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Commission des affaires étrangères

Mercredi 23 novembre 2011

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Examen du rapport de la mission d’information sur les faiblesses et défis du commerce extérieur français (M. Axel Poniatowski, président – M. Philippe Cochet, rapporteur)

Examen du rapport de la mission d’information sur les faiblesses et défis du commerce extérieur français

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

M. le président Axel Poniatowski. Notre ordre du jour appelle la présentation du rapport de la mission d’information sur les faiblesses et les défis du commerce extérieur français que j’ai eu l’honneur de présider et dont M. Philippe Cochet a été le rapporteur. Je remercie ceux d’entre vous qui ont été régulièrement présents à toutes les auditions que nous avons menées, en particulier MM. Jean-Paul Bacquet, Robert Lecou, Michel Destot et Gérard Voisin.

La présentation du rapport comprendra deux parties. Dans un premier temps, le rapporteur va présenter tous les attendus qui nous ont paru les plus importants puis, dans un deuxième temps, je présenterai les propositions que nous pensons devoir faire.

M. Philippe Cochet, rapporteur. Je me joins à vos propos liminaires pour souligner le côté passionnant de cette mission d’information, laquelle, au cours de ses travaux de plus d’un an, a réalisé un travail approfondi : en effet, près d’une vingtaine d’organisations professionnelles et de services administratifs en lien avec le commerce extérieur ont été auditionnés, la comparaison de notre système de soutien aux exportations avec les systèmes allemand et italien a été assurée par deux déplacements, une veille documentaire constante a été également assurée.

Le rapport d’information qu’elle a adopté repose sur les points forts que ces multiples sources d’information nous ont permis de dégager. Le constat, en effet, est sans appel : la France perd, depuis 2000, des parts de marché par rapport à ses principaux concurrents, Allemagne en tête.

Bien entendu, nous avons examiné les arguments traditionnels liés à la surévaluation de l’euro et au prix de l’énergie, mais leur portée doit être atténuée. Alors que nous accusons un déficit commercial de plus de 50 milliards d’euros, l’Allemagne engrange plus de 130 milliards d’euros d’excédent, avec la même monnaie, et une dépendance encore plus accrue aux hydrocarbures du fait de ses choix énergétiques.

Ces deux points n’expliquent donc pas nos errements à l’international. En revanche, force est de souligner, et les difficultés allemandes sur certains marchés le prouvent, que l’attitude de l’Union européenne vis-à-vis du commerce international doit être questionnée. Trop souvent, nous avons constaté que nos grands partenaires, les émergents bien sûr, mais aussi les Etats-Unis, ont organisé la défense de leurs industries stratégiques, quand l’Europe affiche seule un libre-échangisme total.

Certes, des instruments existent et sont parfois utilisés pour sanctionner les atteintes les plus graves aux règles du commerce international. Mais il faut que cette défense de nos intérêts soit plus systématique, surtout à l’heure où les négociations multilatérales à l’OMC sont complètement bloquées.

Toutefois, on ne peut pas reporter sans cesse la responsabilité de nos difficultés sur les autres. Si la France enregistre des déficits commerciaux records depuis quinze ans, c’est principalement parce que sa compétitivité s’est gravement érodée, de plusieurs manières.

D’abord, le coût du travail français a explosé à cause de la mise en place de la loi sur les 35 heures, au moment où l’Allemagne réussissait à maintenir son augmentation à un niveau très faible. Entre 2000 et 2004, le coût du travail en France a augmenté de 21,9 %, contre 8,1 % en Allemagne !

Cette évolution a totalement bouleversé notre position commerciale. Malgré des efforts significatifs des entreprises françaises, qui ont beaucoup rogné sur leurs marges à l’étranger, nos produits ont progressivement perdu l’avantage de prix d’environ 20 % qu’ils détenaient sur leurs concurrents germaniques.

Or, la référence mondiale que constitue le « made in Germany » ne s’étant pas démentie depuis 2000, les entreprises françaises se sont vues reprocher de vendre des produits moins réputés au même prix que les sociétés allemandes. Et elles ont perdu progressivement la compétition.

L’autre facteur essentiel de notre perte de terrain à l’international, c’est l’impossibilité pour nos entreprises les plus performantes d’atteindre la taille critique nécessaire pour réussir à l’international. Plusieurs mécanismes s’opposent à ce que nos PME, trop petites, deviennent telles les entreprises industrielles familiales allemandes qui tirent depuis des décennies le commerce extérieur de leur pays vers le haut. En un mot, nous n’avons pas assez d’ETI, ces entreprises de taille intermédiaire, entre 250 et 5000 salariés, qui sont actuellement 4700 en France contre plus de 11 000 en Allemagne !

Pourquoi cette différence ? En premier lieu, des dispositions fiscales ont, pendant longtemps, compliqué la transmission des entreprises familiales. Plusieurs de nos interlocuteurs sont revenus sur le fait que les droits de succession mais surtout l’impôt de solidarité sur la fortune faisait peser sur les héritiers une telle charge fiscale que ceux-ci se voyaient dans l’obligation de céder leurs parts pour pouvoir payer leurs impôts.

Cette situation ne nuit pas seulement à la taille des sociétés, mais réduit également leur solidité financière. En effet, il est clair que nos PME manquent de fonds propres pour supporter les variations d’activité que connaissent nécessairement les ventes à l’international, et les comparaisons avec les PME allemandes soulignent ce point. Or, les entreprises familiales, gérées sur le temps long, génèrent plus de fonds propres que les sociétés rachetées pour quelques années par des fonds en quête de rentabilité de court terme. La préservation des entreprises familiales remplit donc un double objectif : maintenir nos compétences de pointe sur notre territoire, renforcer la situation financière moyenne de nos PME.

Deux dispositions législatives ont un peu atténué cette pression, dans le cadre des lois dites Dutreil I et II, de 2003 et 2005. La vague de cessions d’entreprises françaises de pointe à des groupes étrangers s’est interrompue. Mais des difficultés persistent notamment pour les membres de la famille ne travaillant pas dans l’entreprise.

En second lieu, les entreprises françaises souffrent d’un complexe de taille liée aux dispositions de notre droit social, notamment le droit du travail. Ainsi, le passage de 49 à 50 salariés entraînait, selon la commission pour la croissance économique de Jacques Attali, l’application de 34 dispositions supplémentaires pour un coût moyen supplémentaire de 4 % de la masse salariale.

De nombreux chefs d’entreprise choisissent de créer plusieurs sociétés qu’ils maintiennent en dessous du seuil de 50 salariés plutôt que de devoir supporter ces charges supplémentaires. Il va sans dire que cette stratégie, si elle peut s’avérer fiscalement et socialement neutre, est catastrophique pour la performance de nos entreprises à l’export. Une entreprise industrielle organisée selon des dispositions arbitrairement dictées par le droit du travail ne peut évoluer favorablement à l’international.

Conséquence de ces limitations juridiques, nos entreprises enregistrent des taux d’échec à l’export proprement choquants : 70 % des primo-exportateurs abandonnent au bout d’un an, 80 % au bout de deux ans, 90 % au bout de cinq ans. Il est vain de contester le lien entre l’organisation juridique et cette triste réalité : en moyenne, les primo-exportateurs adossés à un groupe réussissent cinq fois mieux que les PME indépendantes, trop petites.

Dernière difficulté transversale qui limite la capacité de nos entreprises à exporter : la relative faiblesse de l’investissement privé dans la recherche développement, notamment par rapport à l’Allemagne. A cet égard, il est essentiel que nous préservions le dispositif du crédit impôt recherche, sans doute l’une des rares dispositions fiscales enviées à l’étranger, et que nous nous efforcions éventuellement de l’étendre aux PME.

Pour aider les entreprises à mieux exporter, tous les pays se sont dotés de dispositifs publics de soutien aux exportations. La mission s’est focalisée sur l’étude des outils de nos deux principaux concurrents, l’Allemagne et l’Italie.

Ces deux pays disposent d’instruments très comparables aux nôtres : agence publique de soutien au développement international des entreprises, organisme d’assurance crédit public spécialisé dans le commerce extérieur, aides aux entreprises innovantes désireuses d’ouvrir de nouveaux marchés.

De manière générale, on ne peut que souligner la grande qualité du dispositif national de soutien aux exportations dans notre pays. Les trois acteurs principaux, Ubifrance, Oséo, Coface, assurent leur mission avec un grand sérieux. Seule la Coface est parfois accusée de ne pas accorder d’importance suffisante au développement international des PME, la distribution de l’assurance prospection – l’instrument financier spécialisé dans le soutien aux entreprises moyennes – restant limitée.

En revanche, au niveau local, nos interlocuteurs ont souligné le cruel manque de cohérence des actions menées. Trop d’acteurs sont impliqués dans le soutien aux exportations : trois organes nationaux, les services déconcentrés de l’Etat, les conseils régionaux et enfin les chambres de commerce et d’industrie.

Surtout, alors que les représentations locales des organes nationaux jouent le jeu de la coopération dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler « l’équipe de France de l’export », les démembrements d’acteurs locaux, organes spécialisés des CCI ou agences économiques régionales, sont trop souvent encore enfermés dans une logique de concurrence entre institutions totalement contre-productive.

Baisse de la compétitivité liée à une hausse du coût du travail, difficulté pour nos entreprises à atteindre la taille critique indispensable pour réussir dans la durée à l’international, mauvaise organisation du dispositif de soutien aux entreprises souhaitant exporter. Voilà les trois raisons fondamentales de la contre-performance actuelle de notre commerce extérieur.

Le rapport revient également sur des explications plus classiques de notre déficit commercial, notamment la spécialisation géographique de nos exportations, trop peu tournée vers l’Asie et en perte de vitesse en Afrique, et sur les facteurs culturels et historiques qui expliquent notre retard vis-à-vis de l’Allemagne et de l’Italie.

Mais nous souhaitions nous focaliser sur les raisons les plus profondes, celles sur lesquelles l’action publique peut apporter des éléments de réponse pour redonner au commerce extérieur français la place qu’il mérite sur la scène internationale. Ces pistes, il revient au président de la mission de vous les présenter.

M. Axel Poniatowski, président. Je voudrais revenir sur quelques attendus qui me paraissent importants. Tout d’abord, nous avons mené cette mission de façon pragmatique et pas du tout idéologique. Ensuite, en abordant cette question, nous pensions pouvoir faire des propositions innovantes sur, par exemple, l’organisation à l’export de notre économie mais nous nous sommes rendus compte, au fur et à mesure des auditions, que le problème était avant tout culturel et qu’il nous était propre. Enfin, nous avons délibérément mis de côté la question des grands contrats. Certes, ils jouent un rôle significatif et ils feront sans doute l’objet d’une mission un jour ou l’autre. Cependant, nous nous sommes avant tout concentrés sur la problématique des PME et des ETI, c'est-à-dire les entreprises de taille intermédiaire. S’il y a en France de grosses entreprises très performantes, celles du CAC 40 et des grands contrats, il y a également, à côté, des PME très performantes qui se font rapidement racheter soit par de gros prédateurs français, soit par des entreprises étrangères, notamment chinoises, bien souvent intéressées par leurs brevets. En revanche, on a constaté une formidable absence des ETI dont le nombre est bien inférieur à celui de l’Allemagne mais aussi de l’Italie.

Comme le rapporteur l’a rappelé, nos exportations se heurtent aujourd’hui à quatre problèmes majeurs. Les trois premiers pèsent également sur nos voisins et partenaires. Il s’agit de la facture énergétique qui est aujourd’hui de 55 milliards d’euros pour la France, d’une monnaie surévaluée ainsi que d’un marché européen qui est probablement le plus ouvert et le moins protégé dans le monde. Le quatrième problème, quant à lui, est plus spécifique à notre pays. C’est celui de la compétitivité des entreprises françaises. Ce problème est très prégnant depuis 2000 et la mise en œuvre de la loi sur les 35 heures.

Le problème de la compétitivité a plusieurs sources. Tout d’abord, les entreprises françaises sont trop petites. Seulement 4% de nos entreprises réalisent 70% de nos exportations ! Comme l’a souligné le rapporteur, de nombreuses entreprises n’exportent qu’une fois et n’exportent plus jamais. Tous les ans, à peu près 90% des entreprises qui exportent sont dans ce cas. Surtout, il faut relever que le nombre d’entreprises exportatrices est de 364 000 en Allemagne. Il est de 184 000 en Italie et de 100 000 en Espagne. Il n’est que de 95 000 en France.

Deuxième problème pour notre compétitivité : le coût du travail. Il y a 15 ans, il était 20% moins cher en France qu’en Allemagne, tant au niveau des charges que des salaires. Aujourd’hui, ce coût est à peu près le même, le problème étant que la qualité des produits n’est pas identique.

Enfin, notre compétitivité souffre d’un investissement insuffisant dans la recherche et l’innovation. En France, entre 1993 et 2008, la part de la recherche innovation est passée de 2,5 % à 2 % du PIB alors qu’elle est passée, en Allemagne, sur la même période, de 2,3 % à 2,6 %. De surcroît, en Allemagne, cet investissement est davantage réalisé dans l’innovation proprement dite que dans la recherche, c'est-à-dire qu’il vise à l’amélioration permanente des produits existants. En France, l’investissement public dans la recherche, en terme de pourcentage du PIB, est resté à peu près stable. Ce qui a chuté, c’est l’investissement privé.

Face à ces constats, nous avons voulu faire une dizaine de propositions qui nous ont semblé essentielles. Vous le verrez, nombre d’entre elles sont de nature fiscale.

La première concerne l’ISF. Il semble raisonnable de prévoir désormais que, comme les œuvres d’art, tous les détenteurs de parts dans une entreprise familiale soient exonérés d’ISF sur les titres détenus, et ce, quel que soit leur statut vis-à-vis de la société. Aujourd’hui, sont exonérés ceux qui détiennent plus de 25% du capital de la société et exercent une activité de gestion de l’entreprise. Cela pose un problème certain pour les membres de la famille qui ne travaillent pas dans celle-ci : ils ne conduisent pas les destinées de la société et sont en plus imposés ! On pourrait dès lors considérer qu’une société est familiale lorsque la famille, par exemple, détient plus de 50% des parts. L’impact d’une telle mesure serait double :

– d’une part, elle permettrait d’éviter que des entreprises familiales soient vendues à cause de l’impossibilité de payer l’ISF. Nous considérons que c’est une des raisons pour laquelle énormément de PME ne parviennent pas à passer au statut d’ETI, en particulier en comparaison avec l’Allemagne ou l’Italie. Je vous rappelle que les ETI sont des sociétés dont le nombre de salariés est compris entre 250 et 5 000 et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros ;

– d’autre part, le fait d’exonérer les détenteurs de part d’une société familiale inciterait l’ensemble des membres de la famille à placer leur argent dans celle-ci. Il y aurait un phénomène d’encouragement à conserver ces entreprises, à ne pas les vendre et donc à les multiplier. L’intérêt pour notre pays serait réel. Dans ces conditions, on pourrait même considérer qu’il serait avantageux de pérenniser l’ISF dès l’instant ou il inciterait à investir dans l’activité économique.

La deuxième mesure que nous proposons vise à alléger les charges sociales des entreprises produisant en France afin de les rendre plus rentables. Les entreprises françaises sont moins rentables que leurs concurrentes étrangères à cause du poids de la fiscalité mais aussi des charges sociales et autres prélèvements. Avec les mêmes effectifs et le même chiffre d’affaires, les entreprises allemandes sont nettement plus rentables que les françaises, ce qui leur permet de disposer de capacités d’investissements plus élevées à consacrer aux exportations ou à la recherche et développement. Nous proposons donc de créer une TVA sociale, ou une TVA anti-délocalisation ou une TVA anti-importation, peu importe le nom qu’on lui donne : il s’agit d’augmenter de trois ou quatre points la TVA et de baisser d’un montant équivalent les charges sociales patronales. Ce mécanisme aurait l’avantage d’améliorer notre compétitivité en réduisant le coût du travail tout en augmentant le prix des importations. On estime qu’une hausse de trois points de la TVA permettrait de réduire de 6 % les cotisations patronales. Le coût de la protection sociale ne peut en effet peser exclusivement sur le travail : la faire financer sur le capital supposerait de taxer les transactions financières, ce que l’on ne peut pas faire sans nos partenaires européens ; nous pouvons en revanche la faire financer par la consommation – y compris de produits importés, comme cela se pratique en Allemagne, au Canada et dans plusieurs pays nordiques.

Notre troisième proposition a pour objectif de favoriser la reconstitution des fonds propres des entreprises en appliquant un taux réduit d’impôt sur les sociétés de 15 % – au lieu de 33 % – sur la part des bénéfices réinvestie dans le capital de la société – mais pas placée sous forme de réserve afin de garantir son utilisation sur le long terme. Cela permettrait de renforcer les sociétés, d’augmenter leurs fonds propres et leur capacité d’investissement, notamment en recherche et développement.

Afin d’encourager la recherche de nouveaux marchés à l’export, notre quatrième proposition consisterait à appliquer un taux d’impôt sur les sociétés allégé sur la part de chiffre d’affaires réalisée sur un nouveau marché export. Pour éviter l’effet d’aubaine cette mesure doit être limitée à dix ans – au-delà, une entreprise est installée – et la prospection ne pourrait pas être réalisée par une filiale. Les assurances prospection proposées par la Coface ou par Oséo excluent les ETI. Le crédit d’impôt exportation réduirait les coûts liés à la conquête d’un nouveau marché, diminuant le risque d’échec rapide des entreprises à l’export et permettant de rétablir nos parts de marché.

J’en viens maintenant à une série de mesures visant à favoriser le développement des entreprises françaises.

Il faudrait d’abord parvenir à augmenter le nombre d’entreprises de taille intermédiaire en France. Pour cela, il faut avancer sur un sujet récurrent des négociations sociales mais sur lequel le désaccord subsiste : la question du relèvement du seuil des cinquante salariés actuellement en vigueur en droit social et droit du travail. Nous préconisons de lancer une négociation entre les partenaires sociaux pour porter ce seuil par exemple à 150 ou 200 salariés. Le seuil de cinquante salariés constitue un barrage pour les chefs d’entreprises et les conduit à créer plusieurs petites entreprises, voire à ne pas se développer au-delà. Nos PME doivent au contraire être incitées à atteindre la taille critique pour réussir à l’international.

La deuxième orientation que nous avons retenue est la généralisation de la création de fonds d’investissement régionaux, afin de créer de nouvelles sources de financement pour les PME. Sur la base de l’expérience lancée en Haute-Normandie, des fonds associant les réseaux bancaires, les conseils régionaux et les entrepreneurs locaux peuvent développer une activité de capital investissement réservée aux PME, et permettre aux chefs d’entreprises de la région de bénéficier de conseils spécifiques.

Rationaliser le soutien public régional nous est apparu comme une nécessité. Les entreprises françaises ne manquent pas de soutiens, mais ils sont principalement étatiques, quand les entreprises allemandes sont fortement aidées par les Länder. A quelques exceptions près, dans le Pas-de-Calais par exemple, les acteurs locaux, parmi lesquels les conseils régionaux et les chambres de commerce, se coordonnent trop peu avec les intervenants nationaux et entre eux. Il arrive même parfois – c’est le cas en Rhône-Alpes – qu’ils se combattent, ce qui ne peut que nuire à la performance des entreprises. Nous proposons donc de créer des agences régionales pour l’exportation, sous l’égide de l’agence Ubifrance, regroupant l’ensemble des acteurs du soutien public à l’export : chambres de commerce, conseils régionaux, services déconcentrés, Ubifrance, Coface. Il importe que chaque institution se concentre sur son champ d’expertise et d’éviter les doublons, les acteurs nationaux devant assurer un rôle de stratège.

L’organisation des instruments financiers publics à l’export doit aussi être rationalisée : cela nous semble devoir passer par l’attribution de la distribution de l’assurance prospection à Oséo. Cette charge est aujourd’hui assumée par la Coface – dont elle ne représente qu’une part très minime de l’activité – alors qu’Oséo propose des instruments financiers très complémentaires et dispose de relations plus étroites avec les PME, cœur de cible de l’assurance prospection.

Pour cibler et développer les secteurs porteurs, nous estimons nécessaire de créer des comités stratégiques réunissant l’Etat et les producteurs nationaux en vue de définir dans le cadre d’engagements mutuels contraignants les orientations et investissements à venir. Un tel comité existe pour la pharmacie, c’est le conseil stratégique des industries de santé, qui fonctionne très bien. Cet exemple devrait être suivi par les grandes filières exportatrices comme l’agroalimentaire et l’automobile, qui doivent associer leurs efforts à ceux de l’Etat pour répondre à la demande mondiale.

Nos deux dernières propositions sont relatives au soutien que l’Union européenne doit apporter aux entreprises européennes.

Il s’agit de rétablir un commerce équilibré avec les pays émergents. L’Union européenne ne peut continuer à ouvrir ses marchés à des pays qui protègent les leurs. Il convient d’inciter l’Union européenne à durcir ses positions face aux stratégies commerciales agressives des grands émergents en examinant la possibilité de nouer des accords commerciaux bilatéraux et appliquer le principe de réciprocité dans les domaines liés au commerce international, notamment l’accès aux marchés publics et la protection de la propriété intellectuelle. L’Europe apparaît trop souvent comme le seul marché réellement ouvert. Elle doit désormais obliger ses partenaires à respecter les mêmes règles sous peine de fermer ses marchés aux entreprises extracommunautaires. Les récentes déclarations de M. Michel Barnier vont d’ailleurs tout à fait dans ce sens.

Enfin, pour que les intérêts des industriels français dans les négociations européennes relatives aux normes techniques soient mieux pris en compte, la France doit absolument renforcer sa présence dans les instances européennes. Trop souvent, les entreprises françaises se voient imposer des normes européennes qui ne correspondent pas à leurs intérêts. A l’exemple de l’Italie et de l’Allemagne, très actives dans ce domaine, la France doit faire avancer ses exigences dans les négociations les plus techniques afin que nos produits ne soient pas désavantagés dans la compétition internationale.

M. François Rochebloine. Pour exporter, il faut produire. Or, nous avons assisté à la disparition de pans entiers de notre industrie : dans certaines régions, comme le Stéphanois, la machine-outil, la verrerie, la fabrication de locomotives, même, ont disparu. Nous nous sommes désindustrialisés et ce n’est donc pas seulement un problème d’exportation.

Je suis d’accord sur le fait que nous ne sommes pas compétitifs. Nous avions un coût de 20 % inférieur à celui de l’Allemagne, nous sommes aujourd’hui à parité. C’est un simple constat économique et il y a aujourd’hui urgence. Je ne vais pas parler des 35 heures, sur lesquelles je suis totalement en désaccord ; je regrette que nous n’ayons pas eu le courage politique de les supprimer, nous en voyons aujourd’hui les résultats.

Quant à vos propositions, sur les PME et les ETI, il y a effectivement des problèmes de seuils. Je partage votre constat, je connais les limites que le seuil de 50 salariés représente pour les chefs d’entreprises.

Le tissu de PME est très riche dans différentes régions, mais exporter est extrêmement difficile ! Il n’est pas certain que les chambres de commerce aient bien rempli leur rôle. Des clubs d’entreprises – par exemple, chez moi, le club GIER pour « gérer, innover, entreprendre et réussir » – se sont créés, mais les entreprises ont de grosses difficultés à l’export. Même avec vos propositions, je ne suis pas certain que cela soit bien efficace. Je vous trouve indulgent avec Ubifrance et surtout avec la Coface et Oséo, dont je ne suis pas sûr qu’elles remplissent bien leur rôle. En résumé, il faut un sursaut, mais je ne suis pas optimiste vis-à-vis de l’Allemagne et de l’Italie.

M. Jean-Michel Boucheron. Je salue ce travail remarquable et ce rapport très intéressant. Je ne suis pas certain que les 35 heures soient véritablement le problème, de nombreuses études ont démontré que ce n’était pas rédhibitoire.

Votre approche est extrêmement financière ; elle est intéressante au demeurant
– celle sur l’ISF par exemple pourrait me séduire –, mais il faut attendre la dixième proposition pour en trouver une qui ne soit pas d’ordre financier.

Le véritable problème, c’est la taille de nos PME. Il faut un système pour les rassembler, pour qu’elles mettent en commun leur innovation, leur recherche, leur marketing, leurs réseaux commerciaux. Une PME ne peut avoir de réseaux commerciaux à l’étranger. Je suis donc d’accord avec votre idée de comités stratégiques.

Il me semble surtout, que d’une manière ou d’une autre, il faudra imposer à l’Union européenne l’idée qu’on peut avoir des politiques industrielles pour l’export, c’est-à-dire des politiques consistant à aider nos PME à fabriquer des produits qui ne se vendraient pas bien en France mais qui s’exporteraient.

Sur les aspects techniques et financiers, il faudrait que les entreprises aient un intérêt majeur à se regrouper, notamment au niveau de leurs services d’export. Je suis d’accord avec la proposition quant à l’argent frais, encore faut-il qu’une politique précise soit définie.

M. Jean-Paul Dupré. C’est un sujet d’importance majeure. Il y a aujourd’hui un comparatif très négatif avec l’Allemagne et un écart qui est désormais de 200 Mds€. Comme il a été dit, si on veut vendre, il faut produire et je ne suis pas sûr que le coût du travail soit essentiel pour expliquer les mauvaises performances.

Se pose aussi la question de la réelle volonté de nos entreprises à aller conquérir les marchés à l’export. L’Afrique est un marché intéressant, mais à l’Est comme à l’Ouest, il y a encore des terrains à explorer. Les entreprises ne sont peut-être pas assez soutenues. Elles manquent peut-être de partenariats avec les chambres de commerce, de métiers, les régions. En Languedoc-Roussillon, nous avons créé le label « Sud de France » avec des « maisons de la région » implantées dans différentes zones du monde. Il faudrait aussi développer des partenariats avec les ambassades, les consulats, les régions.

M. Michel Terrot. Je félicite la mission pour la pertinence de cet excellent rapport. On parle de la TVA sociale depuis une dizaine d’années mais il y a un blocage. C’est pourtant une idée de bon sens : l’Union européenne est notre premier marché, il se protège très peu par rapport à ce que font des pays comme la Chine, l’Inde, ou même le Japon aujourd’hui, où il faut vraiment être très volontaire et tenace pour réussir à exporter ! Alors, on ne voit pas bien ce qui bloque. L’Allemagne, qui veut protéger sa capacité exportatrice ? Le Royaume-Uni ? Pourquoi une taxe peu importante sur les produits en provenance de pays à coûts sociaux très bas n’avance-t-elle pas plus vite ?

M. Alain Cousin. Je suis à un poste d’observation privilégié à Ubifrance et je partage totalement les analyses qui ont été faites ainsi que les propositions. La question de la rationalisation du soutien public est un vrai sujet sur lequel nous travaillons depuis la réforme de l’agence.

Les régions ont leurs propres mécanismes et stratégies, certes louables, mais cela génère aussi des pertes en ligne et des pertes d’argent, aussi. A propos de la réforme d’Ubifrance, je ne suis pas sûr que la loi soit suffisante car c’est aussi un problème culturel. Nous passons des conventions avec les chambres de commerce depuis 18 mois, les régions se mettent à faire du développement économique, comme la loi les y autorise, mais il faut surtout travailler. Avant la réforme, Ubifrance aidait 8 000 entreprises par an ; en 2010, nous en avons aidé 22 000, dont 10 % seulement venaient des chambres de commerce. Il y a donc en amont un problème d’identification par celles-ci des entreprises qui sont susceptibles d’aller à l’export.

En réponse à la remarque de Jean-Michel Boucheron sur les aspects marketing, je dirais oui et non : nous sommes plus ou moins sur les mêmes parts de marché que l’Italie avec beaucoup moins d’entreprises. Heureusement que nous avons les entreprises du CAC40 ! Même en automobile, nous ne sommes pas bons. En Chine, ce sont BMW et Audi qui marchent grâce à leurs modèles haut de gamme, créneau sur lequel nous sommes absents, même si ça change un peu. Ce n’est donc pas seulement un problème de marketing mais aussi de positionnement, et parfois même les grands groupes ne sont pas bien placés.

Globalement, nous travaillons de manière à renforcer « l’équipe de France export ». Il faut reconnaître son rôle au capitaine, c’est-à-dire Ubifrance. Nous avançons, ça balbutie, mais ça se transforme néanmoins, et il faut de l’ambition et de l’espoir.

M. Jacques Myard. Je me félicite qu’on parle de politique industrielle, y compris en politique étrangère. J’ai fait deux rapports pour la Commission des Affaires européennes à ce titre. Il faut prendre conscience que nous sommes l'exception. Quand vous discutez avec M. Alexander Italianer, directeur général de la Concurrence à la Commission européenne, vous vous rendez compte qu’il est à cent lieux des politiques industrielles et des filières économiques. Il ne comprend pas. On est dans deux mondes différents. Ils n’ont pas compris ce qui se passe en Corée et en Chine. C’est un capitalisme d’Etat que vous proposez. Les interventions des Landers ou des régions chez nous sont courantes en Chine et en Corée. Tous les bénéfices sont réinvestis. C’est la réalité du capitalisme d’Etat chinois, qui fonctionne très bien, avec des coups tordus et du protectionnisme. Alstom et Siemens vont être évincés du marché chinois.

On nous dit qu'il faut une TVA anti-délocalisation. Elle peut être décidée au niveau communautaire et porter sur l’entrée des produits dans l’espace européen, mais nous pouvons le faire aussi au niveau national par une baisse des cotisations sociales et une augmentation de la TVA.

Vous connaissez ma position sur la monnaie unique. En dix ans, les exportations sont passées de 5,4% des exportations mondiales à 3,4% et cette monnaie nous a coûté un point de croissance chaque année. Ce n’est pas la taille des entreprises qui est en cause. Nous sommes plus sensibles à la cherté de l'euro que l'Espagne. Quand M. Gallois, président exécutif d’EADS, dit que, quand l’euro augmente de dix centimes par rapport au dollar, son entreprise perd 950 millions d’euros de résultat net, c'est parce que notre structure est plus sensible.

Le système allemand repose sur un concept de patriotisme économique. Là où sont les centres de décision et les centres de recherche et développement, il y a un accord entre le gouvernement, le patronat, les universitaires et les syndicats. On fait fabriquer le boulon de 16 en République Tchèque mais on ne délocalise jamais la recherche et développement comme vient de le faire Peugeot. C’est culturel. Notre hinterland, c’est l’Espagne et l’Italie alors que pour l’Allemagne, ce sont les pays hors zone euro. On fait fabriquer à bas coût, on réintègre et on exporte, avec un monopole dans la métallurgie lourde. Cela dit, l’Allemagne est en négatif avec la Chine et ses positions pourraient très vite être remises en cause.

M. Hervé de Charette. Bravo au président et au rapporteur. Si la situation de l'export français est si grave, c’est parce qu’elle a connu un véritable effondrement. C'est un fait nouveau, propre à ces dix dernières années. Il y a trois batailles clés. La bataille de la compétitivité d’abord, c’est le point central. Si nos prix sont plus chers, nous ne vendons pas. Je regarde la TVA sociale avec un certain scepticisme. Tout d’abord, trois points de TVA, s’appliquant en moyenne à 40 % du prix de revient d’un produit, ne changeront pas grand chose dans la compétition avec les autres pays. Deuxièmement, ceux qui l'ont mis en oeuvre l'ont fait car leurs taux de TVA étaient faibles. Le taux allemand était à 16% alors que nous sommes déjà à un des taux les plus élevés. Quand ça passera à 22%, cela se ressentira sur le pouvoir d'achat de la population française. La bataille de la compétitivité est centrale et je salue vos propositions.

La deuxième bataille est celle de l’export. Il s'agit de transformer le comportement d'un grand nombre d'entreprises pour les conduire sur les terrains de l'exportation, qui ne leur sont pas naturels. Cela dépend de la taille des entreprises mais ce n'est pas le seul facteur. Le principal facteur est l'état d'esprit des dirigeants des PME, d'où l'importance de l'équipe de France de l'export. J'assiste à des réunions conduites par l’actuel Secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur et je trouve que ça fonctionne bien. La réforme d’Ubifrance est excellente. Il y a de bonnes initiatives. Les initiatives de CCI International pour développer un échelon international dans chaque chambre de commerce vont dans le bons sens. Il s’agit d’une bataille fondamentale. L'export ne concerne pas seulement l'Union européenne, il faut aussi aller sur les autres continents car c’est là que les marchés se développent.

Enfin, dernier point, il faut mener la bataille européenne. C'est le marché le plus grand, le plus ouvert, avec le moins de contraintes. Or tous les autres grands ensembles économiques du monde se défendent en prenant des dispositions réglementaires qui ont pour objet de poser des obstacles non tarifaires aux importations. Le libéralisme de la Commission et des états-majors de l'Union européenne a gravement négligé ce point. Nous n'avons pas mené cette bataille.

M. François Loncle. Je trouve ce rapport très intéressant et nous le lirons avec beaucoup d’intérêt. Des remarques pertinentes ont été faites par mes collègues, je n'approuve pas tout ce qui a été dit, notamment sur les maisons de région et les propos de Jacques Myard sur la monnaie, mais il est vrai que quand la part de l'industrie baisse dans le PIB, il y a des conséquences en chaîne, en particulier pour l'exportation. J'approuve ce qui a été dit sur la qualité et l'efficacité d'Ubifrance et sur l'action du Secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur.

Quand vous dites que la difficulté et l'explication de notre effondrement sont dues à des causes structurelles, cela n'explique pas pourquoi, entre 1997 et 2002, le commerce extérieur était si florissant et si positif. Sur le coût du travail, vous disiez que les Allemands étaient plus chers que nous et que c'est la même chose aujourd’hui. Si c'est la même chose, alors cela n'explique pas la différenciation considérable entre l'Allemagne et les difficultés françaises. Vos propositions et les remarques de mes collègues peuvent nourrir une réflexion et une action future intéressantes sur la question.

M. Christian Bataille. Je souhaite faire une remarque sur notre industrie automobile qui mériterait selon moi d’être étudiée pour comprendre ses déboires actuels. Alors que cette industrie était fortement exportatrice et a longtemps occupé une place centrale en Europe – au même niveau que l’Allemagne –, le marché automobile français pourrait être bientôt déficitaire. Aucune marque ne paraît en mesure de redresser la situation, chacune connaissant alternativement des difficultés. Cette industrie semble connaître dans le reste du monde la mésaventure qu’elle a vécue sur le marché des Etats-Unis qu’elle n’est jamais parvenue à pénétrer. Dans le même temps, notre voisin allemand est en pleine réussite. Volkswagen prévoit ainsi d’augmenter sa production de 10 % en 2012 et de créer 20 000 emplois tandis que nous subissons, en France, une baisse de la production avec les licenciements et fermetures d’entreprises qui vont avec. L’explication communément avancée de nos faiblesses sur le marché des voitures haut de gamme ne me semble pas suffisante. En quelques années seulement, peut-être dix, nous sommes devenus mauvais, y compris sur le marché européen où les voitures françaises n’ont plus la cote. Il faut donc creuser cette question à l’avenir. Je m’étonne d’ailleurs que les dirigeants de ces entreprises ne s’interrogent pas davantage sur ce point ce qui laisse penser qu’un changement devrait être opéré là aussi. La réflexion sur l’industrie lourde doit nécessairement porter sur le secteur automobile qui faisait la force de la France.

M. Philippe Cochet, rapporteur. Je suis rassuré par l’ensemble des interventions et je me félicite que nous nous accordions, avec des nuances marginales, sur le constat. Quant aux pistes proposées, je note avec satisfaction que les divergences sont mineures.

Une révolution culturelle de la part des entrepreneurs est nécessaire. L’export est souvent considéré comme un pis aller en temps de crise : la démarche est entreprise faute de demande intérieure puis abandonnée lorsque l’activité reprend. C’est une erreur qui est en partie à l’origine du mal.

M. Rochebloine, vous établissez un lien entre le déclin de la production et le déficit commercial qui ne me semble pas nécessairement avéré. L’exemple des Pays-Bas est à cet égard intéressant puisqu’ils exportent sans être dotés d’atouts industriels. La France a les moyens de retrouver des niveaux d’exportation satisfaisants. Elle doit pour cela développer l’export européen mais surtout conquérir les marchés émergents. Leur part dans nos exportations, de l’ordre de 20 à 25 %, est aujourd’hui insuffisante au regard de leur potentiel. La majorité de nos échanges restent intracommunautaires ce qui n’est pas en adéquation avec les réalités économiques.

Il est important d’insister sur le rôle d’Ubifrance. Les efforts de coordination ont permis d’en faire le vrai pilote de l’avion dont nous avons besoin. Il faut reconnaître que les initiatives à l’échelon territorial sont sympathiques mais contre-productives. La multiplication des acteurs est mal perçue par les interlocuteurs étrangers.

Je partage nombre d’autres remarques qui ont été faites. Je reviens sur le coût du travail qui est une question fondamentale, M. Loncle. Si les consommateurs acceptent de payer cher certains produits, c’est en raison de l’image qui s’y attache. Le label « Made in Germany » permet de facturer plus cher.

Le secteur automobile est une illustration de la nécessité de définir une vision stratégique. L’Allemagne s’appuie sur des entreprises familiales qui acceptent d’acheter à un coût plus élevé mais en conservant leur savoir-faire sur le sol national plutôt que de mener une politique d’achat au plus bas prix. A l’inverse de la France, la stratégie de ces entreprises repose sur une vision à moyen terme. De la même manière, le sous-traitant n’est pas considéré en Allemagne comme un ennemi alors qu’il peut l’être en France. Il faut encourager une évolution dans ce domaine.

Pour conclure, je me félicite que, malgré quelques divergences, le constat et la volonté de se retrousser les manches soient largement partagés. C’est un premier résultat satisfaisant de notre travail.

M. Axel Poniatowski, président. Je retiens que toutes les interventions ont mis en avant le motif culturel du déficit de notre commerce extérieur. Le problème culturel est une évidence. Il est historique : le Français ne s’exporte pas ; les migrations européennes ont été le fait des Italiens, des Espagnols, des Britanniques, des Allemands, etc mais jamais des Français, peut-être est-ce parce qu’il fait trop bon vivre dans notre pays…La France n’a pas de culture d’exportation car ses citoyens n’émigrent pas. La présence de diasporas est un puissant facteur d’aide à l’exportation sur lequel la France ne peut pas compter. Les entreprises françaises ne sont par ailleurs pas orientées vers l’export. A titre d’exemple, j’ai lu récemment que les grandes sociétés françaises n’emploient que 17 % de cadres étrangers contre 27 % pour la moyenne européenne. Or la mondialisation des échanges réclame une diversité dans l’encadrement. Enfin, les Français sont le peuple européen qui maîtrise le plus mal l’anglais, c’est un handicap important.

La mission n’a pas fait de propositions sur la dimension culturelle, pourtant essentielle, car ce n’était pas l’objet de son travail. Nous avons concentré nos propositions sur les aspects financiers qui sont déterminants.

La première difficulté tient à la taille des entreprises. A cet égard, Ubifrance doit encore s’améliorer car son action est trop tournée vers les très petites entreprises. En ne démarchant pas les entreprises plus grosses, Ubifrance risque d’accompagner des sociétés qui ne renouvelleront pas l’expérience de l’exportation ensuite. Il est essentiel de développer des entreprises de taille intermédiaire, c’est-à-dire plus grosses et en meilleure santé.

Ce dernier point a été constamment mis en avant par les entrepreneurs que nous avons interrogés sur leurs besoins. Pour pouvoir exporter, les entreprises doivent être en bonne santé alors qu’aujourd’hui elles ne font pas assez de bénéfices et manquent de fonds propres pour conquérir des marchés. C’est pour cette raison que l’aspect financier nous est apparu primordial.

La TVA sociale, qu’ont évoquée M. Terrot et, avec des réserves, M. de Charette, est un élément important. L’augmentation des taxes sur les produits étrangers renforcera mécaniquement la compétitivité des produits français. Cette TVA rend plus cher les produits étrangers sans affecter les prix de la production nationale.

Je veux dire à M. Bataille que tous les pays européens mais aussi les Etats-Unis, connaissent des problèmes avec leur secteur automobile à l’exception des pays asiatiques pour des raisons de coût et de l’Allemagne. Cette dernière, cela a déjà été mentionné, vend des voitures plus chères mais dispose surtout d’une filière automobile totalement intégrée.

Nous aurions souhaité soumettre des propositions sur les filières. En effet, c’est une force des Allemands et des Italiens que de contrôler les filières de production de A à Z. L’exemple de la filière du bois en France est éclairant : alors que nous disposons du deuxième massif forestier européen, nous sommes incapables d’exporter autre chose que du bois brut. Il est essentiel de mettre en place un comité stratégique dans ce domaine pour parvenir à exporter des produits avec une valeur ajoutée.

Nos deux domaines les plus performants à l’export, ceux pour lesquels nos excédents sont les plus importants, sont l’aéronautique et le vin qui n’ont pourtant rien en commun. En dépit d’une baisse de la production viticole, les exportations progressent grâce à une valeur ajoutée accrue. La filière viticole réussit car les producteurs de vin, sans parler l’anglais pour la plupart, sont très bien organisés. C’est pourquoi nous insistons dans nos propositions sur la nécessité de regrouper les forces.

En conclusion, ce sujet nous a passionnés. J’espère que nos propositions contribueront à enrichir le débat et qu’elles seront d ans un proche avenir mises en œuvre parce qu’elles sont essentielles pour notre économie.

M. François Rochebloine. Beaucoup de PME, pour exporter, doivent exposer dans les salons à l’étranger. Or, cela coûte cher. Dans ce domaine, les entreprises doivent être aidées. Je ne sais pas au travers de quel organisme – Ubifrance peut-être ? – mais elles doivent être aidées.

M. Axel Poniatowski, président. L’assurance prospection est faite pour ça, notamment pour les petites entreprises. Il y a également Ubifrance.

M. Alain Cousin. Ubifrance reçoit environ 25 millions d’euros de crédits d’intervention de l’Etat. Entre 30 et 40 % de subventions sont données aux entreprises qui vont sur les salons.

Puis la commission autorise la publication du rapport d’information.

La séance est levée à dix-neuf heures.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 23 novembre 2011 à 17 h 30

Présents. - Mme Martine Aurillac, M. Jacques Bascou, M. Christian Bataille, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Chantal Bourragué, M. Hervé de Charette, M. Philippe Cochet, M. Alain Cousin, M. Jean-Paul Dupré, M. Robert Lecou, M. François Loncle, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Rochebloine, M. Michel Terrot

Excusés. - Mme Sylvie Andrieux, M. Alain Bocquet, Mme Danielle Bousquet, M. Jean-Louis Christ, M. Gilles Cocquempot, M. Michel Destot, M. Tony Dreyfus, M. Paul Giacobbi, M. Jean Grenet, M. Jean-Claude Guibal, M. Jean-Jacques Guillet, M. Serge Janquin, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Didier Mathus, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Remiller, Mme Odile Saugues, M. André Schneider