Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux de la session > Compte rendu intégral de la séance |
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES
1. Travail, emploi et pouvoir d'achat. – Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (nos 4, 62)
Rappel au règlement
M. Jean-Louis Idiart, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.
discussion des articles (suite)
Après l'article 1er
Amendement n° 171 : MM. Jacques Myard, Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances ; Mme la ministre, M. Michel Bouvard.
Suspension et reprise de la séance
Rejet de l’amendement n° 171.
Amendement n° 252 : MM. Éric Jalton, le rapporteur général, Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme ; Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° 390 : MM. Michel Bouvard, le rapporteur général, le secrétaire d’État chargé de la consommation. – Retrait.
Amendement n° 250 : MM. Éric Jalton, le président.
Amendements nos 251 et 365 : MM. le rapporteur général, le secrétaire d’État chargé de la consommation, Victorin Lurel. – Rejet des amendements nos 250, 251 et 365.
Amendement n° 137 : MM. Roland Muzeau, le rapporteur général, le secrétaire d’État chargé de la consommation, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. – Rejet.
Amendement n° 139 rectifié : MM. Roland Muzeau, le rapporteur général, le secrétaire d’État chargé de la consommation. – Rejet.
Amendement n° 140 : MM. Roland Muzeau, le rapporteur général, le secrétaire d’État chargé de la consommation. – Rejet.
Amendement n° 217 : MM. Jean Launay, le rapporteur général, le secrétaire d’État chargé de la consommation, François Brottes, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. – Rejet.
Amendements nos 142 et 271 : MM. Roland Muzeau, le rapporteur général, le secrétaire d’État chargé de la consommation, Alain Vidalies, François de Rugy, Francis Vercamer, Mme Michèle Delaunay. – Rejets.
Amendement n° 143 : MM. Roland Muzeau, le rapporteur général, le secrétaire d’État chargé de la consommation, Lionel Tardy, Pierre Morange. – Rejet.
Amendement n° 336 : MM. Pierre Méhaignerie, le rapporteur général, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 182 : MM. Richard Mallié, le rapporteur général, Mme la ministre, MM. Jean-Marc Ayrault, Roland Muzeau, François de Rugy. – Retrait.
Rappels au règlement
MM. Jean-Pierre Brard, Jean-Marc Ayrault, Jérôme Chartier, le président.
MM. Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Brard, Mme la ministre.
M. Jean-Pierre Brard.
Suspension et reprise de la séance
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Brard.
Reprise de la discussion
Amendement n° 215 : Mme Marisol Touraine, M. le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 345 : MM. François de Rugy, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 121 et 429 : MM. Jean-Claude Sandrier, François de Rugy, le rapporteur général, Mme la ministre, MM. François Brottes, Jean-Pierre Brard, Francis Vercamer. – Rejet par scrutin.
Amendement n° 213 : Mme Marisol Touraine, M. le rapporteur général, Mmes la ministre, Danièle Hoffman-Rispal. – Rejet.
Amendement n° 253 : MM. Charles de Courson, le rapporteur général, Mme la ministre, M. Didier Migaud, président de la commission des finances. – Retrait.
Amendement n° 265 : MM. Charles de Courson, le rapporteur général, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 249 : MM. Victorin Lurel, le rapporteur général, Mme la ministre. – Adoption de l’amendement n° 249 rectifié.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2. Ordre du jour des prochaines séances
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Madame la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, nous sommes réunis pour discuter d’un texte particulièrement important, pour vous comme pour nous, compte tenu des conséquences qu’il aura pour notre pays.
Nous ne sommes pas, ici, éloignés de l’actualité ni des relations entre l’Élysée et certains ministères. On ne sait par quel artifice constitutionnel, le Président de la République vous a adressé une lettre de mission pour les années qui viennent. Or nous avons pu lire dans la presse que certains des éléments qui y sont évoqués nous concernent directement.
Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour vous dire que je serai malheureusement obligée de quitter l’hémicycle tout à l’heure, pour une courte durée. En effet, j’ai rendez-vous avec M. le Premier ministre, ce qui me permettra d’évoquer cette lettre de mission, dont j’ai pris connaissance hier. Je vous prie donc de m’excuser par avance de devoir m’absenter de l’hémicycle entre neuf heures cinquante et dix heures quarante environ.
L’amendement que j’ai l’honneur de défendre devant vous a trait au personnel navigant de cabine, dont la situation est plus que paradoxale : les pilotes de ligne, c’est-à-dire le personnel navigant qui pilote des aéronefs, peuvent, eux, travailler jusqu’à soixante ans – voire soixante-cinq ans, comme le leur permettent les recommandations de l’Organisation internationale de l’aviation civile, sous réserve naturellement de leur aptitude physique.
La loi du 27 juillet 2004 a renvoyé à un décret le régime des retraites du personnel navigant de cabine. Ces personnes sont quasiment obligées de partir en retraite à cinquante-cinq ans puisqu’elles n’ont plus la possibilité de voler. Le procédé de reclassement au sol qui leur est proposé est illusoire dans la mesure où les compagnies aériennes n’ont en général guère besoin de personnel supplémentaire au sol.
Les personnels navigants de cabine sont ainsi amenés à partir en retraite à cinquante-cinq ans. J’ajoute que la plupart d’entre eux n’ont pas réuni le nombre de points nécessaire, même s’ils sont indemnisés pendant deux ou trois ans en vertu des dispositions relatives aux cotisations sociales.
Il y a là une injustice flagrante. Ces personnes souhaitent travailler et sont souvent parfaitement aptes physiquement à effectuer leur mission en cabine. Je vous répète que les pilotes peuvent aller jusqu’à soixante ans, l’âge légal, et parfois soixante-cinq ans. C’est pourquoi je demande la suppression des deux dernières phrases de l’article L. 421-9 du code de l’aviation civile.
Savez-vous, monsieur le rapporteur général, ce que disait Clemenceau à propos des principes ? Qu’il fallait s’appuyer dessus jusqu’à ce qu’ils cassent ! (Sourires.) Nous devons prendre nos responsabilités et avoir le courage de modifier une loi contraire à l’intérêt de celles et de ceux qui souhaitent travailler au bénéfice de l’économie nationale.
Je maintiens donc mon amendement.
Sans vouloir retarder nos travaux, je sollicite une courte suspension de séance pour réunir notre groupe.
Je vais donc suspendre la séance pour une dizaine de minutes.
(La séance, suspendue à neuf heures quarante, est reprise à neuf heures cinquante.)
Je mets aux voix l'amendement n° 171.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Éric Jalton, pour le soutenir.
Cet amendement, présenté par ma collègue Jeanny Marc, et que j’ai cosigné avec Victorin Lurel, vise à exonérer, en Guadeloupe et en Martinique, quelle que soit la superficie cultivée, les agriculteurs propriétaires de terrains contaminés par la présence de chlordécone, de cotisations relatives aux prestations familiales, à l'assurance maladie, à l’invalidité, à la maternité et à l'assurance vieillesse, dans des conditions fixées par décret. Cette mesure est à mettre en place pour toute la durée de la décontamination des sols.
Ces agriculteurs, dont les productions sont devenues impropres à la consommation, se voient privés de revenus et confrontés à des contentieux sociaux et fiscaux inextricables du fait de cette catastrophe environnementale touchant une partie du territoire national. La pollution des sols de ces deux collectivités françaises d'outre-mer est aujourd'hui avérée, et l'expression de la solidarité nationale vis-à-vis de nos compatriotes doit s'exprimer pleinement à l'occasion de ce premier texte portant sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat.
Pesticide organochloré utilisé entre 1981 et 1993 et employé pour le traitement des bananeraies afin de lutter contre le charançon, le chlordécone appartient à la même famille que le DDT, le lindane et le mirex. Il s'agit en effet d'un polluant organique persistant, extrêmement rémanent dans l'environnement, qui peut s'avérer très toxique. Il a été classé comme cancérigène potentiel chez l'homme dès 1979, mais n'a été interdit qu'en 1993, après avoir été utilisé, notamment aux Antilles.
Le chlordécone est une substance très stable, qui se dégrade difficilement et a tendance à s’accumuler dans les sols et les graisses. Cette pollution se retrouve dans d'anciennes terres de cultures bananières rendues à la culture vivrière. Du fait de sa rémanence, le chlordécone est encore présent dans des sols et contamine certains produits cultivés sur ces terrains. Une quinzaine de sources d'eaux de captage, également polluées par ce produit, sont progressivement traitées au charbon actif. Rappelons que le capital premier de la Guadeloupe est constitué de son or bleu, d'autant que cette collectivité a pour nom originel Karukera, « l'île aux belles eaux ». Les végétaux les plus contaminés sont d'abord les légumes racines, en raison de la migration directe du chlordécone du sol vers la racine. Certains végétaux, dont les parties comestibles sont proches de leur racine, ou qui sont en contact avec la terre, peuvent être aussi contaminés, mais plus faiblement.
À la demande des ministères de l'agriculture, de la consommation et de la santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a été chargée d'évaluer l'exposition alimentaire de la population antillaise au chlordécone et de fixer des limites maximales de contamination des denrées.
Par un arrêté du 5 octobre 2005 du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, sont considérés comme impropres à la consommation humaine un certain nombre de produits tels que la viande de volaille et les denrées alimentaires d'origine animale. Par un arrêté du 10 octobre 2005 du même ministère, sont également considérés comme impropres à la consommation humaine certains produits de consommation courante, comme les carottes, les concombres ou les tomates. On constate que les principaux produits touchés sont des cultures vivrières ou de diversification agricole.
La solidarité nationale envers les agriculteurs des Antilles est donc indispensable.
Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi, et considérant que ce projet vise à augmenter le pouvoir d'achat, à stimuler l'emploi et le travail, que l'emploi et le travail des agriculteurs de la Guadeloupe et de la Martinique se trouvent être passablement compromis par une catastrophe environnementale sans précédent, il est politiquement justifié et juridiquement établi que les exploitants agricoles ne disposant plus de leurs outils de production bénéficient d'exonérations de charges durant la période de décontamination de leurs exploitations.
Jean-Charles Taugourdeau, qui est membre de la commission des affaires économiques, laquelle a rendu un rapport d’information sur ce sujet, complétera mes propos.
Enfin, je précise que les exploitations inférieures à quarante hectares sont déjà exonérées de charges sociales.
Pour toutes ces raisons, monsieur Jalton, le Gouvernement souhaite que vous retiriez cet amendement. Si cet amendement était maintenu, il en demanderait le rejet.
Il ne s’agit pas seulement de la Guadeloupe et de la Martinique, mais de la Caraïbe tout entière, dont les sols sont pollués par les pesticides de la famille des organochlorés, notamment le chlordécone, le mirex, ainsi que tous les isomères de cette famille.
En Guadeloupe, sur 40 000 hectares de terres, 5 000 sont concernés. Alors que ce texte vise à encourager ceux qui travaillent déjà à « travailler plus pour gagner plus », nous allons perdre des emplois.
Les reconversions, les diversifications sont désormais inadéquates. Les chercheurs ont montré que, les pesticides remontant dans la sève, les bananes – production majeure de la Guadeloupe et de la Martinique – ne sont plus à l’abri de la contamination.
Lors d’une session plénière, le conseil régional de la Guadeloupe a été envahi par des militants politiques –écologistes ou nationalistes – et par des élus venus dénoncer l’inertie de l’État. Nous connaissons le taux de prévalence du cancer de la prostate, du cancer du sein, des malformations congénitales le plus important au monde ! Il s’agit d’une véritable catastrophe sanitaire ! Et si l’on ne fait rien, il faudra faire face à l’opinion publique guadeloupéenne et martiniquaise.
Il y a bien eu une mission d’information, en effet – alors qu’une commission d’enquête parlementaire d’enquête avait été demandée. Mais elle a plus divisé que réuni. Savez-vous que le ministère de la santé a refusé de nous recevoir ? Que le service des douanes n’a pas été entendu ? Ni celui de la protection des végétaux ? Les responsabilités n’ont pas été recherchées : on n’a fait que ménager les uns et les autres. Quatorze ans après l’interdiction, décidée en 1993, il subsiste encore des stocks de Curlone ou de Kepone – noms commerciaux de ces produits – dans les hangars à bananes ! Manifestement, il existe des filières d’importation illégale en provenance des États-Unis, mais ce point n’a jamais été élucidé !
L’État, par la voix de M. Bussereau, alors ministre de l’agriculture, a promis des indemnisations. Mais, à mesure que les questions posées se font plus précises, les engagements tendent à s’amenuiser. On nous a dit que les pertes liées à la destruction des récoltes seraient indemnisées, alors que nous savons, dans l’état actuel de la recherche, que les sols pollués de Guadeloupe et de Martinique devront être gelés pendant 516 ans !
L’État doit prendre un engagement fort. Il existe une demande de l’opinion publique, relayée, je l’espère, par tous les parlementaires d’outre-mer, au-delà des clivages politiques, en faveur d’une véritable commission d’enquête parlementaire, afin de faire toute la lumière sur le sujet.
Par ailleurs, depuis la loi de juillet 1992, les distributeurs d’eau doivent mettre à la disposition des usagers une eau exempte de toute contamination. Or, depuis quinze ans, en Guadeloupe et en Martinique, les communiqués des DSDS et les DRASS, qui valident la conformité des eaux distribuées, sont mensongers. La responsabilité des services de l’État est donc engagée, comme l’est celle des sociétés commerciales de distribution, mais personne ne veut en parler. Quand on évoque la question, comme aujourd’hui, on nous renvoie aux calendes grecques : « Dormez tranquille, nous pensons à vous ! »
L’État doit s’engager à résoudre ce problème de santé publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Une solution serait de modifier l’article L. 762-4 du code rural en portant le seuil de quarante à cent hectares pondérés, soit vingt-cinq hectares. Si, au moins, le Gouvernement prenait cet engagement, nous pourrions nous en satisfaire, malgré le rejet de l’amendement. Il faut donner un signe à l’opinion publique, non pas seulement guadeloupéenne ou martiniquaise, mais aussi métropolitaine. Dans le cas du Régent, qui a fini par être interdit et contre lequel M. de Villiers avait manifesté dans les rues du Puy-du-Fou, les agriculteurs ont été indemnisés et des mesures d’accompagnement prises. Pourquoi cette discrimination à l’égard des outre-mer français ? Je demande une réponse du Gouvernement !
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.
Notre pays, vous le savez, connaît un taux d’activité des seniors particulièrement bas. Un des objectifs du Gouvernement est donc de permettre aux plus de cinquante-cinq ans de retrouver une activité, en allant plus loin que la mobilisation déjà engagée par Gérard Larcher avec le plan « Seniors ».
Cela étant, la question dépasse celle des heures supplémentaires dont nous discutons aujourd’hui, même si nous sommes amenés à évoquer les retraites et les cotisations sociales. Elle devrait plutôt être abordée dans le cadre du rendez-vous « retraites » et, de manière plus globale, dans celui du PLFSS.
Je sollicite donc le retrait de l’amendement.
J’aimerais cependant citer le cas d’une personne, retraitée de l’industrie chimique et qui, ayant acquis un certain savoir-faire en matière de sécurité, a décidé de monter une micro-entreprise afin d’aider les entreprises du secteur de la chimie – assez nombreuses dans le département où je suis élu – à progresser dans ce domaine. Or, contrairement à l’URSSAF et à la caisse d’assurance maladie, qui ont bien voulu prendre en compte les ressources réelles tirées de cette initiative, la CIPAV fait preuve de mauvaise volonté : elle réclame en effet, pour l’année, une cotisation forfaitaire de 840 euros, alors que les revenus générés par la micro-entreprise ne s’élevaient, pour la première année d’exercice, qu’à 2 500 euros. Telle est une des aberrations que nous souhaitons voir corriger.
Compte tenu de l’engagement du Gouvernement, je retire mon amendement, mais je souligne l’urgence de la situation, non seulement du point de vue du maintien de l’activité, mais aussi de celui de la transmission des savoirs.
Je suis saisi d’un amendement n° 250.
La parole est à M. Éric Jalton, pour le soutenir.
Pour ne prendre que l’exemple de la Guadeloupe, les jeunes actifs de moins de vingt-cinq ans demeurent, avec un taux de 58,4 %, les plus touchés par le chômage, et ce malgré les dispositifs du congé solidarité mis en place en 2000. Et je ne parle pas des femmes au chômage ni des chômeurs de longue durée !
Au 31 décembre 2006, les demandes d’emploi par niveau de formation étaient, en Guadeloupe, au nombre de 11 500. Dès lors, la véritable priorité en matière de lutte contre le chômage est de permettre à notre jeunesse diplômée de travailler pour vivre dans la dignité du fruit de leur labeur.
Par ailleurs, la hausse des prix est bien supérieure dans les DOM à celle enregistrée en France hexagonale – 2,7 % contre 1,5 % –, en raison de l’augmentation des prix de l’énergie, du logement et des transports.
Si la relance de nos économies insulaires passe actuellement par les dispositions prévues par la loi de programme pour l’outre-mer – exonérations de charges sociales et incitations fiscales –, la crise de l’emploi revêt de telles proportions, en dépit des efforts consacrés à la lutte contre le chômage, qu’il devient urgent de renforcer le dispositif d’exonération de charges, dès lors que le salarié est un jeune diplômé d’études supérieures, demandeur d’emploi depuis plus de six mois.
En adoptant le dispositif présenté par cet amendement, nous voulons amplifier un instrument de lutte contre le chômage des jeunes et, de manière concomitante, améliorer le pouvoir d’achat d’un public fragilisé par l’insularité et l’exiguïté du marché du travail.
Nos populations veulent un signal fort. Elles réclament des solutions concrètes et pragmatiques pour lutter contre ce chômage omniprésent outre-mer, qui brise notre jeunesse. Quant à cette dernière, elle aspire non à travailler plus, mais à travailler tout court !
La commission a rejeté l’amendement n° 250 pour des raisons notamment techniques. En effet, tel qu’il a été rédigé, il jouerait pour de nouveaux salariés qui viendraient à être recrutés, mais les charges patronales ne seraient plus exonérées pour un salarié déjà présent dans l’entreprise et dont le salaire dépasserait 1,3 fois le SMIC. Ce serait donc vraiment contraire à l’intérêt de l’entreprise. De plus, lier cette majoration à une condition de diplôme risque de confiner les salariés non diplômés dans une trappe à bas salaire.
J’ai participé à la commission d’évaluation des charges sociales patronales, instaurée sous la précédente législature. Son appréciation du dispositif actuel est plutôt positive. Nous pensons qu’il faut aujourd’hui en rester là.
Par ailleurs, une réflexion est en cours au sein de la Commission nationale d’évaluation de la mise en œuvre de la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2003, ainsi qu’un rapport d’audit de modernisation sur l’évaluation du dispositif d’exonération de charges sociales spécifique à l’outre-mer.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite traiter cette question de manière globale. Il n’est donc pas favorable à l’adoption de cet amendement dans le cadre de ce projet de loi.
Il s’agit d’un texte en faveur de l’emploi, du travail et du pouvoir d’achat. Or vous nous objectez qu’il existe un dispositif spécifique qu’il convient d’évaluer. Une commission nationale a apparemment commencé à travailler. Elle aurait même publié des documents. Mais le député que je suis n’en a pas eu connaissance.
Votre premier acte, en guise d’évaluation, a été de supprimer la quote-part de financement de l’État sur le dispositif du congé de solidarité. Je rappelle à nos collègues que le congé de solidarité – peut-être n’est-ce pas votre conception – est destiné à favoriser le départ à la retraite d’un salarié âgé de plus de cinquante-cinq ans, qui a les annuités suffisantes, à condition que l’entreprise embauche un jeune de moins de trente ans ou de trente ans au plus. Cette mesure était financée à raison de 60 % par l’État, les 40 % restants étant à la charge des collectivités et des entreprises. Le financement de l’État a été réduit à 50 % dans la loi de finances pour 2007, alors que vous vous étiez escrimés à nous expliquer l’efficacité du dispositif. La région Guadeloupe, que je préside, finance le délestage, la défausse de l’État, alors que cette mesure permet pourtant de créer des emplois.
Dans un environnement gangrené par le chômage, il faut livrer ce que le philosophe Stevenson appelait « l’équivalent moral d’une guerre ». Or nous avons l’impression que, en guise de guerre contre le chômage, ce ne sont que des atermoiements, des petits dispositifs, du rafistolage, des cautères sur une jambe de bois. Et j’ose rappeler les propos du Président de la République, Nicolas Sarkozy : il faut une discrimination positive, non pas territoriale, ajouterai-je, mais en faveur des jeunes diplômés, chômeurs de longue durée.
Nous rencontrons un véritable problème en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion. C’est également vrai en Guyane et dans les autres pays d’outre-mer. Des jeunes ont ainsi fait l’effort de se qualifier, d’être diplômés et regardent passer le train de l’emploi. Ils sont au chômage chez eux ! Nous sommes donc face à de jeunes lettrés, de jeunes intellectuels qui commencent à sombrer dans l’agitation. Si vous refusez d’aller au-delà de votre philosophie libérale selon laquelle l’emploi est un solde – ce qui reste quand on a croisé l’offre et la demande –, vous susciterez de la désespérance et de l’agitation ! Il convient de répondre plus positivement aux sollicitations. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.
À l’époque déjà, les tentations étaient fortes d'assimiler les périodes d'astreintes à du temps de repos, de banaliser leur utilisation dans l'objectif de permettre aux chefs d'entreprise de continuer à les organiser à leur guise, sans être contraints par un surplus de rémunération, de récupération, donc de contreparties insupportables.
Pratique courante dans de nombreux secteurs, l'astreinte contraignante pour les salariés se devait d'être encadrée, l'accord exprès du salarié n'étant pas requis. Les garanties légales encadrant la mise en place de celles-ci dans l'entreprise alors posées n'étaient pas abusivement sévères. Faute d'accord de branche étendu ou d'accord d'établissement, l'employeur pouvait toujours unilatéralement les mettre en place et décider des compensations sous forme financière ou sous celle de repos. Mais c’était déjà trop. Comme dans d'autres domaines la jurisprudence, jugée trop protectrice des salariés, gênait. La définition équilibrée qu'elle donnait de l'astreinte était insupportable à ceux qui n'avaient pas abandonné l'idée de l'assimiler définitivement à du temps de repos, afin de s'affranchir des règles d'ordre public social relatives au repos quotidien et hebdomadaire, dont l'objet est la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs.
Ainsi, en porte-plume du MEDEF, la majorité UMP d’alors, habituée aux mauvais coups, a profité de la loi Fillon de 2003 pour introduire une modification de l'article L. 212-4 bis du code du travail et remettre en cause la jurisprudence Dalkia. Exit donc le principe selon lequel « un salarié ne bénéficie pas de son repos hebdomadaire lorsqu'il est en astreinte » et place à une tout autre sécurité au bénéfice de l'employeur puisque, depuis lors, « exception faite de la durée d'intervention, la période d'astreinte est décomptée dans les durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire. »
Décidément, avec votre majorité, tout est possible : même d'être considéré comme en repos tout en restant en alerte, mobilisable, à disposition et obligé de rester à son domicile, à distance raisonnable de son employeur pour être en mesure d'intervenir.
L'État français a été rappelé à l’ordre à ce propos par le Comité de la charte sociale du Conseil de l'Europe dans une décision du 4 mai 2005.
Nous proposons simplement, via notre amendement n° 137, de supprimer les dispositions incriminées.
L’article 1er porte avant tout sur les conditions d’exonération des heures supplémentaires ou complémentaires. Il ne remet en cause ni la définition de ces heures ni telle ou telle disposition du code du travail.
Telle est la position de principe que nous avons prise.
Pour toutes ces raisons, et parce que cela ne relève pas directement des sujets qui nous préoccupent, le Gouvernement a émis un avis défavorable à cet amendement.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous vous plaignez de l’appréciation que nous portons sur le monde de l’entreprise. Mais vous vous trompez complètement. Ce n’est pas moi qui ai inventé la formule « patrons voyous », mais le Président de la République de l’époque, Jacques Chirac.
Dans l’hémicycle dans lequel je siégeais précédemment, des collègues de la majorité étaient peu avares d’exemples trouvés dans leurs circonscriptions où des entreprises se montraient assez insouciantes quant au sort de leurs salariés. Elles déménageaient, par exemple, un dimanche et les salariés se retrouvaient le lundi dans leur entreprise qui ne comptait plus une seule machine !
Malgré l’assurance que m’avez donnée de ne pas toucher au code du travail, monsieur Carrez, nous avons constaté, lors de l’examen de l’article 1er, que le fameux principe « travailler plus pour gagner plus » dépassait le plafond des 1 607 heures ! Nous touchons là tout de même aux aspects fondamentaux du code du travail et des garanties sociales !
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.
Une étude récente de la DARES montre, à cet égard, que, dans la population active à temps partiel, la catégorie des employés est sur–représentée, à hauteur de 59 % contre 8 % de cadres.
S’agissant des femmes, une enquête de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail publiée cette année relève que, si l’on additionne leur temps de travail rémunéré en temps partiel et leur temps « domestique » travaillé, on arrive à un temps total supérieur à celui des hommes travaillant à temps plein !
Le rapport de force entre employés et employeur, dois-je vous le rappeler, n’est pas un rapport d’égalité. Nous souhaitons tous ici, j’en suis sûr, je l’espère en tout cas, le voir tendre vers la justice et l’équilibre, principalement par l’intermédiaire du code du travail, qu’il nous faudra améliorer et arrêter de dégrader. Or force est de constater que les dispositions qui nous sont proposées sur le recours aux heures complémentaires pour les contrats à temps partiel ouvrent au contraire toute grande la porte aux abus.
C’est pourquoi l’amendement défendu par mon groupe vise à modifier l’article L. 212-4-3 du code du travail, insuffisant en l’état. En effet, celui-ci ne prévoit qu’une modification des heures de travail prévues au contrat partiel initial en cas de dépassement des heures complémentaires réglementaires. L’arrêt de la Cour de cassation du 24 novembre 1998 ne résout en rien ce problème.
Il est donc nécessaire d’aller plus loin et de donner la possibilité à l’employé en temps partiel de demander une requalification de son contrat en temps plein en cas de dépassement abusif des heures complémentaires au-delà des conditions prévues par la loi.
Votre amendement, monsieur Muzeau, prévoit le cas où, en raison des heures complémentaires, le temps de travail d’un titulaire d’un contrat à temps partiel atteindrait la durée légale. Or ce cas est exclu par le code du travail puisque le recours aux heures complémentaires ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail effectué par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.
Un tel dispositif vise justement à protéger les salariés à temps partiel de l’utilisation abusive du temps partiel alors qu’on leur demanderait de faire du temps plein. Il a pour objet d’inciter à proposer des contrats à temps complet.
Vous savez, monsieur Muzeau, que, dans le code du travail, il existe aujourd’hui ce qu’on pourrait appeler une clause anti-abus. Si le salarié effectue des heures complémentaires à hauteur de la durée du travail, le contrat de travail est immédiatement modifié, sauf opposition de sa part. Cette disposition a été confirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation, notamment dans son arrêt du 14 juin 2006.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le défendre.
Cette disposition est importante dans la mesure où le salarié est loin d’être placé dans une situation d’égalité par rapport à son employeur. La liberté de consentir est largement entamée par le poids du chômage et le caractère immédiat des pressions intérieures à l’entreprise et des pressions économiques et familiales extérieures.
Il importe donc de protéger le salarié contre toute forme de chantage.
L’employeur ne peut invoquer, en cas de refus du salarié d’effectuer des heures complémentaires, une quelconque faute constituant un motif réel et sérieux de licenciement. Cette disposition protectrice doit toutefois être élargie. Elle vise seulement le refus d’exécuter des heures complémentaires au-delà du dixième de l’horaire prévu au contrat, possibilité ouverte par simple accord collectif de travail, ce qui permet de repousser la limite dans laquelle ces heures restent légalement possibles. Lorsque les heures complémentaires sont proposées dans la limite d’un dixième de l’horaire prévu au contrat, le salarié peut les refuser à condition que le délai de prévenance de trois jours n’ait pas été respecté.
Nous connaissons la situation faite aux personnes qui travaillent à temps partiel et qui, majoritairement, y sont contraintes. Les horaires de travail sont éclatés, les plages horaires sont larges. Nous savons en conséquence qu’il leur est tout particulièrement difficile d’organiser leur vie, d’articuler leur activité professionnelle avec leurs contraintes familiales et leurs envies personnelles.
Nous savons également que les employeurs, intentionnellement ou pas d’ailleurs, nécessités économiques obligent, ont tendance à s’affranchir de ce délai de prévenance, délai passablement assoupli par la récente loi sur le développement des services à la personne et portant diverses dispositions en faveur de la cohésion sociale.
Notre amendement n° 140 lève en conséquence toute ambiguïté quant aux motifs valables permettant aux salariés de refuser de faire des heures complémentaires. Il propose que, même à l’intérieur des limites autorisées par le contrat de travail, le salarié soit libre de refuser.
Pour les contrats à temps partiel, le salarié est libre de refuser des heures complémentaires au-delà de ce qui est prévu dans le contrat. Pour les contrats à temps complet, il est libre de refuser les heures supplémentaires au-delà du contingent de 220 heures – ce qu’on appelle les heures choisies. J’ajoute que celles-ci sont bien entendu couvertes par l’exonération de charges salariales.
Les dispositions concernant les heures complémentaires sont protectrices pour le salarié, qui peut choisir. Il n’y a donc pas lieu de les remettre en question.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean Launay, pour le défendre.
Il faut porter attention aux salariés à temps partiel imposé. Nous souhaitons donc que l’accord collectif de travail fixe les conditions dans lesquelles ils doivent se voir proposer en priorité les heures complémentaires et les heures choisies.
Le rapporteur général, qui ne se renie pas par rapport à son propos d’hier, et je l’en remercie, nous dit en gros ce que nous écrivons dans notre amendement, c’est-à-dire que, lorsqu’il y a plus de travail, il doit être donné en priorité à ceux qui sont en temps partiel et qui ont envie de travailler plus. Il vient donc de donner un avis favorable à notre amendement, et je l’en remercie.
Monsieur le secrétaire d’État, on vous a connu une plus grande souplesse de langage. Vous n’étiez certes pas dans la même situation, mais vous allez chercher une drôle d’argumentation. Il faut bien en effet que vous argumentiez parce que vous êtes gêné quand on vous propose une mesure de cette nature.
Vous nous répondez qu’un tel dispositif n’empêche nullement ceux qui veulent travailler plus de travailler plus mais, si l’employeur décide de donner priorité aux heures supplémentaires pour ceux qui sont déjà à temps plein, parce que les heures complémentaires ne sont pas concernées par la déduction de charges, il y a bien un effet pervers. La formule que nous proposons est parfaitement responsable puisqu’il s’agit, métier par métier, type d’emploi par type d’emploi, d’avoir une approche pour donner la priorité à ceux qui sont à temps partiel non choisi.
C’est une question majeure. Un grand nombre de salariés qui n’ont pas choisi de travailler à temps partiel et qui souhaitent faire plus d’heures seront finalement empêchés de les faire parce que vous refusez la disposition que nous proposons, contrairement d’ailleurs à l’avis qu’a donné le rapporteur général, même si, j’en conviens, monsieur le président, sa conclusion n’était pas tout à fait conforme à une approbation de notre proposition.
Franchement, monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez pas dire que l’on porte atteinte à la liberté d’organisation du travail dans une entreprise. Si, dans une entreprise, dix salariés font le même métier, cinq à temps partiel non choisi, qui veulent travailler plus, et cinq à temps complet, et que l’on privilégie ceux qui sont à temps complet, il ne s’agit pas de l’organisation de l’entreprise : une telle disposition constitue en la circonstance pour les employeurs un effet d’aubaine.
Ne changeons pas de débat, monsieur le secrétaire d’État ! J’ai posé une question sur un point et vous me répondez sur un autre. Nous souhaitons que les salariés à temps partiel imposé soient prioritaires car ce sont eux, qui travaillent parfois simplement pour survivre, qui ont le plus besoin de travailler plus.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l’amendement n° 142.
Contrairement à ce que beaucoup se plaisent à laisser croire à l'opinion publique, les salariés ne sont pas libres de travailler plus ou moins, pas plus que d'être exposés à des produits ou à des situations dangereuses pour leur santé. Ils ne négocient pas d'égal à égal avec leur employeur leur temps de travail, ni leur salaire.
Les thèmes du code du travail, qui enserre, par opposition au contrat, qui libère, ou du salarié qui serait désormais « majeur », sont instrumentalisés pour tenter de convaincre de l'inutilité d'une législation sociale protectrice des droits individuels et collectifs des salariés.
La liberté, omniprésente dans les thèses que vous développez depuis l’ouverture de nos débats, et le rapporteur à l’instant, et qui justifierait toutes les « réformes » de ces cinq dernières années, n'est que pure fiction. Comme Philippe Waquet le rappelait il y a deux ans, lorsque des députés UMP défendaient une proposition de loi déclinant le concept des « heures choisies », « le contrat de travail est la seule convention qui établisse une relation de subordination entre les parties : le salarié doit obéir au patron ».
S'agissant plus précisément des heures supplémentaires, la jurisprudence constante en la matière est que le refus du salarié d'accomplir sans motif valable lesdites heures pour effectuer un travail urgent dans l'intérêt de l'entreprise constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement et même, dans certains cas, une faute grave.
Le salarié ne peut refuser de s'exécuter qu’en cas de non-paiement des heures supplémentaires relevant du travail dissimulé. Dans les autres cas, sauf circonstances très exceptionnelles, s'il peut être justifié d'obligations familiales, les juges accepteront de ne pas caractériser le refus en acte d'indiscipline portant atteinte à l'autorité de l'employeur et de considérer le licenciement comme fondé. Telle est la réalité et l'état de la jurisprudence.
Comme vous, nous avons à cœur de sécuriser les relations entre employeurs et employés. Comme vous, nous tenons à ce qu'un salarié volontaire et consentant, dans certaines limites non préjudiciables à sa santé, à l'emploi, puisse effectuer ponctuellement des heures supplémentaires.
Mais, contrairement à ce que vous proposez, nous envisageons de poser les garanties nécessaires à l'existence d'un vrai choix pour le salarié, et non d’un pseudo-choix fait sous contrainte. C'est le sens de notre amendement, qui pose explicitement le principe selon lequel « le refus d'effectuer des heures supplémentaires ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement ».
Je suis peut-être un grand naïf, messieurs les rapporteurs, mais il me semble que nous pourrions tomber d’accord sur un amendement de cette nature. Depuis le début de nos débats, vous déployez toute votre force de conviction à affirmer que ce que demandent les salariés, c’est du pouvoir d’achat en plus – sur ce point nous sommes tous d’accord – et de pouvoir travailler plus : nous sommes d’autant plus d’accord que ceux qui travaillent à temps partiel ou en temps fractionné ne demandent que cela, et que l’immense majorité de ceux qui n’ont pas de travail demandent à en avoir.
Apporter une telle garantie aux salariés ne nous semblerait donc nuire en rien à l’objectif que vous dites poursuivre au travers d’un certain nombre de dispositions du texte que nous examinons.
Votre présentation a été tout à fait équilibrée, monsieur Muzeau, et la réponse à votre question s’y trouve. Le régime actuel est justifié par la nécessité pour l’entreprise de faire face à des « coups de feu », des surcroîts de travail qui rendent nécessaire une mobilisation des salariés. D’où ce principe bien établi : le refus d’effectuer des heures supplémentaires ou des heures complémentaires prévues au titre du contrat peut être un motif de licenciement.
Mais, comme vous l’avez dit vous-même, la jurisprudence est venue atténuer la rigueur du principe, pour des raisons familiales, médicales, pour toutes sortes de raisons. Et il me semble qu’il y a là, entre l’affirmation du principe, la jurisprudence, et surtout le bon sens de la plupart des employeurs, que M. Taugourdeau a eu raison de rappeler à plusieurs reprises, un équilibre qu’il ne convient pas de rompre.
Votre amendement remettrait en cause ce principe, et c’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’y est pas favorable.
Notre discussion est étrange : il ne s’agit pas ici de remettre en cause le principe, mais simplement de trouver une règle minimale pour protéger la situation des salariés. On voit bien ce qui se passe : chaque fois que nous proposons des protections minimales pour les salariés, vous nous opposez un refus, au nom du principe de la liberté du chef d’entreprise. Par contre, quand il s’agit d’entraver ou de limiter l’exercice d’un droit des salariés – on le verra dans quelques semaines pour le droit de grève – alors là, il n’y a plus de limite, et il faut absolument inscrire ce type de dispositions dans le code.
Le dispositif proposé par l’amendement n° 271 n’a rien d’extraordinaire : si vous m’écoutiez, monsieur le rapporteur général et messieurs les ministres, vous apprendriez qu’il reprend pour partie une possibilité qui est déjà dans le code du travail pour les heures complémentaires. Il s’agit simplement d’appliquer la même règle aux heures supplémentaires.
Vous avez tout intérêt, et, je pense, les chefs d’entreprise aussi, à ce que, sans remettre en cause le principe de l’obligation pour le salarié – nous sommes d’accord là-dessus – la loi prévoie les cas exceptionnels où le refus du salarié ne constituera pas une faute.
Il n’est pas non plus extraordinaire d’inscrire dans la loi un délai de prévenance, dont on peut d’ailleurs discuter de la durée – il peut être de deux jours au lieu de trois. En tous les cas, il me semble légitime que les salariés, à qui vous voulez imposer des délais de prévenance pour exercer leur droit de grève, puissent eux aussi revendiquer un délai de prévenance si vous devez leur imposer des heures supplémentaires qui vont changer leur emploi du temps. Ils peuvent après tout avoir des engagements, en matière de formation ou de nature familiale, par exemple.
Cette disposition ne ferait donc pas peser sur les entreprises une contrainte au-delà de ce qu’impose le respect des hommes et des femmes qui travaillent : nous souhaitons simplement inscrire dans la loi que ce refus ne constitue pas une faute lorsqu’il est justifié par « des obligations familiales impérieuses » ou « le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur ».
Le code du travail prévoit déjà ces limitations s’agissant des heures complémentaires. Il est assez incompréhensible, puisque vous voulez faire des heures supplémentaires la base de votre politique, que vous n’ayez pas prévu un minimum d’encadrement. Voilà pourquoi cet amendement me paraît absolument indispensable.
En effet, on nous parle beaucoup de liberté, du moins quand il s’agit de la liberté d’entreprendre, que M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles invoquait encore à l’instant. On nous a dit que ce système allait permettre aux salariés de travailler plus s’ils le souhaitaient.
On a déjà démontré que certains qui souhaiteraient travailler plus ne le pourraient pas, tout simplement parce qu’on ne leur proposerait pas d’heures supplémentaires. On a là le cas inverse, qu’il faut quand même bien évoquer : celui de la liberté du salarié de ne pas travailler plus s’il ne le souhaite pas. Et ce n’est pas une question d’idéologie.
Je voudrais prendre un cas concret, celui d’un salarié, ou plus probablement d’une salariée – vous savez très bien que cela touchera surtout les femmes – qui accomplit ses 35 heures en quatre jours ou quatre jours et demi, et qui a organisé sa vie en conséquence, notamment pour assurer la garde de ses enfants. Cette personne pourra être obligée d’exécuter des heures supplémentaires, et donc de payer quelqu’un pour garder ses enfants...
Tout le monde est évidemment capable de comprendre qu’en cas de surcroît de travail exceptionnel, même durant un certain temps, le recours aux heures supplémentaires soit la seule manière d’absorber ce surcroît momentané. Mais cela ne se règle pas par les accords de méthode et les accords de branche : nous sommes bien dans le cadre de la relation entre employeurs et salariés, et dans un grand nombre de cas le salarié accepte sans difficulté de faire ces heures supplémentaires, tout simplement parce que, avec le blocage des salaires et la faiblesse du pouvoir d’achat, c’est le seul moyen de « mettre du beurre dans les épinards », comme on dit. Mais elles occasionnent surtout beaucoup de travail et beaucoup de fatigue.
Mais au-delà, monsieur le secrétaire d’État, nous disons qu’un salarié doit pouvoir refuser. Et s’il refuse, il ne le fait pas pour embêter son employeur ; comprenez qu’il refuse parce que cela lui « pourrit » quelquefois la vie ! Il a quand même le droit de dire « stop », parce qu’il ne peut pas en faire plus.
La disposition que nous vous avons proposée et que vous rejetez est une garantie qui, sans peser sur les employeurs, peut en revanche soulager un certain nombre de salariés, qui n’en peuvent plus de ne pas pouvoir refuser.
Il y a encore quelques mois – il s’agissait certes de la législature précédente – tout le monde, la main sur le cœur, prônait le dialogue social, et disait qu’il ne fallait pas modifier le code du travail sans avoir consulté auparavant les partenaires sociaux.
Il y a dix ans, mesdames, messieurs, quand vous avez mis en place la réduction autoritaire du temps de travail, vous avez évidemment provoqué, notamment dans les petites entreprises, une explosion du nombre des heures supplémentaires, du fait de la différence entre 39 heures et 35 heures.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.
Ces heures choisies présentent pour les employeurs le fabuleux avantage d’échapper au régime de droit commun applicable aux heures supplémentaires. Ce sont des heures travaillées au-delà du contingent d’heures supplémentaires, élargi de 130 à 180 heures grâce à M. Fillon, contournant les deux autres obstacles que sont l’autorisation de l’inspecteur du travail et le droit à un repos compensateur obligatoire – autant de garanties qui étaient de nature à protéger la santé des salariés, mais aussi à privilégier l’embauche de nouveaux salariés ou le passage à temps complet de ceux qui sont à temps partiel.
Vous objecterez – comme vous l’avez fait tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, en vous trompant de sujet – que ces heures ne peuvent être imposées, la loi prévoyant qu’elles sont subordonnées à l’existence d’un accord collectif de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement, et à un accord entre l’employeur et le salarié.
Le MEDEF, vous le savez bien, rêvait de cette individualisation des relations de travail, de discussions aussi décentralisées que possible, quasiment de gré à gré, entre l’employeur et le salarié. Il s’est montré très satisfait des innovations et assouplissements permis par le texte de 2005. Il se félicite aujourd'hui encore que l’on aille « à la vitesse de l’entreprise », avec des heures supplémentaires et complémentaires quasiment gratuites pour les patrons, donnant lieu à une majoration de 10 % à 25 % et ouvrant droit, surtout, à d’avantageuses exonérations de cotisations patronales.
Demain, toujours au nom de l’emploi, du travail et du pouvoir d’achat, vous défendrez avec ardeur la liquidation du SMIC, la fin de la durée légale fixée par la loi, et quoi d’autre encore ? On n’arrête pas le progrès ! Modernité, direz-vous ?
Je conclurai en citant ceux un professeur d’économie, M. Olivier Favereau, qui notait en 2005 – mais son propos n’a pas pris une ride – que « regardés de près, ces deux slogans, “Travailler plus pour gagner plus” et “Rétablir la liberté de choix”, sous couvert de modernité et de flexibilité, traduisent une vision de l’économie et de l’entreprise qui fleure bon le xixe siècle ».
Autant, monsieur Muzeau, nous pouvions partager certains points de vue dans l’exposé des motifs d’autres amendements que vous avez présentés, autant notre désaccord est ici total. La notion d’heures choisies introduites par la loi de 2005 est, contrairement à ce que vous affirmez, un progrès pour le salarié.
Vous êtes en pleine incohérence avec vos collègues. Voilà un instant, on se plaignait de ce que le refus de faire des heures supplémentaires puisse être un motif de licenciement. Or, comme son nom l’indique, la catégorie des heures choisies permet précisément au salarié de choisir, éventuellement, de ne pas faire ces heures sans pour autant courir le risque d’un licenciement. Le motif de licenciement est, je le répète, exclu au titre des heures choisies.
En outre, ces heures choisies que nous incluons dans l’article 1er, totalement libres du point de vue du salarié, entrent également dans le champ de l’exonération. Il s’agit donc, monsieur Muzeau, d’un véritable progrès et j’aimerais vous en convaincre.
Votre discours surprend un peu le jeune chef d’entreprise que je suis.
Permettez-moi donc de vous rappeler, puisque vous semblez ne connaître que le CAC 40, que les PME et TPE représentent 1,6 million d’entreprises en France. Surtout, les PME sont des entreprises patrimoniales, où les relations humaines, fondées sur la proximité entre le chef d’entreprise et les salariés, font converger les intérêts réciproques autour d’un même projet, ce qui est aux antipodes de la seule logique financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il importe aussi de rappeler que le renforcement de la cohésion sociale et la préservation de la vitalité économique de nos régions consistent aussi à organiser le marché du travail en prenant en compte la réalité économique actuelle et l’exigence d’une compétitivité accrue du fait de la globalisation. Accepter de faire évoluer certaines règles, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise, reconnaître que la flexibilité peut davantage rimer avec emploi qu’avec précarité, sont certainement quelques-unes des voies à explorer, sans dogmatisme, dans un esprit de dialogue et d’ouverture. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je soulignais que cette loi présentée par MM. Morange, Novelli et Ollier, qui instituait les heures choisies, présentait un fabuleux avantage pour les employeurs, en ce que ces heures échappent au régime de droit commun applicable aux heures supplémentaires. Voilà le dispositif en vigueur aujourd’hui. Il faut donc m’écouter quand je vous dis de telles choses.
Il s’agit d’heures travaillées au-delà du contingent d’heures supplémentaires…
Il s’agit donc d’heures effectuées au-delà du contingent d’heures supplémentaires, et qui…
Monsieur Morange, ce texte dont vous étiez un fervent défenseur – et je vous en reconnais le mérite – avait aussi l’avantage de contourner l’inspection du travail et le droit à un repos compensateur obligatoire. Ce sont des avantages non négligeables pour les entrepreneurs, ou du moins pour ceux qui souhaitent établir une relation de gré à gré qui, je le répète, nous rappelle le xixe siècle.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour le soutenir.
J’ai toutefois voulu faire moi-même une étude d’impact sur un bassin d’emploi industriel. J’ai d’abord constaté que les attentes des salariés liées à la défiscalisation des heures supplémentaires sont très fortes. Ils attendent en effet de voir progresser le salaire direct.
Comme l’observait le rapport du CERC élaboré sous la présidence de Jacques Delors, au cours des dernières années le salaire indirect a beaucoup plus progressé en France que le salaire direct. Je rappelle à ceux qui agressent souvent les entreprises qu’à l’échelle européenne notre pays se situe actuellement au deuxième ou au troisième rang pour ce qui est du coût horaire du travail. Pour ce qui est, en revanche, du salaire direct, il se place au dixième ou onzième rang sur quinze pays européens, en raison du poids des charges sociales pesant sur le travail.
Face à cette forte attente de pouvoir d’achat, diverses réponses ont été formulées. D’abord, bien sûr, celle de la croissance, vers laquelle convergent aujourd’hui tous les projets. La prime pour l’emploi fut une autre réponse. Je rappelle à tous ceux qui ont dit qu’il n’y avait pas eu de coup de pouce en faveur du SMIC qu’il y en a eu un en faveur des bas salaires par l’intermédiaire de la prime pour l’emploi en 2007. Pour un salarié au SMIC, en effet, la seule augmentation de la prime pour l’emploi représente une progression de près de 2,5 % de pouvoir d’achat. Pour l’avenir, la prime pour l’emploi reste un élément permettant de concilier la compétitivité des entreprises et la revalorisation du salaire.
Une autre amélioration du pouvoir d’achat repose sur la maîtrise des impôts locaux. Il y a, dans ce domaine, des efforts à faire.
Une autre voie encore est celle de la compétitivité des secteurs qui font payer cher leurs services aux autres. J’espère que les réflexions du rapport Rueff-Armand permettront de remettre en question les rentes de situation de secteurs, publics ou privés, qui sont dans ce cas.
Restent les heures supplémentaires, qui sont une idée très importante et très attendue. Il ne faudrait pas, cependant, que les secteurs qui ont fait ces dernières années le plus d’efforts de productivité et qui sont soumis à une forte contrainte internationale du fait des exigences de la compétitivité soient privés de cette possibilité.
Nous avons évoqué hier la situation des salariés du transport et des réponses ont été proposées. Il nous faut résoudre le problème difficile de tous les salariés du secteur industriel qui, souvent, pour faire face aux 35 heures, sont passés aux deux-huit ou aux trois-huit : quelle est, pour ces salariés, la marge de bénéfice des heures supplémentaires ?
Il y a, enfin, les accords de modulation. Dans de nombreuses branches, cependant, on ne peut choisir entre le repos compensateur et le paiement des heures supplémentaires, l’accord de branche ayant imposé le repos compensateur.
L’amendement que je propose, madame la ministre, vise à donner le choix aux salariés. Certes, ils ont déjà ce choix, par l’intermédiaire des accords d’entreprise, mais ces accords empêchent parfois de déroger à certaines dispositions. Que peut-on faire à cet égard ?
Par ailleurs, même lorsqu’il existe des accords d’entreprise, que se passerait-il dès lors que les délégués syndicaux s’opposeraient à ce qu’il soit donné priorité aux heures supplémentaires par rapport à la modulation et au repos compensateur ?
C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, vous avez décrit hier ce texte comme un texte de liberté.
Pourquoi dans certains cas ne pas donner aux salariés eux-mêmes la possibilité de choisir ? Je propose de mettre en application un référendum d’entreprise permettant réellement aux salariés de s’exprimer et de choisir directement entre le repos compensateur et le paiement des heures supplémentaires.
Le problème soulevé par M. Pierre Méhaignerie est très important : en raison de l’intérêt nouveau que va présenter le paiement des heures supplémentaires – puisqu’elles seront exonérées de charges sociales et d’impôt sur le revenu –, il y aurait intérêt à ce que ces accords de modulation puissent être revus pour les monétiser, pour transformer le repos compensateur en heures supplémentaires ; à condition bien entendu que la charge de travail de l’entreprise, liée à son carnet de commandes, le permette.
La commission des finances s’est toutefois demandée s’il fallait obligatoirement passer par une modification des accords de branche. L’amendement de notre collègue Pierre Méhaignerie affirme que oui, mais les accords de branche sont lourds à modifier, la procédure est longue, et il serait intéressant de pouvoir traiter cette question non pas au niveau de la branche mais de l’entreprise.
Madame la ministre, nous avons donc besoin d’une réponse claire sur ce point : est-il possible de transformer ces repos compensateurs en heures supplémentaires dans le cadre d’accords de modulation de branche qui renvoient à une négociation d’entreprise ? Si c’est possible au niveau de l’entreprise, je pense qu’il serait plus sage de ne pas interférer par la loi, parce que ce sera tout de même beaucoup plus facile et plus rapide de parvenir ainsi à des accords.
J’ajoute à titre de précision que le recours au référendum existe déjà, notamment dans le domaine de la mise en place des contrats d’intéressement au sein des entreprises. Il s’agit d’une voie intéressante qu’il faudra explorer dans des textes de travail, et qui nécessite bien sûr une négociation avec les organisations syndicales représentatives comme cela a été convenu dans la loi de janvier 2006.
Je pense donc que le système le plus démocratique, c’est le référendum d’entreprise.
Moyennant les réserves que je viens d’exprimer, et compte tenu de votre position favorable au bilan de fin d’année, pour être conciliant, je retire mon amendement.
Je suis saisi d’un amendement n° 182.
La parole est à M. Richard Mallié, pour le soutenir.
Madame la ministre, j’ai noté que dans la feuille de route que le Président de la République vous a adressée, il fait référence à l’ouverture dominicale et que, ce matin, sur France Info, il a déclaré : « Je veux que ceux qui veulent travailler le dimanche puissent le faire rapidement, sur la base du volontariat. » Quand on a dit ça, on a dit beaucoup de choses ; mais il faut trouver la solution. Et celle-ci, mes chers collègues, ne peut être que législative parce que le code du travail…
J’ai l’outrecuidance de vous proposer une solution. Elle est basée sur un constat : la question de l’ouverture dominicale ne se pose en fait que dans les zones agglomérées. Des sondages et des études d’opinion ont en effet établi qu’il y a là une demande de la part de plus de 65 % des habitants – 75 % en Île-de-France. Ailleurs, la mesure ne présente guère d’intérêt, ne serait-ce que parce que les commerçants qui ouvrent le dimanche tiennent eux-mêmes leur magasin. Ils n’ont pas besoin de dérogation. Nous sommes tout de même dans une société de liberté, c’est donc la moindre des choses qu’on puisse faire ce qu’on veut dans le cadre de sa propriété. Certes, très souvent, ils ont des salariés, mais ils ne demandent pas une dérogation au préfet, les choses se font de manière très familiale et très conviviale. Je crois aussi que ça n’intéresse pas la grande distribution. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans le cadre d’une dérogation, il faudrait une consultation des élus locaux et des chambres de commerce et d’industrie intéressés. Une telle dérogation ne peut se faire que s’il y a volontariat de la part du salarié et accord entre les partenaires sociaux. Cet accord, préalable à la dérogation, doit prévoir un repos compensateur et une contrepartie financière. J’ai fait état de salariés qui gagnent 300 euros de plus tous les mois grâce au travail le dimanche, mais je connais aussi des zones où l’employeur oblige à travailler le dimanche sans contrepartie financière, et même bien souvent sans repos compensateur.
J’ajoute qu’il faudrait, à l’issue de la dérogation accordée pour une période de cinq années, une évaluation économique et en termes d’avantages pour les salariés.
Je conclurai en disant qu’il y a urgence. Nous voulons défendre le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat, mais, pour cela, il faut que cesse une situation où les arrêtés préfectoraux sont attaqués et cassés et où l’on va même devant le juge civil pour réclamer amendes et dommages-intérêts. Une vingtaine de zones sont concernées par l’ouverture dominicale …
Madame la ministre, je souhaite vous entendre là-dessus.
Et je dis « Douze travaux d’été » parce que, clairement, il y a urgence à mettre en œuvre toutes ces mesures.
Pour autant, l’ouverture dominicale obéit aujourd’hui à un certain nombre de règles qui sont soumises à l’appréciation des tribunaux quand elles ne sont pas respectées. Donc, en vertu de l’indépendance des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif, il ne m’appartient évidemment pas de me prononcer sur l’application de la règle actuelle dans tel ou tel cas, à Plan-de-Campagne, à Vélizy ou ailleurs.
En outre, c’est une question qui est actuellement en débat au Conseil économique et social. M. Bailly a été saisi de cette affaire et entend poursuivre les négociations. Au sein de mon ministère et avec l’aide de Luc Chatel, secrétaire d’État à la consommation et au tourisme, un processus de consultation a déjà commencé avec les organisations de consommateurs bien sûr, mais aussi des représentants de la grande distribution, des petits détaillants et de toute la distribution, sous toutes ses facettes. Ces concertations seront très utiles ; les conclusions qui en seront tirées nous aideront à mettre en œuvre des dispositions. Sans oublier que la commission « Séguin-Séguin » – si on veut l’appeler ainsi – sera peut-être amenée à examiner dans quelle mesure la fermeture le dimanche dans tel ou tel type d’agglomération, dans telle ou telle type de zone de chalandise, constitue ou non un frein à la croissance et à la consommation.
Ce sont tous ces efforts qui convergent vers un mouvement certainement de nature législative dont nous espérons qu’il pourra être mis en œuvre très vite, parce que nous savons qu’il y a urgence. Mais je vous demanderai, sous ces réserves-là, de bien vouloir retirer votre amendement.
Il existe quelques situations de ce type. Mais, de toute façon, madame la ministre, vous avez reçu une lettre de mission du Président de la République qui vous donne mandat pour, au fond, libéraliser l’ouverture du dimanche. C’est très clair : on ouvre les magasins quand on veut et où l’on veut. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) C’est à peu près ce que le Président de la République vous a demandé de faire C’est d’ailleurs conforme à ce qu’il a dit pendant la campagne électorale : si l’on veut travailler le dimanche, on doit pouvoir travailler le dimanche ! Remarquez : si l’on ouvrait les magasins à minuit, il y aurait quand même toujours du monde dedans !
Je pense que ce sujet n’est pas mineur. Il faut le traiter, en tout état de cause, avec un préalable : la négociation entre les partenaires sociaux. Rien n’est possible autrement. Cette question n’est pas seulement économique, mais profondément sociale.
Elle peut se poser dans un certain nombre de cas. D’ailleurs, il existe des dérogations. Les maires peuvent donner des autorisations cinq dimanches par an. Moi, j’ai été confronté à cette demande en tant que maire. J’ai répondu : il y a un préalable. Si l’on peut se mettre d’accord sur un ou deux dimanches, au moment des fêtes par exemple, il y a un préalable : l’accord entre les partenaires sociaux. Sans accord, je ne m’engage pas à donner un avis favorable. Il n’y a pas eu de négociations, donc pas d’accord non plus. Alors, j’ai donné un avis défavorable.
Et je peux vous dire que j’ai eu l’appui, sur cette position, non seulement des salariés – qui, à une large majorité, exigeaient des contreparties et des négociations –, mais aussi du petit commerce. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous dites que vous voulez faire une différence entre la grande distribution, qui ne serait pas intéressée par l’ouverture du dimanche, et le petit commerce. Je ne vois pas comment vous pourriez autoriser tel type de magasin à ouvrir et obliger tel autre à rester fermer dans la même ville ou la même agglomération. Cela ne tient pas !
Mais les petits commerces ont d’énormes problèmes à ouvrir le dimanche, contrairement à ce que vous dites. Si vous les laissiez ouvrir tous les dimanches, ils seraient incapables de faire face. Familialement, comme vous le disiez, mais même aussi avec des salariés. Dans ce dernier cas, leurs charges augmenteront considérablement et, au bout du compte, le bénéfice ne sera pas évident.
C’est un problème qui mérite beaucoup mieux que des injonctions simplistes comme celles que vous avez reçues, madame la ministre.
De plus, il ne faut pas oublier que les consommateurs sont aussi parfois salariés de ces magasins, ou salariés d’autres entreprises ou d’administrations. Ils exigent du temps libre pour eux-mêmes et leur vie de famille et estiment que cela doit aussi être accordé aux salariés de la distribution.
Et quand même, il existe un certain mode de vie, une manière d’être en Europe. On n’est pas obligé de se conformer automatiquement au modèle anglo-saxon qui n’impose pas de règles en la matière – on fait ce qu’on veut – sous prétexte que ça va stimuler la croissance.
Madame la ministre, cette étude d’impact ne peut pas simplement faire l’objet d’une concertation ! Maintenant, c’est le mot à la mode : « concertation ». Et puis après, c’est : « Je décide et vous exécutez. » Non ! De toute façon, sur cette question, on ne pourra rien faire sans le préalable qui, selon moi, est vital si l’on veut que notre société fonctionne bien : c’est la négociation entre les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il y a quand même un vrai problème : celui du respect du code du travail. Depuis des années et des années, de très nombreux cas, en France, montrent que les préfets n’appliquent pas la loi. C’est tout de même assez fort !
Des entreprises de la grande distribution grignotent, peu à peu, au-delà des cinq dimanches qui peuvent être autorisés. Quand les soldes commencent, vous avez des magasins qui les démarrent à minuit une ! Pour être dans la journée ! C’est complètement débile tout ça ! Sur les Champs-Élysées, vous avez Virgin, qui, quand il lance un produit, une Game Boy ou je ne sais trop quel jeu vidéo, ouvre son magasin à minuit une. Les grandes chaînes alimentaires – Carrefour, Auchan et j’en passe – multiplient les demandes de dérogations auprès des préfets et des élus locaux au seul motif qu’il faut vendre pour la rentrée scolaire, et la fois suivante qu’il faut vendre je ne sais trop quoi. Bref, petit à petit, on aboutit à une désorganisation totale, à une mise en danger de la santé des salariés et à leur surexploitation.
Dans ces métiers-là, ces entreprises-là, les salaires sont tellement des salaires de misère ! Alors, oui, les salariés veulent peut-être gagner 300 euros de plus. Ce sont souvent beaucoup de jeunes qui travaillent dans ces entreprises. Bien sûr qu’ils veulent gagner 300 euros de plus. Quel choix ont-ils ? D’être payés un salaire de misère ou de rajouter un peu d’argent à la fin du mois ? Le choix n’existe pas en la matière.
Si l’exigence d’une règle nationale est incontournable, nous avons un exemple : en Alsace, il n’y a rien d’ouvert le dimanche. Ils n’en sont pas morts, les Alsaciens ! D’ailleurs, c’est la seule région que vous avez conservée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ce qui pose aujourd’hui problème, c’est vrai, ce sont ces atteintes à la concurrence parce que certains sont ouverts et d’autres fermés. Ça c’est un vrai problème ! Et on ne le résoudra pas en permettant à tous d’ouvrir, mais, bien au contraire, en les obligeant tous à fermer. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je voudrais répondre point par point à plusieurs arguments que vous avancez. Sur le fond, j’ai lu dans la presse que l’élection présidentielle a marqué une rupture, un changement. Jusqu’à présent, la droite accusait souvent la gauche d’être excessivement matérialiste. On voit qu’aujourd’hui vous allez, mesure après mesure, sans doute liquider les dernières digues qui subsistaient en la matière. C’est bien dommage qu’on aille dans cette voie-là.
Je voudrais faire une première remarque sur la question des zones agglomérées. Je ne vois pas pourquoi vous voulez introduire cette notion. Pourquoi y aurait-il une différence à faire ? Vous introduiriez une distorsion de concurrence – il n’y a pas d’autre qualification – entre les zones urbaines et les zones rurales.
Deuxième remarque : vous dites que les amendes sont très faibles en cas de non-respect de la loi. Mais peut-être pourrions-nous proposer un amendement pour que ces pénalités soient renforcées et pour que la loi soit bien appliquée ?
Cela m’amène à relever, dans votre exposé des motifs, une phrase un peu choquante : « Il est temps de favoriser le retour à un État de droit. » Si je comprends bien, il faut donc que les pratiques des zones de non-droit, de tous ceux qui se mettent hors la loi, soient légalisées. Nous mettons là le doigt dans un engrenage qui me paraît particulièrement dangereux. Je pense que nous aurons l’occasion d’en reparler, car ce serait un bel encouragement pour tous ceux qui se mettent hors la loi. On leur dit : « Ce n’est pas grave, on légalisera ensuite ! »
Autre argument que vous avancez : la vente par Internet. On a beaucoup entendu ça pour justifier le commerce le dimanche. Mais la vente par Internet, ce n’est jamais qu’une nouvelle version de la vente par correspondance, qui a toujours existé. La différence entre les achats par Internet et ceux effectués dans les commerces ouverts le dimanche, c’est que celui qui achète par Internet n’oblige personne à être présent dans un magasin. Les demandes sont traitées le lundi et le reste de la semaine. Il n’y a aucun problème de travail le dimanche en l’occurrence.
Dernier point concernant le chiffre d’affaires : vous nous faites valoir que les commerces réalisent ce jour-là un chiffre d’affaires qu’ils ne font pas les autres jours. M. Ayrault en a parlé tout à l’heure pour la ville de Nantes et l’agglomération nantaise. Étant moi-même élu nantais, je peux témoigner que, lorsque nous avons eu le débat, des directeurs de grandes surfaces commerciales nous ont expliqué qu’ils ne faisaient aucun chiffre d’affaires supplémentaire s’ils globalisaient les ventes sur l’année. Tout simplement parce que le pouvoir d’achat des consommateurs reste le même, quoi que vous fassiez. Simplement, ces directeurs nous ont dit : « Si d’autres ouvrent, nous allons être obligés de le faire, parce que, sinon, nous serions soumis à une concurrence déloyale. »
Donc, nous restons attachés au maintien du repos dominical, non pas pour des raisons religieuses – qui regardent chacun –, mais parce qu’il nous paraît nécessaire de conserver un moment pour que les familles et les amis puissent se retrouver. Vous savez très bien que, si l’on commence à généraliser le travail le dimanche, notamment dans les commerces, cette possibilité n’existera plus. Alors, qu’il y ait quelques autorisations par an, pourquoi pas ? Mais aller au-delà serait très dangereux.
Ces derniers temps, on a beaucoup parlé de la responsabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants. Franchement, je vous le dis : il ne faudra pas se plaindre que des enfants restent livrés à eux-mêmes des journées entières, des samedis et des dimanches, si vous obligez – car ce sera ça – leurs parents à travailler le dimanche.
J’aimerais également répondre à M. Ayrault qu’il ne s’agit pas d’un problème seulement local. Vous ne m’avez pas écouté jusqu’au bout ! Il est vrai que la question se pose dans ma circonscription, mais une vingtaine de zones françaises sont concernées, parmi lesquelles, par exemple, Vélizy-Villacoublay. Certes, certaines d’entre elles sont aujourd’hui dans une situation de « non-droit ». Mais pourquoi la CGT et la CFDT contestent-elles, dans les Bouches-du-Rhône, les arrêtés des préfets ? Sur les 6 000 employés de Plan-de-Campagne, seuls une quinzaine sont à la CGT, et ce sont ceux-là qui empêchent les autres de travailler.
Il faut vivre avec sont temps. Nous sommes au XXIe siècle, et plus au XIXe.
Vous parlez, monsieur Ayrault, d’une étude d’impact. Mais, dans ma circonscription, celle-ci est faite en conditions réelles depuis quarante ans, puisque cela fait quarante ans que la zone commerciale de Plan-de-Campagne est ouverte le dimanche ! Elle est en revanche fermée le lundi et le mardi matin. Bref, depuis quarante ans, nous connaissons l’évolution des chiffres d’affaires, et nous savons que celui du dimanche représente de 30 à 40 % du chiffre des magasins : voilà une véritable étude d’impact, fondée sur la réalité.
Cela dit, vous comprenez bien, madame la ministre, que vos propos ne me satisfassent guère dans la mesure où il y a urgence : dans certaines zones, je le répète, bien qu’un accord entre les partenaires sociaux existe déjà et que les salariés soient volontaires, le code du travail ne permet pas la mise en place du dispositif. J’ai néanmoins bien noté que vous en étudiiez la possibilité, comme le préconise votre lettre de mission.
Je me tiens donc à votre disposition sur ce point et, compte tenu de vos explications, je retire mon amendement.
Certains de nos collègues ont évoqué la lettre de mission du Président de la République à Mme Lagarde. Nous avons un Président putschiste qui se mêle de tout ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Article 5 de ladite Constitution : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. » Il n’est écrit nulle part que le Président de la République a le droit de donner des missions aux ministres ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Ayrault, veuillez poursuivre.
J’ignore ce que fera Mme Lagarde, qui a reçu une injonction du Président de la République. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
On assiste à une rapide et inexorable dérive de notre système institutionnel sans qu’à aucun moment le Congrès ou le peuple français, par la voie du référendum, ne se soient prononcés. Mais peut-être aurons-nous des précisions cet après-midi : nous ne manquerons pas, alors, de nous exprimer.
Mais, sur le fond, permettez-moi de vous mettre en garde, madame la ministre : puisque vous devez apparemment agir vite, faites attention à ce que vous allez décider pendant l’été au sujet de l’ouverture des commerces le dimanche. Il faut une étude d’impact, laquelle doit porter sur tous les plans, le plan social aussi bien qu’économique.
Il ne suffit pas d’avoir travaillé dans un magasin, monsieur Mallié, pour détenir la vérité ! Savez-vous que, le jour où les magasins ouvriront le dimanche, il faudra réorganiser le service des transports publics ?
Bref, l’impact de cette décision dogmatique ou idéologique n’a pas encore été mesuré. Je vous mets donc en garde sur ce que vous envisagez de faire, madame la ministre : compte tenu des propos que vous avez tenus à la tribune de notre assemblée, je crains le pire. Au sujet du dimanche, vous avez affirmé que vous pensiez à ceux qui se lèvent tôt et que pour d’autres, c’était dimanche tous les jours. De qui parlez-vous, madame ? Le projet de loi que vous défendez favorise – nous allons y venir – la rente : ceux pour qui ce sera « dimanche tous les jours », ce sont bien plutôt les bénéficiaires de vos mesures fiscales, en particulier de celles qui concernent les successions !
Je vous verrai tout à l’heure à l’extérieur de l’hémicycle, monsieur Brard – vous pourrez ainsi en faire part au Canard enchaîné –…
Puisqu’il s’agit d’un rappel au règlement, permettez-moi de le rappeler explicitement : l’article 58 dispose que « les rappels au règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ». C’est entendu.
« Si, manifestement, son intervention n’a aucun rapport avec le règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend » – écoutez bien, monsieur Ayrault – « à remettre en question l’ordre du jour fixé, le président lui retire la parole. »
Monsieur le président, au nom du groupe UMP, je demande la stricte application du règlement intérieur de notre assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et de la Gauche démocrate et républicaine.)
Au moins l’amendement n° 182, qui, je le répète, a été retiré, aura-t-il eu le mérite d’ouvrir le débat sur une question importante.
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
Juste un rappel au règlement sur ce qui vient d’être dit.
Je le dis au nom de mon groupe : s’il est une chose à laquelle nous nous refusons, c’est de mettre en cause la présidence.
Monsieur le président, je respecte la présidence de l’Assemblée, quelle que soit la personne qui se trouve au perchoir. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous pouvez méditer ces propos, car nous venons d’assister à quelque chose d’assez original en entendant M. Chartier !
D’abord, nous avons bien compris que M. Chartier veut être président à votre place, monsieur le président. Il n’y a pas de place pour tout le monde au Gouvernement, alors on vise ce qu’on peut !
Ensuite, M. Chartier a voulu faire assaut de constitutionnalité en évoquant l’article 9 de la Constitution, qui énonce : « Le Président de la République préside le conseil des ministres. » Point barre ! Or tout le monde connaît la lettre d’injonction, de mission qui a été adressée à Mme Lagarde. Le ministre compétent peut contresigner la lettre.
Monsieur le ministre Chatel, avez-vous retrouvé votre stylo pour contresigner la lettre d’injonction du Président de la République ?
Si nous obtenons la réponse, nous n’avons pas besoin d’une suspension de séance, monsieur le président. Dans le cas contraire, il faut laisser le temps à M. Chatel de retrouver la lettre pour la contresigner !
Premièrement, je suis ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. J’ai la chance et l’honneur d’avoir auprès de moi deux secrétaires d’État, M. Chatel, chargé de la consommation et du tourisme, et M. Novelli, chargé des entreprises et du commerce extérieur.
Deuxièmement, la lettre, non pas d’injonction, mais de mission – c’est ainsi que le Président de la République et le Premier ministre procèdent à l’égard de leur équipe gouvernementale – que j’ai reçue du Chef de l’État et dont vous avez pu avoir connaissance pour certains aspects, en tout cas par voie de presse, est cosignée par le Premier ministre.
Enfin, j’aime mieux recevoir une lettre de mission de mon Premier ministre sur laquelle figure également la signature du Président de la République que des mises en garde de quelque sorte que ce soit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Jouer sur les mots fait perdre du temps ! Est-ce le but recherché, monsieur Brard ?
En dehors de vos fonctions de vice-président de l’Assemblée, que vous assumez, vous êtes un homme libre, et vous l’avez démontré dans le passé. Vous êtes également sourcilleux… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ce n’est pas, messieurs, parce que M. Salles n’est pas à l’UMP qu’il faut s’exclamer…
Madame Lagarde, je ne vous fais pas une « mise en garde », je souligne votre mauvaise foi. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous êtes avocate et connaissez le sens des mots : « cosigner » ne signifie pas « contresigner » !
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures quinze.)
Nous avons une autre question à vous poser sur le même sujet, madame la ministre. Cette lettre est-elle rédigée avec « je » ou avec « nous » ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il est primordial que nous ayons connaissance de cette lettre : nous ne sommes pas dans le champ de la vie privée, ce n’est pas une lettre privée qui vous est adressée. Si on ne nous répond pas, nous serons obligés d’insister !
La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le soutenir.
Vous le savez, aujourd’hui, trois embauches sur quatre se font sur des contrats précaires à durée déterminée et des contrats à temps partiel. Il ne s’agit pas de prétendre qu’ils sont à rejeter dans tous les cas. Nous savons bien que les entreprises ont, à certains moments, besoin de faire face à des augmentations de leur plan de charge, à des demandes saisonnières, et qu’il y a des hommes ou, le plus souvent, des femmes qui souhaitent pouvoir travailler à temps partiel pour se consacrer à d’autres activités, par exemple à l’éducation de leurs enfants. Malheureusement, ce n’est pas la majeure partie des cas. Les trois quarts des salariés employés à temps partiel et ne bénéficiant pas de revenus leur permettant de vivre dans des conditions décentes n’ont pas choisi leur situation et souhaitent pouvoir disposer d’un contrat à temps plein. C’est la raison pour laquelle, dans le souci de réhabiliter le travail et d’augmenter le pouvoir d’achat, nous proposons un amendement qui permettrait de moduler les cotisations en fonction de la nature des emplois existant dans les entreprises.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.
On sait que, dans le budget des ménages, le deuxième poste de dépense, après le logement, est constitué par les déplacements. Bien entendu, il ne s’agit pas de voyages à l’autre bout de la planète, mais de déplacements quotidiens pour se rendre au travail. Nous sommes donc bien au cœur de notre sujet. Ces dépenses sont subies et non choisies : si les cours du pétrole et les prix à la pompe augmentent, personne ne l’a choisi, mais tous ceux qui se déplacent en voiture le subissent. Je propose de créer une dynamique durable de pouvoir d’achat pour les salariés. Je puis vous dire, en tant qu’élu local, responsable des transports à Nantes,…
J’ai parlé, dans la discussion générale, de mesures concrètes en faveur du pouvoir d’achat. Je me suis livré à un petit calcul : un salarié qui, 250 jours par an, fait vingt kilomètres par jour dans une petite voiture pour se rendre à son travail − dix kilomètres aller, dix kilomètres retour, et vous voyez que je suis plutôt en dessous de la moyenne nationale −, parcourt 5 000 kilomètres dans l’année et dépense pour cela quelque 1 500 euros. Si on lui permet d’économiser cette somme en prévoyant un cofinancement par l’employeur et l’employé de ces déplacements en transports en commun, on pourra quasiment dégager un treizième mois pour un salarié payé au SMIC.
Dernier argument en faveur de l’amendement : il supprimerait une forte et ancienne inégalité territoriale entre l’Île-de-France et les autres régions, puisque les salariés d’Île-de-France peuvent exiger de leur employeur, public ou privé, le remboursement partiel − jusqu’à 50 % − de la carte Orange, alors que, dans nos régions de province, ce n’est pas possible.
J’ajoute que le décret d’application de ce texte a été publié au mois de février. Dans le cadre des réflexions actuelles sur le développement durable, ce texte mérite que l’on évalue son application et son efficacité. Par ailleurs, les dispositions du mois de janvier avaient fait l’objet de consultations auprès des organisations syndicales et d’employeurs. Elles représentent le fruit d’un compromis auquel l’État apporte une importante participation financière. Nous souhaitons donc rester dans ce système qui est facultatif pour les entreprises et je demande le retrait ou, à défaut, le rejet de cet amendement.
(L’amendement n’est pas adopté.)
J’indique d’ores et déjà que, sur le vote de ces amendements, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 121.
Au-delà de ce cas d’espèce et des vicissitudes politico-judiciaires qu’a connues cette affaire, il s’agit du premier jugement rendu par une juridiction de ce niveau qui invalide le CNE, institué par l’ordonnance du 4 août 2005 prise par le gouvernement de M. de Villepin et que l’UMP, alors présidée par M. Sarkozy, a totalement soutenu.
Cet arrêt, qui est bien entendu appelé à faire jurisprudence, signifie que la justice de notre pays a rejoint l’avis des millions de personnes qui, pendant des semaines, ont manifesté dans les rues pour exiger et obtenir le retrait du CPE, frère jumeau du CNE.
Je rappelle que, si le premier était réservé aux jeunes pour une première embauche et le second destiné à toutes les embauches dans les entreprises de moins de vingt salariés, ces deux contrats de travail avaient pour particularité commune de permettre, durant deux ans, le licenciement des salariés sans indication de motif.
La cour d'appel de Paris a notamment motivé sa décision en jugeant le CNE non conforme à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail, que la France a signée voici plus de vingt ans et qui fait obligation aux employeurs de motiver tous les licenciements de salariés.
En vérité, le régime commun à ces deux contrats avait pour but inavoué de devenir la règle générale à l'embauche des jeunes et de tous les salariés des PME pour supplanter, en définitive, le CDI, qui prévoit, lui, des périodes d'essai légales ou conventionnelles raisonnables. Au fond, il s’agissait de rendre taillables et corvéables à merci des millions de salariés, ce qui n’est pas la meilleure façon, vous l’avouerez, de valoriser le travail.
Ces deux contrats relevaient ensemble d'une seule et même stratégie, à laquelle le MEDEF et la CGPME n'ont cependant toujours pas renoncé. Le but de la manoeuvre était de faire en sorte que CPE et CNE deviennent la nouvelle norme pour l'embauche des salariés, afin d'exercer, par la menace permanente du licenciement, une pression maximale sur les conditions de travail et de salaire.
La période d'essai, qualifiée de période de « consolidation », devait durer deux longues années pendant lesquelles le nouvel embauché pouvait être congédié sous les plus fallacieux prétextes et sans que l'employeur ne soit tenu de motiver le licenciement.
Dans son arrêt, la cour d'appel de Paris a constaté, je cite, que « durant une période de deux années, le CNE prive le salarié de l'essentiel de ses droits en matière de licenciement ».
Elle a estimé qu'il était anormal que le salarié soit obligé de prouver le caractère abusif de son licenciement.
Elle a déclaré dans ses attendus, je cite encore, que « cette régression, qui va à l'encontre des principes fondamentaux du droit du travail dégagés par la jurisprudence et reconnus par la loi, prive les salariés des garanties d'exercice du droit du travail » et que « dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour licencier ».
La cour d'appel de Paris a ainsi fait litière du principal argument du MEDEF et de la CGPME selon lequel la précarisation extrême des nouveaux embauchés serait favorable à l'emploi.
À propos du délai de deux ans pendant lequel le CNE prévoit que l'employeur peut licencier sans motif le salarié, la cour d'appel a enfin souligné qu’« aucune législation de pays européens comparables à la France n'a retenu un délai aussi long durant lesquels les salariés sont privés de leurs droits fondamentaux en matière de rupture du contrat de travail ».
Vous qui êtes toujours en train de montrer en exemple les autres pays européens, vous feriez bien de vous en inspirer notamment s’agissant de l’un des droits de l’homme fondamental qu’est le droit au travail.
Avec l’amendement n° 121, nous demandons au Gouvernement et à notre assemblée de prendre acte de cette décision de justice et des griefs qui sont ainsi faits à une disposition législative inique et scandaleuse, instituée par ordonnance, sans discussion ni vote explicite au Parlement. Nous demandons solennellement l'abrogation du CNE. C’est la raison de notre demande de scrutin public sur l’amendement n° 121.
Je suis également tout à fait d’accord avec ce qu’a dit mon collègue à l’instant sur la perte par les salariés de leurs droits élémentaires dans le cadre de ce contrat. Je n’y reviens pas. Je voudrais simplement ajouter un argument.
Je sais que le Président de la République veut créer plusieurs dispositifs juridiques – il a même défendu l’idée d’aller devant les tribunaux pour faire valoir ses droits à faire garder ses enfants –, mais, pour ma part, je ne souscris pas du tout à ce modèle-là pour la simple raison que, concrètement, avec ce type de dispositif, on insécurise la vie des entreprises, on insécurise à la fois les employés et les employeurs. Cela me paraît très grave.
Plutôt que de s’épuiser dans des batailles juridiques très longues, il vaudrait mieux mettre fin à cette incertitude et remettre cette question dans le champ du dialogue social. Notre collègue Méhaignerie a dit souhaiter tout à l’heure à propos d’un autre amendement l’instauration d’un véritable dialogue social et pas simplement de la concertation. Il ne suffit pas de recevoir des syndicalistes à déjeuner.
La première, c’est que le contrat nouvelles embauches a été un dispositif extrêmement efficace, qui a contribué à créer des dizaines de milliers d’emplois.
Je veux, pour finir, revenir un instant sur les propos de notre collègue Mallié tout à l’heure. Il proposait que le travail du dimanche des salariés se fasse sur la base du volontariat, mais, quand on est en contrat nouvelles embauches et qu’on a deux ans de période d’essai, avec une possibilité de licenciement sans motif, l’une des motivations pourrait être le constat d’un refus de travailler le dimanche. On voit bien qu’il existe une grande perversité dans la façon dont on argumente les choses. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cela étant, vous vous êtes trompés en faisant voter le CNE. Vous vouliez livrer de la main-d’œuvre taillable et corvéable à merci. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Mme Lagarde sourit, elle voit bien que nous avons débusqué les réelles intentions gouvernementales. Pour une fois, vous assumez la continuité, il n’y a pas de « rupture » entre le gouvernement précédent et le gouvernement actuel, ce que confirme sur son banc M. Mariton.
Madame la ministre, vous vous grandiriez – si j’ose dire – en permettant que cet amendement soit adopté. Cela vous éviterait de subir un camouflet légitime et vous épargnerait les confrontations sociales que, immanquablement, vous aurez à affronter tellement ce CNE est immoral et inéquitable. Ne parlez pas de liberté de choix et de tout cela. Quelle liberté, quelle égalité y a-t-il, madame la ministre, entre le cheval et l’alouette ? Aucune ! Faites plutôt un geste qui montre votre ouverture, non pas l’ouverture du Président de la République, conçue pour tripatouiller et essayer de débaucher, mais l’ouverture au dialogue, en nous entendant et en anticipant une décision de justice qui ne manquera pas.
D’abord, je voudrais rappeler un peu l’histoire.
Les débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle portaient sur le CPE, non sur le CNE.
(Il est procédé au scrutin.)
Les amendements sont rejetés.
Je suis saisi d’un amendement n° 213.
La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le soutenir.
L’une des raisons principales du développement du nombre de salariés dits pauvres est précisément le choix fait par de nombreuses entreprises de développer un temps partiel imposé qui concerne plus de 15 % des salariés du secteur privé, essentiellement des femmes. Or, si l’on veut pouvoir leur offrir des conditions de vie décentes et réhabiliter le sens du travail pour ces femmes qui ne voient pas très bien, dans leur activité quotidienne, en quoi ce travail est synonyme d’identité ou de dignité, il faut établir une différence entre les cotisations payées par les entreprises qui respectent leurs salariés en ne faisant appel au temps partiel que lorsque cela est réellement nécessaire pour faire face à des besoins conjoncturels et celles des entreprises qui font de ce recours une véritable politique. Le seuil de 25 % d’emplois à temps partiel dans une entreprise nous semble suffisant pour permettre aux entreprises de répondre à d’éventuels besoins d’ajustements. C’est la raison pour laquelle nous proposons que les entreprises de plus de vingt salariés qui emploient plus de 25 % de salariés à temps partiel soient soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés à temps partiel.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.
Il s’agit, tout d’abord, du plafonnement des niches fiscales, qui représentent 35 milliards d’euros, par l’impôt minimum alternatif – l’IMA. Je rappelle qu’il n’y a aucun plafond global pour ces niches, ce qui permet à certains contribuables d’annuler leur impôt sur le revenu. Comme l’ont dit plusieurs orateurs de la majorité, il n’est pas cohérent de mettre en place un bouclier fiscal si l’on n’instaure pas simultanément un impôt minimum alternatif. Cette première mesure devrait facilement permettre de dégager 3 ou 4 milliards.
Deuxième mesure : en matière de dépenses publiques, l’État doit appliquer à ses transferts aux collectivités territoriales les règles qu’il s’applique à lui-même. Les transferts de l’État aux collectivités territoriales ne doivent donc pas augmenter plus vite que sa dépense brute. J’ajoute que le Président de la République a lui-même soulevé ces deux questions dans son discours de l’Élysée en disant qu’il fallait faire des économies dans ces deux domaines.
La troisième mesure consisterait à réduire l’excès de prise en charge par le budget de l’État, suite aux 35 heures, mais pas uniquement – les 35 heures représentent plus de la moitié de cette prise en charge –, des cotisations patronales des grandes entreprises, dont l’effet sur l’emploi est, selon la Cour des comptes, faible, voire nul. Dans son rapport à la commission des finances, la Cour des comptes citait les grands groupes de distribution, montrant non seulement que cette disposition n’avait pas eu d’effet en termes de création d’emplois, mais qu’elle avait eu un effet pervers en termes de rémunération, puisqu’elle crée des trappes à bas salaires.
Tels sont, à notre sens, les trois grands domaines dans lesquels on peut réaliser une dizaine de milliards d’économies. Certes, nous reprendrons ce débat lundi après-midi, mais nous aimerions connaître dès maintenant la position du Gouvernement sur ces propositions.
Le Premier ministre a réuni avant-hier les préfets et les directeurs d’administration pour leur enjoindre de réfléchir à une véritable revue de programme, dans le cadre de laquelle ces propositions auront toute leur place. Votre troisième idée, monsieur de Courson, a d’ailleurs fait l’objet d’un début de mise en œuvre : le Premier ministre a indiqué dans son discours de politique générale qu’en 2008 le prélèvement sur recettes en direction des collectivités locales serait pris en compte dans la norme de dépenses générales qui ne suivra que l’inflation. Il serait néanmoins prématuré de voter cet amendement dès à présent.
Compte tenu de ces indications et de l’engagement que nous prenons de travailler dans des délais très brefs, je vous suggère de retirer cet amendement au profit de l’amendement n° 273 de M. Méhaignerie, qui sera défendu après l’article 5 et qui prévoit la remise au Parlement, avant le 15 octobre, d’un rapport sur les modalités de mise en œuvre d’une imposition minimale. Cela ne retire rien à l’intérêt de vos autres propositions visant à supprimer les allégements de cotisations patronales pour les entreprises employant plus de 500 salariés et à mieux encadrer les transferts de l’État aux collectivités territoriales, deux autres postes de dépenses maastrichtiens extrêmement importants et auxquels nous devons être vigilants dans les mois à venir.
Dans le cadre de notre réflexion sur l’efficacité de la dépense publique fiscale ou budgétaire, il faut que nous puissions progresser ensemble sur ce sujet.
Mais ces amendements possèdent une autre portée. À ce sujet, vous avez évoqué, madame la ministre, l’amendement de Pierre Méhaignerie. J’en ai moi-même déposé, dont nous reparlerons. Ils soulèvent le problème de la justice fiscale. Est-il légitime que l’on puisse s’exonérer de tout impôt sur le revenu ? Nous reviendrons bien sûr sur la question du bouclier, mais le problème de la justice fiscale doit être posé de manière beaucoup plus vaste. Il ouvre tout le débat sur le plafonnement et les niches fiscales, et par conséquent sur l’opportunité d’une cotisation minimale à l’impôt sur le revenu. J’espère que nous aurons cette discussion.
À plusieurs reprises, nous l’avons effleurée, mais reconnaissons que, pour le moment, nous bottons systématiquement en touche. Pour ma part, je souhaite que nous ayons un débat de fond et que nous recevions des propositions dès la prochaine loi de finances. Désormais, nous disposons d’études suffisantes et, au vu de l’exemple de pays étrangers qui ont trouvé une formule satisfaisante, nous devrions parvenir à une solution sans trop tarder.
Pour l’heure, je crois qu’il serait bon que M. de Courson retire son amendement. Il interviendra de nouveau dans la discussion, lorsque l’Assemblée examinera les amendements nos 273 et 157 à 159.
Pour ce qui est des deux autres pistes, on ne peut pas se contenter de la déclaration du président Séguin. Celle-ci n’est d’ailleurs pas absolument conforme au rapport sur les exonérations de charges patronales qui a été transmis à la commission des finances, lequel proposait clairement de supprimer le dispositif pour les grandes entreprises. La grande distribution est l’exemple même d’un secteur où les aides envisagées seraient inutiles, voire perverses.
Si Mme la ministre participe au débat d’orientation budgétaire, je lui donne rendez-vous pour lundi. Nous reprendrons la discussion dans ce cadre.
Je suis saisi d’un amendement n° 265.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.
En commission, puis lors de la discussion générale, nous avons évoqué le fait que les mesures prévues par l’article 1er ne concernaient que les salariés, ou plutôt seulement une partie d’entre eux. D’où ma question : quelle est la position du Gouvernement à l’égard des 10 % de travailleurs qui ne sont pas salariés et quelles mesures envisage-t-il pour eux ? Nous aimerions connaître le discours qu’il va leur adresser et les propositions concrètes qu’il envisage de prendre pour eux.
Néanmoins, très consciente des difficultés que rencontrent certaines sociétés, en particulier civiles, je vous informe que le Conseil des prélèvements obligatoires étudie actuellement la situation fiscale et sociale des travailleurs indépendants, et qu’il publiera à l’automne un rapport sur ces questions. Les différences de traitement entre travailleurs salariés et non salariés, et l’opportunité d’éventuels ajustements fiscaux permettant d’harmoniser leurs situations pourront être examinés à la lumière de cette étude. Cet examen pourrait avoir lieu dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires annoncée par le Président de la République.
Au bénéfice de ces explications, je vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, je demanderai à l’Assemblée de le rejeter.
Admettons toutefois que le projet de loi de finances ou le projet de loi de financement de la sécurité sociale comprendront quelques mesures en leur faveur.
Je suis saisi d’un amendement n° 249.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour le soutenir.
Je n’ignore pas la polémique sur la sincérité des chiffres officiels et du baromètre mensuel publié et commenté par le Gouvernement. Le différentiel entre le nombre des chômeurs inscrits à l’ANPE, qui, de source officielle, s’élevait à 4,45 millions en septembre 2006, et les 2,172 millions de chômeurs recensés par le Gouvernement et la DARES invite à conclure à l’existence 2,276 millions de chômeurs invisibles. Parmi eux se trouvent 220 000 chômeurs des outre-mer français. Une distinction a certes été faite, qui prête à sourire, entre les chômeurs radiés, les déboutés et les dégoûtés. Mais, en l’espèce, il s’agit de chômeurs zombifiés, qui existent sans exister et que l’on a réduits à l’état virtuel afin de pouvoir ne pas les compter.
Je veux bien convenir que les statistiques officielles prennent en compte des critères qui se rapprochent de la définition internationale élaborée par le BIT. Mais peut-on ainsi exclure des chiffres les demandeurs d’emploi temporaires ou à temps partiel qui, d’après le réseau ACDC, sont 871 000, les dispensés de recherche d’emploi, qui sont 412 000, les chômeurs en activité réduite, qui sont 452 000, les demandeurs d’emploi non immédiatement disponibles, qui sont 321 000, et les chômeurs des DOM, qui sont 220 000 ? Les premiers cités, je l’ai dit, sont exclus de la définition officielle, ce que je peux comprendre, même si, sur les bancs de l’opposition, nous n’approuvons pas de telles manipulations. Mais les demandeurs d’emploi des DOM remplissent parfaitement la définition des DEFM de catégorie 1. Pourquoi donc seraient-ils exclus, alors que ces départements font partie intégrante de la République ? On n’a jamais invoqué à cet égard la moindre dérogation ni je ne sais quelle adaptation de la législation.
Quand la question avait été posée à votre prédécesseur M. Borloo, en sa qualité de ministre de l’emploi, il l’avait soigneusement esquivée, refusant même de répondre aux journalistes du Monde. Mais j’aimerais obtenir du Gouvernement une réponse claire : comment entend-il dézombifier les statistiques du chômage ?
J’ajoute que, quand il veut présenter de manière avantageuse les chiffres du commerce extérieur, il n’hésite pas à considérer les DOM comme des territoires d’exportation. Nous figurons à ce titre dans le solde du commerce extérieur, que nous contribuons à augmenter : c’est le cas chaque fois que l’Hexagone envoie des marchandises en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique ou à la Réunion, alors que, si nous exportons, le solde diminue. Dans ces conditions, pourquoi le Gouvernement ne nous prend-il pas en compte dans les statistiques du chômage ?
J’attire également votre attention sur le fait que le Conseil national de l’information statistique, présidé par Jean-Baptiste de Foucauld, a été mandaté pour réfléchir aux indicateurs à utiliser ou à construire afin de déterminer le nombre et le pourcentage de salariés inactifs ou inemployés. Le but est que nous puissions nous accorder sur un indicateur consensuel et conforme à la définition du chômage élaborée par le BIT. Les conclusions de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales sur le calcul précis du chômage devront également être prises en compte. Ainsi, nous parviendrons à une définition homogène. Je précise toutefois que les calculs actuels sont effectués sur la base des mêmes indicateurs que ceux qui étaient utilisés il y a cinq ou dix ans.
Le problème de l’intégration des départements ultramarins dans les statistiques « France entière » a précisément été évoqué lors de la première réunion du Conseil national de l’information statistique, le 8 mars 2007. Il fera l’objet d’une réflexion au sein d’un groupe de travail spécialement constitué à cet effet. Soyez assuré, par conséquent, que les départements ultramarins ne sont pas oubliés dans les statistiques nationales.
J’ajoute que le Gouvernement est favorable à l’amendement, sous réserve qu’il soit sous-amendé dans le sens suggéré par M. le rapporteur général. Un délai paraît en effet nécessaire pour que nous puissions disposer de chiffres cohérents.
J’ajoute à mes propos précédents que la pratique des inscriptions à l’ANPE, les définitions des statistiques et catégories concernant le chômage ne sont pas différentes en outre-mer. Alors, pourquoi les chiffres, publiés en septembre 2006, que j’évoquais tout à l’heure font-ils disparaître 220 000 chômeurs ? Parmi eux, 165 000 demandeurs d’emploi en fin de mois de catégorie 1 entrent pourtant dans la définition du BIT, ce qui ne laisse aucune place au doute.
(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 4, en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat :
Rapport, n° 62, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,
Avis, n° 61, de M. Dominique Tian, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
Avis, n° 59, de M. Jean-Charles Taugourdeau, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,
Avis, n° 58, de M. Sébastien Huyghe, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton