dispositions sensibles adoptées par la Commission des lois n’ont, dans leur rédaction actuelle, pas recueilli l’assentiment du Gouvernement : il s’agit d’une part de la responsabilité des ministres devant la Cour – qui s’expose selon nous au risque d’inconstitutionnalité –, d’autre part des conditions de nomination au tour extérieur. Nous espérons apporter rapidement des solutions satisfaisantes afin d’inscrire ce texte à l’ordre du jour du Parlement.

M. Yves Censi, président. Merci, monsieur le ministre.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-huit heures vingt-cinq.

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