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Débats de la séance

Compte rendu
intégral

Commission des finances,
de l’économie générale et du plan

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration générale de la République

Commission élargie

Jeudi 12 juin 2008

(En application de l’article 117 du règlement)

Projet de loi de règlement des comptes
et rapport de gestion pour l’année 2007

Sécurité

Présidence de M. Didier Migaud et de M. Jean-Luc Warsmann

(La séance de la commission élargie est ouverte à neuf heures.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Madame le ministre, M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, et moi-même, au nom de la commission des finances, avons le plaisir de vous accueillir au sein de cette commission élargie qui portera, pour la première fois, sur la réalisation, en 2007, des objectifs assignés à la politique de sécurité. Ce débat aura donc un caractère quelque peu expérimental.

La conférence des présidents a en effet souhaité porter une plus grande attention à l’exécution des différentes missions budgétaires et consacrer plus de temps au contrôle et à l’évaluation : le projet de loi de règlement est une bonne occasion de le faire.

La procédure de la commission élargie a pour objet de favoriser un débat dynamique entre les ministres et les parlementaires grâce à des questions toniques et des réponses directes et précises. Le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Michel Diefenbacher, a préparé une note de présentation qui résume ses principales appréciations de la gestion de la mission « Sécurité ». Notre discussion pourra donc s’engager sans discours préliminaire. Il ne s’agit pas du reste de disséquer des tableaux de chiffres, mais d’apprécier dans quelle mesure la performance a été, en 2007, au rendez-vous des objectifs annoncés par le Gouvernement lors de la présentation du projet de loi de finances initiale.

Afin de ne pas perdre de temps, je cède aussitôt la parole à M. le président de la commission des lois, avant de la donner à M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial de la commission des finances, et à M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je tiens simplement à saluer également l’initiative de ce matin, qui est conforme à l’orientation générale visant à renforcer le travail de contrôle du Parlement.

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour la mission «Sécurité ». Je tiens tout d’abord à me féliciter de la gestion de la mission Sécurité pour 2007, qui ne fait pas apparaître d’écarts significatifs avec les inscriptions budgétaires – c’est un point qui mérite d’être souligné. Nous devons toutefois réfléchir à la façon d’améliorer encore les conditions d’utilisation des ressources consacrées à la mission Sécurité.

Ma première question portera sur l’exécution de la LOPSI 1 – loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure – qui arrive à son terme. Chacun le reconnaîtra, elle a permis d’engager des moyens supplémentaires importants et d’améliorer les résultats obtenus par les services de police et de gendarmerie, notamment en termes de diminution de la délinquance et d’augmentation des taux d’élucidation. Vous serait-il possible de préciser ceux des grands objectifs fixés par la LOPSI qui vous paraissent avoir été le mieux remplis ? De même, qu’en est-il des résultats de la loi d’orientation et de programmation en matière de développement de la police scientifique et technique ? Les opérations, toujours douloureuses, de redéploiement de la police et de la gendarmerie se sont-elles traduites par une meilleure utilisation des effectifs et par une amélioration des résultats ? Les départements qui ont été l’objet de ces redéploiements ont-ils connu, notamment en matière de régression de la délinquance, des résultats meilleurs que les autres ? Quels enseignements généraux peut-on tirer de la mutualisation des moyens de la police et de la gendarmerie, qui était l’un des grands objectifs de la LOPSI 1 ?

J’ai par ailleurs souligné, dans mon rapport sur la loi de finances initiale pour 2008, le problème récurrent, pour les services de police et de gendarmerie, de la garde statique. Nous sommes tous conscients du caractère inévitable d’un grand nombre de ces gardes, directement liées à la mission de souveraineté de l’État. Pour autant, on ne peut s’interdire de penser que le fait que 2 000 militaires soient occupés de façon permanente à ces activités, représente une charge trop lourde pour la gendarmerie. Peut-on limiter ce nombre, grâce notamment aux possibilités offertes par la vidéosurveillance ou par l’externalisation ? Des expérimentations ont-elles eu lieu en la matière en 2007 ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Je tiens tout d’abord à me réjouir à mon tour de cette « première ». En effet, l’examen détaillé, auquel vous souhaitez procéder, de la mise en œuvre des lois de finances est aussi utile au ministre qu’au Parlement. Il est bon qu’à l’occasion d’un débat contradictoire, nous puissions faire le point sur le sujet.

Le bilan de 2007 est favorable tant en matière de réduction de la délinquance que d’exécution de la LOPSI 1.

La délinquance a connu une régression sensible, puisque le recul est de 3,66 % pour la délinquance générale et de 7,29 % pour la délinquance de proximité. Ces pourcentages peuvent sembler abstraits : ils signifient concrètement – et c’est cela qui intéresse nos concitoyens –128 000 victimes de moins, notamment de vols à la tire avec violence, de vols de véhicules ou d’autres types de cambriolages.

De plus, la tendance favorable n’a fait que s’accentuer au fil des mois. Il suffit pour s’en rendre compte de comparer les résultats des deux semestres de 2007 : la délinquance générale a reculé de 2,5 % au premier semestre et de 4,8 % au second tandis que la délinquance de voie publique a baissé de 5,15 % au premier semestre et de 9,5 % au second. Ces bonnes performances ont perduré au début de 2008, puisque le bilan de juin 2007 à juin 2008 est encore meilleur : la délinquance générale recule au cours de cette période de 3,28 %, celle de proximité de 8,6 % et les violences aux personnes de 1,06 %. Parallèlement, le taux d’élucidation, qui permet, à la fois, de rendre compte de l’efficacité des services de police et de gendarmerie et de rendre une première justice aux victimes, avant même que l’institution judiciaire ne se soit prononcée – il est important pour la victime de savoir que celui qui lui a causé un dommage a été interpellé –, a également progressé : il a atteint 36,11 % en 2007, soit une amélioration de deux points, et il est passé à 37,17 % lors des douze derniers mois, contre 22 % en 2001. L’écart est donc considérable. Il faut y insister parce qu’il s’agit non seulement d’une première justice rendue aux victimes, mais également d’un important facteur de dissuasion pour les délinquants potentiels.

Ce sont toutefois, vous l’avez noté monsieur le rapporteur spécial, les résultats obtenus dans la lutte contre les violences aux personnes qui sont les plus importants. Ils représentent en effet un autre sujet de satisfaction puisque, en 2007, pour la première fois depuis douze ans, ces violences ont diminué de 0,21 %, soit 900 victimes de moins, notamment de violences dites crapuleuses – vols avec violence ou vols avec armes – qui elles-mêmes ont reculé de 11 %.

La présence dissuasive des forces de l’ordre, l’accroissement du nombre des interpellations et l’amélioration de l’efficacité des enquêtes ont, de toute évidence, fortement contribué à un tel résultat.

Le véritable intérêt des chiffres est de montrer l’évolution des actes de délinquance : certains secteurs de la délinquance peuvent être en baisse et d’autres en hausse. À cet égard, je m’inquiète de la persistance des violences non crapuleuses et de celles associées au sport.

Les violences non crapuleuses, c'est-à-dire, pour l’essentiel, celles commises au sein de la famille ou, plus largement, de la sphère privée, sont en augmentation de 6,1 %, les violences sexuelles augmentant pour leur part de 1,7 %. Pourquoi ? Les fiches qui m’arrivent chaque jour sur le sujet m’inclinent à voir dans l’alcool un facteur important. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à l’Observatoire national de la délinquance – OND – d’établir un rapport sur la corrélation entre la consommation d’alcool et ce type de violences.

S’agissant des violences – au caractère, il est vrai, cyclique – associées au sport, notamment au football, dont nous avons encore eu des exemples récents, j’ai pris, vous le savez, des mesures très fortes, tout en réunissant les présidents de la Ligue, de la Fédération et des principaux clubs en vue de mener une action commune. Par ailleurs, la LOPPSI 2 – loi d’orientation et de programme pour la performance de la sécurité intérieure –, que le Parlement examinera à l’automne, prévoira un renforcement des sanctions et des mesures administratives de prévention afin de lutter efficacement contre ce phénomène.

Quant à la police scientifique et technique, elle est, vous le savez également, une de mes priorités : la LOPPSI 2 la renforcera considérablement. Aujourd'hui, le fichier national automatisé des empreintes génétiques – FNAEG – initialement cantonné à la seule délinquance sexuelle, couvre la majeure partie des crimes et délits. Il contenait, fin 2002, 2 500 traces : il en compte 800 000 aujourd'hui. Cette augmentation est d’autant plus significative que ce fichier, tous les mois, permet d’élucider quelque 600 affaires et enregistre 36 000 nouveaux profils. Cela dit, il doit être modernisé. À cette fin, il vous sera proposé de lui octroyer 10 millions d’euros de crédits lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009.

Le fichier automatisé des empreintes digitales est utilisé, quant à lui, depuis 1995 et, à ce jour, 2,9 millions d’individus y sont inscrits. Les moyens de transmission représentent une part importante de son efficacité puisque, à l’heure où je vous parle, 303 bornes sont raccordées au site central, ce qui garantit la rapidité de la transmission des indications et leur préservation automatique. Toutefois, la technique est aujourd'hui obsolète. Il nous faut prendre en compte des normes internationales et intégrer les empreintes palmaires pour une meilleure sécurité. Une version plus performante, permettant l’interconnexion avec, notamment, les autres polices européennes, devra être mise en œuvre avant la fin de l’année 2008 pour un coût s’élevant à 40 millions d’euros. La LOPPSI 2 sera l’occasion d’approfondir encore notre politique dans ce domaine.

La vidéo-protection, qui est un outil à la marge de la police scientifique et technique, est un élément important de dissuasion, si j’en crois les témoignages de maires qui constatent, dans leur ville une baisse extrêmement sensible de la délinquance là où ils l’ont installée. Nous avons toutefois un grand retard en la matière : afin de le combler, j’ai lancé à l’automne 2007 un plan d’équipement en vidéo-protection avec pour objectif le triplement en deux ans du nombre de caméras sur la voie publique, ce qui nous laissera d’ailleurs encore très loin du taux atteint par certains pays européens.

J’ajoute que le ministère de l’intérieur assumera intégralement le financement du renvoi des images collectées par les municipalités vers les commissariats de police et les casernes de gendarmerie, ce qui est un point important, car ce renvoi peut permettre à la police nationale ou à la gendarmerie d’intervenir immédiatement sur des actes de délinquance, les images pouvant également se révéler une aide précieuse dans l’élucidation d’autres actes. Le nombre de raccordements a déjà quadruplé depuis l’automne, et plus de 220 raccordements seront effectués avant la fin de l’année 2008. Nous avons donc beaucoup avancé en la matière.

Les redéploiements se sont, quant à eux, effectués dans de bonnes conditions, en dépit des craintes qu’ils ont pu susciter ici où là – il convient de le reconnaître – dans la police et la gendarmerie. Le système actuel est bon. Il n’est donc pas question de procéder à un nouveau mouvement de cette ampleur. Toutefois, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, dans la mesure où la démographie française évolue, il conviendra naturellement de procéder à de nouveaux ajustements.

En ce qui concerne les gardes statiques, qui constituent un vrai problème, je souhaite pouvoir utiliser au mieux de leur fonction, c'est-à-dire dans leur cœur de métier, les policiers et les gendarmes.

La gendarmerie paie un lourd tribut aux gardes statiques puisque celles-ci mobilisent plus de 2 000 emplois équivalent temps plein contre 2 300 – il convient tout de même de le souligner – dans la police, pour la garde, en particulier, des palais nationaux, des principaux ministères et des emprises diplomatiques les plus menacées, c'est-à-dire celles des États-Unis, d’Israël ou du Royaume-Uni.

J’ai demandé une révision du dispositif de façon justement à recentrer, dans toute la mesure du possible, ces gendarmes et ces policiers sur leur cœur de métier. Nous avons d’ores et déjà prévu de réexaminer l’emploi de 650 ETP, et nous réexaminons les dispositifs de sécurité des palais nationaux en recourant notamment à la vidéo-protection, après avoir demandé un audit au GIGN.

J’ai également demandé à M. Hervé Morin, ministre de la défense, de réfléchir aux possibilités de réduction des effectifs de gendarmerie affectés aux gardes statiques, fût-ce en recourant à des entreprises privées. Un audit a été lancé sur le sujet. Comme vous pouvez le constater, nous n’excluons rien en la matière.

Enfin, Mme Rachida Dati et moi-même procédons à la révision du dispositif du palais de justice de Paris, avec un gain escompté de 100 personnes sur les 540 qu’il mobilise, ce qui est un chiffre significatif, compte tenu du besoin d’assurer une présence minimale en ce lieu en raison de sa nature particulière.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Madame le ministre, évoquez-vous également avec Mme la garde des sceaux la question des transfèrements ?

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Tout à fait.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Au-delà du problème des gardes statiques, en effet, les transfèrements mobilisent, dans certains départements, un très grand nombre de gendarmes. Est-ce bien utile ?

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. C’est un problème dont je m’étais occupée en tant que ministre de la défense. Nous avions alors réussi, en réorganisant le dispositif, à réduire le nombre de gendarmes mobilisés par les transfèrements – nous avions notamment concentré ceux qui se déroulent la même journée. Les techniques de la vidéotransmission et une révision générale de toutes les missions indues devraient nous permettre d’aller encore plus loin. Cela implique des aménagements, notamment dans les prisons, mais il existe une volonté conjointe d’agir en la matière.

Le gain escompté s’élèverait à quelque 500 ETP, soit une réduction, pour la gendarmerie, de l’ordre de 25 % du poids de la mission des gardes statiques.

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial. Vous avez commencé à lever le voile sur la LOPPSI 2 : pouvez-vous nous en dire davantage, sans déflorer pour autant le sujet, notamment en ce qui concerne les effectifs ?

Voilà cinq ans, la mise à niveau des effectifs de la police et de la gendarmerie répondait à un fort besoin : elle a été en grande partie réalisée. La LOPPSI 2 s’ouvre dans un contexte un peu différent, celui de la limitation des effectifs de la fonction publique, avec le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Entrevoit-on déjà les conditions dans lesquelles cette nouvelle gestion des effectifs s’appliquera aux services de police et de gendarmerie ? De nouvelles mutualisations ou de nouveaux procédés d’intervention sont-ils envisagés ?

Lors de la préparation de la loi de finances initiale un sujet avait été évoqué dont je n’ai plus entendu parler depuis : il s’agissait de la possibilité de réorganiser les moyens d’intervention en matière d’ordre public avec la création de compagnies de sécurisation zonales, qui devaient présenter une avancée significative du double point de vue opérationnel et de la bonne utilisation des moyens. Ce projet a-t-il été abandonné ou est-il au contraire l’un des éléments de la prochaine LOPPSI 2 ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la mission « Sécurité ». Je tiens à revenir sur certains des chiffres que vous avez évoqués, qui sont toujours bons à rappeler en matière de prévision et de réalisation.

Le premier concerne les violences aux personnes qui, pour la première fois depuis douze ans, ont reculé en zone police, mais non en zone gendarmerie. Dispose-t-on d’éléments d’analyse qui nous permettraient de comprendre cette différence ? Si nous sommes parvenus à cette baisse en zone police, c’est qu’un travail d’analyse en profondeur de ce type de délinquance, en vue de la prévenir ou de la combattre, a produit ses effets. Or la gendarmerie a engagé la même réflexion : a-t-on des raisons plus ou moins objectives d’expliquer cette différence entre les deux zones ?

Par ailleurs, en ce qui concerne la situation de la gendarmerie au regard de la LOSPI 1, vous aviez affirmé, lors de la présentation du budget de la gendarmerie pour 2007, que la réalisation de la programmation souffrait d’un retard accumulé équivalent à près d’une année et qu’un effort était à cet égard prévu. Or si ce budget connaît un très bon taux d’utilisation des crédits de paiement, en revanche, en ce qui concerne les autorisations d'engagement, le pourcentage n’est plus que de 54 % par rapport aux prévisions. Le report des autorisations d’engagement aurait-il été rendu nécessaire par une accumulation de délais ne permettant pas de tout récupérer en une année – il serait dans ce cas tout à fait compréhensible – ou certains projets auraient-ils été abandonnés ? Quelles conséquences devrons-nous tirer, selon la réponse qui nous sera apportée en matière de capacités opérationnelles de la gendarmerie ?

De plus, l’action « Ordre public et protection de la souveraineté » a fait l’objet, dans les prévisions de dépenses, d’une sous-estimation dans le rapport annuel de performances puisque la dépense exécutée est supérieure de 10 % à la dépense prévue, ce qui n’est pas négligeable. A quoi cette différence, qui atteint 100 millions d’euros, est-elle due ? Devons-nous y voir, par exemple, une éventuelle baisse de la contribution des CRS à des missions de sécurité publique ?

Ma dernière question prolonge celle de M. Diefenbacher sur la LOPSI : il n’est pas inutile de rappeler que celle-ci a permis la création nette de 12 000 emplois, ce qui n’est pas rien. Ainsi, à la fin de l’exercice 2007, l’équivalent temps plein est de 148 410 emplois dans la police nationale et de 100 410 dans la gendarmerie. Compte tenu du contexte évoqué brièvement par M. le rapporteur spécial, la prochaine LOPPSI stabilisera-t-elle ou modifiera-t-elle la répartition des forces ? L’objectif de la LOPPSI 2 sera-t-il d’accroître l’efficacité et la performance des forces de sécurité intérieure, comme vous l’avez déjà annoncé depuis plusieurs mois ? Où en seront, enfin, les programmations d’effectifs ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Madame le ministre, pouvez-vous également faire le point du paiement des heures supplémentaires – dossier sensible entre tous ? Je souhaiterais également obtenir des précisions quant à la durée moyenne du travail des policiers et des gendarmes.

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Par souci de cohérence, je répondrai à la question relative aux chiffres de la violence passée, avant d’évoquer la LOPPSI 2.

En ce qui concerne les violences faites aux personnes en zone gendarmerie les chiffres, c’est vrai, sont moins bons qu’en zone police. La situation s’est même dégradée encore à la fin de l’année 2007 et au début de l’année 2008 – je ne suis pas là pour travestir la réalité.

Si les chiffres de la délinquance sont moins bons en zone gendarmerie, la raison en est double.

La première tient aux escroqueries sur Internet et à la carte bancaire. Nous avons démantelé plusieurs réseaux, mais – je le dis aux élus locaux que vous êtes par ailleurs – il serait bon de réfléchir au moyen de mettre en garde les personnes contre ce phénomène. Les réseaux impliqués, notamment issus de l’Europe de l’Est, ciblent en effet les zones gendarmerie avec l’idée, peut-être, que l’on est moins méfiant en zone rurale.

La seconde raison a trait aux violences faites aux personnes, notamment au sein de la famille – l’alcool, que j’ai déjà évoqué, n’est pas le seul facteur : il y a aussi les violences incestueuses. Mon sentiment est que ces pratiques existaient par le passé, mais n’étaient pas dénoncées. Le fait que l’on aborde davantage le problème aujourd'hui, a libéré la parole. Ce phénomène a commencé en zone urbaine, où désormais les chiffres baissent, avant d’atteindre les zones rurales, où la gendarmerie enregistre aujourd'hui un plus grand nombre de plaintes dans ce domaine, d’autant que les efforts qu’elle a fournis en matière d’accueil des victimes, notamment des enfants, ont eu un effet incitatif supplémentaire. Je surveillerai de très près l’évolution de la situation dans les mois et les années à venir afin d’évaluer l’efficacité des dispositifs, mais l’explication que j’ai fournie me paraît évidente.

Monsieur Geoffroy, vous m’avez également interrogée sur la réalisation de la LOPSI en ce qui concerne la gendarmerie. Je tiens tout d’abord à rappeler que je n’ai pas obtenu l’annualisation que j’avais demandée dans le cadre de la LOPSI 1, certaine que cette annualisation aurait permis au Parlement, comme au ministre, de suivre avec une plus grande précision la réalisation des objectifs fixés. Son absence peut expliquer un retard de réalisation, qui est de l’ordre de six mois plutôt que d’une année. Nous le rattrapons aujourd'hui.

Quant au décalage que vous avez signalé entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, il répond tout simplement à un souci de vérité : en l’absence de crédits de paiement, il n’est pas raisonnable d’ouvrir des autorisations d'engagement. La différence est venue, en particulier, du report de 2007 sur 2008 de deux importantes opérations immobilières concernant, la première, le siège de la DGGN à Issy-les-Moulineaux et, la seconde, la caserne de Lyon-Sathonay.

Vous avez également évoqué l’action 01 : « Ordre public et protection de la souveraineté » : il faut bien voir que les estimations faites en début d’année doivent le plus souvent être ajustées. La Coupe du monde de rugby a joué un rôle important en la matière puisque le maintien de l’ordre à cette occasion a représenté 6 559 jours fonctionnaires pour la direction centrale de la sécurité publique, 9 766 pour la préfecture de police et 14 280 pour les CRS. Du reste, cela n’a pas été en pure perte puisque cet événement sportif s’est déroulé dans une excellente ambiance – il est vrai qu’il s’agissait de rugby... (Sourires.)

S’agissant du paiement des heures supplémentaires, la tension entre les officiers de police et l’administration du ministère était forte car, dans le cadre du protocole de 2004, celle-ci avait prévu d’appliquer un abattement sur le nombre des heures supplémentaires. C’est pourquoi, souhaitant apurer tout le passif dans des conditions de totale transparence et d’honnêteté vis-à-vis des fonctionnaires qui avaient effectué ces heures, j’ai refusé tout abattement et nous avons pu signer un protocole additif au protocole de 2004 après de nombreux échanges avec les syndicats du personnel. Une première tranche d’heures supplémentaires a été mise en paiement à l’automne sur le principe du volontariat – les fonctionnaires ayant eu le choix entre le paiement ou la récupération des heures supplémentaires. La moitié des officiers de police a choisi le paiement, ce qui est une indication sur la motivation des personnels concernés à l’égard de leur métier.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Quelle est la durée moyenne de travail des policiers et des gendarmes ? Vous avez évoqué la question des officiers. Qu’en est-il des agents ? Font-ils des heures supplémentaires et les récupèrent-ils ? Existe-t-il une statistique en la matière ?

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Il n’en existe pas.

J’ai toutefois le sentiment que les agents préféreront demander le paiement de leurs heures supplémentaires, mais c’est une simple intuition.

La LOPSI 1 avait pour objectif d’augmenter les effectifs, qui sont aujourd'hui en nombre suffisant. Aussi les priorités de la LOPPSI 2, telles que je les conçois, seront-elles au nombre de trois : anticiper les évolutions de la délinquance, car un ministère moderne n’agit pas le nez dans le guidon ; augmenter les moyens de la police scientifique et technique ; disposer d’un éventail de moyens correspondant aux différents cas de figure sur le terrain.

Augmenter les moyens de la police scientifique et technique est indispensable car, ainsi que je l’ai montré, cela permet d’obtenir de bien meilleurs résultats. Je veux développer ce domaine en faisant de la police scientifique et technique de masse. Aujourd'hui, nous l’utilisons essentiellement pour les crimes ainsi que pour les délits les plus graves : je souhaite utiliser ces techniques même pour les petits vols ou les vols de voiture, puisque les taux d’élucidation augmentent considérablement, ce qui aura un effet de dissuasion et entraînera une baisse globale de la délinquance.

J’ai évoqué le développement et la modernisation du fichier national automatisé des empreintes génétiques et du fichier automatisé des empreintes digitales. Je souhaite également donner aux laboratoires de police scientifique d’Île-de-France le cadre immobilier dont ils ont besoin. Aujourd'hui, tous ces services sont éparpillés dans des locaux souvent indignes. J’ai donc décidé dès mon arrivée de reloger sur un site unique à la fois le laboratoire de police scientifique de Paris, le laboratoire central de la préfecture de police et le centre des technologies de la sécurité intérieure, et je souhaite dans le même temps, procéder au transfert de l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale à Pontoise. Tous les services de police scientifique de Paris seraient donc regroupés dans la région parisienne, probablement à Ivry-sur-Seine – les discussions sont en cours –, et c’est également dans la région parisienne que serait installé l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale. Ce sont des projets importants, puisque le coût total s’élève à 240 millions d’euros, dont 110 millions pour la police nationale et 114 millions pour la gendarmerie nationale.

Étendre l’utilisation de la police scientifique à tout le champ de la délinquance implique d’avoir davantage de personnel formé en la matière : j’ai prévu 1 100 policiers opérateurs en criminalistique et 1 500 policiers polyvalents supplémentaires, capables d’effectuer les investigations techniques, ce qui portera leur nombre total à 8 000 en 2010. Dans la gendarmerie, 1 800 nouveaux techniciens en identification criminelle de proximité seront également mis en place. Telles seront du moins les propositions de la LOPPSI 2.

Parallèlement, je pense développer un système de préplainte en ligne afin de permettre à un internaute qui a été victime d’un délit de faire une prédéclaration sur un portail unique de la police et de la gendarmerie avant d’être convoqué dans les meilleures conditions avec le moins de perte de temps et le plus de discrétion possibles pour déposer sa plainte. J’ai retenu deux départements pilotes pour une expérimentation d’une durée de six mois – l’un en région parisienne et l’autre en province – : les Yvelines et la Charente-Maritime. Ce projet a reçu un avis favorable de la CNIL et sera prochainement soumis pour avis au Conseil d’État.

Je veux également lutter de façon plus efficace contre la cybercriminalité, qui est en pleine croissance. C’est pourquoi j’ai l’intention de doubler le nombre de cyberenquêteurs, formés spécifiquement, avec la création, au sein de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, d’un groupe consacré aux escroqueries sur Internet, afin de répondre à leur développement, notamment en zone gendarmerie. Le signalement des sites illicites sera encore amélioré par rapport à ce que j’ai pu dire hier dans ma réponse à une question d’actualité.

En ce qui concerne la troisième priorité de la prochaine LOPPSI – disposer d’un éventail total des moyens permettant de lutter contre les différentes situations de crise possibles –, s’il n’est absolument pas question de remettre en cause l’actuel maillage police-gendarmerie du territoire, j’ai décidé de créer des unités territoriales de quartier, qui auront pour objectif de répondre aux besoins spécifiques de certains quartiers difficiles, grâce à un travail d’enquête et, éventuellement, d’intervention. J’ai créé les trois premières unités territoriales de quartier en Seine-Saint-Denis au mois d’avril, après les avoir annoncées fin janvier. D’autres le seront avant la fin de l’année à Marseille, où je me rendrai prochainement, et à Toulouse. Une centaine d’unités territoriales sont prévues à terme.

Nous tenons également à pouvoir répondre à des montées localisées de la violence, comme il s’en produit parfois dans les quartiers : c’est à cette situation que répondra la création des compagnies de sécurisation, unités polyvalentes d’une centaine d’hommes spécialement formés. Elles auront pour mission, outre la prévention, de lutter contre les violences urbaines limitées, en appui des unités locales en investigation judiciaire. Il s’agit d’assurer la sécurité dans une logique d’agglomération. Situées dans des villes considérées comme particulièrement sensibles, elles pourront intervenir dans une autre ville du département, voire, très exceptionnellement, en cas de besoin, à l’extérieur du département, notamment aux frontières de celui-ci. En cas de violence généralisée, il sera toujours fait appel aux compagnies de CRS ou aux gardes mobiles. Il s’agira, pour la première fois, d’un dispositif complet, l’éventail allant du maillage territorial à la couverture de situations particulières.

Le coût de la première compagnie de sécurisation sera de 1,4 million d’euros mais, au fur et à mesure de la mise en place des modules, le montant devrait baisser pour atteindre 1 million d’euros. Il est prévu de créer à terme vingt-trois compagnies.

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial. Il s’agit donc de compagnies départementales et non plus zonales, comme cela avait été initialement prévu.

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Effectivement basées dans une ville d’un département, ce qui leur permettra d’acquérir une connaissance de proximité, elles pourront être appelées en cas de besoin dans une autre ville du département, voire, exceptionnellement, en dehors.

M. Christian Vanneste. Vous me permettrez de prendre le problème par le petit bout de la lorgnette, c'est-à-dire en me fondant sur l’expérience que le parlementaire a de sa circonscription.

Je me rappelle avoir voté, en 2002, dans le cadre de la première LOPSI, la création de 6 500 nouveaux policiers et de 7 000 nouveaux gendarmes, soit la création de 13 500 postes, ce qui fait d’ailleurs plus que les 12 000 évoqués par M. Geoffroy : 1 500 postes ont disparus, ce qui explique peut-être que pas un seul n’ait été créé dans la circonscription de police qui correspond à ma circonscription électorale. Nous avons même perdu des policiers – sans même parler des agents de sécurité. Si je fais l’addition de tous les postes perdus, j’arrive à quatre-vingt, ce qui est considérable sur un effectif de 400. On comprend ainsi que le journal Le Figaro ait pu attribuer dans son classement, peut-être discutable, une place épouvantable à ma circonscription. Certes, j’ai lu que la mise en application des 35 heures au 1er janvier 2003 avait supprimé 10 % des horaires, mais non des effectifs ! Où sont donc passés les postes que nous avons créés en 2002 ? Tous, en Seine-Saint-Denis ? J’ai un doute. Pourrais-je avoir des explications ?

Vous avez également évoqué la vidéosurveillance, en insistant sur le fait que nous sommes et demeurerons en retard en la matière. Encore faut-il connaître l’importance de ce retard. En Grande-Bretagne, les caméras se comptent par millions – elles sont 4 millions –, en France par dizaines de milliers. Le retard est donc gigantesque ! Le rattrapage mis en œuvre n’est-il donc pas totalement insuffisant ? Ne faudrait-il pas un plan exceptionnel d’urgence afin de l’accélérer ?

Certaines synergies existent déjà entre des collectivités territoriales, notamment dans les Alpes-Maritimes ou le Var où, systématiquement, l’équipement d’une ville est subventionné à hauteur de 50 % par le département, ce qui me paraît une excellente chose. L’État devrait également intervenir de cette façon, en incitant à la création de réseaux de vidéosurveillance, d’autant qu’il y a toujours un avantage à rattraper son retard dans un domaine technique, car l’on profite alors de nouveaux appareils beaucoup plus performants que les anciens.

Abordant encore par le petit bout de la lorgnette la question des matériels, je me rappelle avoir évoqué avec beaucoup de tristesse, me trouvant dans le bureau de l’un de vos prédécesseurs, les voitures de la BAC – Brigade anticriminalité – qui témoignent des moyens que les policiers qui sont le plus sur le terrain ont à leur disposition pour lutter contre les gangsters. Or, disais-je au ministre, chez moi, la BAC dispose de deux Mondeo – aujourd'hui de deux Laguna – qui ont entre 140 000 et 160 000 kilomètres et qui doivent concurrencer des Audi, des BMW ou des Mercedes. L’idée, à l’époque, était de saisir les voitures des gros délinquants et de les remettre à la police pour résoudre ses problèmes de véhicules. Je n’ai jamais vu la moindre réalisation de cette idée originale.

En ce qui concerne la coordination des moyens de la police et de la gendarmerie, les difficultés de transmission entre l’une et l’autre en raison de l’utilisation de réseaux de communication différents et codés différemment me semblent se régler. On sait cependant que l’une des défaillances de la chaîne judiciaire observées dans l’affaire Fourniret tenait à l’absence de connexion entre le STIX et le JUDEX. Où en est aujourd'hui la synergie technique entre la police et la gendarmerie ?

Je souhaite également aborder des questions relatives aux différents domaines de la délinquance. J’observe en effet, sans vouloir faire de l’humour déplacé, que l’une des formes de délinquance qui progresse le plus – vous l’avez évoquée à propos des compagnies de sécurisation qui sont une excellente idée – s’exerce non plus dans les halls d’immeubles, la loi pour la sécurité intérieure ayant eu pour objectif d’y interdire les rassemblements, mais dans des « halls d’immeuble à ciel ouvert » – parkings, entrée de garages, pied des immeubles. Il s’agit toujours de réunions qui, de vespérales, deviennent nocturnes et sont généralement très arrosées – ce qui rejoint ce que vous disiez sur l’alcool –, perturbent le voisinage et finissent par des agressions et – forme de délinquance qui s’est développée ces dernières années et sur laquelle je souhaiterais que vous donniez des précisions – l’incendie de véhicules. Lorsque des voisins se plaignent du bruit, la répression ne vient pas de la police vis-à-vis des délinquants, mais des délinquants vis-à-vis des citoyens avec l’incendie des voitures de ces derniers.

De plus, ces rassemblements sont souvent liés à un phénomène qui, auparavant, était considéré comme à la base de la délinquance urbaine : la toxicomanie. On l’évoque assez peu parce qu’il s’agit d’une forme de délinquance grise : lorsqu’un individu fume ou deale, on ne va pas au commissariat pour porter plainte contre lui. Or, dans la circonscription où je suis élu, la toxicomanie, loin d’avoir diminué, a progressé de façon prodigieuse. Il y en a partout, notamment à l’entrée des collèges !

Vous avez évoqué à juste titre le développement de la cybercriminalité, qui prendra une ampleur considérable. Monsieur le président de la commission des lois, il faudra que nous réfléchissions au rapport entre protection de l’ordre public et exercice des libertés dans le domaine privé. L’ordinateur, en effet, a ceci de particulier qu’il apporte le monde entier chez vous : dès lors, où commence le domaine public et où finit le domaine privé ? Cette question se pose dans des domaines aussi graves que celui de la pédophilie, que combat Mme le ministre, ou celui du piratage des œuvres, auquel je m’intéresse particulièrement.

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Vous m’avez demandé où étaient passés les policiers. Ils sont passés là où étaient les plus forts déficits ou la plus forte délinquance, ce qui a abouti aux résultats que je vous ai donnés. Cela ne signifie pas que l’on ait réglé tous les problèmes : les chiffres de votre région ne sont effectivement pas bons, mais n’assiste-t-on pas à une levée de bouclier de la part des élus chaque fois qu’on veut leur retirer des effectifs de policiers ou de gendarmes, même si la présence de ces derniers n’est plus nécessaire, compte tenu des résultats obtenus ? Nous comptons bien, cependant, prendre en compte les besoins.

Le problème ne se pose pas seulement en termes d’effectifs. Les résultats en matière de lutte contre la délinquance tiennent évidemment pour beaucoup aux hommes et aux femmes policiers et gendarmes, mais pas exclusivement : les nouveaux moyens techniques jouent un rôle décisif – tel sera le sens de la LOPPSI 2 que je vous présenterai.

Du reste, en ce qui concerne la vidéosurveillance, s’il est vrai que nous avons pris un grand retard par rapport à certains pays, notamment la Grande-Bretagne, la qualité est un facteur tout aussi décisif que le nombre. Notre retard peut dès lors tourner à notre avantage, car les caméras actuelles sont d’une grande précision et permettent d’obtenir de bien meilleurs résultats que les anciennes – je pense notamment à l’assassinat, l’été dernier, d’une journaliste italienne, dont l’enregistrement sur une caméra de la RATP n’a pu être exploité car l’image n’était pas suffisamment précise. Il vaut mieux avoir moins de caméras mais d’excellente qualité.

Quant à la mise en œuvre de notre politique de triplement de caméras sur la voie publique, elle représente un effort important, qui n’interdit évidemment pas aux collectivités territoriales d’intervenir également. J’ai déjà eu l’occasion de l’annoncer : j’ai prévu, grâce à un fonds d’intervention, d’aider les collectivités en assurant notamment, dans un grand nombre de cas, la gratuité du raccordement du centre d’images municipal au commissariat ou à la gendarmerie. Il s’agit là d’une véritable incitation.

S’agissant du problème du matériel, notamment des véhicules, un gros effort a déjà été fourni. J’ajouterai que le principe de l’attribution aux forces de l’ordre des véhicules de certains délinquants existe bien. Nous sommes toutefois obligés d’attendre le jugement qui condamne les délinquants pour récupérer le véhicule. Or le jugement ayant lieu le plus souvent plusieurs années après l’immobilisation à la fourrière, il arrive fort rarement que de tels véhicules soient attribués, d’autant qu’il n’est pas certain qu’ils soient encore en état de fonctionnement.

J’avais constaté le manque de coordination des moyens de la police et de la gendarmerie en prenant en charge le ministère de la défense. Depuis, beaucoup a été fait, notamment dans l’accès aux fichiers. Aujourd'hui, nous cherchons à assurer, si possible à moindres frais, l’opérabilité entre les centres opérationnels et les acteurs sur le terrain, et à accélérer le développement des valises multiréseaux. Sur l’année 2008, la gendarmerie met en place une valise par département, indépendamment des réseaux Acropol et Antarès, qui sont devenus interopérables.

En ce qui concerne les actes de délinquance en zone urbaine que vous avez évoqués, le nombre des incendies de véhicules, notamment, est en baisse sensible, avec 6 000 véhicules incendiés en moins en mai 2008 par rapport à mai 2007 – cette baisse connaît même une certaine accélération. Je ne vous garantis pas que le phénomène se poursuivra. Toutefois, la diminution est sensible, y compris pour le réveillon du Nouvel An.

Il convient également d’obtenir plus de précisions sur les causes réelles de ces incendies : j’ai demandé à l’OND de réaliser une étude en vue de distinguer ce qui relève des fraudes aux assurances, de la propagation et des manifestations urbaines.

La drogue est ma priorité numéro un. J’ai réuni tous les préfets et les patrons de GIR pour leur demander de mettre à nouveau de façon prioritaire l’accent sur la lutte contre le trafic de drogue. Au cours des cinq premiers mois de l’année, nous avons triplé les prises par rapport à la même période de l’année dernière. La lutte contre tous les trafics, de proximité ou non, est donc menée.

Nous avons monté quelques opérations importantes dans certains quartiers sensibles à la suite de différents événements, ce qui nous a permis de perturber les réseaux d’économie souterraine liés à la drogue. J’ai bien l’intention de continuer. La drogue est en effet, à la fois un problème de santé publique qui concerne notamment la jeunesse, et un problème de société en raison de l’existence d’un commerce souterrain qui déstabilise les familles et toute la vie sociale. Un gamin qui rapporte, parce qu’il deale, cinq ou six fois plus d’argent à la maison que son père qui travaille, anéantit toute l’autorité familiale. Or l’absence de celle-ci entraîne la destruction de la cellule familiale et, de là, de la vie du quartier dans son ensemble.

Cette action est menée non seulement sur le territoire métropolitain, mais également aux Antilles où j’ai créé deux GIR, en Martinique et en Guadeloupe, où ce type de phénomène est lié aux réseaux secondaires de drogue en provenance d’Amérique latine : si les réseaux principaux ciblent l’Amérique du Nord ou l’Europe, un second réseau touche désormais l’arc antillais.

M. Christophe Caresche. Je souhaite tout d’abord rappeler les critiques que j’ai formulées dès le début sur les indicateurs utilisés par le rapport annuel de performance. En effet, vous retenez comme indicateur principal la délinquance sur la voie publique, contrairement à l’Observatoire national de la délinquance qui considère qu’un tel indicateur n’est pas significatif parce qu’il mêle des infractions de natures très différentes.

L’OND s’appuie désormais sur trois indicateurs : les atteintes aux biens, les atteintes à l’intégrité physique et les infractions économiques et financières. Il aurait été préférable d’harmoniser le rapport annuel de performances sur la base de ces trois indicateurs.

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Je suis tout à fait favorable à une telle harmonisation. Je le répète : ce qui m’intéresse dans les chiffres, c’est qu’ils permettent de suivre les évolutions de la délinquance, qui suivent celles de la société, donc de mettre l’accent sur tel ou tel phénomène en fonction de son actualisation.

M. Christophe Caresche. Si la délinquance de voie publique, indicateur central que vous appelez maintenant délinquance de proximité –...

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. C’est l’OND qui a choisi cette dénomination, pas moi.

M. Christophe Caresche. ...baisse de façon importante – de 8 % –, son taux d’élucidation augmente très faiblement.

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Je ne le conteste pas. C’est bien la raison pour laquelle je veux créer une police scientifique et technique de masse qui serve également à élucider les vols à l’arraché ou d’autres délits du même type.

M. Christophe Caresche. Je ne cherche pas, madame le ministre, à diminuer les mérites de la police en la matière, mais à montrer comment des phénomènes de délinquance, mesurés de façon quelque peu artificielle, peuvent conduire à nous interroger sur les performances de la police.

Le taux d’élucidation de la délinquance de voie publique, qui était en 2006 de 10,17 % – ainsi que cela figure à la page 38 du rapport annuel de performance –, est passé en 2007 à 10,88 % : c’est donc l’un des taux d’élucidation qui a le moins progressé alors que la délinquance correspondante, elle, a beaucoup diminué. Nous sommes en droit de nous demander pourquoi. Je n’en fais pas reproche, puisque la grande faiblesse des taux d’élucidation de la délinquance de voie publique est une constante. Toutefois, si la délinquance de voie publique diminue considérablement, c’est que l’agrégat qu’elle constitue comporte un type d’infractions qui diminue considérablement depuis plusieurs années, celles relatives à l’automobile, en raison d’une meilleure sécurisation des véhicules et des biens en général.

La raison de la diminution de ce type de délinquance n’est donc pas directement liée à l’action de la police mais, je le répète, à une meilleure sécurisation des biens – c’est du reste très bien comme cela.

En revanche – j’en viens à un élément très positif – nous ne pouvons qu’être satisfaits de constater que les taux d’élucidation des violences aux personnes sont en augmentation, alors même que ce type de délinquance continue d’augmenter.

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Elle diminue pour la première fois. Et la baisse s’accentue.

M. Christophe Caresche. Les violences crapuleuses peut-être, mais pas les violences non crapuleuses. Disons que ce type de délinquance se stabilise.

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Non, elle diminue de plus en plus.

M. Christophe Caresche. Il n’en reste pas moins que le taux d’élucidation augmente de façon assez significative puisqu’il est passé de 51,96 % en 2005 à 53,27 % en 2006 et à 56,20 % en 2007. L’efficacité de la police semble donc s’être améliorée pour élucider les violences contre les personnes, alors qu’elle demeure très faible en matière de délinquance de proximité, dont le taux d’élucidation, je le répète, loin d’avoir progressé, reste à un niveau très faible, de quelque 10 %.

Je pense du reste que, puisque vous avez évoqué récemment la police de quartier, vous avez compris qu’un effort était à fournir pour ce type de délinquance – dont j’ai expliqué les raisons de la diminution –, tout en poursuivant les efforts engagés pour combattre les violences contre les personnes. Vous avez d’ailleurs insisté de façon tout à fait légitime sur les violences intrafamiliales. Un effort très important est donc à fournir en matière de délinquance de proximité, donc de police de proximité. Je ne peux que vous inciter à vous engager pleinement dans cette direction.

En ce qui concerne les taux d’élucidation des escroqueries et des infractions économiques et financières, la baisse est assez sensible. Toutefois, l’analyse n’est pas suffisamment poussée pour nous permettre de savoir si une telle baisse est réellement liée à l’augmentation d’un type d’infractions très particulières, telle l’utilisation frauduleuse des numéros de cartes bancaires. Le rapport annuel de performance ne l’affirme pas clairement puisqu’il indique que cette baisse, entre 2006 et 2007, « peut s’expliquer » – et non « s’explique », ce qui n’est pas la même chose. Auriez-vous quelques précisions à apporter sur le sujet ?

Quant au taux d’élucidation de 100 % en matière de lutte contre les stupéfiants, il tient tout simplement au fait, comme l’a souligné M. Vanneste, que n’est déclaré que ce qui est trouvé. Il n’en reste cependant pas moins qu’il s’agit là d’une action que la police mène avec beaucoup d’ambition et de vigueur.

Pour me résumer, je soulignerai que l’augmentation du taux d’élucidation en matière de violences contre les personnes est un objet de satisfaction, mais qu’il n’en est pas de même en matière de délinquance de proximité. Je le répète : je n’en fais pas reproche. Je pense au contraire qu’il convient d’aborder ces questions complexes avec un peu de recul et que nous ne sommes pas là pour nous jeter des chiffres à la figure. Toutefois il faut reconnaître que l’effort en matière de délinquance de proximité est encore trop limité puisque le taux d’élucidation ne progresse pas.

Je souhaite terminer en abordant la question de l’immigration irrégulière, par le biais de l’évolution du coût moyen pour la police d’une rétention en centre de rétention. Comment expliquer que ce coût soit passé de 802 euros en 2005 à 274 euros en 2006 et à 356 euros en 2007 ? Une telle variation, voire une telle chute, ne laisse effectivement pas d’interroger ! L’explication viendrait-elle de l’augmentation très importante du nombre d’étrangers en situation irrégulière, entraînant un raccourcissement des séjours en centre de rétention administrative ? Je pense en effet que les prestations sont restées au même niveau, car je n’ose imaginer que ce soit la baisse de leur qualité qui puisse expliquer la baisse générale du coût de la rétention.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Cette question concerne M. Hortefeux. Il faudrait la lui transmettre afin qu’il puisse y répondre.

M. Christophe Caresche. Il en sera alors de même de ma dernière question, relative à un indicateur qui n’est pas renseigné depuis 2005 : il s’agit du taux de remise en liberté des personnes placées en rétention administrative par le juge des libertés pour vices de procédures.

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Caresche, comme vous l’avez noté, nous évoquons des sujets sur lesquels nous ne saurions faire de polémique. Je le répète : je ne cache aucun chiffre, qu’il reflète une difficulté ou une réussite – cette dernière se traduisant toujours par une diminution du nombre des victimes, ce qui va dans l’intérêt général.

En ce qui concerne les indicateurs, certains chiffres ne sont donnés que par comparaison des années précédentes. Ce que je souhaite, c’est une clarification des critères sur lesquels reposent les indicateurs, comme je l’ai indiqué à M. Bauer, président de l’Observatoire national de la délinquance. Nos indicateurs doivent être les plus précis possibles parce qu’il importe que nous rendions un compte exact de l’évolution de la délinquance. Telle est du reste la raison pour laquelle j’ai créé une délégation à la prospective et à l’analyse stratégique : la délinquance, loin d’être monolithique, évolue et nous devons anticiper les conséquences de tout mouvement dans un domaine afin de nous demander si nous devons changer nos méthodes ou nos matériels. Tel est le rôle de prévision du ministre de l’intérieur.

En ce qui concerne l’élucidation de la délinquance de proximité ou de voie publique, le problème, contrairement à un crime ou à d’autres délits, tient au manque de traces. Même la police scientifique et technique, qui permet, par exemple, de trouver les empreintes digitales, est mise en échec face à un vol à la tire, qui ne laisse par définition aucune trace. La seule chose qui puisse le réprimer, c’est le flagrant délit ou l’usage de caméras. Du reste, un grand nombre de maires, de toutes sensibilités politiques, me disent qu’en raison de son caractère dissuasif, l’installation de caméras, par exemple dans un parking, entraîne une baisse immédiate de la délinquance à cet endroit et que lorsque l’aspect dissuasif n’a pas joué, l’image permet de donner une suite à l’acte délictueux. Il y aura donc un lien très net entre l’installation des caméras et l’augmentation du taux d’élucidation. Notre politique en la matière, visant à donner notamment à la police davantage de moyens pour agir, nous permettra d’obtenir de meilleurs résultats dans les prochaines années.

Quant à la délinquance financière ou “astucieuse”, qui entretient souvent des liens avec des réseaux d’Europe de l’Est, elle est multiforme. Je pense, par exemple, au procédé de récupération des codes des cartes bancaires introduites dans un distributeur ou, en zone rurale, à des formes d’escroquerie, en provenance d’Afrique, reposant par exemple sur la naïveté des victimes en matière de prêts d’argent à une personne se prétendant en attente d’un héritage considérable. Nous avons tous un rôle à jouer pour alerter les victimes potentielles.

Les autres sujets que vous avez abordés, comme M. le président de la commission des finances l’a observé, ne concernent pas le ministre de l’intérieur, mais celui de l’immigration.

M. Philippe Goujon. Nous avons, madame le ministre, toutes les raisons d’être satisfaits des bons indicateurs de performances présentés dans ce rapport en matière de sécurité publique et de délinquance de proximité. Je rends hommage aux services de police, au ministre concerné et au Gouvernement pour les résultats obtenus.

Un grand nombre de questions ont été posées et ont reçu des réponses exhaustives. Aussi serai-je bref.

Ma première question concerne la vidéo-protection. Vous avez eu raison de lancer une politique visant à tripler le nombre des caméras présentes sur la voie publique, d’autant qu’en la matière nous partons de zéro à Paris, où n’existent que quelques caméras de surveillance de la circulation en dehors des nombreuses caméras des réseaux RATP, SNCF et RER, dont le dispositif a besoin d’être modernisé – vous avez eu raison de le souligner – car il comporte des trous.

Vous avez évoqué l’assassinat à la station Bir-Hakeim, dans ma circonscription, d’une journaliste italienne l’été dernier : je tiens à vous assurer qu’il n’y avait aucune caméra. S’il y en avait eu une, l’enquête aurait été sans doute plus performante. C’est pourquoi j’espère que les travaux de rénovation de cette station, qui ont lieu actuellement, prévoient l’installation de caméras, ce dont je ne suis pas totalement certain. Faut-il ajouter que c’est d’autant plus nécessaire que sur cette ligne de métro, qui amène les touristes à la Tour Eiffel, des vols à la tire sont commis en grand nombre ?

Je regrette le retard pris en matière d’installation de la vidéo-protection, même si je sais qu’il faudra du temps pour résoudre ce problème complexe, notamment à Paris. Les choses avancent, assurément, mais j’ignore l’implication de la ville dans ce domaine alors qu’il est nécessaire d’accélérer le mouvement : devoir attendre le courant, voire la fin de l’année 2009 l’installation des caméras me semblerait bien tardif !

Par ailleurs, la délinquance à Paris est largement importée : plus de 50 % des délinquants interpellés dans la capitale viennent de l’extérieur, ce qui exige une articulation et une coopération des services de police de Paris et des départements limitrophes. Quels sont les projets du ministère de l’intérieur en la matière ? Peut-on d’ores et déjà évoquer une police du Grand Paris ? Nous savons tous en effet que la délinquance doit être traitée pour l’ensemble de la plaque urbaine de la région Île-de-France et qu’il est indispensable d’organiser, sinon un commandement unique, du moins une meilleure coordination des polices des différents départements.

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. En ce qui concerne la vidéo-protection à Paris, j’ai accéléré le Plan 1 000, qui vise à installer 1 000 caméras supplémentaires sur la voie publique, en raccourcissant son délai d’exécution. À la suite de différentes agressions j’ai demandé aux directions de la RATP et de la SNCF la mise en place d’un plan d’installation de caméras très performantes, qui s’attaquera d’abord à toutes les gares et stations de métro, puis aux rames elles-mêmes. Il s’agit donc d’un très vaste plan pour la réalisation duquel j’ai demandé aux responsables d’aller le plus vite et le plus loin possible. Des caméras ont du reste été déjà installées Gare du Nord, à la mezzanine. Vous m’aviez du reste accompagnée au centre de contrôle et aviez pu alors constater la qualité des images et le suivi de groupes de personnes que permettaient ces caméras.

Quant à la police du Grand Paris, je vous réponds favorablement puisque la délinquance au centre de Paris, notamment celle liée au trafic de drogue, est commise en grande partie par des personnes issues des environs de la capitale qui, jusqu’à récemment, s’employaient à jouer avec les limites territoriales d’exercice de l’action de la police parisienne.

J’ai donc, d’une part demandé aux préfets des différents départements de la région parisienne d’assurer une meilleure coordination des différentes actions et de faire régulièrement le point, d’autre part décidé d’étendre certaines compétences du préfet de police de Paris, notamment dans les domaines de la circulation, des transports et des grands événements sportifs du Stade de France, dont la sécurité n’est désormais plus assurée par les effectifs du « 93 », mais par la préfecture de police de Paris, ce qui permet de maintenir un dispositif de sécurité dans l’ensemble du département. Ainsi, dans les domaines où la délinquance est la plus mouvante, nous procédons à une répartition des forces de l’ordre permettant de rendre leur travail plus efficace.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Nous vous remercions de votre disponibilité.

(La séance de la commission élargie est levée à dix heures trente.)