La crise économique internationale qui a connu
une sensible aggravation en 2008, avec le déclenchement de la chute
des cours de Bourse sur les principaux marchés financiers,
aujourd’hui fortement intégrés, n’a pas encore cessé de mettre en
évidence ses réalités multiples.
Les enjeux de l’action des Gouvernements, telle
que portée par les dirigeants des vingt principales économies de la
planète dans le cadre du G 20, sont de réaffirmer la primauté du
politique sur l’économique, de redonner sens à l’action publique
tout en tentant de définir des solutions et un nouvel ordre
économique, susceptible de dispenser la planète entière des
soubresauts et des effets de tout désordre des marchés.
Ces enjeux sont ils relevés ?
QUELS EFFETS DES DECISIONS PRISES DEPUIS
SEPTEMBRE 2008 ?
Certains économistes et dirigeants se sont
félicités, ces dernières semaines, d’une tendance à la reprise d’une
activité économique normale, laissant escompter une forme de ‘
sortie de crise ‘, de par l’intervention des Etats et des Banques
centrales sur les marchés comme auprès des établissements de crédit.
Les plans de sauvetage bancaires mis en œuvre
dans les différents pays concernés ( Etats-Unis, Royaume Uni,
France, Allemagne ) ont présenté des caractères communs (
intervention massive des Etats sur les marchés en position
d’intermédiation financière ) et des aspects différents ( tous les
plans n’ont pas ainsi prévu que les Etats, en tant que tels,
entreraient dans le capital des établissements de crédit secourus ).
Tous ces plans avaient toutefois en commun de
faire de l’intervention publique le facteur du redressement de la
situation des marchés financiers comme des établissements de crédit,
dans des proportions légitimement mal comprises des opinions
publiques, habituées ces dernières années à la plus stricte
austérité budgétaire et au ralentissement de la dépense publique.
Notons cependant qu’aussi sûrement que
l’intervention des Etats, c’est la baisse des taux d’intérêt, promue
par les Banques centrales, qui a constitué le plus sûr moyen, pour
les établissements de crédit, de procéder au redressement de leurs
comptes et de leur situation, pour peu qu’elle ait été menacée.
QUELS CHANGEMENTS DU POINT DE VUE DES BANQUES
?
Pour autant, le redressement des établissements
de crédit présente certaines caractéristiques spécifiques qu’il
convient ici de souligner.
D’une part, la baisse des taux d’intérêt,
orchestrée par les Banques centrales, a permis un refinancement à
moindre coût et a d’ailleurs rapidement conduit nombre
d’établissements à se détourner d’aides publiques souvent assorties
de taux d’intérêt plus élevés.
Cette baisse a aussi généré, de manière évidente,
un complément de marge d’intermédiation bancaire, marge répercutée
auprès de la clientèle des emprunteurs qui, à son corps défendant,
a, dans les faits, supporté une part importante des coûts
d’apurement des comptes touchés par la crise financière antérieure.
D’autre part, en tout cas en France et
probablement dans d’autres pays, les établissements de crédit ont
contracté leur offre de crédit à l’économie, tant ceux accordés aux
entreprises qu’aux particuliers, privilégiant en cela les contrats
de prêt les plus sécurisés et les plus rémunérateurs.
C’est ainsi que l’on a constaté une baisse de
plus de 100 milliards d’euros en un an des concours financiers à
l’économie, cette baisse affectant singulièrement la situation des
PME et des ménages modestes ou moyens.
Enfin, notons que, contrairement aux annonces
faites l’an dernier, les établissements de crédit n’ont pas encore
procédé à une évaluation objective de leurs créances les plus
douteuses et que cela, au-delà du débat sur la ‘ juste valeur ‘ et
les normes comptables, montre nettement que nous ne sommes
aucunement à l’abri de nouvelles mésaventures.
S’il convenait de trouver un exemple significatif
de cette situation, nous pourrions aisément le trouver dans la
fusion entre les Banques Populaires et les Caisses d’Epargne qui a
été réalisée ‘ au pas de charge ‘ sans qu’il ne soit procédé, avec
la plus scrupuleuse exactitude, à l’analyse de la réalité des
créances douteuses de leur principale filiale commune, Natixis.
QUE DEVONS NOUS ATTENDRE DU SOMMET DE
PITTSBURGH ?
Soulignons tout de suite que le prochain sommet
se présente comme les précédents comme l’occasion, notamment pour le
Président de la République, d’annoncer des mesures fortes et
significatives, présentées comme visant à résoudre durablement les
désordres observés sur les marchés financiers.
Sur la question des paradis fiscaux, il convient
de suite de rappeler que la publication, l’an dernier, d’une liste ‘
noire ‘ puis d’une liste ‘ grise ‘ de dimensions plus que réduites
avait montré que, derrière les paroles, il n’y avait guère d’actes.
Si le discours relatif aux ‘ territoires non
coopératifs ‘ continue d’être porté, il ne faut cependant pas, de
notre point de vue, attendre de bouleversements profonds sur cette
question.
La compétition fiscale est en effet, de longue
date désormais, un élément fondamental du fonctionnement, au
demeurant peu satisfaisant, des économies et il semble évident
qu’elle n’est pas prête de s’interrompre, d’autant qu’elle se
déroule au sein même des Etats membres du G 20, et concerne au
premier chef leurs entreprises comme leurs établissements de crédit.
La France, elle-même, continue d’ailleurs de
mettre en œuvre ce moins disant fiscal, générateur de profondes
inégalités sociales et d’injustice économique, et la plupart des
grandes banques et entreprises françaises ou d’origine française
ont, de longue date, largement investi les ‘ paradis fiscaux ‘.
Le problème de la rémunération des ‘ traders ‘,
désignés comme les ‘ boucs émissaires ‘ d’une bonne part de la crise
( occultant ainsi les lois et politiques qui ont conduit à la
déréglementation des marchés, à la privatisation des établissements
de crédit, à l’alimentation en continu de la spéculation ) apparaît
de plus en plus comme secondaire.
Par contre, la contraction des crédits bancaires
à l’économie, relevée ces derniers mois, a motivé, cet été, la
perspective du versement de nouveaux et importants bonus tant aux
dirigeants qu’à certains salariés du secteur financier.
Devons nous rappeler qu’à l’époque, pas si
lointaine, où les banques faisaient partie du patrimoine de la
Nation ( c'est-à-dire de 1945 à 1995 ), la question des bonus et de
la rémunération des traders ne se posait pas ?
Enfin, l’opposition manifeste des Etats-Unis,
principale économie du monde, à toute initiative plus forte de
contrôle de l’activité des établissements financiers semble fermer
la porte à toute véritable ‘ régulation ‘, même limitée, des
activités financières dans les années à venir.
LA PLACE DE LA FRANCE
Notre pays doit effectivement être au premier
rang dans la lutte contre la spéculation financière, d’autant que
c’est l’ensemble de l’économie qui souffre, pour l’heure, de la
convalescence des marchés.
Le nombre de sans emploi a continué de croître
dans notre pays depuis le début de l’année, comme d’ailleurs dans
les autres grands pays européens ou aux Etats-Unis, le nombre de
défaillances d’entreprise s’est accru, et la faiblesse de
l’évolution des prix, tournant autour de la valeur 0, montre
l’atonie de la situation économique.
La reprise apparente observée au second trimestre
2009 n’a pas interrompu le processus de suppressions massives
d’emplois, les gains de productivité étant « aspirés « par la
rémunération du capital.
Nous continuons d’estimer qu’une véritable
maîtrise publique du secteur financier est indispensable pour créer
les conditions durables de la sortie de crise économique, et que
cette maîtrise publique passe notamment par l’entrée de l’Etat dans
le capital et les organes de direction de nos principaux
établissements de crédit.
Par ailleurs, nous devons procéder à la mise en
cause de toute disposition ayant favorisé, dans la dernière période,
la déréglementation des opérations financières, ceci visant par
exemple la suppression de l’impôt de bourse, comme la mise en œuvre
des fiducies.
Enfin, la France doit être au premier rang pour
la création d’une fiscalité nouvelle, frappant les opérations
spéculatives, proche dans son esprit de la taxe Tobin, et destinée à
définir les financements de la lutte contre le réchauffement
climatique, le sous développement chronique des pays les plus
pauvres, tout en promouvant des échanges économiques et commerciaux
plus équilibrés.
Ce ne sont là que quelques uns des points que
nous souhaitions ici soulever.